Université Omar
BONGO
Faculté des Lettres et
Sciences Humaines
Département
d'Anthropologie
Mémoire de
Master
Anthropologie des techniques dans la pratique de la
pêche au canton Ntem 1
Option : Patrimoines et dynamiques
sociales
Présenté et soutenu
par :
ONDO OBAME Cédric
Membres du jury :
Président du jury : Nzenguet
Jules-Christ, historien, MC (CAMES)
Examinateur : Yanga Ngary Bertin,
sociologue, MA (CAMES)
Directeur du mémoire : Kialo Paulin,
Eco-anthropologue, MC (CAMES)
Année universitaire 2015-2016
Université Omar BONGO
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines
Département d'Anthropologie
Mémoire de Master
Anthropologie des techniques dans la pratique de la
pêche au canton Ntem 1
Option : Patrimoines et dynamiques
sociales
Présenté et soutenu
par :
ONDO OBAME Cédric
Membres du jury :
Président du jury : Nzenguet
Jules-Christ, historien, MC (CAMES)
Examinateur : Yanga Ngary Bertin, sociologue,
MA (CAMES)
Directeur du mémoire : Kialo Paulin,
Eco-anthropologue, MC (CAMES)
Année universitaire : 2015-2016
REMERCIEMENTS
Nous remercions l'ensemble des personnes qui nous ont
aidées à réaliser ce travail.
Nous pensons particulièrement à :
- monsieur Kialo Paulin,
-l'ensemble des enseignants du département
d'anthropologie,
- nos parents Minko mi Mve Théophile et Ntsame
Allogho Confidence,
- notre grand-père Nkoulou Nguema Laurent,
- notre oncle Ondo Allogho Modeste;
- notre tante Ada Allogho Espérance et son
époux Messi Luc,
- toute notre famille ;
- tous nos amis.
DEDICACE
A tous ceux qui nous ont
quittés
SOMMAIRE
INTRODUCTION
GENERALE............................................... ......6
1. Approche
Théorique..................................................................8
2. Approche
méthodologique :......................................................20
PREMIERE PARTIE : Description des lieux,
inventaire et analyse des techniques de pêche au canton Ntem
1............................................24
Chapitre I : Présentation et organisation
sociale du canton.................................25
Chapitre II : Inventaire et analyse des
techniques de pêche ................................38
DEUXIEME PARTIE : Analyse diachronique des
fonctions et représentations culturelles des techniques de
pêche.............................63
Chapitre III : Techniques de pêche et
fonctions culturelles..................................64
Chapitre IV : Les techniques de
pêche : représentations et imaginaires symboliques
..............................................................................................................87
CONCLUSION
GENERALE.....................................................................102
INTRODUCTION GENERALE
Ce travail de recherche porte sur la pratique de la
pêche au canton Ntem 1, situé au sein de la province du Woleu-Ntem
dans le Nord-Gabon. Sous un regard diachronique, il se propose d'abord
d'inventorier et d'analyser les techniques utilisées pour pratiquer la
pêche avant d'aborder par la suite les représentations et
imaginaires qui les encadrent. Dans les rapports des populations à
leurs techniques, nous allons ressortir une correlativité. Il s'agit
d'une part du rapport établi entre la technique et la
représentation qui l'encadre et du rapport symbolique de l'homme aux
cours d'eau, aux ressources aquatiques d'autre part. Nous parlerons des
rapports techniques et symboliques des populations à la pêche.
Nous verrons tout au long de ce mémoire que bien
qu'étant un type de pêche amélioré ou
renforcé, il s'agit d'une pêche à petite échelle qui
ne nécessite pas de grands dispositifs que ce soit en termes de
techniques, d'outils ou d'organisation. Elle est surtout pratiquée par
les populations villageoises. A travers les techniques, nous saisirons entre
autres l'imaginaire de l'eau, les notions de subsistance, de parcimonie, de
normes coutumières ou traditionnelles, etc.
Dans le souci de s'alimenter en poissons, les techniques de
pêche que nous étudions sont instituées en tant que moyens
de prédation ou de prélèvement des ressources
halieutiques. Elles sont le produit culturel de l'homme qui les utilise pour se
nourrir au même titre que les techniques de chasse ou agricoles. Pour
Georgina Assengone (2011 : 72-74) : « La pêche chez
les Fang du Woleu-Ntem est l'une des activités les plus importantes
derrière l'agriculture qui généralement occupe les
populations ». Dans le cas particulier des Fang du Ntem, cette
affirmation entre en vigueur dans la mesure où la pêche est
importante et participe non seulement au processus de socialisation des
populations rurales mais aussi à leurs habitudes alimentaires.
D'un point de vue empirique, la pêche est
présente dans différentes cultures du monde. Chaque ethnoculture
la pratique selon l'écosystème avec des techniques et
représentations qui lui sont propres. Richard Price (1964 : 44-73)
et Hélène Pagezy (2006 : 44-62) ont montrés comment
les populations intègrent leurs savoirs et savoir-faire dans la pratique
de la pêche. Elles la pratiquent en fonction de leurs cadres culturels.
Autrement dit, elles s'identifient à la pêche à travers
les manières de la pratqiuer ou encore les rapports qu'elles ont
à leurs techniques et à leurs cours d'eau. Nous parlerons ainsi
de la pêche traditionnelle aux techniques instituées par les
imaginaires locaux et encadrées de constructions mentales et
symboliques.
Pour tenter de mieux comprendre et analyser la pratique de la
pêche, nous allons repertorier un ensemble de termes endogènes. Il
s'agit des systèmes de dénominations des techniques et outils,
des cours d'eau, des poissons et autres connaissances connexes à la
pêche dans la langue fang. Elle joue un grand rôle dans les
systèmes de désignation des connaissances relatives à la
pêche en même temps qu'elle permet d'en saisir le sens. Le travail
de Nza-Mateki (2005) sur la description de l'espace villageois et ses
différentes activités renforce cette position de l'utilité
de la langue. L'auteur prend l'exemple de la pêche et traduit à
chaque fois en langue idzébi, les différents accessoires et
connaissances qui la constituent.
De même, Paulin Kialo (2007 :90-91) dans son
analyse des rapports des populations Pové à la forêt, fait
un usage de la langue pové pour désigner et décrire les
outils masculins et féminins de la pêche, la chasse et
l'agriculture. La langue devient ainsi un vecteur des savoirs dans les
pratiques sociales et permet leur compréhension et leur analyse. Comme
ces auteurs, elle nous amenera à établir un lexique
endogène propre à la pêche et ses techniques au canton Ntem
1.
