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La réglementation CEMAC relative à  la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Etude du cas des personnes politiquement exposées.


par HINASSOU MAHAMAT
Université de Dschang - Master 2 recherche en Droit des Affaires et de l'Entreprise. 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ UNIVERSITY

ÉCOLE

UNITÉ DE FORMATION TRAINING

DSCHANG SCHOOL OF

 

DE DSCHANG OF DSCHANG

SCHOOL

DE RECHERCHE

UNIT

POLITICAL SCIENCE

 

POST CRADUATE DOCTORALE ET AND RESEARCH LAW AND

LA RÉGLEMENTATION CEMAC RELATIVE À LA

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE
FINANCEMENT DU TERRORISME : ÉTUDE DU CAS DES
PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES

Mémoire présenté

Option :

et soutenu en vue Filière : Recherche

de l'obtention et de l'Entreprise

DE

Rachel de droit,

de Dschang

du Master

Droit des Affaires PRESENTÉ PAR HINASSOU en Droit des Affaires : CM-UDS-19SJP0641 LA DIRECTION ELONGO Yvette des facultés titulaire/ FSJP-Université MAHAMAT

Maitrise

Pr. KALIEU

Agrégée

MATRICULE

SOUS

Professeur

Août 2020

 
 

AVERTISSEMENT

i

« L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire, celles-ci doivent être considérées comme propres à leur

auteur ».

DÉDICACE

ii

À mes parents, mon défunt père ABDOULAYE HINASSOU WAGA qui m'a tout donné et n'a rien reçu de moi en retour et ma mère ZENABA CHABO pour tous ses sacrifices et son amour,

À mon oncle HINSOU HARA qui a toujours été comme un père pour moi et pour tout ce qu'il a fait et continue de faire pour moi,

Et,

À toute ma grande famille pour son soutien,

Je dédie ce travail.

REMERCIEMENTS

iii

Au moment où j'achève ce travail, je voudrais exprimer mes chaleureux remerciements à l'endroit de tous ceux qui ont, de près ou de loin, contribué à sa réalisation.

Mes remerciements s'adressent tout d'abord à tous les enseignants des Facultés des Sciences Juridiques et Politiques des Universités de Ngaoundéré et de Dschang pour la formation que j'ai reçue.

Un remerciement particulier et toute ma gratitude au Professeur KALIEU ELONGO Yvette Rachel, pour toute sa rigueur, sa disponibilité et son encouragement dans la conduite de mes premiers pas sur le terrain de la recherche.

Aux Professeurs MODI KOKO BEBEY et Brigitte CHATUE, respectivement Doyen de la Faculté et Coordinatrice du Master 2 Droit des Affaires, pour la qualité de la formation. Au Docteur NGAPA Théophile, pour la documentation et les riches échanges.

À tous les Doctorants de l'Amical des étudiants tchadiens chercheurs en droit à l'Université de Dschang, pour l'accompagnement et les divers conseils.

À mes camarades de promotion, parce qu'ils ont eu beaucoup d'intérêt à discuter avec moi sur ce travail.

À mes chers grands frères et amis BAIDASSOU SOUKOLGUE Christian et le Magistrat GUIBOLO FANGA Mathieu, pour m'avoir orienté sur le champ du Droit des Affaires, pour toute leur simplicité à mon égard et leurs nombreux encouragements et soutiens.

À ma famille du Cameroun, notamment ma cousine FAMANOU Pauline et son époux TEODASSOU MOUTCHIA, ma tante ZARA HARA et mon oncle DJIMET CHABO, pour tout ce qu'ils ont fait pour moi pendant tout mon cursus académique.

À mademoiselle VOULANIA Nicole Carine, pour son amour et son assistance pendant toutes ces années et son encouragement tout au long de ce travail.

À mes cousins SOULEYMANE HASSAN HARA, ZAKARIA HARA, DJIBERSOU IDRISS, ADOUM SAMVAISSOU et mes cousines MAIMOUNA MAHAMAT GOLO, SAADIA HARA et FATOUMA HARA, pour leurs divers encouragements.

À mes chers amis ADOUM LANGSOUNA, HAROUN NGARBIO OUMAR, GOLONGA Daniel, LAOUNA MOUNOUNA Valentin, MAYAGO SALAMASSOU, ADOUMBI Aimé, NASSOUR HINANSOU MAHAMAT, SOBDIBE MALLAYE, IDRISS BARKAI, ZOULLAH JEAN Emmanuel, KENGNE NGOUENET Victor, TCHAWA DAYANG Charles et SOUSSIA BOUM BLAGUÉ, pour leurs encouragements respectifs.

Et à bien d'autres personnes dont les noms n'ont pas pu être cités ici.

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

iv

Al. : Alinéa.

ANIF : Agence Nationale d'Investigation Financière.

Art. : Article.

BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale.

BC/FT : Blanchiment des capitaux et Financement du terrorisme.

C.A. : Cour d'Appel

Cass. Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation française

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

Cf. : Confère

CLAB : Comité de Liaison Anti-Blanchiment de la Zone Franc

COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale

DIR : Sous la direction de.

GABAC : Groupe d'Action Contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale

GAFI : Groupe d'Action Financière

GIABA : Groupe Intergouvernemental d'Action Contre le Blanchiment d'argent

en Afrique de l'ouest

Ibidem : Dans le même ouvrage/ dans le même passage.

LBC/FT : Lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.

ONU : Organisation des Nations Unies

Para. : Paragraphe

Op.cit. : Opere Citato (dans l'oeuvre précitée)

P. /PP. : Page/Pages

Sect. : Section

T.I.C : Technologie de l'Information et de la Communication

TRACFIN : Traitement du Renseignement et Action Contre les Circuits Financiers

Clandestin (service de).

UEMAO : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest.

UMAC : Union Monétaire de l'Afrique Centrale.

V. : Voir.

RESUMÉ

v

La criminalité financière a pris de l'ampleur dans le monde et des personnes peuvent se servir des pouvoirs que leur octroient les fonctions qu'elles occupent pour dissimuler les activités criminelles auxquelles elles se livrent. Conscients de ce fait, les organismes internationaux de lutte anti-blanchiment ont institué une lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les personnes exerçant ou ayant exercé d'importantes fonctions publiques, dites Personnes Politiquement Exposées (PPE). La Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) a hissé sa réglementation à ces normes internationales. Il importe cependant, de savoir si la législation CEMAC permet de lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE ? Cette efficacité de la lutte anti-blanchiment à l'égard de ces dernières est relative et se joue pour l'essentiel au niveau préventif. Car, les personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment ont de ce fait l'obligation de déterminer, après identification, si leur client relève de la catégorie des PPE ; auquel cas, elles devront observer les mesures de vigilance renforcée à leur égard. Elles devront par la suite faire une déclaration de soupçon à l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF) en cas d'anomalies et s'en suivront éventuellement des sanctions pénales. Cependant, des nombreux facteurs, à l'instar des failles dans le système financier, le laxisme de la réglementation dans les paradis fiscaux et les immunités et privilèges accordés à certaines personnalités, constituent des entraves à l'effectivité de la lutte anti-blanchiment à l'égard des PPE. Aussi, le législateur communautaire semble perdre de vue certaines personnalités ayant un risque accru de corruption, de détournement et de blanchiment qu'il faut y inclure dans la notion des PPE, ainsi que redéfinir la notion de membres de famille pour une effectivité du dispositif anti-blanchiment à l'égard des PPE, et cela passe aussi par une bonne tenue des registres d'état civil.

Mots clés :

Réglementation - CEMAC - Blanchiment des capitaux - Financement du terrorisme - Personnes Politiquement Exposées.

ABSTRACT

vi

Financial crime has grown around the world and persons can use the powers conferred on them by their positions to cover up the criminal activities they are engaged in. Aware of this fact, international anti-money laundering bodies have instituted a fight against money laundering and the financing of terrorism binding persons exercising or exerted significant public functions, known as politically exposed persons (PEPs). The Economic and Monetary Community of Central Africa (EMCCA) has brought its regulations into line with these international standards. However, it is important whether EMCCA legislation it possible to effectively fight against the money laundering and financing of terrorism binding PEPs? This effectiveness of anti-money laundering with respect to these is relative and is mostly precanced. For, persons subject to the anti-money laundering system have the obliged to determine, after identification, whether their client falls into the category of PEPs; in which case, they must observe towards them the enhanced vigilance measures. They will then have to make a suspicious transaction report to the National Financial Investigation Agency (NFIA) in the event of anomalies and may be subject to criminal sanctions. However, numerous factors, such as loopholes in the financial system, lax regulations in tax havens and the immunities and privileges granted to certain personalities, constitute obstacles to the effectiveness of the fight against money laundering with regard to PEPs. Also, the Community legislator seems to be losing sight of certain personalities with an increased risk of corruption, embezzlement and money laundering that must be included in the concept of PEPs, as well as redefining the concept of family members in order for the anti-money laundering system to be effective with regard to PEPs, and this also requires proper keeping of civil status registers.

Key words:

Regulation - EMCCA- Money laundering - Financing of terrorism - Politically Exposed Persons.

SOMMAIRE

vii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT A L'ÉGARD DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN

GAGE D'EFFICACITÉ 9
CHAPITRE I : L'ASSUJETTISSEMENT DES PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES

CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME 11

SECTION I : L'obligation générale de vigilance 11

SECTION II : L'obligation de déclaration des opérations suspectes 17

CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX CLIENTS RÉLEVANT DE LA

CATÉGORIE DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES 27

SECTION I : La détermination des clients relevant de la catégorie des PPE 27

SECTION II : Les obligations de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE 38

PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES PERSONNES

POLITIQUEMENT EXPOSÉES 49
CHAPITRE I : L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE BLANCHIMENT

DES CAPITAUX ET LE SYSTEME FINANCIER 51
SECTION I : La facilitation du blanchiment des capitaux par certains mécanismes financiers51 SECTION II : L'éventuelle participation des organismes financiers aux activités de

blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme 66
CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME LIÉS

AUX PPE 72
SECTION I : Les limites à la lutte anti-blanchiment rattachées à la qualité de certaines PPE 72

SECTION II : Les limites juridiques liées à certaines opérations 84

CONCLUSION GÉNÉRALE 92

ANNEXES 93

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

2

Le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont des fléaux qui constituent une véritable menace pour l'économie mondiale1. En effet, les délinquants développent de jour en jour des techniques et moyens qui leur permettent de contourner le système de prévention et de détection de la criminalité financière pour parvenir à leur fin. En allant au-delà de leurs frontières, faisant ainsi du BC/FT des phénomènes transfrontaliers. Ce caractère transfrontalier de la criminalité financière organisée2, permet aux délinquants de se déplacer librement d'un pays à un autre pour y trouver refuge, échappant ainsi à toute punition.

De l'argent sale provenant de la vente des stupéfiants et des organes humains, ainsi que de la corruption pourrait facilement être introduit dans le circuit économique normal. En plus de ces activités évoqués s'ajoutent d'autres phénomènes tels que le travail forcé, l'exploitation sexuelle, mais aussi et surtout le trafic des ossements humains qui monte en puissance sur le continent africain comme le montre les nombreux cas de suspicion çà et là enregistrés au cours de l'année 20193.

D'après les estimations récentes de l'Organisation des Nations Unies (ONU), les produits d'activités criminelles blanchis chaque année représentent 2 à 5% du PIB mondial, soit 1.600 à 4.000 milliards de dollars par an4 (environ 888.304 à 2.220.760 milliards de francs CFA).

Toutefois, le Groupe d'Action Financière (GAFI)5, dans sa mission de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que la prolifération au niveau international, ne cesse de mettre à jour ses Recommandations, qui sont pour la plupart transposées dans les Règlements de la CEMAC, pour une lutte plus efficace.

1 NGAPA (T), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2016, p. 1.

2Selon l'art. 2 (a) de la Convention de Nations Unies contre la criminalité transfrontalière organisée, le « «groupe criminel organisé» désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ; »

3 Informations consultées sur www.bbc.com, www.coupsfrancs.com et www.jeuneafrique.com. Notamment sur le cas d'interpellation et d'arrêt des suspects à Bertoua ainsi que celui arrêté au Bangladesh pour trafic des ossements humains, le 10 décembre 2019 à 13h 04mn.

4 WEEKS-BROWN (R.), « Halte au blanchiment (Les pays redoublent d'efforts contre l'argent sale) », In Finances & Développement, décembre 2018, p. 44-45. Disponible sur www.imf.org, consulté le 07 août 2020.

5 Le GAFI fut créé à Paris lors du sommet du G7 en 1989. Il a pour objectif entre autre de maitriser et d'éclairer sur l'ampleur et l'évolution de l'argent sale et le blanchiment de capitaux au niveau mondial. A cela s'ajoute la mission de promouvoir et de concevoir des stratégies de lutte anti-blanchiment. A travers ses rapports qu'il publie chaque année, il évalue la situation, les progrès réalisés et ceux à faire dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il a édicté des nombreuses Recommandations qui sont révisées souvent pour les adapter à l'évolution du phénomène. S'agissant de la notion des personnes politiquement exposées, la Recommandation en vigueur est celle du février 2012 ; Recommandation 12.

3

Le continent africain en général n'échappe pas à ce phénomène qui s'est vite internationalisé, ni même la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC. Comme le prouve d'ailleurs le rapport annuel de 2016 du Comité de Liaison anti-blanchiment de la zone franc (CLAB), faisant état dans la zone CEMAC de 717 déclarations de soupçons enregistrées dont 103 dossiers transmis aux autorités judiciaires6. D'où la nécessité pour les Etats concernés d'oeuvrer à la répression et l'éradication de ce phénomène en neutralisant les moyens et techniques qui permettent aux criminels de tous ordres de dissimuler l'origine des fonds dont-ils sont titulaires et de soutenir des entreprises terroristes. Pour cela, les Etats sont appelés à coordonner leurs efforts pour combattre efficacement ce phénomène.

C'est dans cette optique que les Etats de la CEMAC ont entamé cette lutte il y a plus d'une dizaine d'années, lutte qui se poursuit et se renforce sans relâche7. Pendant que les Etats renforcent les mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux, les criminels développent quant à eux des moyens et techniques à même de contourner la règlementation. C'est ainsi que l'on voit l'apparition des nouveaux acteurs du blanchiment parmi lesquels les personnes politiquement exposées (PPE).

Les personnes politiquement exposées ont un risque accru de corruption et par là de blanchiment voire de financement du terrorisme. Il importe ici d'apporter quelques clarifications sur ces concepts.

A cet effet, le blanchiment des capitaux s'entend comme le fait de dissimuler la provenance d'argent ou des biens acquis de manière illégale afin de le réinvestir dans des activités légales8. Pour Chantal CUTAJAR, « le blanchiment est un processus dont la finalité est de faire disparaître l'origine de fonds, obtenus au moyen de la commission d'infractions

6 Rapport annuel du CLAB 2016.

7 KALIEU ELONGO (Y.R), « Le nouveau Règlement CEMAC du 11 avril 2016 portant Prévention et Répression du Blanchiment des capitaux et du Financement du Terrorisme et la Prolifération », 25 août 2016, disponible sur www.kalieu-elongo.com consulté le 08 décembre 2019 à 21h 45mn.

8 Aux termes de l'article 8 du Règlement CEMAC de 2016, « est constitutif de blanchiment des capitaux, l'un des agissements ci-après commis intentionnellement :

a) la conversation ou le transfert de biens, par toute personne qui sait que ces biens proviennent d'une activité criminelle ou d'une participation à une activité criminelle dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens, ou d'aider toute personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

b) la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement de la disposition, du mouvement ou de la propriété réelle de biens ou des droits y relatifs, par toute personne qui sait que ces biens proviennent d'une activité criminelle ou d'une participation à une activité criminelle ;

c) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens, dont celui qui s'y livre, sait au moment où il les réceptionne, que ces biens proviennent d'une activité criminelle ou d'une participation à une activité criminelle ;

d) la participation à l'un des actes visés aux point a), b) et c), le fait de s'associer pour le commettre, de tenter de le commettre, d'aider ou d'inciter quelqu'un à le commettre ou de le conseiller à cet effet, ou de faciliter l'exécution d'un tel acte. (...) »

4

pénales, pour les réinjecter dans l'économie légale et pouvoir ainsi en jouir en toute sécurité »9. Classiquement, le blanchiment se fait par trois étapes successives : la phase de placement (1) pendant laquelle les fonds d'origine criminelle sont introduits dans le système financier ; ensuite la phase d'empilement (2), durant laquelle les opérations sont multipliées afin de rendre difficile la traçabilité des fonds et enfin la phase de réintégration (3) qui consiste à intégrer les fonds blanchis dans l'économie légale en investissant dans divers secteurs.

Le Financement du Terrorisme pour sa part, s'entend comme la réunion des moyens et procédés nécessaires en vue de la réalisation d'agissements criminels10.

Quant à la notion de corruption, pour P. MONTIGNY, « la définir est un défi en soi. Car, la corruption prend des formes multiples et les auteurs développent sans cesse de nouvelles manières de corrompre et de couvrir leurs traces »11. Toutefois, au sens de la convention des Nations unies contre la corruption, celle-ci s'entend comme l'agissement par lequel une personne investie d'une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant, d'une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. La corruption implique donc la violation, par le coupable, des devoirs de sa charge et c'est dans ce sens que certains auteurs assimilent le détournement à la corruption.

De ce fait, la corruption est l'une des sources de produits illégaux. Et dès lors, il y'a clairement sinon forcément un lien entre la corruption et le blanchiment : la corruption vise l'obtention des avoirs illicites qui devront par après être investis dans l'économie légale12.

Ainsi, lutter contre le blanchiment des produits de la corruption c'est chercher à éviter que des individus s'accaparent à des fins personnelles, au détriment des États, du droit et des peuples, les richesses parfois considérables que leurs fonctions les mettent en situation de gérer13. A cet effet, la mise en place de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE constitue un moyen de lutter non seulement contre la

9 CUTAJAR (C.), « Blanchiment, Eléments constitutifs-répression », Jurisclasseur, Pén. des aff., Fasc. 20, n° 1.

10 Selon l'article 9 du règlement anti-blanchiment de la CEMAC de 2016, « est constitutif de financement du terrorisme, le fait pour toute personne physique ou morale, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, de fournir ou de réunir des fonds dans l'intention de les voir utilisés, ou en sachant qu'ils seront utilisés en tout ou partie soit :

a) en vue de la commission d'un ou des plusieurs actes terroristes tels que définis à l'article 1er alinéa 2-a) et b) ;

b) en vue de la commission, par une organisation terroriste, d'un ou de plusieurs actes terroristes ;

c) en vue de la commission d'un ou des plusieurs actes terroristes, par un terroriste ou un groupe de terroristes ;

d) en vue d'apporter un soutien à un terroriste ou un groupe de terroristes. (...)».

11 MONTIGNY (P.), L'entreprise face à la corruption, Édition Ellipses, Paris, 2006, p. 11.

12 Les Recommandations Révisées du Groupe d'Action Financière (GAFI), Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et la prolifération, 2012.

13 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Thèse de doctorat en droit, Université de Cergy-Pontoise, juin 2015, p. 172.

5

corruption et le détournement, mais aussi contre tout autre agissement criminel dont se livrent les hautes personnalités. Car, « qui frappe à la bourse frappe au coeur »14. Et ceci est plus qu'une nécessité pour les Etats émergents.

Le Professeur GNIMPIEBA TONNANG Edouard affirme d'ailleurs que « la lutte contre le blanchiment de capitaux est devenue, au niveau de la zone franc, un des critères multilatéraux de la bonne gouvernance et une clé de la bonne gestion publique »15. Cela trouve son explication dans un contexte de corruption et de détournement de deniers publics constant et l'avènement de nouveaux acteurs de blanchiment que sont les PPE, qui du fait du pouvoir et de l'autorité dont-elles sont investies, ont non seulement une certaine facilité mais aussi un risque accru de blanchiment et de financement du terrorisme.

Le concept « Personne Politiquement Exposée » est relativement récent ; il a vu le jour lors de l'affaire dite « Abacha ». En effet, à la fin des années 90, le dictateur nigérian Sani Abacha détourne des fonds publics à son profit. Des membres de sa famille, ainsi que ses proches associés, sont parties prenantes au détournement de ces fonds constitués, entre autres, d'aides au développement. Des milliards de dollars, conservés sur des comptes en banque au Royaume-Uni et en Suisse, ont été intercepté dans cette affaire. C'est ainsi que, la notion des « PPE » émerge dans le cadre de la procédure engagée par la Suisse auprès de dizaines d'institutions financières16. L'expression apparaît alors dans la Convention des Nations unies contre la corruption, en ses articles 14 sur les mesures visant à prévenir le blanchiment d'argent et 52 sur la prévention et la détection des transferts du produit du crime. Cette notion figure également dans les Recommandations du GAFI, telles qu'elles résultent de la révision de 2003 et a été reprise dans ses Recommandations de 2012.

La CEMAC, ne pouvant pas rester indifférente à ce phénomène de la criminalité financière, avait engagé pour sa part de lutte contre le BC/FT autour des années 2000. C'est ainsi que l'on a pu assister à la conférence des chefs d'Etat17 de la CEMAC à N'Djamena au Tchad en date de 14 décembre 2000, lors de laquelle, ils décidèrent de ne pas faire de la

14 BOLLE (P.H.), Revue International de criminologie et de police technique, cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Prévention et répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Droit com. Comparé CEMAC, Université de DSCHANG, 2006, p. 5.

15 GNIMPIEBA TONNANG (E.), Droit matériel et intégration sous-régionale en Afrique centrale (contribution à l'étude des mutations récentes du droit communautaire CEMAC), Thèse de doctorat en droit et financement du développement, Université de Nice-Sophia Antipolis, mars 2004. P. 196.

16 « Personnes Politiquement Exposées et corruption locale », article sans référence publié en août 2018, sur www.acamstoday.org . Consulté le 09 décembre 2019 à 23h 41mn.

17 Le 14 décembre 2000, les chefs d'Etat de la CEMAC, réunis pour la traditionnelle conférence, ont déclaré leur « volonté commune et solennelle de tout mettre en oeuvre pour lutter contre le blanchiment d'argent dans les Etats de la CEMAC par tous moyens appropriés à cette fin, en particulier l'adoption d'une législation harmonisée et la mise en place de structures spécialisées » (Cf. Déclaration de N'Djamena ; 14 décembre 2000).

6

CEMAC un espace de blanchiment d'argent sale en affirmant leur ferme volonté de lutter contre ce phénomène et créant au cours de la même séance le Groupe d'Action contre le Blanchiment en Afrique Centrale (GABAC)18.

Dans le même sillage, le législateur communautaire, conscient de la gravité des conséquences que peut causer la corruption aux Etats de la sous-région et de la fuite des capitaux que pourrait causer le blanchiment des capitaux initié par les PPE, inclus la notion des PPE dans son arsenal juridique. Ainsi, au sens du Règlement CEMAC de 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale, une `'Personne Politiquement Exposée» est une personne physique qui exerce ou qui a exercé d'importes fonctions publiques dans un Etats partie de la CEMAC, dans un Etat étranger ou au sein d'une Organisation Internationale créée par traité19.

Toutes ces considérations sus évoquées ont motivé le choix de la thématique qui fait l'objet de notre étude.

Le dispositif de lutte contre le BC/FT liant les PPE est d'une grande importance. En effet, les fonds faisant l'objet de blanchiment par les PPE, pour la plupart du temps sont issus de la corruption et/ou du détournement. Les PPE détournent à des fins personnelles des énormes sommes destinés au développement de leurs pays. De ce fait, « Les PPE font ainsi obstacle à l'impératif de moralisation de la vie publique et à l'exigence accrue de transparence vis-à-vis d'une société civile devenue d'autant plus vigilante que ces Hommes politiques prêchent la rigueur économique et fiscale »20. Et cela constitue un obstacle au développement économique de ces pays, d'autant qu'en général ces capitaux prennent la direction des pays qui favorise des agissements criminels.

Aussi, les PPE se livrent à d'autres activités illégales telles que le trafic des drogues, d'organes humains, la vente clandestine des armes..., et se cachent derrière les immunités et privilèges que leur octroient les fonctions qu'elles occupent pour blanchir les produits de ces activités et se livrent aussi au financement du terrorisme.

En pratique, le schéma des opérations de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme par des PPE correspond à la réalisation d'opérations comportant une dimension internationale. Les PPE peuvent réaliser elles-mêmes leurs opérations de blanchiment des

18 Crée par Acte Additionnel N°09/00/CEMAC-086/CCE du 14 décembre 2000 ; il a pour rôle de coordonner les stratégies de LBC/FT ainsi que de faciliter la coopération en la matière.

19 Cf. art. 1er point 55 du Règlement CEMAC de 2016.

20 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, janvier 2015, p. 144.

7

capitaux ou utiliser des intermédiaires pour effectuer les opérations pour leur compte (recours à des sociétés écrans, à des centres offshores et à des titulaires de professions non financières).

Cette thématique qui fait l'objet de notre analyse revêt un intérêt pluridimensionnel qui se veut à la fois théorique (scientifique) et pratique.

Sur le plan théorique (scientifique), ce thème permet d'élucider et d'apporter des précisions sur la réglementation CEMAC relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en général, et le cas des PPE en particulier en apportant des contributions sur les pistes et modalités de renforcement de l'assainissement, de la moralisation et de la bonne gouvernance à la charge des PPE.

Au plan pratique, cette étude offre des ressorts tant aux pouvoirs politiques, aux praticiens du droit (magistrats, avocats...), ainsi qu'aux investisseurs et institutions bancaires et financières dans leurs politiques, missions et obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Dans un contexte communautaire marqué par la corruption, le détournement de deniers publics et des abus d'autorité et de pouvoir, la question de la circulation des capitaux parait prégnante. Les risques de blanchiment et de financement du terrorisme en lien avec les PPE peuvent être accrus. Et ceci soulève de nombreuses interrogations, dont la plus pertinente que nous retenons dans le cadre de cette étude est celle de savoir si : la législation CEMAC permet de lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE ?

Il faut dire que cette efficacité de la lutte anti-blanchiment à l'égard des PPE est relative : si l'institution du dispositif anti-blanchiment à l'égard de ces dernières constitue un gage d'efficacité pour la lutte, les difficultés liées à l'application dudit dispositif amenuisent cette efficacité.

Conduire notre sujet nécessite l'utilisation de certains outils que sont les méthodes et techniques de recherche. Nous recourons essentiellement à la méthode juridique et exceptionnellement au droit étranger ou méthode de droit comparé. Pour ce qui des techniques, nous ferons recours aux techniques documentaire et d'entretien.

