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UNIVERSITÉ UNIVERSITY
ÉCOLE
UNITÉ DE FORMATION TRAINING
DSCHANG SCHOOL OF
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DE DSCHANG OF DSCHANG
SCHOOL
DE RECHERCHE
UNIT
POLITICAL SCIENCE
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POST CRADUATE DOCTORALE ET AND RESEARCH
LAW AND
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LA RÉGLEMENTATION CEMAC RELATIVE À
LA
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LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET
LE FINANCEMENT DU TERRORISME : ÉTUDE DU CAS DES PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES
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Mémoire présenté
Option :
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et soutenu en vue Filière : Recherche
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de l'obtention et de l'Entreprise
DE
Rachel de droit,
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de Dschang
du Master
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Droit des Affaires PRESENTÉ PAR HINASSOU
en Droit des Affaires : CM-UDS-19SJP0641 LA DIRECTION ELONGO
Yvette des facultés titulaire/ FSJP-Université
MAHAMAT
Maitrise
Pr. KALIEU
Agrégée
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MATRICULE
SOUS
Professeur
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Août 2020
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AVERTISSEMENT
i
« L'Université de Dschang n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire, celles-ci doivent être considérées comme
propres à leur
auteur ».
DÉDICACE
ii
À mes parents, mon défunt père
ABDOULAYE HINASSOU WAGA qui m'a tout donné et n'a rien
reçu de moi en retour et ma mère ZENABA CHABO
pour tous ses sacrifices et son amour,
À mon oncle HINSOU HARA qui a toujours
été comme un père pour moi et pour tout ce qu'il a fait et
continue de faire pour moi,
Et,
À toute ma grande famille pour son soutien,
Je dédie ce travail.
REMERCIEMENTS
iii
Au moment où j'achève ce travail, je voudrais
exprimer mes chaleureux remerciements à l'endroit de tous ceux qui ont,
de près ou de loin, contribué à sa réalisation.
Mes remerciements s'adressent tout d'abord à tous les
enseignants des Facultés des Sciences Juridiques et Politiques des
Universités de Ngaoundéré et de Dschang pour la formation
que j'ai reçue.
Un remerciement particulier et toute ma gratitude au
Professeur KALIEU ELONGO Yvette Rachel, pour toute sa rigueur,
sa disponibilité et son encouragement dans la conduite de mes premiers
pas sur le terrain de la recherche.
Aux Professeurs MODI KOKO BEBEY et
Brigitte CHATUE, respectivement Doyen de la Faculté et
Coordinatrice du Master 2 Droit des Affaires, pour la qualité de la
formation. Au Docteur NGAPA Théophile, pour la
documentation et les riches échanges.
À tous les Doctorants de l'Amical des étudiants
tchadiens chercheurs en droit à l'Université de Dschang, pour
l'accompagnement et les divers conseils.
À mes camarades de promotion, parce qu'ils ont eu
beaucoup d'intérêt à discuter avec moi sur ce travail.
À mes chers grands frères et amis
BAIDASSOU SOUKOLGUE Christian et le Magistrat GUIBOLO
FANGA Mathieu, pour m'avoir orienté sur le champ du Droit des
Affaires, pour toute leur simplicité à mon égard et leurs
nombreux encouragements et soutiens.
À ma famille du Cameroun, notamment ma cousine
FAMANOU Pauline et son époux TEODASSOU
MOUTCHIA, ma tante ZARA HARA et mon oncle
DJIMET CHABO, pour tout ce qu'ils ont fait pour moi pendant
tout mon cursus académique.
À mademoiselle VOULANIA Nicole Carine,
pour son amour et son assistance pendant toutes ces années et
son encouragement tout au long de ce travail.
À mes cousins SOULEYMANE HASSAN HARA,
ZAKARIA HARA, DJIBERSOU IDRISS, ADOUM
SAMVAISSOU et mes cousines MAIMOUNA MAHAMAT GOLO,
SAADIA HARA et FATOUMA HARA, pour leurs
divers encouragements.
À mes chers amis ADOUM LANGSOUNA,
HAROUN NGARBIO OUMAR, GOLONGA Daniel,
LAOUNA MOUNOUNA Valentin, MAYAGO SALAMASSOU, ADOUMBI Aimé,
NASSOUR HINANSOU MAHAMAT, SOBDIBE MALLAYE,
IDRISS BARKAI, ZOULLAH JEAN Emmanuel, KENGNE NGOUENET
Victor, TCHAWA DAYANG Charles et SOUSSIA BOUM BLAGUÉ,
pour leurs encouragements respectifs.
Et à bien d'autres personnes dont les noms n'ont pas pu
être cités ici.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
iv
Al. : Alinéa.
ANIF : Agence Nationale d'Investigation
Financière.
Art. : Article.
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique
Centrale.
BC/FT : Blanchiment des capitaux et
Financement du terrorisme.
C.A. : Cour d'Appel
Cass. Crim. : Chambre criminelle de la Cour
de cassation française
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
Cf. : Confère
CLAB : Comité de Liaison
Anti-Blanchiment de la Zone Franc
COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique
Centrale
DIR : Sous la direction de.
GABAC : Groupe d'Action Contre le Blanchiment
d'Argent en Afrique Centrale
GAFI : Groupe d'Action Financière
GIABA : Groupe Intergouvernemental d'Action
Contre le Blanchiment d'argent
en Afrique de l'ouest
Ibidem : Dans le même ouvrage/ dans le
même passage.
LBC/FT : Lutte contre le blanchiment des
capitaux et de financement du terrorisme.
ONU : Organisation des Nations Unies
Para. : Paragraphe
Op.cit. : Opere Citato (dans l'oeuvre
précitée)
P. /PP. : Page/Pages
Sect. : Section
T.I.C : Technologie de l'Information et de la
Communication
TRACFIN : Traitement du Renseignement et
Action Contre les Circuits Financiers
Clandestin (service de).
UEMAO : Union Economique et Monétaire
de l'Afrique de l'Ouest.
UMAC : Union Monétaire de l'Afrique
Centrale.
V. : Voir.
RESUMÉ
v
La criminalité financière a pris de l'ampleur
dans le monde et des personnes peuvent se servir des pouvoirs que leur
octroient les fonctions qu'elles occupent pour dissimuler les activités
criminelles auxquelles elles se livrent. Conscients de ce fait, les organismes
internationaux de lutte anti-blanchiment ont institué une lutte contre
le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les personnes
exerçant ou ayant exercé d'importantes fonctions publiques, dites
Personnes Politiquement Exposées (PPE). La Communauté Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) a hissé sa
réglementation à ces normes internationales. Il importe
cependant, de savoir si la législation CEMAC permet de lutter
efficacement contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
liant les PPE ? Cette efficacité de la lutte anti-blanchiment à
l'égard de ces dernières est relative et se joue pour l'essentiel
au niveau préventif. Car, les personnes assujetties au dispositif
anti-blanchiment ont de ce fait l'obligation de déterminer, après
identification, si leur client relève de la catégorie des PPE ;
auquel cas, elles devront observer les mesures de vigilance renforcée
à leur égard. Elles devront par la suite faire une
déclaration de soupçon à l'Agence Nationale
d'Investigation Financière (ANIF) en cas d'anomalies et s'en suivront
éventuellement des sanctions pénales. Cependant, des nombreux
facteurs, à l'instar des failles dans le système financier, le
laxisme de la réglementation dans les paradis fiscaux et les
immunités et privilèges accordés à certaines
personnalités, constituent des entraves à l'effectivité de
la lutte anti-blanchiment à l'égard des PPE. Aussi, le
législateur communautaire semble perdre de vue certaines
personnalités ayant un risque accru de corruption, de
détournement et de blanchiment qu'il faut y inclure dans la notion des
PPE, ainsi que redéfinir la notion de membres de famille pour une
effectivité du dispositif anti-blanchiment à l'égard des
PPE, et cela passe aussi par une bonne tenue des registres d'état
civil.
Mots clés :
Réglementation - CEMAC - Blanchiment des capitaux -
Financement du terrorisme - Personnes Politiquement Exposées.
ABSTRACT
vi
Financial crime has grown around the world and persons can use
the powers conferred on them by their positions to cover up the criminal
activities they are engaged in. Aware of this fact, international anti-money
laundering bodies have instituted a fight against money laundering and the
financing of terrorism binding persons exercising or exerted significant public
functions, known as politically exposed persons (PEPs). The Economic and
Monetary Community of Central Africa (EMCCA) has brought its regulations into
line with these international standards. However, it is important whether EMCCA
legislation it possible to effectively fight against the money laundering and
financing of terrorism binding PEPs? This effectiveness of anti-money
laundering with respect to these is relative and is mostly precanced. For,
persons subject to the anti-money laundering system have the obliged to
determine, after identification, whether their client falls into the category
of PEPs; in which case, they must observe towards them the enhanced vigilance
measures. They will then have to make a suspicious transaction report to the
National Financial Investigation Agency (NFIA) in the event of anomalies and
may be subject to criminal sanctions. However, numerous factors, such as
loopholes in the financial system, lax regulations in tax havens and the
immunities and privileges granted to certain personalities, constitute
obstacles to the effectiveness of the fight against money laundering with
regard to PEPs. Also, the Community legislator seems to be losing sight of
certain personalities with an increased risk of corruption, embezzlement and
money laundering that must be included in the concept of PEPs, as well as
redefining the concept of family members in order for the anti-money laundering
system to be effective with regard to PEPs, and this also requires proper
keeping of civil status registers.
Key words:
Regulation - EMCCA- Money laundering - Financing of terrorism
- Politically Exposed Persons.
SOMMAIRE
vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT
A L'ÉGARD DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC
: UN
GAGE D'EFFICACITÉ 9 CHAPITRE I :
L'ASSUJETTISSEMENT DES PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES
DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME 11
SECTION I : L'obligation générale de vigilance
11
SECTION II : L'obligation de déclaration des
opérations suspectes 17
CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX CLIENTS
RÉLEVANT DE LA
CATÉGORIE DES PERSONNES POLITIQUEMENT
EXPOSÉES 27
SECTION I : La détermination des clients relevant de la
catégorie des PPE 27
SECTION II : Les obligations de vigilance renforcée
à l'égard des clients PPE 38
PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE
EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES
PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES 49 CHAPITRE I :
L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE BLANCHIMENT
DES CAPITAUX ET LE SYSTEME FINANCIER
51 SECTION I : La facilitation du blanchiment des capitaux par
certains mécanismes financiers51 SECTION II : L'éventuelle
participation des organismes financiers aux activités de
blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme
66 CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES À LA LUTTE CONTRE LE
BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
LIÉS
AUX PPE 72 SECTION I : Les limites à
la lutte anti-blanchiment rattachées à la qualité de
certaines PPE 72
SECTION II : Les limites juridiques liées à
certaines opérations 84
CONCLUSION GÉNÉRALE 92
ANNEXES 93
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
2
Le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
sont des fléaux qui constituent une véritable menace pour
l'économie mondiale1. En effet, les délinquants
développent de jour en jour des techniques et moyens qui leur permettent
de contourner le système de prévention et de détection de
la criminalité financière pour parvenir à leur fin. En
allant au-delà de leurs frontières, faisant ainsi du BC/FT des
phénomènes transfrontaliers. Ce caractère transfrontalier
de la criminalité financière organisée2, permet
aux délinquants de se déplacer librement d'un pays à un
autre pour y trouver refuge, échappant ainsi à toute punition.
De l'argent sale provenant de la vente des stupéfiants
et des organes humains, ainsi que de la corruption pourrait facilement
être introduit dans le circuit économique normal. En plus de ces
activités évoqués s'ajoutent d'autres
phénomènes tels que le travail forcé, l'exploitation
sexuelle, mais aussi et surtout le trafic des ossements humains qui monte en
puissance sur le continent africain comme le montre les nombreux cas de
suspicion çà et là enregistrés au cours de
l'année 20193.
D'après les estimations récentes de
l'Organisation des Nations Unies (ONU), les produits d'activités
criminelles blanchis chaque année représentent 2 à 5% du
PIB mondial, soit 1.600 à 4.000 milliards de dollars par an4
(environ 888.304 à 2.220.760 milliards de francs CFA).
Toutefois, le Groupe d'Action Financière
(GAFI)5, dans sa mission de lutte contre le blanchiment et le
financement du terrorisme ainsi que la prolifération au niveau
international, ne cesse de mettre à jour ses Recommandations, qui sont
pour la plupart transposées dans les Règlements de la CEMAC, pour
une lutte plus efficace.
1 NGAPA (T), La lutte contre
le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC
: analyse à la lumière des normes et standards européens
et internationaux, Thèse de doctorat, Université de
Poitiers, 2016, p. 1.
2Selon l'art. 2 (a) de la Convention de Nations
Unies contre la criminalité transfrontalière organisée, le
« «groupe criminel organisé» désigne un groupe
structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et
agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions
graves ou infractions établies conformément à la
présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un
avantage financier ou un autre avantage matériel ; »
3 Informations consultées sur
www.bbc.com,
www.coupsfrancs.com et
www.jeuneafrique.com.
Notamment sur le cas d'interpellation et d'arrêt des suspects à
Bertoua ainsi que celui arrêté au Bangladesh pour trafic des
ossements humains, le 10 décembre 2019 à 13h 04mn.
4 WEEKS-BROWN (R.), « Halte
au blanchiment (Les pays redoublent d'efforts contre l'argent sale) », In
Finances & Développement, décembre 2018, p. 44-45.
Disponible sur
www.imf.org, consulté le
07 août 2020.
5 Le GAFI fut créé à Paris
lors du sommet du G7 en 1989. Il a pour objectif entre autre de maitriser et
d'éclairer sur l'ampleur et l'évolution de l'argent sale et le
blanchiment de capitaux au niveau mondial. A cela s'ajoute la mission de
promouvoir et de concevoir des stratégies de lutte anti-blanchiment. A
travers ses rapports qu'il publie chaque année, il évalue la
situation, les progrès réalisés et ceux à faire
dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme. Il a édicté des nombreuses Recommandations qui sont
révisées souvent pour les adapter à l'évolution du
phénomène. S'agissant de la notion des personnes politiquement
exposées, la Recommandation en vigueur est celle du février 2012
; Recommandation 12.
3
Le continent africain en général
n'échappe pas à ce phénomène qui s'est vite
internationalisé, ni même la sous-région de l'Afrique
Centrale CEMAC. Comme le prouve d'ailleurs le rapport annuel de 2016 du
Comité de Liaison anti-blanchiment de la zone franc (CLAB), faisant
état dans la zone CEMAC de 717 déclarations de soupçons
enregistrées dont 103 dossiers transmis aux autorités
judiciaires6. D'où la nécessité pour les Etats
concernés d'oeuvrer à la répression et
l'éradication de ce phénomène en neutralisant les moyens
et techniques qui permettent aux criminels de tous ordres de dissimuler
l'origine des fonds dont-ils sont titulaires et de soutenir des entreprises
terroristes. Pour cela, les Etats sont appelés à coordonner leurs
efforts pour combattre efficacement ce phénomène.
C'est dans cette optique que les Etats de la CEMAC ont
entamé cette lutte il y a plus d'une dizaine d'années, lutte qui
se poursuit et se renforce sans relâche7. Pendant que les
Etats renforcent les mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux, les
criminels développent quant à eux des moyens et techniques
à même de contourner la règlementation. C'est ainsi que
l'on voit l'apparition des nouveaux acteurs du blanchiment parmi lesquels les
personnes politiquement exposées (PPE).
Les personnes politiquement exposées ont un risque
accru de corruption et par là de blanchiment voire de financement du
terrorisme. Il importe ici d'apporter quelques clarifications sur ces
concepts.
A cet effet, le blanchiment des capitaux s'entend comme le
fait de dissimuler la provenance d'argent ou des biens acquis de manière
illégale afin de le réinvestir dans des activités
légales8. Pour Chantal CUTAJAR, « le blanchiment est
un processus dont la finalité est de faire disparaître l'origine
de fonds, obtenus au moyen de la commission d'infractions
6 Rapport annuel du CLAB 2016.
7 KALIEU ELONGO (Y.R), « Le
nouveau Règlement CEMAC du 11 avril 2016 portant Prévention et
Répression du Blanchiment des capitaux et du Financement du Terrorisme
et la Prolifération », 25 août 2016, disponible sur
www.kalieu-elongo.com
consulté le 08 décembre 2019 à 21h 45mn.
8 Aux termes de l'article 8 du Règlement
CEMAC de 2016, « est constitutif de blanchiment des capitaux, l'un des
agissements ci-après commis intentionnellement :
a) la conversation ou le transfert de biens, par toute
personne qui sait que ces biens proviennent d'une activité criminelle ou
d'une participation à une activité criminelle dans le but de
dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens, ou d'aider
toute personne impliquée dans cette activité à
échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;
b) la dissimulation ou le déguisement de la
nature, de l'origine, de l'emplacement de la disposition, du mouvement ou de la
propriété réelle de biens ou des droits y relatifs, par
toute personne qui sait que ces biens proviennent d'une activité
criminelle ou d'une participation à une activité criminelle
;
c) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de
biens, dont celui qui s'y livre, sait au moment où il les
réceptionne, que ces biens proviennent d'une activité criminelle
ou d'une participation à une activité criminelle ;
d) la participation à l'un des actes visés
aux point a), b) et c), le fait de s'associer pour le commettre, de tenter de
le commettre, d'aider ou d'inciter quelqu'un à le commettre ou de le
conseiller à cet effet, ou de faciliter l'exécution d'un tel
acte. (...) »
4
pénales, pour les réinjecter dans
l'économie légale et pouvoir ainsi en jouir en toute
sécurité »9. Classiquement, le blanchiment
se fait par trois étapes successives : la phase de placement (1) pendant
laquelle les fonds d'origine criminelle sont introduits dans le système
financier ; ensuite la phase d'empilement (2), durant laquelle les
opérations sont multipliées afin de rendre difficile la
traçabilité des fonds et enfin la phase de
réintégration (3) qui consiste à intégrer les fonds
blanchis dans l'économie légale en investissant dans divers
secteurs.
Le Financement du Terrorisme pour sa part, s'entend comme la
réunion des moyens et procédés nécessaires en vue
de la réalisation d'agissements criminels10.
Quant à la notion de corruption, pour P. MONTIGNY,
« la définir est un défi en soi. Car, la corruption
prend des formes multiples et les auteurs développent sans cesse de
nouvelles manières de corrompre et de couvrir leurs traces
»11. Toutefois, au sens de la convention des Nations unies
contre la corruption, celle-ci s'entend comme l'agissement par lequel une
personne investie d'une fonction déterminée, publique ou
privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue
d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant, d'une
façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. La
corruption implique donc la violation, par le coupable, des devoirs de sa
charge et c'est dans ce sens que certains auteurs assimilent le
détournement à la corruption.
De ce fait, la corruption est l'une des sources de produits
illégaux. Et dès lors, il y'a clairement sinon forcément
un lien entre la corruption et le blanchiment : la corruption vise l'obtention
des avoirs illicites qui devront par après être investis dans
l'économie légale12.
Ainsi, lutter contre le blanchiment des produits de la
corruption c'est chercher à éviter que des individus s'accaparent
à des fins personnelles, au détriment des États, du droit
et des peuples, les richesses parfois considérables que leurs fonctions
les mettent en situation de gérer13. A cet effet, la mise en
place de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme liant les PPE constitue un moyen de lutter non seulement contre
la
9 CUTAJAR (C.), « Blanchiment,
Eléments constitutifs-répression », Jurisclasseur,
Pén. des aff., Fasc. 20, n° 1.
10 Selon l'article 9 du règlement
anti-blanchiment de la CEMAC de 2016, « est constitutif de financement
du terrorisme, le fait pour toute personne physique ou morale, par quelque
moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et
délibérément, de fournir ou de réunir des fonds
dans l'intention de les voir utilisés, ou en sachant qu'ils seront
utilisés en tout ou partie soit :
a) en vue de la commission d'un ou des plusieurs actes
terroristes tels que définis à l'article 1er
alinéa 2-a) et b) ;
b) en vue de la commission, par une organisation terroriste,
d'un ou de plusieurs actes terroristes ;
c) en vue de la commission d'un ou des plusieurs actes
terroristes, par un terroriste ou un groupe de terroristes ;
d) en vue d'apporter un soutien à un terroriste ou un
groupe de terroristes. (...)».
11 MONTIGNY (P.), L'entreprise
face à la corruption, Édition Ellipses, Paris, 2006, p.
11.
12 Les Recommandations Révisées du
Groupe d'Action Financière (GAFI), Normes internationales sur la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et la
prolifération, 2012.
13 SUSEC (S.), Le secteur
bancaire et financier français face à la corruption : un
système d'intégrité en construction, Thèse de
doctorat en droit, Université de Cergy-Pontoise, juin 2015, p. 172.
5
corruption et le détournement, mais aussi contre tout
autre agissement criminel dont se livrent les hautes personnalités. Car,
« qui frappe à la bourse frappe au coeur »14.
Et ceci est plus qu'une nécessité pour les Etats
émergents.
Le Professeur GNIMPIEBA TONNANG Edouard affirme d'ailleurs que
« la lutte contre le blanchiment de capitaux est devenue, au niveau de
la zone franc, un des critères multilatéraux de la bonne
gouvernance et une clé de la bonne gestion publique »15.
Cela trouve son explication dans un contexte de corruption et de
détournement de deniers publics constant et l'avènement de
nouveaux acteurs de blanchiment que sont les PPE, qui du fait du pouvoir et de
l'autorité dont-elles sont investies, ont non seulement une certaine
facilité mais aussi un risque accru de blanchiment et de financement du
terrorisme.
Le concept « Personne Politiquement Exposée
» est relativement récent ; il a vu le jour lors de l'affaire
dite « Abacha ». En effet, à la fin des années 90, le
dictateur nigérian Sani Abacha détourne des fonds publics
à son profit. Des membres de sa famille, ainsi que ses proches
associés, sont parties prenantes au détournement de ces fonds
constitués, entre autres, d'aides au développement. Des milliards
de dollars, conservés sur des comptes en banque au Royaume-Uni et en
Suisse, ont été intercepté dans cette affaire. C'est ainsi
que, la notion des « PPE » émerge dans le cadre de la
procédure engagée par la Suisse auprès de dizaines
d'institutions financières16. L'expression apparaît
alors dans la Convention des Nations unies contre la corruption, en ses
articles 14 sur les mesures visant à prévenir le blanchiment
d'argent et 52 sur la prévention et la détection des transferts
du produit du crime. Cette notion figure également dans les
Recommandations du GAFI, telles qu'elles résultent de la révision
de 2003 et a été reprise dans ses Recommandations de 2012.
La CEMAC, ne pouvant pas rester indifférente à
ce phénomène de la criminalité financière, avait
engagé pour sa part de lutte contre le BC/FT autour des années
2000. C'est ainsi que l'on a pu assister à la conférence des
chefs d'Etat17 de la CEMAC à N'Djamena au Tchad en date de 14
décembre 2000, lors de laquelle, ils décidèrent de ne pas
faire de la
14 BOLLE (P.H.), Revue
International de criminologie et de police technique, cité par
TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Prévention et
répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC,
Mémoire de DEA, Droit com. Comparé CEMAC, Université
de DSCHANG, 2006, p. 5.
15 GNIMPIEBA TONNANG (E.),
Droit matériel et intégration sous-régionale
en Afrique centrale (contribution à l'étude des mutations
récentes du droit communautaire CEMAC), Thèse de doctorat en
droit et financement du développement, Université de Nice-Sophia
Antipolis, mars 2004. P. 196.
16 « Personnes Politiquement Exposées et
corruption locale », article sans référence publié en
août 2018, sur
www.acamstoday.org .
Consulté le 09 décembre 2019 à 23h 41mn.
17 Le 14 décembre 2000, les chefs d'Etat de
la CEMAC, réunis pour la traditionnelle conférence, ont
déclaré leur « volonté commune et solennelle de tout
mettre en oeuvre pour lutter contre le blanchiment d'argent dans les Etats de
la CEMAC par tous moyens appropriés à cette fin, en particulier
l'adoption d'une législation harmonisée et la mise en place de
structures spécialisées » (Cf. Déclaration de
N'Djamena ; 14 décembre 2000).
6
CEMAC un espace de blanchiment d'argent sale en affirmant leur
ferme volonté de lutter contre ce phénomène et
créant au cours de la même séance le Groupe d'Action contre
le Blanchiment en Afrique Centrale (GABAC)18.
Dans le même sillage, le législateur
communautaire, conscient de la gravité des conséquences que peut
causer la corruption aux Etats de la sous-région et de la fuite des
capitaux que pourrait causer le blanchiment des capitaux initié par les
PPE, inclus la notion des PPE dans son arsenal juridique. Ainsi, au sens du
Règlement CEMAC de 2016 portant prévention et répression
du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la
prolifération en Afrique centrale, une `'Personne Politiquement
Exposée» est une personne physique qui exerce ou qui a
exercé d'importes fonctions publiques dans un Etats partie de la CEMAC,
dans un Etat étranger ou au sein d'une Organisation Internationale
créée par traité19.
Toutes ces considérations sus évoquées
ont motivé le choix de la thématique qui fait l'objet de notre
étude.
Le dispositif de lutte contre le BC/FT liant les PPE est d'une
grande importance. En effet, les fonds faisant l'objet de blanchiment par les
PPE, pour la plupart du temps sont issus de la corruption et/ou du
détournement. Les PPE détournent à des fins personnelles
des énormes sommes destinés au développement de leurs
pays. De ce fait, « Les PPE font ainsi obstacle à
l'impératif de moralisation de la vie publique et à l'exigence
accrue de transparence vis-à-vis d'une société civile
devenue d'autant plus vigilante que ces Hommes politiques prêchent la
rigueur économique et fiscale »20. Et cela
constitue un obstacle au développement économique de ces pays,
d'autant qu'en général ces capitaux prennent la direction des
pays qui favorise des agissements criminels.
Aussi, les PPE se livrent à d'autres activités
illégales telles que le trafic des drogues, d'organes humains, la vente
clandestine des armes..., et se cachent derrière les immunités et
privilèges que leur octroient les fonctions qu'elles occupent pour
blanchir les produits de ces activités et se livrent aussi au
financement du terrorisme.
En pratique, le schéma des opérations de
blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme par des PPE correspond
à la réalisation d'opérations comportant une dimension
internationale. Les PPE peuvent réaliser elles-mêmes leurs
opérations de blanchiment des
18 Crée par Acte Additionnel
N°09/00/CEMAC-086/CCE du 14 décembre 2000 ; il a pour rôle de
coordonner les stratégies de LBC/FT ainsi que de faciliter la
coopération en la matière.
19 Cf. art. 1er point 55 du
Règlement CEMAC de 2016.
20 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L),
Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de
lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France,
Thèse de doctorat en droit pénal et sciences criminelles,
Université de Strasbourg, janvier 2015, p. 144.
7
capitaux ou utiliser des intermédiaires pour effectuer
les opérations pour leur compte (recours à des
sociétés écrans, à des centres offshores et
à des titulaires de professions non financières).
Cette thématique qui fait l'objet de notre analyse
revêt un intérêt pluridimensionnel qui se veut à la
fois théorique (scientifique) et pratique.
Sur le plan théorique (scientifique), ce thème
permet d'élucider et d'apporter des précisions sur la
réglementation CEMAC relative à la lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme en général, et le
cas des PPE en particulier en apportant des contributions sur les pistes et
modalités de renforcement de l'assainissement, de la moralisation et de
la bonne gouvernance à la charge des PPE.
Au plan pratique, cette étude offre des ressorts tant
aux pouvoirs politiques, aux praticiens du droit (magistrats, avocats...),
ainsi qu'aux investisseurs et institutions bancaires et financières dans
leurs politiques, missions et obligations de lutte contre le blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme.
Dans un contexte communautaire marqué par la
corruption, le détournement de deniers publics et des abus
d'autorité et de pouvoir, la question de la circulation des capitaux
parait prégnante. Les risques de blanchiment et de financement du
terrorisme en lien avec les PPE peuvent être accrus. Et ceci
soulève de nombreuses interrogations, dont la plus pertinente que nous
retenons dans le cadre de cette étude est celle de savoir si :
la législation CEMAC permet de lutter efficacement contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE
?
Il faut dire que cette efficacité de la lutte
anti-blanchiment à l'égard des PPE est relative : si
l'institution du dispositif anti-blanchiment à l'égard de ces
dernières constitue un gage d'efficacité pour la lutte, les
difficultés liées à l'application dudit dispositif
amenuisent cette efficacité.
Conduire notre sujet nécessite l'utilisation de
certains outils que sont les méthodes et techniques de recherche. Nous
recourons essentiellement à la méthode juridique et
exceptionnellement au droit étranger ou méthode de droit
comparé. Pour ce qui des techniques, nous ferons recours aux techniques
documentaire et d'entretien.
Par l'exégèse et la casuistique, nous essaieront
dans la mesure du possible d'interpréter et d'analyser la
règlementation CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme avec un focus sur les PPE ainsi
qu'analyser les cas de blanchiment ayant liés des PPE. Aussi, nous
ferons un tour d'horizons dans les législations internes de certains
Etats de la CEMAC notamment le Cameroun, le Tchad et le Gabon pour
8
mener à bien notre étude. En recourant de
façon exceptionnelle au droit étranger ou à la
méthode de droit comparé, nous souligneront les vides ou
manquements éventuels au niveau de la règlementation CEMAC qui
pourraient être comblés par des textes d'autres pays ou
horizons.
La technique documentaire nous permettra d'exploiter des
ouvrages, des thèses, des mémoires, des articles et des rapports
sur la question de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme de manière générale, mais surtout la notion
des PPE de façon particulière. Et la technique d'entretien nous
permettra de confronter les appréhensions théoriques à la
réalité du terrain.
Nous nous proposons alors dans cette étude, de montrer
à travers l'analyse que l'institution du dispositif anti-blanchiment
à l'égard des PPE constitue un gage d'efficacité pour la
LBC/FT liant ces-dernières (PARTIE I), mais nous relèverons aussi
que cette efficacité est remise en question par les obstacles à
la mise en oeuvre dudit dispositif (PARTIE II).
