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La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricaine


par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016
  

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PARAGRAPHE II : Une acceptation tacite, applicable indirectement au cas centrafricain

Une acceptation est dite tacite lorsqu'elle n'est pas clairement exprimée ; elle requiert donc de ce fait pour la compréhension, un effort intellectuel et une analyse pointus, suffisamment poussés et rigoureux. Les préambules sont les cadres par excellence d'expression de cet état de choses.

Dans les actes juridiques « géniteurs », aussi bien de la CEEAC (A) que de l'UA (B), l'on peut se prêter à cet exercice pour assortir des ingrédients d'une acceptation de la relation de sous-traitance entre les organismes et l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

A- La CEEAC et l'acceptation tacite de la relation de sous-traitance

Par la décision n° 001/CCEG/IX/99 prise le 26 juin 1999 à Malabo, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEEAC intègrent le COPAX au sein de l'organisation en cause aux fins de veiller au renforcement de la coopération dans les secteurs de la prévention des conflits, de l'alerte rapide, des OMP, de la lutte contre les crimes transfrontaliers, le terrorisme international, la prolifération anarchique et le trafic illicite des armes, des munitions, des explosifs et de tous les éléments connexes154(*).

En agissant au nom de la CEEAC, le COPAX accepte ladite relation de sous-traitance en faisant référence d'abord à la Charte des NU en général ou acceptation systémique155(*) (1), et ensuite à quelques résolutions en particulier ou acceptation orientée156(*)(2).

1- La référence à la Charte des Nations Uniesou acceptation systémique

Le mot référence, venant du verbe (se) référer, devra dans le cadre de cette étude, être compris comme un acquiescement, une adhésion ou une admission, avec la particularité d'être implicite ou tacite.

En se « référant à la charte de l'Organisation des Nations Unies (O.N.U), notamment ses chapitres VI, VII et VIII157(*)[dont un aperçu général sur chacun d'eux a été donné dans les développements précédents], ... », la CEEAC manifeste par déduction son consentement à être liée par le « contrat » de sous-traitance unilatéralement rédigé par l'ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité en RCA.

La Charte des NU ou constitution158(*) de l'ONU, d'une part, décrit ses principaux organes et leurs règles de fonctionnement, d'autre part, énonce un certain nombre de règles de conduite dont le respect par les Etats membres assurerait la paix et la sécurité internationales.

Le Chapitre VI de la Charte des NU, traitant du « règlement pacifique des différends » est essentiel au dispositif du système de sécurité de l'ONU et au coeur de l'esprit de la Charte. Il définit le rôle du Conseil de sécurité en matière de prévention des conflits dans le cadre d'une action non coercitive reposant sur le consentement des parties en présence.

Les actions menées en vertu du Chapitre VI concernent la médiation, l'enquête et l'établissement des faits. Le Chapitre VI ou « chapitre de la paix »159(*) se situe avant le Chapitre VII ou « chapitre de la guerre »160(*) car les rédacteurs de la Charte entendaient privilégier le règlement pacifique des conflits, mais n'ont pas manqué de penser à un éventuel échec de ce mécanisme161(*).

Le Chapitre VII de la Charte des NU traite des conditions de l'action du Conseil de Sécurité « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'actes d'agression ». Il définit les conditions du recours à la force par les NU et confie au seul Conseil de sécurité l'autorité de sa mise en application. Il est le « Chapitre de l'exception, de la contrainte et de la rétorsion collective et progressive162(*) » car il est dérogatoire par rapport à certains principes établis par la Charte comme le non recours à la force dans les relations entre Etats (article 2 [4]) et la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat (article 2 [7]) ; et est au centre du mécanisme coercitif prévu par la Charte en 1945.

Et le Chapitre VIII de la Charte des NU reconnait l'existence des organismes régionaux, leur confère un rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et définit le cadre de leurs relations avec l'ONU.

La référence à quelques résolutions du Conseil de sécurité permet également de mettre en lumière ce type d'acceptation.

2- La référence à quelques résolutions du Conseil de sécurité des NU ou acceptation orientée

La résolution est, d'une manière générale, un texte adopté de manière formelle par un organe d'une organisation internationale, par une conférence internationale, ou une association internationale, quelle que soit sa portée juridique au fond163(*) . En l'espèce, les résolutions du Conseil de sécurité des NU sont des textes de différentes portées, adoptés par celui-ci et ayant une valeur juridique contraignante164(*).

Adoptée par le Conseil de sécurité des NU à sa 3927ème séance le 16 septembre 1998, la résolution 1196, en substance, impose des embargos sur les armes en Afrique. Et pour s'assurer de la mise en oeuvre effective de ces mesures, le Conseil, en application de la première hypothèse consacrée à l'article 53 de la Charte des NU, utilise les organismes régionaux et dont la CEEAC à travers le COPAX qui est l'organe central en matière de paix et sécurité à cet effet. C'est, en tout état de cause, la conclusion que l'on peut tirer respectivement des paragraphe 4 et 5 de la résolution considérée lorsque le Conseil de sécurité « Encourage les présidents des comités165(*) (...) à ... établir des canaux de communication avec les organisations et organismes ... sous-régionaux, (...), en Afrique, (...), afin d'améliorer la surveillance des embargos sur les armes; » et « Réitère [sa] demande ... [aux] organisations ..., de fournir aux comités pertinents du Conseil de sécurité des informations sur les violations éventuelles des embargos sur les armes qu'il a imposés ».

Et la résolution 1197 du 18 septembre 1998, adoptée par le Conseil de sécurité des NU à sa 3928e session n'apparaît pas moins comme le dressement d'un « certificat de satisfecit » envers les organismes régionaux pour les initiatives dans le cadre de la paix et de la sécurité collectives. L'on peut se convaincre de cette affirmation en faisant recours aux paragraphes 6, 7 et 8 de la résolution en question.

Dans le premier, le Conseil de sécurité « Note avec satisfaction les diverses initiatives lancées ... pour améliorer la capacité de l'Afrique à participer aux composantes militaire, de police, humanitaire et autres composantes civiles des opérations de maintien de la paix, ... ». Dans le deuxième, il « Accueille avec satisfaction la proposition de la CEDEAO de créer un conseil des anciens au sein de son Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, le maintien de la paix et la sécurité, afin de faciliter les efforts de médiation, ... ». Et dans le troisième, il « Se félicite de la création au sein de l'OUA d'un bureau de liaison des NU pour l'action préventive, ... ».

Certes, le Conseil de sécurité a eu à se féliciter de telles initiatives, mais il n'a surtout pas manqué de faire prima facie, une sorte d'observation en « Réaffirmant qu'il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales en vertu de la Charte des Nations Unies166(*) ». S'agit-il d'un hasard que cette phrase se retrouve en première position alors que dans nombre d'autres de ses résolutions il n'en est point le cas ? Il est à penser la négative car ces initiatives ont toutes un lien direct avec la responsabilité principale du Conseil de sécurité d'où importance ou obligation de le rappeler ; quoi de plus convenir à la thèse de la sous-traitance. L'UA s'inscrit également dans cette logique d'acceptation tacite.

B- L'UA et l'acceptation tacite de la relation de sous-traitance

En tant qu'organisation internationale167(*), l'UA partage le cadre et « certains éléments de droit commun des organisations internationales168(*)», parmi lesquels le régime des compétences.C'est en cela que l'on peut se rendre compte de son acceptation (par référence) dans son préambule relatif au CPS en tant que sous-traitant de l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales de façon générale au départ (1), et de façon sui generis à la fin (2).

1- Une acceptation initialement générale

C'est en « Considérant ... la Charte des Nations unies169(*) ; » que les Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de l'Union africaine ontconvenu de la création du Conseil de Paix et de Sécurité. Le CPS de l'UA a vu le jour grâce à l'attachement des dirigeants africains à la question de la paix, de la sécurité et de la stabilité tant à l'intérieur de leurs frontières que dans leurs sous-régions. Ils sont convaincus que la sauvegarde de la stabilité et de la paix à l'intérieur des frontières de leurs Etats représente un défi multiforme, sensibles aux questions socio-économiques et aux troubles militaro-politiques. Ceci signifie en filigrane que pour vivre en paix dans un Etat, deux conditions doivent être impérativement réunies : la première consiste à offrir à ses concitoyens les chances d'une vie sociale équilibrée, et la seconde est attenante aux postulats de la bonne gouvernance ou gouvernance démocratique170(*).

Cette formulation figurant au premier rang dans le Protocole en présence serait digne de ce qu'il convient d'appeler le « respect de la préséance en droit administratif interne d'élaboration des actes officiels ». Il s'agit à la vérité de faire allusion à la théorie kelsenienne selon laquelle la Constitution est la norme suprême de l'Etat et à laquelle toutes les autres doivent être conformes sous peine d'invalidité. Et si nous devons donc partir de l'hypothèse selon laquelle la Charte des NU est une « constitution universelle » (l'article 103 de la Charte des NU établit d'ailleurs la primauté des obligations issues de la Charte sur toutes autres obligations internationales conventionnelles qui peuvent lier les membres de l'Organisation des NU), il sera plus aisé de connaître l'une des raisons pour lesquelles cette phrase est ainsi positionnée dans le Protocole relatif à la création du CPS de l'UA. Le développement qui précède a de quoi traduire objectivement le lien de subordination qui existe entre l'UA et l'ONU. Au final, cette acceptation est exprimée de façon sui generis.

2- Une acceptation finalement sui generis

Il convient de dire que c'esten « Ayant à l'espritles dispositions de la Charte des Nations unies conférant auConseil de Sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de lasécurité internationales, ainsi que celles relatives au rôle des accords et organismesrégionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales171(*)... » que les Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de l'UA ont convenu de créer le CPS. En effet, deux observations peuvent se faire à ce niveau : la première concerne la responsabilité du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, et la seconde, le rôle des organismes régionaux.

Selon la Charte de l'ONU, c'est au Conseil de sécurité que revient la responsabilité principale quant au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Celui-ci réagit au cas par cas aux crises qui surgissent dans le monde et dispose d'une série d'options. Ainsi par exemple « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression», le Chapitre VII de la Charte prévoit la possibilité pour le Conseil de prendre des mesures dont le respect s'impose aux Etats (contrairement aux autres organes qui prennent des décisions juridiquement non contraignantes). Cette malléabilité a permis la création de régimes de résolution très variés et spécifiques à chaque situation. Le Conseil de sécurité peut décider d'établir une OMP en adoptant une résolution qui définit le mandat et les effectifs de la mission ; il peut également prolonger ou modifier le mandat de cette mission ou y mettre fin, selon qu'il juge approprié.

Le Chapitre VIII de la Charte des NU définit clairement le rôle des organismes régionaux qui sont appelés à intervenir à deux niveaux : le RPD et l'action coercitive.

La Charte confère un rôle central172(*) aux organismes régionaux en ce qui concerne le RPD entre Etats ou dans l'Etat. En revanche, elle confère un rôle subsidiaire173(*) à ceux-ci lorsqu'il s'agit d'une action coercitive.

* 154 Article 6 (a) du Protocole relatif au COPAX.

* 155 En parlant de l'acceptation systémique, l'on veut faire à tout le système des Nations Unies.

* 156 Une acceptation orientée du fait de la précision ou de la mise en avant exhaustive de quelques résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

* 157 Préambule (b) du Protocole relatif au COPAX.

* 158 EISEMANN (Pierre Michel), « Charte des Nations Unies (1945) », www.universalis.fr, consulté le 4 août 2018

Par ailleurs en tant que constitution, l'auteur estime que la Charte n'a guère évolué depuis 1945. Et lui de poursuivre, seules trois révisions mineures sont intervenues en 1963, en 1965 et en 1971, pour tenir compte de l'accroissement du nombre des Etats membres.

* 159 Ce Chapitre est ainsi qualifié au motif que ses différentes dispositions ne laissent percevoir aucune idée d'un recours à la force pour le règlement d'un conflit.

* 160 Considération dans le sens opposé du raisonnement supra.

* 161 NOVOSSELOFF (Alexandra), « Chapitre VI », in Réseau de recherche sur les Opérations de Paix (ROP), www.opérationspaix.net, consulté le 4 août 2018.

* 162 NOVOSSELOFF (Alexandra), « Chapitre VII », in ROP, www.opérationspaix.net, consulté le 4 août 2018.

* 163 SALMON (Jean) (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 993.

* 164Article 25 de la Charte des NU : « Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. ».

* 165 Il s'agit des comités du Conseil de sécurité crées par résolution dudit Conseil à l'occasion de l'imposition de ces embargos.

* 166 Confère première phrase du préambule de la résolution 1197 (1998) sur la situation en Afrique.

* 167Selon le Professeur Georges ABI-SAAB, « [l]'expression organisation internationale » évoque à l'esprit deux choses différentes : on peut entendre par la manière dont la société internationale est organisée, c'est-à-dire l'agencement et les structures institutionnelles de cette société en général ; on peut également désigner par ce terme une organisation internationale donnée ; c'est-à-dire une entité ou une institution spécifique ». (Voir ABI-SAAB (Georges), « La notion d'organisation internationale : essai de synthèse », in ABI-SAAB (Georges) (dir.), Le concept d'organisation internationale, UNESCO, 1980, p. 9.) C'est le dernier sens qui est évidement retenu ici.

* 168COMBACAU (Jean) et SUR (Serge), Droit international public, 10ème éd., Paris, LGDJ-Montchrestien, 2012, p. 708.

* 169 Lire premier motif établi dans préambule du Protocole relatif à la création du CPS de l'UA.

* 170 GBENENOUI (Gervais Anselme), Le rôle du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine dans la prévention et la résolution des conflits en Afrique : analyse appliquée au cas du Darfour, mémoire de Maîtrise en droit public, Université de Bangui, 2006, www.memoireonline.com, consulté le 6 août 2018.

* 171 Lire quatrième motif disposé dans le Préambule relatif à la création du CPS de l'UA.

* 172 DELICE (Catherine), « Chapitre VIII », in ROP, mis en ligne sur www.operationspaix.neten 2006 et révisé le 23 août 2011, consulté le 6 août 2018.

* 173Idem.

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