Par l'exégèse et la casuistique, nous essaieront dans la mesure du possible d'interpréter et d'analyser la règlementation CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme avec un focus sur les PPE ainsi qu'analyser les cas de blanchiment ayant liés des PPE. Aussi, nous ferons un tour d'horizons dans les législations internes de certains Etats de la CEMAC notamment le Cameroun, le Tchad et le Gabon pour

8

mener à bien notre étude. En recourant de façon exceptionnelle au droit étranger ou à la méthode de droit comparé, nous souligneront les vides ou manquements éventuels au niveau de la règlementation CEMAC qui pourraient être comblés par des textes d'autres pays ou horizons.

La technique documentaire nous permettra d'exploiter des ouvrages, des thèses, des mémoires, des articles et des rapports sur la question de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de manière générale, mais surtout la notion des PPE de façon particulière. Et la technique d'entretien nous permettra de confronter les appréhensions théoriques à la réalité du terrain.

Nous nous proposons alors dans cette étude, de montrer à travers l'analyse que l'institution du dispositif anti-blanchiment à l'égard des PPE constitue un gage d'efficacité pour la LBC/FT liant ces-dernières (PARTIE I), mais nous relèverons aussi que cette efficacité est remise en question par les obstacles à la mise en oeuvre dudit dispositif (PARTIE II).

PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-
BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN
GAGE D'EFFICACITÉ

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Comme nous l'avons souligné plus haut, la criminalité financière a pris de l'ampleur dans le monde, car les criminels de tous genres développent et utilisent des moyens divers pour échapper aux autorités. Les délinquants utilisent leur connaissance et se servent des progrès technologiques pour parvenir à leur fin, contournant ainsi les moyens de prévention et échappent à toute punition. Cette criminalité financière ainsi développée sévit au-delà des frontières d'un seul Etat et acquière un caractère transfrontalier. De ce fait, elle utilise des moyens divers pour parvenir à ses fins. Pour lutter efficacement contre cette dernière, les Etats doivent utiliser des moyens similaires pour non seulement la prévenir, mais aussi pour l'éradiquer.

Des biens ou de l'argent provenant de la vente des drogues, des traites d'êtres humains, de la corruption et du détournement pourrait être introduit dans le système financier légal ou utilisé à des fins terroristes.

La corruption et le détournement de deniers publics sont des maux qui minent les Etats en développement. La fuite des capitaux vers l'extérieur est un véritable frein au développement car, les fonds provenant de la corruption ou du détournement ne pouvant pas être directement investis dans l'économie légale, font l'objet de blanchiment, et dans la plupart des cas, ils vont en direction de l'occident.

Les PPE étant des personnes à risque élevé de corruption, de détournement et par là de blanchiment, pour lutter efficacement contre les agissements dont elles pourraient se rendre coupables et dans un souci d'assainissement de la vie public21, le législateur communautaire CEMAC a institué un dispositif qui impose aux professionnels assujettis des obligations spécifiques qu'ils doivent observer à l'égard des clients PPE (Chapitre 2). L'édiction des mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE ne fait pas préjudice aux obligations générales de vigilance (Chapitre 1) en matière de lutte anti-blanchiment dont les assujettis sont également tenus d'observer à l'égard de tout client.

21 Egalement, dans un souci d'intégrer et d'adhérer aux normes et standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme liant les PPE.

CHAPITRE I : L'ASSUJETTISSEMENT DES
PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES DE
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE
FINANCEMENT DU TERRORISME

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Le blanchiment des capitaux est une infraction de conséquence, qui, pour être constituée nécessite l'exigence d'une infraction « en amont » qui peut être entre autres, le trafic illégal des drogues, d'organes humains, la prostitution, le proxénétisme, la corruption et le détournement.

Ainsi, l'efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme repose sur les instruments juridiques. Le législateur communautaire ne voulant pas faire de la zone CEMAC l'apanage de ces fléaux, a édicté une règlementation sévère à l'égard des professionnels assujettis.

À cet effet, à la lecture des textes communautaires relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, nous nous rendons compte que les professionnels sont soumis à une obligation générale de vigilance (Section 1) qui se solde par une obligation de déclaration (Section 2) en cas de suspicion sur les opérations de leur clientèle.

SECTION I : L'obligation générale de vigilance

Les obligations de vigilance et de diligence consistent « pour le professionnel assujetti à identifier ses clients et à bien les connaître tout au long de leur relation, à suivre les opérations qu'ils conduisent pour apprécier leur cohérence et leur logique économique, à procéder à un examen particulier des opérations douteuses, à demander des renseignements sur ces opérations quant à leurs origine et finalité et à garder ces informations écrites à la seule disposition »22 des autorités judiciaires.

Dans le souci de minimiser les risques d'utilisation des facilités de la globalisation par les criminels, les autorités de poursuite doivent alors compter sur la diligence des professionnels

22 MATSOPOULOU (H.) et MASCALA (C.) (Dir.), Droit pénal des affaires, Lamy, 2014, n° 1261, cité par NGAPA (T), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op. Cit. p. 248.

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assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux qui en constituent l'un des maillons essentiels et interviennent à différentes étapes23.

C'est ainsi que ces professionnels sont soumis aux mesures préventives de la lutte contre la criminalité financière organisée. Ils ont à cet effet, l'obligation de connaissance de la clientèle (Paragraphe 1) et l'obligation de surveillance particulière à l'égard de certaines opérations (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'obligation de connaissance de la clientèle

Les assujettis doivent connaitre leur client pour pouvoir s'il en était besoin d'être à même de produire aux autorités compétentes des informations nécessaires sur ce dernier. Pour cela, les assujettis doivent les identifier (A) et en conserver les documents ou pièces (B).

A - L'obligation d'identification des clients

« Know your Customer » en anglais signifiant « connais ton client » est le sens de l'obligation d'identification des clients24. Car, les organismes assujettis à la vigilance financière doivent s'assurer, avant de nouer une relation d'affaire25 ou d'assister un client habituel ou occasionnel dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, de l'identité de leurs cocontractants26. Cette obligation contenue dans la recommandation 10 du GAFI de février 2012 concerne tant le client que le bénéficiaire économique27. Elle est posée par les articles 4 à 16 du Règlement COBAC de 2005 et 29 à 34 du Règlement CEMAC de 2016.

À la lecture de ces dispositions communautaires, il est prévu deux méthodes d'identification : des méthodes générales (1) et des méthodes particulières d'identification (2).

23 NGAPA (T), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op. Cit. p. 235.

24 Ce contrôle d'identité des clients a, selon certains auteurs, été le premier instrument juridique mis en place dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. En ceci qu'il permet d'empêcher l'anonymat des financiers du crime en bloquant leurs opérations.

25 La relation d'affaires est « une situation dans laquelle une personne visée à l'article 7 du présent Règlement, engage une relation professionnelle ou commerciale qui est censée, au moment où le contact est établi, s'inscrire dans une certaine durée » (Cf. point 60 de l'art. 1er du Règlement CEMAC de 2016).

26 NGUIFFEU TAJOUO EDDY L., « La réforme du système de détection et de prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du Règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », In Juridis Périodique N°108, pp 133-144.

27 Ce dernier, du fait du lien étroit qu'il pourrait avoir avec les PPE, sera évoqué dans le chapitre suivant.

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1- Les méthodes générales d'identification des clients

Pour ce qui est des méthodes générales d'identification, la vérification se fait par l'exigence de la présentation d'un document ou d'une pièce officielle originale et valide et la conservation d'une copie de ladite pièce28.

Lorsque le client est une personne physique, la présentation d'un document officiel original en cours de validité comportant sa photographie est exigée puis il sera pris photocopie29.

Quant au client personne morale, l'identification est effectuée par la production des statuts et de tout documents établissant qu'elle a été légalement constituée et qu'elle a une existence réelle au moment de l'identification et il en sera pris photocopie30. En plus, la personne morale doit présenter l'original ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du registre officiel constatant sa dénomination, sa forme juridique, son siège social et les pouvoirs des personnes agissant en son nom.

A côté de ces méthodes dites générales d'identification des clients, il faut relever les méthodes particulières d'identification.

2- Les méthodes particulières d'identification des clients

Parlant des méthodes dites « particulières » d'identification, elles concernent entre autre ; les clients occasionnels, les clients non-résidents, les clients PPE31, la clientèle recommandée et les personnes listées.

Les « clients occasionnels » sont ceux qui n'ont pas de liens durables avec l'organisme, car il n'existe pas entre eux une relation d'affaires établie. Leur identification se fait dans les mêmes conditions évoquées haut pour toute transaction portant sur une somme supérieure au montant définis par le comité ministériel ou, à défaut, par l'Etat partie. Cette identification est requise même si le montant de l'opération est égal au seuil fixé32 ou lorsque la provenance licite des capitaux n'est pas certaine33.

28 Cf. art. 4-(1) du Règlement COBAC du 1er avril 2005 et art. 29 du Règlement CEMAC du 11 avril 2016.

29 Cf. art. 30 du Règlement CEMAC de 2016.

30 Cf. art. 5-(2) du Règlement COBAC de 2005 et art. 31 du Règlement CEMAC de 2016.

31 Les mesures spécifiques aux PPE feront l'objet du développement du chapitre suivant.

32 10.000.000 FCFA pour les personnes autres que les changeurs manuels ou les représentants légaux et directeurs responsables des opérations de jeux ; 5.000.000 FCFA pour les changeurs manuels.

33 Cf. art. 32 du Règlement CEMAC de 2016.

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Quant aux « clients non-résidents34», en plus de conditions générales d'identification, les organismes assujettis peuvent, au besoin, recourir à une personne de réputation confirmée pour procéder à l'identification du client ou exiger que des documents requis soient soumis à d'autres formalités (authentification, complément par pièce jointe etc.). En plus, la relation d'affaires ne peut être établie qu'avec l'approbation d'une personne habilitée35.

En ce qui concerne la « clientèle recommandée36», à la lumière de l'article 10 du Règlement COBAC, il ressort que, les personnes assujetties doivent évaluer soigneusement la compétence et l'honorabilité des intermédiaires ayant recommandé le client et vérifier qu'ils accomplissent normalement leur devoir de diligence, en procédant si nécessaire à des examens périodiques de conformité et de fiabilité.

Aussi, les « personnes listées37 » font également l'objet d'un traitement spécial. Conformément aux articles 35 et 36 du Règlement COBAC, les organismes assujettis doivent déclarer à l'ANIF, les opérations et avoir des personnes listées qu'ils examinent de façon particulière.

Les professionnels assujettis peuvent procéder à nouveau à l'identification du client, lorsqu'ils ont des bonnes raisons de penser que l'identité de leur client et les éléments d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou pertinents38.

L'obligation d'identification ainsi posée par le législateur communautaire à la charge des professionnels assujettis n'est pas exempte de toutes critiques. En effet, les assujettis à cette obligation sont juste tenus d'exiger la présentation d'un document officiel original en cours de validité et en conserver une photocopie mais, pas de vérifier l'authenticité et encore moins d'exiger une copie authentifiée du document qui, il faut le dire, pourrait être un document falsifié. Nous pensons que le législateur devrait imposer que des documents ou pièces soient authentifiées lorsque l'opération en question atteint ou excède le montant seuil ou tout autre montant raisonnable qui sera fixé à cet effet.

34 Aux termes de l'article 3 alinéa e) du Règlement COBAC, Un `'client non résident» est une personne physique ou morale implantée dans un Etat tiers et sollicitant l'ouverture d'un compte ou la réalisation d'une opération dans un établissement assujetti sis dans un Etat membre.

35 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et Répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. P. 67 ; V. également à cet effet l'article 9 du Règlement COBAC de 2005.

36 Selon l'article 3 al. d) c'est la clientèle dont la relation d'affaires avec un établissement assujetti procède de l'initiative d'un tiers, intermédiaire pouvant être un établissement de crédit ou toute autre personne physique ou morale.

37 Le Règlement COBAC de 2005 définit en son article 3 al. v) comme étant, une personne physique ou morale ou une organisation figurant sur la liste établie par le comité des sanctions conformément aux résolutions des Nation Unies relatives à la prévention et à la répression du financement du terrorisme. Ces personnes doivent faire l'objet de restrictions comme de terroristes...

38 Cf. art. 34 du Règlement CEMAC du 11 avril 2016.

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Ces difficultés ainsi relevées sur l'obligation d'identification sont de nature à impacter la conservation des documents.

B - L'obligation de conservation des pièces et documents

C'est la conséquence logique de l'obligation d'identification de la clientèle. Par ce qu'il a l'obligation de connaitre sa clientèle, l'organisme assujetti doit à même de pouvoir produire les informations utiles sur cette dernière aux autorités compétentes s'il en ait besoin.

D'où le sens de l'obligation de conservation des pièces et documents posée à l'article 38 du Règlement CEMAC du 11 avril 2016 qui dispose à cet effet que : « sans préjudice des dispositions prescrivant des obligations plus contraignantes, les institutions financières conservent pendant une durée de dix (10) ans, à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec leurs clients habituels ou occasionnels, les pièces et documents relatifs à leur identité. Elles conservent également tous les pièces et documents relatifs aux opérations qu'ils ont effectuées et le rapport visé à l'article 35 ci-dessus pendant dix (10) ans, après l'exécution de l'opération ». Ainsi, les assujettis ont donc l'obligation de consigner par écrit et de conserver les caractéristiques de toute opération et information concernant l'identité et le domicile des intéressés, ainsi que les pièces et tous documents qui s'y rattachent, qu'il s'agisse des clients habituels ou occasionnels39.

S'il en était encore besoin de le rappeler, l'obligation de conservation des pièces et documents susmentionnée n'est pas seulement à la charge des institutions financières comme pourrait laisser croire les dispositions de l'article 38 du Règlement CEMAC mais, s'impose à tous les professionnels assujettis des articles 6 et 7 du même Règlement.

De l'obligation de conservation des pièces et documents, ressort une obligation au secret ou à la confidentialité. Seules quelques entités ont le droit de se faire communiquer les document et pièces conservés par les institutions assujetties40. Ces autorités sont entre autres : l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF), l'autorité judiciaire, l'autorité monétaire (Ministre en charge des finances pour le cas du Cameroun et du Tchad), l'autorité de contrôle de la profession (la COBAC pour les établissements de crédit et les EMF, la Commission Régional de Contrôle des Assurances (CRCA) pour les entreprises

39 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et Répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit., p. 68.

40 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), « La réforme du système de détection et de prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », Op.cit., P. 138.

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d'assurances...) et les fonctionnaires chargés de la détection et de la répression des infractions liées au BC/FT agissant dans le cadre d'une procédure pénale41.

Les obligations générales de vigilance ainsi évoquées ne sont pas suffisantes pour lutter de façon efficiente contre les malversations financières liées à certaines opérations qui méritent une surveillance particulière.

Paragraphe 2 : L'obligation de surveillance particulière de certaines

opérations

La surveillance particulière de certaines opérations est exigée par les articles 16 à 25 du Règlement COBAC de 2005 et diverses dispositions du Règlement CEMAC de 2016 (entre autres les articles 35, 36, 40, 47 et 48). Ces dispositions énoncent des opérations dont les circonstances exceptionnelles entourant l'accomplissement inspirent le risque et appellent la méfiance. Ce sont : des opérations inhabituelles ou dont le client n'a pas l'habitude d'accomplir, des opérations sans justification économique ou d'objet illicite, les opérations sur des sommes dont le montant est supérieur au seuil, les opérations de paiement en espèce ou par titre au porteur de sommes dont le montant est supérieur au seuil42, les opérations de transfert de fonds (électronique ou par virement...), des opérations sur des sommes dont la provenance présente un risque43, les transactions des compagnies d'assurance en matière d'assurance vie...

Dès lors qu'une personne assujettie se retrouve face à l'une de ces opérations, en plus des obligations générales de vigilance mentionnées haut, elle doit rechercher un certain nombre d'informations relatives : à l'origine et à la destination des sommes ainsi qu'à l'objet de la transaction ; aux caractéristiques de l'opération ; aux modalités et conditions de fonctionnement du compte, notamment la date et l'origine du compte, les noms des mandataires et les références des comptes sans mouvement44.

Conformément aux dispositions des articles 21 et 22 du Règlement COBAC, cette exigence de surveillance accrue subsiste et doit être observée tant en ce qui est des comptes à haut risque que des activités suspectes.

41 Cf. art. 39 du Règlement CEMAC de 2016. V. également la loi camerounaise de 2003 et la loi tchadienne de 1995 relatives au secret bancaire.

42 Qui est de Cinquante (50) millions dans les conditions normales et de dix (10) millions dans les conditions inhabituelles.

43Le GAFI classe habituellement dans ses rapports les pays non coopérants en matière de LBC/FT. Donc, il pourra s'agir d'une opération émise ou réceptionnée par un établissement de crédit se trouvant dans un tel pays. 44 Cf. art. 20 du Règlement COBAC du 1er avril 2005.

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Tout professionnel assujetti aux obligations générales de vigilance ainsi évoquées, qui, dans l'exercice de ses activités, a connaissance d'une opération suspecte, est tenu de la déclarer45.

SECTION II : L'obligation de déclaration des opérations suspectes

Posée à la Recommandation 13 du GAFI en ce terme « si une institution financière soupçonne ou a des raisons suffisantes de soupçonner que des fonds provenant d'une activité criminelle, ou sont liés au financement du terrorisme, elles devraient être tenues, directement en vertu d'une loi ou d'une réglementation, de faire sans délai une déclaration d'opérations suspectes auprès de la cellule de renseignements financiers (CRF) », la déclaration de soupçon a été introduite au niveau communautaire par les règlements COBAC de 2005 et CEMAC de 2016 d'une part et d'autre part aux niveaux nationaux par les différents décrets relatifs à l'organisation et le fonctionnement des ANIF dans les Etats membres46.

Encore appelée l'obligation de déclaration des opérations suspectes, la déclaration de soupçon est une obligation qui consiste pour les organismes et les personnes qui y sont assujetties à déclarer à l'ANIF un certain nombre d'opérations considérées comme suspectes parce qu'elles peuvent être en lien avec des infractions de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme47. Par ce qu'ils doivent connaitre leur clientèle, les organismes assujettis sont appelés à déclarer toute opération comportant une anomalie.

La notion de soupçon qui fonde l'obligation de déclaration n'a pas fait l'objet de définition, ni par le GAFI, ni par le législateur communautaire et encore moins par les législateurs nationaux des Etats membres. Toutefois, selon G. GUITTON, le soupçon est « une opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des intuitions, mais sans preuves précises »48.

45 Il en est de même des obligations supplémentaires. A cet effet, les mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE que nous verrons dans le second chapitre doivent également être déclarées dans les conditions de la déclaration de soupçon telles qu'elles seront évoquées dans la partie qui est annoncée.

46 Pour le Cameroun, il s'agit du décret N°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le décret du 22 septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le Tchad, c'est le décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution, organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation Financière.

47 KALIEU ELONGO (Y.R), « La déclaration de soupçon en matière de blanchiment des capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles applicables », 30 mars 2020, disponible sur www.kalieu-elongo.com consulté le 08 juillet 2020 à 21h 45mn.

48 GUITTON (G.) In Banque et Droit, 2003, N°88, P. 8, cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun en France, Thèse de doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, janvier 2015 P. 164.

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Ainsi, la déclaration de soupçon est une étape importante dans la détection du blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération. Et les personnes assujetties des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016 ont un grand rôle à jouer à cette étape, car elle est faite sur la base de leur opinion basée sur des intuitions et des indices.

Dès lors, pour mieux cerner cette obligation de déclaration des opérations suspectes, nous traiterons dans le cadre de cette partie l'objet (Paragraphe 1) et les modalités d'exercice (Paragraphe 2) de ladite déclaration.

Paragraphe 1 : L'objet de la déclaration de soupçon

Toute opération que l'assujetti considère comme anormale au regard du montant, de la fréquence, de la qualité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire, etc. doit être déclarée49. Nous comprenons ainsi que l'objet de la déclaration de soupçon n'est rien d'autre que les opérations suspectes. Même si les divers textes communautaires régissant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ne définissent pas expressément le concept d' « opérations suspectes », ils mentionnent quelques opérations dites suspectes qui peuvent être regroupées sous les vocables des opérations atypiques (A), des opérations sur comptes à haut risque (B) et des opérations excédant le montant seuil (C).

A - Les opérations atypiques

Encore appelées opérations inhabituelles, les opérations atypiques sont celles qui ne relèvent pas de l'ordinaire, qui ne sont pas courantes50. Ainsi, aux termes de l'alinéa z) de l'article 3 du Règlement COBAC, les transactions atypiques sont des « opérations sans relation avec l'activité, les habitudes financières ou le patrimoine de leur auteur ». A cet effet, un établissement assujetti doit élaborer en son sein un système de gestion de risques permettant de dresser pour chaque client un profil clair. L'organisme assujetti doit avoir une bonne

49 KALIEU ELONGO (Y.R), « La déclaration de soupçon en matière de blanchiment des capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles applicables », 30 mars 2020, disponible sur www.kalieu-elongo.com, consulté le 10 juin 2020 à 00h 24min.

50 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire DEA, droit com. Comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, p. 58.

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compréhension des activités normales raisonnables sur les comptes de sa clientèle de façon à pouvoir déterminer les transactions inhabituelles51.

À l'esprit de l'article 1er alinéa z) susmentionné, une opération sans justificative économique est atypique. Et toutes sommes inscrites sur un compte ou qui fait l'objet de transaction et qui semblent n'avoir aucun lien avec l'activité du client, fait naitre du doute.

Allant dans ce sens, les personnes assujetties doivent déclarer à l'ANIF les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont des bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont le produit d'une activité criminelle ou ont un rapport avec une infraction de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération52. Aussi, toutes les fois que les personnes assujetties ont connaissance des sommes ou opérations ou tentatives d'opérations dont elles savent, soupçonnent ou ont des bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude douanière ou fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par la réglementation en vigueur, sont tenues de faire une déclaration à l'ANIF53. Il en est de même, lorsque les opérations pour lesquelles l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément aux dispositions prévues.

Il va sans dire qu'à chaque fois qu'une opération ou transaction ne relève plus de l'ordinaire, elle doit faire l'objet de déclaration et il est de même pour des opérations sur les comptes à haut risque.

B - Les opérations sur les comptes à haut risque

Un compte à haut risque est un « compte présentant un degré de risque élevé en raison de la qualité de son titulaire, de l'origine douteuse ou incertaine de ses ressources ou de la nature des opérations qui y sont accomplies, de son pays d'origine ou celui des intermédiaires »54. Les blanchisseurs sont à la recherche perpétuelle des failles pour réaliser leurs malversations et donc les personnes assujetties sont appelées à observer une certaine vigilance lorsque les opérations sont liées à certaines catégories de personnes, de fonctions ou lorsqu'elles sont initiées ou à destination de certains pays.

51 Ibidem.

52 Cf. art. 83 al. 1 du Règlement CEMAC.

53 Cf. art. 83 al. 2 du Règlement CEMAC.

54 Cf. art. 3 al. i) du Règlement COBAC.

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Le Règlement COBAC précise expressément une gamme d'indication d'un compte à haut risque55 qui est constituée entre autres, de l'activité professionnelle du client, du pays d'origine, des types d'opérations à supporter par un compte et de l'anonymat.

D'abord, pour ce qui est de l'activité professionnelle du client, le degré de surveillance sur un compte peut être accru en fonction de la profession du client ; surtout lorsque celle-ci est de nature à beaucoup flirter avec la corruption56, le trafic des stupéfiants, le détournement des fonds publics57, ou même le trafic des organes humains.

Ensuite, s'agissant du pays d'origine et de la source des fonds, du fait de la mondialisation des services bancaires, les blanchisseurs utilisent de plus en plus les services internationaux des banques pour blanchir leur argent et les assujettis doivent être regardants sur les opérations qui ont un lien avec l'étranger58. Ainsi, doivent faire l'objet de déclaration au sens de la Réglementation communautaire, les opérations effectuées par les organismes financiers pour compte propre ou pour compte de tiers avec personne morale y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacles à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme59.

En plus, pour ce qui des types des opérations que le compte doit supporter, un compte qui ne sert qu'à réaliser des opérations de change ou de transfert, est un compte suspect et donc sujet à déclaration.

Enfin, concernant l'anonymat, il s'agit en général des comptes affectés d'un numéro confidentiel. Encore appelés comptes numérotés, les comptes anonymes ont pour principe de permettre aux simples employés de banques d'effectuer les transactions courantes sans qu'ils aient connaissance de l'identité du titulaire du compte. Le nom du client n'est connu que d'un nombre restreint de personnes, notamment du directeur de la banque et du chargé de compte. Les banques Suisses, par exemple, utilisent différentes procédures de numérotage et de contrôle, mais le but est toujours le même : mettre l'identité du client à l'abri et n'en permettre l'accès qu'à un minimum de personnes responsables60.

55 Cf. art. 22 du Règlement COBAC.

56 Tel en est le cas lorsque le compte appartient à un client PPE. Nous verrons dans le second chapitre les mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE.

57 Ibidem.

58 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p. 59.

59 Cf. art. 83 al. 6 du Règlement CEMAC.

60 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent : techniques et moyens de lutte (cas de la banque société générale Algérie), mémoire de Master en science économique, Université de Bejaia, juin 2017, p. 22.

21

Il faut cependant mentionner que, l'alinéa 2 de l'article 23 du Règlement CEMAC dispose qu' « il leur est interdit de tenir des comptes anonymes ou des comptes sous des noms fictifs ». Donc, la déclaration devrait être automatique si des opérations en vue de l'ouverture des tels comptes étaient entreprises.

En plus des opérations évoquées, les assujettis sont soumis à la déclaration de soupçon lorsqu'une opération excède un certain montant dit montant seuil.

C - Les opérations excédant le montant seuil

« Les institutions financières déclarent à l'ANIF les éléments d'informations relatifs aux opérations de transmission de fonds effectuées à partir du versement d'espèces ou au moyen de monnaie électronique. Un arrêté du Ministre des Finances précise le seuil à partir duquel est requise une déclaration auprès de l'ANIF ainsi que les conditions et modalités de ladite déclaration », tels sont les termes de l'alinéa 7 de l'article 83 du Règlement CEMAC.

Si les opérations précédemment évoquées sont celles dans lesquelles la déclaration n'intervienne qu'en cas de soupçon, pour ce qui est des opérations dont le montant excède le seuil fixé, c'est une déclaration en absence de tout soupçon. Le législateur communautaire soumet ainsi les personnes assujetties à une déclaration d'office qui n'est assortie d'aucune exception.

Ainsi, les établissements assujettis devraient automatiquement sans besoin d'analyse supplémentaire, déclaré à l'ANIF toutes opérations dont le montant dépasse le seuil fixé.

Cependant, nous relevons que ce régime de déclaration systématique conduirait à un encombrement de l'ANIF, qui aurait toutes les difficultés à traiter de façon efficace et efficiente la masse de déclarations qu'elle aurait reçue.

La déclaration de soupçon ainsi évoquée en son objet ne peut être effectuée qu'en respectant un certain régime lié à ses modalités d'exercice.