Nous rappelons que les rapports que nous
évoquerons vont aussi nous permettre de relèver certaines
fonctions culturelles des techniques de pêche. Celles-ci sont
d'ordre : thérapeutique, économique, religieux, foncier,
etc. Tout cela renvoie davantage aux constructions mentales des populations
autour de la pêche. On verra à ce niveau, la question du rapport
de l'homme à l'eau et aux ressources aquatiques qui recouvrent les cours
d'eau. Il faut dire que l'eau est un élément à relever
dans la pêche car sans elle, cette pratique n'aurait pas lieu. Le cours
d'eau est le lieu de matérialisation des techniques de pêche. Nous
allons considèrer l'eau comme un angle stratégique dans ce
travail d'analyse.
La pratique de la pêche s'accompagne toutefois
de la maitrise de l'ensemble des connaissances qui l'entourent. Pour Victor
Giov Annoni (1992 : 63-68), c'est cette capacité à
maitriser ces connaissances qui fait du pêcheur un « Bon
pêcheur et rusé ». Il est important de connaitre les
saisons, les interdits, les espèces halieutiques, les appâts, les
cours d'eau, les prières, les lieux fréquentés par les
poissons ou leurs réactions, etc. Surtout, il faut maîtriser les
techniques sollicitées et la périodicité de leur
utilisation pour qu'elles soient efficaces et performantes. André Leroi
Gourhan (1992 : 68-92) affirme à ce propos que :
« la technique ne se limite pas qu'aux objets et aux outils. La
technique se fonde avant tout sur le savoir-faire, c'est-à-dire une
efficacité qui possède de fortes composantes cognitives dans la
maîtrise de processus ».
La technique est donc un élément
culturel produit à des fins utilitaires car, une technique est toujours
utilisée pour atteindre un objectif. En revanche, il faut aussi tenir
compte des paramètres qui régissent cet objectif, ils ne sont pas
à négliger. Dans le cadre de la pêche et notamment chez ces
Fang. Chaque technique renvoie à un type de pêche particulier
relevant à cet effet des connaissances propres. Chaque technique permet
donc l'accès aux poissons spécifiquement à son mode
d'emploi. Il s'agit de savoir comment, à travers ces connaissances
techniques l'homme adapte son milieu de vie à ses besoins
immédiats ou latents, quand bien même, tout ce qu'il met en place
est chargé d'un sous-entendu, d'un univers symbolique, d'où sa
différence avec l'animal.
1 . Approche théorique
1.1 Objet
d'étude : Les techniques de pêche
Notre objet d'étude porte sur les
techniques de pêche chez les Fang ntumu du canton Ntem 1. Les techniques
employées par ces populations dans cette pratique nécessitent
une analyse anthropologique. Rappelons que chez les fang du Ntem, chaque
technique de pêche constitue en elle-même un type de pêche
propre. Cela revient à dire que la variété des techniques
de pêche usitées équivaut à la multiplicité
des types de pêche dans le canton. Les essences aquatiques
prélevées à partir de celles-ci contribuent au
bien-être nutritionnel, économique et social des populations.
Les techniques de pêche fonctionnent au
rythme de la variation des saisons pour la prédation ou le
prélèvement de ces ressources halieutiques. La pêche est
genrée et composée de deux désignations endogènes
à savoir : minyôp pour la pêche masculine et
melok, abula ou messama pour la pêche féminine.
Notre objet conssiste en outre à étudier cette
déclinaison, comprendre le rapport que les deux classes d'acteurs ont
aux techniques respectives. Cependant, ces deux termes peuvent se regrouper
sous le vocable globale ayop (pêche).
La pêche est alors exercée en
fonction de la variation de ses périodes ou saisons. Par ailleurs,
elle est un élément culturel qui rend compte des savoir-faire et
constructions mentales des hommes dans leurs relations aux cours d'eau,
c'est-à-dire aux écosystèmes halieutiques ou marins. On
peut dire que les techniques de pêche du Ntem 1 relèvent des
construits endogènes malgré leur associations aux outils
modernes. Il' s'agit entre autre des pratiques d'accumulation, d'exploitation,
de production, de consommation, de transformation, d'appropriation et de
gestion des ressources aquatiques en fonction du besoin du pêcheur.
Les populations ont dotées chaque
technique de pêche d'outils ou d'accessoires, des pratiques propres pour
capturer des types de poissons donnés. A cela s'ajoute la
représentation qui entoure chaque technique. On retrouve là, les
quatre éléments qui constituent une technique tels que l'entend
P. Lemonnier (2004 : 697). Les techniques de pêche sont donc
semblables à des systèmes où chacun de leurs
éléments constitutifs n'a de sens qu'en rapport avec les autres.
Pour lui: « Une technique met en jeu les éléments
suivant : une matière sur laquelle elle agit ; des
objets ; des gestes qui mettent en mouvement ces objets ; enfin les
représentations particulières qui soutendent les gestes
techniques ». Le rapport de l'homme à sa technique
amène alors à saisir ce système symbolique. Ainsi, toute
technique quelque soit le domaine respecte-t-elle ce système.
Les techniques étudiées ne se
limitent pas qu'à l'objet qu'est la pêche ou à ses outils.
Une technique de pêche se fonde avant tout sur le savoir-faire,
c'est-à-dire une efficacité de fortes composantes cognitives dans
la maitrise du processus culturel. Elle est donc humaine et identifie le
groupe.
1.1.1 Contexte générale de
l'étude
Le contexte
général dans lequel cette étude se situe est celui de la
confrontation de deux imaginaires en opposition dans la pratique de la
pêche au Gabon. Il s'agit de l'imaginaire de la pêche
``industrielle'' et celui de la pêche ``traditionnelle''. Nous
définissons de manière respective ces deux positionnements pour
mieux saisir le contexte général.
Dans un premier temps, la pêche industrielle
est une pêche orientée sur une « économie de
marché ». Le terme désigne un
système
économique où les décisions de produire,
d'échanger et d'allouer des
biens et
services
rares sont déterminées majoritairement à l'aide
d'informations résultant de la confrontation de l'offre et de la demande
établie par le libre jeu du marché. Il est donc question d'une
pêche dominée par la production massive des ressources
halieutiques. Se pratiquant surtout en mer profonde et litoraux, ses
techniques et outils sont à long terme et traduisent une performance
permettant des prélèvements de masse. On assiste dans ce cas
à une pêche à grande échelle. L'imaginaire qui
prévaut dans cette pêche « moderne » est
l'économie de marché.
L'autre type de pêche par contre est la
pêche traditionnelle soutendue d'une « économie
sociale ». Ce terme regroupe un ensemble de
coopératives,
mutuelles,
associations,
syndicats et
fondations,
fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de
solidarité entre membres et d'indépendance économique. Ce
type de pêche est pratiqué en eaux continentales
(rivières, fleuves, lac, étangs, etc.) et est encadrée par
l'autoconsommation des resources halieutiques. Les populations pêchent
pour se nourrir dans l'immédiat grace à des techniques
rudimendaires et à court terme. Cette pêche n'admet pas une
commercialisation au sens capitaliste du terme, il s'agit d'une économie
sociale déterminée par des besoins sociaux à court terme.