PARTIE I : L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF
ANTI- BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES PERSONNES POLITIQUEMENT
EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN GAGE D'EFFICACITÉ
9
10
Comme nous l'avons souligné plus haut, la
criminalité financière a pris de l'ampleur dans le monde, car les
criminels de tous genres développent et utilisent des moyens divers pour
échapper aux autorités. Les délinquants utilisent leur
connaissance et se servent des progrès technologiques pour parvenir
à leur fin, contournant ainsi les moyens de prévention et
échappent à toute punition. Cette criminalité
financière ainsi développée sévit au-delà
des frontières d'un seul Etat et acquière un caractère
transfrontalier. De ce fait, elle utilise des moyens divers pour parvenir
à ses fins. Pour lutter efficacement contre cette dernière, les
Etats doivent utiliser des moyens similaires pour non seulement la
prévenir, mais aussi pour l'éradiquer.
Des biens ou de l'argent provenant de la vente des drogues,
des traites d'êtres humains, de la corruption et du détournement
pourrait être introduit dans le système financier légal ou
utilisé à des fins terroristes.
La corruption et le détournement de deniers publics
sont des maux qui minent les Etats en développement. La fuite des
capitaux vers l'extérieur est un véritable frein au
développement car, les fonds provenant de la corruption ou du
détournement ne pouvant pas être directement investis dans
l'économie légale, font l'objet de blanchiment, et dans la
plupart des cas, ils vont en direction de l'occident.
Les PPE étant des personnes à risque
élevé de corruption, de détournement et par là de
blanchiment, pour lutter efficacement contre les agissements dont elles
pourraient se rendre coupables et dans un souci d'assainissement de la vie
public21, le législateur communautaire CEMAC a
institué un dispositif qui impose aux professionnels assujettis des
obligations spécifiques qu'ils doivent observer à l'égard
des clients PPE (Chapitre 2). L'édiction des mesures de vigilance
renforcée à l'égard des clients PPE ne fait pas
préjudice aux obligations générales de vigilance (Chapitre
1) en matière de lutte anti-blanchiment dont les assujettis sont
également tenus d'observer à l'égard de tout client.
21 Egalement, dans un souci d'intégrer et
d'adhérer aux normes et standards internationaux en matière de
lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme liant les
PPE.
CHAPITRE I : L'ASSUJETTISSEMENT DES PROFESSIONNELS
AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
11
Le blanchiment des capitaux est une infraction de
conséquence, qui, pour être constituée nécessite
l'exigence d'une infraction « en amont » qui peut être entre
autres, le trafic illégal des drogues, d'organes humains, la
prostitution, le proxénétisme, la corruption et le
détournement.
Ainsi, l'efficacité de la lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme repose sur les instruments
juridiques. Le législateur communautaire ne voulant pas faire de la zone
CEMAC l'apanage de ces fléaux, a édicté une
règlementation sévère à l'égard des
professionnels assujettis.
À cet effet, à la lecture des textes
communautaires relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et
le financement du terrorisme et de la prolifération, nous nous rendons
compte que les professionnels sont soumis à une obligation
générale de vigilance (Section 1) qui se solde par une obligation
de déclaration (Section 2) en cas de suspicion sur les opérations
de leur clientèle.
SECTION I : L'obligation générale de
vigilance
Les obligations de vigilance et de diligence consistent
« pour le professionnel assujetti à identifier ses clients et
à bien les connaître tout au long de leur relation, à
suivre les opérations qu'ils conduisent pour apprécier leur
cohérence et leur logique économique, à procéder
à un examen particulier des opérations douteuses, à
demander des renseignements sur ces opérations quant à leurs
origine et finalité et à garder ces informations écrites
à la seule disposition »22 des autorités
judiciaires.
Dans le souci de minimiser les risques d'utilisation des
facilités de la globalisation par les criminels, les autorités de
poursuite doivent alors compter sur la diligence des professionnels
22 MATSOPOULOU (H.) et MASCALA (C.)
(Dir.), Droit pénal des affaires, Lamy, 2014, n°
1261, cité par NGAPA (T), La lutte contre le
blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC :
analyse à la lumière des normes et standards européens et
internationaux, Op. Cit. p. 248.
12
assujettis à la lutte contre le blanchiment des
capitaux qui en constituent l'un des maillons essentiels et interviennent
à différentes étapes23.
C'est ainsi que ces professionnels sont soumis aux mesures
préventives de la lutte contre la criminalité financière
organisée. Ils ont à cet effet, l'obligation de connaissance de
la clientèle (Paragraphe 1) et l'obligation de surveillance
particulière à l'égard de certaines opérations
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'obligation de connaissance de la
clientèle
Les assujettis doivent connaitre leur client pour pouvoir s'il
en était besoin d'être à même de produire aux
autorités compétentes des informations nécessaires sur ce
dernier. Pour cela, les assujettis doivent les identifier (A) et en conserver
les documents ou pièces (B).
A - L'obligation d'identification des clients
« Know your Customer » en anglais
signifiant « connais ton client » est le sens de
l'obligation d'identification des clients24. Car, les organismes
assujettis à la vigilance financière doivent s'assurer, avant de
nouer une relation d'affaire25 ou d'assister un client habituel ou
occasionnel dans la préparation ou la réalisation d'une
transaction, de l'identité de leurs cocontractants26. Cette
obligation contenue dans la recommandation 10 du GAFI de février 2012
concerne tant le client que le bénéficiaire
économique27. Elle est posée par les articles 4
à 16 du Règlement COBAC de 2005 et 29 à 34 du
Règlement CEMAC de 2016.
À la lecture de ces dispositions communautaires, il est
prévu deux méthodes d'identification : des méthodes
générales (1) et des méthodes particulières
d'identification (2).
23 NGAPA (T), La lutte contre
le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique central CEMAC :
analyse à la lumière des normes et standards européens et
internationaux, Op. Cit. p. 235.
24 Ce contrôle d'identité des clients
a, selon certains auteurs, été le premier instrument juridique
mis en place dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. En ceci qu'il permet
d'empêcher l'anonymat des financiers du crime en bloquant leurs
opérations.
25 La relation d'affaires est « une situation
dans laquelle une personne visée à l'article 7 du présent
Règlement, engage une relation professionnelle ou commerciale qui est
censée, au moment où le contact est établi, s'inscrire
dans une certaine durée » (Cf. point 60 de l'art.
1er du Règlement CEMAC de 2016).
26 NGUIFFEU TAJOUO EDDY L., «
La réforme du système de détection et de prévention
de la criminalité financière en zone CEMAC à la
lumière du Règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril
2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux
et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», In Juridis Périodique N°108, pp 133-144.
27 Ce dernier, du fait du lien étroit qu'il
pourrait avoir avec les PPE, sera évoqué dans le chapitre
suivant.
13
1- Les méthodes générales
d'identification des clients
Pour ce qui est des méthodes générales
d'identification, la vérification se fait par l'exigence de la
présentation d'un document ou d'une pièce officielle originale et
valide et la conservation d'une copie de ladite pièce28.
Lorsque le client est une personne physique, la
présentation d'un document officiel original en cours de validité
comportant sa photographie est exigée puis il sera pris
photocopie29.
Quant au client personne morale, l'identification est
effectuée par la production des statuts et de tout documents
établissant qu'elle a été légalement
constituée et qu'elle a une existence réelle au moment de
l'identification et il en sera pris photocopie30. En plus, la
personne morale doit présenter l'original ou la copie certifiée
conforme de tout acte ou extrait du registre officiel constatant sa
dénomination, sa forme juridique, son siège social et les
pouvoirs des personnes agissant en son nom.
A côté de ces méthodes dites
générales d'identification des clients, il faut relever les
méthodes particulières d'identification.
2- Les méthodes particulières
d'identification des clients
Parlant des méthodes dites « particulières
» d'identification, elles concernent entre autre ; les clients
occasionnels, les clients non-résidents, les clients PPE31,
la clientèle recommandée et les personnes listées.
Les « clients occasionnels » sont ceux qui
n'ont pas de liens durables avec l'organisme, car il n'existe pas entre eux une
relation d'affaires établie. Leur identification se fait dans les
mêmes conditions évoquées haut pour toute transaction
portant sur une somme supérieure au montant définis par le
comité ministériel ou, à défaut, par l'Etat partie.
Cette identification est requise même si le montant de l'opération
est égal au seuil fixé32 ou lorsque la provenance
licite des capitaux n'est pas certaine33.
28 Cf. art. 4-(1) du Règlement COBAC du
1er avril 2005 et art. 29 du Règlement CEMAC du 11 avril
2016.
29 Cf. art. 30 du Règlement CEMAC de 2016.
30 Cf. art. 5-(2) du Règlement COBAC de 2005 et
art. 31 du Règlement CEMAC de 2016.
31 Les mesures spécifiques aux PPE feront
l'objet du développement du chapitre suivant.
32 10.000.000 FCFA pour les personnes autres que
les changeurs manuels ou les représentants légaux et directeurs
responsables des opérations de jeux ; 5.000.000 FCFA pour les changeurs
manuels.
33 Cf. art. 32 du Règlement CEMAC de 2016.
14
Quant aux « clients
non-résidents34», en plus de conditions
générales d'identification, les organismes assujettis peuvent, au
besoin, recourir à une personne de réputation confirmée
pour procéder à l'identification du client ou exiger que des
documents requis soient soumis à d'autres formalités
(authentification, complément par pièce jointe etc.). En plus, la
relation d'affaires ne peut être établie qu'avec l'approbation
d'une personne habilitée35.
En ce qui concerne la « clientèle
recommandée36», à la lumière de
l'article 10 du Règlement COBAC, il ressort que, les personnes
assujetties doivent évaluer soigneusement la compétence et
l'honorabilité des intermédiaires ayant recommandé le
client et vérifier qu'ils accomplissent normalement leur devoir de
diligence, en procédant si nécessaire à des examens
périodiques de conformité et de fiabilité.
Aussi, les « personnes
listées37 » font également l'objet d'un
traitement spécial. Conformément aux articles 35 et 36 du
Règlement COBAC, les organismes assujettis doivent déclarer
à l'ANIF, les opérations et avoir des personnes listées
qu'ils examinent de façon particulière.
Les professionnels assujettis peuvent procéder à
nouveau à l'identification du client, lorsqu'ils ont des bonnes raisons
de penser que l'identité de leur client et les éléments
d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou
pertinents38.
L'obligation d'identification ainsi posée par le
législateur communautaire à la charge des professionnels
assujettis n'est pas exempte de toutes critiques. En effet, les assujettis
à cette obligation sont juste tenus d'exiger la présentation d'un
document officiel original en cours de validité et en conserver une
photocopie mais, pas de vérifier l'authenticité et encore moins
d'exiger une copie authentifiée du document qui, il faut le dire,
pourrait être un document falsifié. Nous pensons que le
législateur devrait imposer que des documents ou pièces soient
authentifiées lorsque l'opération en question atteint ou
excède le montant seuil ou tout autre montant raisonnable qui sera
fixé à cet effet.
34 Aux termes de l'article 3 alinéa e) du
Règlement COBAC, Un `'client non résident» est une personne
physique ou morale implantée dans un Etat tiers et sollicitant
l'ouverture d'un compte ou la réalisation d'une opération dans un
établissement assujetti sis dans un Etat membre.
35 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.),
Prévention et Répression du blanchiment des capitaux
en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. P. 67 ; V. également
à cet effet l'article 9 du Règlement COBAC de 2005.
36 Selon l'article 3 al. d) c'est la
clientèle dont la relation d'affaires avec un établissement
assujetti procède de l'initiative d'un tiers, intermédiaire
pouvant être un établissement de crédit ou toute autre
personne physique ou morale.
37 Le Règlement COBAC de 2005 définit
en son article 3 al. v) comme étant, une personne physique ou morale ou
une organisation figurant sur la liste établie par le comité des
sanctions conformément aux résolutions des Nation Unies relatives
à la prévention et à la répression du financement
du terrorisme. Ces personnes doivent faire l'objet de restrictions comme de
terroristes...
38 Cf. art. 34 du Règlement CEMAC du 11 avril
2016.
15
Ces difficultés ainsi relevées sur l'obligation
d'identification sont de nature à impacter la conservation des
documents.
B - L'obligation de conservation des pièces et
documents
C'est la conséquence logique de l'obligation
d'identification de la clientèle. Par ce qu'il a l'obligation de
connaitre sa clientèle, l'organisme assujetti doit à même
de pouvoir produire les informations utiles sur cette dernière aux
autorités compétentes s'il en ait besoin.
D'où le sens de l'obligation de conservation des
pièces et documents posée à l'article 38 du
Règlement CEMAC du 11 avril 2016 qui dispose à cet effet que :
« sans préjudice des dispositions prescrivant des obligations
plus contraignantes, les institutions financières conservent pendant une
durée de dix (10) ans, à compter de la clôture de leurs
comptes ou de la cessation de leurs relations avec leurs clients habituels ou
occasionnels, les pièces et documents relatifs à leur
identité. Elles conservent également tous les pièces et
documents relatifs aux opérations qu'ils ont effectuées et le
rapport visé à l'article 35 ci-dessus pendant dix (10) ans,
après l'exécution de l'opération ». Ainsi, les
assujettis ont donc l'obligation de consigner par écrit et de conserver
les caractéristiques de toute opération et information concernant
l'identité et le domicile des intéressés, ainsi que les
pièces et tous documents qui s'y rattachent, qu'il s'agisse des clients
habituels ou occasionnels39.
S'il en était encore besoin de le rappeler,
l'obligation de conservation des pièces et documents
susmentionnée n'est pas seulement à la charge des institutions
financières comme pourrait laisser croire les dispositions de l'article
38 du Règlement CEMAC mais, s'impose à tous les professionnels
assujettis des articles 6 et 7 du même Règlement.
De l'obligation de conservation des pièces et
documents, ressort une obligation au secret ou à la
confidentialité. Seules quelques entités ont le droit de se faire
communiquer les document et pièces conservés par les institutions
assujetties40. Ces autorités sont entre autres : l'Agence
Nationale d'Investigation Financière (ANIF), l'autorité
judiciaire, l'autorité monétaire (Ministre en charge des finances
pour le cas du Cameroun et du Tchad), l'autorité de contrôle de la
profession (la COBAC pour les établissements de crédit et les
EMF, la Commission Régional de Contrôle des Assurances (CRCA) pour
les entreprises
39 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.),
Prévention et Répression du blanchiment des capitaux
en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit., p. 68.
40 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), «
La réforme du système de détection et de prévention
de la criminalité financière en zone CEMAC à la
lumière du règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril
2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux
et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», Op.cit., P. 138.
16
d'assurances...) et les fonctionnaires chargés de la
détection et de la répression des infractions liées au
BC/FT agissant dans le cadre d'une procédure
pénale41.
Les obligations générales de vigilance ainsi
évoquées ne sont pas suffisantes pour lutter de façon
efficiente contre les malversations financières liées à
certaines opérations qui méritent une surveillance
particulière.
Paragraphe 2 : L'obligation de surveillance
particulière de certaines
opérations
La surveillance particulière de certaines
opérations est exigée par les articles 16 à 25 du
Règlement COBAC de 2005 et diverses dispositions du Règlement
CEMAC de 2016 (entre autres les articles 35, 36, 40, 47 et 48). Ces
dispositions énoncent des opérations dont les circonstances
exceptionnelles entourant l'accomplissement inspirent le risque et appellent la
méfiance. Ce sont : des opérations inhabituelles ou dont le
client n'a pas l'habitude d'accomplir, des opérations sans justification
économique ou d'objet illicite, les opérations sur des sommes
dont le montant est supérieur au seuil, les opérations de
paiement en espèce ou par titre au porteur de sommes dont le montant est
supérieur au seuil42, les opérations de transfert de
fonds (électronique ou par virement...), des opérations sur des
sommes dont la provenance présente un risque43, les
transactions des compagnies d'assurance en matière d'assurance vie...
Dès lors qu'une personne assujettie se retrouve face
à l'une de ces opérations, en plus des obligations
générales de vigilance mentionnées haut, elle doit
rechercher un certain nombre d'informations relatives : à l'origine et
à la destination des sommes ainsi qu'à l'objet de la transaction
; aux caractéristiques de l'opération ; aux modalités et
conditions de fonctionnement du compte, notamment la date et l'origine du
compte, les noms des mandataires et les références des comptes
sans mouvement44.
Conformément aux dispositions des articles 21 et 22 du
Règlement COBAC, cette exigence de surveillance accrue subsiste et doit
être observée tant en ce qui est des comptes à haut risque
que des activités suspectes.
41 Cf. art. 39 du Règlement CEMAC de 2016.
V. également la loi camerounaise de 2003 et la loi tchadienne de 1995
relatives au secret bancaire.
42 Qui est de Cinquante (50) millions dans les
conditions normales et de dix (10) millions dans les conditions
inhabituelles.
43Le GAFI classe habituellement dans ses rapports les
pays non coopérants en matière de LBC/FT. Donc, il pourra s'agir
d'une opération émise ou réceptionnée par un
établissement de crédit se trouvant dans un tel pays.
44 Cf. art. 20 du Règlement COBAC du 1er avril
2005.
17
Tout professionnel assujetti aux obligations
générales de vigilance ainsi évoquées, qui, dans
l'exercice de ses activités, a connaissance d'une opération
suspecte, est tenu de la déclarer45.
SECTION II : L'obligation de déclaration des
opérations suspectes
Posée à la Recommandation 13 du GAFI en ce terme
« si une institution financière soupçonne ou a des
raisons suffisantes de soupçonner que des fonds provenant d'une
activité criminelle, ou sont liés au financement du terrorisme,
elles devraient être tenues, directement en vertu d'une loi ou d'une
réglementation, de faire sans délai une déclaration
d'opérations suspectes auprès de la cellule de renseignements
financiers (CRF) », la déclaration de soupçon a
été introduite au niveau communautaire par les règlements
COBAC de 2005 et CEMAC de 2016 d'une part et d'autre part aux niveaux nationaux
par les différents décrets relatifs à l'organisation et le
fonctionnement des ANIF dans les Etats membres46.
Encore appelée l'obligation de déclaration des
opérations suspectes, la déclaration de soupçon est une
obligation qui consiste pour les organismes et les personnes qui y sont
assujetties à déclarer à l'ANIF un certain nombre
d'opérations considérées comme suspectes parce qu'elles
peuvent être en lien avec des infractions de blanchiment des capitaux ou
de financement du terrorisme47. Par ce qu'ils doivent connaitre leur
clientèle, les organismes assujettis sont appelés à
déclarer toute opération comportant une anomalie.
La notion de soupçon qui fonde l'obligation de
déclaration n'a pas fait l'objet de définition, ni par le GAFI,
ni par le législateur communautaire et encore moins par les
législateurs nationaux des Etats membres. Toutefois, selon G. GUITTON,
le soupçon est « une opinion défavorable à
l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des
indices, des intuitions, mais sans preuves précises
»48.
45 Il en est de même des obligations
supplémentaires. A cet effet, les mesures de vigilance renforcée
à l'égard des clients PPE que nous verrons dans le second
chapitre doivent également être déclarées dans les
conditions de la déclaration de soupçon telles qu'elles seront
évoquées dans la partie qui est annoncée.
46 Pour le Cameroun, il s'agit du décret
N°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de
l'Agence Nationale d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le
décret du 22 septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le
Tchad, c'est le décret N°07-107 du 02 février 2007 portant
institution, organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale
d'Investigation Financière.
47 KALIEU ELONGO (Y.R), « La
déclaration de soupçon en matière de blanchiment des
capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles
applicables », 30 mars 2020, disponible sur
www.kalieu-elongo.com
consulté le 08 juillet 2020 à 21h 45mn.
48 GUITTON (G.) In Banque et
Droit, 2003, N°88, P. 8, cité par TSOBGNI DJOUMETIO
(N.L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif
préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun en
France, Thèse de doctorat en droit pénal et sciences
criminelles, Université de Strasbourg, janvier 2015 P. 164.
18
Ainsi, la déclaration de soupçon est une
étape importante dans la détection du blanchiment des capitaux ou
de financement du terrorisme et de la prolifération. Et les personnes
assujetties des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016 ont un grand
rôle à jouer à cette étape, car elle est faite sur
la base de leur opinion basée sur des intuitions et des indices.
Dès lors, pour mieux cerner cette obligation de
déclaration des opérations suspectes, nous traiterons dans le
cadre de cette partie l'objet (Paragraphe 1) et les modalités d'exercice
(Paragraphe 2) de ladite déclaration.
Paragraphe 1 : L'objet de la déclaration de
soupçon
Toute opération que l'assujetti considère comme
anormale au regard du montant, de la fréquence, de la qualité du
donneur d'ordre ou du bénéficiaire, etc. doit être
déclarée49. Nous comprenons ainsi que l'objet de la
déclaration de soupçon n'est rien d'autre que les
opérations suspectes. Même si les divers textes communautaires
régissant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme, ne définissent pas expressément le concept d'
« opérations suspectes », ils mentionnent quelques
opérations dites suspectes qui peuvent être regroupées sous
les vocables des opérations atypiques (A), des opérations sur
comptes à haut risque (B) et des opérations excédant le
montant seuil (C).
A - Les opérations atypiques
Encore appelées opérations inhabituelles, les
opérations atypiques sont celles qui ne relèvent pas de
l'ordinaire, qui ne sont pas courantes50. Ainsi, aux termes de
l'alinéa z) de l'article 3 du Règlement COBAC, les transactions
atypiques sont des « opérations sans relation avec
l'activité, les habitudes financières ou le patrimoine de leur
auteur ». A cet effet, un établissement assujetti doit
élaborer en son sein un système de gestion de risques permettant
de dresser pour chaque client un profil clair. L'organisme assujetti doit avoir
une bonne
49 KALIEU ELONGO (Y.R), « La
déclaration de soupçon en matière de blanchiment des
capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles
applicables », 30 mars 2020, disponible sur
www.kalieu-elongo.com,
consulté le 10 juin 2020 à 00h 24min.
50 TCHABO SONTANG
(H.M), Secret bancaire et lutte contre le
blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire DEA, droit com.
Comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, p. 58.
19
compréhension des activités normales
raisonnables sur les comptes de sa clientèle de façon à
pouvoir déterminer les transactions inhabituelles51.
À l'esprit de l'article 1er alinéa z)
susmentionné, une opération sans justificative économique
est atypique. Et toutes sommes inscrites sur un compte ou qui fait l'objet de
transaction et qui semblent n'avoir aucun lien avec l'activité du
client, fait naitre du doute.
Allant dans ce sens, les personnes assujetties doivent
déclarer à l'ANIF les sommes inscrites dans leurs livres ou les
opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent
ou ont des bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont le produit d'une
activité criminelle ou ont un rapport avec une infraction de blanchiment
des capitaux ou de financement du terrorisme et de la
prolifération52. Aussi, toutes les fois que les personnes
assujetties ont connaissance des sommes ou opérations ou tentatives
d'opérations dont elles savent, soupçonnent ou ont des bonnes
raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude douanière
ou fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère
défini par la réglementation en vigueur, sont tenues de faire une
déclaration à l'ANIF53. Il en est de même,
lorsque les opérations pour lesquelles l'identité du donneur
d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les
diligences effectuées conformément aux dispositions
prévues.
Il va sans dire qu'à chaque fois qu'une
opération ou transaction ne relève plus de l'ordinaire, elle doit
faire l'objet de déclaration et il est de même pour des
opérations sur les comptes à haut risque.
B - Les opérations sur les comptes à haut
risque
Un compte à haut risque est un « compte
présentant un degré de risque élevé en raison de la
qualité de son titulaire, de l'origine douteuse ou incertaine de ses
ressources ou de la nature des opérations qui y sont accomplies, de son
pays d'origine ou celui des intermédiaires »54. Les
blanchisseurs sont à la recherche perpétuelle des failles pour
réaliser leurs malversations et donc les personnes assujetties sont
appelées à observer une certaine vigilance lorsque les
opérations sont liées à certaines catégories de
personnes, de fonctions ou lorsqu'elles sont initiées ou à
destination de certains pays.
51 Ibidem.
52 Cf. art. 83 al. 1 du Règlement CEMAC.
53 Cf. art. 83 al. 2 du Règlement CEMAC.
54 Cf. art. 3 al. i) du Règlement COBAC.
20
Le Règlement COBAC précise expressément
une gamme d'indication d'un compte à haut risque55 qui est
constituée entre autres, de l'activité professionnelle du client,
du pays d'origine, des types d'opérations à supporter par un
compte et de l'anonymat.
D'abord, pour ce qui est de l'activité professionnelle
du client, le degré de surveillance sur un compte peut être accru
en fonction de la profession du client ; surtout lorsque celle-ci est de nature
à beaucoup flirter avec la corruption56, le trafic des
stupéfiants, le détournement des fonds publics57, ou
même le trafic des organes humains.
Ensuite, s'agissant du pays d'origine et de la source des
fonds, du fait de la mondialisation des services bancaires, les blanchisseurs
utilisent de plus en plus les services internationaux des banques pour blanchir
leur argent et les assujettis doivent être regardants sur les
opérations qui ont un lien avec l'étranger58. Ainsi,
doivent faire l'objet de déclaration au sens de la Réglementation
communautaire, les opérations effectuées par les organismes
financiers pour compte propre ou pour compte de tiers avec personne morale y
compris leurs filiales ou établissements, domiciliées,
enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires
dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacles
à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme59.
En plus, pour ce qui des types des opérations que le
compte doit supporter, un compte qui ne sert qu'à réaliser des
opérations de change ou de transfert, est un compte suspect et donc
sujet à déclaration.
Enfin, concernant l'anonymat, il s'agit en
général des comptes affectés d'un numéro
confidentiel. Encore appelés comptes numérotés, les
comptes anonymes ont pour principe de permettre aux simples employés de
banques d'effectuer les transactions courantes sans qu'ils aient connaissance
de l'identité du titulaire du compte. Le nom du client n'est connu que
d'un nombre restreint de personnes, notamment du directeur de la banque et du
chargé de compte. Les banques Suisses, par exemple, utilisent
différentes procédures de numérotage et de contrôle,
mais le but est toujours le même : mettre l'identité du client
à l'abri et n'en permettre l'accès qu'à un minimum de
personnes responsables60.
55 Cf. art. 22 du Règlement COBAC.
56 Tel en est le cas lorsque le compte appartient
à un client PPE. Nous verrons dans le second chapitre les mesures de
vigilance renforcée à l'égard des clients PPE.
57 Ibidem.
58 TCHABO SONTANG
(H.M), Secret bancaire et lutte contre le
blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p.
59.
59 Cf. art. 83 al. 6 du Règlement CEMAC.
60 AZI NAZIHA, Blanchiment
d'argent : techniques et moyens de lutte (cas de la banque
société générale Algérie),
mémoire de Master en science économique, Université
de Bejaia, juin 2017, p. 22.
21
Il faut cependant mentionner que, l'alinéa 2 de
l'article 23 du Règlement CEMAC dispose qu' « il leur est
interdit de tenir des comptes anonymes ou des comptes sous des noms fictifs
». Donc, la déclaration devrait être automatique si des
opérations en vue de l'ouverture des tels comptes étaient
entreprises.
En plus des opérations évoquées, les
assujettis sont soumis à la déclaration de soupçon
lorsqu'une opération excède un certain montant dit montant
seuil.
C - Les opérations excédant le montant
seuil
« Les institutions financières
déclarent à l'ANIF les éléments d'informations
relatifs aux opérations de transmission de fonds effectuées
à partir du versement d'espèces ou au moyen de monnaie
électronique. Un arrêté du Ministre des Finances
précise le seuil à partir duquel est requise une
déclaration auprès de l'ANIF ainsi que les conditions et
modalités de ladite déclaration », tels sont les termes
de l'alinéa 7 de l'article 83 du Règlement CEMAC.
Si les opérations précédemment
évoquées sont celles dans lesquelles la déclaration
n'intervienne qu'en cas de soupçon, pour ce qui est des
opérations dont le montant excède le seuil fixé, c'est une
déclaration en absence de tout soupçon. Le législateur
communautaire soumet ainsi les personnes assujetties à une
déclaration d'office qui n'est assortie d'aucune exception.
Ainsi, les établissements assujettis devraient
automatiquement sans besoin d'analyse supplémentaire,
déclaré à l'ANIF toutes opérations dont le montant
dépasse le seuil fixé.
Cependant, nous relevons que ce régime de
déclaration systématique conduirait à un encombrement de
l'ANIF, qui aurait toutes les difficultés à traiter de
façon efficace et efficiente la masse de déclarations qu'elle
aurait reçue.
La déclaration de soupçon ainsi
évoquée en son objet ne peut être effectuée qu'en
respectant un certain régime lié à ses modalités
d'exercice.
Paragraphe 2 : Les modalités d'exercice de la
déclaration
L'obligation de déclaration des opérations
suspectes ainsi posée ne s'effectue pas au hasard, car, elle est soumise
à un régime particulier. A cet effet, nous nous
intéressons aux personnes concernées par la déclaration
(A), aux formes et mentions (B) ainsi qu'aux suites éventuelles que
pourrait avoir ladite déclaration (C).
22
A - Les personnes concernées par la
déclaration de soupçon.
Trois catégories de personnes sont impliquées
dans la déclaration de soupçon. A savoir les assujettis, l'Agence
Nationale d'Investigation Financière et le Procureur de la
République. Ainsi, nous évoquerons ces personnes selon qu'elles
sont débitrices (1) ou créancières de l'obligation (2) de
déclaration de soupçon.
1- Les débiteurs de l'obligation
Toutes les personnes physiques ou morales qui, dans le cadre
de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des
opérations entrainant des dépôts, des changes, des
placements, des conversions ou tous autres mouvements des capitaux sont
assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et du
financement de terrorisme et par conséquent à l'obligation de
déclaration des opérations suspectes. Il s'agit entre autres, des
établissements de crédit, des entreprises d'assurances, des
administrations chargées des régies financières, de la
BEAC, des agents immobiliers, des agents sportifs, des agences de voyages, des
avocats, des notaires, des experts comptables, des conseillers fiscaux
etc.61.
Ces personnes assujetties sont appelées à
communiquer à l'ANIF et leur autorité de contrôle,
l'identité de leurs dirigeants et préposées chargés
de répondre aux demandes de ce service et de cette autorité et
d'assurer la diffusion aux membres concernés du personnel, des
informations, avis ou recommandations de caractère général
qui en émanent62. Ainsi, les assujettis désignent en
leur sein une personne habileté à faire la déclaration de
soupçon, mais toutefois, tout dirigeant ou préposé peut le
faire lorsque l'urgence l'exige63.
Les personnes débitrices de la déclaration de
soupçon n'adressent pas leur déclaration à tous organismes
mais, aux créanciers de ladite déclaration.