Paragraphe 2 : Les modalités d'exercice de la déclaration

L'obligation de déclaration des opérations suspectes ainsi posée ne s'effectue pas au hasard, car, elle est soumise à un régime particulier. A cet effet, nous nous intéressons aux personnes concernées par la déclaration (A), aux formes et mentions (B) ainsi qu'aux suites éventuelles que pourrait avoir ladite déclaration (C).

22

A - Les personnes concernées par la déclaration de soupçon.

Trois catégories de personnes sont impliquées dans la déclaration de soupçon. A savoir les assujettis, l'Agence Nationale d'Investigation Financière et le Procureur de la République. Ainsi, nous évoquerons ces personnes selon qu'elles sont débitrices (1) ou créancières de l'obligation (2) de déclaration de soupçon.

1- Les débiteurs de l'obligation

Toutes les personnes physiques ou morales qui, dans le cadre de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entrainant des dépôts, des changes, des placements, des conversions ou tous autres mouvements des capitaux sont assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement de terrorisme et par conséquent à l'obligation de déclaration des opérations suspectes. Il s'agit entre autres, des établissements de crédit, des entreprises d'assurances, des administrations chargées des régies financières, de la BEAC, des agents immobiliers, des agents sportifs, des agences de voyages, des avocats, des notaires, des experts comptables, des conseillers fiscaux etc.61.

Ces personnes assujetties sont appelées à communiquer à l'ANIF et leur autorité de contrôle, l'identité de leurs dirigeants et préposées chargés de répondre aux demandes de ce service et de cette autorité et d'assurer la diffusion aux membres concernés du personnel, des informations, avis ou recommandations de caractère général qui en émanent62. Ainsi, les assujettis désignent en leur sein une personne habileté à faire la déclaration de soupçon, mais toutefois, tout dirigeant ou préposé peut le faire lorsque l'urgence l'exige63.

Les personnes débitrices de la déclaration de soupçon n'adressent pas leur déclaration à tous organismes mais, aux créanciers de ladite déclaration.

2- Les créanciers de l'obligation de la déclaration de soupçon

Les textes régissant la prévention et la répression du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération désignent principalement l'ANIF (a) et subsidiairement le Procureur de la République (b), comme étant créanciers de la déclaration de soupçon.

a- L'Agence Nationale d'Investigation Financière

61 Ces personnes sont énumérées aux articles 6 et 7 du règlement CEMAC.

62 Conformément aux articles 84 al. 1 du Règlement CEMAC et 41 al. 1 du Règlement COBAC.

63 Cf. art. 41 al. 2 Règlement COBAC.

23

L'ANIF est la cellule de renseignements financiers instituée par la législation communautaire64 et consacrée par la législation nationale de chaque Etat membre65. A cet effet, elle a pour mission de recevoir, de traiter et le cas échéant de transmettre aux autorités compétentes, les renseignements propres à établir l'origine des fonds ou la nature des opérations faisant l'objet de la déclaration de soupçon66.

Ainsi, l'ANIF est l'unique destinataire des déclarations de soupçon des personnes assujetties par les Règlements communautaires. Selon les articles 26 et 28 du Règlement COBAC de 2005 relative aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme, puis 83 et 86 du Règlement CEMAC de 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale, les personnes assujetties au titre des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC sont tenus de faire leurs déclarations à l'ANIF ; ce qui n'est pas le cas pour les personnes non assujetties qui doivent faire leur déclaration directement au Procureur de la République.

b- Le Procureur de la République

Au titre des personnes impliquées dans la déclaration de soupçon, figure le Procureur de la République. Le Procureur peut être impliqué dans la déclaration de soupçon à deux niveaux.

Primo, lorsque les personnes déclarant une opération suspecte ne sont pas celles des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016 précité. A cet effet, l'article 84 alinéa 5 dispose que « les personnes autres que celles visées aux articles 6 et 7 du présent Règlement sont tenues de déclarer au Procureur de la République les opérations dont elles ont connaissances et qui portent sur des sommes qu'elles savent susceptibles de provenir d'un crime ou délit ou s'inscrire dans un processus de blanchiment ou de financement du terrorisme et de la prolifération. Le Procureur de la République en informe l'ANIF qui lui fournit tous les renseignements utiles ».

64 Aux termes de l'art. 65 du Règlement CEMAC de 2016 « il est institué, dans chaque Etat membre, sous la dénomination de l'ANIF, une autorité administrative, placée sous tutelle du Ministre chargé des Finances. L'ANIF est dotée de l'autonomie financière et d'un pouvoir de décision sur les matières relevant de sa compétence ».

65 Les différents décrets nationaux portant institution, organisation et fonctionnement des ANIF dans chaque Etat membre. Pour le Cameroun, il s'agit du décret N°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le décret du 22 septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le Tchad, c'est le décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution, organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation Financière.

66 V. L'article 66 du Règlement CEMAC de 2016.

24

Secundo, le Procureur de la République est impliqué dans la déclaration de soupçon lorsque celle-ci s'avère vraie après traitement par l'ANIF qui décide donc de lui transmettre le dossier.

Les personnes concernées par la déclaration de soupçon étant connues, reste à préciser les exigences quant à la forme et mentions.

B - La forme et les mentions de la déclaration

Nous examinerons successivement la forme de la déclaration (1) et les mentions (2) que celle-ci doit comporter.

1- La forme de la déclaration

Cette déclaration qui est à la charge des personnes assujetties ne doit pas être faite n'importe comment mais, dans les conditions fixées par le Règlement CEMAC et selon un modèle de déclaration fixé par arrêté du Ministre chargé des Finances sur proposition de l'ANIF67. Ainsi, au sens de l'article 86 du Règlement CEMAC, les déclarations de soupçon sont transmises à l'ANIF seulement par écrit et par tout moyen laissant trace écrite. Les déclarations faites téléphoniquement ou par moyen électronique doivent être confirmées par écrit dans un délai de quarante-huit (48) heures.

Il faut le dire, l'article 27 du Règlement COBAC relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme encore en vigueur évoque la possibilité de faire une déclaration verbale ou écrite qui, toutefois, doit être confirmée par un moyen laissant trace écrite est de nature à porter confusions. Toute chose qui nécessite, à notre avis, une révision bien que cela ne préjudicie pas les mentions de ladite déclaration.

2- Les mentions de la déclaration

L'alinéa 2 de l'article 86 du Règlement CEMAC précise que « les déclarations précisent, notamment suivant les cas : a) les raisons pour lesquelles l'opération a déjà été exécutée ; b) le délai dans lequel, l'opération doit être exécutée ».

67 Cf. art. 83 al. 1 du Règlement CEMAC.

25

Outre ces mentions, une déclaration doit pouvoir fournir les informations utiles à l'ANIF afin de lui permettre de pouvoir reconstituer les opérations liées à la même personne68. La déclaration de soupçon qui est faite aura forcément une suite.

C - Les éventuelles suites de la déclaration de soupçon

Pour ce qui est des suites réservées à la déclaration, nous retenons tout d'abord que l'ANIF accuse réception de la déclaration qui lui est ainsi faite, sauf si l'entité déclarante en avise autrement69.

Il faut souligner cependant que, l'article 83 alinéa 5 du Règlement CEMAC de 2016 dispose que « toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration de soupçon est portée, sans délai, à la connaissance de l'ANIF ». C'est ce qui laisse paraitre le caractère révocable de la déclaration ; car comme nous l'avons souligné plus haut le soupçon est un avis défavorable sur la personne ou son comportement basé sur des intuitions sans preuves précises et dans une telle hypothèse, la personne qui effectue la déclaration n'est pas exempt de la possibilité de se tromper ; car la nature humaine étant ce qu'elle est.

Dans l'hypothèse où l'ANIF a accusé réception de la déclaration, elle procède au traitement et à l'analyse des opérations déclarées70. Ce traitement peut entrainer ou non des poursuites judiciaires contre les personnes soupçonnées si le Procureur de la République est saisi et décide d'ouvrir lesdites poursuites. L'ANIF joue ainsi un rôle capital dans la lutte contre la criminalité financière.

68 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment des capitaux en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p. 60.

69 Cf. art. 86 al. 3 du Règlement CEMAC.

70 V. l'art. 12 du décret du 02 février 2007 portant institution organisation et fonctionnement de l'ANIF au Tchad et l'art. 21 du décret N°2005/187 du mai 2005 portant organisation du fonctionnement de l'ANIF Cameroun.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

26

La criminalité financière organisée prend de l'ampleur dans le monde et les organismes de lutte anti-blanchiment ont mis en place des mesures de vigilance standards que les assujettis sont appelés à observer à l'égard de tout client. De ce fait, le législateur communautaire soumet les personnes assujetties à l'observer de l'obligation de connaissance de leur clientèle et de son activité économique afin de pouvoir déterminer si le patrimoine ou les fonds de cette dernière ne proviennent pas d'activités illicites. Lorsqu'il y a un doute ou une anomalie quelconque sur la provenance des fonds, l'assujetti doit faire une déclaration de soupçon à l'ANIF, qui transmettra le dossier aux autorités judiciaires après enquête.

Cependant, en plus de mesures de vigilance générale qui s'appliquent à toute catégorie de clients, certains clients à l'instar des personnes politiquement exposées ont des risques de BC/FT élevés et les assujettis doivent observer à leur égard des mesures spécifiques.

CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX CLIENTS
RÉLEVANT DE LA CATÉGORIE DES PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES

27

Une catégorie des personnes ayant une certaine vulnérabilité importante à la corruption, au détournement et partant, au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme, les PPE méritent une attention particulière. Le législateur communautaire, conscient de ce fait, a hissé sa règlementation au niveau des normes et standards internationaux en la matière afin de faire face aux risques élevés de blanchiment qui pèsent sur elles.

Faut-il le rappeler, les personnes politiquement exposées (PPE), sont des personnes physiques ayant occupées ou qui occupent d'importantes fonctions dans un Etat tiers, dans un Etat membre de la CEMAC ou au sein d'une organisation internationale (OI). Ainsi, les établissements assujettis doivent faire application de mesures de vigilance renforcée (SECTION II) après avoir déterminé lesdites PPE (SECTION I) conformément aux conditions exigées pour l'identification de la clientèle que nous avons évoquées plus haut.

SECTION I : La détermination des clients relevant de la catégorie

des PPE

Le caractère très générique de la notion de PPE induit une grande difficulté de gestion pour les établissements bancaires et financiers. En effet, en ayant à faire à des personnes aux risques élevés de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, l'image de l'établissement auprès de ses clients, partenaires et pouvoirs publics, risque d'en souffrir. Mais en même temps, un établissement ne saurait rejeter toute une catégorie de clients au seul motif d'un risque, souvent très potentiel. Il apparaît, dès lors, utile de distinguer le PPE au sens le plus strict, dont les banques examineront très attentivement la situation et qu'elles refuseront éventuellement comme client, et les autres personnes en lien avec le monde politique.

Face à cette difficulté, les établissements adoptent une approche parfois casuistique : chaque dossier est examiné individuellement, accompagné des diligences nécessaires, préalables à la décision et soumis ensuite à un suivi étroit71.

71 SUSCEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Op.cit., p. 176.

28

Ainsi, pour déterminer si une personne est une PPE ou non, il nous convient de catégoriser les PPE en deux : nous distinguerons ainsi, les clients PPE proprement dits (Paragraphe 1) des personnes qui leur sont assimilées (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les clients PPE proprement dits

Ce sont, à notre sens, des personnes qui exercent eux-mêmes d'importantes fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qui les exposent à des risques élevés de blanchiment des capitaux. Ainsi, nous devrons établir une distinction entre les PPE nationales (A) et les PPE étrangères et des Organisations Internationales (B). Cependant, la notion de bénéficiaire effectif (C), du fait du lien qu'elle a avec celle de PPE nécessite une attention particulière.

A - Les Personnes Politiquement Exposées nationales

Conformément au Règlement CEMAC de 2016, `'les PPE nationales» sont des personnes qui exercent ou qui ont exercé d'importantes fonctions publiques dans l'un des Etats de la CEMAC. Ainsi, pour rester dans l'esprit des textes communautaires et dans un souci de cohérence, il importe d'évoquer les PPE nationales selon qu'il s'agit d'une personne qui exerce une fonction politique (1), administrative (2) ou juridictionnelle (3). Cette catégorisation est aussi faite par le législateur au paragraphe 2 de l'alinéa 1er de l'article 43 du Règlement CEMAC. Et nous pensons qu'elle nous permettra de bien élucider la notion de PPE nationale.

1- Les PPE nationales exerçant ou ayant exercé une fonction politique

Notion polysémique, la politique n'est pas d'une définition aisée. Dans son sens large, celui de civilité ou Politikos, la politique est « ce qui est relatif à l'organisation ou l'auto gestion d'une cité, d'un Etat et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée »72. Allant dans ce sens, Gérard CORNU définit la politique comme tout ce « qui a trait au gouvernement de la cité, à l'exercice du pouvoir dans un Etat, à la participation qu'y prennent les citoyens, les organes institués et les partis »73.

Ainsi, une personne qui exerce une fonction politique est celle qui participe à la gouvernance ou qui gouverne un Etat. En d'autres termes, il s'agit d'une personne qui joue un rôle important dans la vie politique d'un pays. Et comme telle, sa fonction ou son statut la met

72 Définition tirée du site www.fr.m.wikipedia.org le 03 août 2020.

73 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT ; P.U.F., Paris ; 2005, P. 679.

29

en position de gérer d'importants fonds publics. Dans le cadre de notre étude, une telle personne est considérée comme ayant un risque accru de corruption et de blanchiment.

Conformément à la recommandation 12 du GAFI, le législateur qualifie comme étant politiquement exposé, dans ce contexte, les chefs d'Etat ou de gouvernement, les Ministre, les Ministres délégués, Secrétaires d'Etat, les parlementaires et les responsables de partis politiques74.

Cette inclusion des personnalités politiques se justifie par le fait que la corruption devenait une des principales sources de profits illicites déposés dans les établissements bancaires de ses Etats membres, le GAFI entreprit d'avancer sur le sujet en incluant et qualifiant ces hautes personnalités de particulièrement exposées.

De même une grande partie des avoirs illégaux détenus dans certaines banques des centres financiers internationaux provient de l'accumulation de richesses par des dignitaires peu scrupuleux75. Il était donc devenu impératif de stopper ces agissements qui ont pour conséquence d'une part d'un point de vue moral, la prédation des finances publiques de pays au bord de la faillite par des personnalités dont certaines ont parfois réussi à accumuler des fortunes équivalentes à la dette extérieure de leurs propres pays, ce qui est moralement inacceptable et d'autre part, d'un point de vue économique, un obstacle au développement économique de ces pays.

Des illustrations des cas de blanchiment des capitaux par les PPE exerçant une fonction politique sont nombreuses.

Le principale exemple de blanchiment par cette catégorie des PPE est celui du général Abacha qui, pendant plusieurs années, a « organisé avec des membres de sa famille et de son entourage, un « pillage » systématique des ressources de son pays »76. En effet, après avoir détourné d'énormes fonds de son pays, Sani Abacha a eu recours à plusieurs membres de sa famille pour introduire ces fonds publics dans différents établissements bancaires notamment en Suisse et en Grande Bretagne. Pour introduire ces capitaux au sein d'établissements bancaires réputés, la famille Abacha s'est notamment appuyée sur les recommandations que lui ont fournies plusieurs clients de ces banques. Ainsi en 1996 un client britannique de longue

74 Cf. art 1er point 55 a), d) et e) du Règlement CEMAC.

75 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de doctorat, Op. Cit. p. 144.

76 H. HAENEL, Utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (texte EU 2734), Communication faite lors de la réunion de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 1er décembre 2004, Justice et affaires intérieures. Disponible sur www.senat.fr/ue, consulté le 25 juillet 2020.

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date et de bonne réputation d'une banque suisse « a introduit auprès de la banque une société dont les ayants droit économiques étaient, outre lui-même, deux de ses partenaires d'affaires nigérians. Ceux-ci faisaient partie de l'entourage de Sani Abacha. »77.

Une autre affaire de blanchiment par des personnalités politiques est celle du dirigeant chilien Augusto Pinochet. En effet, des comptes avaient été ouverts au nom de Pinochet entre 1994 et 2002 alors qu'il était détenu en Angleterre et que des procédures étaient en cours pour geler ses avoirs. Entre 4 à 8 millions de dollars avaient été déposés à la banque Riggs. Ses dirigeants avaient d'ailleurs pris des dispositions pour aider Pinochet à dissimuler ces fonds au travers de la mise en place des sociétés écrans offshore, en altérant le nom de Pinochet (notamment en ne retenant qu'une partie de son nom ou le nom de jeune fille de sa femme) et en dissimulant sciemment aux autorités de tutelle l'existence de comptes. Les juges chiliens ont estimé à 27 millions de dollars l'ensemble des fonds qui ont été dissimilés dans une centaine de compte ouverts aux Etats-Uniens et dans d'autres pays78.

Ces affaires ont donc amené le GAFI à prendre des mesures spéciales concernant les PPE. Lesquelles mesures, sont transposées par le législateur communautaire. Il en est de même pour certaines personnes occupant une fonction administrative.

2- Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une fonction administrative

Un administrateur est une personne appartenant à l'administration ou exerçant une fonction administrative, par opposition à celle investie des fonctions de législateur ou de juges79. Ainsi posée, cette notion d'administrateur englobe également certaines fonctions, précitées dans le cadre de la notion des PPE exerçant une fonction politique, mais l'on se contenterait dans cette partie d'évoquer seulement les personnes qui exercent des fonctions au sein de l'administration civile, diplomatiques et militaires.

Ainsi, sont concernées, les personnes citées aux c), g), h) et i) du point 55 de l'article 1er du Règlement CEMAC. A savoir : les Directeurs généraux des ministères ; les Dirigeants ou membres de l'organe de direction d'une banque centrale, les Ambassadeurs, les chargés d'affaires, les consuls généraux et les consuls de carrière ; les officiers généraux ou officiers supérieurs de la force publique y compris les militaires, gendarmes et officiers de police de haut rang ; les membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques ou para publiques.

77 Rapport de la Commission des banques suisses, « Fonds « Abacha » auprès des banques suisses » du 30 aout 2000, p. 2.

78 Informations disponible sur le journal Le Monde, sur www.lemonde.fr, Consulté le 28 juillet 2020.

79 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, Op.cit. p. 28.

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Ils constituent ainsi une catégorie de clients, qui mérite une attention particulière de la part des assujettis, car, ils sont vulnérables aux BC/FT.

Des exemples des blanchiments impliquant ces personnes citées ne manquent pas. Ainsi, l'affaire de blanchiment liant l'ambassadeur du Luxembourg en Suisse en 2002 est plus que convaincante que les diplomates sont une catégorie des personnes qui mérite une vigilance particulière en matière de LCB/FT.

Pour ce qui est des officiers généraux ou officiers supérieurs de force publique, tout récemment, notamment le 24 juillet 2020, le Tribunal de Grande Instance de N'Djamena a rendu un jugement condamnant 11 personnes notamment des généraux et hauts responsables des forces armées pour trafic de drogue et complicité, blanchiment d'argent et complicité. L'information qui a été publiée par le journal Le Progrès80, mentionne que ces officiers qui trafiquaient une grande quantité des Tramadol ont tenté de corrompre les responsables de la douane. Ils écopent des peines d'emprisonnement de 05 à 10 ans et d'amende allant de 50.000 dollars USA à 100.000 FCFA.

Tout ce qui précède nous montre les risques de blanchiment qui pèsent sur les personnes occupant ou ayant occupées des fonctions administratives. Certaines personnes qui sont au service de la justice sont aussi vulnérables à la criminalité financière.

3- Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une fonction juridictionnelle

Le `'Juridictionnelle» relève de la juridiction. Quant à la `'fonction juridictionnelle», c'est la fonction de juger, mission d'ensemble qui englobe celle de dire le Droit81. Une personne qui exerce une fonction juridictionnelle est dans ce sens, celle qui est au service de la justice ou qui a pour mission de dire le droit. Ainsi, la législation CEMAC considère certains fonctionnaires de la justice comme ayant un risque accru de BC/FT.

A cet effet, sont considérés comme politiquement exposés, les hauts fonctionnaires de la justice. Le f) du point 55 de l'article 1er du Règlement CEMAC mentionne : les membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou d'autres hautes juridictions ainsi que les autres magistrats de haut rang.

Les dispositions de l'article R.561-18-I 3° et 4° du code monétaire et financier français sont quasiment les mêmes que celles du Règlement CEMAC, en effet, il s'agit des membres d'une Cour suprême, d'une Cour constitutionnelle ou d'une autre haute juridiction dont les

80 Un journal de presse écrite au Tchad ayant son siège à N'Djamena, sa parution N°5354 du 27 juin 2020, p. 1-3.

81 V. CORNU (G.), Vocabulare juridique, Op.cit. p. 519.

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décisions ne sont pas, sauf circonstances exceptionnelles, susceptibles de recours ; des membres d'une Cour des comptes.

Les PPE nationales au sens strict ne sont pas les seules personnes ayant une vulnérabilité ou un risque de blanchiment accru. Le risque de BC/FT est aussi accru pour les PPE étrangères et des OI.

B - Les Personnes Politiquement Exposées étrangères et des Organisations

Internationales

Nous étudierons séparément les PPE étrangères (1) et les PPE des organisations Internationales (2).

1- Les Personnes Politiquement Exposées étrangères

Ce sont les mêmes personnalités que nous avons évoquées dans le cadre de l'identification des PPE nationales mais qui sont dans un Etat étranger ; c'est-à-dire des personnes qui exercent ou ont exercé une fonction politique, administrative ou juridictionnelle dans un Etat tiers.

Ainsi, il s'agit des Chefs d'Etat ou de Gouvernement ; des Ministres ; des Ministres délégués ; des Secrétaires d'Etat ; des Directeurs Généraux des ministères ; des parlementaires ; des responsables de partis politiques ; des membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou d'autres hautes juridictions ; des autres magistrats de haut rang ; des dirigeants ou membres de l'organe de direction d'une banque centrale ; des ambassadeurs, des chargés d'affaires, des consuls généraux, des consuls de carrière ; des officiers généraux ou supérieurs de la force publique y compris les militaires, gendarmes et officiers de police de haut rang82. Comme telles, les PPE étrangères sont à distinguer de celles des Organisations Internationales.

2- Les Personnes Politiquement Exposées des Organisations Internationales

Les OI contemporaines peuvent être divisées en deux catégories, à savoir les Institutions intergouvernementales dites « publiques » et les organisations non gouvernementales dites « privées » (ONG). Seule la première catégorie nous intéresse.

« Une OI est une entité interétatique, créée par un acte constitutif (un traité, une entente) qui lui confère une volonté propre, distincte des Etats membre et lui attribue une compétence,

82 Cf. art. 1er point 55 paragraphe 1 du Règlement CEMAC.

33

des structures permanentes et des moyens pour atteindre une fin commune et des objectifs spécifiques à l'échelon international »83 .

S'il est impossible d'en faire ici un relevé exhaustif, il est permis de préciser les principales vocations des OI : il y a des OI à vocation universelle avec une compétence générale, comme l'ONU ; celles à vocation universelle avec une compétence spécifique comme les institutions spécialisées de l'ONU, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) par exemple; Le Fonds Monétaire International (FMI) ; l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour ne citer que celles-là. Les OI à vocation continentale, comme l'Union africaine (UA), l'Organisation des Etats américains (OEA), l'Union européenne (UE). D'autres OI sont à vocation intercontinentale, comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'Organisation de la francophonie. Et enfin, il y a des OI à vocation régionale, comme la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), etc.

Comme telles, les OI ont des missions d'intérêt général à remplir et ont d'imports budgets dont leurs dirigeants peuvent facilement en faire usage à des fins personnelles ou illicites.

Ainsi, au sens de la réglementation CEMAC qui prend en compte les Recommandations du GAFI, « les PPE des Organisations Internationales sont des personnes qui exercent ou qui ont exercé d'importantes fonctions au sein de ou pour le compte d'une Organisation Internationale, notamment les membres de la haute direction, y compris les directeurs, directeurs adjoints et membres du Conseil d'Administration et toutes les personnes exerçant des fonctions équivalentes »84. A cet effet, les dirigeants d'une institution internationale créée par traité sont considérés comme étant vulnérables aux infractions de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.

La notion de PPE ainsi évoquée au sens strict, ne couvre pas les personnes occupant une fonction de niveau intermédiaire ou subalterne et les institutions financières ne sont pas tenues de considérer comme politiquement exposée, une personne qui n'a pas occupé de fonction publique importante pendant une période d'au moins un (01) an85. Aussi, elle entretient des liens étroits avec la notion de bénéficiaire effectif.

83 SABOURIN (L.), « Organisation Internationale », In COTE (L.) et SAVARD (J.-F.) (Dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, (en ligne), www.dictionnaire.enap.ca, consulté le 26 août 2020.

84 Cf. art. 1er point 55 paragraphe 3 du Règlement CEMAC.

85 Cf. art. 60 al. 2 du Règlement CEMAC.

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C - L'identification du bénéficiaire effectif : Une importance capitale
dans la LBC/FT liant les PPE

La détermination des bénéficiaires effectifs des opérations bancaires et financières constitue un élément essentiel dans la transparence des transactions et montages financiers. Cette transparence demeure difficile à garantir, d'autant plus qu'elle s'accompagne de la sophistication et l'internationalisation des outils qui y sont mis en oeuvre, par exemple l'identification des ayants droit d'une opération financière ou d'un trust86 (ultimate beneficial owner en droit anglo-saxon) constitue un véritable défi87.

La notion de bénéficiaire effectif (BE) n'est pas nouvelle. Elle a d'abord été explorée par le GAFI. Les nouvelles Recommandations du GAFI, 24 et 25, de février 2012, font encore une fois de l'identification du BE un sujet important. Autrement connue sous les vocables de bénéficiaire final, d'ayant droit économique ou de bénéficiaire économique, cette notion recouvre une même réalité.

La notion de bénéficiaire effectif s'entend comme la personne physique qui contrôle, directement ou indirectement le client, ou celle pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée. Le législateur communautaire ne dit rien de différent lorsqu'il dispose au point 16 de l'article 1er du Règlement de 2016 que le Bénéficiaire économique est la « personne physique qui, en dernier lieu, possède ou contrôle un client et/ou la personne physique ou morale pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Sont également comprises les personnes qui exercent, en dernier lieu, un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique ».

La dernière phrase de la définition donnée par le législateur CEMAC n'est pas très explicite et ne rend pas facile l'identification du BE d'une personne morale. En droit français par contre, aux termes des articles R. 561-1 et R. 561-2 du Code monétaire et financier, le BE d'une personne morale est toute personne possédant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou, à défaut, celle exerçant un contrôle sur les organes de direction ou de gestion, des sociétés et des organismes de placements collectifs.

