Chapitre IV. DISCUSSION
4.1. PREVALENCE DU VHC CHEZ LES DIABETIQUES
Dans notre étude, nous avons trouvé une
séroprévalence de VHC de 7,8% chez les diabétiques. Le
tableau VII présente la séroprévalences du VHC parmi les
diabétiques selon la littérature.
Tableau VII.
Séroprévalence du VHC parmi les diabétiques dans la
littérature
Auteur (références)
|
Pays ou Ville
|
Séroprévalence VHC %
|
Jean F, et al [6]
Simo et al [20]
Chen et al en 2006 [26]
Olokoba et al en 2009 [23]
Diarra et al en 2013[24]
Lin et al en 2006 [19]
Ndako et al en 2009 [22]
Greca et al en 2011 [25]
Han Ni et al en 2012 [21]
Kambale K et al en 2018 [11]
Notre étude 2019
|
France
Egypte
Cameroun
Nigéria
Mali
Madagascar
Nigéria
Congo Brazza
Malaisie
RDC/Kisangani
RDC /Bukavu
|
3,1
6,2
6,8
9,3
10,5
10,9
11
14,7
19
24,8
7,8
|
L'examen du tableau VII fait ressortir une grande
variabilité dans les valeurs de la séroprévalence du VHC
parmi les diabétiques.
Nous pouvons facilement distinguer des zones/pays de
séroprévalence supérieure ou égale à 10
% : Mali, Madagascar, Nigeria, Congo Brazza, Malaisie et Kisangani (RDC)
[11, 19, 22 -25] ; des zones/pays de séroprévalence moyenne
comprise entre 5 et 9 % : Egypte, Cameroun, Nigeria [20, 23, 26] et
Bukavu (RDC, notre étude) ; un pays à faible
prévalence inférieure à 5% : France [6]. La
séroprévalence moyennement faible de Bukavu par rapport à
certaines contrées d''Afrique subsaharienne et centrale pourrait
s'expliquer, entre autres raisons, par le fait que les patients
diabétiques de notre milieu bénéficiaient de
séances d'éducation thérapeutique en rapport le
contrôle de leur diabète, l'auto surveillance de
l'insulinothérapie (comment faire une piqure lors des injections
d'insuline) ce qui pourrait diminuer le risque de contracter une
éventuelle infection à l'hépatite C.
D'autre part, les anticorps anti-VHC apparaissent vers la
sixième semaine après la contamination. Le dosage des anticorps
anti-VHC possède une forte valeur prédictive positive pour
caractériser l'exposition au virus de l'hépatite C, mais ce test
peut laisser passer des patients qui n'ont pas encore développé
d'anticorps (séroconversion), ou ont un niveau d'anticorps insuffisant
pour pouvoir être détecté ; en d'autres mots, au cours
de cette période, la sérologie est négative. Par ailleurs,
si le statut immunitaire du malade est affaibli, comme chez les patients vivant
avec le VIH en plus du diabète, la sérologie sera
négative, d'où une séroprévalence faible [6, 20,
26]. Enfin, il existe des personnes infectées par le VHC qui ne
développeront jamais d'anticorps contre le virus et donc n'auront jamais
de test positif au dosage des anticorps anti-VHC [28].
4.2 AGE DES PATIENTS
Tableau VIII. Ages des patients VHC+
les plus touchés selon la littérature.
Auteurs (Réf)
|
Pays ou ville
|
Ages plus atteints
|
Diarra et al en 2013 [24]
|
Cameroun
|
= 60 ans
|
Soverini et al en 2011 [34],
|
Cameroun
|
62,4 ans,
|
Sangiorgio et al en 2000 [32]
|
Mali/Bamako
|
62,23 ans
|
Gulcan et al en 2008 [33]
|
Turkey( Kutahya)
|
65,2 ans
|
Olokoba et al en 2009 [23]
|
Nigéria
|
66 ans
|
Kambale K et al en 2018 [11]
|
RD Congo/Kisangani
|
= 50 ans
|
Notre étude 2019
|
RD Congo/Bukavu
|
= 50 ans
|
Le tableau VIII montre la plupart des patients
séropositifs au VHC parmi les diabétiques est âgée
de 50 ans au moins [11, 23, 24, 32-34]. Ceci pourrait s'expliquer par le fait
que l'âge est un facteur de risque de maladies hépatiques et
surtout infectieuses où on assiste à une baisse de
l'immunité et à l'augmentation de complications liées au
diabète.
4.3 SEXE DES PATIENTS
Dans notre série, le sexe n'était pas
significativement associé à l'infection au VHC (tableau I). Notre
résultat est en désaccord avec d'autres études :
Gulcan et al [33] ont trouvé une séroprévalence respective
de 85,2% pour les femmes et 14,8% pour les hommes. Mekonnen et al [28],
Soverini et al [34], Diarra et al [24] ont présenté une
prédominance féminine. Cette séroprévalence
prédominante dans le sexe féminin peut trouver une explication
dans le fait que l'on observe pratiquement une augmentation féminine du
diabète de type 2 (connu et méconnu) en rapport avec le
syndrome métabolique et la sédentarité.
4.4 PROVENANCE ET PROFESSION DES PATIENTS
La majorité des patients provenait de la commune de
Kadutu et de la commune d'Ibanda (tableau I); ce qui pourrait s'expliquer par
le fait que le Centre de Santé CHARLES MBOGHA se trouve dans la commune
d'Ibanda et désert en majeure partie les habitants de cette commune.
Cependant, l'infection au VHC n'était pas significativement liée
à la provenance. Concernant la profession (tableau I), nous avons une
différence statistiquement significative (p value=0,04) : 57,2% des
patients VHC + étaient sans profession. Ce résultat coïncide
avec les données de l'étude de Greca et al [25] où l'on a
retrouvé une prédominance de chômeurs chez les patients
diabétiques VHC+. La majorité de nos patients avait un âge
avancé sans niveau d'étude et se retrouvait dans
l'impossibilité de réaliser des travaux particuliers.
4.5. ANTECEDENTS D'ALCOOL
L'infection au VHC chez les patients
diabétiques'était significativement associée aux
antécédents d'alcoolisme (tableau II). Diarra M.T. et al
(24) ont montré que la plupart de patients diabétiques avec
infection à l'hépatite C avaient des complications
redoutables dont la cirrhose hépatique et le carcinome
hépatocellulaire; les antécédents d'alcoolisme et de
transfusion sanguine étaient les facteurs de risque fréquemment
associés ; car une consommation excessive d'alcool
supérieure à 50g/jour était associée
significativement à un stade de fibrose plus élevé, une
augmentation de la réplication du VHC, une cytolyse hépatique,
une surcharge en fer et une diminution la réponse immunitaire et une
insulinorésistance. Chez les patients vivant avec l'hépatite C,
on a observé que l'importance de la virémie était
proportionnelle à la quantité d'alcool consommée. Par
contre pour une consommation plus faible, inférieure à 40g/jour,
le taux de progression de fibrose ne serait pas significativement plus
élevé. Il est important de conseiller au malade l'arrêt de
consommation régulière d'alcool. [24]
4.6. ANCIENNETE DU DIABETE
La majorité des diabétiques VHC+ vivaient avec
leur maladie depuis plus au moins 10 ans et la majorité des
diabétiques VHC- vivaient avec leur maladie depuis moins de 10 ans (p
< 0,05) (tableau I). Olokoba et al [23] ont trouvé dans leur
étude que la durée moyenne d'évolution du diabète
était de 8 ans chez les patients avec VHC. Ce résultat est
comparable à celui noté par Simo et al. [20] et par Greca et al.
[25] qui ont trouvé respectivement des moyennes de 10,5 ans et 12,6 ans.
En effet, il y a un rapport entre l'ancienneté du diabète et le
risque de développer des complications infectieuse
particulièrement une infection à l'hépatite C après
une durée supérieure à 10 ans et si le diabète
n'est pas bien contrôlé [26].
4.7. TYPE DE DIABETE
Le VHC était plus retrouvé dans le
diabète de type 2 que dans le diabète de type 1 (p < 0,05)
(tableau III). Ce résultat est en accord avec les études de
Soverini et al [34], Mekonnen et al [28] qui ont rapporté une
fréquence plus élevée en analysant des échantillons
uniquement de type 2. Le manque de facteur épidémiologique
particulier de l'infection par le VHC comme par exemple la notion de
transfusion sanguine, et le tatouage etc.... pour notre population
diabétique suggère plutôt que le virus puisse avoir un
rôle direct dans le développement du diabète et par
conséquent on ne peut pas savoir si l'infection est survenue avant ou
après le diabète.
4.9 INDICE DE MASSE CORPORELLE
L'IMC > 24,9 était plus fréquent (85,7%)
parmi les patients VHC + que parmi les patients VHC - (74,7%) et
l'infection par le VHC était significativement associée à
une élévation de l'IMC (p < 0,05) (tableau IV).
Des données semblables ont été
rapportées par Chen et al. [26] avec 43,2% de patients en surpoids et
13,7% de patients obèses. Mehta et al. Par contre, ont noté que
6,13% de la population étudiée étaient en surpoids alors
que 6,13% étaient obèses seulement [29].
4.10 TRAITEMENT DES PATIENTS
L'infection au VHC n'a pas été significativement
associée au type de traitement du diabète (p > 0,05).
Soverini et al [34], dans leur étude avait un seul patient
séropositif traité par antidiabétique non insulinique
seulement (11,11%), deux patients mis sous traitement antidiabétique non
insulinique et insulinothérapie (22%) tandis que six patients
étaient mis sous insulinothérapie seule (66,66%). D'après
ces auteurs, leurs résultats plaidaient en faveur de l'hypothèse
de la transmission par l'autosurveillance glycémique. Cette
possibilité a été exclue en tant que facteur de risque
dans l'étude de Simo et al. [20] ; ils ont également
trouvé que 71,4% des patients séropositifs étaient mis
sous insulinothérapie, car les lancettes et les stylos étaient
rigoureusement changés pour chaque patient. De plus, dans un travail
proposant à plus de 250 sujets diabétiques un dépistage de
l'infection VHC, il n'a pas été observé de
différence pour les antécédents d'utilisation de lecteurs
de glycémie, d'hospitalisation en service de diabétologie ou dans
d'autres services [26]. L'augmentation de l'incidence de l'infection VHC des
sujets diabétiques est donc probablement secondaire à l'effet
direct ou indirect du VHC sur le métabolisme glucidique, et non pas
à une augmentation de la transmission iatrogène du VHC chez des
sujets déjà diabétiques.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le diabète et l'infection par le virus de
l'hépatite C constituent de véritables problèmes de
santé publique. La relation entre ces deux pathologies a
été documentée par plusieurs chercheurs. Cependant, les
facteurs de risque de cette association ne sont pas encore complètement
élucidés. La fréquence de l'hépatite C varie d'un
pays à autre selon les facteurs de risque intervenant chez les patients
diabétiques. Dans notre étude, la fréquence du VHC parmi
les diabétiques de Bukavu était de 7,8% ce qui reste
élevée d'après la littérature.
Au regard de ces résultats, le dépistage chez
les diabétiques doit être systématique et des mesures
préventives doivent être prises afin de réduire le risque
d'infection par l'hépatite virale de type C.
Au regard de ces résultats, certaines recommandations
s'imposent :
Aux autorités politiques et administratives de
la RD Congo :
- Doter le laboratoire du Centre de Santé Mgr CHARLES
MBOGHA en matériel adéquat pour le bilan du VHC.
- Elaborer un programme national de lutte contre le
diabète
- Décentraliser la prise en charge du diabète au
niveau national
- Faciliter la prise en charge des patients diabétiques
infectés par le VHC.
Aux prestataires sanitaires de la RD Congo
:
- Un meilleur respect des règles d'hygiène
universelles et des recommandations de désinfection du matériel
médical non jetable, ainsi que le développement du
matériel à usage unique devraient permettre à terme une
quasi-disparition du risque de contamination nosocomiale,
- Renforcer la sécurisation du sang et/ou des produits
sanguins,
- La mise en place du dépistage génomique viral
systématique pour tout don de sang devrait encore réduire le
risque résiduel de la transmission du VHC par la transfusion,
- Maintenir une meilleure collaboration entre les
différents services concernés pour la prise en charge des
diabétiques avec VHC.
Aux malades :
- Suivre régulièrement les consultations ;
- Prendre régulièrement les médicaments
prescrits ;
- Suivre correctement le régime conseillé.
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