2- Les créanciers de l'obligation de la
déclaration de soupçon
Les textes régissant la prévention et la
répression du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
et de la prolifération désignent principalement l'ANIF (a) et
subsidiairement le Procureur de la République (b), comme étant
créanciers de la déclaration de soupçon.
a- L'Agence Nationale d'Investigation
Financière
61 Ces personnes sont énumérées
aux articles 6 et 7 du règlement CEMAC.
62 Conformément aux articles 84 al. 1 du
Règlement CEMAC et 41 al. 1 du Règlement COBAC.
63 Cf. art. 41 al. 2 Règlement COBAC.
23
L'ANIF est la cellule de renseignements financiers
instituée par la législation communautaire64 et
consacrée par la législation nationale de chaque Etat
membre65. A cet effet, elle a pour mission de recevoir, de traiter
et le cas échéant de transmettre aux autorités
compétentes, les renseignements propres à établir
l'origine des fonds ou la nature des opérations faisant l'objet de la
déclaration de soupçon66.
Ainsi, l'ANIF est l'unique destinataire des
déclarations de soupçon des personnes assujetties par les
Règlements communautaires. Selon les articles 26 et 28 du
Règlement COBAC de 2005 relative aux diligences des
établissements assujettis en matière de lutte contre le
blanchiment des capitaux et financement du terrorisme, puis 83 et 86 du
Règlement CEMAC de 2016 portant prévention et répression
du blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et de la
prolifération en Afrique centrale, les personnes assujetties au titre
des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC sont tenus de faire leurs
déclarations à l'ANIF ; ce qui n'est pas le cas pour les
personnes non assujetties qui doivent faire leur déclaration directement
au Procureur de la République.
b- Le Procureur de la République
Au titre des personnes impliquées dans la
déclaration de soupçon, figure le Procureur de la
République. Le Procureur peut être impliqué dans la
déclaration de soupçon à deux niveaux.
Primo, lorsque les personnes déclarant une
opération suspecte ne sont pas celles des articles 6 et 7 du
Règlement CEMAC de 2016 précité. A cet effet, l'article 84
alinéa 5 dispose que « les personnes autres que celles
visées aux articles 6 et 7 du présent Règlement sont
tenues de déclarer au Procureur de la République les
opérations dont elles ont connaissances et qui portent sur des sommes
qu'elles savent susceptibles de provenir d'un crime ou délit ou
s'inscrire dans un processus de blanchiment ou de financement du terrorisme et
de la prolifération. Le Procureur de la République en informe
l'ANIF qui lui fournit tous les renseignements utiles ».
64 Aux termes de l'art. 65 du Règlement
CEMAC de 2016 « il est institué, dans chaque Etat membre, sous
la dénomination de l'ANIF, une autorité administrative,
placée sous tutelle du Ministre chargé des Finances. L'ANIF est
dotée de l'autonomie financière et d'un pouvoir de
décision sur les matières relevant de sa compétence
».
65 Les différents décrets nationaux
portant institution, organisation et fonctionnement des ANIF dans chaque Etat
membre. Pour le Cameroun, il s'agit du décret N°2005/187 du 31 mai
2005 portant organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale
d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le décret du 22
septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le Tchad, c'est le
décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution,
organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation
Financière.
66 V. L'article 66 du Règlement CEMAC de
2016.
24
Secundo, le Procureur de la République est
impliqué dans la déclaration de soupçon lorsque celle-ci
s'avère vraie après traitement par l'ANIF qui décide donc
de lui transmettre le dossier.
Les personnes concernées par la déclaration de
soupçon étant connues, reste à préciser les
exigences quant à la forme et mentions.
B - La forme et les mentions de la
déclaration
Nous examinerons successivement la forme de la
déclaration (1) et les mentions (2) que celle-ci doit comporter.
1- La forme de la déclaration
Cette déclaration qui est à la charge des
personnes assujetties ne doit pas être faite n'importe comment mais, dans
les conditions fixées par le Règlement CEMAC et selon un
modèle de déclaration fixé par arrêté du
Ministre chargé des Finances sur proposition de l'ANIF67.
Ainsi, au sens de l'article 86 du Règlement CEMAC, les
déclarations de soupçon sont transmises à l'ANIF seulement
par écrit et par tout moyen laissant trace écrite. Les
déclarations faites téléphoniquement ou par moyen
électronique doivent être confirmées par écrit dans
un délai de quarante-huit (48) heures.
Il faut le dire, l'article 27 du Règlement COBAC
relatif aux diligences des établissements assujettis en matière
de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
encore en vigueur évoque la possibilité de faire une
déclaration verbale ou écrite qui, toutefois, doit être
confirmée par un moyen laissant trace écrite est de nature
à porter confusions. Toute chose qui nécessite, à notre
avis, une révision bien que cela ne préjudicie pas les mentions
de ladite déclaration.
2- Les mentions de la déclaration
L'alinéa 2 de l'article 86 du Règlement CEMAC
précise que « les déclarations précisent,
notamment suivant les cas : a) les raisons pour lesquelles l'opération a
déjà été exécutée ; b) le
délai dans lequel, l'opération doit être
exécutée ».
67 Cf. art. 83 al. 1 du Règlement CEMAC.
25
Outre ces mentions, une déclaration doit pouvoir
fournir les informations utiles à l'ANIF afin de lui permettre de
pouvoir reconstituer les opérations liées à la même
personne68. La déclaration de soupçon qui est faite
aura forcément une suite.
C - Les éventuelles suites de la
déclaration de soupçon
Pour ce qui est des suites réservées à la
déclaration, nous retenons tout d'abord que l'ANIF accuse
réception de la déclaration qui lui est ainsi faite, sauf si
l'entité déclarante en avise autrement69.
Il faut souligner cependant que, l'article 83 alinéa 5
du Règlement CEMAC de 2016 dispose que « toute information de
nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments
contenus dans la déclaration de soupçon est portée, sans
délai, à la connaissance de l'ANIF ». C'est ce qui
laisse paraitre le caractère révocable de la déclaration ;
car comme nous l'avons souligné plus haut le soupçon est un avis
défavorable sur la personne ou son comportement basé sur des
intuitions sans preuves précises et dans une telle hypothèse, la
personne qui effectue la déclaration n'est pas exempt de la
possibilité de se tromper ; car la nature humaine étant ce
qu'elle est.
Dans l'hypothèse où l'ANIF a accusé
réception de la déclaration, elle procède au traitement et
à l'analyse des opérations déclarées70.
Ce traitement peut entrainer ou non des poursuites judiciaires contre les
personnes soupçonnées si le Procureur de la République est
saisi et décide d'ouvrir lesdites poursuites. L'ANIF joue ainsi un
rôle capital dans la lutte contre la criminalité
financière.
68 TCHABO SONTANG (H.M),
Secret bancaire et lutte contre le blanchiment des capitaux en zone
CEMAC, mémoire de DEA, Op.cit. p. 60.
69 Cf. art. 86 al. 3 du Règlement CEMAC.
70 V. l'art. 12 du décret du 02
février 2007 portant institution organisation et fonctionnement de
l'ANIF au Tchad et l'art. 21 du décret N°2005/187 du mai 2005
portant organisation du fonctionnement de l'ANIF Cameroun.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
26
La criminalité financière organisée prend
de l'ampleur dans le monde et les organismes de lutte anti-blanchiment ont mis
en place des mesures de vigilance standards que les assujettis sont
appelés à observer à l'égard de tout client. De ce
fait, le législateur communautaire soumet les personnes assujetties
à l'observer de l'obligation de connaissance de leur clientèle et
de son activité économique afin de pouvoir déterminer si
le patrimoine ou les fonds de cette dernière ne proviennent pas
d'activités illicites. Lorsqu'il y a un doute ou une anomalie quelconque
sur la provenance des fonds, l'assujetti doit faire une déclaration de
soupçon à l'ANIF, qui transmettra le dossier aux autorités
judiciaires après enquête.
Cependant, en plus de mesures de vigilance
générale qui s'appliquent à toute catégorie de
clients, certains clients à l'instar des personnes politiquement
exposées ont des risques de BC/FT élevés et les assujettis
doivent observer à leur égard des mesures spécifiques.
CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX
CLIENTS RÉLEVANT DE LA CATÉGORIE DES
PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES
27
Une catégorie des personnes ayant une certaine
vulnérabilité importante à la corruption, au
détournement et partant, au blanchiment des capitaux et au financement
du terrorisme, les PPE méritent une attention particulière. Le
législateur communautaire, conscient de ce fait, a hissé sa
règlementation au niveau des normes et standards internationaux en la
matière afin de faire face aux risques élevés de
blanchiment qui pèsent sur elles.
Faut-il le rappeler, les personnes politiquement
exposées (PPE), sont des personnes physiques ayant occupées ou
qui occupent d'importantes fonctions dans un Etat tiers, dans un Etat membre de
la CEMAC ou au sein d'une organisation internationale (OI). Ainsi, les
établissements assujettis doivent faire application de mesures de
vigilance renforcée (SECTION II) après avoir
déterminé lesdites PPE (SECTION I) conformément aux
conditions exigées pour l'identification de la clientèle que nous
avons évoquées plus haut.
SECTION I : La détermination des clients
relevant de la catégorie
des PPE
Le caractère très générique de la
notion de PPE induit une grande difficulté de gestion pour les
établissements bancaires et financiers. En effet, en ayant à
faire à des personnes aux risques élevés de blanchiment
des capitaux et de financement du terrorisme, l'image de l'établissement
auprès de ses clients, partenaires et pouvoirs publics, risque d'en
souffrir. Mais en même temps, un établissement ne saurait rejeter
toute une catégorie de clients au seul motif d'un risque, souvent
très potentiel. Il apparaît, dès lors, utile de distinguer
le PPE au sens le plus strict, dont les banques examineront très
attentivement la situation et qu'elles refuseront éventuellement comme
client, et les autres personnes en lien avec le monde politique.
Face à cette difficulté, les
établissements adoptent une approche parfois casuistique : chaque
dossier est examiné individuellement, accompagné des diligences
nécessaires, préalables à la décision et soumis
ensuite à un suivi étroit71.
71 SUSCEC (S.), Le secteur
bancaire et financier français face à la corruption : un
système d'intégrité en construction, Op.cit., p.
176.
28
Ainsi, pour déterminer si une personne est une PPE ou
non, il nous convient de catégoriser les PPE en deux : nous
distinguerons ainsi, les clients PPE proprement dits (Paragraphe 1) des
personnes qui leur sont assimilées (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les clients PPE proprement dits
Ce sont, à notre sens, des personnes qui exercent
eux-mêmes d'importantes fonctions politiques, juridictionnelles ou
administratives qui les exposent à des risques élevés de
blanchiment des capitaux. Ainsi, nous devrons établir une distinction
entre les PPE nationales (A) et les PPE étrangères et des
Organisations Internationales (B). Cependant, la notion de
bénéficiaire effectif (C), du fait du lien qu'elle a avec celle
de PPE nécessite une attention particulière.
A - Les Personnes Politiquement Exposées
nationales
Conformément au Règlement CEMAC de 2016,
`'les PPE nationales» sont des personnes qui exercent ou qui ont
exercé d'importantes fonctions publiques dans l'un des Etats de la
CEMAC. Ainsi, pour rester dans l'esprit des textes communautaires et dans un
souci de cohérence, il importe d'évoquer les PPE nationales selon
qu'il s'agit d'une personne qui exerce une fonction politique (1),
administrative (2) ou juridictionnelle (3). Cette catégorisation est
aussi faite par le législateur au paragraphe 2 de l'alinéa
1er de l'article 43 du Règlement CEMAC. Et nous pensons
qu'elle nous permettra de bien élucider la notion de PPE nationale.
1- Les PPE nationales exerçant ou ayant
exercé une fonction politique
Notion polysémique, la politique n'est pas d'une
définition aisée. Dans son sens large, celui de
civilité ou Politikos, la politique est « ce
qui est relatif à l'organisation ou l'auto gestion d'une cité,
d'un Etat et à l'exercice du pouvoir dans une société
organisée »72. Allant dans ce sens, Gérard
CORNU définit la politique comme tout ce « qui a trait au
gouvernement de la cité, à l'exercice du pouvoir dans un Etat,
à la participation qu'y prennent les citoyens, les organes
institués et les partis »73.
Ainsi, une personne qui exerce une fonction politique est
celle qui participe à la gouvernance ou qui gouverne un Etat. En
d'autres termes, il s'agit d'une personne qui joue un rôle important dans
la vie politique d'un pays. Et comme telle, sa fonction ou son statut la met
72 Définition tirée du site
www.fr.m.wikipedia.org le 03
août 2020.
73 CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
Association Henri CAPITANT ; P.U.F., Paris ; 2005, P. 679.
29
en position de gérer d'importants fonds publics. Dans
le cadre de notre étude, une telle personne est considérée
comme ayant un risque accru de corruption et de blanchiment.
Conformément à la recommandation 12 du GAFI, le
législateur qualifie comme étant politiquement exposé,
dans ce contexte, les chefs d'Etat ou de gouvernement, les Ministre, les
Ministres délégués, Secrétaires d'Etat, les
parlementaires et les responsables de partis politiques74.
Cette inclusion des personnalités politiques se
justifie par le fait que la corruption devenait une des principales sources de
profits illicites déposés dans les établissements
bancaires de ses Etats membres, le GAFI entreprit d'avancer sur le sujet en
incluant et qualifiant ces hautes personnalités de
particulièrement exposées.
De même une grande partie des avoirs illégaux
détenus dans certaines banques des centres financiers internationaux
provient de l'accumulation de richesses par des dignitaires peu
scrupuleux75. Il était donc devenu impératif de
stopper ces agissements qui ont pour conséquence d'une part d'un point
de vue moral, la prédation des finances publiques de pays au bord de la
faillite par des personnalités dont certaines ont parfois réussi
à accumuler des fortunes équivalentes à la dette
extérieure de leurs propres pays, ce qui est moralement inacceptable et
d'autre part, d'un point de vue économique, un obstacle au
développement économique de ces pays.
Des illustrations des cas de blanchiment des capitaux par les
PPE exerçant une fonction politique sont nombreuses.
Le principale exemple de blanchiment par cette
catégorie des PPE est celui du général Abacha qui, pendant
plusieurs années, a « organisé avec des membres de sa
famille et de son entourage, un « pillage » systématique des
ressources de son pays »76. En effet, après avoir
détourné d'énormes fonds de son pays, Sani Abacha a eu
recours à plusieurs membres de sa famille pour introduire ces fonds
publics dans différents établissements bancaires notamment en
Suisse et en Grande Bretagne. Pour introduire ces capitaux au sein
d'établissements bancaires réputés, la famille Abacha
s'est notamment appuyée sur les recommandations que lui ont fournies
plusieurs clients de ces banques. Ainsi en 1996 un client britannique de
longue
74 Cf. art 1er point 55 a), d) et e) du
Règlement CEMAC.
75 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L),
Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de
lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France,
Thèse de doctorat, Op. Cit. p. 144.
76 H. HAENEL, Utilisation du
système financier aux fins du blanchiment de capitaux (texte EU 2734),
Communication faite lors de la réunion de la délégation
pour l'Union européenne du mercredi 1er décembre 2004, Justice et
affaires intérieures. Disponible sur
www.senat.fr/ue, consulté
le 25 juillet 2020.
30
date et de bonne réputation d'une banque suisse
« a introduit auprès de la banque une société
dont les ayants droit économiques étaient, outre lui-même,
deux de ses partenaires d'affaires nigérians. Ceux-ci faisaient partie
de l'entourage de Sani Abacha. »77.
Une autre affaire de blanchiment par des personnalités
politiques est celle du dirigeant chilien Augusto Pinochet. En effet, des
comptes avaient été ouverts au nom de Pinochet entre 1994 et 2002
alors qu'il était détenu en Angleterre et que des
procédures étaient en cours pour geler ses avoirs. Entre 4
à 8 millions de dollars avaient été déposés
à la banque Riggs. Ses dirigeants avaient d'ailleurs pris des
dispositions pour aider Pinochet à dissimuler ces fonds au travers de la
mise en place des sociétés écrans offshore, en
altérant le nom de Pinochet (notamment en ne retenant qu'une partie de
son nom ou le nom de jeune fille de sa femme) et en dissimulant sciemment aux
autorités de tutelle l'existence de comptes. Les juges chiliens ont
estimé à 27 millions de dollars l'ensemble des fonds qui ont
été dissimilés dans une centaine de compte ouverts aux
Etats-Uniens et dans d'autres pays78.
Ces affaires ont donc amené le GAFI à prendre
des mesures spéciales concernant les PPE. Lesquelles mesures, sont
transposées par le législateur communautaire. Il en est de
même pour certaines personnes occupant une fonction administrative.
2- Les PPE nationales exerçant ou ayant
exercées une fonction administrative
Un administrateur est une personne appartenant à
l'administration ou exerçant une fonction administrative, par opposition
à celle investie des fonctions de législateur ou de
juges79. Ainsi posée, cette notion d'administrateur englobe
également certaines fonctions, précitées dans le cadre de
la notion des PPE exerçant une fonction politique, mais l'on se
contenterait dans cette partie d'évoquer seulement les personnes qui
exercent des fonctions au sein de l'administration civile, diplomatiques et
militaires.
Ainsi, sont concernées, les personnes citées aux
c), g), h) et i) du point 55 de l'article 1er du Règlement CEMAC. A
savoir : les Directeurs généraux des ministères ; les
Dirigeants ou membres de l'organe de direction d'une banque centrale, les
Ambassadeurs, les chargés d'affaires, les consuls généraux
et les consuls de carrière ; les officiers généraux ou
officiers supérieurs de la force publique y compris les militaires,
gendarmes et officiers de police de haut rang ; les membres des organes
d'administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques ou
para publiques.
77 Rapport de la Commission des banques suisses,
« Fonds « Abacha » auprès des banques suisses » du
30 aout 2000, p. 2.
78 Informations disponible sur le journal Le Monde,
sur
www.lemonde.fr,
Consulté le 28 juillet 2020.
79 CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
Association Henri CAPITANT, Op.cit. p. 28.
31
Ils constituent ainsi une catégorie de clients, qui
mérite une attention particulière de la part des assujettis, car,
ils sont vulnérables aux BC/FT.
Des exemples des blanchiments impliquant ces personnes
citées ne manquent pas. Ainsi, l'affaire de blanchiment liant
l'ambassadeur du Luxembourg en Suisse en 2002 est plus que convaincante que les
diplomates sont une catégorie des personnes qui mérite une
vigilance particulière en matière de LCB/FT.
Pour ce qui est des officiers généraux ou
officiers supérieurs de force publique, tout récemment, notamment
le 24 juillet 2020, le Tribunal de Grande Instance de N'Djamena a rendu un
jugement condamnant 11 personnes notamment des généraux et hauts
responsables des forces armées pour trafic de drogue et
complicité, blanchiment d'argent et complicité. L'information qui
a été publiée par le journal Le
Progrès80, mentionne que ces officiers qui trafiquaient
une grande quantité des Tramadol ont tenté de corrompre les
responsables de la douane. Ils écopent des peines d'emprisonnement de 05
à 10 ans et d'amende allant de 50.000 dollars USA à 100.000
FCFA.
Tout ce qui précède nous montre les risques de
blanchiment qui pèsent sur les personnes occupant ou ayant
occupées des fonctions administratives. Certaines personnes qui sont au
service de la justice sont aussi vulnérables à la
criminalité financière.
3- Les PPE nationales exerçant ou ayant
exercées une fonction juridictionnelle
Le `'Juridictionnelle» relève de la juridiction.
Quant à la `'fonction juridictionnelle», c'est la fonction
de juger, mission d'ensemble qui englobe celle de dire le Droit81.
Une personne qui exerce une fonction juridictionnelle est dans ce sens, celle
qui est au service de la justice ou qui a pour mission de dire le droit. Ainsi,
la législation CEMAC considère certains fonctionnaires de la
justice comme ayant un risque accru de BC/FT.
A cet effet, sont considérés comme politiquement
exposés, les hauts fonctionnaires de la justice. Le f) du point 55 de
l'article 1er du Règlement CEMAC mentionne : les membres des
Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou d'autres hautes
juridictions ainsi que les autres magistrats de haut rang.
Les dispositions de l'article R.561-18-I 3° et 4° du
code monétaire et financier français sont quasiment les
mêmes que celles du Règlement CEMAC, en effet, il s'agit des
membres d'une Cour suprême, d'une Cour constitutionnelle ou d'une autre
haute juridiction dont les
80 Un journal de presse écrite au Tchad ayant
son siège à N'Djamena, sa parution N°5354 du 27 juin 2020,
p. 1-3.
81 V. CORNU (G.), Vocabulare
juridique, Op.cit. p. 519.
32
décisions ne sont pas, sauf circonstances
exceptionnelles, susceptibles de recours ; des membres d'une Cour des
comptes.
Les PPE nationales au sens strict ne sont pas les seules
personnes ayant une vulnérabilité ou un risque de blanchiment
accru. Le risque de BC/FT est aussi accru pour les PPE étrangères
et des OI.
B - Les Personnes Politiquement Exposées
étrangères et des Organisations
Internationales
Nous étudierons séparément les PPE
étrangères (1) et les PPE des organisations Internationales
(2).
1- Les Personnes Politiquement Exposées
étrangères
Ce sont les mêmes personnalités que nous avons
évoquées dans le cadre de l'identification des PPE nationales
mais qui sont dans un Etat étranger ; c'est-à-dire des personnes
qui exercent ou ont exercé une fonction politique, administrative ou
juridictionnelle dans un Etat tiers.
Ainsi, il s'agit des Chefs d'Etat ou de Gouvernement ; des
Ministres ; des Ministres délégués ; des
Secrétaires d'Etat ; des Directeurs Généraux des
ministères ; des parlementaires ; des responsables de partis politiques
; des membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou
d'autres hautes juridictions ; des autres magistrats de haut rang ; des
dirigeants ou membres de l'organe de direction d'une banque centrale ; des
ambassadeurs, des chargés d'affaires, des consuls
généraux, des consuls de carrière ; des officiers
généraux ou supérieurs de la force publique y compris les
militaires, gendarmes et officiers de police de haut rang82. Comme
telles, les PPE étrangères sont à distinguer de celles des
Organisations Internationales.
2- Les Personnes Politiquement Exposées des
Organisations Internationales
Les OI contemporaines peuvent être divisées en
deux catégories, à savoir les Institutions intergouvernementales
dites « publiques » et les organisations non gouvernementales dites
« privées » (ONG). Seule la première catégorie
nous intéresse.
« Une OI est une entité interétatique,
créée par un acte constitutif (un traité, une entente) qui
lui confère une volonté propre, distincte des Etats membre et lui
attribue une compétence,
82 Cf. art. 1er point 55 paragraphe 1 du
Règlement CEMAC.
33
des structures permanentes et des moyens pour atteindre
une fin commune et des objectifs spécifiques à l'échelon
international »83 .
S'il est impossible d'en faire ici un relevé exhaustif,
il est permis de préciser les principales vocations des OI : il y a des
OI à vocation universelle avec une compétence
générale, comme l'ONU ; celles à vocation universelle avec
une compétence spécifique comme les institutions
spécialisées de l'ONU, l'Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO) par exemple; Le Fonds
Monétaire International (FMI) ; l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) pour ne citer que celles-là. Les OI à vocation
continentale, comme l'Union africaine (UA), l'Organisation des Etats
américains (OEA), l'Union européenne (UE). D'autres OI sont
à vocation intercontinentale, comme l'Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), l'Organisation de la
francophonie. Et enfin, il y a des OI à vocation régionale, comme
la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
(CEMAC), etc.
Comme telles, les OI ont des missions d'intérêt
général à remplir et ont d'imports budgets dont leurs
dirigeants peuvent facilement en faire usage à des fins personnelles ou
illicites.
Ainsi, au sens de la réglementation CEMAC qui prend en
compte les Recommandations du GAFI, « les PPE des Organisations
Internationales sont des personnes qui exercent ou qui ont exercé
d'importantes fonctions au sein de ou pour le compte d'une Organisation
Internationale, notamment les membres de la haute direction, y compris les
directeurs, directeurs adjoints et membres du Conseil d'Administration et
toutes les personnes exerçant des fonctions équivalentes
»84. A cet effet, les dirigeants d'une institution
internationale créée par traité sont
considérés comme étant vulnérables aux infractions
de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.
La notion de PPE ainsi évoquée au sens strict,
ne couvre pas les personnes occupant une fonction de niveau
intermédiaire ou subalterne et les institutions financières ne
sont pas tenues de considérer comme politiquement exposée, une
personne qui n'a pas occupé de fonction publique importante pendant une
période d'au moins un (01) an85. Aussi, elle entretient des
liens étroits avec la notion de bénéficiaire effectif.
83 SABOURIN (L.), «
Organisation Internationale », In COTE (L.) et
SAVARD (J.-F.) (Dir.), Le Dictionnaire
encyclopédique de l'administration publique, (en ligne),
www.dictionnaire.enap.ca,
consulté le 26 août 2020.
84 Cf. art. 1er point 55 paragraphe 3 du
Règlement CEMAC.
85 Cf. art. 60 al. 2 du Règlement CEMAC.
34
C - L'identification du bénéficiaire
effectif : Une importance capitale dans la LBC/FT liant les PPE
La détermination des bénéficiaires
effectifs des opérations bancaires et financières constitue un
élément essentiel dans la transparence des transactions et
montages financiers. Cette transparence demeure difficile à garantir,
d'autant plus qu'elle s'accompagne de la sophistication et
l'internationalisation des outils qui y sont mis en oeuvre, par exemple
l'identification des ayants droit d'une opération financière ou
d'un trust86 (ultimate beneficial owner en droit
anglo-saxon) constitue un véritable défi87.
La notion de bénéficiaire effectif (BE) n'est
pas nouvelle. Elle a d'abord été explorée par le GAFI. Les
nouvelles Recommandations du GAFI, 24 et 25, de février 2012, font
encore une fois de l'identification du BE un sujet important. Autrement connue
sous les vocables de bénéficiaire final, d'ayant droit
économique ou de bénéficiaire économique, cette
notion recouvre une même réalité.
La notion de bénéficiaire effectif s'entend
comme la personne physique qui contrôle, directement ou indirectement le
client, ou celle pour laquelle une transaction est exécutée ou
une activité réalisée. Le législateur communautaire
ne dit rien de différent lorsqu'il dispose au point 16 de l'article
1er du Règlement de 2016 que le Bénéficiaire
économique est la « personne physique qui, en dernier lieu,
possède ou contrôle un client et/ou la personne physique ou morale
pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Sont
également comprises les personnes qui exercent, en dernier lieu, un
contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique
».
La dernière phrase de la définition
donnée par le législateur CEMAC n'est pas très explicite
et ne rend pas facile l'identification du BE d'une personne morale. En droit
français par contre, aux termes des articles R. 561-1 et R. 561-2 du
Code monétaire et financier, le BE d'une personne morale est toute
personne possédant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital
ou des droits de vote, ou, à défaut, celle exerçant un
contrôle sur les organes de direction ou de gestion, des
sociétés et des organismes de placements collectifs.
Cette notion de BE trouve son origine dans l'approche
anglo-saxonne. En effet, elle met l'accent sur la dimension économique
du blanchiment. Il s'agit de déterminer quelle est la
86 Un trust forme est une structure de droit
anglais qui crée un petit collectif et gère de façon
anonyme une fortune. Il autorise, parfois, aux ayants droit de se dissimuler,
notamment grâce à des montages juridiques dans les paradis
fiscaux.
87 SUSEC (S.), Le secteur
bancaire et financier français face à la corruption : un
système d'intégrité en construction, Op.cit., p.
180.
35
personne qui retire les fruits de l'opération et non
sur la dimension juridique qui était auparavant retenue88.
Les professionnels ne doivent pas arrêter leurs recherches à la
personne qui contracte avec eux, mais au contraire, s'efforcer de
déterminer quelle est la personne qui bénéficie en
réalité de l'opération. Cette approche est en phase avec
la réalité économique. Il est toujours efficace de
combattre le crime en recherchant à qui il profite. Il convient de ne
pas oublier que le blanchiment a une finalité essentiellement
économique89. Il s'agit d'utiliser des fonds provenant du
crime. Cette conception semble ainsi être garante d'efficacité.
Si la définition du BE est claire, son identification
est pour les professionnels une tâche ardue, surtout, s'il est en lien
avec une PPE. L'établissement doit en effet disposer d'un système
de gestion de risque adéquat lui permettant de déterminer si le
client ou le BE de l'opération est une PPE90. Ainsi,
lorsqu'il n'est pas certain que le client agit pour son propre compte,
l'institution financière se renseigne par tout moyen sur
l'identité du véritable donneur d'ordre. Et s'il est impossible,
malgré les vérifications ou investigations de la part de
l'institution, de déterminer l'identité du BE, il doit être
mis fin à l'opération et fait déclaration à
l'ANIF91.
Les PPE proprement dits et la notion de BE, qui peut
être éventuellement une PPE, sont une catégorie de
personnes qui nécessite une vigilance accrue de la part des assujettis.
Il en est de même pour les personnes qui leurs sont assimilées.
Paragraphe 2 : Les personnes assimilées aux PPE
Les Recommandations du GAFI ont élargie la notion des
« personnes politiquement exposées » à d'autres
personnes, qui n'exercent pas elles-mêmes, d'importantes fonctions
publiques. Il s'agit des membres de famille (A), des partenaires et
associés d'une PPE (B). Cependant, l'on ne saurait terminer
l'identification des clients PPE sans souligner au passage les
difficultés qui s'y rattachent (C).
88 MEYER-HEINE (A.), « La
lutte contre le blanchiment dans l'Union européenne », Revue de
l'Union européenne, 2015, p. 235.
89 Ibidem.
90 Cf. art. 25 et 60 du Règlement CEMAC.
91 Cf. art. 33 du Règlement CEMAC.
36
A - Les membres de famille d'une PPE
La famille peut s'entendre comme l'ensemble des personnes qui
sont unies par un lien du sang, ou qui descendent d'un auteur
commun92. Ainsi, sont assimilées et considérées
comme PPE les membres de leurs familles. Car, la catégorie des PPE
inclut aussi les époux ou partenaires conjugaux, les ascendants, et
descendants. D'ailleurs le k) du point 55 de l'article 1er dispose que sont
politiquement exposés « les membres de la famille d'une PPE, en
occurrence : le conjoint ; tout partenaire considéré comme
l'équivalent d'un conjoint , · les descendants et leurs
conjoints ou partenaires , · les ascendants , · les
collatéraux privilégiés (...) » et le b) du
même point traite spécifiquement des membres de famille des chefs
d'Etat.