Cette notion de BE trouve son origine dans l'approche anglo-saxonne. En effet, elle met l'accent sur la dimension économique du blanchiment. Il s'agit de déterminer quelle est la

86 Un trust forme est une structure de droit anglais qui crée un petit collectif et gère de façon anonyme une fortune. Il autorise, parfois, aux ayants droit de se dissimuler, notamment grâce à des montages juridiques dans les paradis fiscaux.

87 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Op.cit., p. 180.

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personne qui retire les fruits de l'opération et non sur la dimension juridique qui était auparavant retenue88. Les professionnels ne doivent pas arrêter leurs recherches à la personne qui contracte avec eux, mais au contraire, s'efforcer de déterminer quelle est la personne qui bénéficie en réalité de l'opération. Cette approche est en phase avec la réalité économique. Il est toujours efficace de combattre le crime en recherchant à qui il profite. Il convient de ne pas oublier que le blanchiment a une finalité essentiellement économique89. Il s'agit d'utiliser des fonds provenant du crime. Cette conception semble ainsi être garante d'efficacité.

Si la définition du BE est claire, son identification est pour les professionnels une tâche ardue, surtout, s'il est en lien avec une PPE. L'établissement doit en effet disposer d'un système de gestion de risque adéquat lui permettant de déterminer si le client ou le BE de l'opération est une PPE90. Ainsi, lorsqu'il n'est pas certain que le client agit pour son propre compte, l'institution financière se renseigne par tout moyen sur l'identité du véritable donneur d'ordre. Et s'il est impossible, malgré les vérifications ou investigations de la part de l'institution, de déterminer l'identité du BE, il doit être mis fin à l'opération et fait déclaration à l'ANIF91.

Les PPE proprement dits et la notion de BE, qui peut être éventuellement une PPE, sont une catégorie de personnes qui nécessite une vigilance accrue de la part des assujettis. Il en est de même pour les personnes qui leurs sont assimilées.

Paragraphe 2 : Les personnes assimilées aux PPE

Les Recommandations du GAFI ont élargie la notion des « personnes politiquement exposées » à d'autres personnes, qui n'exercent pas elles-mêmes, d'importantes fonctions publiques. Il s'agit des membres de famille (A), des partenaires et associés d'une PPE (B). Cependant, l'on ne saurait terminer l'identification des clients PPE sans souligner au passage les difficultés qui s'y rattachent (C).

88 MEYER-HEINE (A.), « La lutte contre le blanchiment dans l'Union européenne », Revue de l'Union européenne, 2015, p. 235.

89 Ibidem.

90 Cf. art. 25 et 60 du Règlement CEMAC.

91 Cf. art. 33 du Règlement CEMAC.

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A - Les membres de famille d'une PPE

La famille peut s'entendre comme l'ensemble des personnes qui sont unies par un lien du sang, ou qui descendent d'un auteur commun92. Ainsi, sont assimilées et considérées comme PPE les membres de leurs familles. Car, la catégorie des PPE inclut aussi les époux ou partenaires conjugaux, les ascendants, et descendants. D'ailleurs le k) du point 55 de l'article 1er dispose que sont politiquement exposés « les membres de la famille d'une PPE, en occurrence : le conjoint ; tout partenaire considéré comme l'équivalent d'un conjoint ,
· les descendants et leurs conjoints ou partenaires ,
· les ascendants ,
· les collatéraux privilégiés (...) »
et le b) du même point traite spécifiquement des membres de famille des chefs d'Etat.

Cette assimilation des membres des familles aux PPE n'est pas le fruit du hasard. En effet, dans des nombreux cas de blanchiment commis par les PPE qui ont été détectés, ces-dernières ont eu le concours de leur famille pour blanchir des sommes colossales.

Les illustrations allant dans ce sens ne manquent pas. Dans l'affaire Pinochet par exemple, parmi les nombreux comptes qui ont été ouverts auprès de la Riggs Bank, il y avait un compte ouvert au nom de jeune fille de sa femme. Toujours auprès de la même banque, dans l'affaire de blanchiment liant le Président de la Guinée Équatoriale, un compte avait été ouvert au nom de sa femme.

Un autre exemple de blanchiment incluant les membres de familles d'une PPE est celui du général Abacha qui, pendant plusieurs années, a organisé avec des membres de sa famille, un pillage systématique des ressources de son pays93. D'ailleurs son fils était dernièrement reconnu coupable de blanchiment. En plus des membres de sa famille, des personnes proches au Président Abacha ont pris part au blanchiment initié par lui.

B - Les associés et partenaires d'Affaires d'une PPE

De façon générale, un partenaire ou un associé est une personne ayant des intérêts communs avec une autre. Au sens du Droit des sociétés, un associé est un membre de la structure dont le droit essentiel est la jouissance des bénéfices et la principale obligation est la participation aux pertes. Une personne qui a un tel lien pourrait facilement être complice de son partenaire puisqu'ils sont liés.

92 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Op.cit. p. 395.

93 Rapport de la commission des banques Suisses, Op.cit. p. 3.

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C'est ainsi qu'en reprenant la Recommandation du GAFI, le législateur communautaire qualifie de PPE, toutes personnes connues pour être étroitement associées d'une PPE. Sont ainsi politiquement exposés, les associés des PPE, les personnes étant conjointement bénéficiaires effectifs d'entités ou de constructions juridiques avec des PPE, ainsi que tous les partenaires d'affaires de telles personnes94.

L'Affaire Sani Abacha qui est à l'origine de la notion de PPE, ne manque pas d'illustration pour ce qui est de BC liant des partenaires ou associés. En effet, en 1996 un client britannique de « longue date et de bonne réputation d'une banque suisse « a introduit auprès de la banque une société dont les ayants droit économiques étaient, outre lui-même, deux de ses partenaires d'affaires nigérians. Ceux-ci faisaient partie de l'entourage de Sani Abacha. »95.

Les établissements assujettis sont ainsi appelés à tout mettre en oeuvre pour s'assurer que leur client n'est pas un partenaire ou un associé d'une PPE. Mais, cette identification des PPE tant assimilées que proprement dites ne va pas sans difficultés.

C - Les difficultés d'identification des clients PPE

Les difficultés liées à l'identification des clients PPE sont nombreuses.

Tout d'abord, au cours de nos entretiens la plupart des services juridiques des institutions financières nous ont fait part de leur réticence à l'égard des clients PPE, notamment à poser certaines questions. En effet, certaines banques nous ont affirmé que, parmi les difficultés rencontrées, le détournement des fonds Publics étant le mode le plus en vue, les banques ont parfois de la peine à demander à un Ministre ou haut fonctionnaire l'origine de ses fonds. Allant dans le même sens, le Professeur MEYER-HEINE Anne affirme que « l'inclusion des personnes politiquement exposées au niveau national ne va pas sans poser des difficultés. En effet, il est particulièrement délicat sur un plan pratique pour un professionnel de formuler une déclaration de soupçon à l'encontre d'un responsable politique de son propre pays »96.

Aussi, « Il peut être très difficile de détecter qu'un client est politiquement exposé, en particulier lorsque les clients taisent des informations importantes ou apportent même des indications erronées. Dans la plupart des cas examinés, les titulaires des comptes ou les ayants

94 MEYER-HEINE (A.), «La lutte contre le blanchiment dans l'Union européenne», Op.cit. p. 237.

95 Rapport de la Commission des banques suisses, « Fonds « Abacha » auprès des banques suisses » du 30 aout 2000, p. 2.

96 MEYER-HEINE (A.), «La lutte contre le blanchiment dans l'Union européenne», Op.cit. p. 237.

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droits économiques ne se sont pas identifiés comme étant politiquement exposés mais ont affirmé être des hommes d'affaires fortunés et dont l'activité est couronnée de succès. »97

Des difficultés peuvent également naître concernant l'identification des membres de la famille d'une PPE. Le point 55. K) de l'article 1er du règlement anti-blanchiment du 11 avril 2016 prévoit de considérer comme membres de la famille d'une PPE le conjoint, tout partenaire considéré comme l'équivalent du conjoint, les descendants et leurs conjoints ou partenaires, les ascendants, les collatéraux privilégiés et les personnes connues pour être étroitement associées à une PPE. Il s'agit d'une définition conforme à celle donnée par le GAFI, qui il faut le dire, est au sens occidental de la famille.

Car, cette conception un peu restrictive des membres de la famille ne cadre cependant pas avec la conception très élargie de la famille en Afrique98. C'est pourquoi la définition du législateur de la CEMAC devrait prendre en compte cette réalité régionale pour inclure également dans sa définition les collatéraux ordinaires et leurs descendants et toute la famille par alliance d'une PPE. Ceci éviterait que les PPE s'appuient sur des oncles, cousins, neveux ou beaux-parents pour échapper à la vigilance des assujettis et faire blanchir le produit de leurs détournements de fonds ou de la corruption, même s'il faut reconnaitre que cette vigilance étendue à la famille élargie reste très difficile99.

En dépit des toutes ces difficultés, si l'établissement assujetti arrive à identifier son client comme relevant de la catégorie des PPE, il doit faire application des mesures de vigilance accrue à leur égard.

SECTION II : Les obligations de vigilance renforcée à l'égard des

clients PPE

Le professionnel, après avoir déterminé que son client est une PPE, catégorie de personnes à risque aggravé de blanchiment, doit observer des mesures de vigilance renforcée. La surveillance d'une infraction, notamment du blanchiment des capitaux, et de façon sous-jacente la corruption, engageant la responsabilité des organismes assujettis constitue un risque présent à chaque étape de son activité100.

97 Rapport de la Commission des banques suisses, Fonds « Abacha » auprès des banques suisses du 30 aout 2000, p. 12.

98 NGAPA (T.), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique centrale CEMAC : analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op.cit. p. 261.

99 Ibidem.

100 SUSCEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Op.cit., p. 185.

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A cet effet, les institutions financières prennent les mesures spécifiques, lorsqu'elles nouent des relations d'affaires ou lorsqu'elles effectuent des transactions avec ou pour le compte des PPE101. Ainsi, il s'agit des mesures de vigilance renforcée relatives à la relation d'affaires (paragraphe 1) en plus desquelles, d'autres mesures doivent être observées (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les obligations de vigilance relatives à la relation d'affaires

La relation d'affaires ou l'exécution d'une opération avec une PPE ou une personne agissant pour son compte fait l'objet d'un régime particulier. En effet, le législateur communautaire, en adhérent ou du moins en prenant en compte la Recommandation 12 du GAFI de février 2012, met à la charge des personnes assujetties des articles 6 et 7 du règlement CEMAC de 2016 une pléthore d'obligations qui doivent être observées.

Ainsi, la relation d'affaire pour être établie avec une PPE doit être le fait de la haute direction (A) et doit faire l'objet d'une surveillance continue (B) une fois établie.

A - L'autorisation préalable de la haute direction

L'entrée en relation d'affaires avec certaines personnes présentant des caractéristiques particulières sont gérées différemment par rapport aux opérations ou relations habituelles. Ainsi, l'entrée en relation avec une PPE est fortement règlementée et soumise à une exigence particulière. Car, elle nécessite l'autorisation de la haute direction pour être établie.

A cet effet, conformément aux articles 25 et 60 du Règlement CEMAC et l'article 8 du Règlement COBAC, les agents des organismes ou institutions financières doivent obtenir l'autorisation de la haute direction avant de nouer ou de poursuivre une relation d'affaire avec un client PPE. Ils doivent aussi informer la haute direction avant le paiement du capital. Cette autorisation, il faut le dire, doit intervenir tant dans le cadre de l'acceptation d'un nouveau client, que dans le cas d'un client existant devenu PPE au cours de la relation.

Il est également fait obligation aux assujettis lorsqu'ils entretiennent des relations avec des clients PPE de faire une déclaration de soupçon en cas d'une assurance vie. L'on comprend pour cette dernière obligation, qu'il est tout simplement interdit de contracter une assurance vie avec une PPE et si cela arrive, le professionnel est soumis à une obligation de déclaration automatique de soupçon.

101 Cf. art. 60 al. 1 du Règlement CEMAC.

40

C'est le moment de souligner que les modalités d'application de cette obligation sont précisées par voie de décision du comité ministériel de la CEMAC sur proposition du GABAC de concert avec la COBAC102.

À titre de Droit comparé, en droit français notamment, l'entrée en relation d'affaires avec les PPE répond pratiquement aux mêmes exigences. En effet, l'autorisation d'entrée en relation est donnée par un membre de l'organe exécutif ou toute personne habileté à cet effet par l'organe exécutif103.

À l'analyse de la règlementation communautaire, les établissements financiers sont libres d'entrer ou non en relation avec cette catégorie de clients que sont les PPE après l'avis de la haute direction. Si la haute direction qui donne son avis sur l'entrée en relation d'affaires avec une PPE refuse celle-ci, il ne se pose aucun problème particulier. Mais, si elle accepte d'entrer en relation avec la PPE, l'organisme est tenu d'avoir une surveillance continue sur ladite relation.

B - L'obligation de surveillance continue sur la relation d'affaires : l'approche par le risque

»104.

De manière générale, les organismes assujettis sont tenus d'avoir une surveillance continue sur la relation d'affaire de leur client quelle que soit sa catégorie : client PPE ou non. C'est le sens de l'article 23 du Règlement CEMAC en vertu duquel « les personnes visées aux articles 6 et 7 du présent Règlement doivent exercer une vigilance permanente concernant toute relation d'affaires et examiner attentivement les opérations effectuées en vue de s'assurer qu'elles sont conformes à ce qu'elles savent de leurs clients, de leurs activités commerciales, de leur profil risque et, le cas échéant, de la source de leurs fonds. Il leur est interdit de tenir des comptes anonymes ou des comptes sous des noms fictifs

Ainsi, l'obligation d'assurer une surveillance renforcée et permanente de la relation d'affaires avec les clients PPE revient à avoir un système interne de gestion de risque. Il s'agit donc de bâtir un système évitant la réalisation du risque d'infraction qui pèsent sur les PPE et donc sur la relation d'affaires. Ce système de gestion de risque cherche à identifier le degré de

102 Cf. alinéa 2 de l'article 28 du Règlement CEMAC de 2016 sur la LBC/FT. En France, le processus d'acceptation d'une PPE doit être formalisé par le professionnel dans une procédure mentionnant l'obtention obligatoire de la décision du membre de l'organe exécutif ; et doit y contenir l'avis de la direction de conformité préalable à la décision du membre de l'exécutif.

103 V. art. R.561-21 II 2° du code monétaire et financier français.

104 V. également l'article 22 du même Règlement CEMAC de 2016.

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risques potentiels d'infractions liés aux clients et aux transactions, de façon à permettre à l'établissement de concentrer son attention sur ceux-ci105.

C'est le devoir de connaissance du client (« know your Customer ») qui détermine la vigilance à apporter, tant sur les opérations que sur les personnes elles-mêmes106. Cette obligation de vigilance, qui pèse sur le professionnel, n'est pas ponctuelle, mais continue. Et sa durée est liée à celle de la relation d'affaire entre l'établissement et son client. Par conséquent, tant que la relation n'est pas dissoute, l'organisme est tenu d'assurer la surveillance, voire le contrôle, sur les opérations effectuées au cours de la relation.

En plus, des obligations de vigilance renforcée que sont l'autorisation préalable de la haute direction et la surveillance permanente sur la relation d'affaires, d'autres mesures s'imposent pour les clients PPE.

Paragraphe 2 : Les autres mesures s'imposant à l'égard des clients PPE

Pour ce qui est de l'aspect prévention et détection, l'autre obligation de vigilance à observer à l'égard des clients PPE est celle de la détermination de l'origine du fonds et du patrimoine (A), mais l'on ne pourrait traiter de la lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme liant les PPE sans évoquer au passage les éventuelles sanctions (B) de leurs actes.

A - L'obligation de détermination de l'origine du patrimoine et des

fonds

Le troisième paragraphe de l'article 60 alinéa 3 du Règlement CEMAC dispose que les institutions financières, qui sont en relations avec des PPE ou effectuent une opération pour leur compte, ont l'obligation « de prendre toutes mesures appropriées, en fonction du risque, pour établir l'origine du patrimoine et l'origine des fonds impliqués dans la relation d'affaires ou la transaction ». A la lecture de ces dispositions, il est clair que les établissements financiers, sinon les personnes assujetties, doivent prendre toutes mesures raisonnables pour déterminer l'origine des fonds ou du patrimoine de leur client PPE.

105 Cf. article 27 et 28 du Règlement CEMAC de 2016. Lire utilement à cet effet NGAPA (T.), « L'exercice des pouvoirs de contrôle et de sanctions de la commission bancaire de l'Afrique centrale (COBAC) dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale : libres propres », In KALIEU ELONGO (Y.R.) (Dir.), Régulation et intégration bancaire dans la CEMAC, P.U.A, 2016, p. 225 et S.

106 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Op.cit., p. 186.

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En effet, parce qu'ils ont l'obligation de connaitre leur client et donc de savoir l'activité qu'il exerce, les assujettis doivent être à même de connaitre la provenance des fonds de leur client. Cette obligation d'identification de l'origine des fonds est le corollaire de l'obligation de disposer d'un système de gestion de risque.

Le législateur qui impose cette recherche de l'origine des fonds, la motive par la nécessité pour le professionnel d'apprécier les risques LCB/FT induits par un client PPE. Cette recherche, à chaque relation d'affaires ou transaction, trouve sa pleine signification s'agissant des relations d'affaires nouées avec des clients PPE exerçant des fonctions importantes dans un pays où la corruption est largement répandue107.

Faut-il le rappeler, les fonctions exercées par les PPE peuvent les rendre perméables à la corruption108, puisque dans la plupart des cas, les fonds blanchis par elles sont issus de la corruption, et dans une moindre mesure, ils proviennent d'autres types d'activités criminelles telles que la criminalité organisée le trafic d'armes, le détournement de fonds publics etc. Ainsi, pour rechercher l'origine des fonds afin de trouver une justification économique des opérations de leur client PPE, le professionnel s'appuie sur les déclarations et les éléments probants qui lui sont fournis ou sur les informations publiques (presse...).

L'établissement qui doit ainsi déterminer l'origine des fonds, lorsqu'il découvre une anormalité ou encore trouve que les fonds n'ont pas de justifications économiques, ou encore sont liés à une infraction de blanchiment ou de financement du terrorisme, doit faire une déclaration de soupçon dans les conditions évoquées plus haut. Déclaration qui pourrait déboucher sur des sanctions.

B - Les éventuelles sanctions des actes de blanchiments des capitaux ou de financement du terrorisme liant les PPE

Les PPE qui se seraient rendues coupables des infractions de blanchiment des capitaux et/ou de financement du terrorisme encourent de sanctions pénales (1) et les biens ayant fait l'objet de blanchiment ou de financement du terrorisme pourront être saisis, gelés ou confisqués (2). Cependant, pour l'intérêt de la lutte anti-blanchiment visant les PPE, parce qu'elle vise à lutter indirectement contre la corruption, il est nécessaire de mettre en place des mesures permettant la restitution des fonds blanchis aux populations spoliées (3).

107 AMF, Lignes directrices sur la notion de personne politiquement exposée en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme-Doc-2013-23, www.amf.org, consulté le 03 août 2020.

108 Rapport du TRACFIN de janvier 2012.

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1- Les peines encourues par les PPE auteurs de blanchiment et de financement du

terrorisme

Il est très rare, sinon quasi impossible de voir une haute personnalité en fonction faire l'objet de poursuites pour blanchiment. S'il arrive que la preuve du blanchiment ou des infractions sous-jacentes soit établie, conformément aux sanctions pénales applicables à toutes catégories de blanchisseur personne physique, les PPE feront l'objet des sanctions sévères.

En effet, toute personne physique coupable de blanchiment des capitaux est punies d'une peine d'emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans et une amande allant de cinq (05) à dix (10) fois le montant de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, sans être inférieure à 10.000.000 Franc CFA. Il faut souligner que la tentative, est punie des mêmes peines109. Aussi, des peines complémentaires peuvent être prononcées110 et les coauteurs et complices sont punis de ces peines complémentaires.

Pour ce qui est de la répression du financement du terrorisme, les personnes physiques coupables sont punies d'une peine d'emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans et d'une amande égale au moins au quintuple de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de financement du terrorisme111. Il faut ajouter que la tentative, la complicité et la coaction sont punies des mêmes peines.

Les personnes politiquement exposées étant ainsi condamné, il important que les fonds ou biens blanchis soient confisqués.

2- Les mesures de contraintes relatives aux biens blanchis

La finalité de la lutte contre la criminalité financière est d'empêcher les délinquants de jouir des produits de leurs crimes. Ainsi, les biens blanchis par toutes personnes ou entités feront l'objet de mesures conservatoires notamment de saisie et gèle par les autorités compétentes112 et pourront être confisqués si la personne de leur auteur est reconnue coupable.

Lorsqu'une personne a été condamnée pour blanchiment des capitaux ou tentative, les tribunaux ordonnent la confiscation au profit du Trésor Public, des produits tirés de l'infraction, des biens mobiliers et immobiliers dans lesquels ces produits sont convertis ou transformés et, à concurrence de leur valeur, des biens acquis légitiment auxquels lesdits produits sont mêlés

109 Cf. art. 144 du Règlement CEMAC.

110 Cf. art. 118 du Règlement CEMAC.

111 Cf. art. 121 du Règlement CEMAC.

112 Cf. art. 105 du Règlement CEMAC.

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ainsi que des revenus et autres avantages tirés de ces produits113. En un mot les biens blanchis et tout produits tirés de ces biens seront confisqués par les juridictions compétentes.

Sont aussi confisqués les fonds et autres ressources financières, ainsi que tout bien mobilier ou immobilier destiné ou ayant servi à la commission de l'infraction de financement du terrorisme ou à une tentative114.

Ces mesures s'appliquent aux biens blanchis par toute personne quelle que soit sa catégorie et lorsqu'il s'agit des biens blanchis par les PPE, il serait nécessaire de les rendre aux populations victimes qui en sont les véritables propriétaires.

3- La nécessité d'instituer des mesures de restitution de fonds blanchis par les PPE à

la population spoliée

Le blanchiment des capitaux dont les PPE sont coupables, sont en général les fruits de la corruption ou du détournement des fonds publics. Ce qui signifie que la population de l'Etat concerné se trouve léser. Ainsi, il serait de l'intérêt de cette population victime de se voir restituer les fonds qui auraient dus lui revenir de droit.

À cet effet, aux termes de l'article 53 alinéa a) de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui prévoit que chaque Etat partie, conformément à son droit interne. « Prend les mesures nécessaires pour permettre à un autre Etat partie d'engager devant ses tribunaux une action civile en vue de voir reconnaitre l'existence d'un droit de propriété sur les biens acquis au moyen d'une infraction établie conformément à la présente Convention », l'on aurait cru qu'il s'agit d'une mesure contraignante pour restituer les fonds blanchis aux populations victimes (véritables propriétés). Mais, l'on constate qu'il ne s'agit pas d'une disposition garantissant une restitution. Car, si l'Etat sur le territoire duquel les biens ont été saisis ou les juridictions ont prononcé la confiscation, le gel des biens blanchis etc. ne dispose pas d'une règlementation permettant la restitution ou encore si l'Etat des populations victimes n'en fait pas demande115, ces populations victimes n'auraient que leurs yeux pour pleurer.

À titre d'illustration, dans l'affaire TEODORO OBIANG, le Tribunal correctionnelle de Paris en prononçant la confiscation des biens immobiliers et mobiliers saisis, relève que cette peine « ne prend pas en compte les intérêts des victimes de la corruption ». Car, les biens confisqués, parce qu'ils ne sont pas susceptibles de restitutions, sont attribués à l'Etat

113 Cf. art. 130 du Règlement CEMAC.

114 Cf. art. 131 du Règlement CEMAC.

115 Ce qui est en générale impossible si le gouvernement en fonction est celui qui a détourné le fonds qui est saisi.

45

français116. Or, en cas de corruption transnationale, « il apparait normalement injustifié pour l'Etat prononçant la confiscation de bénéficier de celle-ci sans égards aux conséquences de l'infraction » souligne le Tribunal. C'est pourquoi, le Tribunal lance, dans la dernière phrase de son jugement, un appel117 au législateur : « il parait dans ce contexte vraisemblable que le régime français des peines de confiscation devrait être amené à évoluer en vue de l'adoption d'un cadre législatif adapté à la restitution des avoirs illicites »118. Par ce que la législation française ne permet pas une restitution des biens confisqués, ces biens seront attribués au trésor français au lieu d'être restitués à la population équato-guinéenne.

Cependant, des nombreux Etats ont, dans le cadre des coopérations et d'entraides judiciaires, procédé à la restitution des avoirs illicites fruits de la corruption. C'est le cas de la restitution faite au Kazakhstan et au Nigéria par exemple.

Dans le cadre de l'affaire Abacha, le 04 mai 2020 le gouvernement nigérian à travers un communiqué confirmait avoir reçu une somme de 311 millions de dollars au terme d'un accord avec les USA et l'île britannique JERSEY. Et en avril 2018, le Nigéria avait indiqué avoir également reçu plus de 300 millions de dollars venant de la Suisse119. Plus récemment, dans le cadre d'un accord avec les Emirats Arabes en matière de rapatriement des fonds détournés, le gouvernement nigérian a fait rapatrier 200 milliards de dollars détournés par quelques 7 Gouverneurs et 6 anciens Ministres120.

Le problème qui se pose dans la restitution de ses avoirs c'est à qui doit-on restituer si les dirigeants qui ont détournés sont aux commandes ? Il n'existe pas de solution universelle. Chaque cas de restitution est jusqu'ici unique. Par exemple pour le Kazakhstan une fondation avait été créée et d'autres restitutions sont passées par la Banque Mondiale. Même s'il est parfois tenant d'écarter totalement l'Etat défaillant de la restitution, cela reste impossible dans le fait. Des moyens doivent cependant être trouvés pour l'inclure, sans écarter la société civile121.

De tout ce qui précède, il ressort clairement que pour donner un sens à la lutte contre la corruption, dont la lutte contre le blanchiment des capitaux liant les PPE est le corollaire, il est

116 GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis », Dalloz actualité, 31 octobre 2017, disponible sur www.dalloz-actualite.fr/flash. Consulté le 01 août 2020.

117 Appel qui semble être entendue avec la proposition de loi du Sénateur Socialiste Jean Pierre SUEUR. Texte qui insère, dans le code de procédure pénale un nouveau titre relatif à l'affectation des recettes provenant de la confiscation des biens de personnes étrangères « politiquement exposées » reconnues coupables d'infractions en matière de probité. V. à cet effet, JANIEL (P.), « Bien mal acquis : et si l'argent revenait aux pays pauvres ? » Dalloz actualité, 18 avril 2019, disponible sur www.dalloz-actualite.fr/flash. Consulté le 01 août 2020.

