INTRODUCTION GENERALE
Ce travail de recherche porte sur la pratique de la
pêche au canton Ntem 1, situé au sein de la province du Woleu-Ntem
dans le Nord-Gabon. Sous un regard diachronique, il se propose d'abord
d'inventorier et d'analyser les techniques utilisées pour pratiquer la
pêche avant d'aborder par la suite les représentations et
imaginaires qui les encadrent. Dans les rapports des populations à
leurs techniques, nous allons ressortir une correlativité. Il s'agit
d'une part du rapport établi entre la technique et la
représentation qui l'encadre et du rapport symbolique de l'homme aux
cours d'eau, aux ressources aquatiques d'autre part. Nous parlerons des
rapports techniques et symboliques des populations à la pêche.
Nous verrons tout au long de ce mémoire que bien
qu'étant un type de pêche amélioré ou
renforcé, il s'agit d'une pêche à petite échelle qui
ne nécessite pas de grands dispositifs que ce soit en termes de
techniques, d'outils ou d'organisation. Elle est surtout pratiquée par
les populations villageoises. A travers les techniques, nous saisirons entre
autres l'imaginaire de l'eau, les notions de subsistance, de parcimonie, de
normes coutumières ou traditionnelles, etc.
Dans le souci de s'alimenter en poissons, les techniques de
pêche que nous étudions sont instituées en tant que moyens
de prédation ou de prélèvement des ressources
halieutiques. Elles sont le produit culturel de l'homme qui les utilise pour se
nourrir au même titre que les techniques de chasse ou agricoles. Pour
Georgina Assengone (2011 : 72-74) : « La pêche chez
les Fang du Woleu-Ntem est l'une des activités les plus importantes
derrière l'agriculture qui généralement occupe les
populations ». Dans le cas particulier des Fang du Ntem, cette
affirmation entre en vigueur dans la mesure où la pêche est
importante et participe non seulement au processus de socialisation des
populations rurales mais aussi à leurs habitudes alimentaires.
D'un point de vue empirique, la pêche est
présente dans différentes cultures du monde. Chaque ethnoculture
la pratique selon l'écosystème avec des techniques et
représentations qui lui sont propres. Richard Price (1964 : 44-73)
et Hélène Pagezy (2006 : 44-62) ont montrés comment
les populations intègrent leurs savoirs et savoir-faire dans la pratique
de la pêche. Elles la pratiquent en fonction de leurs cadres culturels.
Autrement dit, elles s'identifient à la pêche à travers
les manières de la pratqiuer ou encore les rapports qu'elles ont
à leurs techniques et à leurs cours d'eau. Nous parlerons ainsi
de la pêche traditionnelle aux techniques instituées par les
imaginaires locaux et encadrées de constructions mentales et
symboliques.
Pour tenter de mieux comprendre et analyser la pratique de la
pêche, nous allons repertorier un ensemble de termes endogènes. Il
s'agit des systèmes de dénominations des techniques et outils,
des cours d'eau, des poissons et autres connaissances connexes à la
pêche dans la langue fang. Elle joue un grand rôle dans les
systèmes de désignation des connaissances relatives à la
pêche en même temps qu'elle permet d'en saisir le sens. Le travail
de Nza-Mateki (2005) sur la description de l'espace villageois et ses
différentes activités renforce cette position de l'utilité
de la langue. L'auteur prend l'exemple de la pêche et traduit à
chaque fois en langue idzébi, les différents accessoires et
connaissances qui la constituent.
De même, Paulin Kialo (2007 :90-91) dans son
analyse des rapports des populations Pové à la forêt, fait
un usage de la langue pové pour désigner et décrire les
outils masculins et féminins de la pêche, la chasse et
l'agriculture. La langue devient ainsi un vecteur des savoirs dans les
pratiques sociales et permet leur compréhension et leur analyse. Comme
ces auteurs, elle nous amenera à établir un lexique
endogène propre à la pêche et ses techniques au canton Ntem
1.
Nous rappelons que les rapports que nous
évoquerons vont aussi nous permettre de relèver certaines
fonctions culturelles des techniques de pêche. Celles-ci sont
d'ordre : thérapeutique, économique, religieux, foncier,
etc. Tout cela renvoie davantage aux constructions mentales des populations
autour de la pêche. On verra à ce niveau, la question du rapport
de l'homme à l'eau et aux ressources aquatiques qui recouvrent les cours
d'eau. Il faut dire que l'eau est un élément à relever
dans la pêche car sans elle, cette pratique n'aurait pas lieu. Le cours
d'eau est le lieu de matérialisation des techniques de pêche. Nous
allons considèrer l'eau comme un angle stratégique dans ce
travail d'analyse.
La pratique de la pêche s'accompagne toutefois
de la maitrise de l'ensemble des connaissances qui l'entourent. Pour Victor
Giov Annoni (1992 : 63-68), c'est cette capacité à
maitriser ces connaissances qui fait du pêcheur un « Bon
pêcheur et rusé ». Il est important de connaitre les
saisons, les interdits, les espèces halieutiques, les appâts, les
cours d'eau, les prières, les lieux fréquentés par les
poissons ou leurs réactions, etc. Surtout, il faut maîtriser les
techniques sollicitées et la périodicité de leur
utilisation pour qu'elles soient efficaces et performantes. André Leroi
Gourhan (1992 : 68-92) affirme à ce propos que :
« la technique ne se limite pas qu'aux objets et aux outils. La
technique se fonde avant tout sur le savoir-faire, c'est-à-dire une
efficacité qui possède de fortes composantes cognitives dans la
maîtrise de processus ».
La technique est donc un élément
culturel produit à des fins utilitaires car, une technique est toujours
utilisée pour atteindre un objectif. En revanche, il faut aussi tenir
compte des paramètres qui régissent cet objectif, ils ne sont pas
à négliger. Dans le cadre de la pêche et notamment chez ces
Fang. Chaque technique renvoie à un type de pêche particulier
relevant à cet effet des connaissances propres. Chaque technique permet
donc l'accès aux poissons spécifiquement à son mode
d'emploi. Il s'agit de savoir comment, à travers ces connaissances
techniques l'homme adapte son milieu de vie à ses besoins
immédiats ou latents, quand bien même, tout ce qu'il met en place
est chargé d'un sous-entendu, d'un univers symbolique, d'où sa
différence avec l'animal.
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