Cette assimilation des membres des familles aux PPE n'est pas
le fruit du hasard. En effet, dans des nombreux cas de blanchiment commis par
les PPE qui ont été détectés, ces-dernières
ont eu le concours de leur famille pour blanchir des sommes colossales.
Les illustrations allant dans ce sens ne manquent pas. Dans
l'affaire Pinochet par exemple, parmi les nombreux comptes qui ont
été ouverts auprès de la Riggs Bank, il y avait un compte
ouvert au nom de jeune fille de sa femme. Toujours auprès de la
même banque, dans l'affaire de blanchiment liant le Président de
la Guinée Équatoriale, un compte avait été ouvert
au nom de sa femme.
Un autre exemple de blanchiment incluant les membres de
familles d'une PPE est celui du général Abacha qui, pendant
plusieurs années, a organisé avec des membres de sa famille, un
pillage systématique des ressources de son pays93. D'ailleurs
son fils était dernièrement reconnu coupable de blanchiment. En
plus des membres de sa famille, des personnes proches au Président
Abacha ont pris part au blanchiment initié par lui.
B - Les associés et partenaires d'Affaires d'une
PPE
De façon générale, un partenaire ou un
associé est une personne ayant des intérêts communs avec
une autre. Au sens du Droit des sociétés, un associé est
un membre de la structure dont le droit essentiel est la jouissance des
bénéfices et la principale obligation est la participation aux
pertes. Une personne qui a un tel lien pourrait facilement être complice
de son partenaire puisqu'ils sont liés.
92 CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
Op.cit. p. 395.
93 Rapport de la commission des banques Suisses,
Op.cit. p. 3.
37
C'est ainsi qu'en reprenant la Recommandation du GAFI, le
législateur communautaire qualifie de PPE, toutes personnes connues pour
être étroitement associées d'une PPE. Sont ainsi
politiquement exposés, les associés des PPE, les personnes
étant conjointement bénéficiaires effectifs
d'entités ou de constructions juridiques avec des PPE, ainsi que tous
les partenaires d'affaires de telles personnes94.
L'Affaire Sani Abacha qui est à l'origine de la notion
de PPE, ne manque pas d'illustration pour ce qui est de BC liant des
partenaires ou associés. En effet, en 1996 un client britannique de
« longue date et de bonne réputation d'une banque suisse «
a introduit auprès de la banque une société dont les
ayants droit économiques étaient, outre lui-même, deux de
ses partenaires d'affaires nigérians. Ceux-ci faisaient partie de
l'entourage de Sani Abacha. »95.
Les établissements assujettis sont ainsi appelés
à tout mettre en oeuvre pour s'assurer que leur client n'est pas un
partenaire ou un associé d'une PPE. Mais, cette identification des PPE
tant assimilées que proprement dites ne va pas sans
difficultés.
C - Les difficultés d'identification des clients
PPE
Les difficultés liées à l'identification
des clients PPE sont nombreuses.
Tout d'abord, au cours de nos entretiens la plupart des
services juridiques des institutions financières nous ont fait part de
leur réticence à l'égard des clients PPE, notamment
à poser certaines questions. En effet, certaines banques nous ont
affirmé que, parmi les difficultés rencontrées, le
détournement des fonds Publics étant le mode le plus en vue, les
banques ont parfois de la peine à demander à un Ministre ou haut
fonctionnaire l'origine de ses fonds. Allant dans le même sens, le
Professeur MEYER-HEINE Anne affirme que « l'inclusion des personnes
politiquement exposées au niveau national ne va pas sans poser des
difficultés. En effet, il est particulièrement délicat sur
un plan pratique pour un professionnel de formuler une déclaration de
soupçon à l'encontre d'un responsable politique de son propre
pays »96.
Aussi, « Il peut être très difficile de
détecter qu'un client est politiquement exposé, en particulier
lorsque les clients taisent des informations importantes ou apportent
même des indications erronées. Dans la plupart des cas
examinés, les titulaires des comptes ou les ayants
94 MEYER-HEINE (A.), «La lutte
contre le blanchiment dans l'Union européenne»,
Op.cit. p. 237.
95 Rapport de la Commission des banques suisses,
« Fonds « Abacha » auprès des banques suisses » du
30 aout 2000, p. 2.
96 MEYER-HEINE (A.), «La lutte
contre le blanchiment dans l'Union européenne»,
Op.cit. p. 237.
38
droits économiques ne se sont pas identifiés
comme étant politiquement exposés mais ont affirmé
être des hommes d'affaires fortunés et dont l'activité est
couronnée de succès. »97
Des difficultés peuvent également naître
concernant l'identification des membres de la famille d'une PPE. Le point 55.
K) de l'article 1er du règlement anti-blanchiment du 11 avril
2016 prévoit de considérer comme membres de la famille d'une PPE
le conjoint, tout partenaire considéré comme l'équivalent
du conjoint, les descendants et leurs conjoints ou partenaires, les ascendants,
les collatéraux privilégiés et les personnes connues pour
être étroitement associées à une PPE. Il s'agit
d'une définition conforme à celle donnée par le GAFI, qui
il faut le dire, est au sens occidental de la famille.
Car, cette conception un peu restrictive des membres de la
famille ne cadre cependant pas avec la conception très élargie de
la famille en Afrique98. C'est pourquoi la définition du
législateur de la CEMAC devrait prendre en compte cette
réalité régionale pour inclure également dans sa
définition les collatéraux ordinaires et leurs descendants et
toute la famille par alliance d'une PPE. Ceci éviterait que les PPE
s'appuient sur des oncles, cousins, neveux ou beaux-parents pour
échapper à la vigilance des assujettis et faire blanchir le
produit de leurs détournements de fonds ou de la corruption, même
s'il faut reconnaitre que cette vigilance étendue à la famille
élargie reste très difficile99.
En dépit des toutes ces difficultés, si
l'établissement assujetti arrive à identifier son client comme
relevant de la catégorie des PPE, il doit faire application des mesures
de vigilance accrue à leur égard.
SECTION II : Les obligations de vigilance
renforcée à l'égard des
clients PPE
Le professionnel, après avoir déterminé
que son client est une PPE, catégorie de personnes à risque
aggravé de blanchiment, doit observer des mesures de vigilance
renforcée. La surveillance d'une infraction, notamment du blanchiment
des capitaux, et de façon sous-jacente la corruption, engageant la
responsabilité des organismes assujettis constitue un risque
présent à chaque étape de son
activité100.
97 Rapport de la Commission des banques suisses,
Fonds « Abacha » auprès des banques suisses du 30 aout 2000,
p. 12.
98 NGAPA (T.), La lutte contre
le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique centrale CEMAC
: analyse à la lumière des normes et standards européens
et internationaux, Op.cit. p. 261.
99 Ibidem.
100 SUSCEC (S.), Le secteur bancaire et
financier français face à la corruption : un système
d'intégrité en construction, Op.cit., p. 185.
39
A cet effet, les institutions financières prennent les
mesures spécifiques, lorsqu'elles nouent des relations d'affaires ou
lorsqu'elles effectuent des transactions avec ou pour le compte des
PPE101. Ainsi, il s'agit des mesures de vigilance renforcée
relatives à la relation d'affaires (paragraphe 1) en plus desquelles,
d'autres mesures doivent être observées (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les obligations de vigilance relatives
à la relation d'affaires
La relation d'affaires ou l'exécution d'une
opération avec une PPE ou une personne agissant pour son compte fait
l'objet d'un régime particulier. En effet, le législateur
communautaire, en adhérent ou du moins en prenant en compte la
Recommandation 12 du GAFI de février 2012, met à la charge des
personnes assujetties des articles 6 et 7 du règlement CEMAC de 2016 une
pléthore d'obligations qui doivent être observées.
Ainsi, la relation d'affaire pour être établie
avec une PPE doit être le fait de la haute direction (A) et doit faire
l'objet d'une surveillance continue (B) une fois établie.
A - L'autorisation préalable de la haute
direction
L'entrée en relation d'affaires avec certaines
personnes présentant des caractéristiques particulières
sont gérées différemment par rapport aux opérations
ou relations habituelles. Ainsi, l'entrée en relation avec une PPE est
fortement règlementée et soumise à une exigence
particulière. Car, elle nécessite l'autorisation de la haute
direction pour être établie.
A cet effet, conformément aux articles 25 et 60 du
Règlement CEMAC et l'article 8 du Règlement COBAC, les agents des
organismes ou institutions financières doivent obtenir l'autorisation de
la haute direction avant de nouer ou de poursuivre une relation d'affaire avec
un client PPE. Ils doivent aussi informer la haute direction avant le paiement
du capital. Cette autorisation, il faut le dire, doit intervenir tant dans le
cadre de l'acceptation d'un nouveau client, que dans le cas d'un client
existant devenu PPE au cours de la relation.
Il est également fait obligation aux assujettis
lorsqu'ils entretiennent des relations avec des clients PPE de faire une
déclaration de soupçon en cas d'une assurance vie. L'on comprend
pour cette dernière obligation, qu'il est tout simplement interdit de
contracter une assurance vie avec une PPE et si cela arrive, le professionnel
est soumis à une obligation de déclaration automatique de
soupçon.
101 Cf. art. 60 al. 1 du Règlement CEMAC.
40
C'est le moment de souligner que les modalités
d'application de cette obligation sont précisées par voie de
décision du comité ministériel de la CEMAC sur proposition
du GABAC de concert avec la COBAC102.
À titre de Droit comparé, en droit
français notamment, l'entrée en relation d'affaires avec les PPE
répond pratiquement aux mêmes exigences. En effet, l'autorisation
d'entrée en relation est donnée par un membre de l'organe
exécutif ou toute personne habileté à cet effet par
l'organe exécutif103.
À l'analyse de la règlementation communautaire,
les établissements financiers sont libres d'entrer ou non en relation
avec cette catégorie de clients que sont les PPE après l'avis de
la haute direction. Si la haute direction qui donne son avis sur
l'entrée en relation d'affaires avec une PPE refuse celle-ci, il ne se
pose aucun problème particulier. Mais, si elle accepte d'entrer en
relation avec la PPE, l'organisme est tenu d'avoir une surveillance continue
sur ladite relation.
B - L'obligation de surveillance continue sur la
relation d'affaires : l'approche par le risque
»104.
De manière générale, les organismes
assujettis sont tenus d'avoir une surveillance continue sur la relation
d'affaire de leur client quelle que soit sa catégorie : client PPE ou
non. C'est le sens de l'article 23 du Règlement CEMAC en vertu duquel
« les personnes visées aux articles 6 et 7 du présent
Règlement doivent exercer une vigilance permanente concernant toute
relation d'affaires et examiner attentivement les opérations
effectuées en vue de s'assurer qu'elles sont conformes à ce
qu'elles savent de leurs clients, de leurs activités commerciales, de
leur profil risque et, le cas échéant, de la source de leurs
fonds. Il leur est interdit de tenir des comptes anonymes ou des comptes sous
des noms fictifs
Ainsi, l'obligation d'assurer une surveillance
renforcée et permanente de la relation d'affaires avec les clients PPE
revient à avoir un système interne de gestion de risque. Il
s'agit donc de bâtir un système évitant la
réalisation du risque d'infraction qui pèsent sur les PPE et donc
sur la relation d'affaires. Ce système de gestion de risque cherche
à identifier le degré de
102 Cf. alinéa 2 de l'article 28 du Règlement
CEMAC de 2016 sur la LBC/FT. En France, le processus d'acceptation d'une PPE
doit être formalisé par le professionnel dans une procédure
mentionnant l'obtention obligatoire de la décision du membre de l'organe
exécutif ; et doit y contenir l'avis de la direction de
conformité préalable à la décision du membre de
l'exécutif.
103 V. art. R.561-21 II 2° du code monétaire et
financier français.
104 V. également l'article 22 du même
Règlement CEMAC de 2016.
41
risques potentiels d'infractions liés aux clients et
aux transactions, de façon à permettre à
l'établissement de concentrer son attention sur
ceux-ci105.
C'est le devoir de connaissance du client (« know your
Customer ») qui détermine la vigilance à apporter, tant sur
les opérations que sur les personnes elles-mêmes106.
Cette obligation de vigilance, qui pèse sur le professionnel, n'est pas
ponctuelle, mais continue. Et sa durée est liée à celle de
la relation d'affaire entre l'établissement et son client. Par
conséquent, tant que la relation n'est pas dissoute, l'organisme est
tenu d'assurer la surveillance, voire le contrôle, sur les
opérations effectuées au cours de la relation.
En plus, des obligations de vigilance renforcée que
sont l'autorisation préalable de la haute direction et la surveillance
permanente sur la relation d'affaires, d'autres mesures s'imposent pour les
clients PPE.
Paragraphe 2 : Les autres mesures s'imposant à
l'égard des clients PPE
Pour ce qui est de l'aspect prévention et
détection, l'autre obligation de vigilance à observer à
l'égard des clients PPE est celle de la détermination de
l'origine du fonds et du patrimoine (A), mais l'on ne pourrait traiter de la
lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme liant
les PPE sans évoquer au passage les éventuelles sanctions (B) de
leurs actes.
A - L'obligation de détermination de l'origine
du patrimoine et des
fonds
Le troisième paragraphe de l'article 60 alinéa 3
du Règlement CEMAC dispose que les institutions financières, qui
sont en relations avec des PPE ou effectuent une opération pour leur
compte, ont l'obligation « de prendre toutes mesures
appropriées, en fonction du risque, pour établir l'origine du
patrimoine et l'origine des fonds impliqués dans la relation d'affaires
ou la transaction ». A la lecture de ces dispositions, il est clair
que les établissements financiers, sinon les personnes assujetties,
doivent prendre toutes mesures raisonnables pour déterminer l'origine
des fonds ou du patrimoine de leur client PPE.
105 Cf. article 27 et 28 du Règlement CEMAC de 2016.
Lire utilement à cet effet NGAPA (T.), «
L'exercice des pouvoirs de contrôle et de sanctions de la commission
bancaire de l'Afrique centrale (COBAC) dans la lutte contre le blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale : libres propres
», In KALIEU ELONGO (Y.R.) (Dir.), Régulation
et intégration bancaire dans la CEMAC, P.U.A, 2016, p. 225 et S.
106 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et
financier français face à la corruption : un système
d'intégrité en construction, Op.cit., p. 186.
42
En effet, parce qu'ils ont l'obligation de connaitre leur
client et donc de savoir l'activité qu'il exerce, les assujettis doivent
être à même de connaitre la provenance des fonds de leur
client. Cette obligation d'identification de l'origine des fonds est le
corollaire de l'obligation de disposer d'un système de gestion de
risque.
Le législateur qui impose cette recherche de l'origine
des fonds, la motive par la nécessité pour le professionnel
d'apprécier les risques LCB/FT induits par un client PPE. Cette
recherche, à chaque relation d'affaires ou transaction, trouve sa pleine
signification s'agissant des relations d'affaires nouées avec des
clients PPE exerçant des fonctions importantes dans un pays où la
corruption est largement répandue107.
Faut-il le rappeler, les fonctions exercées par les PPE
peuvent les rendre perméables à la corruption108,
puisque dans la plupart des cas, les fonds blanchis par elles sont issus de la
corruption, et dans une moindre mesure, ils proviennent d'autres types
d'activités criminelles telles que la criminalité
organisée le trafic d'armes, le détournement de fonds publics
etc. Ainsi, pour rechercher l'origine des fonds afin de trouver une
justification économique des opérations de leur client PPE, le
professionnel s'appuie sur les déclarations et les
éléments probants qui lui sont fournis ou sur les informations
publiques (presse...).
L'établissement qui doit ainsi déterminer
l'origine des fonds, lorsqu'il découvre une anormalité ou encore
trouve que les fonds n'ont pas de justifications économiques, ou encore
sont liés à une infraction de blanchiment ou de financement du
terrorisme, doit faire une déclaration de soupçon dans les
conditions évoquées plus haut. Déclaration qui pourrait
déboucher sur des sanctions.
B - Les éventuelles sanctions des actes de
blanchiments des capitaux ou de financement du terrorisme liant les PPE
Les PPE qui se seraient rendues coupables des infractions de
blanchiment des capitaux et/ou de financement du terrorisme encourent de
sanctions pénales (1) et les biens ayant fait l'objet de blanchiment ou
de financement du terrorisme pourront être saisis, gelés ou
confisqués (2). Cependant, pour l'intérêt de la lutte
anti-blanchiment visant les PPE, parce qu'elle vise à lutter
indirectement contre la corruption, il est nécessaire de mettre en place
des mesures permettant la restitution des fonds blanchis aux populations
spoliées (3).
107 AMF, Lignes directrices sur la notion de personne
politiquement exposée en matière de lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme-Doc-2013-23,
www.amf.org, consulté le
03 août 2020.
108 Rapport du TRACFIN de janvier 2012.
43
1- Les peines encourues par les PPE auteurs de
blanchiment et de financement du
terrorisme
Il est très rare, sinon quasi impossible de voir une
haute personnalité en fonction faire l'objet de poursuites pour
blanchiment. S'il arrive que la preuve du blanchiment ou des infractions
sous-jacentes soit établie, conformément aux sanctions
pénales applicables à toutes catégories de blanchisseur
personne physique, les PPE feront l'objet des sanctions
sévères.
En effet, toute personne physique coupable de blanchiment des
capitaux est punies d'une peine d'emprisonnement de cinq (05) à dix (10)
ans et une amande allant de cinq (05) à dix (10) fois le montant de la
valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les
opérations de blanchiment, sans être inférieure à
10.000.000 Franc CFA. Il faut souligner que la tentative, est punie des
mêmes peines109. Aussi, des peines complémentaires
peuvent être prononcées110 et les coauteurs et
complices sont punis de ces peines complémentaires.
Pour ce qui est de la répression du financement du
terrorisme, les personnes physiques coupables sont punies d'une peine
d'emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans et d'une amande
égale au moins au quintuple de la valeur des biens ou des fonds sur
lesquels ont porté les opérations de financement du
terrorisme111. Il faut ajouter que la tentative, la
complicité et la coaction sont punies des mêmes peines.
Les personnes politiquement exposées étant ainsi
condamné, il important que les fonds ou biens blanchis soient
confisqués.
2- Les mesures de contraintes relatives aux biens
blanchis
La finalité de la lutte contre la criminalité
financière est d'empêcher les délinquants de jouir des
produits de leurs crimes. Ainsi, les biens blanchis par toutes personnes ou
entités feront l'objet de mesures conservatoires notamment de saisie et
gèle par les autorités compétentes112 et
pourront être confisqués si la personne de leur auteur est
reconnue coupable.
Lorsqu'une personne a été condamnée pour
blanchiment des capitaux ou tentative, les tribunaux ordonnent la confiscation
au profit du Trésor Public, des produits tirés de l'infraction,
des biens mobiliers et immobiliers dans lesquels ces produits sont convertis ou
transformés et, à concurrence de leur valeur, des biens acquis
légitiment auxquels lesdits produits sont mêlés
109 Cf. art. 144 du Règlement CEMAC.
110 Cf. art. 118 du Règlement CEMAC.
111 Cf. art. 121 du Règlement CEMAC.
112 Cf. art. 105 du Règlement CEMAC.
44
ainsi que des revenus et autres avantages tirés de ces
produits113. En un mot les biens blanchis et tout produits
tirés de ces biens seront confisqués par les juridictions
compétentes.
Sont aussi confisqués les fonds et autres ressources
financières, ainsi que tout bien mobilier ou immobilier destiné
ou ayant servi à la commission de l'infraction de financement du
terrorisme ou à une tentative114.
Ces mesures s'appliquent aux biens blanchis par toute personne
quelle que soit sa catégorie et lorsqu'il s'agit des biens blanchis par
les PPE, il serait nécessaire de les rendre aux populations victimes qui
en sont les véritables propriétaires.
3- La nécessité d'instituer des mesures de
restitution de fonds blanchis par les PPE à
la population spoliée
Le blanchiment des capitaux dont les PPE sont coupables, sont
en général les fruits de la corruption ou du détournement
des fonds publics. Ce qui signifie que la population de l'Etat concerné
se trouve léser. Ainsi, il serait de l'intérêt de cette
population victime de se voir restituer les fonds qui auraient dus lui revenir
de droit.
À cet effet, aux termes de l'article 53 alinéa
a) de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui prévoit
que chaque Etat partie, conformément à son droit interne.
« Prend les mesures nécessaires pour permettre à un autre
Etat partie d'engager devant ses tribunaux une action civile en vue de voir
reconnaitre l'existence d'un droit de propriété sur les biens
acquis au moyen d'une infraction établie conformément à la
présente Convention », l'on aurait cru qu'il s'agit d'une
mesure contraignante pour restituer les fonds blanchis aux populations victimes
(véritables propriétés). Mais, l'on constate qu'il ne
s'agit pas d'une disposition garantissant une restitution. Car, si l'Etat sur
le territoire duquel les biens ont été saisis ou les juridictions
ont prononcé la confiscation, le gel des biens blanchis
etc. ne dispose pas d'une
règlementation permettant la restitution ou encore si l'Etat des
populations victimes n'en fait pas demande115, ces populations
victimes n'auraient que leurs yeux pour pleurer.
À titre d'illustration, dans l'affaire TEODORO OBIANG,
le Tribunal correctionnelle de Paris en prononçant la confiscation des
biens immobiliers et mobiliers saisis, relève que cette peine «
ne prend pas en compte les intérêts des victimes de la
corruption ». Car, les biens confisqués, parce qu'ils ne sont
pas susceptibles de restitutions, sont attribués à l'Etat
113 Cf. art. 130 du Règlement CEMAC.
114 Cf. art. 131 du Règlement CEMAC.
115 Ce qui est en générale impossible si le
gouvernement en fonction est celui qui a détourné le fonds qui
est saisi.
45
français116. Or, en cas de corruption
transnationale, « il apparait normalement injustifié pour
l'Etat prononçant la confiscation de bénéficier de
celle-ci sans égards aux conséquences de l'infraction »
souligne le Tribunal. C'est pourquoi, le Tribunal lance, dans la
dernière phrase de son jugement, un appel117 au
législateur : « il parait dans ce contexte vraisemblable que le
régime français des peines de confiscation devrait être
amené à évoluer en vue de l'adoption d'un cadre
législatif adapté à la restitution des avoirs illicites
»118. Par ce que la législation française ne
permet pas une restitution des biens confisqués, ces biens seront
attribués au trésor français au lieu d'être
restitués à la population équato-guinéenne.
Cependant, des nombreux Etats ont, dans le cadre des
coopérations et d'entraides judiciaires, procédé à
la restitution des avoirs illicites fruits de la corruption. C'est le cas de la
restitution faite au Kazakhstan et au Nigéria par exemple.
Dans le cadre de l'affaire Abacha, le 04 mai 2020 le
gouvernement nigérian à travers un communiqué confirmait
avoir reçu une somme de 311 millions de dollars au terme d'un accord
avec les USA et l'île britannique JERSEY. Et en avril 2018, le
Nigéria avait indiqué avoir également reçu plus de
300 millions de dollars venant de la Suisse119. Plus
récemment, dans le cadre d'un accord avec les Emirats Arabes en
matière de rapatriement des fonds détournés, le
gouvernement nigérian a fait rapatrier 200 milliards de dollars
détournés par quelques 7 Gouverneurs et 6 anciens
Ministres120.
Le problème qui se pose dans la restitution de ses
avoirs c'est à qui doit-on restituer si les dirigeants qui ont
détournés sont aux commandes ? Il n'existe pas de solution
universelle. Chaque cas de restitution est jusqu'ici unique. Par exemple pour
le Kazakhstan une fondation avait été créée et
d'autres restitutions sont passées par la Banque Mondiale. Même
s'il est parfois tenant d'écarter totalement l'Etat défaillant de
la restitution, cela reste impossible dans le fait. Des moyens doivent
cependant être trouvés pour l'inclure, sans écarter la
société civile121.
De tout ce qui précède, il ressort clairement
que pour donner un sens à la lutte contre la corruption, dont la lutte
contre le blanchiment des capitaux liant les PPE est le corollaire, il est
116 GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG
condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis
», Dalloz actualité, 31 octobre 2017, disponible sur
www.dalloz-actualite.fr/flash.
Consulté le 01 août 2020.
117 Appel qui semble être entendue avec la proposition
de loi du Sénateur Socialiste Jean Pierre SUEUR. Texte qui
insère, dans le code de procédure pénale un nouveau titre
relatif à l'affectation des recettes provenant de la confiscation des
biens de personnes étrangères « politiquement
exposées » reconnues coupables d'infractions en matière de
probité. V. à cet effet, JANIEL (P.), «
Bien mal acquis : et si l'argent revenait aux pays pauvres ? » Dalloz
actualité, 18 avril 2019, disponible sur
www.dalloz-actualite.fr/flash.
Consulté le 01 août 2020.
118 GOTZ (D.), « TEODORO OBIANG
condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis
», Op.cit.
119 Informations consultées sur
www.voafrique.com, le 01
août 2020.
120 Informations accessibles sur
www.financialafrik.com,
consulté le 02 août 2020.
121 V. JANUEL (P.), « Bien mal acquis : et
si l'argent revenait aux pays pauvres ? », Op.cit.
46
nécessaire que les autorités internationales et
nationales disposent d'un arsenal juridique permettant la restitution des biens
aux populations spoliées.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
47
Une catégorie des personnes ayant non seulement un
risque, mais aussi une certaine facilité à commettre de crimes
financiers, les PPE nécessitent une vigilance particulière.
Allant dans ce sens, le législateur CEMAC a mis à
côté de mesures de vigilance standards, de mesures
spécifiques à cette catégorie de clients. Les personnes
assujetties doivent mettre en place un système leur permettant de
déterminer si leur client est une PPE (exerçant lui-même
une importante fonction publique ou une personne assimilée à une
PPE) ou non. Après avoir déterminé la catégorie de
son client, l'assujetti doit observer de mesures de vigilance accrue, notamment
l'autorisation de la haute direction pour l'entrée en relation
d'affaires, la mise en place d'un système de gestion de risques pour
surveiller permanemment la relation d'affaires afin de déterminer
l'origine de fonds ou du patrimoine.
CONCLUSION DE LA PARTIE I
48
Au terme de cette première partie, l'analyse montre que
la prévention et la détection de la criminalité
financière des PPE est une étape capitale de la lutte contre le
fléau du blanchiment. Le législateur communautaire dispose d'un
solide arsenal juridique allant dans ce sens. L'assujettissement des
professionnels aux mesures de vigilance renforcée à
l'égard des clients PPE en plus des mesures de vigilances standards
auxquelles s'ajoutent les mesures de sanctions pénales des PPE coupables
d'activités de BC/FT constituent un gage d'efficacité pour la
lutte contre la délinquance économique des personnalités
publiques. En un mot, cette partie nous a permis de constater que la lutte
contre la délinquance économique en général et
celle des hautes personnalités en particulier se joue au niveau
préventif d'où l'important rôle à jouer des
organismes assujettis.
Cependant, cette efficacité de la lutte se trouve
amoindrie dans la pratique par les obstacles inhérents à son
application.
PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN
OEUVRE EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À L'ÉGARD
DES PERSONNES POLITIQUEMENT EXPOSÉES
49
« Une loi n'est efficace que dans la mesure où
elle est strictement appliquée »122, cet auteur
nous donne à comprendre que la loi n'a d'efficacité que
lorsqu'elle est appliquée.
Ainsi, le dispositif, tant international que communautaire, de
lutte contre la criminalité financière ne pourrait produire les
effets escomptés que lorsque son application ne va souffrir d'aucune
difficulté car dans le cas contraire, l'on ne parlerait ni
d'efficacité et encore moins d'effectivité. Or, dans la pratique,
l'application du dispositif anti-blanchiment à l'égard des PPE
n'est pas chose aisée.
En effet, l'évolution technologique a permis que les
institutions financières proposent des services par le biais des
technologies de l'information et de la communication (TIC), fruits de la
mondialisation à savoir ; la prestation des services par le biais de
l'internet ou de téléphones mobiles. Ces nouveaux services et les
autres services classiques des banques, que sont le transfert des fonds,
l'opération de change, renferment des failles qui constituent des
obstacles à l'application du dispositif anti-blanchiment (CHAPITRE I).
Outre ces difficultés liées au système financier, le droit
met une certaine barrière à l'efficacité de la lutte
contre les malversations liant les PPE ou commis par elles (CHAPITRE II).
50
122 FERDINAND-LOP (S.), Les nouvelles
pensées et maximes (1970).
CHAPITRE I : L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE
BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE SYSTEME
FINANCIER
51
Les blanchisseurs sont à la perpétuelle
recherche des moyens et procédés leur permettant de recycler
leurs fonds ; ils utilisent toutes les voies pour y parvenir. Dans leur
recherche de discrétion, les délinquants utilisent toutes les
failles se trouvant dans le système financier et parallèle pour
blanchir leur butin. Ces failles peuvent être dans le secteur de
l'assurance ou de l'immobilier mais pour notre étude, compte tenu du
fait que les fonds blanchis par les PPE vont en général vers
l'extérieur et emprunte le circuit bancaire et financier pour être
logés dans les paradis fiscaux, l'on évoquera les failles
inhérentes à ces systèmes qui favorisent les
activités de blanchiment. Ainsi, les délinquants
économiques profitent de la facilitation que leur offrent certains
mécanismes financiers (section 1). Et les PPE, du fait de leur
influence, notoriété et d'énormes sommes dont elles
blanchissent, séduisent les organismes financiers qui, il faut le dire,
dans la plupart des cas détectés, prennent part aux
activités de blanchiment des capitaux (section 2).
SECTION I : La facilitation du blanchiment des capitaux
par certains mécanismes financiers
Pendant longtemps, le mécanisme dans le système
financier qui favorisait le blanchiment des capitaux était le secret
bancaire. Il fut considéré dans certains pays, à l'exemple
de la Suisse, comme étant sacré, parce que lié au droit de
la personnalité123. Cette sacralisation du secret bancaire
jouait un rôle actif dans le blanchiment. Mais, fort heureusement,
aujourd'hui le secret bancaire est nettement limité en matière de
LBC/FT et ceci, même dans certains pays qui le considéraient comme
un sacro-saint principe124. Toutefois, dans les paradis fiscaux, il
subsiste encore. Raison pour laquelle, il sera évoqué dans le
cadre du laxisme de la réglementation dans les paradis fiscaux.
Les blanchisseurs, comme nous l'avons souligné plus
haut, cherchent toujours à contourner le système de
prévention pour parvenir à leur fin et ce malgré la
relativisation du
123 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire
et lutte contre le blanchiment en zone CEMAC, mémoire de DEA,
Op.cit. p .24.
124 « L'annonce de la fin du secret bancaire en Suisse le
13 mars 2009 par le conseil fédéral Suisse ». Article de
presse disponible sur
www.rts.ch , consulté le
10 décembre 2019 à 21h 10min. V. également
LONGCHAMP (O.), « La reconfiguration du secret bancaire
Suisse », In l'Economie politique 2010/2 (N° 46), pages 21
à 35. Article disponible sur www.cairn.info, consulté le
10 décembre 2019 à 21h 05min.
52
secret bancaire. Ainsi, ils profitent de l'absence de rigueur
dans le contrôle de certaines opérations (paragraphe 1) et de la
couverture que les paradis-fiscaux leurs offrent pour blanchir des capitaux
(paragraphe 2) d'origine illicite.
Paragraphe 1 : Le manque d'un contrôle rigoureux sur
certaines opérations.
La mondialisation exige que les relations commerciales et
financières que nouent les agents ne soient ni entravées, ni
ralenties par des obstacles qui s'opposeraient aux règlements qu'elles
impliquent. Il ne serait pas acceptable qu'un dysfonctionnement, voire un
blocage des paiements, gène le bon déroulement des transactions
économiques125. D'où la mise en place de certains
mécanismes et pratiques bancaires tels que les opérations
numériques, les opérations de change, etc. pour permettre un
paiement rapide et adapté aux échanges commerciaux
internationaux.
Mais, malheureusement, les délinquants dans leur
perpétuelle recherche des voies et moyens de blanchiment profitent de la
surveillance limitée sur les opérations numériques (A) et
de certaines opérations dont la pratique comporte des failles favorisant
le blanchiment des capitaux (B) pour parvenir à leur fin.
A - La limitation de la surveillance sur les
opérations numériques
L'évolution technologique a permis non seulement
à ce que les établissements financiers offrent des services en
ligne à leur clientèle mais, de disposer également un
moyen de paiement à la hauteur de ladite évolution à
savoir la monnaie électronique. Ces opérations offertes, ne sont
pas exempts de tous risques de blanchiment. Toute chose, qui fait le bonheur
des blanchisseurs.
A cet effet, nous jetterons un regard sur les risques de
blanchiment liés à la monnaie électronique (2), mais avant
cela, nous évoquerons la surveillance limitée sur les cybers
opérations ou opérations effectuées via internet (1).
1- La problématique de la surveillance des
cybers opérations
L'avènement des Nouvelles Technologies de l'Information
et de la Communication (NTIC) a permis le développement des divers
services bancaires. Le continent africain ne pouvant pas rester en marche,
s'approprie davantage ces outils de développement. Ainsi, les
125 GAZE (P.), « Nouveaux moyens de
paiement : nouveaux risques ? », In Cahiers du numérique,
2003 (vol.4), pages 93 à 113. Disponible sur www.cairn.info,
consulté le 20 décembre 2019 à 12h 13min.
53
établissements financiers et parallèles de la
CEMAC offrent des services téléphoniques, des services via
internet etc.
Les avantages et les bienfaits de ces services ne sont plus
à démontrer ; car ils permettent d'effectuer des nombreuses
opérations à distance et ceci de façon simplifiée
et rapide. De ce fait, certains soutiennent que ces technologies offrent un
éventail d'instrument facilitant la lutte
anti-blanchiment126. Cependant, ces nouvelles technologies de
l'information et de la communication, du fait des failles qu'elles comportent,
facilitent plus les activités de blanchiment des capitaux et de
financement de terrorisme.
D'ailleurs le comité de Bâle sur les
contrôles bancaires l'avait déjà noté en octobre
2001 en ce terme « la nature de la banque électronique, qui
n'implique aucun contact physique et se joue des frontières,
combinée à la rapidité de la transaction, crée
inévitablement des difficultés en matière d'identification
du client et de vérification. »
Nous montrerons à travers l'analyse que les cybers
opérations des banques renferment des difficultés
d'identification des clients et de détection des opérations
elles-mêmes (a) et par déçu tous, des risques de
blanchiment liées aux autres opérations électroniques
(b).
a- Les difficultés d'identification liées
aux opérations sur internet
Nous relèverons les difficultés d'identification
des cybers clients (i) avant de nous intéresser sur la question de la
traçabilité des opérations effectuées sur internet
(ii).
i- Les difficultés d'identification des cybers
clients
L'identification est le préalable. Identifier un
client, est une étape capitale dans la lutte anti-blanchiment. Ce n'est
qu'une fois identifié, que l'on peut faire supporter à un client
sont acte127. Le système et procédés
employés dans les cybers services comportent des failles qui rendent
difficiles l'identification des clients.
La difficulté tient tout d'abord, du fait que dans les
opérations effectuées sur internet, il y a une distance entre la
banque et son client. En effet, avec la banque traditionnelle ou classique,
l'identification est plus aisée. Puisque le client se présente au
guichet de la banque ; elle peut ainsi procéder à toutes les
vérifications possibles afin de l'identifier. Et même si les
informations et pièces données s'avèrent fausse, elle est
à même de pouvoir faire un portrait-robot de son client. Mais,
avec l'évolution technologique et les exigences du commerce
126 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire
et lutte contre le blanchiment d'argent dans la CEMAC,
mémoire de DEA, Op.cit. p. 25.
127 Ibidem. p. 26.
54
extérieur, la mise en place des cartes de
crédit, cartes prépayées, l'ouverture des comptes en ligne
etc., il y a une certaine distance entre les établissements financiers
et les clients. Et cela ne permet pas une identification appropriée car,
non seulement l'identification peut être truquée, mais aussi et
surtout avec la possibilité d'utilisation des faux noms ou même de
falsification des pièces dont la sous-région CEMAC n'est pas
exempte, « le client a la faculté de fait de ne pas
décliner sa véritable identité »128
comme le souligne un auteur. Ainsi, cette distance que le client a avec
l'établissement financier fait de tel enseigne que celui-là,
échappe à la surveillance de celui-ci rendant ainsi difficile
l'efficacité du contrôle.
Il est bien vrai que les articles 25 et 43 du Règlement
anti-blanchiment de la CEMAC de 2016 imposent aux personnes assujetties de
prendre de dispositions particulières et suffisantes pour
prévenir le BC/FT lorsqu'elles entretiennent des relations d'affaires ou
exécutent des opérations avec un client qui n'est pas
physiquement présent aux fins d'identification, dans la pratique, cela
n'est pas chose facile. Ceci d'autant que le client a une certaine
liberté dans l'utilisation des services à distances.
La distance et la liberté offertes aux clients sont de
manière à rendre difficile la traçabilité des
opérations.
ii- La question de la traçabilité des
opérations effectuées sur internet
Après l'analyse qui en découle, il est clair que
l'internet constitue un avantage précieux pour le blanchiment. Car, la
mobilité, la rapidité, la liberté et la distance dans les
cybers opérations ou services sont tout ce que recherche le
délinquant économique.
Ainsi, pour TCHABO SONTANG, « malgré les
prouesses constatées jusqu'à présent dans
l'évolution des technologies de l'information et de la communication,
repérer les traces d'une opération sur internet n'est pas ce
qu'il y a de facile »129. Car, sur internet tout va si
vite, tout se brouille dans une nébuleuse constituée d'une
infinité de liens hypertextes-liens reliant les fichiers entre eux. Les
traces se perdent du fait d'une infinité de services rendus aux
mêmes instants et empruntant les mêmes canaux, touffus et confus.
En conséquence le risque de rupture de la piste d'audit est très
probable. Il devient ainsi difficile, voire impossible de tracer les
opérations sur internet et ceci est un facteur de brouille des pistes
d'enquêtes.
128 LE CERF (X.) et IVALDI (N.), Des
usages de traçabilité en matière de paiement
électronique, In Traçabilité et
responsabilité, sous la direction de PEDROT (P.),
édition Economica, 2003, p. 189 et S.
129 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire
et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit. p. 30.
55
Toutes ces difficultés sur l'identification et la
traçabilité des opérations effectuées sur internet
sont de nature à constituer des risques de blanchiment pour les
opérations électroniques.
b- Les risques de blanchiment liés aux
opérations de virements électroniques
Le virement est l'opération consistant, pour un
titulaire de compte, à demander à sa banque un transfert des
fonds de son propre compte vers un autre compte. Pour Philippe NEAU-LEDUC, le
virement « est un procédé qui permet de
transférer des fonds d'un compte vers un autre compte par un simple jeu
d'écriture »130.
Cette opération qui permet à des capitaux de
passer d'un compte à un autre, d'un établissement à un
autre, apparaît comme étant un instrument clé du processus
de recyclage des fonds d'origine illicite. En effet, le virement est le moyen
d'empilement le plus utilisé par le blanchisseur131. Comme
nous le fait savoir De Feo « les virements sont probablement la
méthode d'empilement la plus importante dont disposent les blanchisseurs
de capitaux. Ils sont intéressants à plus d'un titre pour les
criminels qui souhaitent couvrir leur trace. La vitesse, la distance, les
traces comptables minimales et l'anonymat croissant qu'ils offrent du fait
qu'ils se fondent dans l'énorme masse quotidienne de virements
électroniques sont autant davantage qui n'ont pas de prix
»132.
Le législateur CEMAC n'a pas omis cet aspect. C'est
ainsi que l'article 36 du Règlement CEMAC dispose que « les
institutions financières dont les activités comprennent des
virements électroniques sont tenues d'obtenir et de vérifier le
nom complet, le numéro de compte et l'adresse ou, en absence d'adresse,
le numéro d'identification nationale ou le lieu et la date de naissance
du donneur d'ordre et du bénéficiaire du virement y compris, si
nécessaire, le nom de l'institution financière du donneur d'ordre
de ces transferts.
Ces informations doivent figurer dans le message ou le
formulaire de paiement qui accompagne le transfert. S'il n'existe pas de
numéro de compte, un numéro de référence unique
doit accompagner le virement.
Ces dispositifs ne s'appliquent pas aux transferts
exécutés à la suite d'opérations effectuées
au moyen d'une carte de crédit ou de la carte de débit qui
accompagne le transfert,
130 NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire,
4ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 181.
131 TSOGNI DJOUMETIO (N.L), Les banque et
la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment
des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de doctorat, Op.cit.,
p. 138.
132 SAVONA (E.U) et De Feo
(M.A), Money Tails : international Money Laudering Trends and
proventon control Policies. Rapport présenté à la
conférence de 1994, Supra (note 2) (manuscript dactylographié),
p. 84, cité par TSOGNI DJOUMETIO (N.L), Les banque
et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le
blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Op.cit., p. 138.
56
ni aux transferts entre institutions financières
pour leur compte ». L'on perçoit clairement que le
législateur exige un bon nombre des mentions permettant la
traçabilité des virements électroniques. Mais, dans la
pratique cela ne semble pas si facile.
Le système SWIFT133 est l'exemple le plus
parfait des opérations de virement renfermant des risques de
blanchiment. En effet, ce système qui est utilisé par les banques
pour effectuer des virements, offre aux délinquants de par sa
rapidité, la possibilité de multiplier les transferts : en
quelques minutes des capitaux peuvent transiter par plusieurs dizaines
d'établissements.
Il est bien sûr théoriquement possible de suivre
la trace de ces capitaux, mais, en pratique, les donneurs d'ordre auront pris
le soin de faire appel à des banques implantées dans
différents pays. En plus, le système SWIFT envoie des
informations codées, ce qui contribue à opacifier les circuits
financiers.
Ainsi, la rapidité, l'internationalisation et la
multiplication offertes dans les transferts par le système SWIFT
constituent des risques de blanchiment que les délinquants exploiteront
pour parvenir à leur fin. Ils feront de même quant aux failles de
la monnaie électronique.
2- Les risques de blanchiment de la monnaie
électronique
La monnaie électronique s'entend comme une «
valeur monétaire incorporée sous forme électronique contre
remise de fonds de valeur égale, qui peut être utilisée
pour effectuer des paiements à des personnes autres que
l'émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la
transaction »134 .
La monnaie électronique fait donc partie d'un «
système de paiement » composé d'un émetteur
(l'établissement bancaire), d'un porteur (le consommateur) et de
commerçants135. À ce titre, elle est
considérée comme un nouveau moyen de paiement puisqu'elle permet
avec un porte-monnaie électronique chargé d'unités
électroniques de transférer des fonds et d'exécuter une
obligation de somme d'argent.
Si les avantages et les bienfaits des nouveaux instruments de
paiement dont fait partie la monnaie électronique ne sont plus à
démontrer, leur utilisation peut favoriser certains
133 La Société for Worldwide Interbank Financial
Telecommunication Interbancaire Mondial. Le réseau SWIFT a
été créé en 1977 pour remplacer le réseau
Télex, jugé trop lent et pas assez fiable. Créé
à l'origine avec un protocole BSC, il migre en 1991 vers le
réseau Swift II en X.25. Depuis 2004, il utilise un réseau sur
IP, SWIFT Net. Cette société est une coopération de droit
belge basée à Hulpe près de Bruxelles détenues et
contrôlée par l'industrie financière internationale. Elle
répond aux besoins d'un échange sécurisé entre ses
membres à plus de 700 institutions financières situées
dans environ 197 pays et territoires.
134 Alinéa J) de l'article 1er du
Règlement CEMAC N° 01/11-CEMAC/UMAC/CM du 18 septembre 2011 relatif
à l'exercice de l'activité d'émission de monnaie
électronique.
135 NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire,
Op.cit., p. 183.
57
comportements répréhensibles au sens des lois et
règlements édictés par les Etats membres de la CEMAC,
notamment le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme136.
Les délinquants économiques sont constamment
à la recherche de nouveaux moyens permettant de donner aux revenus
qu'ils tirent de leurs activités une façade légitime.
À cet effet, la monnaie électronique est dès lors
intéressante pour eux et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les opérations électroniques
peuvent être effectuées de manière à n'est pas
laisser de traces, c'est-à-dire dans le plus grand
anonymat137 . En effet, pour l'émetteur, les fonds
reçus contrairement aux opérations réalisées au
moyen d'instruments de paiements classiques tels que les chèques ou les
cartes bancaires, ne sont pas inscrits au nom du consommateur détenteur
du porte-monnaie électronique et ne sont, pas non plus dû, a un
bénéficiaire identifié.
Ensuite, pour les modes de paiement, la remise au
commerçant d'un chèque ou le paiement par carte bancaire ne
permet pas de créditer immédiatement le compte du
bénéficiaire. Alors que le paiement par monnaie
électronique entraine une modification instantanée des soldes des
portes monnaies électroniques sans qu'il y ait besoin du concours de
l'émetteur pour réaliser cette opération138.
En fin, la maitrise des flux monétiques constitue le
principal facteur de risque lié à la réalisation des
transactions par l'entremise des nouvelles méthodes de paiement. Or,
dans la sous-région, les banques n'ont pas la maitrise de leur
plate-forme monétiques, qui sont localisées hors de leurs
juridictions d'activités. Ceci peut encourager une manipulation des
informations relatives aux transactions effectuées au moyen des cartes
prépayées depuis les services du prestataire et favoriser la
réalisation des opérations douteuses. Ce risque est encore
renforcé par le fait que dans ces institutions il n'existe pas un
dispositif électronique d'alerte qui identifie les indices de
soupçon de blanchiment d'argent et de financement du
terrorisme139.
Toutes ces particularités ont pour conséquence
de ne pas laisser la possibilité d'établir une piste de
vérification traditionnelle de la légitimité des
opérations réalisées. Par ailleurs, la monnaie
électronique offre une grande mobilité permettant d'effectuer sur
internet avec un
136 « Les 15 risques du paiement mobile pouvant
entraîner le blanchiment d'argent en zone CEMAC », article de presse
portant sur l'étude du GABAC relative au risque de blanchiment de la
monnaie électronique en 2017, disponible sur
www.digitalbusness.africa, consulté le 01 juin 2020 à 20h
00min.
137 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques
et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux
au Cameroun et en France, thèse de doctorat. Op.cit., p. 143.
138 Ibidem
139 « Les 15 risques du paiement mobile pouvant entrainer
le blanchiment d'argent en zone CEMAC », article de presse portant sur
l'étude du GABAC relative au risque de blanchiment de la monnaie
électronique en 2017, disponible sur www.digitalbusness.africa.
Consulté le 10 juin 2020 à 21h 15min.
58
porte-monnaie virtuel, des virements de fonds d'un pays
à un autre sans aucune restriction imposée par les
autorités des pays visés140.
Outre les failles que renferment les opérations
numériques, certaines opérations classiques favorisent aussi le
blanchiment.
B - Les opérations favorisants le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme
Ce sont des opérations légales dans le
système financier notamment bancaire dont la vulnérabilité
dans leur utilisation favorise les activités du blanchiment des
capitaux. Il s'agit entre autres, de l'opération de transfert de fonds
(1), de l'opération de change (2), le mécanisme des comptes
offshores (3) etc.
1- L'opération de transfert de fonds et le
risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme
Le transfert de fonds est l'une des prérogatives
essentielles dont bénéficient les établissements de
crédit. C'est un service bancaire primordial141. Par ce que
les établissements bancaires et financiers doivent assurer le
règlement des échanges commerciaux, ils mettent à la
disposition des agents commerciaux des mécanismes permettant de
transférer les fonds. Il s'agit de virements, chèques, cartes de
crédit etc. mais qui comporte malheureusement des failles qui pourront
services à des fins illicites.
Dans un rapport d'août 2018, le GABAC traite de la
question des vulnérabilités et risques de blanchiment des
capitaux et de financement du terrorisme inhérents aux opérations
de transfert de fonds dont nous retenons quelques-uns.
Tout d'abord, il y a une absence de règlementation
spécifique pour l'encadrement de l'activité de messagerie
financière qui constitue un frein au dispositif
anti-blanchiment142. L'on note également une faiblesse dans
la traçabilité des transactions car, les transferts de fonds dans
la sous-région ne sont pas centralisés dans un fichier ou une
plate-forme unique nationale ou sous régionale. Toute chose qui rende
difficile les enquêtes et les poursuites pour blanchiment.
Ensuite, il y a une faiblesse de la culture de LCB/FT. En
effet, les banques signataires de contrat avec leur partenaire font usage
d'agent, notamment des EMF, qui à leur tour, recourent
140 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L), Les banques
et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux
au Cameroun et en France, thèse de doctorat. Op.cit., p. 144.
141 V. NEAU-LEDUC (P.), Droit bancaire,
4e édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 180.
142 Rapport GABA d'août 2018, Op.cit. p. 49.
59
aux sous agents pour mener les activités de transferts
et ces derniers ne maitrisent pas les diligences en matière de LAB/CFT,
qui à la pratique ne sont pas une préoccupation pour
eux143.
En plus, suite au renforcement des contrôles dans les
institutions financières formelles sur les transferts de fonds, des
canaux non règlementaires se sont développés, ils
créent ainsi des couloirs servant de transfert de fonds pour BC/FT. Il
s'agit des EMF non agrée, des sociétés de transfert de
fond non enregistrées, mais aussi et surtout des agences de voyages qui,
sans être autorisées, fournissent des prestations assimilables aux
transferts de fonds sans mettre en place des diligences relatives à la
LCB/FT144.
Enfin, la prépondérance du secteur informel est
un véritable endroit de flux monétaire sans contrôle et
constitue un moyen de blanchiment d'argent dans la sous-région.
Il faut aussi souligner l'aspect de transferts transnationaux
de fonds qui constitue le moyen de blanchiment le plus usuel. Par exemple, en
zone CEMAC, une convention liant la BEAC au trésor français
consacre la libre transférabilité du Franc CFA et une garantie de
rachat total des billets de banques émis par la BEAC et circulant hors
de la zone d'émission145.
Le mouvement des flux qu'impliquent de tels transferts sont de
nature à faire donner un grand avantage aux blanchisseurs. En effet, le
transfert de fonds est souvent utilisé dans la phase de l'empilage pour
déplacer les fonds afin de troubler leurs traces ; dans la
dernière phase, celle de l'intégration, il est utilisé
pour rapatrier les fonds blanchis.
Ainsi, lutter efficacement contre le blanchiment, c'est aussi
maitriser ou du moins bien règlementé les opérations de
transferts effectuées sur le sol de l'Etat
concerné146.
Cependant, Les mêmes risques de blanchiment dans les
transferts de fonds se retrouvent aussi dans d'autres opérations.
2- Les opérations de change et le risque de
BC/FT
Aux termes de l'article 1er point 38 du
Règlement N°02/18/CEMAC/UMAC/CM portant règlementation des
changes dans la CEMAC du 21 décembre 2018, l'opération de change
est une « transaction au comptant ou à terme, manuelle ou
automatisée, dont le règlement comporte ou implique la conversion
du Franc CFA en une autre devise et vice-versa ». De façon
simpliste, le change est la conversion d'une monnaie en une autre. Ainsi, il
peut porter
143 L'exemple le plus concret est celui du paiement mobile
dans lequel les opérateurs de téléphonies, partenaires des
établissements de crédit, font recours à leurs agents qui
effectuent des opérations de transfert de fonds.
144 Rapport GABAC d'août 2018, Op.cit., p. 51.
145 V. La Convention de coopération monétaire
entre les Etats de la CEMAC et la République française du 23
Novembre 1972.
146 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire
et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p.
16.
60
sur une monnaie métallique, fiduciaires ou sur des
valeurs mobilières. C'est une opération qui obéit à
un régime rigoureux et l'activité des changes est strictement
contrôlée147.
Le change est techniquement très important dans le
processus du blanchiment, ou l'une des grandes opérations ou
étapes du blanchiment est celle qui consiste en la dissimilation de
l'origine de l'argent. Le souci peut être de rendre le butin moins
suspect en changeant les petites coupures très encombrantes en grosses
coupures148. À cet effet, le billet de 500 euros fut
taxé d'instruments de blanchiment à cause de leur grande valeur
et de leur petit volume. Ces derniers peuvent être transportés
discrètement d'énormes montants, ce qui facilite au final la
circulation d'argent sale149. Toute chose qui a amené
à l'arrêt de production de ces coupures. L'opération de
change est ainsi utilisée à des fins de blanchiment.
Si les avantages commerciaux des changes ne sont pas à
négliger, l'inefficacité de contrôle et l'absence de
rigueur dans le contrôle de changes manuels font de cette
opération un véritable outil de blanchiment. Si les îles et
paradis-fiscaux tels que Aruba et Liechtenstein attirent le plus des capitaux
à blanchir, c'est aussi et surtout parce que les opérations de
changes y sont libres comme le vent150.
Ainsi, pour ce qui est de la CEMAC l'un de facteur favorisant
le blanchiment des capitaux dans le change est la prépondérance
du secteur informel dans l'activité de change manuel avec en face
l'utilisation du liquide151. Ces risques de blanchiment qui est
présent dans les opérations de changes sont encore accrus dans
l'utilisation des comptes offshores.
3- Les comptes bancaires offshores et le blanchiment
des capitaux
Le terme « offshore « signifie en « dehors
des côtes ». Il fut pendant longtemps utilisé pour
désigner les îles Anglo-Normandes car, elles sont en dehors du
Royaume Uni. Une « Banque offshore « est une banque
située à l'extérieur du pays de résidence du
déposant, typiquement dans un pays à faible
imposition152.
Ainsi, un `'compte bancaire offshore» est un
compte ouvert auprès d'une banque située à
l'étranger153. L'ouverture d'un compte bancaire offshore
n'est pas en soi illégale, mais son utilisation peut servir à des
fins du blanchiment. En effet, lorsqu'un tel compte est ouvert dans
147 Cf. art. 147 à 152 du Règlementation des
changes dans la CEMAC.
148 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire
et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit., p. 18.
149 Documentaire : envoyé spécial, la face
cachée du billet de 500 euros, consulté le 10 mai 2020 sur
www.francetvinfo.fr.
150 HERAIL (J-L.) et RAMEL (P.),
Blanchiment d'argent et crime organisé : la dimension
juridique, 1er éd., Paris, P.U.F., 1996, p. 50.
151 Rapport GABAC d'août 2018, Op.cit., p. 53.
152
www.wikipedia.org.
Consulté le 02 août 2020.
153 Définition tirée du site
www.paradisfiscaux20.com,
le 03 août 2020.
61
une banque située dans la juridiction d'un Etat
où, il existe un laxisme de la règlementation et qui offre
également la possibilité de l'utilisation de l'anonymat et un
secret bancaire garantissant la discrétion, ce compte bancaire pourrait
servir grandement les blanchisseurs. Ceci d'autant que les PPE sont une
catégorie de personnes qui sollicitent en générale les
services des banques étrangères pour blanchir les produits de
leur corruption et ces types des comptes constituent d'énormes avantages
pour eux. Car, les paradis fiscaux sont des véritables lieux des
activités de blanchiment.
Paragraphe 2 : La couverture du blanchiment des capitaux
par les paradis- fiscaux et les places offshores
L'internationalisation du système financier n'est pas
sans conséquence. En effet, L'avènement de la mondialisation de
nouveaux horizons au crime organisé et à la délinquance
économique et financière en particulier. L'imbrication des
intérêts publics et privés, la faillite des contrôles
produisent des effets délétères à
l'intérieur et à l'extérieur des frontières. Ainsi,
les réseaux criminels empruntent-ils les multiples circuits
d'occultation du système financier mondial et de ses produits nouveaux
et méthodes ou techniques à des fins de
blanchiment154.
Ce système financier ainsi, internationalisé et
décloisonné a offert une plus grande prospérité au
blanchiment d'argent dans certains pays ou places financières où
il est possible d'y déposer des sommes sans avoir de compte à
rendre sur son identité : ce sont les paradis fiscaux et centres ou
places offshore.
Il s'agit de pays qui ne prélèvent pas ou peu
d'impôts et servent aux non-résidents pour échapper
à l'impôt dans leur pays de résidence. Un paradis fiscal
est doté de dispositions législatives ou de pratiques
administratives empêchant un échange de renseignements avec
d'autres pays sur les contribuables. Les paradis fiscaux ou les centres
offshores jouent un rôle accru dans les opérations de blanchiment
des capitaux, facilitées par des réglementations laxistes et le
secret bancaire155.
Associée à certaines structures juridiques (B),
ce laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux (A) constitue
un véritable moyen de blanchiment des capitaux.
154 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Thèse de Docteur en droit
privé et sciences criminelles, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, février 2017. P. 269.
155 Ibidem.
62
A - Le laxisme de la règlementation dans les
paradis-fiscaux
Pour attirer les capitaux étrangers, certains pays
adoptent une fiscalité plus favorable que celle du reste du
monde156. Les principales caractéristiques des
paradis-fiscaux et Centres Offshores157 sont
généralement les mêmes caractéristiques dans les
secteurs financiers et commerciaux. Ainsi, la règlementation est laxiste
dans ces territoires à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, les paradis-fiscaux ou centres offshores ont une
règlementation stricte en matière de secret bancaire, interdisant
ainsi la révélation du titulaire du compte bancaire ou des
opérations. Il est ainsi extrêmement difficile de connaitre
l'identité des personnes y déposant les fonds. La
législation des paradis-fiscaux prévoit
généralement des sanctions lourdes si les employés des
banques transgressent cette règle. Ce secret est opposable aux
autorités judiciaires et aux autorités de
contrôle158. Ce qui permet à son titulaire
d'échapper aux poursuites intentées par son pays. Et les
personnes politiquement exposées s'orientent en générale
vers les banques de ces territoires pour pouvoir cacher les fonds
détournés par elles ou provenant de leurs activités
illégales.
Ensuite, la supervision de contrôle est aussi faible. En
effet, dans ces territoires ou juridiction comme les îles Caïmans
qui dépendent de la couronne britannique, l'institution de supervision
qui ne se trouve pas sur place est complice.
En plus, ils ont une règlementation laxiste en
matière de propriété et d'enregistrement des
sociétés. Le droit des sociétés de ces pays
garantit l'anonymat du bénéficiaire des opérations
financières réalisées par des ressortissants
étrangers qui effectuent, le plus souvent lesdites opérations
depuis l'étranger159. Un véritable avantage que
recherchent les blanchisseurs.
Enfin, il importe de souligner que la législation dans
les paradis-fiscaux protège ou favorise l'évasion fiscale et
empêche les procédures judiciaires. En effet, pour ce qui est de
la fiscalité, elle est attractive, voire inexistante. Ils permettent
dans ce sens de déplacer l'argent
156 TCHABO SONTANG (H. M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.,
p. 16.
157 Les centres « offshores « sont en effet des
territoires où des non-résidents ont la possibilité de
créer les sociétés et d'utiliser les services financiers
offerts par leurs activités à l'extérieure desdits
territoires. Ici, les entreprises qui s'installent sous ce régime ne
peuvent en effet réaliser de bénéfices qu'à
l'extérieur du territoire où elles sont installées, elles
jouissent ainsi des avantages fiscaux (Cf. FERJAULT (E),
Secret professionnel et blanchiment des capitaux, mémoire
magistère de juriste d'affaire, Université Panthéon Assas,
mai 2002, p.38 cité par TCHABO SONTANG (H. M.),
Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone
CEMAC, Op.cit., p. 16).
158 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA):
état des lieux et perspectives, Op. cit., p. 274.
159 Ibidem
63
«sous le nez du fisc« sans que l'on sache où
il va. Et le secret bancaire est protégé même dans le cadre
d'une fraude fiscale.
Pour ce qui est des poursuites judiciaires relatives à
la délinquance économique et financière, il importe de
souligner que la plupart des paradis-fiscaux sont tout d'abord des territoires
non-coopérants160 et ensuite, même s'il existe une
règlementation en matière de criminalité
économique, elle est soit laxiste, soit
inappliqué161.
Ainsi, il est pratiquement impossible au juge de
repérer les informations financières ou des données
informatiques, dans un paradis-fiscal ou un centre offshore, qui peuvent
disparaitre en un clic pour réapparaitre aussitôt par un autre. Si
les traces de telles données sont effacées, la justice aura du
mal à vérifier leur existence et du fait de leur migration, elle
ne les trouvera jamais162 . Un juge français fait à
cet effet un constat amer lorsqu'il affirme que « Force est de
constater aujourd'hui que les méandres de la finance internationale,
où circulent librement des capitaux douteux noyés dans la masse
des capitaux générés par le libéralisme, sont
souvent d'une opacité telle qu'il est impossible de dévoiler les
circuits masqués du blanchiment. Les places offshores sont
prospères et recueillent les fruits de la mondialisation. L'argent sale
a su y trouver refuge et le secret bancaire contraint souvent les juges
à constater que leurs quêtes sont dans l'impasse
»163.
Aux termes de cette analyse, l'on se rend clairement compte
que le laxisme de la règlementation dans les paradis-fiscaux est une
véritable mine aux pieds du dispositif anti-blanchiment en
générale et celui contre les PPE en particulier. Car, du fait de
l'anonymat qu'offres ces territoires, les établissements financiers de
ces places attirent les hautes personnalités pour mettre à
l'abri, du public ou des organismes anti-blanchiment, les fonds provenant de la
corruption ou du détournement. Bien plus, ce laxisme fait en sorte que
des entreprises (fictives ou réelles) mettent en place des
véritables circuits de blanchiment.
160 La liste de ces territoires est établie par le
GAFI.
161 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p.
275.
162 FALCIANI (H.), « séisme sur
la planète finance au coeur du scandale HSBC. Mon combat contre
l'évasion fiscale », édition LA DECOUVERT, p.
15.
163 Constat fait par le juge VAN RUYMBEKE (R.) In
PARIS-FICARELLI (N.), « Magistrats en réseaux contre la
criminalité organisée », Presse Universitaire de Strasbourg,
2008, p. 8.
64
B - La participation des structures juridiques dans les
paradis fiscaux aux activités de blanchiment
Les paradis-fiscaux fonctionnent comme une gigantesque
lessiveuse et avec un peu de technique et d'habileté, rien n'est plus
facile, qu'en multipliant les sociétés écrans et les
sociétés offshores, de transformer un argent sale en argent
honnête164.
Ainsi, les sociétés domiciliées dans les
paradis-fiscaux ou centres offshores jouent un rôle essentiel pour
structurer le montage de circuits de blanchiment sur la base
d'opérations commerciales et judiciaires. Elles permettent de justifier
les transactions effectuées par la constitution d'une documentation
commerciale (lettre de crédit, factures, etc.) et l'utilisation des
comptes ouverts en leur nom dans les institutions bancaires. Il est fait un
recours de plus en plus fréquent à la création des
structures de blanchiment complexes qui utilisent les kyrielles de
sociétés pour multiplier les coupe-circuits et accroitre la
difficulté de relier l'argent à l'activité criminelle
d'où il provient165. Nous retenons quelques-unes de ces
structures.
? Les sociétés écrans :
Elles ont une activité réelle, à temps plein ou à
temps partiel, qui est utilisée comme couverture ou appui logistique
à des opérations commerciales légitimes ou criminelles.
Généralement, les sociétés écrans n'ont
aucun actif dans le lieu de leur immatriculation ou
d'enregistrement166.
? Les sociétés fantômes :
Elles sont, comme leur nom l'indique, purement fictives en ce sens qu'elles
n'ont pas été immatriculées ou enregistrées. Elles
n'existent que par le nom. Elles servent à dissimuler le
bénéficiaire effectif des opérations financières de
la société et des actifs détenus. En
générale, une société fantôme est
détenue par une autre société fantôme,
elle-même détenue par une autre société
fantôme ou un trust, et ainsi de suite167. Dès lors, il
est pratiquement impossible pour les autorités judiciaires et fiscales
ou toute autre personne d'identifier leurs propriétaires réels,
responsables au final des actions de l'entreprise.
? Les sociétés dormantes : Ce
sont des sociétés qui, après leur création, sont
conservées dormantes par un intermédiaire, souvent un avocat, qui
paie toutes les
164 DUPUIS (M.-C.), « Argent sale : la
finance criminelle-t-elle l'économie mondiale ? », éd. PUF,
Paris, 1999, p. 64.
165 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 277.
166 Ibidem
167 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent :
techniques et moyens de lutte (cas de la banque société
générale Algérie), Op. Cit., p. 12.
65
redevances annuelles à l'Etat. Ce qui lui permet de
garder la société dormante à l'effet, par exemple,
d'établir de faux documents de société (factures, etc.) ou
de prêt en les antidatant et faire croire à son interlocuteur
qu'elle a plusieurs années d'existence168. L'objectif est
d'avoir l'historique d'une société d'apparence
légitime.
? Les sociétés de domicile :
Elles sont des sociétés des capitaux, des
sociétés coopératives ou des fondations qui n'ont en
Suisse qu'une activité administrative mais, n'y exercent aucune
activité commerciale. Cette définition sous-entend notamment
qu'elles ne peuvent employer que très peu du personnel169. Ce
sont par exemples des sociétés qui fournissent des prestations
pour l'ensemble des entreprises d'un groupe sans offrir sur le marché
des produits industriels, artisanaux ou commerciaux.
? Les holdings : La holding est souvent
nommée comme une société mère, c'est une
société qui possède des titres ou des actions de plusieurs
entreprises qui peuvent être nationales ou internationales et aussi elles
peuvent travailler dans différents secteurs. Si la holding est
installée dans le paradis fiscal, elle permet de mélanger de
l'argent légal avec de l'argent d'origine criminel grâce au secret
bancaire qui est appliqué dans ce territoire170.
? Les sociétés d'affaires
internationales ou International Business Corporation (IBC) :
Elles mènent leurs activités en dehors de leurs
territoires d'enregistrement. Elles sont dispensées de l'obligation
d'identifier les actionnaires ou propriétaires. De ce fait, elles
garantissent l'impossibilité pour les autorités judiciaires
d'avoir accès à leur identité. Leurs transactions se font
généralement en devises étrangères et font l'objet
d'une imposition limitée. Elles constituent des vecteurs de blanchiment
au service des criminels et de leurs gestionnaires171.
Créer des sociétés « sur mesure
», dont l'objet et la structure sont adaptés aux besoins
spécifiques des clients est un véritable
métier172. Ce sont des conseillers juridiques ou
168 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.
169 AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent :
techniques et moyens de lutte (cas de la banque société
générale Algérie), Op.cit., p. 13.
170 Ibidem.
171 MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) :
état des lieux et perspectives, Op.cit., p. 278.
172 Ibidem.
66
financiers (voire les banques), qui ont de par leur statut la
possibilité « d'ouvrir l'accès aux diverses fonctions
susceptibles d'aider les criminels ayant des fonds à déplacer ou
à dissimuler »173.
SECTION II : L'éventuelle participation des
organismes financiers aux activités de blanchiment des capitaux et de
financement du
terrorisme
Les établissements financiers et notamment bancaires,
jouent au premier lieu, le rôle de liaison qui met en rapport les
fournisseurs et les demandeurs d'argent. La banque vise ainsi la collecte des
fonds en vue de les prêter. Elle n'est donc pas une maison de
charité, mais bien au contraire, un commerçant qui vise le
profit. Ainsi, les blanchisseurs sont à la recherche des banques qui ne
se conforment pas aux procédures légales ou qui omettent
simplement de consigner ou de déclarer des informations relatives
à des possibles cas de blanchiment, pour toucher une
rémunération plus avantageuse174.
La plupart des opérations de blanchiment des capitaux
sales nécessitent pour être effectuées, à un certain
moment l'intervention d'un organisme financier plus particulièrement
d'une banque, compte tenu des services techniques qu'elle offre. A savoir le
dépôt en espèce des fonds d'origine sale, leur virement sur
des comptes bancaires, etc. En effet, l'implantation internationale dont
dispose les banques associées à leur contour aux activités
de blanchiment est un grand avantage pour les blanchisseurs.
Ainsi, le secteur bancaire et ses multiples connexions
semblent être parmi les canaux les plus dangereux pour nos
sociétés en matière de blanchiment des
capitaux175. Et les PPE sont une catégorie des blanchisseurs
à part entière qui rend flexibles les organismes bancaires, qui,
participent à leurs malversations ou ferment tout simplement les yeux
sur elles.
Nous démontrerons à travers l'analyse que cette
participation aux activités de blanchiment est d'une part active
(paragraphe 1) et d'autre part, passive (paragraphe 2).
173 Rapport sur les typologies des capitaux 2000-2001, GAFI
XII, 1er février 2001 disponible en PDF
sur
www.fatf-gafi.org.
Consulté le 04 mai 2020.
174 TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.),
Prévention et Répression du blanchiment des capitaux
en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Op.cit. p. 40.
175 Ibidem.
67
Paragraphe 1 : La participation aux activités de
blanchiment des capitaux par la technique du prélèvement des
pourcentages : une complicité active.
Si le phénomène de blanchiment des capitaux ne
cesse de progresser, c'est d'une part à cause de la participation des
certaines banques. Dans la plupart du temps, pour tirer leur épingle du
jeu, les blanchisseurs n'agissent pas seuls mais avec les banques qui leur
garantissent leur concours. Pour TCHABO SONTANG, « les banques qui
participent au blanchiment sont, qualifiées de « sympathiques
« par les bénéficiaires de leurs services
»176.
En effet, les banques se réservent de ne pas
révéler au public les opérations de leurs clients au
risque de les perdre, elles profitent ainsi des avantages que leur procure une
telle complicité notamment en prélevant un certain pourcentage
sur chaque opération.
Pour illustration, dans « l'affaire Casablanca « les
blanchisseurs Colombiens sollicitaient naturellement les services des banques
colombiennes dans la phase de placement, ces dernières acceptaient de
jouer le jeu, en contrepartie, elles devraient prélever sur les sommes
perçues, à titre de frais d'intérêt de 1% (1 pour
cent)177. Il apparait clairement à travers cette affaire que
la plupart de blanchiments de grande dimension sont effectués
grâce à la complicité des établissements
bancaires.
Pour ce qui est de blanchiment liant les PPE, une
enquête menée par le Senat américain a mis en
évidence le rôle souvent très actif des banques dans le
processus de blanchiment, elle révèle que les banques
américaines avaient aidées le chef d'Etat Gabonais OUMAR BONGO
à blanchir des fonds détournés dans son propre pays. Cette
enquête mention que les services de cette banque ne seraient pas
gratuits, au contraire, elle prélevait la somme d'un million de dollars
par an à son client pour services rendus. Et en général,
les experts estiment qu'une banque active dans le blanchiment perçoit
une commission de 10 à 40% des sommes recyclées178.
Aussi, dans l'affaire de blanchiment liant les dignitaires de
la Guinée, la Riggs Bank a pris part au blanchiment en mettant notamment
en place des structures offshores pour le dictateur TEODORO OBIANG NGUEMA et
son fils ; 13 millions de dollars ont été ainsi
176 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC,
mémoire de DEA, Op.cit., p. 22.
177 Exemple cité par TCHABO SONTANG (H.M.),
Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone
CEMAC, Op.cit, p. 22.
178 Ibidem.
68
versés entre 2000 et 2002 sur les comptes dont 3
millions en une seule fois à l'occasion de l'ouverture du compte d'une
des structures179.
Par ailleurs, le Tribunal Correctionnel de Paris a
pointé le rôle déterminant joué par les banques dans
la réussite du mécanisme de blanchiment orchestré par
Téodoro Obiang le fils du président de la Guinée, par
ailleurs ancien ministre et promis vice-président de la Guinée
à l'époque des poursuites, pour piller les ressources de son
pays. Le tribunal relève en ce sens que ces faits de blanchiment
n'auraient pas été possibles sans l'intervention de la SGBGE,
filiale équato-guinéenne de la Société
Générale mais aussi de la Banque de France. En faisant transiter
des fonds sur des comptes internes de passage à la Banque de France, le
prévenu a en effet pu outre, malgré la réunion
évidente des plusieurs critères d'alertes, aucune
déclaration de soupçon n'a été adressée au
TRACFIN180.
Allant dans le sens de complicité des banques aux
activités de blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme,
en 2012 la banque Britannique HSBC avait été condamnée par
les Etats Unis à payer une amande de 1,92 milliards de dollars pour
complicités au profit des trafiquants, de terroriste et de
l'Iran181.
A travers ces différentes affaires, l'on se rend
clairement compte de la participation des banques aux activités de
blanchiment des capitaux en apportant leur concours aux blanchisseurs. Cette
participation est dans certains cas dû à une faible culture
juridique.
Paragraphe 2 : La faible culture juridique des agents des
organismes financiers en matière de lutte anti-blanchiment : une
complicité passive
La complicité passive des établissements
financiers, du moins de certains de leurs agents, au blanchiment est soit due
à la faible culture juridique, ou soit liée à la
personnalité de certains clients.
Pour ce qui est de la faible culture juridique en
matière de LCB/FT, il est clair que le domaine bancaire est un domaine
relevant une certaine technicité. Par conséquent, les agents qui
sont censés assurer le déroulement des opérations doivent
avoir une maitrise considérable de leurs obligations professionnelles,
notamment les obligations de vigilance et de diligence telles
évoquées dans la première partie de notre analyse. De ce
fait, ces agents ou responsables
179 R. d'ESTAINTOT, « Les personnes
politiquement exposée (PPE) : réflexion sur une obligation
renforcée de vigilance ». Op.cit., p. 97.
180 GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG
condamné, une première dans l'affaire des « biens mal acquis
», Op.cit.
181 « HSBC ne veut plus de l'argent des ambassades!
», article de presse du journal LA TRIBUNE, publié le 04 août
2013, disponible sur
www.latribune.fr.
Consulté le 22 juin 2020.
69
doivent être rigoureusement formés182
à la déontologie afin de barrer la route aux activités des
criminels financiers. Ainsi, l'agent de banque doit en principe être
suffisamment informé des législations relatives à la
profession. Or, il n'en est pas toujours ainsi dans la pratique.
L'insuffisance professionnelle peut également servir
les causes du blanchiment. Allant dans ce sens un auteur affirme qu' «
un agent pour qui toute opération est normale, quelle qu'en soit sa
banalité ou son extravagance, est une menace pour le système
anti-blanchiment »183.
Faut-il le rappeler, les criminels financiers sont toujours
à la recherche des moyens, leur permettant de réaliser leur
entreprise criminelle et ne laisse échapper aucune faille qui est
à leur portée. Et l'ignorance des certains agents des
établissements et voire des établissements
parallèles184 et de nature à leur permettre
d'atteindre leur objectif.
Ainsi, nous avons eu au cours de nos recherches à faire
le constat que certains organismes bancaires ne disposent pas d'un service
chargé de veiller sur la conformité des opérations aux
normes de LCB/FT dans leurs agences185 , mais seulement au niveau de
leur direction général. De surcroît, certains agents se
trouvant dans ces agences avec qui, nous avons eu à échanger
n'ont pas connaissance de la législation anti-blanchiment et pour ceux
qui en savent un peu, ils ignorent la notion des personnes politiquement
exposées.
Par ailleurs, le GABAC dans un rapport faisait mention de la
faiblesse de la culture de LCB/FT dans la sous-région qui est un facteur
de risque de blanchiment186.
Toutes ces raisons évoquées nous amènent
à dire que cette faible culture juridique est utilisée par les
blanchisseurs à leur guise et met ainsi en mal le dispositif
anti-blanchiment.
Quant à la personnalité de certains clients, il
peut s'agir tout d'abord des Hommes d'affaires à la réputation
avérées. Pour ces genres des clients, les banques ont tendance
à n'est pas trop s'interrogées sur la provenance de leur fonds
négligeant de ce fait le dispositif anti-blanchiment et servant ainsi
les intérêts des délinquants.
Dans l'affaire précipitée plus haut du dictateur
nigérian, les banques Suisses ont accepté d'entrer en relation
avec les proches de Sani ABACHA sans observer une vigilance en amont,
182 D'où l'agrément des dirigeants des banques et
des entreprises d'assurances par les autorités compétentes.
183 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.,
p. 23.
184 Cette faible culture juridique n'est pas seulement
l'apanage des agents des établissements bancaires et financiers, mais
peut également être celle des agents des tous les organismes
assujettis des articles 6 et 7) du Règlement CEMAC.
185 C'est le cas de certaines banques se trouvant à
Ndjamena/TCHAD, qui n'ont pas des services de conformité dans leurs
agences au niveau des arrondissements et dans certaines provinces.
186 Rapport du GABAC sur les risques de blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme inhérent au change manuel et au
transfert de fonds en Afrique centrale, Op.cit.
70
pour la simple raison qu'ils ont été
présenté par un client habituel par ailleurs homme d'affaires
à réputation187.
Ensuite, les agents de banques se laissent influencer sinon
intimider par les fonctions qu'occupent certains clients. Tel est le cas des
clients PPE, comme nous l'avons souligné sur les difficultés de
leur identification, les agents ont une certaine réticence à leur
poser des questions sur la provenance de leur fonds ; toute chose qui va
à l'encontre de la réglementation anti-blanchiment.
Le système bancaire et financier renferme ainsi des
failles qui couvrent les activités de blanchiment des capitaux et de
financement du terrorisme initiées par les délinquants de tous
genres.
187 V. le Rapport de la commission des banques Suisses, sur le
« Fonds ABACHA » auprès de banques Suisses, Op.cit.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
71
L'efficacité de la lutte contre la criminalité
financière est tributaire de l'identification des auteurs de crimes
financiers et de la traçabilité des opérations de BC/FT.
Cependant, l'avènement des NTIC fait en sorte que l'identification des
cybers clients et la traçabilité des opérations
effectuées par le biais du net soient difficiles. En outre, les paradis
fiscaux viennent couvrir dans la plupart de cas les malversations
économiques initiés par les hautes personnalités. Aussi,
les organismes financiers, les banques en occurrence participent dans certains
cas à la mise en place de crimes financiers.
Dans d'autres cas, l'efficacité de la lutte
anti-blanchiment se trouve amenuiser par la complaisance du système
juridique à l'égard de certaines personnes ou
opérations.
CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES A LA
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
LIÉS AUX PPE
72
Nous avons évoqué plus haut le dispositif auquel
les établissements assujettis sont tenus. Sans y revenir dessus, nous
soulignons que son respect garantit, dans une large mesure, la
prévention et la répression effectives des actes
délictueux. Cependant, sa défaillance impacte très
négativement l'efficacité de la lutte contre les malversations
financières des PPE.
Un certain nombre des dispositions contenues dans les textes
internationaux et nationaux sont des natures à faire écran
à l'applicabilité des mesures tant préventives que
répressives en matière de blanchiment. Nous notons ainsi que
l'efficacité du système préventif et répressif de
la criminalité financière, pour ce qui est des PPE, se trouve
amoindrie par certaines dispositions légales. Ces dispositions sont
tantôt inhérentes à la qualité des certaines
personnes (Section 1), et tantôt relatives à certaines
opérations (Section 2).
SECTION I : Les limites à la lutte
anti-blanchiment rattachées à la qualité de certaines
PPE
L'idée de limites juridiques à la LBC/FT
rattachées à la qualité des certaines personnes
politiquement exposées (PPE) s'appréhende ici comme étant
les immunités et privilèges dont les PPE disposent et font
obstacles à la lutte. En effet, les PPE telles que nous les avons
évoquées plus haut, bénéficient dans une certaine
mesure des immunités.
La notion d'immunité est une des plus complexes en
droit. Pourtant, la doctrine et la jurisprudence l'emploient comme si elle
relevait de l'évidence jouant sur le registre de la connivence : tout le
monde sait ou sent ce que signifie une immunité188. Le monde
juridique consacre la summa divisio entre immunité de fonds et
immunité de procédure, entre irresponsabilité et
inviolabilité, parfois concurrencée par la distinction entre
immunité absolue et immunité relative.
En faisant abstraction de tout débat sur la notion
d'immunité, elle s'entend au sens strict comme une « cause
d'impunité qui, tenant à la situation particulière de
l'auteur de l'infraction au moment où il commet celle-ci, s'oppose
définitivement à toute poursuite, alors que la
188 BOUDON (J.), « Le privilège
de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à
une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », In
CLEMENT (G.) et LEFEBRE (J.) (Dir.), Les immunités
pénales. Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA,
Collection Colloques, Paris, P.U.F, 2010, p. 31.
73
situation créant ce privilège a pris fin
»189. Ainsi, nous comprenons aisément qu'une
immunité est un privilège qui, accordé à une
personne, fait obstacle aux mesures de poursuite. Allant dans ce sens, le
Professeur Julien BOUDON affirme que tous les auteurs « s'accordent
pour affirmer qu'une immunité est synonyme d'exemption de charge, en
vertu de l'étymologie latine : le terme « munis » («
charge ») est précédé d'un « i » privatif
»190.
La notion d'immunité étant clarifiée,
nous nous intéressons à certaines immunités
accordées à certaines PPE (Paragraphe 1) et accorderons un
intérêt particulier à la problématique du
blanchiment lié aux comptes des missions diplomatiques (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les immunités attachées
à la qualité de certaines PPE : un obstacle majeur à
l'effectivité de la lutte anti-blanchiment
Il serait judicieux de jeter un regard sur la typologie des
immunités dont bénéficient les PPE (A) avant
d'évoquer les effets qu'elles pourront avoir sur les mesures des
poursuites en matière de blanchiment notamment au niveau
international(B).
A - La typologie des immunités des PPE
Les difficultés procédurales lors des poursuites
impliquant une PPE tiennent couramment aux immunités dont elles se
prévalent qu'elle soit parlementaire (1), membre de l'exécutif
(2) ou diplomate étranger (3).
1- L'immunité parlementaire
L'immunité parlementaire est régie par les
dispositions législatives de chaque Etat. Ainsi, pour le cas du Tchad
par exemple, l'article 117 de la Constitution du 04 mai 2018 dispose à
cet effet que « les membres de l'Assemblée Nationale
bénéficient de l'immunité parlementaire.
Aucun député ne peut être poursuivi,
recherché, arrêté ou jugé pour des opinions ou votes
émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.
Aucun député ne peut, pendant la
durée de session, être poursuivi ou arrêté en
matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de
l'Assemblée Nationale, sauf cas de flagrant délit.
189 CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
association Henri Capitant, Quadrige, 7ème édition,
Paris, PUF, 2005, p. 457.
190 BOUDON (J.), « Le privilège
de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à
une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit., p.
33.
74
Aucun député ne peut, hors session,
être arrêté sans l'autorisation du Bureau de
l'Assemblée Nationale, sauf en cas de flagrant délit, de
poursuites autorisées ou de condamnations définitives.
En cas de crime ou délit établi,
l'immunité peut être levée par l'Assemblée Nationale
lors des sessions ou par le Bureau de ladite Assemblée Nationale hors
session.
En cas de flagrant délit, le bureau de
l'Assemblée Nationale est immédiatement informé de son
arrestation ».
Pour le cas du Gabon, l'article 38 de la Constitution du 12
janvier 2018 à pratiquement le même contenu que les dispositions
de la loi tchadienne précipitée, à la différence
que le parlement Gabonais est bicaméral. Il en est de même du
Cameroun191.
Il résulte des dispositions des différentes
législations que la définition de l'immunité parlementaire
et ses conditions de mise en oeuvre protègent largement les
parlementaires dans l'exercice de leurs fonctions électives. Par voie de
conséquence, la levée de l'immunité reste assez
exceptionnelle.
Au Cameroun par exemple, le 07 août 2009, le bureau de
l'Assemblée Nationale a procédé à la levée
de l'immunité parlementaire du député Dieudonné
AMBASSA à la demande du ministère de la justice. Il était
accusé d'un préjudice financier subi par l'Etat notamment de
détournement de fonds publics d'un montant de 7 milliards de Francs CFA.
Avant lui, trois (3) autres parlementaires ont vu leur immunité
levée. Il s'agit de FON DOH GAH GWANYIN III en 2005, Edouard ETONDE
EKOTTO et André BOTO'O A NGON en 2006192.
L'immunité parlementaire protège, dans les Etats
de la CEMAC, les députés et sénateurs,
d'éventuelles pressions et intimidations venant du pouvoir politique, et
garantit leur indépendance ainsi que celle du parlement dans sa
totalité. Son utilité est démontrée, même si
elle retarde plus qu'elle n'empêche de conduire à bien certaines
enquêtes en matière d'attente à la probité. Il en
est de même pour les immunités du président et des membres
du gouvernement.
2- L'immunité de l'exécutif
Nous étudierons successivement l'immunité du
président (a) et celle des membres du gouvernement (b).
191 V. l'art. 14 al. 6 de la Constitution camerounaise de 18
janvier 1996 qui dispose que la loi détermine les immunités des
membres du parlement (députés et Sénateurs). A cet effet,
l'ordonnance N°72 du 26 août 1972 qui contient pratiquement le
même contenu que la Constitution tchadienne en son article 1er
traite de cette immunité parlementaire.
192 GAINGNE (S.), « Assemblée
Nationale : l'immunité parlementaire du député AMBASSA
ZANG levée », article de presse, publié le 11 août
2009 à 00h 00min sur
www.journalducameroun.com,
consulté le 20 juillet 2020 à 15h 22min.
75
a- L'immunité présidentielle
À la lecture de la Constitution camerounaise de 16
janvier 1996, la Haute Cour de justice est la juridiction compétente
pour juger le Président de la République en cas de haute
trahison193. Il est ainsi mis en accusation par l'Assemblée
Nationale et le Senat réunis en Congrès qui procède par un
vote public à la majorité de 4/5 des membres le
composant194.
Cette même Constitution de 1996 dispose en son article
53 al. 3 que « les actes accomplis par le président de la
République sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager
sa responsabilité à l'issue de son mandat ». Il
découle de ces dispositions que le Président de la
République au Cameroun n'est pas responsable des actes commis dans
l'exercice de ses fonctions et même après celles-ci, sauf en cas
de haute trahison. Et son immunité empêche de le poursuivre,
même pour des infractions commises dans sa vie privée, tant qu'il
exerce ses fonctions de chef d'Etat.
Allant dans le même sens, l'article 83 de la
Constitution de la République du Tchad dispose que « le
Président de la République n'est responsable des actes accomplis
dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison prévue
à l'article 157 ». Et aux termes de l'article 157, le Chef de
l'Etat est dans ce cas, justiciable de la Cour suprême qui est la haute
juridiction au Tchad.
Pour le cas du Gabon, nous retrouvons le même processus
qu'au Cameroun aux termes de l'article 78 de la Constitution. Et
l'alinéa 5 du même article mentionne que le Président de la
République qui a cessé d'exercer ses fonctions ne pourrait
être jugé, ni poursuivi par devant la Haute Cour.
L'on notera que, si cette immunité
présidentielle existe sur le plan national, celle-ci est de plus en plus
méconnue par le droit et les procédures pénales
internationales notamment pour des actes de crimes de guerres ou crimes contre
l'humanité. Ainsi, la Cour Pénale Internationale est
compétente, pour juger les actes d'un Chef de l'Etat, tant pendant le
mandat qu'après. L'on comprend aisément que si on admet que la
Haute Cour sanctionne une responsabilité politique et non pénale
car la seule peine prévue dans cette procédure étant la
destitution. Tandis que la Cour Pénale Internationale vise la
responsabilité pénale qui ne cesse pas avec la fin du mandat ou
d'une fonction195.
193 Cf. article 53 alinéa 1 paragraphe 1er de
la Constitution camerounaise de 1996.
194 Cf. alinéa 2 de l'art. 53 de la Constitution
camerounaise de 1996.
195 BOUDON (J.), « Le privilège
de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à
une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit., p.
37.
76
Toutefois, le Président de la République
bénéficie auprès des autres Etats de l'immunité de
juridiction et de l'immunité d'exécution196.
L'immunité présidentielle ainsi posée, est un obstacle
à la manifestation de la vérité, et à l'obtention
de la preuve pour délits de corruption, détournement et
blanchiment. Et dans une certaine mesure, il en est de même de celle des
membres du Gouvernement.
b- L'immunité des membres du
gouvernement
La base légale de l'immunité des membres du
Gouvernement au Cameroun est l'article 53 alinéa (1) de la Constitution
qui dispose en son paragraphe 1er que la Haute Cour de justice est
compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions par « le Premier Ministre, les autres membres du
Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'administration
ayant reçu délégation de pouvoirs en application des
articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de
l'Etat ». Ces dispositions donnent l'impression que les membres du
gouvernement ne sont pas responsables des actes commis par eux en dehors de
leurs fonctions. Bien au contraire, les membres du Gouvernement sont juste
bénéficiaires de privilège de juridiction pour ce qui est
des actes inhérents à leurs fonctions197.
La Constitution Gabonaise est plus explicite quant à la
question de la responsabilité pénale des membres du gouvernement.
Contrairement à son homologue camerounais, le législateur
gabonais dispose à travers l'article 33 de la Constitution que
« les membres du Gouvernement sont politiquement solidaires. Ils sont
pénalement responsables des crimes et délits commis dans
l'exercice de leurs fonctions ». À l'interpréter, l'on
comprend que les membres du Gouvernement sont justiciables des juridictions
ordinaires pour répondre des actes posés par eux, même dans
l'exercice de leurs fonctions. Cette disposition est de nature à
permettre l'engagement de poursuites pénales des membres du Gouvernement
auteurs de BC/FT.
Empruntant les mêmes pas que son homologue gabonais, le
législateur tchadien dispose à travers l'article 108 al. 2 de
Constitution de 2018 que « les membres du Gouvernement sont
justiciables devant les juridictions de droit commun pour les crimes et
délits économiques et financiers commis par eux dans l'exercice
de leurs fonctions ». Cette disposition constitutionnelle est plus
qu'explicite pour ce qui est de poursuites d'un membre du Gouvernement pour des
malversations financières tel que le BC/FT.
196 Nous verrons dans le développement suivant les
effets de ces immunités sur les poursuites engagées à
l'international.
197 BOUDON (J.), « Le privilège
de juridiction de l'article 68-1 de la Constitution s'apparente-t-il à
une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », Op.cit. p.
36.
77
Comme les autres immunités, l'immunité
diplomatique n'est pas un avantage pour la lutte anti-blanchiment.
3- L'immunité diplomatique
A l'origine coutumière, l'immunité des agents
diplomatiques (ambassadeurs, conseillers et attachés d'ambassade) a
été codifiée par la Convention de Vienne du 18 avril 1961
sur les relations diplomatiques, et celle des agents consulaires, par la
Convention de vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. La
Convention des Nations Unies du 02 décembre 2004 sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens procède
à la même entreprise de codification à l'égard de
hauts représentants de l'Etat.
L'immunité des représentants des Etats a
été, par analogie, étendue aux fonctionnaires des
organisations internationales installées sur le territoire et aux
membres des délégations étrangères auprès de
ces organisations198.
Comme pour les autres bénéficiaires,
l'immunité du personnel diplomatique ne couvre, en principe que les
délits ou erreurs commises dans l'exercice de ses fonctions. Autrement
dit, le diplomate ne saurait invoquer son immunité fonctionnelle dans
des affaires privées. Toutefois, cette immunité permet, dans
certaines circonstances à certaines personnes ayant des comportements
répréhensibles, d'échapper à toute sanction
judiciaire199.
L'immunité diplomatique est un ensemble de
privilège qu'un Etat hôte accorde aux membres du corps
diplomatiques d'un pays tiers durant leur séjour. Cette immunité
comprend principalement des exonérations fiscales, des
exonérations de contrôle des effets personnels aux
frontières (l'inviolabilité de la valise diplomatique par
exemple), l'inviolabilité des ambassades et des résidences... En
matière pénale, aucune poursuite ne peut être
engagée à l'encontre d'une personne bénéficiant de
l'immunité diplomatique. Cependant, l'immunité diplomatique peut
être levée, en cas de crime grave (à l'exemple du
blanchiment) avec preuves et l'autorisation du pays dont l'agent diplomatique
ou consulaire assure la représentation, par accord écrit du Chef
de l'exécutif et contresigné par le Ministre des affaires
étrangères de son pays d'origine. Lorsque le pays du diplomate
s'oppose à la levée de cette protection, le seul moyen d'agir
pour le pays hôte reste de le déclarer « persona non
grata » et de l'expulser. Le
198SINKONDO (M.), « Crime et
immunités diplomatiques : le droit international peut-il à la
fois souffler le chaud et le froid ? » In CLEMENT (G.) et LEFEBRE
(J.) (Dir.), Les immunités pénales.
Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA, Collection colloques,
Paris, PUF, 2010, p. 172.
199 SUSEC (S.), Le secteur bancaire et
financier français face à la corruption : un système
d'intégrité en construction, Op.cit., p. 213.
78
diplomate considéré comme tel retournera, dans
la plupart de cas, dans son Etat d'origine, avec une mise à pied de ses
fonctions, mais sans poursuites.
Les immunités posent des véritables
difficultés à l'efficacité de la lutte contre le
blanchiment des capitaux liant les PPE. Et nous pensons que revoir le
régime de levée des immunités de façon
exceptionnelle dans les cas de détournement, de corruption et
éventuellement de blanchiment serait une avancée
considérable dans la lutte contre les malversations financières
des PPE.
Il ressort ainsi de l'analyse que les immunités quelles
qu'elles soient, constituent autant d'obstacles à la lutte contre le
blanchiment des capitaux liant les hautes personnalités, car elles
produisent des effets dans la mise en oeuvre des procédures de
poursuites à l'égard des PPE tant nationales
qu'étrangères.
B - La problématique de poursuites pour
blanchiment face aux immunités des PPE étrangères
L'Etat étant souverain et garant de
l'intérêt général qu'il protège, lui et ses
démembrements bénéficient des privilèges et
immunités. Ainsi, selon la coutume et le droit international, un Etat
étranger ne pourrait être justiciable d'une juridiction d'un autre
Etat (c'est l'immunité de juridiction) ni faire l'objet de mesure de
saisi sur ces biens (c'est l'immunité d'exécution).
À cet effet, comme nous l'avons vu haut, les personnes
en charge de l'intérêt de l'Etat bénéficient de ces
diverses immunités pour leur permettre de mener à bien leurs
missions. C'est ainsi que les membres de représentations de l'Etat et
toutes les personnes en charge des intérêts de l'Etat,
bénéficient des immunités de juridiction (1) et
d'exécution (2), qui constitue par ailleurs des obstacles pour le
dispositif de lutte anti-blanchiment des PPE tel qu'évoqué plus
haut.
1- La poursuite pour blanchiment et l'immunité
de juridiction pénale
Dans le cadre de la lutte contre la corruption, le
détournement et le blanchiment, comme nous l'avons vu plus haut, les
Etats ont adoptés des nombreuses Conventions internationales leur
imposant d'adapter leurs législations pénales, de mettre en place
des mécanismes de coopération judiciaire afin, en particulier, de
réussir à procéder à la restitution des fonds
détournés, ayant fait l'objet du blanchiment, en direction des
populations spoliées.
79
S'il a fallu de nombreuses années aux Etats pour qu'ils
se saisissent de ce problème sous l'angle du droit international, ce
même droit, loin d'être le seul moteur de la lutte contre la
corruption, constitue aussi un frein important lorsque l'Etat du fort, l'Etat
sur le territoire duquel se situent les biens mal acquis, lance des poursuites
au pénal contre les représentants en fonction d'un Etat
étranger200.
Il est généralement convenu que les
immunités dont bénéficient les représentants d'un
Etat étranger doivent les protéger contre tout acte
d'autorité afin d'assurer qu'ils puissent exercer librement leurs
fonctions. Ainsi, un dirigeant en fonction ne pourrait faire l'objet de
poursuites au pénal devant une juridiction étrangère
conformément aux règles du droit international, ce qui constitue
un obstacle à la lutte contre la corruption et le blanchiment liant les
PPE201.
Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation
rappelle que tous les représentants en fonction de l'Etat
étranger ne jouissent pas de la même immunité de
juridiction pénale. Si les représentations de rang
élevé, le Chef d'Etat étranger, le Chef du gouvernement
étranger ou le Ministre des affaires étrangères de l'Etat
étranger, disposent lorsqu'ils sont en exercice d'une immunité
absolue dite « personnelle «, les autres
représentants bénéficient seulement d'une immunité
relative dite « fonctionnelle « restreinte aux actes
relevant de leurs fonctions202.
C'est ainsi que dans l'affaire Téodoro Obiang, le
Tribunal correctionnel de Paris à rejeter l'argument sur
l'immunité pénale de juridiction pour reconnaitre sa
compétence en avançant que les actes de blanchiment commis par le
vice-président de la Guinée sont effectués à des
fins personnelles et comme tels, ne pourraient bénéficier de
l'immunité pénale de juridiction203.
200 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des
« biens mal acquis » à l'épreuve du droit des
immunités internationales : quelques observations à propos du
différend opposant la Guinée Equatoriale à la France
», In Revue de droit international d'Assas, N°1, 2018, p. 46
et s.
201 CHAIKIN (D.), « Législation
internationale en matière de lutte contre le blanchiment d'argent :
comment engager la responsabilité des dirigeants politiques
vis-à-vis de l'étranger », In U4 BRIEF, N°20,
décembre 2011. Article (PDF), disponible en ligne sur
www.u4.no. Consulté le 01
août 2020.
202 V. à propos de l'immunité personnelle, Cass.
Crim., 13 mars 2001, Procureur général près la Cour
d'Appel de Paris c/Association SOS Attentats et autres, N° 00-87.2015 :
« la coutume internationale s'oppose à ce que les Chefs d'Etats en
exercice puissent en absence de dispositions internationales contraire
s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuite devant les
juridictions pénales d'un Etat étranger » ; à propos
de l'immunité fonctionnelle, Cass. Crim., 19 janvier 2010, Association
de Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs
« Fenvac SOS catastrophe » et autres, N° 09-84.818 : « la
coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des Etats devant les
juridictions pénales d'un Etat étranger s'étend aux
organes et entités qui constituent l'émanation de l'Etat ainsi
que leurs agent en raison d'acte (...) relèvent de la
souveraineté de l'Etat concerné ». La commission du droit
international des Nations Unies a retenu la même distinction dans le
cadre de ses travaux sur l'immunité de juridiction pénale
étrangère des représentants de l'Etat.
203 GRANDAUBERT (V.), «
La saisie des « biens mal acquis » à l'épreuve
du droit des immunités internationales: quelques observations à
propos du différend opposant la Guinée Equatoriale à la
France », Op.cit. p. 47. V. également, à cet effet, le
projet d'article 3 (bénéficiaires de l'immunité rationae
personae) de la commission de
80
Il ressort ainsi de l'analyse que les mesures de poursuites
pour blanchiment des capitaux ou financement de terrorisme pourraient se
heurter à l'immunité de juridiction pénale dont
bénéficient certaines PPE qui, il faut le dire, constitue un
obstacle au dispositif anti-blanchiment et il en est de même des
immunités des mesures de contraintes ou immunité
d'exécution.
2- La confiscation et la saisie des biens blanchis et les
immunités de mesures de contraintes en matière
pénale
La restitution de fonds détournés et blanchis,
par les PPE, à la population victime est tributaire de la confiscation
pénale et de la condamnation au fond du blanchisseur. En plus de
l'obstacle lié à l'immunité de juridiction pénale
évoquée plus haut, la lutte anti-blanchiment contre les PPE fait
face à une éventuelle immunité à l'égard des
mesures de contrainte (inviolabilité ou immunité
d'exécution).
Il est généralement accepté que l'Etat
hôte qui reçoit une représentation d'un autre Etat, doit
accorder une protection absolue en matière pénale aux locaux de
la mission, aux logements privés occupés par les
représentants de l'Etat étranger et à leurs bien
conformément au droit et à la coutume internationale. Toute
tentative par l'Etat du for de mettre en oeuvre une mesure de contrainte sur un
bien immeuble ou meuble entraverait sur son inviolabilité
personnelle204. Ainsi, en dehors d'une mission spéciale ou
diplomatique, le bénéfice de l'immunité d'exécution
ou de mesure de contrainte pénale s'effectue en obéissant
à la distinction évoquée dans la précédente
partie. C'est-à-dire que l'on distinguera s'il s'agit d'une personne
bénéficiant d'une immunité personnelle (donc couvrant ses
biens personnels) ou d'une immunité fonctionnelle (limitée aux
actes inhérents à sa fonction).
Le droit international n'attribue pas l'immunité
d'exécution aux bénéficiaires de l'immunité
fonctionnelle sur leurs biens. Contrairement à l'immunité
personnelle, l'immunité fonctionnelle ne s'accompagne pas d'une
inviolabilité. Son seul objet est de protéger les actes de
fonctions attribuables à l'Etat étranger. En conséquence,
elle se désintéresse de la situation personnelle du
bénéficiaire205.
droit international des Nations Unies qui dispose « les
Chefs d'Etat, les Chefs de gouvernement et les Ministres des affaires
étrangères bénéficient de l'immunité
rationae personae à l'égard de l'exercice de la juridiction
pénale étrangère » In CDI, Rapport de la commission
de droit international, Ann. CDI, A/68/10, 2013, p. 59.
204 GRANDAUBERT (V.), « La saisie des
« biens mal acquis » à l'épreuve du droit des
immunités internationales : quelques observations à propos du
différend opposant la Guinée Equatoriale à la France
», Op.cit., p. 48.
205 Ibidem.
81
Au sens de la Convention de Vienne de 1961, les Chefs d'Etats
étrangers, les Agents diplomatiques étrangers, les Chefs du
gouvernement et les Ministres des affaires étrangères
bénéficient de l'inviolabilité et de l'immunité
d'exécution dont, les mesures des contraintes pénales ne
pourraient s'appliquer à leurs égards.
Dans le différend qui lie la Guinée Equatoriale
à la France, les juridictions françaises ont saisi les biens du
vice-président qui, selon elles ne relèvent pas de
l'immunité personnelle, mais la Guinée a saisi la Cour
internationale de justice sous prétexte que ces biens appartiennent
à l'Etat et donc bénéficient de l'immunité
d'exécution206.
Nous constatons que les immunités dont
bénéficient les PPE tant nationales qu'étrangères
constituent un véritable frein à l'efficacité de la lutte
contre le blanchiment dont elles seraient coupables. Ceci d'autant que le
compte bancaire des missions diplomatiques, du fait de la protection qui lui
est accordée, est un véritable instrument de blanchiment.
Paragraphe 2 : La problématique du blanchiment
lié à la protection des comptes des missions diplomatiques
Sans faire une répétition de ce que nous avons
évoqué plus haut, nous ferons un petit rappel des
immunités diplomatiques avant de chuter sur les comptes bancaires des
missions diplomatiques.
L'Etat et ses démembrements sont titulaires des
immunités tant de juridictions que d'exécutions. Ainsi, l'Etat ne
peut pas être, comme nous l'avons vu plus haut, astreint devant la
juridiction d'un Etat étranger et ni même voir se faire
réquisitionner ou saisir les biens dont il est titulaire. Fort de cela,
les ambassades et consulats, qui sont les représentants de l'Etat
à l'étranger, bénéficient eux aussi des
privilèges et inviolabilité empêchant toutes mesures
contraignantes à leur égard. Ces représentations de l'Etat
à l'étranger sont qualifiées des « missions
diplomatiques «.
La diplomatie peut s'entendre comme la pratique, l'action et
la manière de représenter un Etat auprès d'un autre Etat
étranger ou dans les négociations internationales, de concilier
leurs intérêts respectifs ou de régler un problème
international sans recours à la force. C'est aussi l'art des
négociations entre gouvernements et comme telle, elle a
été mise en place pour favoriser la paix internationale.
206 La CIJ en attendant de se prononcer sur le fonds a
suspendu les mesures de confiscation et de saisie prononcée par les
juridictions françaises.
82
Pour permettre aux missions diplomatiques de mener à
bien leurs missions, les textes internationaux prévoient les
privilèges et les inviolabilités dont elles
bénéficient en ces termes : « 1) les locaux de la
mission sont inviolables. Il n'est pas permis aux agents de l'Etat
accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le consentement du
chef de la mission. 2) l'Etat accréditaire à l'obligation
spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin
d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou
endommagés, la paix de la mission troublée, ou sa dignité
amoindrie. 3) les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets
qui, s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent
faire l'objet d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure
d'exécution »207. Ainsi, nous comprenons
aisément que les représentations de l'Etat à
l'étranger jouissent d'un statut particulier qui les protège
contre les éventuelles mesures de contraintes.
L'alinéa 3 de l'article précité mention
l'ensemble des biens qui ne peuvent faire l'objet de perquisition ou de saisie
mais ne mentionne pas de façon expresse la protection du compte
bancaire. Toutefois, l'article 22 de la Convention de 1961 ajoute en son
alinéa 1 que « l'Etat accréditaire accorde toutes
facilités pour l'accomplissement des fonctions de la mission ».
Et la Cour d'Appel de Paris déduit que « la protection des
valeurs inscrites sur les comptes bancaires ouvertes au nom d'une ambassade
pour les besoins de son activité de service public sur le territoire de
l'Etat accréditaire découle des règles du droit des
relations diplomatiques et relève du régime spécifique des
immunités diplomatiques »208. Ces valeurs sont par
conséquent insaisissables, et ne peuvent faire l'objet d'aucune
perquisition.
Allant dans le même sens que la Cour de Paris, un autre
texte international mentionne que « les biens, y compris les comptes
bancaires, utilisés ou destinés à être
utilisés aux fins de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes
consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès
des organisations internationales ou aux conférences internationales
»209 sont insusceptibles de mesures de contrainte ou de
saisie, car ils jouissent des immunités.
Au vu de ces différents textes, nous comprenons
aisément que les comptes de missions diplomatiques étant
protégés, ne peuvent pas faire l'objet d'une perquisition, d'une
saisie, et encore moins de gel des fonds qui y sont inscrits. Toutes mesures
qui constituent le préalable dans la lutte anti-blanchiment. Et cette
protection met en mal le dispositif tant préventif (puisqu'aucune
déclaration de soupçon ne pourrait être faite et même
si elle l'été, les mesures
207 Cf. art. 22 de la Convention de Vienne de 18 avril 1961 sur
les relations diplomatiques.
208 Cour d'appel de Paris, 1er ch. Sect. A. Aff. Ambassade de
Fédération de Russie en France c/ la société NOGA,
10 août 2000, consulté sur
www.legifrance.gouv.fr le 02
août 2020.
209 Art. 21 de la Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 02
décembre 2004.
83
concourant à contrer les délinquants se
heurteront aux immunités qui protègent les comptes bancaires) que
répressif. Ceci d'autant que les chefs des missions diplomatiques comme
nous l'avons vu haut sont des PPE et donc des personnes à haut risque de
blanchiment et cette protection accordée aux comptes bancaires dont ils
ont accès est une mine aux pieds du dispositif anti-blanchiment. Ainsi,
ces comptes sont un outil privilégié des blanchisseurs. Soit les
diplomates eux-mêmes initient le blanchiment ou aident les blanchisseurs
à mettre en place des organisations criminelles.
A titre d'illustration des cas de blanchiment liant les chefs
des missions diplomatiques, nous retenons l'affaire de l'ambassadeur de la
Suisse au Luxembourg, qui a été démis de ses fonctions le
08 juillet 2002 du fait de l'accusation de blanchiment aggravé qui
pesait sur lui et a été mis en détention préventive
en cette date210.
Aussi la banque américaine Riggs, réputée
être la banque préférée des ambassadeurs à
Washington, est liée à des affaires louches et aurait
violée de façon délibérée les lois sur le
contrôle de transactions et le blanchiment des capitaux. Elle fut
condamnée à 25 millions de dollars d'amande pour avoir
hébergé le compte de la femme de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite
destiné aux bourses des étudiants saoudiens nécessiteux.
Or deux des étudiants accusés d'être piratés de
l'air du 11 septembre 2001 avaient
bénéficiés211.
Tous ces exemples justifient la réticence de certaines
banques à avoir ou à conserver des clients diplomates. C'est
l'exemple de la banque américaine JP Morgan Chase qui a envoyé
des lettres à 150 ambassades auprès de l'ONU, en les informant de
la clôture de leurs comptes bancaires au 31 mars 2011212. Il
en est de même de la banque britannique HSBC213 qui a
annoncé en 2013 que les 40 ambassades et consulats basés à
Londres qui ont des comptes chez elle avait 60 jours pour retirer leur
argent214.
Les instruments juridiques protègent les comptes des
missions diplomatiques pour permettre aux représentants de l'Etat
étranger d'effectuer en toute quiétude leurs missions, mais
malheureusement certains diplomates mal intentionnés profitent de cette
protection pour commettre des actes de blanchiment. Nous pensons que pour
donner, sinon renforcer, l'efficacité de la lutte anti-blanchiment
à l'égard des PPE, dont les chefs des missions
210 V. TCHABO SONTANG (H. M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Op.cit.,
p. 33.
211 `'L'empire suspecte les comptes de diplomates «
Réseau Voltaire, 17 mars 2004. Cité par TCHABO SONTANG
(H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent
en zone CEMAC, Op.cit.
212 KARIM (L.), « Les missions
diplomatiques aux Nations Unies privées de comptes bancaires »,
article de presse publié le 04 février 2011 sur
www.rfi.fr. Consulté le 31
juillet 2020.
213 C'est la Hongkong and Shanghai Banking Corporation
Limited.
214
www.latribunene.fr ,
Consulté le 28 juillet 2020.
84
diplomatiques font partie, les autorités
internationales, communautaires et nationales se doivent de revoir cette
protection, surtout en cas de soupçon grave de blanchiment des capitaux
et/ou du financement de terrorisme.
Les limites à la lutte anti-blanchiment liées au
système juridique ne sont pas seulement dues à la qualité
de certaines personnes, mais aussi relatives à certaines
opérations.
SECTION II : Les limites juridiques liées
à certaines opérations
Les pratiques bancaires ont développé à
côté des activités classiques dévolues aux banques
que sont la réception des fonds du public et l'octroi du crédit,
d'autres activités telles que le conseil en investissement et la
location des coffres forts. Cette dernière activité est
utilisée dans une certaine confidentialité faute d'une
réglementation moins sévère sur cette activité. Le
contrat de location de coffre-fort est légal mais son régime
juridique fait que le coffre soit utilisé à des fins de
blanchiment (Paragraphe 1). Il faut cependant noter qu'au rang des limites
juridiques à la lutte contre le blanchiment des capitaux, la non prise
en compte de certaines personnes au risque élevé de blanchiment
comme des PPE est à inscrire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les risques de blanchiment liés
à l'utilisation du coffre-fort
Avant d'évoquer la possible utilisation du coffre-fort
aux fins de blanchiment, il importe de préciser la notion de location de
coffre-fort.
La location de coffre-fort peut être définit
comme un contrat par lequel un établissement de crédit met
à la disposition d'un client un coffre-fort afin que celui-ci y
dépose des objets ou valeurs pour les conserver en
sécurité215.
La nature juridique de ce contrat fait l'objet d'une
véritable controverse. Un certain nombre de qualifications ont
été proposées : L'argumentation qualifiant la location des
coffres forts comme étant un contrat de dépôt fut
avancée, mais n'a pas pu convaincre car, le banquier ne reçoit en
réalité rien et ignore totalement ce qui est dans le
coffre-fort216. L'argumentation de contrat de louage fut alors
avancée, mais elle fait l'objet des critiques. En effet, contrairement
au contrat de louage, dans la location de coffre-fort, le banquier ne se
contente pas de remettre un local à la disposition du client (Cass.
Crim. 11 octobre 2015 N°03-10975). La qualification de louage ainsi
évoquée a d'abord été avancée par ce que
l'on se disait que la location du
215 g. BONNEAU (T.), Droit bancaire,
12ème édition, Bruylant, Paris, 2017, p. 586.
216 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.) et MOREIL (S.),
Droit bancaire, 10ème édition,
Dalloz, Paris, 2010, p. 194.
85
coffre-fort répondait à la définition du
contrat de louage donnée par l'article 1709 du code civil selon laquelle
« le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties
s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et
moyennant un certain prix que celui-ci s'oblige de lui payer ».
Certes comme le louage, au sens de cet article, la location de coffre-fort
oblige le banquier à mettre à la disposition du client une chose
pour qu'il en ait jouissance. Toutefois ce contrat fait peser sur le banquier
une obligation principale de surveillance qui n'est qu'accessoire dans le
louage de droit commun et ne permet pas au client à la différence
dudit louage, d'avoir une jouissance directe, mais seulement indirecte puisque
l'accès au coffre nécessite l'intervention du
banquier217.
Force est de reconnaitre qu'il s'agit d'un contrat « Sui
generis » que l'on peut classer dans les contrats dits de « garde
» : en effet, l'essentiel de l'objet du contrat tient dans la surveillance
exercée par le banquier218.
En dépit de tout débat sur la nature juridique
du contrat de location de coffre-fort, nous retenons que le banquier a au moins
deux obligations à l'égard de son client : une obligation de
moyen qui consiste à s'assurer que la personne qui cherche à
avoir accès au coffre-fort est le client ou du moins son mandataire (sur
la base de cette obligation, la responsabilité du banquier ne sera
retenue que s'il commet une faute manifeste) et une obligation de
résultat qui est la surveillance ou la garde du coffre-fort
(méconnaitre cette obligation c'est engager sa
responsabilité).
Aussi, il faut le rappeler, le banquier ignore le contenu du
coffre-fort qu'il a l'obligation de surveiller. Et les blanchisseurs dans leur
perpétuelle recherche de moyens de blanchiment trouvent le coffre-fort,
du fait de la confidentialité dans son utilisation, comme un
véritable outil de blanchiment. Ainsi, ils trouvent dans l'institution
du coffre-fort une sécurité multidimensionnelle dont les
principales illustrations, soulignés hauts, sont d'une part la
discrétion et d'autre part l'obligation de surveillance renforcée
du banquier. Le coffre-fort apparait alors comme, un maillon faible de la
surveillance anti-blanchiment219. Ceci d'autant que le coffre
pourrait jouer un grand rôle dans la phase de placement, car le
délinquant
217 V. MAULAURIE (P.) et AYNES (L.), Les
contrats spéciaux, 8éme édition, 1994-1995, Cujas
n°868, p. 477. V. également MAULAURIE (P.), AYNES (L.) et
GAUTIER (P.-Y.), Droit des contrats spéciaux,
8éme édition, LGDJ, collection Droit civil, 2016, p. 387 et S.
218 DEKEUWER-DE FOSSEZ (F.) et MOREIL (S.),
Droit bancaire, Op.cit.
219 « Coffres forts bancaires le meilleur endroit pour
blanchir l'argent en toute tranquillité », article de presse
publié le 14 septembre 2013 sur le site
www.atlantico.fr. Extrait
de «cache cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui
circule en France «, DELA HOUSSE (M.) et
LEVEQUE (T.), Edition Flammarion, 2013, consulté le 03
août 2020.
86
cacherait ainsi sa fortune à la vue de tous, le temps
pour lui d'élaborer les techniques d'empilement et de
réintégration en toute tranquillité.
L'illustration de l'utilisation du coffre-fort à des
fins du blanchiment est `'l'affaire de la caisse noire du patronat»
qui a éclatée en 2007 en FRANCE. Après que
l'organisme anti-blanchiment TRACFIN eut donné l'alerte et qu'une
enquête fut ouverte, les perquisitions se sont alors
avérées fluctueuses : à l'agence BNP Paribas de la place
des Ternes, a été retrouvé 2 millions d'euros tous ronds.
Et le coffre contenant la somme n'était pas loué au nom de
l'UIMM220, propriétaire du magot, mais d'une association de
documentation et d'assistance aux entreprises221. Les blanchisseurs
utilisent non seulement les coffres aux fins de blanchiment mais prenant le
soin de cacher leur identité. Dans ce sens le chef de la police de Paris
affirme que les coffres forts sont quelque fois loués au nom de la
copine, de la grande mère etc.222 ce qui rend la
détection difficile. Pour ce qui est de notre étude, les PPE sont
des potentiels utilisateurs des coffres forts223.
La possible utilisation du coffre à des fins de
blanchiment serait encore plus élevée lorsque des personnes ayant
des risques élevés de blanchiment ne sont pas
considérées comme tel au regard du dispositif
anti-blanchiment.
Paragraphe 2 : La non prise en compte de certaines
personnalités aux risques élevés de blanchiment comme
des PPE
L'énumération des personnalités
considérées comme des PPE par les législateurs
communautaires, conformément aux Recommandations internationales, est
restreinte. En effet, une grande catégorie de personnes ayant
accès aux fonds publics nous semble être exclue (B). Et
l'efficacité de lutte contre la criminalité financière des
PPE se heurte dans la sous-région CEMAC aux problèmes liés
à la tenue des registres d'état civil (A) qui rendent
l'identification difficile.
220 UIMM signifie : Union des Industries et Métiers de la
Métallurgie. C'est une fédération patronale
française regroupant, dans le domaine de la métallurgie, les
entreprises françaises.
221 « Coffres forts bancaires le meilleur endroit pour
blanchir l'argent en toute tranquillité », article de presse
publié le 14 septembre 2013 sur le site
www.atlantico.fr, extrait
de «cache cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui
circule en France « DELA HOUSSE (M.) et
LEVEQUE (T.), Edition Flammarion, 2013,
consulté le 03 août 2020.
222 Ibidem
223 Dans l'affaire précitée de l'ambassadeur de
Suisse au Luxembourg, l'ambassadeur a été surpris par la police
avec des sacs en plastiques contenant des milliers de billets pour traverser
les frontières (V. LEGER (L.), « L'ambassadeur
transportait des billets dans des sacs en plastique », article de presse
publié le 02 septembre 2002 à 00h 00mn sur
www.leparisien.fr.
Consultée le 10 août 2020). Ce qui laisse croire que les
blanchisseurs, quelle que soit leur catégorie n'hésiteront pas
à utiliser tous les moyens qui se présenterons à eux.
87
A - La problématique de la tenue des registres
d'état civil dans la
CEMAC
L'identification est le préalable dans le dispositif
anti-blanchiment. Car, pour prononcer une mesure de saisie, de gèle ou
de confiscation, l'autorité judiciaire a besoin d'établir le lien
entre le délinquant ou l'infraction et le bien à confisquer. Les
confiscations portent ainsi sur les biens appartenant à la personne
condamnée, directement ou indirectement. Or, la tenue d'un registre fait
problème dans la plupart des Etats de la CEMAC, ce qui fait naitre de
nombreuses difficultés dans la mise en oeuvre des mesures
anti-blanchiment ; car l'on peut faire face à des situations dans
lesquelles, le blanchisseur à fait usage d'une fausse
identité.
A cause des nombreuses instabilités
(sécuritaires, politiques et institutionnelles) connues par certains
Etats de la CEMAC à cause des guerres civiles et autres, il arrive que
des personnes se retrouvent sans identité parce que leurs pièces
officielles ont été détruites ainsi que les registres
d'Etat civil sur lesquels elles avaient été enregistrées.
Les pièces d'identité leur sont alors délivrées sur
la seule base de leurs déclarations et rien ne les empêche de
mentir sur leur véritable identité224.
C'est le lieu de souligner que même si cette
hypothèse ne semble pas liée une PPE, il n'est pas exclu que des
personnes qui lui sont liées ou des membres de sa famille s'y
retrouvent.
Il arrive également que des personnes se retrouvent
avec de multiples identités. C'est le cas lorsqu'elles profitent de
l'absence de registres d'identification pour se faire établir des
pièces d'identité officielles sous une autre identité.
C'est aussi le cas lorsque ces personnes profitent de la complicité de
certaines autorités administratives pour se faire établir des
nouvelles pièces d'identités sous un autre nom225.
Ainsi, l'identification ou la détermination d'une PPE
qui serait bénéficiaire effective d'une opération
effectuée par une telle personne ne serait pas facile. Ceci d'autant que
les PPE ont le pouvoir de faire établir, à travers la
complicité des certaines autorités administratives, à leur
complice ou à leur proche des pièces officielles qui rendraient
difficiles leurs identifications et elles échapperont ainsi à
toute punition grâce à l'anonymat que cela offre.
Il serait encore plus facile pour ces personnes qui se livrent
aux activités de blanchiment si elles ne sont pas
considérées comme ayant un risque accru.
224 V. NGAPA (T.), La lutte contre le
blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC
:
analyse à la lumière des normes et standards
européens et internationaux, Op.cit., p. 391.
225 Ibidem.
88
B - La nécessité d'élaborer une
liste extensive des PPE
Il est important de rappeler ici que le fondement de
l'adoption des mesures particulières en matière de blanchiment
à l'égard des hautes personnalités que sont les PPE est
avant tout la lutte contre la corruption et le détournement des fonds
publics. Or, la Recommandation du GAFI et la réglementation CEMAC ne
prennent pas en compte dans leur qualification des PPE des personnes ayant
accès à d'importants fonds publics.
Nous faisons ainsi allusions aux dirigeants des
collectivités territoriales décentralisées226.
En effet, à la lecture des différents textes nationaux des Etats
membres de la CEMAC, il est mentionné clairement que ces
collectivités jouissent de l'autonomie administrative et
financière pour la gestion des intérêts de leurs
localités227. Elles ont ainsi leur budget propre et un organe
qui les administre228. Ainsi, les personnes qui font partie de leur
organe de gestion ont facilement accès à leur fonds qui sont par
ailleurs de fonds appartenant à l'Etat. Et n'hésite pas à
les détourner.
À titre d'illustration, à la fin de
l'année 2019, l'ancienne maire de ville (2016-2018) de la capitale
Tchadienne (Ndjamena), Mme Mariam Djimet Ibet et trois de ses collaborateurs
ont étaient arrêtés et déférés
à la maison d'arrêt de Ndjamena. Cette information qui a
été publiée par l'Agence de Presse Africaine, mentionne
que les poursuites ont été lancées à la suite d'une
plainte de l'Inspection Générale d'Etat qui a diligenté
une mission de contrôle de la gestion financière de
l'équipe de Mme Djimet Ibet. Les enquêteurs ont ainsi
découvert le détournement d'importantes sommes d'argent dont le
montant exact n'a pas été rendu public. Outre la maire, l'adjoint
maire et le directeur des affaires administratives et financières sont
également mis en cause229.
En attendant de voir la décision des autorités
judiciaires quant à la suite de l'affaire, l'on peut déjà
mesurer les risques accrus de corruption, de détournement et dont de
blanchiment que pourraient commettre les dirigeants des collectivités
territoriales décentralisées qui semblent être perdus de
vue jusqu'ici par le législateur dans sa définition des personnes
politiquement exposées.
226 Au terme de l'article 201 de la Constitution du Tchad
« les collectivités autonomes de la République du Tchad
sont : les provinces et les communes » et pour le Cameroun,
l'alinéa 1 de l'article 55 de la Constitution dispose que « les
collectivités territoriales décentralisées de la
République sont les régions et les communes. Tout autre type de
collectivité territoriale décentralisée est
créée par la loi ».
227 Cf. article 55 al. 2 de la Constitution du Cameroun. V.
également l'article 202 de la Constitution du Tchad.
228 V. MATTRET (J.-B.), Les finances
locales, édition du CNFPT, 2006, p. 25 et S.
229 Informations accessible sur
www.apanews.net,
consultée le 30 juillet 2020.
89
D'ailleurs un auteur souligne à cet effet, que
« la liste des PPE prévue par la législation n'a pas
intégré d'autres fonctions dont la vulnérabilité
à la corruption et au blanchiment est aussi importante
»230. Il s'agit entre autres des maires, des responsables
ou gouverneurs des régions ou provinces, des dirigeants
religieux231.
Nous pensons qu'il serait de l'intérêt de
l'efficacité de la lutte contre la mauvaise gestion de la chose publique
d'étendre la liste des PPE afin d'y intégrer cette
catégorie de personnes précitée, mais de façon plus
large tous les fonctionnaires des régies financières ou du moins
les ordonnateurs232 et les comptables233 publics.
230 R. de RUIG, « Mauvaise influence ;
In dossier : blanchiment et terrorisme », Revue Banque, N°
695, Octobre 2007, p. 42.
231 Ibidem.
232 Un ordonnateur est une autorité administrative qui
autorise les dépenses publiques. A ce sens, le premier ordonnateur dans
un Etat est le Ministre en charges des finances.
233 Le comptable au sens des finances publiques est la
personne qui manie les fonds de l'Etat à l'exemple du Trésorier
payeur général.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
90
La lutte contre la criminalité financière ne
peut avoir de sens que si les délinquants sont effectivement
sanctionnés. Or, les PPE du fait de fonctions qu'elles occupent, sont
bénéficiaires des immunités pénales qui font
obstacle aux mesures de poursuites et de contraintes sur les biens qu'elles
soient engagées au niveau interne ou international. En plus des
immunités, le système juridique est complaisant à
l'égard de certaines opérations financières. Tel est le
cas de la protection juridique accordée à l'utilisation du
coffre-fort, qui peut favoriser des activités de BC/FT. Aussi, la
sous-région CEMAC rencontre d'énormes problèmes
liés à la tenue de registres d'état civil qui constituent
une véritable entrave au dispositif anti-blanchiment.
CONCLUSION DE LA PARTIE II
91
De tout ce qui précède, l'analyse nous a permis
de mettre au clair les difficultés à la mise en oeuvre du
dispositif anti-blanchiment de la CEMAC à l'égard des PPE. En
effet, les failles que comportent les systèmes bancaire et financier
liées d'une part à l'avènement du numérique et les
risques de blanchiment des certaines opérations. Et d'autre part dues au
rôle que jouent les paradis fiscaux dans les activités de
blanchiment, en couvrant les malversations financières dont les PPE sont
coupables. Aussi, la complaisance du système juridique à
l'égard des certaines PPE et des certaines opérations est un
véritable obstacle pour l'effectivité du dispositif
anti-blanchiment et la non prise en compte de certaines personnalités
publiques comme des PPE auxquelles s'ajoutent les problèmes de registres
d'état civil, constituent des véritables mines aux pieds du
dispositif anti-blanchiment.
CONCLUSION GÉNÉRALE
92
Au terme de notre analyse, l'on constate que la lutte contre
le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme liant les PPE est
bien prise en compte par le législateur communautaire. Cette lutte est
constituée pour l'essentiel, des mesures de vigilance renforcée
concourant à contrer les délinquants de jouir de produits de
leurs agissements criminels. À cet effet, le dispositif anti-blanchiment
de la CEMAC est très rigoureux sur la question ; tant pour ce qui est de
la prévention que de la répression.
Toutefois, au plan pratique, la mise en oeuvre de mesures de
LBC/FT liant les PPE se heurte à un bon nombre d'obstacles. L'influence
de la personnalité des PPE fait que les établissements assujettis
sont enclins à ne pas rechercher l'origine de fonds et encore moins
à faire une déclaration de soupçon à leur encontre.
En plus la mainmise du politique sur la justice fait que les condamnations pour
BC/FT liant des hautes autorités restent rares ou quasi inexistantes.
Aussi, les immunités accordées à
certaines PPE empêchent la mise en oeuvre des procédures de
poursuites. De plus, les PPE vont les plus souvent dans des paradis-fiscaux
comme la Suisse, le Luxemburg, les îles britanniques etc. pour
thésauriser les produits des activités criminelles dont elles se
rendent coupables.
Le législateur communautaire, pour une lutte efficace,
effective et efficiente devrait tout d'abord élargir la liste des PPE
aux autres personnes occupant des fonctions dont la vulnérabilité
à la criminalité financière est aussi importante. Ensuite,
interdire ou du moins veiller au contrôle des comptes bancaires ouverts
dans les paradis-fiscaux au profit des hautes personnalités de la
sous-région. En plus, des efforts sont également à fournir
pour une bonne tenue des registres d'état civil dans les Etats de la
sous-région. Enfin, le législateur doit redéfinir sinon
africaniser les notions de membres de famille et de proches qui, telles que
contenues dans la législation CEMAC, sont au sens occidental.
Sachant que les blanchisseurs usent de l'ouverture des
frontières que leur offre la mondialisation pour commettre les
malversations financières, la zone de libre-échange continentale
africaine en perspective avec tout ce qu'elle implique à savoir
l'ouverture des frontières et les flux financiers, surtout compte tenu
du fait que les capitaux sont par nature des biens fongibles pouvant transiter
en quelques opérations, ces considérations ne viendraient-elles
pas saper les efforts déjà consentis dans le continent en
matière de lutte anti-blanchiment ?
ANNEXES
93
LISTE DES ANNEXES
94
Annexe 1 : Extrait du Règlement
N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et
répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme
et de la prolifération en Afrique centrale.
Annexe 2 : Formulaire d'identification
des PPE par une banque.
BIBLIOGRAPHIE
95
I - Ouvrages
A- Ouvrages généraux
> ANOUKAHA (F.), Le code pénal du
12 janvier 2016 et la lutte contre la
corruption au Cameroun, Les grandes Editions,
Yaoundé, 2017, 96 pages.
> ANOUKAHA (F.), ABDOULLAH CISSE, NGUEBOU
TOUKAM (J.), POUGOUE (P.-G.) et MOUSSA SAMB, OHADA
sociétés commerciales et GIE, BRUYLANT BRUXELLES, coll.
Droit Uniforme Africain, Bruxelles, 2002, 589 pages.
> BONNEAU (T.), Droit bancaire,
12éme édition, Bruylant, Paris 2017, 1065 pages.
> COZIAN (M.), VIANDER (A.) et DEBOISSY (F.),
Droit des sociétés, Editions du
Juris-Classeur, Paris, 2004, 656 pages.
> DECOCQ (G.), GERARD (Y.) et MOREL-MAROGER (J.),
Droit bancaire, 2ème édition, RB
édition, Paris, 2014, 413 pages.
> DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.) et MOREIL (S.),
Droit bancaire, 10éme édition, Dalloz,
Paris, 2010, 210 pages.
> GATTEGNO (P.), Droit pénal
spécial, 2ème édition, Dalloz, Paris,
1997, 381 pages.
> GAVALDA (C.) et STOUFFLET (J.),
Effets de commerce, chèques, carte de payement et de
crédit, 3ème édition, Editions Litec,
Paris, 1998, 461 pages.
> KEUFFI (D.), La régulation
des marchés financiers dans l'espace OHADA, Harmattan, Paris,
2010, 419 pages.
> NEAU-LEDUC (P.), Droit
bancaire, 4éme édition, Paris, Dalloz, 2010, 300
pages.
> NGUEBOU TOUKAM (J.), Le droit
commercial général dans l'Acte Uniforme OHADA, PUA,
collection droit uniforme, Yaoundé, 1998.
> RIVERS-LANGE (J.-L.) et CONTAMINE RAYNAUD
(M.), Droit bancaire, 4ème
édition, Dalloz, Paris, 1986, 890 pages.
96
> TCHEUMALIEU FANSI (M. R.), Droit et
pratique bancaire dans
l'espace OHADA, L'Harmattan, Paris, 2013, 439 pages.
> TENGO (L.), Droit communautaire
général CEMAC . communauté monétaire et
économique de l'Afrique Centrale, 1re édition,
collection Sambela, Editions cciana communication, Paris, 2013, 375 pages.
B- Ouvrages spécifiques
> DEFFAINS (B.), STALAK (F.), GIUDICELLI-DELAGE
(G.), GODEFROY (T.) et LASCOUMES (P.), L'organisation des
dispositifs spécialisés de lutte contre la criminalité
économique et financière en Europe, Edité par
Univ-Poitiers (France), Diffusé par L.G.D.J., 2004, 284 pages.
> DUPUIS (M.-C.), Argent sale . la
finance crimine-t-elle l'économie mondiale ?, éd. PUF,
Paris, 1999, 240 pages.
> HERAIL (J.-L.) et RAMAEL (P.),
Blanchiment d'argent et crime organisé . la dimension
juridique, 1ère édition, Paris, P.U.F., 1996, 208
pages.
> MONTIGNY (P.), L'entreprise face
à la corruption internationale, édition Ellipses, Paris,
2006, 771 pages.
> PARIS-FICARELLI (N.), Magistrats en
réseaux contre la criminalité organisée, Presse
Universitaire de Strasbourg, 2008, 416 pages.
> RAUFER (X.) et QUERE (S.), Le crime
organisé, Paris, P.U.F., 200, 127 pages.
II- Thèses et mémoires
A- Thèses
> DINGAMGOTO (T.), L'exploitant de
banque et le droit au Tchad, Thèse de doctorat en droit
pénal et sciences criminelles, Université de Toulouse, octobre
2016, 605 pages.
> EQBAL AL QALLAF, Les obligations des
professionnels dans la lutte contre le blanchiment d'argent . étude
comparée entre les droits français et koweitien,
Thèse de doctorat en droit privé, Université de
Poitiers, février 2013, 410 pages.
> GNIMPIEBA TONNANG (E.), Droit
matériel et intégration sous- régionale en
Afrique centrale (contribution à l'étude des mutations
récentes du marché intérieur et du droit de la concurrence
CEMAC), Thèse de doctorat en droit et
97
financement du développement, Université de
Nice-Sophia Antipolis, mars 2004, 557 pages.
> MODOU DIAKHATE (S.), La lutte contre
la délinquance économique et financière dans l'union
économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans
l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) .
état des lieux et perspectives, Thèse de Docteur en droit
privé et sciences criminelles, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, février 2017. 466 pages.
> NGAPA (T.), La lutte contre le
blanchiment d'argent dans la sous- région de l'Afrique
centrale CEMAC . analyse à la lumière des normes et standards
européens et internationaux, Thèse de doctorat en droit
privé, Université de Poitiers, novembre 2016, 521 pages.
> SUSEC (S.), Le secteur bancaire et
financier français face à la corruption : un système
d'intégrité en construction, Thèse de doctorat en
droit, Université de Cergy-Pontoise, juin 2015, 653 pages.
> SUNKAM KAMDEM (A.), La transparence
des opérations bancaires et financières dans la CEMAC,
Thèse de doctorat en droit privé, Université de
Douala, décembre 2012, 435 pages.
> TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Les
banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre
le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de
doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de
Strasbourg, janvier 2015, 448 pages.
B- Mémoires
> AZI NAZIHA, Blanchiment d'argent .
techniques et moyens de lutte (cas de la banque société
générale Algérie), Mémoire de master en
sciences économiques, Université de Bejaïa, juin 2017, 82
pages.
> NGUIFFEU TAJOUO (E.), Le
système communautaire de lutte contre la criminalité
financière en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Droit com.
comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, 120 pages.
> TCHABO SONTANG (H. M.), Secret
bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC,
mémoire DEA, droit com. comparé CEMAC, Université de
Dschang, 2006, 102 pages.
98
> TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.),
Prévention et répression du
blanchiment des capitaux en zone CEMAC,
mémoire DEA, droit com. comparé CEMAC, Université de
Dschang, 2006, 131 pages.
IV- Articles de doctrine
> AZEUFACK WADJEH (G.-A.), « La lutte
contre le blanchiment des
capitaux en zone CEMAC : entre normes prudentielles et
règles de vigilance », In KALIEU ELONGO (Y. R.)
(Dir.), Régulation et intégration bancaire dans la
CEMAC, P.U.A., 2016, pages 267-294.
> BOUDON (J.), « Le privilège
de juridiction de l'article 68-1 de la constitution s'apparente-t-il
à une immunité ? Au tour de l'affaire Clearstream », In
CLEMENT (G.) et LEFEBRE (J.) (Dir.), Les immunités
pénales. Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA,
Collection Colloques, Paris, P.U.F, 2010, pp. 31-48.
> CHAIKIN (D.), « Législation
internationale en matière de lutte contre le blanchiment d'argent :
comment engager la responsabilité des dirigeants politiques
vis-à-vis de l'étranger », In U4 BRIEF, N°20,
décembre 2011, disponible en ligne sur
www.u4.no.
> CHAPPEZ (J.), « La lutte
internationale contre le blanchiment des capitaux d'origine illicite et le
financement du terrorisme », Annuaire Français de Droit
International/ Année 2003 / 49 / pp. 542-562. Disponible sur
www.persee.fr .
> CUTAJAR (C.), « Blanchiment,
Eléments constitutifs-répression », Jurisclasseur,
Pén. des aff., Fasc. 20, n° 1.
> DE MONTMOLLIN (D.), « La lutte
contre le blanchiment d'argent : les exigences supplémentaires
prévues sont-elles vraiment indispensable ? », In ANWALTS revue
de l'avocat 2/2014, Genève, pp. 65-71.
> D'ESTAINTOT (R), « Les personnes
politiquement exposées (PPE) : réflexion sur une obligation
renforcée de vigilance », Revue de droit bancaire et financier
n°3, mai 2009, pp. 260-267.
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in Dossier : blanchiment et terrorisme », Revue Banque
n°695 ; octobre 2007, p. 42.
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judiciaire pénal CEMAC : regard sur la déterritorialisation du
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99
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« Les nouvelles élites
criminelles vers le crime organisé en col blanc »,
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paiement : nouveaux risques ? », In Cahiers du numérique,
2003 (vol.4), pages 93 à 113. Disponible sur www.cairn.info.
> GOETZ (D.), « TEODORO OBIANG
condamné, une première dans l'affaire des `'biens mal
acquis» », Dalloz actualité, 31 octobre 2017,
disponible sur
www.dalloz-actualite.fr/flash.
> GRANDAUBERT (V.), « La saisie des
« biens mal acquis » à l'épreuve du droit des
immunités internationales : quelques observations à propos du
différend opposant la Guinée Equatoriale à la France
», In Revue de droit international d'Assas, N°1, 2018, pp.
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> JANIEL (P.), « Biens mal acquis :
et si l'argent revenait aux pays pauvres ? », Dalloz
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dynamique de la réforme de la réglementation bancaire dans la
CEMAC », In DJUIDJE CHATUE (B.) (Dir.), Les
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> KALIEU ELONGO (Y. R.), « Le nouveau
règlement CEMAC du 11 avril 2016 portant prévention et
répression du Blanchiment des capitaux et du Financement du terrorisme
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www.kalieu-elongo.com.
> KALIEU ELONGO (Y. R.), « La
déclaration de soupçon en matière de blanchiment des
capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles
applicables », 30 mars 2020, disponible sur
www.kalieu_elongo.com,
> LE CERF (X.) et IVALDI (N.), « Des
usages de traçabilité en matière de paiement
électronique », In PEDROT (P.) (Dir.),
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> LONGCHAMP (O.), « La
reconfiguration du secret bancaire Suisse », In l'économie
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www.cairn.info,
> MEYER-HEINE (A.), « La lutte contre
le blanchiment dans l'Union européenne », Revue de l'Union
européenne, 2015, pp. 232-240.
100
> MERVILLE (A.D), « Les nouvelles
recommandations du GAFI : leur
impact en droit français », Revue de droit
bancaire n°5, septembre 2012, pp. 18-22.
> NGAPA (T.), « L'exercice des
pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission bancaire de
l'Afrique centrale (COBAC) dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et
le financement du terrorisme en Afrique centrale : libres propos »,
In KALIEU ELONGO (Y. R.) (Dir.), Régulation et
intégration bancaire dans la CEMAC, P.U.A., 2016, pp. 255-266.
> NGUIFFEU TAJOUO (E.), « La
réforme du système de détection et de prévention
de la criminalité financière en zone CEMAC à la
lumière du règlement numéro 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril
2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux
et financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», In Juridis Périodique Numéro 108, pp.
133-144.
> SABOURIN (L.), « Organisation
Internationale », In COTE (L.) et
SAVARD (J.-F.) (Dir.), Le Dictionnaire
encyclopédique de l'administration publique, (en ligne),
www.dictionnaire.enap.ca.
> SINKONDO (M.), « Crime et
immunités diplomatiques : le droit international peut-il à la
fois souffler le chaud et le froid ? », In CLEMENT (G.) et LEFEBRE
(J.), (Dir.), Les immunités pénales.
Actualités d'une question ancienne, CEPRISCA, Collection colloques,
Paris, PUF, pp. 167-183.
> TCHEUMALIEU FANSI (M. R.), «
L'obligation du banquier en matière de lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme en UEMOA et CEMAC : mort ou agonie
du secret bancaire », In POUGOUE (P.-G.) (Dir.),
L'obligation, Harmattan Cameroun, Yaoundé, 2015, pp. 995
à 1013.
> WEEKS-BROWN (R.), « Halte au
blanchiment (Les pays redoublent d'efforts contre l'argent sale) », In
Finances & Développement, décembre 2018, p. 4445.
Disponible sur
www.imf.org.
V- Législation
A- Constitutions
> Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.
> Constitution tchadienne du 04 mai 2018.
> Constitution gabonaise du 12 janvier 2018.
101
B- Textes internationaux
? La Convention des Nations Unies contre la corruption du 31
octobre
2003.
? La Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations
diplomatiques.
? La Convention de Vienne du 22 avril 1963 sur les relations
consulaires.
? La Convention des Nations Unies sur les immunités
juridictionnelles des
Etats et de leurs biens du 02 décembre 2004.
C- Textes communautaires et nationaux
? Traité de Ndjamena du 16 mars 1994 instituant la CEMAC,
révisé le 30 janvier 2009.
? Acte additionnel du traité de la CEMAC N°
9/00/CEMAC-086/CCE du 14 décembre 2000 portant création du
GABAC.
? Convention de coopération monétaire entre les
Etats membres de la BEAC et la République française du 23
novembre 1972.
? Convention régissant l'Union Monétaire de
l'Afrique Centrale du 25 juin
2008.
? Règlement N° 02/20/CEMAC/UMAC/CM du 14 avril 2002
portant
organisation et fonctionnement du GABAC.
? Règlement COBAC R-2005/01 du 1er avril
2005 relative aux diligences des établissements assujettis en
matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme en Afrique Centrale.
? Règlement N° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016
portant prévention et répression du blanchiment des capitaux
et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique
Centrale.
? Règlement CEMAC N° 01/11-CEMAC/UMAC/CM du 18
septembre 2011 relatif à l'exercice de l'activité
d'émission de monnaie électronique.
? La loi camerounaise N° 97/019 du 07 août 1997
relative au contrôle des stupéfiants.
? La loi camerounaise N° 2003/004 du 21 avril 2003
relative au secret bancaire.
102
? La loi camerounaise N° 003/2006 du 25 avril 2006 relative
à la
déclaration des biens et avoirs.
? Décret N°2005/187 du 31 mai 2005 portant
organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation
Financière (ANIF) du Cameroun.
? La loi tchadienne N°009/PR/95 du 19 mai 1995 portant
règlementation du secret professionnel bancaire.
? Le décret N°07-107 du 02 février 2007
portant institution, organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale
d'Investigation Financière au Tchad.
VI- Etudes et rapports
? Etude du GABAC relative au risque de blanchiment de la
monnaie électronique, en 2017, disponible sur
www.digitalbusness.africa
? Rapport sur les typologies des capitaux 2000-2001, GAFI
XII, 1er février 2001 disponible sur
www.fatf-gafi.org.
? Rapport annuel du GAFI 2017-2018,
www.fatf-gafi.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
République du Congo, mars 2015,
www.spgabag.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme République de Guinée Equatoriale,
février-mars 2016,
www.spgabag.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme République du Cameroun, mai 2008,
www.spgabag.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme République Centrafricaine, 22-31 juillet
2010,
www.spgabag.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme République du Tchad, mai 2014,
www.spgabag.org .
? GABAC Rapport d'évaluation mutuelle
détaillé sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme République du Gabon, avril 2013,
www.spgabag.org .
103
? La Recommandation 12 du GAFI de février 2012,
disponible sur
www.fatf-gafi.org
? Rapport annuel du CLAB 2015,
www.banque-france.fr
.
? Rapport annuel du CLAB 2016,
www.banque-france.fr
.
? Rapport de la commission des banques suisses, « Fonds
« Abacha »
auprès des banques suisses » du 30 août
2000,
www.publiceye.ch .
? Rapport TRACFIN de janvier 2012,
www.economie.gouv.fr
.
? Rapport annuel du TRACFIN 2017-2078,
www.economie.gouv.fr
.
TABLE DES MATIERES
104
AVERTISSEMENT A
DÉDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iv
RESUMÉ v
SOMMAIRE vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1 PARTIE I :
L'INSTITUTION D'UN DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT A L'ÉGARD DES PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES DANS LA ZONE CEMAC : UN
GAGE D'EFFICACITÉ 9 CHAPITRE I :
L'ASSUJETTISSEMENT DES PROFESSIONNELS AUX OBLIGATIONS GÉNÉRALES
DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME 11
SECTION I : L'obligation générale de
vigilance 11
Paragraphe 1 : L'obligation de connaissance de la
clientèle 12
A - L'obligation d'identification des clients 12
1- Les méthodes générales d'identification
des clients 13
2- Les méthodes particulières d'identification des
clients 13
B - L'obligation de conservation des pièces et documents
15
Paragraphe 2 : L'obligation de surveillance particulière
de certaines opérations 16
SECTION II : L'obligation de déclaration des
opérations suspectes 17
Paragraphe 1 : L'objet de la déclaration de soupçon
18
A - Les opérations atypiques 18
B - Les opérations sur les comptes à haut risque
19
C - Les opérations excédant le montant seuil 21
Paragraphe 2 : Les modalités d'exercice de la
déclaration 21
A - Les personnes concernées par la déclaration de
soupçon. 22
1- Les débiteurs de l'obligation 22
2- Les créanciers de l'obligation de la
déclaration de soupçon 22
a- L'Agence Nationale d'Investigation Financière 22
b- Le Procureur de la République 23
B - La forme et les mentions de la déclaration 24
1- La forme de la déclaration 24
105
2- Les mentions de la déclaration 24
C - Les éventuelles suites de la déclaration de
soupçon 25 CHAPITRE II : LES MESURES SPÉCIFIQUES AUX
CLIENTS RÉLEVANT DE LA
CATÉGORIE DES PERSONNES POLITIQUEMENT
EXPOSÉES
SECTION I : La détermination des clients
relevant de la catégorie des PPE
Paragraphe 1 : Les clients PPE proprement dits
|
27
27
28
|
A -
|
Les Personnes Politiquement Exposées nationales
|
28
|
1-
|
Les PPE nationales exerçant ou ayant exercé une
fonction politique
|
28
|
2-
|
Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une
fonction administrative
|
30
|
3-
|
Les PPE nationales exerçant ou ayant exercées une
fonction juridictionnelle
|
31
|
B -
|
Les Personnes Politiquement Exposées
étrangères et des Organisations Internationales
|
.... 32
|
1-
|
Les Personnes Politiquement Exposées
étrangères
|
32
|
2-
|
Les Personnes Politiquement Exposées des Organisations
Internationales
|
32
|
C - L'identification du bénéficiaire effectif : Une
importance capitale dans la LBC/FT liant les
PPE 34
Paragraphe 2 : Les personnes assimilées aux PPE 35
A - Les membres de famille d'une PPE 36
B - Les associés et partenaires d'Affaires d'une PPE 36
C - Les difficultés d'identification des clients PPE 37
SECTION II : Les obligations de vigilance
renforcée à l'égard des clients PPE 38
Paragraphe 1 : Les obligations de vigilance relatives à la
relation d'affaires 39
A - L'autorisation préalable de la haute direction 39
B - L'obligation de surveillance continue sur la relation
d'affaires : l'approche par le risque 40
Paragraphe 2 : Les autres mesures s'imposant à
l'égard des clients PPE 41
A - L'obligation de détermination de l'origine du
patrimoine et des fonds 41
B - Les éventuelles sanctions des actes de blanchiments
des capitaux ou de financement du
terrorisme liant les PPE 42
1- Les peines encourues par les PPE auteurs de blanchiment et de
financement du terrorisme 43
2- Les mesures de contraintes relatives aux biens blanchis 43
3- La nécessité d'instituer des mesures de
restitution de fonds blanchis par les PPE à la
population spoliée 44
CONCLUSION DE LA PARTIE I 48
PARTIE II : LES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE
EFFECTIVE DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT À L'ÉGARD DES
PERSONNES
POLITIQUEMENT EXPOSÉES 49
106
CHAPITRE I : L'EXISTENCE DES PASSERELLES ENTRE LE
BLANCHIMENT
DES CAPITAUX ET LE SYSTEME FINANCIER 51 SECTION I : La
facilitation du blanchiment des capitaux par certains
mécanismes
financiers
Paragraphe 1 : Le manque d'un contrôle rigoureux sur
certaines opérations.
A - La limitation de la surveillance sur les opérations
numériques
52
|
51
52
|
1-
|
|
La problématique de la surveillance des cybers
opérations
|
52
|
|
a-
|
Les difficultés d'identification liées aux
opérations sur internet
|
53
|
|
|
i- Les difficultés d'identification des cybers clients
|
53
|
|
|
ii- La question de la traçabilité des
opérations effectuées sur internet
|
54
|
|
b-
|
Les risques de blanchiment liés aux opérations de
virements électroniques
|
55
|
2-
|
|
Les risques de blanchiment de la monnaie électronique
|
56
|
B -
|
|
Les opérations favorisants le blanchiment des capitaux et
le financement du terrorisme
|
.... 58
|
1- L'opération de transfert de fonds et le risque de
blanchiment des capitaux et de financement
du terrorisme 58
2- Les opérations de change et le risque de BC/FT 59
3- Les comptes bancaires offshores et le blanchiment des
capitaux 60
Paragraphe 2 : La couverture du blanchiment des capitaux par les
paradis-fiscaux et les places
offshores 61
A - Le laxisme de la règlementation dans les
paradis-fiscaux 62
B - La participation des structures juridiques dans les paradis
fiscaux aux activités de
blanchiment 64
SECTION II : L'éventuelle participation des
organismes financiers aux activités de
blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme
66
Paragraphe 1 : La participation aux activités de
blanchiment des capitaux par la technique du
prélèvement des pourcentages : une
complicité active. 67
Paragraphe 2 : La faible culture juridique des agents des
organismes financiers en matière de lutte
anti-blanchiment : une complicité passive 68
CHAPITRE 2 : LES LIMITES JURIDIQUES A LA LUTTE CONTRE
LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
LIÉS
AUX PPE 72 SECTION I : Les limites à la lutte
anti-blanchiment rattachées à la qualité de
certaines
PPE 72
Paragraphe 1 : Les immunités attachées à la
qualité certaines PPE : un obstacle majeur à
l'effectivité
de la lutte anti-blanchiment 73
A - La typologie des immunités des PPE 73
1- L'immunité parlementaire 73
107
2- L'immunité de l'exécutif 74
a- L'immunité présidentielle 75
b- L'immunité des membres du gouvernement 76
3- L'immunité diplomatique 77
B - La problématique de poursuites pour blanchiment face
aux immunités des PPE étrangères
78
1- La poursuite pour blanchiment et l'immunité de
juridiction pénale 78
2- La confiscation et la saisie des biens blanchis et les
immunités de mesures de contraintes en
matière pénale 80
Paragraphe 2 : La problématique du blanchiment lié
à la protection des comptes des missions
diplomatiques 81
SECTION II : Les limites juridiques liées à
certaines opérations 84
Paragraphe 1 : Les risques de blanchiment liés à
l'utilisation du coffre-fort 84
Paragraphe 2 : La non prise en compte de certaines
personnalités aux risques élevés de blanchiment
comme des PPE 86
A - La problématique de la tenue des registres
d'état civil dans la CEMAC 87
B - La nécessité d'élaborer une liste
extensive des PPE 88
CONCLUSION DU CHAPITRE II 90
CONCLUSION DE LA PARTIE II 91
CONCLUSION GÉNÉRALE 92
ANNEXES 93
LISTE DES ANNEXES 94
BIBLIOGRAPHIE 95
TABLE DES MATIERES 104
|