118 GOTZ (D.), « TEODORO OBIANG condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis », Op.cit.

119 Informations consultées sur www.voafrique.com, le 01 août 2020.

120 Informations accessibles sur www.financialafrik.com, consulté le 02 août 2020.

121 V. JANUEL (P.), « Bien mal acquis : et si l'argent revenait aux pays pauvres ? », Op.cit.

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nécessaire que les autorités internationales et nationales disposent d'un arsenal juridique permettant la restitution des biens aux populations spoliées.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

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Une catégorie des personnes ayant non seulement un risque, mais aussi une certaine facilité à commettre de crimes financiers, les PPE nécessitent une vigilance particulière. Allant dans ce sens, le législateur CEMAC a mis à côté de mesures de vigilance standards, de mesures spécifiques à cette catégorie de clients. Les personnes assujetties doivent mettre en place un système leur permettant de déterminer si leur client est une PPE (exerçant lui-même une importante fonction publique ou une personne assimilée à une PPE) ou non. Après avoir déterminé la catégorie de son client, l'assujetti doit observer de mesures de vigilance accrue, notamment l'autorisation de la haute direction pour l'entrée en relation d'affaires, la mise en place d'un système de gestion de risques pour surveiller permanemment la relation d'affaires afin de déterminer l'origine de fonds ou du patrimoine.

CONCLUSION DE LA PARTIE I

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Au terme de cette première partie, l'analyse montre que la prévention et la détection de la criminalité financière des PPE est une étape capitale de la lutte contre le fléau du blanchiment. Le législateur communautaire dispose d'un solide arsenal juridique allant dans ce sens. L'assujettissement des professionnels aux mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE en plus des mesures de vigilances standards auxquelles s'ajoutent les mesures de sanctions pénales des PPE coupables d'activités de BC/FT constituent un gage d'efficacité pour la lutte contre la délinquance économique des personnalités publiques. En un mot, cette partie nous a permis de constater que la lutte contre la délinquance économique en général et celle des hautes personnalités en particulier se joue au niveau préventif d'où l'important rôle à jouer des organismes assujettis.

Cependant, cette efficacité de la lutte se trouve amoindrie dans la pratique par les obstacles inhérents à son application.

PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE
EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À
L'ÉGARD DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES

49

« Une loi n'est efficace que dans la mesure où elle est strictement appliquée »122, cet auteur nous donne à comprendre que la loi n'a d'efficacité que lorsqu'elle est appliquée.

Ainsi, le dispositif, tant international que communautaire, de lutte contre la criminalité financière ne pourrait produire les effets escomptés que lorsque son application ne va souffrir d'aucune difficulté car dans le cas contraire, l'on ne parlerait ni d'efficacité et encore moins d'effectivité. Or, dans la pratique, l'application du dispositif anti-blanchiment à l'égard des PPE n'est pas chose aisée.

En effet, l'évolution technologique a permis que les institutions financières proposent des services par le biais des technologies de l'information et de la communication (TIC), fruits de la mondialisation à savoir ; la prestation des services par le biais de l'internet ou de téléphones mobiles. Ces nouveaux services et les autres services classiques des banques, que sont le transfert des fonds, l'opération de change, renferment des failles qui constituent des obstacles à l'application du dispositif anti-blanchiment (CHAPITRE I). Outre ces difficultés liées au système financier, le droit met une certaine barrière à l'efficacité de la lutte contre les malversations liant les PPE ou commis par elles (CHAPITRE II).

50

122 FERDINAND-LOP (S.), Les nouvelles pensées et maximes (1970).

CHAPITRE I : L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE SYSTEME

FINANCIER

51

Les blanchisseurs sont à la perpétuelle recherche des moyens et procédés leur permettant de recycler leurs fonds ; ils utilisent toutes les voies pour y parvenir. Dans leur recherche de discrétion, les délinquants utilisent toutes les failles se trouvant dans le système financier et parallèle pour blanchir leur butin. Ces failles peuvent être dans le secteur de l'assurance ou de l'immobilier mais pour notre étude, compte tenu du fait que les fonds blanchis par les PPE vont en général vers l'extérieur et emprunte le circuit bancaire et financier pour être logés dans les paradis fiscaux, l'on évoquera les failles inhérentes à ces systèmes qui favorisent les activités de blanchiment. Ainsi, les délinquants économiques profitent de la facilitation que leur offrent certains mécanismes financiers (section 1). Et les PPE, du fait de leur influence, notoriété et d'énormes sommes dont elles blanchissent, séduisent les organismes financiers qui, il faut le dire, dans la plupart des cas détectés, prennent part aux activités de blanchiment des capitaux (section 2).

SECTION I : La facilitation du blanchiment des capitaux par
certains mécanismes financiers

Pendant longtemps, le mécanisme dans le système financier qui favorisait le blanchiment des capitaux était le secret bancaire. Il fut considéré dans certains pays, à l'exemple de la Suisse, comme étant sacré, parce que lié au droit de la personnalité123. Cette sacralisation du secret bancaire jouait un rôle actif dans le blanchiment. Mais, fort heureusement, aujourd'hui le secret bancaire est nettement limité en matière de LBC/FT et ceci, même dans certains pays qui le considéraient comme un sacro-saint principe124. Toutefois, dans les paradis fiscaux, il subsiste encore. Raison pour laquelle, il sera évoqué dans le cadre du laxisme de la réglementation dans les paradis fiscaux.

Les blanchisseurs, comme nous l'avons souligné plus haut, cherchent toujours à contourner le système de prévention pour parvenir à leur fin et ce malgré la relativisation du

123 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p .24.

124 « L'annonce de la fin du secret bancaire en Suisse le 13 mars 2009 par le conseil fédéral Suisse ». Article de presse disponible sur www.rts.ch , consulté le 10 décembre 2019 à 21h 10min. V. également LONGCHAMP (O.), « La reconfiguration du secret bancaire Suisse », In l'Economie politique 2010/2 (N° 46), pages 21 à 35. Article disponible sur www.cairn.info, consulté le 10 décembre 2019 à 21h 05min.

52

secret bancaire. Ainsi, ils profitent de l'absence de rigueur dans le contrôle de certaines opérations (paragraphe 1) et de la couverture que les paradis-fiscaux leurs offrent pour blanchir des capitaux (paragraphe 2) d'origine illicite.

Paragraphe 1 : Le manque d'un contrôle rigoureux sur certaines opérations.

La mondialisation exige que les relations commerciales et financières que nouent les agents ne soient ni entravées, ni ralenties par des obstacles qui s'opposeraient aux règlements qu'elles impliquent. Il ne serait pas acceptable qu'un dysfonctionnement, voire un blocage des paiements, gène le bon déroulement des transactions économiques125. D'où la mise en place de certains mécanismes et pratiques bancaires tels que les opérations numériques, les opérations de change, etc. pour permettre un paiement rapide et adapté aux échanges commerciaux internationaux.

Mais, malheureusement, les délinquants dans leur perpétuelle recherche des voies et moyens de blanchiment profitent de la surveillance limitée sur les opérations numériques (A) et de certaines opérations dont la pratique comporte des failles favorisant le blanchiment des capitaux (B) pour parvenir à leur fin.

A - La limitation de la surveillance sur les opérations numériques

L'évolution technologique a permis non seulement à ce que les établissements financiers offrent des services en ligne à leur clientèle mais, de disposer également un moyen de paiement à la hauteur de ladite évolution à savoir la monnaie électronique. Ces opérations offertes, ne sont pas exempts de tous risques de blanchiment. Toute chose, qui fait le bonheur des blanchisseurs.

A cet effet, nous jetterons un regard sur les risques de blanchiment liés à la monnaie électronique (2), mais avant cela, nous évoquerons la surveillance limitée sur les cybers opérations ou opérations effectuées via internet (1).

1- La problématique de la surveillance des cybers opérations

L'avènement des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) a permis le développement des divers services bancaires. Le continent africain ne pouvant pas rester en marche, s'approprie davantage ces outils de développement. Ainsi, les

125 GAZE (P.), « Nouveaux moyens de paiement : nouveaux risques ? », In Cahiers du numérique, 2003 (vol.4), pages 93 à 113. Disponible sur www.cairn.info, consulté le 20 décembre 2019 à 12h 13min.

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établissements financiers et parallèles de la CEMAC offrent des services téléphoniques, des services via internet etc.

Les avantages et les bienfaits de ces services ne sont plus à démontrer ; car ils permettent d'effectuer des nombreuses opérations à distance et ceci de façon simplifiée et rapide. De ce fait, certains soutiennent que ces technologies offrent un éventail d'instrument facilitant la lutte anti-blanchiment126. Cependant, ces nouvelles technologies de l'information et de la communication, du fait des failles qu'elles comportent, facilitent plus les activités de blanchiment des capitaux et de financement de terrorisme.

D'ailleurs le comité de Bâle sur les contrôles bancaires l'avait déjà noté en octobre 2001 en ce terme « la nature de la banque électronique, qui n'implique aucun contact physique et se joue des frontières, combinée à la rapidité de la transaction, crée inévitablement des difficultés en matière d'identification du client et de vérification. »

Nous montrerons à travers l'analyse que les cybers opérations des banques renferment des difficultés d'identification des clients et de détection des opérations elles-mêmes (a) et par déçu tous, des risques de blanchiment liées aux autres opérations électroniques (b).

a- Les difficultés d'identification liées aux opérations sur internet

Nous relèverons les difficultés d'identification des cybers clients (i) avant de nous intéresser sur la question de la traçabilité des opérations effectuées sur internet (ii).

i- Les difficultés d'identification des cybers clients

L'identification est le préalable. Identifier un client, est une étape capitale dans la lutte anti-blanchiment. Ce n'est qu'une fois identifié, que l'on peut faire supporter à un client sont acte127. Le système et procédés employés dans les cybers services comportent des failles qui rendent difficiles l'identification des clients.

La difficulté tient tout d'abord, du fait que dans les opérations effectuées sur internet, il y a une distance entre la banque et son client. En effet, avec la banque traditionnelle ou classique, l'identification est plus aisée. Puisque le client se présente au guichet de la banque ; elle peut ainsi procéder à toutes les vérifications possibles afin de l'identifier. Et même si les informations et pièces données s'avèrent fausse, elle est à même de pouvoir faire un portrait-robot de son client. Mais, avec l'évolution technologique et les exigences du commerce

126 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent dans la CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p. 25.

127 Ibidem. p. 26.

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extérieur, la mise en place des cartes de crédit, cartes prépayées, l'ouverture des comptes en ligne etc., il y a une certaine distance entre les établissements financiers et les clients. Et cela ne permet pas une identification appropriée car, non seulement l'identification peut être truquée, mais aussi et surtout avec la possibilité d'utilisation des faux noms ou même de falsification des pièces dont la sous-région CEMAC n'est pas exempte, « le client a la faculté de fait de ne pas décliner sa véritable identité »128 comme le souligne un auteur. Ainsi, cette distance que le client a avec l'établissement financier fait de tel enseigne que celui-là, échappe à la surveillance de celui-ci rendant ainsi difficile l'efficacité du contrôle.

Il est bien vrai que les articles 25 et 43 du Règlement anti-blanchiment de la CEMAC de 2016 imposent aux personnes assujetties de prendre de dispositions particulières et suffisantes pour prévenir le BC/FT lorsqu'elles entretiennent des relations d'affaires ou exécutent des opérations avec un client qui n'est pas physiquement présent aux fins d'identification, dans la pratique, cela n'est pas chose facile. Ceci d'autant que le client a une certaine liberté dans l'utilisation des services à distances.

La distance et la liberté offertes aux clients sont de manière à rendre difficile la traçabilité des opérations.

ii- La question de la traçabilité des opérations effectuées sur internet

Après l'analyse qui en découle, il est clair que l'internet constitue un avantage précieux pour le blanchiment. Car, la mobilité, la rapidité, la liberté et la distance dans les cybers opérations ou services sont tout ce que recherche le délinquant économique.

Ainsi, pour TCHABO SONTANG, « malgré les prouesses constatées jusqu'à présent dans l'évolution des technologies de l'information et de la communication, repérer les traces d'une opération sur internet n'est pas ce qu'il y a de facile »129. Car, sur internet tout va si vite, tout se brouille dans une nébuleuse constituée d'une infinité de liens hypertextes-liens reliant les fichiers entre eux. Les traces se perdent du fait d'une infinité de services rendus aux mêmes instants et empruntant les mêmes canaux, touffus et confus. En conséquence le risque de rupture de la piste d'audit est très probable. Il devient ainsi difficile, voire impossible de tracer les opérations sur internet et ceci est un facteur de brouille des pistes d'enquêtes.

128 LE CERF (X.) et IVALDI (N.), Des usages de traçabilité en matière de paiement électronique, In Traçabilité et responsabilité, sous la direction de PEDROT (P.), édition Economica, 2003, p. 189 et S.

129 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit. p. 30.

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Toutes ces difficultés sur l'identification et la traçabilité des opérations effectuées sur internet sont de nature à constituer des risques de blanchiment pour les opérations électroniques.

b- Les risques de blanchiment liés aux opérations de virements électroniques

Le virement est l'opération consistant, pour un titulaire de compte, à demander à sa banque un transfert des fonds de son propre compte vers un autre compte. Pour Philippe NEAU-LEDUC, le virement « est un procédé qui permet de transférer des fonds d'un compte vers un autre compte par un simple jeu d'écriture »130.

Cette opération qui permet à des capitaux de passer d'un compte à un autre, d'un établissement à un autre, apparaît comme étant un instrument clé du processus de recyclage des fonds d'origine illicite. En effet, le virement est le moyen d'empilement le plus utilisé par le blanchisseur131. Comme nous le fait savoir De Feo « les virements sont probablement la méthode d'empilement la plus importante dont disposent les blanchisseurs de capitaux. Ils sont intéressants à plus d'un titre pour les criminels qui souhaitent couvrir leur trace. La vitesse, la distance, les traces comptables minimales et l'anonymat croissant qu'ils offrent du fait qu'ils se fondent dans l'énorme masse quotidienne de virements électroniques sont autant davantage qui n'ont pas de prix »132.

Le législateur CEMAC n'a pas omis cet aspect. C'est ainsi que l'article 36 du Règlement CEMAC dispose que « les institutions financières dont les activités comprennent des virements électroniques sont tenues d'obtenir et de vérifier le nom complet, le numéro de compte et l'adresse ou, en absence d'adresse, le numéro d'identification nationale ou le lieu et la date de naissance du donneur d'ordre et du bénéficiaire du virement y compris, si nécessaire, le nom de l'institution financière du donneur d'ordre de ces transferts.

Ces informations doivent figurer dans le message ou le formulaire de paiement qui accompagne le transfert. S'il n'existe pas de numéro de compte, un numéro de référence unique doit accompagner le virement.

Ces dispositifs ne s'appliquent pas aux transferts exécutés à la suite d'opérations effectuées au moyen d'une carte de crédit ou de la carte de débit qui accompagne le transfert,

130 NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 181.

131 TSOGNI DJOUMETIO (N.L), Les banque et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de doctorat, Op.cit., p. 138.

132 SAVONA (E.U) et De Feo (M.A), Money Tails : international Money Laudering Trends and proventon control Policies. Rapport présenté à la conférence de 1994, Supra (note 2) (manuscript dactylographié), p. 84, cité par TSOGNI DJOUMETIO (N.L), Les banque et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Op.cit., p. 138.

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ni aux transferts entre institutions financières pour leur compte ». L'on perçoit clairement que le législateur exige un bon nombre des mentions permettant la traçabilité des virements électroniques. Mais, dans la pratique cela ne semble pas si facile.

Le système SWIFT133 est l'exemple le plus parfait des opérations de virement renfermant des risques de blanchiment. En effet, ce système qui est utilisé par les banques pour effectuer des virements, offre aux délinquants de par sa rapidité, la possibilité de multiplier les transferts : en quelques minutes des capitaux peuvent transiter par plusieurs dizaines d'établissements.

Il est bien sûr théoriquement possible de suivre la trace de ces capitaux, mais, en pratique, les donneurs d'ordre auront pris le soin de faire appel à des banques implantées dans différents pays. En plus, le système SWIFT envoie des informations codées, ce qui contribue à opacifier les circuits financiers.

Ainsi, la rapidité, l'internationalisation et la multiplication offertes dans les transferts par le système SWIFT constituent des risques de blanchiment que les délinquants exploiteront pour parvenir à leur fin. Ils feront de même quant aux failles de la monnaie électronique.

2- Les risques de blanchiment de la monnaie électronique

La monnaie électronique s'entend comme une « valeur monétaire incorporée sous forme électronique contre remise de fonds de valeur égale, qui peut être utilisée pour effectuer des paiements à des personnes autres que l'émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction »134 .

La monnaie électronique fait donc partie d'un « système de paiement » composé d'un émetteur (l'établissement bancaire), d'un porteur (le consommateur) et de commerçants135. À ce titre, elle est considérée comme un nouveau moyen de paiement puisqu'elle permet avec un porte-monnaie électronique chargé d'unités électroniques de transférer des fonds et d'exécuter une obligation de somme d'argent.

Si les avantages et les bienfaits des nouveaux instruments de paiement dont fait partie la monnaie électronique ne sont plus à démontrer, leur utilisation peut favoriser certains

133 La Société for Worldwide Interbank Financial Telecommunication Interbancaire Mondial. Le réseau SWIFT a été créé en 1977 pour remplacer le réseau Télex, jugé trop lent et pas assez fiable. Créé à l'origine avec un protocole BSC, il migre en 1991 vers le réseau Swift II en X.25. Depuis 2004, il utilise un réseau sur IP, SWIFT Net. Cette société est une coopération de droit belge basée à Hulpe près de Bruxelles détenues et contrôlée par l'industrie financière internationale. Elle répond aux besoins d'un échange sécurisé entre ses membres à plus de 700 institutions financières situées dans environ 197 pays et territoires.

134 Alinéa J) de l'article 1er du Règlement CEMAC N° 01/11-CEMAC/UMAC/CM du 18 septembre 2011 relatif à l'exercice de l'activité d'émission de monnaie électronique.

135 NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire, Op.cit., p. 183.

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comportements répréhensibles au sens des lois et règlements édictés par les Etats membres de la CEMAC, notamment le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme136.

Les délinquants économiques sont constamment à la recherche de nouveaux moyens permettant de donner aux revenus qu'ils tirent de leurs activités une façade légitime. À cet effet, la monnaie électronique est dès lors intéressante pour eux et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, les opérations électroniques peuvent être effectuées de manière à n'est pas laisser de traces, c'est-à-dire dans le plus grand anonymat137 . En effet, pour l'émetteur, les fonds reçus contrairement aux opérations réalisées au moyen d'instruments de paiements classiques tels que les chèques ou les cartes bancaires, ne sont pas inscrits au nom du consommateur détenteur du porte-monnaie électronique et ne sont, pas non plus dû, a un bénéficiaire identifié.

Ensuite, pour les modes de paiement, la remise au commerçant d'un chèque ou le paiement par carte bancaire ne permet pas de créditer immédiatement le compte du bénéficiaire. Alors que le paiement par monnaie électronique entraine une modification instantanée des soldes des portes monnaies électroniques sans qu'il y ait besoin du concours de l'émetteur pour réaliser cette opération138.

En fin, la maitrise des flux monétiques constitue le principal facteur de risque lié à la réalisation des transactions par l'entremise des nouvelles méthodes de paiement. Or, dans la sous-région, les banques n'ont pas la maitrise de leur plate-forme monétiques, qui sont localisées hors de leurs juridictions d'activités. Ceci peut encourager une manipulation des informations relatives aux transactions effectuées au moyen des cartes prépayées depuis les services du prestataire et favoriser la réalisation des opérations douteuses. Ce risque est encore renforcé par le fait que dans ces institutions il n'existe pas un dispositif électronique d'alerte qui identifie les indices de soupçon de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme139.

Toutes ces particularités ont pour conséquence de ne pas laisser la possibilité d'établir une piste de vérification traditionnelle de la légitimité des opérations réalisées. Par ailleurs, la monnaie électronique offre une grande mobilité permettant d'effectuer sur internet avec un

136 « Les 15 risques du paiement mobile pouvant entraîner le blanchiment d'argent en zone CEMAC », article de presse portant sur l'étude du GABAC relative au risque de blanchiment de la monnaie électronique en 2017, disponible sur www.digitalbusness.africa, consulté le 01 juin 2020 à 20h 00min.

137 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, thèse de doctorat. Op.cit., p. 143.

138 Ibidem

139 « Les 15 risques du paiement mobile pouvant entrainer le blanchiment d'argent en zone CEMAC », article de presse portant sur l'étude du GABAC relative au risque de blanchiment de la monnaie électronique en 2017, disponible sur www.digitalbusness.africa. Consulté le 10 juin 2020 à 21h 15min.

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porte-monnaie virtuel, des virements de fonds d'un pays à un autre sans aucune restriction imposée par les autorités des pays visés140.

Outre les failles que renferment les opérations numériques, certaines opérations classiques favorisent aussi le blanchiment.

B - Les opérations favorisants le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

Ce sont des opérations légales dans le système financier notamment bancaire dont la vulnérabilité dans leur utilisation favorise les activités du blanchiment des capitaux. Il s'agit entre autres, de l'opération de transfert de fonds (1), de l'opération de change (2), le mécanisme des comptes offshores (3) etc.

1- L'opération de transfert de fonds et le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme

Le transfert de fonds est l'une des prérogatives essentielles dont bénéficient les établissements de crédit. C'est un service bancaire primordial141. Par ce que les établissements bancaires et financiers doivent assurer le règlement des échanges commerciaux, ils mettent à la disposition des agents commerciaux des mécanismes permettant de transférer les fonds. Il s'agit de virements, chèques, cartes de crédit etc. mais qui comporte malheureusement des failles qui pourront services à des fins illicites.

Dans un rapport d'août 2018, le GABAC traite de la question des vulnérabilités et risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme inhérents aux opérations de transfert de fonds dont nous retenons quelques-uns.

Tout d'abord, il y a une absence de règlementation spécifique pour l'encadrement de l'activité de messagerie financière qui constitue un frein au dispositif anti-blanchiment142. L'on note également une faiblesse dans la traçabilité des transactions car, les transferts de fonds dans la sous-région ne sont pas centralisés dans un fichier ou une plate-forme unique nationale ou sous régionale. Toute chose qui rende difficile les enquêtes et les poursuites pour blanchiment.

Ensuite, il y a une faiblesse de la culture de LCB/FT. En effet, les banques signataires de contrat avec leur partenaire font usage d'agent, notamment des EMF, qui à leur tour, recourent

140 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, thèse de doctorat. Op.cit., p. 144.

141 V. NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire, 4e édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 180.

142 Rapport GABA d'août 2018, Op.cit. p. 49.

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aux sous agents pour mener les activités de transferts et ces derniers ne maitrisent pas les diligences en matière de LAB/CFT, qui à la pratique ne sont pas une préoccupation pour eux143.

En plus, suite au renforcement des contrôles dans les institutions financières formelles sur les transferts de fonds, des canaux non règlementaires se sont développés, ils créent ainsi des couloirs servant de transfert de fonds pour BC/FT. Il s'agit des EMF non agrée, des sociétés de transfert de fond non enregistrées, mais aussi et surtout des agences de voyages qui, sans être autorisées, fournissent des prestations assimilables aux transferts de fonds sans mettre en place des diligences relatives à la LCB/FT144.

Enfin, la prépondérance du secteur informel est un véritable endroit de flux monétaire sans contrôle et constitue un moyen de blanchiment d'argent dans la sous-région.

Il faut aussi souligner l'aspect de transferts transnationaux de fonds qui constitue le moyen de blanchiment le plus usuel. Par exemple, en zone CEMAC, une convention liant la BEAC au trésor français consacre la libre transférabilité du Franc CFA et une garantie de rachat total des billets de banques émis par la BEAC et circulant hors de la zone d'émission145.

Le mouvement des flux qu'impliquent de tels transferts sont de nature à faire donner un grand avantage aux blanchisseurs. En effet, le transfert de fonds est souvent utilisé dans la phase de l'empilage pour déplacer les fonds afin de troubler leurs traces ; dans la dernière phase, celle de l'intégration, il est utilisé pour rapatrier les fonds blanchis.

Ainsi, lutter efficacement contre le blanchiment, c'est aussi maitriser ou du moins bien règlementé les opérations de transferts effectuées sur le sol de l'Etat concerné146.

Cependant, Les mêmes risques de blanchiment dans les transferts de fonds se retrouvent aussi dans d'autres opérations.

2- Les opérations de change et le risque de BC/FT

Aux termes de l'article 1er point 38 du Règlement N°02/18/CEMAC/UMAC/CM portant règlementation des changes dans la CEMAC du 21 décembre 2018, l'opération de change est une « transaction au comptant ou à terme, manuelle ou automatisée, dont le règlement comporte ou implique la conversion du Franc CFA en une autre devise et vice-versa ». De façon simpliste, le change est la conversion d'une monnaie en une autre. Ainsi, il peut porter

143 L'exemple le plus concret est celui du paiement mobile dans lequel les opérateurs de téléphonies, partenaires des établissements de crédit, font recours à leurs agents qui effectuent des opérations de transfert de fonds.

144 Rapport GABAC d'août 2018, Op.cit., p. 51.

145 V. La Convention de coopération monétaire entre les Etats de la CEMAC et la République française du 23 Novembre 1972.

146 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p.

16.

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sur une monnaie métallique, fiduciaires ou sur des valeurs mobilières. C'est une opération qui obéit à un régime rigoureux et l'activité des changes est strictement contrôlée147.

Le change est techniquement très important dans le processus du blanchiment, ou l'une des grandes opérations ou étapes du blanchiment est celle qui consiste en la dissimilation de l'origine de l'argent. Le souci peut être de rendre le butin moins suspect en changeant les petites coupures très encombrantes en grosses coupures148. À cet effet, le billet de 500 euros fut taxé d'instruments de blanchiment à cause de leur grande valeur et de leur petit volume. Ces derniers peuvent être transportés discrètement d'énormes montants, ce qui facilite au final la circulation d'argent sale149. Toute chose qui a amené à l'arrêt de production de ces coupures. L'opération de change est ainsi utilisée à des fins de blanchiment.

Si les avantages commerciaux des changes ne sont pas à négliger, l'inefficacité de contrôle et l'absence de rigueur dans le contrôle de changes manuels font de cette opération un véritable outil de blanchiment. Si les îles et paradis-fiscaux tels que Aruba et Liechtenstein attirent le plus des capitaux à blanchir, c'est aussi et surtout parce que les opérations de changes y sont libres comme le vent150.

Ainsi, pour ce qui est de la CEMAC l'un de facteur favorisant le blanchiment des capitaux dans le change est la prépondérance du secteur informel dans l'activité de change manuel avec en face l'utilisation du liquide151. Ces risques de blanchiment qui est présent dans les opérations de changes sont encore accrus dans l'utilisation des comptes offshores.

3- Les comptes bancaires offshores et le blanchiment des capitaux

Le terme « offshore « signifie en « dehors des côtes ». Il fut pendant longtemps utilisé pour désigner les îles Anglo-Normandes car, elles sont en dehors du Royaume Uni. Une « Banque offshore « est une banque située à l'extérieur du pays de résidence du déposant, typiquement dans un pays à faible imposition152.