Cependant, l'influence de la modernité a conduit à
l'intégration de connaissances modernes (les outils surtout) dans cette
pêche qui pour nous, est devenue « traditionnelle et
moderne », cumulant simultanément des outils traditionnels
ancestraux et ceux modernes.
A la différence du premier type de
pêche, le second type de pêche est celui qui peut garantir une
gestion durable des ressources halieutiques. En observant les deux types de
pêche, les techniques ou les rapports aux techniques sont
différents tout comme les contructions symboliques qui les encadrent. Le
contexte dont il s'agit est donc celui d'une pêche aux techniques et aux
représentations distinctes : l'industriel et le traditionnel.
1.2 Le champ de la recherche
1.2-1 Cadre théorique
Notre objet d'étude nous amène
à nous inscrire dans deux cadres théoriques correlés. Il
s'agit dans un premier lieu de l'anthropologie des techniques. Ce cadre
théorique va nous permettre de faire un inventaire des techniques
sollicitées par les pêcheurs. Cette déclinaison permetra
aussi d'étudier les techniques utilisées par chaque classe
d'acteurs. Il nous est important dans ce travail de ressortir le lexique
spécialisé relatif à la pêche des Fang Ntumu. Mais
pour y arriver, André Leroi Gourhan et André Georges Haudricourt
nous sont utiles.
L'anthropologie des techniques est une branche de
l'anthropologie qui s'intéresse à l'histoire, à l'usage et
aux rôles des objets techniques, y compris leur rôle symbolique.
Elle étudie les effets des techniques sur les autres
phénomènes sociaux et vice versa. Etant une des méthodes
du courant évolutionniste et diffusionniste, elle prend son essence au
XIXe siècle où elle a servi au classement des
sociétés en fonction de leurs savoir-faire technique ou
technologique. L'anthropologie des techniques rend compte du mode de
fonctionnement physique et de l'efficacité des techniques. De plus,
l'étude anthropologique des techniques et des objets techniques ne se
limite pas aux techniques et aux objets considérés comme
traditionnels ou anciens, mais également aux faits sociaux
contemporains : l'alimentation, le vêtement, la chasse,
l'agriculture, le corps, etc.
Dans l'examen des techniques de pêche, la
question du rapport aux cours d'eau, aux techniques mais aussi toute la
représentation construite autour, nous amènent dans un second
lieu à nous inscrire dans l'anthropologie des imaginaires et des
représsentations. A ce niveau nous convoquons Cornélius
Castoriadis (1999) et Maurice Godelier (2010). Les représentations et
imaginaires qui encadrent la pratique de la pêche nous amènent
à solliciter les travaux de ces auteurs. Il faut dire qu'une technique
implique bien plus qu'elle-même mais tout un imaginaire de la
pratique. Il est important de comprendre l'histoire des populations, leur
environnement immédiat, l'histoire de leurs techniques et du milieu
social en présence. Cela permet de saisir la vision symbolique de
l'ethnoculture concernée. D'où la nécessité pour
nous de faire doublement appel à ces deux cadres théoriques.
Dans le cadre de la pêche au canton Ntem 1,
l'objectif d'une anthropologie des techniques permet de dépasser le
simple cadre d'une observation extérieur ou d'une description de la
technique pour approcher la pensée de la conception matérielle de
celle-ci. Cette approche est éclairée par des théories
émises par Cornélius Castoriadis (1999) notamment sur
l' « imaginaire instituant » des techniques de
pêche chez les ntemois. En reprenant l'auteur, il s'agit d'une
performance cognitive créatrice d'une oeuvre sociale. Les pratiques
sociales sont instituées parce qu'il y a des besoins sociaux à
couvrir tel que celui de se nourrir en aliments halieutiques. C'est aussi
à ce niveau le rapport de la technique aux représentations qui
l'encadrent. De plus, cette question des rapports corrélés aux
techniques et aux cours d'eau amène à saisir les rapports entre
« idéel et matériel » au sens de Maurice
Godelier (2010).
Les représentations voire les imaginaires
sont la constitution des ordres et des rapports sociaux, l'orientation des
comportements collectifs et transformations du monde culturel. Ces
représentations et imaginaires instituent, soutendent et donnent du sens
aux pratiques sociales et particulièrement aux techniques de pêche
dans ledit canton. On peut donc comprendre un groupe quelconque en fonction de
ses modes de pensées. Ces derniers sont alors ce que nous appelons
logiques soujacentes ou constructions mentales qui peuvent encadrer une
pratique culturelle donnée.
1. 2.2 Zone d'étude
Notre recherche s'est déroulée au
canton Ntem 1 au nord de la province du Woleu-Ntem. Plus précisement,
nous avons travaillés sur quatre villages dudit canton. Ce dernier se
trouve particulièrement dans le département du Ntem (Bitam). Du
point de vue étymologique, Ntem signifie littéralement en
fang ntumu ntem (la branche) d'après notre interlocuteur
Enguang Emmanuel1(*). Le
fleuve Ntem est alors comparé à une grosse branche d'arbre. Ce
nom a été donné à cette localité à
cause de la présence du grand fleuve de la province qui est le Ntem. Or,
on ne peut grimper un fleuve comme un arbre. On peut en revanche le traverser.
Notre zone d'étude est donc situé à la traversée
dudit fleuve pour accèder au Cameroun et de la rivière
Kyè pour accèder à la Guinée Equatoriale.
Le canton Ntem 1 est une des subdivisions des six
cantons du département du Ntem. On y trouve des hommes, des femmes et
des enfants qui sont des agriculteurs, des pêcheurs-chasseurs, des
commerçants et des scolarisés pour les plus jeunes. Le personnel
administratif affecté dans certains des soixantes-quatre villages du
canton (surtout les districts Eboro-Ntem et Meyo-Kyè) est en
majorité hétérogène et respectivement repartie dans
les secteurs de la Douane, Gendarmerie, Police, Phito-sanitaire, Education
scolaire et Ecclésiastique. Selon le découpage actuel, le canton
date d'environ dix ans et a connu l'installation des postes administratifs au
fil du temps. Il compte une population d'environ quatre milles (4000) habitants
d'après les données reçues à l'assemblée
départementale de Bitam en 2014.
Les villages sur lesquelles nous avons
travaillé sont entre autres : Eboro-Ntem qui est à trente
kilomètres (30 km) de Bitam ; Ndzibap qui est à
trente-deux kilomètres (32 km), Bikass qui est
à trente-cinq kilomètres (35 km) et Akam-si à trente-huit
kilomètres (38 km). Ces villagess sont tous situés dans le
même axe routier Eboro-Ntem et Meyo-Kye au Nord-Ouest du canton Ntem1.
