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Protection juridique des personnes vulnérables au Niger.


par Abdou Taher
Université d'Abomey-Calavi - Master 2 en droit et institutions judiciaires 2017
  

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B - Leslacunes organiques

Malgré l'effort consenti, le système organisationnel nigérien reste encore lacunaire. Le système suivant lequel les Cours et Tribunaux sont organisés au Niger constitue des facteurs qui limitent sérieusement la protection des droits fondamentaux. C'estainsi que les modalités de l'installation géographique de ces juridictions sur le territoire national a eu pour conséquence de rendre la justice peu accessible à la majorité de citoyens.

Au Niger, comme un peu partout en Afrique, la justice se trouve éloignée des justiciables261(*). En effet les juridictions se trouvent en majorité concentré dans la capitale et dans les principaux centres urbains. Cette situation place du coup, les populations dans l'obligation de parcourir des centaines voire des milliers de Kilomètres avant de pouvoir espérer saisir le juge. Plusieurs localités ne disposent pas encore de juridictions.

En outre, le département d'État des États Unis explique dans le rapport sur la traite des personnes au Niger, les victimes de la traite n'ont pas accès à la justice car elles sont souvent mal informées sur leurs droits et manquent des capacités et ressources financières nécessaires au déclenchement d'action légale contre ceux qui les exploitent262(*). Ce rapport ajoute que les affaires de traite pendantes devant les tribunaux n'ont connu aucun progrès en 2016 et que les ONG ont critiqué cette insuffisance liée à la lenteur des poursuites judiciaires en la matière263(*).Malgré tout, peu d'agresseurs sont poursuivis devant la justice264(*).

Les obstacles au jugement liés au traitement des affaires qui se déroulent souvent dans la sphère privée, loin de tout témoin en dehors de la famille et l'alerte tardive. Le certificat médical exigé comme pièce maitresse, alors que la femme victime a parfois énormément de difficulté à faire face au coût265(*). Il est à noter que la méconnaissance des différents contours des violences faites aux femmes et aux jeunes filles par les structures judiciaires et extrajudiciaires266(*), la non existence ou la faiblesse des dispositifs d'accompagnement267(*).

L'impunité institutionnalisée à travers la notion de « puissance maritale », qui est souvent assimilée à l'autorité et à l'exercice de sévices corporels, au pouvoir conféré à l'homme de redresser les torts de son épouse au Niger268(*). La faible vulgarisation des textes de lois qui protègent les femmes en générale et les victimes en particulier. Le faible accès des femmes à la justice269(*), combiné à l'inefficacité de l'application des lois270(*), et l'exécution des décisions de justice font que le dispositif intentionnel demeure encore lacunaire.

Par ailleurs, il faut souligner les obstacles amputables aux acteurs de la société civile avec l'absence d'étude sur les violences faites aux personnes vulnérables pose un sérieux problème aux organisations de la société civile271(*).

En outre, certainsorganes supranationaux, notamment la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples n'offre pas une protection efficace aux victimes. En effet, la question de l'accès des individus voire des ONG à la Cour suscite beaucoup d'inquiétudes quant au recule qui la caractérise. En plus des conditions prévues à l'article 34 du protocole deOuagadougou de 1998, une condition supplémentaire vient corseter la possibilité de la saisine de la Cour par les individus et les ONG. Cette fameuse condition se trouve à l'alinéa 6 de l'article 34 du protocole de Ouagadougou, qui prévoit qu'un État partie peut, au moment de la signature, du dépôt de l'instrument de ratification ou d'adhésion ou à toute autre période après entrée en vigueur du protocole, faire une déclaration acceptant la compétence contentieuse de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des personnes physiques et ONG accrédité de l'Union272(*). A défaut de cette acceptation de compétence, la saisine de la Cour ne peut être envisagée par des individus et les ONG accrédité par l'Union273(*).

Il est regrettable à ce niveau que les États n'aient pas ouvert la possibilité aux individus et ONG de saisir directement la Cour à l'image de la Cour de justice de la CEDEAOet de la Cour européenne des droits de l'homme. S'agissant de la Cour de justice de la CEDEAO, sa spécifique repose sur une saisine directe qui n'exige pas que les voies de recours internes soient été épuisées pour qu'une plainte soit puisse être recevable274(*).

Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, conformément à l'article 34275(*), de la convention européenne des droits de l'Homme276(*), elle a compétence pour recevoir des requêtes individuelles obligatoires et cette compétence vaut pour les États parties, sans exiger une déclaration de reconnaissance de cette compétence contentieuse.

En somme, on s'aperçoit que la saisine de la cour par les individus et les ONG accréditées est réduite et soumise au bon vouloir des États277(*), qui décident ou non de faire une déclaration d'acceptation de la compétence contentieuse de la cour pour permettre à ces derniers de porter une affaire devant la Cour278(*).

En outre, il faut souligner l'intervention tardive de certaines agences internationales, notamment l'UNICEF, pour n'avoir pas su développer les programmes d'intervention prenant en compte la responsabilisation progressive et définitive des États en ce qui concerne la protection effective des enfants vulnérables, aussi pour avoir fait le choix de financer des projets à court terme des ONG279(*). A mis chemin des insuffisances objectives, se trouve celles subjectives.

* 261 Il s'agit d'un éloignement matériel qui ne profite pas aux personnes vulnérables, en ce sens que l'installation des Cours et Tribunaux met la justice en dehors de la portée des justiciables.

* 262 Voir rapport Global de Suivi, op, cit., p. 34.

* 263Ibidem

* 264 Voir rapport Global de Suivi, op, cit., p. 11.

* 265 Cf. OdileNdoumbéFAYE, op, cit.,, p. 61.

* 266Ibid., p.59.

* 267 Notamment, des structures d'accompagnement psychologique, économique des victimes et d'évaluation du préjudice.

* 268 Cf. OdileNdoumbé FAYE, op, cit., p. 59.

* 269Idem.

* 270 Le Code penal et le Code civil

* 271 Cf. OdileNdoumbéFAYE, op, cit.,p. 64

* 272Cette disposition de saisine figure aussi à l'article 36 alinéas 4 du protocole portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

* 273SaidouNOUROUTALL, op. cit., p. 389.

* 274 Voir pour une application : cour de justice CEDEAO, MANI Hadidjatou c. Niger, arrêt du 27 octobre 2008, ECW/CCJ/JUD/06/2008.

* 275LaCour « peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui prétend victime d'une violation d'une violation par l'une des hautes parties contractantes des droits reconnus dans la convention ou ses protocoles »

* 276 Adoptée le 04 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953.

* 277 On ne peut que regretter que le statut de la Cour africain de justice des droits de l'homme et des peuples n'autorise les individus et les ONG à saisir directement la cour que moyennant autorisation préalable des Etats. Cette condition restreint considérablement la portée de la protection accordée aux personnes vulnérables et empêche de lutter efficacement contre l'impunité. Le législateur de la Cour africaine aurait dû s'inspirer de la technique déployée par le législateur de la Cour interaméricaine des droits de l'homme en matière de compétence personae. En effet, cette Cour exerce sa compétence tant à l'égard des pétitions individuelles que des communications interétatiques qui lui sont déférés par la commission. Le système contentieux interaméricain repose sur un mécanisme en deux étapes qui oblige le pétitionnaire à saisir la commission interaméricaine qui, en cas d'échec de cette première phase de la procédure, transfert le cas à la Cour interaméricaine.

* 278 Il faut déplorer que les États africains ont su avec habilité verrouiller l'accès à la Cour aux individus et ONG qui constituent d'ailleurs les boucliers ou requérants principaux en matière de protection des droits de l'hommes.

* 279SakinatouBELLO, op.cit., p.212.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote