La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricainepar Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
PARAGRAPHE II : La résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité, norme spécifique d'établissement de la sous-traitance ONU-CEEAC/UA dans la gestion du conflit en RCALa Charte stipule que : « (...). ..., aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité115(*). ». Le mandat donné à la MISCA, pour une période initiale de douze mois, par la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité sur la situation en RCA est de prendre des mesures appropriées en vue de protéger les populations civiles (A) et restaurer l'autorité de l'Etat (B). A- Un mandat de protection des populations civiles Au même titre que l'ONU, les organisations régionales sont des acteurs de protection des populations civiles et des droits de l'homme dans leur sphère de compétence. Avec l'ensemble des structures qui composent leur système, elles peuvent être considérées comme de véritables puissances dans le domaine humanitaire. Les dimensions de la protection des civils dans le cadre de la MISCA sont, d'une part, la fourniture d'aide humanitaire (1), et d'autre part, la protection contre les atteintes aux droits de l'homme (2). 1- La fourniture d'aide humanitaire Dans sa résolution, le Conseil de sécurité confie à la MISCA des missions humanitaires. Ces missions sont relatives à l'acheminement de l'aide humanitaire ainsi que l'assistance sociale aux populations en détresse. Elle porte essentiellement sur la livraison et l'approvisionnement (eau, nourriture, équipements sanitaires), la surveillance des mouvements des réfugiés et la sécurisation des convois de l'aide. D'ailleurs à propos de l'action humanitaire, le Conseil de sécurité, dans sa résolution, « exige de toutes les parties au conflit, en particulier les anciens éléments de la Séléka, qu'elles ménagent aux organisations humanitaires et à leur personnel l'accès sans délai, sûr et sans entrave aux zones où se trouvent les populations dans le besoin, afin qu'ils puissent leur apporter rapidement l'aide humanitaire nécessaire, dans le respect des principes directeurs des Nations Unies relatifs à l'aide humanitaire, dont la neutralité, l'impartialité, l'humanité et l'indépendance dans la fourniture de l'aide humanitaire116(*) ». C'est dans cette logique que la MISCA escorte de nombreux convois humanitaires dont certains depuis la frontière centrafricano-camerounaise vers la capitale Bangui et vers les provinces pour la distribution, aux populations touchées, des denrées alimentaires et autres. La fourniture de l'aide humanitaire est suivie de la protection contre les atteintes aux droits de l'homme. 2- La protection contre les atteintes aux droits de l'homme La protection des droits de l'homme est au coeur du système des NU117(*). La présence de cette organisation en RCA est, en partie, liée aux atteintes aux droits de l'homme dont la protection incombe (également) à la communauté internationale, au nom de la « responsabilité de protéger ». Il est donc de la responsabilité de la MISCA de protéger les populations civiles contre les tortures, mais également contre les violences sexuelles. En ce qui concerne la protection contre les tortures, une conventionstipuleque : « Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture118(*) ». Pour assurer la protection des populations contre les tortures, le Conseil de sécurité autorise la MISCA à prendre les mesures appropriées, de manière à répondre mieux aux attentes de celui-ci et aux besoins des centrafricains. Et pour ce qui est de la protection contre les violences sexuelles, la Déclaration universelle des droits de l'homme mentionne que les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont universels et garantis pour tous. Les OMP, et pas moins la MISCA, devraient donc évoluer dans le respect des droits de l'homme tout en essayant de faire avancer ceux-ci à travers la mise en oeuvre de leur mandat. La MISCA est investie du mandat de protéger les populations contre les violences sexuelles, davantage les femmes et les enfants car ce sont ceux-ci qui sont les plus touchés par les groupes armés, et qu'il faut également restaurer l'autorité de l'Etat. B- Un mandat de restauration de l'autorité de l'Etat Pour que la paix devienne une réalité en RCA, il faudrait d'emblée que l'autorité de l'Etat soit rétablie. C'est le problème majeur des Etats fragiles qui est celui de l'affirmation de leur autorité sur l'ensemble du territoire national. L'Etat centrafricain qui fait face à ce défi serait comblé par la présence de la MISCA dont la stratégie visant à restaurer son autorité se fait en mettant l'accent sur deux volets à savoir : d'une part, le volet institutionnel (1), et d'autre part le volet sécuritaire (2). Ce volet repose sur la conviction que pour être pérenne, la paix doit être fondée sur un socle institutionnel solide et cohérent propre à assurer le fonctionnement régulier de l'Etat, à garantir une bonne gouvernance119(*). En d'autres termes, ce volet participe de la définition et de l'étaiement des structures propres à raffermir la paix et ainsi éviter la reprise des hostilités. Il touche aux domaines législatif et administratif de l'Etat car il est fréquent de constater qu'au lendemain des conflits armés, les textes législatifs, voire les constitutions, de même que les structures administratives de l'Etat, portent la marque d'une accumulation de négligences ou de manipulations politiques, contiennent des dispositions discriminatoires et peu conformes aux normes internationales en matière de droits de l'homme. A cette faiblesse, s'ajoute le fait que la plupart des agents de l'Etat n'ont parfois ni les capacités, ni les moyens nécessaires pour appliquer les textes légaux en vigueur, que l'appareil judiciaire et le système pénitentiaire ne disposent plus de ressources nécessaires à leur fonctionnement. Pour redonner vie aux institutions centrafricaines, l'ONU a donné mandat à la MISCA de favoriser et soutenir l'extension rapide de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national, notamment en apportant un appui au redéploiement de l'administration, demande aussi aux autorités de transition de continuer de s'employer à restaurer l'autorité de l'Etat dans les provinces, notamment en rétablissant l'administration de l'appareil judiciaire et du système de justice pénale dans l'ensemble du pays, avec l'appui de la communauté internationale; aider les institutions publiques centrafricaines, notamment au moyen d'une assistance technique, à se donner les moyens de leur mission administrative première et d'assurer des services de base à la population. Mais pour que les institutions soient opérationnelles, la sécurité s'avère capitale. Dans l'exécution de son mandat, la MISCA rencontre d'énormes problèmes de sécurité qui rendent impératif l'établissement d'un volet sécuritaire. Ce volet est justifié par le fait que son intervention est avant tout destinée à prendre de mesures nécessaires en vue du rétablissement ou du maintien de la paix, autrement dit des mesures déployées dans un contexte conflictuel qu'elle s'attèle à résoudre ou à en mettre fin. Si la sécurité est bien l'une des premières conditions de la stabilité de l'Etat, ses politiques doivent être considérées comme l'une des pièces centrales de la politique centrafricaine120(*). Afin d'assurer la sécurité, la MISCA est autorisée à user de tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de son mandat dans les limites de ses capacités et de ses zones de déploiement, à apporter un soutien adéquat, en coordination avec les autorités de transition, et compte tenu des risques sur le terrain, pour que soit assurée la sécurité des principales parties prenantes nationales, notamment des membres du Gouvernement de transition. La MISCA est également autorisée à saisir, confisquer et détruire activement, selon qu'il conviendra, les armes et les munitions des éléments armés, y compris les milices et les groupes armés non étatiques, qui refusent de déposer les armes ou qui ne l'ont pas fait. La MISCAdoit coordonner davantage ses opérations avec celles de la Force régionale d'intervention créée par l'Union Africaine pour lutter contre l'Armée de résistance du Seigneur, et doit échanger des informations pertinentes avec celle-ci et les organisations non gouvernementales engagées dans la lutte contre la menace que représente l'Armée de résistance du Seigneur. La relation de sous-traitance étant créée, les organismes régionaux n'y sont pas restés indifférents. * 115 Cf. article 53 paragraphe 1, deuxième phrase. * 116 Cf. S/RES 2127 (2013), p. 11. * 117PETIT (Yves), Droit International du maintien de la paix, Paris, LGDJ, 2000, p.51. * 118Article 2 alinéas 1 et 2 de la convention contre la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984. * 119 MENEMENIS (Alain), « L'assistance constitutionnelle et administrative comme condition de la restauration de l'Etat », in DAUDET (Yves) (dir.), Les Nations Unies et la restauration de l'Etat, Paris, Pedone, 1995, pp. 41 et ss. * 120 DOUI WAWAYE (Jérémie Augustin), La sécurité, la fondation de l'Etat centrafricain : contribution à la recherche de l'Etat de droit, Thèse de doctorat en droit public, Université de Bourgogne, mars 2012, p. 26. |
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