L'objectif était d'avoir une compréhension large de notre objet
d'étude. Dans cette aventure, la préoccupation était de
voir si les techniques de pêche utilisées et les
représentations culturelles qui les encadrent étaient semblables.
Cela nous a aussi permis de compléter nos informations et même de
les confronter.
Les six cantons du département sont Ntem
1, Ekorété, Mveze, Mbogha, Kess et
Koum. Mais le plus peuplé et le plus fourni en cours
d'eaux est le Ntem 1, d'où notre intérêt pour cette
localité. Comme nous le verrons, ce canton est dominé par trois
grands cours d'eau à savoir : le Ntem, le Kye et le
Mvézé. Il abrite l'essentiel de la pratique de la pêche
dans le département.
Ci-après, nous présentons la carte
de données géographiques et hydrographiques de notre champ
d'enquète pour une meilleure localisation.
Carte 1 : présentation
géographique de la zone d'étude au sein du canton
Ntem1
Cette carte localise la zone d'étude. Elle présente la partie
nord-ouest du canton Ntem 1 notamment les villages
enquétés : Eboro-Ntem, Ndzibap, Bikass, Akam-si et
l'hydrographie de ladite zone (confère légende de la carte).
1.3. La conceptualisation
Dans ce travail, nous considérons
qu'Ayôp (pêche) est le concept clé. Il renvoie non
seulement aux pêches masculine et féminine, mais aussi à
la situation de pêche en fang ntumu. Mais notre conceptualisation passe
d'abord par la définition de la technique et de la pêche.
1.3.1 Définition des termes :
Technique et Pêche
1.3.1.1 La technique
Selon Lemonier cité par Pierre Bonte et
Michel Izard (2004 : 697), on entend par
technique : « Une reproduction sociale, une action
socialisée sur la matière, mettant en jeu les lois du monde
physique. Elle met en relief : ce sur quoi elle agit, les objets avec
lesquels elle agit (outils) ; la manière (geste) avec laquelle elle
agit puis les représentations qui se cachent derrière les
gestes techniques. La technique est un système ». La
technique apparait dans la pratique de la pêche comme un
procédé, une sorte d'enchainement d'éléments et de
mouvements reliés les uns aux autres pour parvenir à un
résultat recherché : le prélèvement de la
ressource.
Chaque élément et mouvement de
l'enchainement est muni de sens et participe à cet enchainement qui
constitue ainsi la technique. La technique de pêche serait
inéfficace en l'absence d'un élément ou à la
mauvaise exécution d'un mouvement de la technique. La technique de
pêche intègre donc le geste matériel, d'où
une « Anthropologie du geste » qui implique
l'idée du corps en mouvement au sens de Marcel Jousse (1978). La
technique est un système complexe.
Toutefois, il existe plusieurs types de
techniques à savoir : les techniques vestimentaire, alimentaire, de
chasse, agricole, de pêche etc. et celles-ci se distinguent en fonction
des rapports à leurs objets et les représentations qui les
encadrent au sein de la société qui les produit. André
Leroi Gourhan (1979) dit à cet effet que : « Chaque
technique est fonction du milieu de production, donc de la
société qui la produit ». Aussi, il pense que la
technique est développée par l'homme pour exploiter les
matières qui lui sont offertes par la nature, d'où les techniques
générales, spécifiques et pures. Cette idée sera
complétée par André Haudricourt
(1964) à travers son principe de correspondance entre la
technique et le type d'agriculture. Selon lui, le type d'agriculture est
spécifique à la technique. Les techniques de pêche que
nous analysons sont des techniques propres et spécifiques car renvoyant
particulièrement à la pratique de la pêche.
Les Fang ntumu du canton Ntem1 accordent
différents sens concernant le terme « technique ».
Dans un premier temps, la technique renvoie d'abord à une
stratégie fekh, c'est-à-dire à une
manière de faire individuelle ou collective permettant d'accèder
à un résultat ou à une ressource. Dans ce sens, la
technique apparait comme un moyen pour atteindre un but. Elle ne prend en
compte aucun élément connexe (rituel, interdits, prières,
etc.). C'est à ce premier niveau que certaines personnes se limitent
lorsqu'ils vont pratiquer la pêche ou la chasse par exemple. Il ne s'agit
que de l'accès aux ressources halieutiques ou aux gibiers.
Deuxièmement, la technique renvoie à la
méthode, c'est-à-dire à un ensemble de
procédés (outils, saisons, lieu de la pratique, etc.) pour
aboutir à un ou plusieurs résultats. Dans ce sens, elle apparait
comme un itinéraire déjà établi et qui doit
être respecté pour avoir de bons résultats. Mais cette
manière de penser la technique s'inscrit davantage dans l'agriculture
sur brûlis qui occupe l'essentiel du temps des villageois. A travers ces
deux niveaux, on se rend compte que la technique est présent dans
l'ensemble des activités villageoises des fang.
Cependant, notre analyse nous amène à
porter un autre regard sur cette approche définitionnelle de la
technique. La technique renvoie aussi à un type particulier
d'agissement ou de pratique prenant simultanément en compte les acquis
techniques matériels puis, les aspirations et constructions imaginaires
qui la régissent. Cela va plus loin que le simple cadre d'une
stratégie ou d'une méthode tel que vue plus haut. Nous sommes
là dans le cadre des pratiques et croyances en fonction du domaine en
présence et surtout dans la dimension historique de la technique. Les
techniques de pêche se présentent comme des faits traduits par des
manières d'agir différentes en fonction du rapport à la
technique et au cours d'eau. De plus chaque technique de pêche est
spécifique tout comme ses aspects symboliques. Nous sommes dans ce
cadre en présence de l'expression Mevala meyop que les Fang
utilisent pour désigner les techniques de pêche et leurs contenus,
c'est-à-dire leurs logiques soujacentes.
1.3.1.2 La Pêche :
La pêche est l'accès aux ressources
aquatiques par l'intermédiaire d'une ou plusieurs techniques. Autrement
dit, c'est l'action de préléver, ou de capturer du poisson dans
son espace de vie.
Les populations villageoises du canton Ntem 1
appréhendent la pêche (ayôp) comme le fait de
rassembler au préalable des outils de pêche en fonction de la
technique sollicitée et se rendre à un cours d'eau à fin
d'y capturer du poisson ou autres crustacés et revenir au village.