Ainsi, un `'compte bancaire offshore» est un compte ouvert auprès d'une banque située à l'étranger153. L'ouverture d'un compte bancaire offshore n'est pas en soi illégale, mais son utilisation peut servir à des fins du blanchiment. En effet, lorsqu'un tel compte est ouvert dans

147 Cf. art. 147 à 152 du Règlementation des changes dans la CEMAC.

148 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 18.

149 Documentaire : envoyé spécial, la face cachée du billet de 500 euros, consulté le 10 mai 2020 sur www.francetvinfo.fr.

150 HERAIL (J-L.) et RAMEL (P.), Blanchiment d'argent et crime organisé : la dimension juridique, 1er éd., Paris, P.U.F., 1996, p. 50.

151 Rapport GABAC d'août 2018, Op.cit., p. 53.

152 www.wikipedia.org. Consulté le 02 août 2020.

153 Définition tirée du site www.paradisfiscaux20.com, le 03 août 2020.

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une banque située dans la juridiction d'un Etat où, il existe un laxisme de la règlementation et qui offre également la possibilité de l'utilisation de l'anonymat et un secret bancaire garantissant la discrétion, ce compte bancaire pourrait servir grandement les blanchisseurs. Ceci d'autant que les PPE sont une catégorie de personnes qui sollicitent en générale les services des banques étrangères pour blanchir les produits de leur corruption et ces types des comptes constituent d'énormes avantages pour eux. Car, les paradis fiscaux sont des véritables lieux des activités de blanchiment.

Paragraphe 2 : La couverture du blanchiment des capitaux par les paradis-
fiscaux et les places offshores

L'internationalisation du système financier n'est pas sans conséquence. En effet, L'avènement de la mondialisation de nouveaux horizons au crime organisé et à la délinquance économique et financière en particulier. L'imbrication des intérêts publics et privés, la faillite des contrôles produisent des effets délétères à l'intérieur et à l'extérieur des frontières. Ainsi, les réseaux criminels empruntent-ils les multiples circuits d'occultation du système financier mondial et de ses produits nouveaux et méthodes ou techniques à des fins de blanchiment154.

Ce système financier ainsi, internationalisé et décloisonné a offert une plus grande prospérité au blanchiment d'argent dans certains pays ou places financières où il est possible d'y déposer des sommes sans avoir de compte à rendre sur son identité : ce sont les paradis fiscaux et centres ou places offshore.

Il s'agit de pays qui ne prélèvent pas ou peu d'impôts et servent aux non-résidents pour échapper à l'impôt dans leur pays de résidence. Un paradis fiscal est doté de dispositions législatives ou de pratiques administratives empêchant un échange de renseignements avec d'autres pays sur les contribuables. Les paradis fiscaux ou les centres offshores jouent un rôle accru dans les opérations de blanchiment des capitaux, facilitées par des réglementations laxistes et le secret bancaire155.

Associée à certaines structures juridiques (B), ce laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux (A) constitue un véritable moyen de blanchiment des capitaux.

154 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) : état des lieux et perspectives, Thèse de Docteur en droit privé et sciences criminelles, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, février 2017. P. 269.

155 Ibidem.

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A - Le laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux

Pour attirer les capitaux étrangers, certains pays adoptent une fiscalité plus favorable que celle du reste du monde156. Les principales caractéristiques des paradis-fiscaux et Centres Offshores157 sont généralement les mêmes caractéristiques dans les secteurs financiers et commerciaux. Ainsi, la règlementation est laxiste dans ces territoires à plusieurs niveaux.

Tout d'abord, les paradis-fiscaux ou centres offshores ont une règlementation stricte en matière de secret bancaire, interdisant ainsi la révélation du titulaire du compte bancaire ou des opérations. Il est ainsi extrêmement difficile de connaitre l'identité des personnes y déposant les fonds. La législation des paradis-fiscaux prévoit généralement des sanctions lourdes si les employés des banques transgressent cette règle. Ce secret est opposable aux autorités judiciaires et aux autorités de contrôle158. Ce qui permet à son titulaire d'échapper aux poursuites intentées par son pays. Et les personnes politiquement exposées s'orientent en générale vers les banques de ces territoires pour pouvoir cacher les fonds détournés par elles ou provenant de leurs activités illégales.

Ensuite, la supervision de contrôle est aussi faible. En effet, dans ces territoires ou juridiction comme les îles Caïmans qui dépendent de la couronne britannique, l'institution de supervision qui ne se trouve pas sur place est complice.

En plus, ils ont une règlementation laxiste en matière de propriété et d'enregistrement des sociétés. Le droit des sociétés de ces pays garantit l'anonymat du bénéficiaire des opérations financières réalisées par des ressortissants étrangers qui effectuent, le plus souvent lesdites opérations depuis l'étranger159. Un véritable avantage que recherchent les blanchisseurs.

Enfin, il importe de souligner que la législation dans les paradis-fiscaux protège ou favorise l'évasion fiscale et empêche les procédures judiciaires. En effet, pour ce qui est de la fiscalité, elle est attractive, voire inexistante. Ils permettent dans ce sens de déplacer l'argent

156 TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 16.

157 Les centres « offshores « sont en effet des territoires où des non-résidents ont la possibilité de créer les sociétés et d'utiliser les services financiers offerts par leurs activités à l'extérieure desdits territoires. Ici, les entreprises qui s'installent sous ce régime ne peuvent en effet réaliser de bénéfices qu'à l'extérieur du territoire où elles sont installées, elles jouissent ainsi des avantages fiscaux (Cf. FERJAULT (E), Secret professionnel et blanchiment des capitaux, mémoire magistère de juriste d'affaire, Université Panthéon Assas, mai 2002, p.38 cité par TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 16).

158 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA): état des lieux et perspectives, Op. cit., p. 274.

159 Ibidem

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«sous le nez du fisc« sans que l'on sache où il va. Et le secret bancaire est protégé même dans le cadre d'une fraude fiscale.

Pour ce qui est des poursuites judiciaires relatives à la délinquance économique et financière, il importe de souligner que la plupart des paradis-fiscaux sont tout d'abord des territoires non-coopérants160 et ensuite, même s'il existe une règlementation en matière de criminalité économique, elle est soit laxiste, soit inappliqué161.

Ainsi, il est pratiquement impossible au juge de repérer les informations financières ou des données informatiques, dans un paradis-fiscal ou un centre offshore, qui peuvent disparaitre en un clic pour réapparaitre aussitôt par un autre. Si les traces de telles données sont effacées, la justice aura du mal à vérifier leur existence et du fait de leur migration, elle ne les trouvera jamais162 . Un juge français fait à cet effet un constat amer lorsqu'il affirme que « Force est de constater aujourd'hui que les méandres de la finance internationale, où circulent librement des capitaux douteux noyés dans la masse des capitaux générés par le libéralisme, sont souvent d'une opacité telle qu'il est impossible de dévoiler les circuits masqués du blanchiment. Les places offshores sont prospères et recueillent les fruits de la mondialisation. L'argent sale a su y trouver refuge et le secret bancaire contraint souvent les juges à constater que leurs quêtes sont dans l'impasse »163.

Aux termes de cette analyse, l'on se rend clairement compte que le laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux est une véritable mine aux pieds du dispositif anti-blanchiment en générale et celui contre les PPE en particulier. Car, du fait de l'anonymat qu'offres ces territoires, les établissements financiers de ces places attirent les hautes personnalités pour mettre à l'abri, du public ou des organismes anti-blanchiment, les fonds provenant de la corruption ou du détournement. Bien plus, ce laxisme fait en sorte que des entreprises (fictives ou réelles) mettent en place des véritables circuits de blanchiment.

160 La liste de ces territoires est établie par le GAFI.

161 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) : état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 275.

162 FALCIANI (H.), « séisme sur la planète finance au coeur du scandale HSBC. Mon combat contre l'évasion fiscale », édition LA DECOUVERT, p. 15.

163 Constat fait par le juge VAN RUYMBEKE (R.) In PARIS-FICARELLI (N.), « Magistrats en réseaux contre la criminalité organisée », Presse Universitaire de Strasbourg, 2008, p. 8.

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B - La participation des structures juridiques dans les paradis fiscaux aux activités de blanchiment

Les paradis-fiscaux fonctionnent comme une gigantesque lessiveuse et avec un peu de technique et d'habileté, rien n'est plus facile, qu'en multipliant les sociétés écrans et les sociétés offshores, de transformer un argent sale en argent honnête164.

Ainsi, les sociétés domiciliées dans les paradis-fiscaux ou centres offshores jouent un rôle essentiel pour structurer le montage de circuits de blanchiment sur la base d'opérations commerciales et judiciaires. Elles permettent de justifier les transactions effectuées par la constitution d'une documentation commerciale (lettre de crédit, factures, etc.) et l'utilisation des comptes ouverts en leur nom dans les institutions bancaires. Il est fait un recours de plus en plus fréquent à la création des structures de blanchiment complexes qui utilisent les kyrielles de sociétés pour multiplier les coupe-circuits et accroitre la difficulté de relier l'argent à l'activité criminelle d'où il provient165. Nous retenons quelques-unes de ces structures.

? Les sociétés écrans : Elles ont une activité réelle, à temps plein ou à temps partiel, qui est utilisée comme couverture ou appui logistique à des opérations commerciales légitimes ou criminelles. Généralement, les sociétés écrans n'ont aucun actif dans le lieu de leur immatriculation ou d'enregistrement166.

? Les sociétés fantômes : Elles sont, comme leur nom l'indique, purement fictives en ce sens qu'elles n'ont pas été immatriculées ou enregistrées. Elles n'existent que par le nom. Elles servent à dissimuler le bénéficiaire effectif des opérations financières de la société et des actifs détenus. En générale, une société fantôme est détenue par une autre société fantôme, elle-même détenue par une autre société fantôme ou un trust, et ainsi de suite167. Dès lors, il est pratiquement impossible pour les autorités judiciaires et fiscales ou toute autre personne d'identifier leurs propriétaires réels, responsables au final des actions de l'entreprise.

? Les sociétés dormantes : Ce sont des sociétés qui, après leur création, sont conservées dormantes par un intermédiaire, souvent un avocat, qui paie toutes les

164 DUPUIS (M.-C.), « Argent sale : la finance criminelle-t-elle l'économie mondiale ? », éd. PUF, Paris, 1999, p. 64.

165 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) : état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 277.

166 Ibidem

167 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent : techniques et moyens de lutte (cas de la banque société générale Algérie), Op. Cit., p. 12.

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redevances annuelles à l'Etat. Ce qui lui permet de garder la société dormante à l'effet, par exemple, d'établir de faux documents de société (factures, etc.) ou de prêt en les antidatant et faire croire à son interlocuteur qu'elle a plusieurs années d'existence168. L'objectif est d'avoir l'historique d'une société d'apparence légitime.

? Les sociétés de domicile : Elles sont des sociétés des capitaux, des sociétés coopératives ou des fondations qui n'ont en Suisse qu'une activité administrative mais, n'y exercent aucune activité commerciale. Cette définition sous-entend notamment qu'elles ne peuvent employer que très peu du personnel169. Ce sont par exemples des sociétés qui fournissent des prestations pour l'ensemble des entreprises d'un groupe sans offrir sur le marché des produits industriels, artisanaux ou commerciaux.

? Les holdings : La holding est souvent nommée comme une société mère, c'est une société qui possède des titres ou des actions de plusieurs entreprises qui peuvent être nationales ou internationales et aussi elles peuvent travailler dans différents secteurs. Si la holding est installée dans le paradis fiscal, elle permet de mélanger de l'argent légal avec de l'argent d'origine criminel grâce au secret bancaire qui est appliqué dans ce territoire170.

? Les sociétés d'affaires internationales ou International Business Corporation (IBC) :

Elles mènent leurs activités en dehors de leurs territoires d'enregistrement. Elles sont dispensées de l'obligation d'identifier les actionnaires ou propriétaires. De ce fait, elles garantissent l'impossibilité pour les autorités judiciaires d'avoir accès à leur identité. Leurs transactions se font généralement en devises étrangères et font l'objet d'une imposition limitée. Elles constituent des vecteurs de blanchiment au service des criminels et de leurs gestionnaires171.

Créer des sociétés « sur mesure », dont l'objet et la structure sont adaptés aux besoins spécifiques des clients est un véritable métier172. Ce sont des conseillers juridiques ou

168 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) : état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.

169 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent : techniques et moyens de lutte (cas de la banque société générale Algérie), Op.cit., p. 13.

170 Ibidem.

171 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre la délinquance économique et financière dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) : état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.

172 Ibidem.

66

financiers (voire les banques), qui ont de par leur statut la possibilité « d'ouvrir l'accès aux diverses fonctions susceptibles d'aider les criminels ayant des fonds à déplacer ou à dissimuler »173.

SECTION II : L'éventuelle participation des organismes financiers aux activités de blanchiment des capitaux et de financement du

terrorisme

Les établissements financiers et notamment bancaires, jouent au premier lieu, le rôle de liaison qui met en rapport les fournisseurs et les demandeurs d'argent. La banque vise ainsi la collecte des fonds en vue de les prêter. Elle n'est donc pas une maison de charité, mais bien au contraire, un commerçant qui vise le profit. Ainsi, les blanchisseurs sont à la recherche des banques qui ne se conforment pas aux procédures légales ou qui omettent simplement de consigner ou de déclarer des informations relatives à des possibles cas de blanchiment, pour toucher une rémunération plus avantageuse174.

La plupart des opérations de blanchiment des capitaux sales nécessitent pour être effectuées, à un certain moment l'intervention d'un organisme financier plus particulièrement d'une banque, compte tenu des services techniques qu'elle offre. A savoir le dépôt en espèce des fonds d'origine sale, leur virement sur des comptes bancaires, etc. En effet, l'implantation internationale dont dispose les banques associées à leur contour aux activités de blanchiment est un grand avantage pour les blanchisseurs.

Ainsi, le secteur bancaire et ses multiples connexions semblent être parmi les canaux les plus dangereux pour nos sociétés en matière de blanchiment des capitaux175. Et les PPE sont une catégorie des blanchisseurs à part entière qui rend flexibles les organismes bancaires, qui, participent à leurs malversations ou ferment tout simplement les yeux sur elles.

Nous démontrerons à travers l'analyse que cette participation aux activités de blanchiment est d'une part active (paragraphe 1) et d'autre part, passive (paragraphe 2).

173 Rapport sur les typologies des capitaux 2000-2001, GAFI XII, 1er février 2001 disponible en PDF sur www.fatf-gafi.org. Consulté le 04 mai 2020.

174 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et Répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Op.cit. p. 40.

175 Ibidem.

67

Paragraphe 1 : La participation aux activités de blanchiment des capitaux
par la technique du prélèvement des pourcentages : une complicité active.

Si le phénomène de blanchiment des capitaux ne cesse de progresser, c'est d'une part à cause de la participation des certaines banques. Dans la plupart du temps, pour tirer leur épingle du jeu, les blanchisseurs n'agissent pas seuls mais avec les banques qui leur garantissent leur concours. Pour TCHABO SONTANG, « les banques qui participent au blanchiment sont, qualifiées de « sympathiques « par les bénéficiaires de leurs services »176.

En effet, les banques se réservent de ne pas révéler au public les opérations de leurs clients au risque de les perdre, elles profitent ainsi des avantages que leur procure une telle complicité notamment en prélevant un certain pourcentage sur chaque opération.

Pour illustration, dans « l'affaire Casablanca « les blanchisseurs Colombiens sollicitaient naturellement les services des banques colombiennes dans la phase de placement, ces dernières acceptaient de jouer le jeu, en contrepartie, elles devraient prélever sur les sommes perçues, à titre de frais d'intérêt de 1% (1 pour cent)177. Il apparait clairement à travers cette affaire que la plupart de blanchiments de grande dimension sont effectués grâce à la complicité des établissements bancaires.

Pour ce qui est de blanchiment liant les PPE, une enquête menée par le Senat américain a mis en évidence le rôle souvent très actif des banques dans le processus de blanchiment, elle révèle que les banques américaines avaient aidées le chef d'Etat Gabonais OUMAR BONGO à blanchir des fonds détournés dans son propre pays. Cette enquête mention que les services de cette banque ne seraient pas gratuits, au contraire, elle prélevait la somme d'un million de dollars par an à son client pour services rendus. Et en général, les experts estiment qu'une banque active dans le blanchiment perçoit une commission de 10 à 40% des sommes recyclées178.

Aussi, dans l'affaire de blanchiment liant les dignitaires de la Guinée, la Riggs Bank a pris part au blanchiment en mettant notamment en place des structures offshores pour le dictateur TEODORO OBIANG NGUEMA et son fils ; 13 millions de dollars ont été ainsi

176 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit., p. 22.

177 Exemple cité par TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit, p. 22.

178 Ibidem.

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versés entre 2000 et 2002 sur les comptes dont 3 millions en une seule fois à l'occasion de l'ouverture du compte d'une des structures179.

Par ailleurs, le Tribunal Correctionnel de Paris a pointé le rôle déterminant joué par les banques dans la réussite du mécanisme de blanchiment orchestré par Téodoro Obiang le fils du président de la Guinée, par ailleurs ancien ministre et promis vice-président de la Guinée à l'époque des poursuites, pour piller les ressources de son pays. Le tribunal relève en ce sens que ces faits de blanchiment n'auraient pas été possibles sans l'intervention de la SGBGE, filiale équato-guinéenne de la Société Générale mais aussi de la Banque de France. En faisant transiter des fonds sur des comptes internes de passage à la Banque de France, le prévenu a en effet pu outre, malgré la réunion évidente des plusieurs critères d'alertes, aucune déclaration de soupçon n'a été adressée au TRACFIN180.

Allant dans le sens de complicité des banques aux activités de blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, en 2012 la banque Britannique HSBC avait été condamnée par les Etats Unis à payer une amande de 1,92 milliards de dollars pour complicités au profit des trafiquants, de terroriste et de l'Iran181.

A travers ces différentes affaires, l'on se rend clairement compte de la participation des banques aux activités de blanchiment des capitaux en apportant leur concours aux blanchisseurs. Cette participation est dans certains cas dû à une faible culture juridique.

Paragraphe 2 : La faible culture juridique des agents des organismes
financiers en matière de lutte anti-blanchiment : une complicité passive

La complicité passive des établissements financiers, du moins de certains de leurs agents, au blanchiment est soit due à la faible culture juridique, ou soit liée à la personnalité de certains clients.

Pour ce qui est de la faible culture juridique en matière de LCB/FT, il est clair que le domaine bancaire est un domaine relevant une certaine technicité. Par conséquent, les agents qui sont censés assurer le déroulement des opérations doivent avoir une maitrise considérable de leurs obligations professionnelles, notamment les obligations de vigilance et de diligence telles évoquées dans la première partie de notre analyse. De ce fait, ces agents ou responsables

179 R. d'ESTAINTOT, « Les personnes politiquement exposée (PPE) : réflexion sur une obligation renforcée de vigilance ». Op.cit., p. 97.

180 GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis », Op.cit.

181 « HSBC ne veut plus de l'argent des ambassades! », article de presse du journal LA TRIBUNE, publié le 04 août 2013, disponible sur www.latribune.fr. Consulté le 22 juin 2020.

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doivent être rigoureusement formés182 à la déontologie afin de barrer la route aux activités des criminels financiers. Ainsi, l'agent de banque doit en principe être suffisamment informé des législations relatives à la profession. Or, il n'en est pas toujours ainsi dans la pratique.

L'insuffisance professionnelle peut également servir les causes du blanchiment. Allant dans ce sens un auteur affirme qu' « un agent pour qui toute opération est normale, quelle qu'en soit sa banalité ou son extravagance, est une menace pour le système anti-blanchiment »183.

Faut-il le rappeler, les criminels financiers sont toujours à la recherche des moyens, leur permettant de réaliser leur entreprise criminelle et ne laisse échapper aucune faille qui est à leur portée. Et l'ignorance des certains agents des établissements et voire des établissements parallèles184 et de nature à leur permettre d'atteindre leur objectif.

Ainsi, nous avons eu au cours de nos recherches à faire le constat que certains organismes bancaires ne disposent pas d'un service chargé de veiller sur la conformité des opérations aux normes de LCB/FT dans leurs agences185 , mais seulement au niveau de leur direction général. De surcroît, certains agents se trouvant dans ces agences avec qui, nous avons eu à échanger n'ont pas connaissance de la législation anti-blanchiment et pour ceux qui en savent un peu, ils ignorent la notion des personnes politiquement exposées.

Par ailleurs, le GABAC dans un rapport faisait mention de la faiblesse de la culture de LCB/FT dans la sous-région qui est un facteur de risque de blanchiment186.

Toutes ces raisons évoquées nous amènent à dire que cette faible culture juridique est utilisée par les blanchisseurs à leur guise et met ainsi en mal le dispositif anti-blanchiment.

Quant à la personnalité de certains clients, il peut s'agir tout d'abord des Hommes d'affaires à la réputation avérées. Pour ces genres des clients, les banques ont tendance à n'est pas trop s'interrogées sur la provenance de leur fonds négligeant de ce fait le dispositif anti-blanchiment et servant ainsi les intérêts des délinquants.

Dans l'affaire précipitée plus haut du dictateur nigérian, les banques Suisses ont accepté d'entrer en relation avec les proches de Sani ABACHA sans observer une vigilance en amont,

182 D'où l'agrément des dirigeants des banques et des entreprises d'assurances par les autorités compétentes.

183 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 23.

184 Cette faible culture juridique n'est pas seulement l'apanage des agents des établissements bancaires et financiers, mais peut également être celle des agents des tous les organismes assujettis des articles 6 et 7) du Règlement CEMAC.

185 C'est le cas de certaines banques se trouvant à Ndjamena/TCHAD, qui n'ont pas des services de conformité dans leurs agences au niveau des arrondissements et dans certaines provinces.

186 Rapport du GABAC sur les risques de blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme inhérent au change manuel et au transfert de fonds en Afrique centrale, Op.cit.

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pour la simple raison qu'ils ont été présenté par un client habituel par ailleurs homme d'affaires à réputation187.

Ensuite, les agents de banques se laissent influencer sinon intimider par les fonctions qu'occupent certains clients. Tel est le cas des clients PPE, comme nous l'avons souligné sur les difficultés de leur identification, les agents ont une certaine réticence à leur poser des questions sur la provenance de leur fonds ; toute chose qui va à l'encontre de la réglementation anti-blanchiment.

Le système bancaire et financier renferme ainsi des failles qui couvrent les activités de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme initiées par les délinquants de tous genres.

187 V. le Rapport de la commission des banques Suisses, sur le « Fonds ABACHA » auprès de banques Suisses, Op.cit.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

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L'efficacité de la lutte contre la criminalité financière est tributaire de l'identification des auteurs de crimes financiers et de la traçabilité des opérations de BC/FT. Cependant, l'avènement des NTIC fait en sorte que l'identification des cybers clients et la traçabilité des opérations effectuées par le biais du net soient difficiles. En outre, les paradis fiscaux viennent couvrir dans la plupart de cas les malversations économiques initiés par les hautes personnalités. Aussi, les organismes financiers, les banques en occurrence participent dans certains cas à la mise en place de crimes financiers.

Dans d'autres cas, l'efficacité de la lutte anti-blanchiment se trouve amenuiser par la complaisance du système juridique à l'égard de certaines personnes ou opérations.

CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES A LA LUTTE
CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE
FINANCEMENT DU TERRORISME LIÉS AUX PPE

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Nous avons évoqué plus haut le dispositif auquel les établissements assujettis sont tenus. Sans y revenir dessus, nous soulignons que son respect garantit, dans une large mesure, la prévention et la répression effectives des actes délictueux. Cependant, sa défaillance impacte très négativement l'efficacité de la lutte contre les malversations financières des PPE.

Un certain nombre des dispositions contenues dans les textes internationaux et nationaux sont des natures à faire écran à l'applicabilité des mesures tant préventives que répressives en matière de blanchiment. Nous notons ainsi que l'efficacité du système préventif et répressif de la criminalité financière, pour ce qui est des PPE, se trouve amoindrie par certaines dispositions légales. Ces dispositions sont tantôt inhérentes à la qualité des certaines personnes (Section 1), et tantôt relatives à certaines opérations (Section 2).

SECTION I : Les limites à la lutte anti-blanchiment rattachées à la qualité de certaines PPE

L'idée de limites juridiques à la LBC/FT rattachées à la qualité des certaines personnes politiquement exposées (PPE) s'appréhende ici comme étant les immunités et privilèges dont les PPE disposent et font obstacles à la lutte. En effet, les PPE telles que nous les avons évoquées plus haut, bénéficient dans une certaine mesure des immunités.

La notion d'immunité est une des plus complexes en droit. Pourtant, la doctrine et la jurisprudence l'emploient comme si elle relevait de l'évidence jouant sur le registre de la connivence : tout le monde sait ou sent ce que signifie une immunité188. Le monde juridique consacre la summa divisio entre immunité de fonds et immunité de procédure, entre irresponsabilité et inviolabilité, parfois concurrencée par la distinction entre immunité absolue et immunité relative.

En faisant abstraction de tout débat sur la notion d'immunité, elle s'entend au sens strict comme une « cause d'impunité qui, tenant à la situation particulière de l'auteur de l'infraction au moment où il commet celle-ci, s'oppose définitivement à toute poursuite, alors que la

188 BOUDON (J.), « Le privilège de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », In CLEMENT (G.) et LEFEBRE (J.) (Dir.), Les immunités pénales. Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA, Collection Colloques, Paris, P.U.F, 2010, p. 31.

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situation créant ce privilège a pris fin »189. Ainsi, nous comprenons aisément qu'une immunité est un privilège qui, accordé à une personne, fait obstacle aux mesures de poursuite. Allant dans ce sens, le Professeur Julien BOUDON affirme que tous les auteurs « s'accordent pour affirmer qu'une immunité est synonyme d'exemption de charge, en vertu de l'étymologie latine : le terme « munis » (« charge ») est précédé d'un « i » privatif »190.

La notion d'immunité étant clarifiée, nous nous intéressons à certaines immunités accordées à certaines PPE (Paragraphe 1) et accorderons un intérêt particulier à la problématique du blanchiment lié aux comptes des missions diplomatiques (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les immunités attachées à la qualité de certaines PPE : un
obstacle majeur à l'effectivité de la lutte anti-blanchiment

Il serait judicieux de jeter un regard sur la typologie des immunités dont bénéficient les PPE (A) avant d'évoquer les effets qu'elles pourront avoir sur les mesures des poursuites en matière de blanchiment notamment au niveau international(B).

A - La typologie des immunités des PPE

Les difficultés procédurales lors des poursuites impliquant une PPE tiennent couramment aux immunités dont elles se prévalent qu'elle soit parlementaire (1), membre de l'exécutif (2) ou diplomate étranger (3).

1- L'immunité parlementaire

L'immunité parlementaire est régie par les dispositions législatives de chaque Etat. Ainsi, pour le cas du Tchad par exemple, l'article 117 de la Constitution du 04 mai 2018 dispose à cet effet que « les membres de l'Assemblée Nationale bénéficient de l'immunité parlementaire.

Aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté ou jugé pour des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Aucun député ne peut, pendant la durée de session, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée Nationale, sauf cas de flagrant délit.

189 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, association Henri Capitant, Quadrige, 7ème édition, Paris, PUF, 2005, p. 457.

190 BOUDON (J.), « Le privilège de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit., p. 33.

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Aucun député ne peut, hors session, être arrêté sans l'autorisation du Bureau de l'Assemblée Nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnations définitives.

En cas de crime ou délit établi, l'immunité peut être levée par l'Assemblée Nationale lors des sessions ou par le Bureau de ladite Assemblée Nationale hors session.

En cas de flagrant délit, le bureau de l'Assemblée Nationale est immédiatement informé de son arrestation ».

Pour le cas du Gabon, l'article 38 de la Constitution du 12 janvier 2018 à pratiquement le même contenu que les dispositions de la loi tchadienne précipitée, à la différence que le parlement Gabonais est bicaméral. Il en est de même du Cameroun191.

Il résulte des dispositions des différentes législations que la définition de l'immunité parlementaire et ses conditions de mise en oeuvre protègent largement les parlementaires dans l'exercice de leurs fonctions électives. Par voie de conséquence, la levée de l'immunité reste assez exceptionnelle.

Au Cameroun par exemple, le 07 août 2009, le bureau de l'Assemblée Nationale a procédé à la levée de l'immunité parlementaire du député Dieudonné AMBASSA à la demande du ministère de la justice. Il était accusé d'un préjudice financier subi par l'Etat notamment de détournement de fonds publics d'un montant de 7 milliards de Francs CFA. Avant lui, trois (3) autres parlementaires ont vu leur immunité levée. Il s'agit de FON DOH GAH GWANYIN III en 2005, Edouard ETONDE EKOTTO et André BOTO'O A NGON en 2006192.

L'immunité parlementaire protège, dans les Etats de la CEMAC, les députés et sénateurs, d'éventuelles pressions et intimidations venant du pouvoir politique, et garantit leur indépendance ainsi que celle du parlement dans sa totalité. Son utilité est démontrée, même si elle retarde plus qu'elle n'empêche de conduire à bien certaines enquêtes en matière d'attente à la probité. Il en est de même pour les immunités du président et des membres du gouvernement.

2- L'immunité de l'exécutif

Nous étudierons successivement l'immunité du président (a) et celle des membres du gouvernement (b).

191 V. l'art. 14 al. 6 de la Constitution camerounaise de 18 janvier 1996 qui dispose que la loi détermine les immunités des membres du parlement (députés et Sénateurs). A cet effet, l'ordonnance N°72 du 26 août 1972 qui contient pratiquement le même contenu que la Constitution tchadienne en son article 1er traite de cette immunité parlementaire.

192 GAINGNE (S.), « Assemblée Nationale : l'immunité parlementaire du député AMBASSA ZANG levée », article de presse, publié le 11 août 2009 à 00h 00min sur www.journalducameroun.com, consulté le 20 juillet 2020 à 15h 22min.

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a- L'immunité présidentielle

À la lecture de la Constitution camerounaise de 16 janvier 1996, la Haute Cour de justice est la juridiction compétente pour juger le Président de la République en cas de haute trahison193. Il est ainsi mis en accusation par l'Assemblée Nationale et le Senat réunis en Congrès qui procède par un vote public à la majorité de 4/5 des membres le composant194.

Cette même Constitution de 1996 dispose en son article 53 al. 3 que « les actes accomplis par le président de la République sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat ». Il découle de ces dispositions que le Président de la République au Cameroun n'est pas responsable des actes commis dans l'exercice de ses fonctions et même après celles-ci, sauf en cas de haute trahison. Et son immunité empêche de le poursuivre, même pour des infractions commises dans sa vie privée, tant qu'il exerce ses fonctions de chef d'Etat.

Allant dans le même sens, l'article 83 de la Constitution de la République du Tchad dispose que « le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison prévue à l'article 157 ». Et aux termes de l'article 157, le Chef de l'Etat est dans ce cas, justiciable de la Cour suprême qui est la haute juridiction au Tchad.

Pour le cas du Gabon, nous retrouvons le même processus qu'au Cameroun aux termes de l'article 78 de la Constitution. Et l'alinéa 5 du même article mentionne que le Président de la République qui a cessé d'exercer ses fonctions ne pourrait être jugé, ni poursuivi par devant la Haute Cour.

L'on notera que, si cette immunité présidentielle existe sur le plan national, celle-ci est de plus en plus méconnue par le droit et les procédures pénales internationales notamment pour des actes de crimes de guerres ou crimes contre l'humanité. Ainsi, la Cour Pénale Internationale est compétente, pour juger les actes d'un Chef de l'Etat, tant pendant le mandat qu'après. L'on comprend aisément que si on admet que la Haute Cour sanctionne une responsabilité politique et non pénale car la seule peine prévue dans cette procédure étant la destitution. Tandis que la Cour Pénale Internationale vise la responsabilité pénale qui ne cesse pas avec la fin du mandat ou d'une fonction195.

193 Cf. article 53 alinéa 1 paragraphe 1er de la Constitution camerounaise de 1996.

194 Cf. alinéa 2 de l'art. 53 de la Constitution camerounaise de 1996.

195 BOUDON (J.), « Le privilège de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit., p. 37.

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Toutefois, le Président de la République bénéficie auprès des autres Etats de l'immunité de juridiction et de l'immunité d'exécution196. L'immunité présidentielle ainsi posée, est un obstacle à la manifestation de la vérité, et à l'obtention de la preuve pour délits de corruption, détournement et blanchiment. Et dans une certaine mesure, il en est de même de celle des membres du Gouvernement.

b- L'immunité des membres du gouvernement

La base légale de l'immunité des membres du Gouvernement au Cameroun est l'article 53 alinéa (1) de la Constitution qui dispose en son paragraphe 1er que la Haute Cour de justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par « le Premier Ministre, les autres membres du Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat ». Ces dispositions donnent l'impression que les membres du gouvernement ne sont pas responsables des actes commis par eux en dehors de leurs fonctions. Bien au contraire, les membres du Gouvernement sont juste bénéficiaires de privilège de juridiction pour ce qui est des actes inhérents à leurs fonctions197.

La Constitution Gabonaise est plus explicite quant à la question de la responsabilité pénale des membres du gouvernement. Contrairement à son homologue camerounais, le législateur gabonais dispose à travers l'article 33 de la Constitution que « les membres du Gouvernement sont politiquement solidaires. Ils sont pénalement responsables des crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions ». À l'interpréter, l'on comprend que les membres du Gouvernement sont justiciables des juridictions ordinaires pour répondre des actes posés par eux, même dans l'exercice de leurs fonctions. Cette disposition est de nature à permettre l'engagement de poursuites pénales des membres du Gouvernement auteurs de BC/FT.

Empruntant les mêmes pas que son homologue gabonais, le législateur tchadien dispose à travers l'article 108 al. 2 de Constitution de 2018 que « les membres du Gouvernement sont justiciables devant les juridictions de droit commun pour les crimes et délits économiques et financiers commis par eux dans l'exercice de leurs fonctions ». Cette disposition constitutionnelle est plus qu'explicite pour ce qui est de poursuites d'un membre du Gouvernement pour des malversations financières tel que le BC/FT.

196 Nous verrons dans le développement suivant les effets de ces immunités sur les poursuites engagées à l'international.

197 BOUDON (J.), « Le privilège de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit. p. 36.

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Comme les autres immunités, l'immunité diplomatique n'est pas un avantage pour la lutte anti-blanchiment.

3- L'immunité diplomatique

A l'origine coutumière, l'immunité des agents diplomatiques (ambassadeurs, conseillers et attachés d'ambassade) a été codifiée par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, et celle des agents consulaires, par la Convention de vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. La Convention des Nations Unies du 02 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens procède à la même entreprise de codification à l'égard de hauts représentants de l'Etat.

L'immunité des représentants des Etats a été, par analogie, étendue aux fonctionnaires des organisations internationales installées sur le territoire et aux membres des délégations étrangères auprès de ces organisations198.

Comme pour les autres bénéficiaires, l'immunité du personnel diplomatique ne couvre, en principe que les délits ou erreurs commises dans l'exercice de ses fonctions. Autrement dit, le diplomate ne saurait invoquer son immunité fonctionnelle dans des affaires privées. Toutefois, cette immunité permet, dans certaines circonstances à certaines personnes ayant des comportements répréhensibles, d'échapper à toute sanction judiciaire199.

L'immunité diplomatique est un ensemble de privilège qu'un Etat hôte accorde aux membres du corps diplomatiques d'un pays tiers durant leur séjour. Cette immunité comprend principalement des exonérations fiscales, des exonérations de contrôle des effets personnels aux frontières (l'inviolabilité de la valise diplomatique par exemple), l'inviolabilité des ambassades et des résidences... En matière pénale, aucune poursuite ne peut être engagée à l'encontre d'une personne bénéficiant de l'immunité diplomatique. Cependant, l'immunité diplomatique peut être levée, en cas de crime grave (à l'exemple du blanchiment) avec preuves et l'autorisation du pays dont l'agent diplomatique ou consulaire assure la représentation, par accord écrit du Chef de l'exécutif et contresigné par le Ministre des affaires étrangères de son pays d'origine. Lorsque le pays du diplomate s'oppose à la levée de cette protection, le seul moyen d'agir pour le pays hôte reste de le déclarer « persona non grata » et de l'expulser. Le

198SINKONDO (M.), « Crime et immunités diplomatiques : le droit international peut-il à la fois souffler le chaud et le froid ? » In CLEMENT (G.) et LEFEBRE (J.) (Dir.), Les immunités pénales. Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA, Collection colloques, Paris, PUF, 2010, p. 172.

199 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et financier français face à la corruption : un système d'intégrité en construction, Op.cit., p. 213.

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diplomate considéré comme tel retournera, dans la plupart de cas, dans son Etat d'origine, avec une mise à pied de ses fonctions, mais sans poursuites.

Les immunités posent des véritables difficultés à l'efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux liant les PPE. Et nous pensons que revoir le régime de levée des immunités de façon exceptionnelle dans les cas de détournement, de corruption et éventuellement de blanchiment serait une avancée considérable dans la lutte contre les malversations financières des PPE.

Il ressort ainsi de l'analyse que les immunités quelles qu'elles soient, constituent autant d'obstacles à la lutte contre le blanchiment des capitaux liant les hautes personnalités, car elles produisent des effets dans la mise en oeuvre des procédures de poursuites à l'égard des PPE tant nationales qu'étrangères.

B - La problématique de poursuites pour blanchiment face aux immunités des PPE étrangères

L'Etat étant souverain et garant de l'intérêt général qu'il protège, lui et ses démembrements bénéficient des privilèges et immunités. Ainsi, selon la coutume et le droit international, un Etat étranger ne pourrait être justiciable d'une juridiction d'un autre Etat (c'est l'immunité de juridiction) ni faire l'objet de mesure de saisi sur ces biens (c'est l'immunité d'exécution).

À cet effet, comme nous l'avons vu haut, les personnes en charge de l'intérêt de l'Etat bénéficient de ces diverses immunités pour leur permettre de mener à bien leurs missions. C'est ainsi que les membres de représentations de l'Etat et toutes les personnes en charge des intérêts de l'Etat, bénéficient des immunités de juridiction (1) et d'exécution (2), qui constitue par ailleurs des obstacles pour le dispositif de lutte anti-blanchiment des PPE tel qu'évoqué plus haut.

1- La poursuite pour blanchiment et l'immunité de juridiction pénale

Dans le cadre de la lutte contre la corruption, le détournement et le blanchiment, comme nous l'avons vu plus haut, les Etats ont adoptés des nombreuses Conventions internationales leur imposant d'adapter leurs législations pénales, de mettre en place des mécanismes de coopération judiciaire afin, en particulier, de réussir à procéder à la restitution des fonds détournés, ayant fait l'objet du blanchiment, en direction des populations spoliées.

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S'il a fallu de nombreuses années aux Etats pour qu'ils se saisissent de ce problème sous l'angle du droit international, ce même droit, loin d'être le seul moteur de la lutte contre la corruption, constitue aussi un frein important lorsque l'Etat du fort, l'Etat sur le territoire duquel se situent les biens mal acquis, lance des poursuites au pénal contre les représentants en fonction d'un Etat étranger200.

Il est généralement convenu que les immunités dont bénéficient les représentants d'un Etat étranger doivent les protéger contre tout acte d'autorité afin d'assurer qu'ils puissent exercer librement leurs fonctions. Ainsi, un dirigeant en fonction ne pourrait faire l'objet de poursuites au pénal devant une juridiction étrangère conformément aux règles du droit international, ce qui constitue un obstacle à la lutte contre la corruption et le blanchiment liant les PPE201.

Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation rappelle que tous les représentants en fonction de l'Etat étranger ne jouissent pas de la même immunité de juridiction pénale. Si les représentations de rang élevé, le Chef d'Etat étranger, le Chef du gouvernement étranger ou le Ministre des affaires étrangères de l'Etat étranger, disposent lorsqu'ils sont en exercice d'une immunité absolue dite « personnelle «, les autres représentants bénéficient seulement d'une immunité relative dite « fonctionnelle « restreinte aux actes relevant de leurs fonctions202.

C'est ainsi que dans l'affaire Téodoro Obiang, le Tribunal correctionnel de Paris à rejeter l'argument sur l'immunité pénale de juridiction pour reconnaitre sa compétence en avançant que les actes de blanchiment commis par le vice-président de la Guinée sont effectués à des fins personnelles et comme tels, ne pourraient bénéficier de l'immunité pénale de juridiction203.

200 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales : quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », In Revue de droit international d'Assas, N°1, 2018, p. 46 et s.

201 CHAIKIN (D.), « Législation internationale en matière de lutte contre le blanchiment d'argent : comment engager la responsabilité des dirigeants politiques vis-à-vis de l'étranger », In U4 BRIEF, N°20, décembre 2011. Article (PDF), disponible en ligne sur www.u4.no. Consulté le 01 août 2020.

202 V. à propos de l'immunité personnelle, Cass. Crim., 13 mars 2001, Procureur général près la Cour d'Appel de Paris c/Association SOS Attentats et autres, N° 00-87.2015 : « la coutume internationale s'oppose à ce que les Chefs d'Etats en exercice puissent en absence de dispositions internationales contraire s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuite devant les juridictions pénales d'un Etat étranger » ; à propos de l'immunité fonctionnelle, Cass. Crim., 19 janvier 2010, Association de Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs « Fenvac SOS catastrophe » et autres, N° 09-84.818 : « la coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d'un Etat étranger s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'Etat ainsi que leurs agent en raison d'acte (...) relèvent de la souveraineté de l'Etat concerné ». La commission du droit international des Nations Unies a retenu la même distinction dans le cadre de ses travaux sur l'immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l'Etat.

203 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales: quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », Op.cit. p. 47. V. également, à cet effet, le projet d'article 3 (bénéficiaires de l'immunité rationae personae) de la commission de

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Il ressort ainsi de l'analyse que les mesures de poursuites pour blanchiment des capitaux ou financement de terrorisme pourraient se heurter à l'immunité de juridiction pénale dont bénéficient certaines PPE qui, il faut le dire, constitue un obstacle au dispositif anti-blanchiment et il en est de même des immunités des mesures de contraintes ou immunité d'exécution.

2- La confiscation et la saisie des biens blanchis et les immunités de mesures de contraintes en matière pénale

La restitution de fonds détournés et blanchis, par les PPE, à la population victime est tributaire de la confiscation pénale et de la condamnation au fond du blanchisseur. En plus de l'obstacle lié à l'immunité de juridiction pénale évoquée plus haut, la lutte anti-blanchiment contre les PPE fait face à une éventuelle immunité à l'égard des mesures de contrainte (inviolabilité ou immunité d'exécution).

Il est généralement accepté que l'Etat hôte qui reçoit une représentation d'un autre Etat, doit accorder une protection absolue en matière pénale aux locaux de la mission, aux logements privés occupés par les représentants de l'Etat étranger et à leurs bien conformément au droit et à la coutume internationale. Toute tentative par l'Etat du for de mettre en oeuvre une mesure de contrainte sur un bien immeuble ou meuble entraverait sur son inviolabilité personnelle204. Ainsi, en dehors d'une mission spéciale ou diplomatique, le bénéfice de l'immunité d'exécution ou de mesure de contrainte pénale s'effectue en obéissant à la distinction évoquée dans la précédente partie. C'est-à-dire que l'on distinguera s'il s'agit d'une personne bénéficiant d'une immunité personnelle (donc couvrant ses biens personnels) ou d'une immunité fonctionnelle (limitée aux actes inhérents à sa fonction).

Le droit international n'attribue pas l'immunité d'exécution aux bénéficiaires de l'immunité fonctionnelle sur leurs biens. Contrairement à l'immunité personnelle, l'immunité fonctionnelle ne s'accompagne pas d'une inviolabilité. Son seul objet est de protéger les actes de fonctions attribuables à l'Etat étranger. En conséquence, elle se désintéresse de la situation personnelle du bénéficiaire205.

droit international des Nations Unies qui dispose « les Chefs d'Etat, les Chefs de gouvernement et les Ministres des affaires étrangères bénéficient de l'immunité rationae personae à l'égard de l'exercice de la juridiction pénale étrangère » In CDI, Rapport de la commission de droit international, Ann. CDI, A/68/10, 2013, p. 59.

204 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve du droit des immunités internationales : quelques observations à propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la France », Op.cit., p. 48.

205 Ibidem.

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Au sens de la Convention de Vienne de 1961, les Chefs d'Etats étrangers, les Agents diplomatiques étrangers, les Chefs du gouvernement et les Ministres des affaires étrangères bénéficient de l'inviolabilité et de l'immunité d'exécution dont, les mesures des contraintes pénales ne pourraient s'appliquer à leurs égards.

Dans le différend qui lie la Guinée Equatoriale à la France, les juridictions françaises ont saisi les biens du vice-président qui, selon elles ne relèvent pas de l'immunité personnelle, mais la Guinée a saisi la Cour internationale de justice sous prétexte que ces biens appartiennent à l'Etat et donc bénéficient de l'immunité d'exécution206.

Nous constatons que les immunités dont bénéficient les PPE tant nationales qu'étrangères constituent un véritable frein à l'efficacité de la lutte contre le blanchiment dont elles seraient coupables. Ceci d'autant que le compte bancaire des missions diplomatiques, du fait de la protection qui lui est accordée, est un véritable instrument de blanchiment.

Paragraphe 2 : La problématique du blanchiment lié à la protection des
comptes des missions diplomatiques

Sans faire une répétition de ce que nous avons évoqué plus haut, nous ferons un petit rappel des immunités diplomatiques avant de chuter sur les comptes bancaires des missions diplomatiques.

L'Etat et ses démembrements sont titulaires des immunités tant de juridictions que d'exécutions. Ainsi, l'Etat ne peut pas être, comme nous l'avons vu plus haut, astreint devant la juridiction d'un Etat étranger et ni même voir se faire réquisitionner ou saisir les biens dont il est titulaire. Fort de cela, les ambassades et consulats, qui sont les représentants de l'Etat à l'étranger, bénéficient eux aussi des privilèges et inviolabilité empêchant toutes mesures contraignantes à leur égard. Ces représentations de l'Etat à l'étranger sont qualifiées des « missions diplomatiques «.

La diplomatie peut s'entendre comme la pratique, l'action et la manière de représenter un Etat auprès d'un autre Etat étranger ou dans les négociations internationales, de concilier leurs intérêts respectifs ou de régler un problème international sans recours à la force. C'est aussi l'art des négociations entre gouvernements et comme telle, elle a été mise en place pour favoriser la paix internationale.

206 La CIJ en attendant de se prononcer sur le fonds a suspendu les mesures de confiscation et de saisie prononcée par les juridictions françaises.

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Pour permettre aux missions diplomatiques de mener à bien leurs missions, les textes internationaux prévoient les privilèges et les inviolabilités dont elles bénéficient en ces termes : « 1) les locaux de la mission sont inviolables. Il n'est pas permis aux agents de l'Etat accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission. 2) l'Etat accréditaire à l'obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée, ou sa dignité amoindrie. 3) les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui, s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution »207. Ainsi, nous comprenons aisément que les représentations de l'Etat à l'étranger jouissent d'un statut particulier qui les protège contre les éventuelles mesures de contraintes.

L'alinéa 3 de l'article précité mention l'ensemble des biens qui ne peuvent faire l'objet de perquisition ou de saisie mais ne mentionne pas de façon expresse la protection du compte bancaire. Toutefois, l'article 22 de la Convention de 1961 ajoute en son alinéa 1 que « l'Etat accréditaire accorde toutes facilités pour l'accomplissement des fonctions de la mission ». Et la Cour d'Appel de Paris déduit que « la protection des valeurs inscrites sur les comptes bancaires ouvertes au nom d'une ambassade pour les besoins de son activité de service public sur le territoire de l'Etat accréditaire découle des règles du droit des relations diplomatiques et relève du régime spécifique des immunités diplomatiques »208. Ces valeurs sont par conséquent insaisissables, et ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition.

Allant dans le même sens que la Cour de Paris, un autre texte international mentionne que « les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés aux fins de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales ou aux conférences internationales »209 sont insusceptibles de mesures de contrainte ou de saisie, car ils jouissent des immunités.

Au vu de ces différents textes, nous comprenons aisément que les comptes de missions diplomatiques étant protégés, ne peuvent pas faire l'objet d'une perquisition, d'une saisie, et encore moins de gel des fonds qui y sont inscrits. Toutes mesures qui constituent le préalable dans la lutte anti-blanchiment. Et cette protection met en mal le dispositif tant préventif (puisqu'aucune déclaration de soupçon ne pourrait être faite et même si elle l'été, les mesures

207 Cf. art. 22 de la Convention de Vienne de 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.

208 Cour d'appel de Paris, 1er ch. Sect. A. Aff. Ambassade de Fédération de Russie en France c/ la société NOGA, 10 août 2000, consulté sur www.legifrance.gouv.fr le 02 août 2020.

209 Art. 21 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 02 décembre 2004.

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concourant à contrer les délinquants se heurteront aux immunités qui protègent les comptes bancaires) que répressif. Ceci d'autant que les chefs des missions diplomatiques comme nous l'avons vu haut sont des PPE et donc des personnes à haut risque de blanchiment et cette protection accordée aux comptes bancaires dont ils ont accès est une mine aux pieds du dispositif anti-blanchiment. Ainsi, ces comptes sont un outil privilégié des blanchisseurs. Soit les diplomates eux-mêmes initient le blanchiment ou aident les blanchisseurs à mettre en place des organisations criminelles.

A titre d'illustration des cas de blanchiment liant les chefs des missions diplomatiques, nous retenons l'affaire de l'ambassadeur de la Suisse au Luxembourg, qui a été démis de ses fonctions le 08 juillet 2002 du fait de l'accusation de blanchiment aggravé qui pesait sur lui et a été mis en détention préventive en cette date210.

Aussi la banque américaine Riggs, réputée être la banque préférée des ambassadeurs à Washington, est liée à des affaires louches et aurait violée de façon délibérée les lois sur le contrôle de transactions et le blanchiment des capitaux. Elle fut condamnée à 25 millions de dollars d'amande pour avoir hébergé le compte de la femme de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite destiné aux bourses des étudiants saoudiens nécessiteux. Or deux des étudiants accusés d'être piratés de l'air du 11 septembre 2001 avaient bénéficiés211.

Tous ces exemples justifient la réticence de certaines banques à avoir ou à conserver des clients diplomates. C'est l'exemple de la banque américaine JP Morgan Chase qui a envoyé des lettres à 150 ambassades auprès de l'ONU, en les informant de la clôture de leurs comptes bancaires au 31 mars 2011212. Il en est de même de la banque britannique HSBC213 qui a annoncé en 2013 que les 40 ambassades et consulats basés à Londres qui ont des comptes chez elle avait 60 jours pour retirer leur argent214.

Les instruments juridiques protègent les comptes des missions diplomatiques pour permettre aux représentants de l'Etat étranger d'effectuer en toute quiétude leurs missions, mais malheureusement certains diplomates mal intentionnés profitent de cette protection pour commettre des actes de blanchiment. Nous pensons que pour donner, sinon renforcer, l'efficacité de la lutte anti-blanchiment à l'égard des PPE, dont les chefs des missions

210 V. TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 33.

211 `'L'empire suspecte les comptes de diplomates « Réseau Voltaire, 17 mars 2004. Cité par TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.

212 KARIM (L.), « Les missions diplomatiques aux Nations Unies privées de comptes bancaires », article de presse publié le 04 février 2011 sur www.rfi.fr. Consulté le 31 juillet 2020.

213 C'est la Hongkong and Shanghai Banking Corporation Limited.

214 www.latribunene.fr , Consulté le 28 juillet 2020.

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diplomatiques font partie, les autorités internationales, communautaires et nationales se doivent de revoir cette protection, surtout en cas de soupçon grave de blanchiment des capitaux et/ou du financement de terrorisme.

Les limites à la lutte anti-blanchiment liées au système juridique ne sont pas seulement dues à la qualité de certaines personnes, mais aussi relatives à certaines opérations.

SECTION II : Les limites juridiques liées à certaines opérations

Les pratiques bancaires ont développé à côté des activités classiques dévolues aux banques que sont la réception des fonds du public et l'octroi du crédit, d'autres activités telles que le conseil en investissement et la location des coffres forts. Cette dernière activité est utilisée dans une certaine confidentialité faute d'une réglementation moins sévère sur cette activité. Le contrat de location de coffre-fort est légal mais son régime juridique fait que le coffre soit utilisé à des fins de blanchiment (Paragraphe 1). Il faut cependant noter qu'au rang des limites juridiques à la lutte contre le blanchiment des capitaux, la non prise en compte de certaines personnes au risque élevé de blanchiment comme des PPE est à inscrire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les risques de blanchiment liés à l'utilisation du coffre-fort

Avant d'évoquer la possible utilisation du coffre-fort aux fins de blanchiment, il importe de préciser la notion de location de coffre-fort.

La location de coffre-fort peut être définit comme un contrat par lequel un établissement de crédit met à la disposition d'un client un coffre-fort afin que celui-ci y dépose des objets ou valeurs pour les conserver en sécurité215.

La nature juridique de ce contrat fait l'objet d'une véritable controverse. Un certain nombre de qualifications ont été proposées : L'argumentation qualifiant la location des coffres forts comme étant un contrat de dépôt fut avancée, mais n'a pas pu convaincre car, le banquier ne reçoit en réalité rien et ignore totalement ce qui est dans le coffre-fort216. L'argumentation de contrat de louage fut alors avancée, mais elle fait l'objet des critiques. En effet, contrairement au contrat de louage, dans la location de coffre-fort, le banquier ne se contente pas de remettre un local à la disposition du client (Cass. Crim. 11 octobre 2015 N°03-10975). La qualification de louage ainsi évoquée a d'abord été avancée par ce que l'on se disait que la location du

215 g. BONNEAU (T.), Droit bancaire, 12ème édition, Bruylant, Paris, 2017, p. 586.

216 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.) et MOREIL (S.), Droit bancaire, 10ème édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 194.

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coffre-fort répondait à la définition du contrat de louage donnée par l'article 1709 du code civil selon laquelle « le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celui-ci s'oblige de lui payer ». Certes comme le louage, au sens de cet article, la location de coffre-fort oblige le banquier à mettre à la disposition du client une chose pour qu'il en ait jouissance. Toutefois ce contrat fait peser sur le banquier une obligation principale de surveillance qui n'est qu'accessoire dans le louage de droit commun et ne permet pas au client à la différence dudit louage, d'avoir une jouissance directe, mais seulement indirecte puisque l'accès au coffre nécessite l'intervention du banquier217.

Force est de reconnaitre qu'il s'agit d'un contrat « Sui generis » que l'on peut classer dans les contrats dits de « garde » : en effet, l'essentiel de l'objet du contrat tient dans la surveillance exercée par le banquier218.

En dépit de tout débat sur la nature juridique du contrat de location de coffre-fort, nous retenons que le banquier a au moins deux obligations à l'égard de son client : une obligation de moyen qui consiste à s'assurer que la personne qui cherche à avoir accès au coffre-fort est le client ou du moins son mandataire (sur la base de cette obligation, la responsabilité du banquier ne sera retenue que s'il commet une faute manifeste) et une obligation de résultat qui est la surveillance ou la garde du coffre-fort (méconnaitre cette obligation c'est engager sa responsabilité).

Aussi, il faut le rappeler, le banquier ignore le contenu du coffre-fort qu'il a l'obligation de surveiller. Et les blanchisseurs dans leur perpétuelle recherche de moyens de blanchiment trouvent le coffre-fort, du fait de la confidentialité dans son utilisation, comme un véritable outil de blanchiment. Ainsi, ils trouvent dans l'institution du coffre-fort une sécurité multidimensionnelle dont les principales illustrations, soulignés hauts, sont d'une part la discrétion et d'autre part l'obligation de surveillance renforcée du banquier. Le coffre-fort apparait alors comme, un maillon faible de la surveillance anti-blanchiment219. Ceci d'autant que le coffre pourrait jouer un grand rôle dans la phase de placement, car le délinquant

217 V. MAULAURIE (P.) et AYNES (L.), Les contrats spéciaux, 8éme édition, 1994-1995, Cujas n°868, p. 477. V. également MAULAURIE (P.), AYNES (L.) et GAUTIER (P.-Y.), Droit des contrats spéciaux, 8éme édition, LGDJ, collection Droit civil, 2016, p. 387 et S.

218 DEKEUWER-DE FOSSEZ (F.) et MOREIL (S.), Droit bancaire, Op.cit.

219 « Coffres forts bancaires le meilleur endroit pour blanchir l'argent en toute tranquillité », article de presse publié le 14 septembre 2013 sur le site www.atlantico.fr. Extrait de «cache cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui circule en France «, DELA HOUSSE (M.) et LEVEQUE (T.), Edition Flammarion, 2013, consulté le 03 août 2020.

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cacherait ainsi sa fortune à la vue de tous, le temps pour lui d'élaborer les techniques d'empilement et de réintégration en toute tranquillité.

L'illustration de l'utilisation du coffre-fort à des fins du blanchiment est `'l'affaire de la caisse noire du patronat» qui a éclatée en 2007 en FRANCE. Après que l'organisme anti-blanchiment TRACFIN eut donné l'alerte et qu'une enquête fut ouverte, les perquisitions se sont alors avérées fluctueuses : à l'agence BNP Paribas de la place des Ternes, a été retrouvé 2 millions d'euros tous ronds. Et le coffre contenant la somme n'était pas loué au nom de l'UIMM220, propriétaire du magot, mais d'une association de documentation et d'assistance aux entreprises221. Les blanchisseurs utilisent non seulement les coffres aux fins de blanchiment mais prenant le soin de cacher leur identité. Dans ce sens le chef de la police de Paris affirme que les coffres forts sont quelque fois loués au nom de la copine, de la grande mère etc.222 ce qui rend la détection difficile. Pour ce qui est de notre étude, les PPE sont des potentiels utilisateurs des coffres forts223.

La possible utilisation du coffre à des fins de blanchiment serait encore plus élevée lorsque des personnes ayant des risques élevés de blanchiment ne sont pas considérées comme tel au regard du dispositif anti-blanchiment.

Paragraphe 2 : La non prise en compte de certaines personnalités aux
risques élevés de blanchiment comme des PPE

L'énumération des personnalités considérées comme des PPE par les législateurs communautaires, conformément aux Recommandations internationales, est restreinte. En effet, une grande catégorie de personnes ayant accès aux fonds publics nous semble être exclue (B). Et l'efficacité de lutte contre la criminalité financière des PPE se heurte dans la sous-région CEMAC aux problèmes liés à la tenue des registres d'état civil (A) qui rendent l'identification difficile.

220 UIMM signifie : Union des Industries et Métiers de la Métallurgie. C'est une fédération patronale française regroupant, dans le domaine de la métallurgie, les entreprises françaises.

221 « Coffres forts bancaires le meilleur endroit pour blanchir l'argent en toute tranquillité », article de presse publié le 14 septembre 2013 sur le site www.atlantico.fr, extrait de «cache cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui circule en France « DELA HOUSSE (M.) et LEVEQUE (T.), Edition Flammarion, 2013, consulté le 03 août 2020.

222 Ibidem

223 Dans l'affaire précitée de l'ambassadeur de Suisse au Luxembourg, l'ambassadeur a été surpris par la police avec des sacs en plastiques contenant des milliers de billets pour traverser les frontières (V. LEGER (L.), « L'ambassadeur transportait des billets dans des sacs en plastique », article de presse publié le 02 septembre 2002 à 00h 00mn sur www.leparisien.fr. Consultée le 10 août 2020). Ce qui laisse croire que les blanchisseurs, quelle que soit leur catégorie n'hésiteront pas à utiliser tous les moyens qui se présenterons à eux.

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A - La problématique de la tenue des registres d'état civil dans la

CEMAC

L'identification est le préalable dans le dispositif anti-blanchiment. Car, pour prononcer une mesure de saisie, de gèle ou de confiscation, l'autorité judiciaire a besoin d'établir le lien entre le délinquant ou l'infraction et le bien à confisquer. Les confiscations portent ainsi sur les biens appartenant à la personne condamnée, directement ou indirectement. Or, la tenue d'un registre fait problème dans la plupart des Etats de la CEMAC, ce qui fait naitre de nombreuses difficultés dans la mise en oeuvre des mesures anti-blanchiment ; car l'on peut faire face à des situations dans lesquelles, le blanchisseur à fait usage d'une fausse identité.

A cause des nombreuses instabilités (sécuritaires, politiques et institutionnelles) connues par certains Etats de la CEMAC à cause des guerres civiles et autres, il arrive que des personnes se retrouvent sans identité parce que leurs pièces officielles ont été détruites ainsi que les registres d'Etat civil sur lesquels elles avaient été enregistrées. Les pièces d'identité leur sont alors délivrées sur la seule base de leurs déclarations et rien ne les empêche de mentir sur leur véritable identité224.

C'est le lieu de souligner que même si cette hypothèse ne semble pas liée une PPE, il n'est pas exclu que des personnes qui lui sont liées ou des membres de sa famille s'y retrouvent.

Il arrive également que des personnes se retrouvent avec de multiples identités. C'est le cas lorsqu'elles profitent de l'absence de registres d'identification pour se faire établir des pièces d'identité officielles sous une autre identité. C'est aussi le cas lorsque ces personnes profitent de la complicité de certaines autorités administratives pour se faire établir des nouvelles pièces d'identités sous un autre nom225.

Ainsi, l'identification ou la détermination d'une PPE qui serait bénéficiaire effective d'une opération effectuée par une telle personne ne serait pas facile. Ceci d'autant que les PPE ont le pouvoir de faire établir, à travers la complicité des certaines autorités administratives, à leur complice ou à leur proche des pièces officielles qui rendraient difficiles leurs identifications et elles échapperont ainsi à toute punition grâce à l'anonymat que cela offre.

Il serait encore plus facile pour ces personnes qui se livrent aux activités de blanchiment si elles ne sont pas considérées comme ayant un risque accru.

224 V. NGAPA (T.), La lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC :

analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Op.cit., p. 391.

225 Ibidem.

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B - La nécessité d'élaborer une liste extensive des PPE

Il est important de rappeler ici que le fondement de l'adoption des mesures particulières en matière de blanchiment à l'égard des hautes personnalités que sont les PPE est avant tout la lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics. Or, la Recommandation du GAFI et la réglementation CEMAC ne prennent pas en compte dans leur qualification des PPE des personnes ayant accès à d'importants fonds publics.

Nous faisons ainsi allusions aux dirigeants des collectivités territoriales décentralisées226. En effet, à la lecture des différents textes nationaux des Etats membres de la CEMAC, il est mentionné clairement que ces collectivités jouissent de l'autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts de leurs localités227. Elles ont ainsi leur budget propre et un organe qui les administre228. Ainsi, les personnes qui font partie de leur organe de gestion ont facilement accès à leur fonds qui sont par ailleurs de fonds appartenant à l'Etat. Et n'hésite pas à les détourner.

À titre d'illustration, à la fin de l'année 2019, l'ancienne maire de ville (2016-2018) de la capitale Tchadienne (Ndjamena), Mme Mariam Djimet Ibet et trois de ses collaborateurs ont étaient arrêtés et déférés à la maison d'arrêt de Ndjamena. Cette information qui a été publiée par l'Agence de Presse Africaine, mentionne que les poursuites ont été lancées à la suite d'une plainte de l'Inspection Générale d'Etat qui a diligenté une mission de contrôle de la gestion financière de l'équipe de Mme Djimet Ibet. Les enquêteurs ont ainsi découvert le détournement d'importantes sommes d'argent dont le montant exact n'a pas été rendu public. Outre la maire, l'adjoint maire et le directeur des affaires administratives et financières sont également mis en cause229.

En attendant de voir la décision des autorités judiciaires quant à la suite de l'affaire, l'on peut déjà mesurer les risques accrus de corruption, de détournement et dont de blanchiment que pourraient commettre les dirigeants des collectivités territoriales décentralisées qui semblent être perdus de vue jusqu'ici par le législateur dans sa définition des personnes politiquement exposées.

226 Au terme de l'article 201 de la Constitution du Tchad « les collectivités autonomes de la République du Tchad sont : les provinces et les communes » et pour le Cameroun, l'alinéa 1 de l'article 55 de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales décentralisées de la République sont les régions et les communes. Tout autre type de collectivité territoriale décentralisée est créée par la loi ».

227 Cf. article 55 al. 2 de la Constitution du Cameroun. V. également l'article 202 de la Constitution du Tchad.

228 V. MATTRET (J.-B.), Les finances locales, édition du CNFPT, 2006, p. 25 et S.

229 Informations accessible sur www.apanews.net, consultée le 30 juillet 2020.

89

D'ailleurs un auteur souligne à cet effet, que « la liste des PPE prévue par la législation n'a pas intégré d'autres fonctions dont la vulnérabilité à la corruption et au blanchiment est aussi importante »230. Il s'agit entre autres des maires, des responsables ou gouverneurs des régions ou provinces, des dirigeants religieux231.

Nous pensons qu'il serait de l'intérêt de l'efficacité de la lutte contre la mauvaise gestion de la chose publique d'étendre la liste des PPE afin d'y intégrer cette catégorie de personnes précitée, mais de façon plus large tous les fonctionnaires des régies financières ou du moins les ordonnateurs232 et les comptables233 publics.

230 R. de RUIG, « Mauvaise influence ; In dossier : blanchiment et terrorisme », Revue Banque, N° 695, Octobre 2007, p. 42.

231 Ibidem.

232 Un ordonnateur est une autorité administrative qui autorise les dépenses publiques. A ce sens, le premier ordonnateur dans un Etat est le Ministre en charges des finances.

233 Le comptable au sens des finances publiques est la personne qui manie les fonds de l'Etat à l'exemple du Trésorier payeur général.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

90

La lutte contre la criminalité financière ne peut avoir de sens que si les délinquants sont effectivement sanctionnés. Or, les PPE du fait de fonctions qu'elles occupent, sont bénéficiaires des immunités pénales qui font obstacle aux mesures de poursuites et de contraintes sur les biens qu'elles soient engagées au niveau interne ou international. En plus des immunités, le système juridique est complaisant à l'égard de certaines opérations financières. Tel est le cas de la protection juridique accordée à l'utilisation du coffre-fort, qui peut favoriser des activités de BC/FT. Aussi, la sous-région CEMAC rencontre d'énormes problèmes liés à la tenue de registres d'état civil qui constituent une véritable entrave au dispositif anti-blanchiment.

CONCLUSION DE LA PARTIE II

91

De tout ce qui précède, l'analyse nous a permis de mettre au clair les difficultés à la mise en oeuvre du dispositif anti-blanchiment de la CEMAC à l'égard des PPE. En effet, les failles que comportent les systèmes bancaire et financier liées d'une part à l'avènement du numérique et les risques de blanchiment des certaines opérations. Et d'autre part dues au rôle que jouent les paradis fiscaux dans les activités de blanchiment, en couvrant les malversations financières dont les PPE sont coupables. Aussi, la complaisance du système juridique à l'égard des certaines PPE et des certaines opérations est un véritable obstacle pour l'effectivité du dispositif anti-blanchiment et la non prise en compte de certaines personnalités publiques comme des PPE auxquelles s'ajoutent les problèmes de registres d'état civil, constituent des véritables mines aux pieds du dispositif anti-blanchiment.

CONCLUSION GÉNÉRALE

92

Au terme de notre analyse, l'on constate que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE est bien prise en compte par le législateur communautaire. Cette lutte est constituée pour l'essentiel, des mesures de vigilance renforcée concourant à contrer les délinquants de jouir de produits de leurs agissements criminels. À cet effet, le dispositif anti-blanchiment de la CEMAC est très rigoureux sur la question ; tant pour ce qui est de la prévention que de la répression.

Toutefois, au plan pratique, la mise en oeuvre de mesures de LBC/FT liant les PPE se heurte à un bon nombre d'obstacles. L'influence de la personnalité des PPE fait que les établissements assujettis sont enclins à ne pas rechercher l'origine de fonds et encore moins à faire une déclaration de soupçon à leur encontre. En plus la mainmise du politique sur la justice fait que les condamnations pour BC/FT liant des hautes autorités restent rares ou quasi inexistantes.

Aussi, les immunités accordées à certaines PPE empêchent la mise en oeuvre des procédures de poursuites. De plus, les PPE vont les plus souvent dans des paradis-fiscaux comme la Suisse, le Luxemburg, les îles britanniques etc. pour thésauriser les produits des activités criminelles dont elles se rendent coupables.

Le législateur communautaire, pour une lutte efficace, effective et efficiente devrait tout d'abord élargir la liste des PPE aux autres personnes occupant des fonctions dont la vulnérabilité à la criminalité financière est aussi importante. Ensuite, interdire ou du moins veiller au contrôle des comptes bancaires ouverts dans les paradis-fiscaux au profit des hautes personnalités de la sous-région. En plus, des efforts sont également à fournir pour une bonne tenue des registres d'état civil dans les Etats de la sous-région. Enfin, le législateur doit redéfinir sinon africaniser les notions de membres de famille et de proches qui, telles que contenues dans la législation CEMAC, sont au sens occidental.

Sachant que les blanchisseurs usent de l'ouverture des frontières que leur offre la mondialisation pour commettre les malversations financières, la zone de libre-échange continentale africaine en perspective avec tout ce qu'elle implique à savoir l'ouverture des frontières et les flux financiers, surtout compte tenu du fait que les capitaux sont par nature des biens fongibles pouvant transiter en quelques opérations, ces considérations ne viendraient-elles pas saper les efforts déjà consentis dans le continent en matière de lutte anti-blanchiment ?

ANNEXES

93

LISTE DES ANNEXES

94

Annexe 1 : Extrait du Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale.

Annexe 2 : Formulaire d'identification des PPE par une banque.

BIBLIOGRAPHIE

95

I - Ouvrages

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> TENGO (L.), Droit communautaire général CEMAC . communauté
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B- Ouvrages spécifiques

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> MONTIGNY (P.), L'entreprise face à la corruption internationale,
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> PARIS-FICARELLI (N.), Magistrats en réseaux contre la criminalité
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> RAUFER (X.) et QUERE (S.), Le crime organisé, Paris, P.U.F., 200,
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II- Thèses et mémoires

A- Thèses

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B- Mémoires

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Mémoire de master en sciences économiques, Université de Bejaïa, juin 2017, 82 pages.

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mémoire DEA, droit com. comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, 102 pages.

98

> TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Prévention et répression du

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IV- Articles de doctrine

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V- Législation

A- Constitutions

> Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.

> Constitution tchadienne du 04 mai 2018.

> Constitution gabonaise du 12 janvier 2018.

101

B- Textes internationaux

? La Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre

2003.

? La Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations

diplomatiques.

? La Convention de Vienne du 22 avril 1963 sur les relations consulaires.

? La Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des

Etats et de leurs biens du 02 décembre 2004.

C- Textes communautaires et nationaux

? Traité de Ndjamena du 16 mars 1994 instituant la CEMAC, révisé le 30
janvier 2009.

? Acte additionnel du traité de la CEMAC N° 9/00/CEMAC-086/CCE du
14 décembre 2000 portant création du GABAC.

? Convention de coopération monétaire entre les Etats membres de la
BEAC et la République française du 23 novembre 1972.

? Convention régissant l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale du 25 juin

2008.

? Règlement N° 02/20/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002 portant

organisation et fonctionnement du GABAC.

? Règlement COBAC R-2005/01 du 1er avril 2005 relative aux diligences
des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique Centrale.

? Règlement N° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant
prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale.

? Règlement CEMAC N° 01/11-CEMAC/UMAC/CM du 18 septembre
2011 relatif à l'exercice de l'activité d'émission de monnaie électronique.

? La loi camerounaise N° 97/019 du 07 août 1997 relative au contrôle des
stupéfiants.

? La loi camerounaise N° 2003/004 du 21 avril 2003 relative au secret
bancaire.

102

? La loi camerounaise N° 003/2006 du 25 avril 2006 relative à la

déclaration des biens et avoirs.

? Décret N°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et
fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF) du Cameroun.

? La loi tchadienne N°009/PR/95 du 19 mai 1995 portant règlementation
du secret professionnel bancaire.

? Le décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution, organisation et
fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation Financière au Tchad.

VI- Etudes et rapports

? Etude du GABAC relative au risque de blanchiment de la monnaie
électronique, en 2017, disponible sur www.digitalbusness.africa

? Rapport sur les typologies des capitaux 2000-2001, GAFI XII, 1er
février 2001 disponible sur www.fatf-gafi.org.

? Rapport annuel du GAFI 2017-2018, www.fatf-gafi.org .

? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le

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? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme République de Guinée Equatoriale, février-mars 2016, www.spgabag.org .

? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme République du Cameroun, mai 2008, www.spgabag.org .

? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le
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? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme République du Tchad, mai 2014, www.spgabag.org .

? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle détaillé sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme République du Gabon, avril 2013, www.spgabag.org .

103

? La Recommandation 12 du GAFI de février 2012, disponible sur

www.fatf-gafi.org

? Rapport annuel du CLAB 2015, www.banque-france.fr .

? Rapport annuel du CLAB 2016, www.banque-france.fr .

? Rapport de la commission des banques suisses, « Fonds « Abacha »

auprès des banques suisses » du 30 août 2000, www.publiceye.ch .

? Rapport TRACFIN de janvier 2012, www.economie.gouv.fr .

? Rapport annuel du TRACFIN 2017-2078, www.economie.gouv.fr .

TABLE DES MATIERES

104

AVERTISSEMENT A

DÉDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iv

RESUMÉ v

SOMMAIRE vii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT A L'ÉGARD DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN

GAGE D'EFFICACITÉ 9
CHAPITRE I : L'ASSUJETTISSEMENT DES PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES

CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME 11

SECTION I : L'obligation générale de vigilance 11

Paragraphe 1 : L'obligation de connaissance de la clientèle 12

A - L'obligation d'identification des clients 12

1- Les méthodes générales d'identification des clients 13

2- Les méthodes particulières d'identification des clients 13

B - L'obligation de conservation des pièces et documents 15

Paragraphe 2 : L'obligation de surveillance particulière de certaines opérations 16

SECTION II : L'obligation de déclaration des opérations suspectes 17

Paragraphe 1 : L'objet de la déclaration de soupçon 18

A - Les opérations atypiques 18

B - Les opérations sur les comptes à haut risque 19

C - Les opérations excédant le montant seuil 21

Paragraphe 2 : Les modalités d'exercice de la déclaration 21

A - Les personnes concernées par la déclaration de soupçon. 22

1- Les débiteurs de l'obligation 22

2- Les créanciers de l'obligation de la déclaration de soupçon 22

a- L'Agence Nationale d'Investigation Financière 22

b- Le Procureur de la République 23

B - La forme et les mentions de la déclaration 24

1- La forme de la déclaration 24

105

2- Les mentions de la déclaration 24

C - Les éventuelles suites de la déclaration de soupçon 25
CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX CLIENTS RÉLEVANT DE LA

CATÉGORIE DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES

SECTION I : La détermination des clients relevant de la catégorie des PPE

Paragraphe 1 : Les clients PPE proprement dits

27

27

28

A -

Les Personnes Politiquement Exposées nationales

28

1-

Les PPE nationales exerçant ou ayant exercé une fonction politique

28

2-

Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une fonction administrative

30

3-

Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une fonction juridictionnelle

31

B -

Les Personnes Politiquement Exposées étrangères et des Organisations Internationales

.... 32

1-

Les Personnes Politiquement Exposées étrangères

32

2-

Les Personnes Politiquement Exposées des Organisations Internationales

32

C - L'identification du bénéficiaire effectif : Une importance capitale dans la LBC/FT liant les

PPE 34

Paragraphe 2 : Les personnes assimilées aux PPE 35

A - Les membres de famille d'une PPE 36

B - Les associés et partenaires d'Affaires d'une PPE 36

C - Les difficultés d'identification des clients PPE 37

SECTION II : Les obligations de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE 38

Paragraphe 1 : Les obligations de vigilance relatives à la relation d'affaires 39

A - L'autorisation préalable de la haute direction 39

B - L'obligation de surveillance continue sur la relation d'affaires : l'approche par le risque 40

Paragraphe 2 : Les autres mesures s'imposant à l'égard des clients PPE 41

A - L'obligation de détermination de l'origine du patrimoine et des fonds 41

B - Les éventuelles sanctions des actes de blanchiments des capitaux ou de financement du

terrorisme liant les PPE 42

1- Les peines encourues par les PPE auteurs de blanchiment et de financement du terrorisme 43

2- Les mesures de contraintes relatives aux biens blanchis 43

3- La nécessité d'instituer des mesures de restitution de fonds blanchis par les PPE à la

population spoliée 44

CONCLUSION DE LA PARTIE I 48

PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES PERSONNES

POLITIQUEMENT EXPOSÉES 49

106

CHAPITRE I : L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE BLANCHIMENT

DES CAPITAUX ET LE SYSTEME FINANCIER 51
SECTION I : La facilitation du blanchiment des capitaux par certains mécanismes

financiers

Paragraphe 1 : Le manque d'un contrôle rigoureux sur certaines opérations.

A - La limitation de la surveillance sur les opérations numériques

52

51

52

1-

 

La problématique de la surveillance des cybers opérations

52

 

a-

Les difficultés d'identification liées aux opérations sur internet

53

 
 

i- Les difficultés d'identification des cybers clients

53

 
 

ii- La question de la traçabilité des opérations effectuées sur internet

54

 

b-

Les risques de blanchiment liés aux opérations de virements électroniques

55

2-

 

Les risques de blanchiment de la monnaie électronique

56

B -

 

Les opérations favorisants le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

.... 58

1- L'opération de transfert de fonds et le risque de blanchiment des capitaux et de financement

du terrorisme 58

2- Les opérations de change et le risque de BC/FT 59

3- Les comptes bancaires offshores et le blanchiment des capitaux 60

Paragraphe 2 : La couverture du blanchiment des capitaux par les paradis-fiscaux et les places

offshores 61

A - Le laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux 62

B - La participation des structures juridiques dans les paradis fiscaux aux activités de

blanchiment 64

SECTION II : L'éventuelle participation des organismes financiers aux activités de

blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme 66

Paragraphe 1 : La participation aux activités de blanchiment des capitaux par la technique du

prélèvement des pourcentages : une complicité active. 67

Paragraphe 2 : La faible culture juridique des agents des organismes financiers en matière de lutte

anti-blanchiment : une complicité passive 68

CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES A LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME LIÉS

AUX PPE 72
SECTION I : Les limites à la lutte anti-blanchiment rattachées à la qualité de certaines

PPE 72

Paragraphe 1 : Les immunités attachées à la qualité certaines PPE : un obstacle majeur à l'effectivité

de la lutte anti-blanchiment 73

A - La typologie des immunités des PPE 73

1- L'immunité parlementaire 73

107

2- L'immunité de l'exécutif 74

a- L'immunité présidentielle 75

b- L'immunité des membres du gouvernement 76

3- L'immunité diplomatique 77

B - La problématique de poursuites pour blanchiment face aux immunités des PPE étrangères

78

1- La poursuite pour blanchiment et l'immunité de juridiction pénale 78

2- La confiscation et la saisie des biens blanchis et les immunités de mesures de contraintes en

matière pénale 80

Paragraphe 2 : La problématique du blanchiment lié à la protection des comptes des missions

diplomatiques 81

SECTION II : Les limites juridiques liées à certaines opérations 84

Paragraphe 1 : Les risques de blanchiment liés à l'utilisation du coffre-fort 84

Paragraphe 2 : La non prise en compte de certaines personnalités aux risques élevés de blanchiment

comme des PPE 86

A - La problématique de la tenue des registres d'état civil dans la CEMAC 87

B - La nécessité d'élaborer une liste extensive des PPE 88

CONCLUSION DU CHAPITRE II 90

CONCLUSION DE LA PARTIE II 91

CONCLUSION GÉNÉRALE 92

ANNEXES 93

LISTE DES ANNEXES 94

BIBLIOGRAPHIE 95

TABLE DES MATIERES 104






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite