Conduites socioéconomiques des acteurs locaux en temps de crise en RCA. Cas de la commune de Pissa.par Octave MOLAMBO GBESSOUA MBOUTOUMA Université de Douala (Cameroun) - Master en sociologie économique 2017 |
6.8. La gestion des temps sociauxLa question de la gestion des temps sociaux en milieu rural centrafricain fait recours à plusieurs variables ; celles-ci peuvent être économiques et/ou sociales (construction des identités). La gestion du temps social dans la commune de Pissa est scindée entre le (temps domestique et le temps du travail (travaux agricoles et activités commerciales). Cette situation est encore plus prépondérante pendant les périodes de récolte et les week-ends dans ce sens qu'il faut parcourir des kilomètres vers le centre-ville de Pissa ou encore dans les villages qui bordent le long de la Nationale n°6 dont le marché est permanent. Mais lorsqu'il est périodique dans certains villages de ladite commune, il faut acheminer les vivres des champs vers les espaces indiqués pour la vente. Ces champs se sont de plus en plus éloignés des villages à cause des changements climatiques. Aborder donc la problématique des temps induit forcement à l'interpellation de l'espace du travail agricole et domestique. Ces deux concepts interdépendants analysent et facilitent la lecture du lien social marchand, ainsi que la construction des identités. C'est pour cette raison que, « les espaces et les temps constituent un maillon essentiel de la sociologiedu travail, car l'activité économique y est assujettie » (DUBAR et ROLLE, 1991)44(*). Si les temps sont perçus de façon plus stricte et formalisés par ces auteurs précédemment cités, il n'en demeure pas moins qu'une autre lecture contraire doit être faite lorsqu'il s'agit des activités informelles. Car dans la gestion des temps, les acteurs locaux s'inscrivent dans les activités informelles dont la durée impacte significativement le temps du travail pour les acteurs locaux qui travaillent en même temps dans le secteur privé et étatique dans la commune de Pissa. Dans ce sens, « les espaces et les temps sont construits localement, vécus, perçus et appréhendés par les collectifs eux-mêmes » (EKOMO, TEFE et YOMB 2015)45(*). Les acteurs locaux construisent localement leurs temps sociaux afin de mieux pratiquer les différentes activités auxquelles ils sont attachés. Les temps sociaux dans la commune de Pissa sont repartis entre les acteurs locaux de la commune de Pissa c'est-à-dire entre les hommes, les femmes et les enfants. Dans les activités agricoles certaines tâches difficiles sont assignées à l'homme qui se trouvent être l'acteur majeur et fort de la famille, « J'ai le devoir de défricher mon champ de labourer la terre avant que ma femme et mes enfants viennent m'aider à semer et désherber de temps en temps, avoue un enquêté » (entretien réalisé àBoyali). Par ce type de déclarationnous pouvons comprendre la division du travail social dans cette commune qui tient comptede toutes les couches sociales. Certaines catégories des acteurs locaux masculins qui ont pour activité principale le travail administratif ou technique dans les sociétés forestières se retrouvent aussi dans les activités agricoles. Ceux-ci s'organisent à passer les après-midi ou les week-ends dans les champs qui constituent un appui considérable pour l'alimentation de sa famille ou encore source de revenus financière par la vente des produits agricoles. Les femmes ont le plus souvent la responsabilité de la propreté dans les champs et la récolte des produits agricoles. La commune de Pissa une des principales communes productrices du manioc séché, cette tâche se trouve être une principale tâche des activités qui est associée aux acteurs locaux féminins. C'est ainsi les temps sociaux des femmes se trouvent partagées entre les travaux agricoles, activités commerciales et les travaux ménagers. Cette répartition des tâches n'occulte pas la participation des enfants qui est considérée comme une aide infaillible dans les travaux champêtres « je pars au champ avec mes parents lorsque je suis en vacances pour les aider, soit lorsque je fais les cours du soir ».(entretien réalisé à SABE avec un élève du CE2).Cette participation des enfants dans le travail social dans la commune bien que constitue la construction d'une identité locale, mais apparait aussi comme un obstacle à la scolarisation de cette jeune génération « Parfois, je n'ai même pas le temps d'apprendre ! Il faut aller puiser de l'eau chaque matin avant d'aller en classe. Il faut parfois faire plusieurs tours au forage ou au puits. Quand je rentre de là, il faut laver les assiettes et d'autres travaux à la maison. Difficile de réviser mes leçons avant d'aller en classe »(entretien avec une élève du CM2 à BERENGO). En somme la gestion des temps sociaux dans le milieu social centrafricain et particulièrement dans la commune est une construction propre des acteurs locaux selon les besoins de ladite commune. Bien qu'elle permet une bonne division du travail entre tous les acteurs en présence, elle impacte sur la scolarisation des jeunes scolarisés et constitue une des causes de la déperdition scolaire en RCA et en milieu rural. Tableau n°6 : description de la gestion et construction des temps sociaux
Source: Notre enquête et (améliorer de) Yomb (2015)46(*)Au regard du tableau ci-dessus, il ressort que le temps social en milieu rural en général et dans les espaces de notre recherche restent élastiques et donc dynamiques. Les temps domestiques et de travail sont non institués et évoluent en fonction de l'activité et des objectifs fixés par ceux qui sont censés contrôler le déroulement du travail. Cette élasticité du temps a pour conséquence immédiate d'une part l'augmentation des productions agricoles et d'autre part occasionne les retards observés des élèves dans leurs institutions respectives avec le risque d'être puni. La gestion du temps social est définie par chaque acteur local selon ces prioritésd'abord avant de mesurer l'impact de son action sur son milieu naturel. Cette définition personnelle du temps de travail permet `implication des fonctionnaires ou des élèves dans les activités socioéconomiques (agriculture, élevages de caprins et porcins) ou encore le activités commerciales (ventes des produits agricoles dans les marchés des villages), le ramassage des produits saisonniers tels que : les champignons, les chenilles, les fruits saisonniers etc. c'est ainsi que nous pouvons constater que les temps sociaux sont multiples et que les représentations divers et caractérisent chaque milieu : « Les comportements sociaux des populations, dans les pays en développement, reflètent très souvent une conception plus souple et moins rigoureuse du temps (faible précision de l'heure, forte tolérance du retard, tendance à l'improvisation » (Kamdem, 1986). Au vu des observations du terrain, les acteurs accordent plus souvent du temps aux activités agricoles. Même les fonctionnaires de la commune de Pissa car ils y trouvent un moyen de pallier aux mauvaises conditions de vie et des retards de salaires. L'implication des élèves et fonctionnaires dans les activités agricoles devient alarmante pendant les périodes de récolte. Car ces produits constituent une source de revenu leurs permettant de subvenir aux besoins des membres de la famille voire de s'acquitter des redevances scolaires des enfants (élèves). Les temps sociaux dans notre espace d'étude loin d'être limités dans le temps (une durée journalière de travail exemple : 2 heure ou 3 heure du temps), ils sont repartis par taches ce qui permet à chaque acteur local (membre de famille) d'assumer la tâche qui lui est assigner journalièrement « J'ai le devoir de défricher mon champ de labourer la terre avant que ma femme et mes enfants viennent m'aider à semer et désherber de temps en temps, avoue un enquêté » (entretien réalisé àBoyali). Dans cette gestion du temps social des élèves de notre zone d'étude de fois avancent tout doucement vers la déperdition et devient des acteurs majeurs de la socioéconomie dans les diverses activités locales : pêches, agriculture, élevages, chasse, artisanat etc. en somme la gestion du temps social est spécifique à chaque communauté et dépend aussi de l'engagement des acteurs locaux dans les activités socioéconomiques. Bien que ce temps social peut favoriser l'accroissement socioéconomique mais peut aussi entrainer la déperdition scolaire des jeunes acteurs impliqués dans les activités socioéconomiques. * 44 Dubar C., (1991), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris Armand colin * 45Ekomo, Tefe et Yomb., (2015), « la dynamique des temps sociaux dans les marchés alternatifs urbains au Cameroun » dans MUTIBE, larevue pluridisciplinaire et semestrielle de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Douala, vol, N06 de 2015. pp268- 298 * 46Yomb., (2015), ?la socioéconomie des activités agricolesdans la scolarisation en milieu rural camerounais : cas de l'arrondissement de Bot-Makak |
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