Enguang Emmanuel (voire à la page 7) dit à cet effet
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Batera akômane adzâ,
eyong-té wake ochigne ne wake yôp. Ede ayôp ayili nâ,
wake avâ kuass ochigne, ossô-dô adzâ. Égne
mayeme nâla.
|
1 Ce que je sais, c'est qu'on s'apprète
d'abord au village, ensuite on va pêcher. Ainsi, pêcher signifie
aller sortir le poisson d'un cours d'eau et l'amener au village. C'est ce que
je sais.
|
Pour ces popultion la pêche relève
de tout un processus. Elle n'est pas simple. Suite Nous nous sommes rendu
compte qu'à cette définition, il s'ajoute aussi des connaissances
connexes telles que le rapport à la technique ou aux cours d'eau et
surtout les représentations encadrant ladite pratique. Pour la
pêche masculine, on la désigne par miyôp2(*). Au féminin par
contre, on désigne la pêche à travers les
différentes techniques telles que melok3(*), messama4(*), abula5(*), etc.
Toutefois, la pêche est en elle-même une
technique de prédation ou de prélèvement de ressources
naturelles.
1.3.2 Le concept
« Ayôp »
La conceptualisation fait appel
à des éléments clés permettant de faire d'un terme
emic, un terme etic : les variables, les dimensions et
les indicateurs.
Chacun des éléments est une grille qui
prend appui sur les éléments empiriques (terrain) du concept
à construire. Dans ce sens, François de Singly (2005 : 28)
souligne que : « Dans les notions qui constituent l'objet,
il faut trouver des indicateurs empiriques, des moyens de les rapprocher, de
les mesurer ». Ceci confirme que les concepts scientifiques se
doivent de toujours reposer sur des matériaux empiriques. La
construction d'un concept opératoire s'appuie sur la pensée d'un
peuple donné, sur un imaginaire constitutif d'un groupe par rapport au
phénomène étudié. Le concept est alors
opératoire parce qu'il prend appui sur l'imaginaire social et culturel
des populations.
Tableau 1 : conceptualisation
Concept
|
Variables
|
Dimensions
|
Indicateurs
|
Ayôp
(Pêche)
|
Techniques de
pêche
mevala meyop
|
Religieuse
|
Ø Interdits, prières
Ø Rituels, croyances
Ø Fétiches, médicaments..
|
Juridique
|
Ø Foncier de l'eau
Ø Normes coutumières
Ø Terroirs de pêche etc.
|
Economique
|
Ø Production, gestion
Ø Commercialisation
Ø Les échanges etc.
|
Thérapeutique
|
Ø Poissons thérapeutiques
|
Ø
Performance
|
Ø Les outils
Ø Manière de pêcher
Ø Choix des techniques
Ø Quantité et qualité des poissons...
|
Représentations
culturelles
messimâne
|
Halieutique
|
Ø Eau
Ø Poissons
Ø Techniques
|
Durabilité
|
Ø La survie des techniques de pêche
Ø Les codes de pêche
Ø Les normes coutumières
|
Subsistance
|
Ø Outils à court terme et de faible ampleur
Ø Ressource humaine au centre de la pratique
|
Parcimonie
|
Ø Respect des saisons
Ø Respect des interdits
Ø Jachère des eaux
Ø Préservation des essences
|
Fonctions
mekaleya
|
Sociale
|
Ø Cohésion du groupe
Ø Chants, apprentissage
Ø Acquisition des valeurs, socialisation.
|
Religieuse
|
Ø Respect des interdits
Ø Le fétiche, les prières
Ø Croyances, augures et les symboles etc.
|
Economico juridique
|
Ø Nourrir la famille
Ø Le principe de propriété
Ø Logiques foncières
Ø Les petites ventes
|
1.4 Etat de la
question
La préoccupation portant sur les techniques
de pêche a déjà été abordée dans
certains travaux que nous avons parcourus. Après avoir fait
l'état de la question, nous donnerons l'orientation de ce travail.
Sur le plan économique, Joachin Moussavou
(1985) a travaillé sur la place de la pêche et la chasse dans
l'économie du canton Ngounié centrale dans la province de la
Ngounié. Il s'inscrit dans une anthropologie économique pour
analyser les rapports des populations dudit canton aux pratiques de chasse et
de pêche. Il inventorie ainsi les techniques, outils de pêche et de
chasse traditionnelle avant d'aboutir à leurs rapports à
l'économie. Pour conclure son apport, il montre comment ces deux
pratiques sociales contribuent à l'économie de ce canton
Ngounié centrale. Cet apport de Joachin nous aide à analyser les
techniques, mais aussi à saisir toute la portée économique
d'une pratique sociale quelque soit l'ethnoculture.
La dimension du conflit dans la pratique de la
pêche est abordée par Marie-Claire Bataille Benguigui (1989 :
31-43) qui en travaillant sur la pêche aux îles Tonga6(*), s'est intéressé
à l'antagonisme entre projet de dévéloppement et
traditions Tonga. Sous un regard comparé des différents acteurs
(les Tonga et les projets de dévéloppements), elle a
démontré que dans cet antagonisme, les Tonga pratiquent une
pêche commerciale tout en demeurant dans leurs idiumes culturels pour la
gestion durable de leurs ressources aquatiques (croyances, interdits, rituels,
consommation familiale, échanges cérémonielles et ventes).
Or les projets de dévéloppements ignorent ces idiumes qui sont en
fait l'identité même des populations tonga. Ainsi, nous comprenons
que toute pratique culturelle identifie toujours l'ethnoculture en
présence. Aussi, tout projet de dévéloppement doit-il
être en complémentarité avec l'éthique culturelle en
vigueur.
D'un point de vue historique, Guy Faustin Mbadinga
Moukétou (1995) a montré que la pêche était dans ses
origines une pratique féminine qui consistait à ramasser du
poisson dans des rivières. Elle se complétait à la chasse
et à la ceuillette. Devenue genrée et mixte de nos jours, la
pêche relève diverses techniques et connaissances connexes. Nous
retenons qu'en tant que principal rapport aux cours d'eau, la pêche ne
dâte pas d'aujourd'hui. Cependant, l'auteur ne relève que des
aspects relatifs à l'histoire, à l'origine, aux croyances et
organisations structurant ladite pratique en Afrique noire.
Cette anthropologie liée à la
portée historique de la pêche et ses techniques se complète
avec Pierre Edoumba Bokandzo (1999) qui a également travaillé sur
l'histoire de la pêche en Afrique centrale. Il définit la pratique
comme une activité ancienne. Pour lui, elle est pratiquée tout le
long des cours d'eau du continent africain. Il passe ensuite par l'organisation
sociale au sein de cette pratique qu'est la pêche en Afrique noire
où il y examine les points tels que l'approche genre, les croyances et
la diversification des techniques de la pêche. Il s'agit là selon
l'auteur d'un rapport ancien entre l'homme d'Afrique central et ses cours
d'eaux. Ceci est davatage un lien avec notre objet à travers le canton
Ntem 1 où la pêche reste une production culturelle et une
prédation depuis toujours. Mais, il faut dire que de ces deux auteurs,
les représentations ne sont pas clairement ressorties. Les techniques de
pêche avant tout le resultat de l'oeuvre cognitive des hommes.
Le religieux a été abordé par
Hélène Pagézy (2006). Elle a travaillé sur le
contexte magico-réligieux de la pêche au lac Tumba7(*), entre le normal et l'insolite.
Après un bref inventaire des techniques de pêche, l'auteur montre
qu'en société Tumba, la pêche comme la chasse est
régit par le bon vouloir des génies anthropomorphes,
hiérarchisés, territorialisés et vivant en
société sur le modèle humain. Il s'agit de la relation au
monde invisible comme mode de gestion des ressources naturelles halieutiques.
En parlant d'invisible et du visible, Paulin Kialo (2005 :84) note que la
pêche est une pratique matérielle, concrète en même
temps qu'elle est constituée d'éléments immatériels
abstraits (esprits, croyances, etc.). Dans ce cadre, ces auteurs nous mettent
en phase avec la sphère symbolique et réligieuse de la
pêche. Ce point est pour nous important à souligner. Nous
l'aborderons aussi un dans ce travail.
Pour terminer, la question des dynamiques dans la
pratique de la pêche regroupe respectivement Catherine Sabinot (2008) et
Linda Badjina Engonbengani (2011). Sabinot va s'intéresser pour sa part
aux dynamiques d'acquisition, d'adoption, de partage des savoirs et
savoir-faire au sein des populations du littorale Gabon. Elle montre dans sa
thèse de doctorat que les techniques de pêche sont des savoirs
locaux inhérents aux groupes qui les produisent. De plus, elle parvient
à un constat d'évolution, de transformation, de disparition,
mais aussi aux mécanismes internes qui permettent les dynamiques
variées de ces savoirs et savoir-faire.
Elle évoque une sorte de symbiose des
termes de représentation et de technique pour exprimer les savoirs et
savoir-faire. La pêche en milieu rural met donc en situation des
interactions de ces savoirs et savoir-faire avec des logiques symboliques. Tout
ceci intègre alors les rapports de l'homme à son
écosystème aquatique. Nous comprenons que les
représentations prennent en compte le choix des outils, s'agissant de la
conception des techniques et leurs rapports avec les acteurs sociaux qui les
sollicitent. Dans ce sens, Catherine décrit une des logiques symboliques
que nous prendrons en compte. Il s'agit du choix des outils, objets ou
matériaux de pêche dans ce rapport à la technique. Les
outils ont des rapports aussi bien avec les acteurs qu'avec les espèces
aquatiques sollicitées. L'outil est en partie une représentation
de la technique pour laquelle il va servir de conception.
Linda Badjina Engonbengani (2011) quant à
elle, a travaillé sur la dynamique des changements dans
l'activité de la pêche au Gabon de 1900 à nos jours. Elle
approfondit ses hypothèses sur les mutations des connaissances
liées à la pêche à savoir : les techniques, les
outils, la production, la consommation, la gestion et la commercialisation des
ressources aquatique au Gabon. Elle met en avant-garde de sa réflexion
une orientation diachronique et surtout économique de la pratique.
Elle recense et décrit les techniques et
outils de pêche employées dans le Moyen-Ogooué tout en
montrant les transformations subies par cette pêche traditionnelle
devenue selon elle semi-industrielle. Elle part de la dynamique des techniques
de pêche pour aboutir à la portée économique de la
pratique. Au centre de son travail, nous notons la diachronie, l'inventaire et
l'approche économique de la pêche en milieu rural.
Par ailleurs, un aperçu des auteurs qui
ont théorisé sur les techniques et représentations est
important dans cet état de la question.
André Leroi Ghourant (1992) nous fait
comprendre que tout milieu, tout domaine correspond à des techniques
appropriées ; de même toute technique a des
représentations propres. Milieu et technique est l'ouvrage
à travers lequel cet auteur fait un lien entre les techniques et les
représentations associées à un milieu précis
à des moments bien déterminés. Il pense que les
représentations rendent visibles et compréhensibles les
techniques sur la base d'une réalité existante.
Son point commun avec André Georges
Haudricourt (1968) est la compréhension de la manière dont les
hommes se sont adaptés aux différents milieux. Selon eux, cela
n'a été possible que par la production cognitive des techniques.
Ce qui fait que l'objet technique ne peut être compris que lorsqu'on met
autour de lui l'ensemble des gestes humains qui le produisent et le font
fonctionner. Dans ce cadre, les techniques de pêche sont une grille de
lecture productrice de sens. Elles agissent sur des milieux ou des corps en
impliquant des outils et la manière d'agir sur ces
éléments.
Maurice Godelier (2010) montre que par ses
idées, l'homme met en place des techniques lui permettant d'agir sur le
matériel, c'est-à-dire sur la nature ou son espace de vie. Pour
lui, il s'agit de l'appropriation matérielle et sociale de la nature.
Les techniques sont des productions cognitives et permettent à l'homme
de structurer, d'organiser son milieu de vie. Toutefois, il montre que c'est
à partir des représentations que les sociétés se
font de leur environnement qu'elles agissent sur celui-ci. Les
représentations sont les conditions de formation des rapports sociaux
entre l'homme et ses ressources. Les techniques de pêche sont donc
simultanément chargées d'une part matérielle et d'une part
idéelle. C'est à partir du rapport de ces deux parts qu'il
comprend l'imaginaire comme une pensée symbolique définissant les
pratiques sociales concrètes telles que la pêche et ses
techniques
Les représentations sont à la base
des abstractions et intègrent les imaginaires sociaux. Dans
l'institution imaginaire de la société, Cornelius Castoriadis
(1999) comprend que l'imaginaire d'une société n'est pas statique
mais plutôt dynamique. Il produit le réel. Pour cet auteur,
l'imaginaire est la capacité, l'aptitude à produire des
idées et c'est le fondement même du matériel. C'est
l'imaginaire qui institue les significations sociales qui décident de ce
qui est vrai ou faux pour une société. Elle est donc
premiére carelle institue la société et ses pratiques.
Pour nous, cette analyse est la même avec
les représentations et les techniques de pêche qui sont à
lire dans ce cheminement. Maurice Godelier et Cornélius Castoriadis se
complètent malgré leurs approches distinctes, c'est pourquoi nous
les convoquons tous-deux pour mieux comprendre et analyser les pensées
symboliques ntemoises à travers les rapports en vigueur dans la
pratique de la pêche.
1.5 La problématique et les
hypothèses
Au regard de tout ce qui précède,
nous retenons que les préoccupations majeures de ces auteurs ne se
limitent qu'aux aspects économiques, historiques et religieux de la
pêche au-delà des inventaires ou des descriptions des tehniques.
Ces travaux ne constituent que certains des aspects que nous abordons car toute
technique est un savoir-faire inhérent à un groupe, lequel
savoir-faire est soutendu d'une sphère symbolique à laquelle il
renvoie. C'est dire que la pratique de la pêche a d'autres logiques
toutes aussi pertinentes que celles évoquées.
Notre objectif est de faire dans un premier temps,
un inventaire et une analyse des techniques de pêche usitées
à l'échelle du canton Ntem 1, avant
d'aboutir par la suite aux représentations et imaginaires (logiques
soujacentes ou constructions mentales des populations) en vigueur. Il s'agit
des performances cognitives qui encadrent la pêche et ses techniques.
Ainsi, nous posons des questions problèmes aux quelles nous proposons
des hypothèses.
- quelles sont les techniques que les populations du canton
Ntem 1 ont toujours utilisées pour pratiquer la pêche ? Quels
sont leurs rapports à ces techniques ?
Pour répondre à cette
première préoccupation, notre hypothèse soutient que la
pratique de la pêche au canton Ntem 1 revèle une
variété de techniques genrées. Il s'agit de miyop
chez les hommes et de melok, abula ou messama chez
les femmes. Dans cette repartition, les techniques sont respectivement
distinctes. Cependant, miyop englobe les techniques masculines tout
comme melok chez les femmes. Il y'a aussi des techniques mixtes, c'est
le cas de melok et meyah (épuisettes). Chacune des
techniques relève des outils et connaissances propres pour son usage et
sa performance.
Quant aux rapports aux techniques, ils sont
déterminés par les façons dont les populations du canton
pensent, sollicitent, outillent et pratiquent les techniques en situation de
pêche dans les cours d'eau.
- étant donné que toute technique relève
une logique symbolique soujacente, quelles sont celles qui ont toujours
encadrées les techniques dans la pratique de la pêche à
Ntem 1 ? et que sont-elles devenues de nos jours?
La seconde hypothèse souligne que la
pêche regorge tout un ensemble de constructions mentales. Il s'agit de
l'idée d'une pêche de subsistance, d'une pêche
parcimonieuse, d'une pêche durable. A cela s'ajoutent aussi des fonctions
symboliques qui sont économiques, religieuses, foncières,
environnementales, socio-éducatives et thérapeutiques. Ces
différents aspects peuvent être observés dans tout le
département voire dans toute la province du Woleu-Ntem.
En outre, ces représentations et fonctions
sont restées les mêmes. Les techniques n'ont pas changé
malgré l'intégration de certains matériaux
importés. En revanche, cette intégration des nouveaux outils
mène à une certaine ``secondarité'' au sens de
Stéphanie Nkoghe (2011). Cette secondarité se justifie par la
présence des connaissances traditionnelles et celles modernes dans la
pratique de la pêche.
2. Approche
méthodologique
2.1 Techniques de collectes et
échantillon
Nous avons choisi de procéder par entretiens
directifs (entretiens rythmés de thèmes et items afin d'orienter
les échanges) et par observation directe dans la collecte des
données auprès des interlocuteurs dans l'objectif de mieux saisir
la pratique des techniques de pêche au sein de l'ethnoculture ntemoise.
Nous avons pu faire des photographiques et enrégister des données
sonores.
Nous nous sommes entretenus avec dix-huite
interlocuteurs au canton Ntem 1 puis à Bitam et à Libreville. Il
y a six femmes et douze hommes, dont quatre pêcheurs permanant et
quatorze pêcheurs occasionnels (ou consommateurs).
Tableau 2: L'échantillon de
l'étude.
Les interlocuteurs
|
Nombre
|
Pourcentage
|
Pêcheurs permanents
|
Consommateurs et (pêcheurs
occasionnels)
|
Hommes
|
12
|
64%
|
4
|
8
|
Femmes
|
6
|
36%
|
0
|
6
|
Totaux
|
18
|
100%
|
4
|
14
|
Nous avons classé nos interlocuteurs de la
manière suivante : Sur les dix-huit interlocuteurs
rencontrés, quatre de sexe masculin sont des pêcheurs permanents
alors que les quatorze autres des deux sexes confondus sont consommateurs et
pêcheurs d'occasion.
Même si la production est vendue, l'objectif
est de nourrir la famille. L'analyse des discours recueillis auprès de
ces interlocuteurs nous amène à procèder à la
classification des techniques de pêche, des fonctions de ces techniques
de pêche et pour terminer leurs représentations symboliques au
canton Ntem1. C'est à partir d'eux que nous sommes parvenus à
l'élaboration de ce travail. Notre première compréhension
était alors que les perceptions sur la pêche et ses techniques
sont restées les mêmes malgré une intégration
d'outils nouveaux dans les techniques. Mais tous ces points seront
éclairés tout au long de cette étude.
2.2 L'enquête
Nous avons mené nos enquètes pendant
un an et demi. Nous avons commancé nos enquètes alors que nous
étions encore en licence 3. Au début, l'objectif était de
travailler sur l'ensemble du département du Ntem (Bitam) mais, compte
tenu de la complexité du terrain, nous nous sommes convenu avec notre
directeur de recherches de nous limiter à un terrain d'etude
réduit. C'est alors que nous avons choisi le canton Ntem1 comme zone
d'étude étant donnée de l'abondance en cours d'eau et la
récurrence de la pratique de la pêche.
Sur le terrain, la langue de communication avec les
interlocuteurs était le fang, c'est pourquoi les récits
collectés sont en langue fang que nous traduisons à chaque fois
en français. On a mené notre recherche dans quatre villages du
canton. Il s'agit d'Eboro-Ntem, Ndzibap, Bikasse et
Akam-si, des villages qui connaissent la pratique de la pêche.
C'est d'ailleurs sous les indications de certains interlocuteurs que nous
étions à chaque fois amenés à étandre la
zone d'étude.
Ces villages sont respectivement situés le
long de l'axe routier Eboro-Ntem et Meyo-kye dans ledit canton. La carte de
localisation de notre zone d'étude précise ces détails
(confère page 7). Le Ntem et le Kye sont les cours d'eau les plus
abordés dans cette partie du canton et les voies d'accès à
ces villages visités ne sont praticables qu'en saison sèche.
Au cours de la réalisation de ce travail,
nous avons rencontré des difficultés relatives à l'absence
de la documentation, à la logistique, aux finances et aussi dans la
collecte des données.
Les thèses de Linda Badjina (2011), de
Cathérine Sabinot (2008) et quelques articles scientifiques sont les
documents qui actualisent la question de la pêche dans l'ensemble de nos
lectures. L'autre problème portait sur la recurrence des traveaux
traitant des mêmes aspects sur la pêche dans différentes
sociétés et disciplines. Il s'agit de l'inventaire des
techniques et la portée économique de la pêche en
général.
Ensuite, nous avons rencontré des
difficultés suite à la qualité des voies de communication
pour joindre les villages venquètés. En effet, le souci de s'y
rendre à chaque fois, c'est à dire le problème du
déplacement se posait toujours lors qu'il fallait quitter Libreville la
capitale pour le lieu d'étude. Cela nous posait des problèmes de
finances. Même quand nous étions déjà à
Bitam, le centre urbain de la localité du Ntem, il nous fallait toujours
des frais de transport pour se rendre dans les villages concernés.
L'autre problème était celui de
l'accès aux informations. Plusieurs interlocuteurs refusaient de nous
recevoir. D'aucun nous prenaient pour un agent du conseil départemental
en mission pour espionner les villageois pêcheurs. Quant à
d'autres, ils se méfiaient de nous. Ils nous donnaient de faux
rendez-vous ou demandaient en échange une bierre, des paquets de
cigarettes ou de l'argent. Il a nous a donc fallu passer par des
intermédiaires, des personnes pour nous aider à collecter nos
données.
Nombreux étaient aussi les interlocuteurs qui
ne nous fournissaient pas les informations qu'il nous fallait pour avancer.
Parmi les discours collectés, on se retrouvait dans la monotonie. Pour
cette raison, nous étions régulièrement amené
à rencontrer de nouvelles personnes pour des données utiles.
Aussi, la participation à certaines parties de pêche nous a
aidés à reccueillir des données factuelles. L'objectif
était d'observer un pêcheur ou un groupe de personnes en situation
de pêche. Il s'agit par exemple de bitélé
(pêche aux piquets), melok (pêche à
l'écopé), ofah (pêche à la ligne). Nous
avons pu assistés à l'usage de ces techniques, leurs outils en
vigueur, les types de poissons sollicités et le type de cours d'eau
approprié. Il pouvait arriver qu'on en revienne avec des
écorchures corporelles ou debut de fièvre.
Malgré toutes ces difficultés, nous
sommes quand-même parvenu à obtenir des données qui nous
ont permis de mener à bien notre étude.
2.3 La méthode d'analyse de contenu
comme technique de traitement des données
Le type de matériaux
à rechercher sur le terrain détermine les outils de collecte et
la méthode d'analyse des données colllectées. D'un point
de vue empirique, cette méthode d'analyse entre en application suite
à la qualité et la spécificité des
matériaux de la pêche artisanale en milieu cantonal ntemois. Nous
avions de ce fait des données factuelles, textuelles, photographiques,
filmographiques, webographiques et cartographiques. En d'autres termes, il
s'agissait des récits collectés en entretien, des documents, des
films documentaires, des photographies et cartes.
Cette méthode nous a permis de classer ces
différents corpus. Précisons que c'est à l'issue de cette
analyse de contenu que nous sommes parvenus au plan de ce mémoire. La
méthode de l'analyse des contenus nous a alors évité de
regrouper en un seul endroit l'ensemble des données collectées,
le mieux était de les incèrer dans l'ensemble du texte.
Pour procéder à notre
démonstration, notre travail se repartit en deux grandes parties de
quatre chapitres. Après l'introduction générale, la
première partie traite de l'état des lieux, l'inventaire et
l'analyse des techniques de pêche au canton Ntem 1. Cette partie
s'articule donc sur deux chapitres. Le premier chapitre présente le
canton Ntem 1 en décrivant son organisation sociale, son
économie, son hydrographie. Plus précisement, il est question de
présenter et de décrir la zone d'étude. Le deuxième
chapitre fait l'inventaire et l'analyse des techniques de pêche avant
d'en ressortir un lexique constitué des termes endogènes
utilisés pour désigner les connaissances liées à la
pêche.
La deuxième partie de ce travail fait
état des représentations culturelles de la pêche tout en
montrant quelques fonctions symboliques. En d'autres termes, il s'agit des
constructions mentales que les populations se font de la pêche. Cette
partie est également rythmée par deux chapitres dont le premier
traite des fonctions culturelles des techniques de pêche. Il s'agit des
dimensions culturelles symboliquement impliquées dans la pratique de la
pêche et ses techniques. Le deuxième quant à lui s'articule
sur les représentations symboliques de ces techniques en rapport avec
les écosystèmes aquatiques. Il s'agit des schèmes de
pensées à partir desquels la pratique sociale est
identifiée et trouve donc tout son sens latent.
PREMIERE
PARTIE :
Description des lieux, inventaire et analyse des
techniques de pêche.
CHAPITRE I :
PRESENTATION ET ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU CANTON
Dans ce chapitre nous faisons la
présentation du canton Ntem 1. En tant qu'espace culturel et
social, il importe de connaître la société au sein de
laquelle l'étude a eu lieu. D'abord, nous présentons le canton
à travers sa situation géographique. Cela va permettre
d'être en phase avec notre zone d'étude. Nous passons ensuite
à la présentation de la population du canton. Nous verrons les
clans, les nationalités, le personnel administratif voire les
correspondances entre tranches d'âge et la pratique sociale
étudiée. Ce chapitre présente également
l'organisation qui structure ce milieu social.
L'analyse d'une pratique culturelle implique de
connaître le groupe auquel celle-ci appartient. Nous ferons aussi la
présentation de l'économie de cette zone. Les populations
cultivent, chassent, pêchent et dévéloppent des petits
commerces.
A travers les cours d'eau, ce chapitre aborde enfin
le lien hydrologique entre les ntemois et l'eau. L'accent sera mis sur les
cours d'eau les plus sollicités et aussi la répartition de ces
derniers dans l'ensemble du canton. Quant à l'organisation sociale, elle
regroupe les rapports entre individus et la hiérarchie
sociopolitique.
I.1 Situation géographique
Nous rappellons que nous avons
déjà situé le canton plus haut notamment à travers
l'aspect portant sur la zone d'étude (confère page 5).
Mais étant donné de l'importance de ces
informations, nous les utilisons une fois de plus dans cette partie. Ntem
1 est un canton situé au nord du Gabon à la
croisée des frontières Gabon-Cameroun et Guinée
Equatoriale. Le canton fait partie des six subdivisions cantonales du
département du Ntem.
C'est surtout en saison sêche que ses voies
d'accès sont praticables. Il recouvre les réseaux routiers
permettant d'accès aux deux pays frontaliers au Gabon (Cameroun et
Guinée Equatoriale). (Voir carte, page 7)
Le canton est respectivement limité au Nord
par le fleuve Ntem et le Cameroun, au Nord-Ouest par la Guinée
Equatoriale, au Sud-Ouest par le canton Ekorété,
à l'Est par le canton Mbogha jusqu'à Minvoul, et pour
terminer au Sud par la commune de Bitam. Autrefois appelé canton Nord,
son nouveau nom est le canton Ntem 1 suite au nodécoupage
géographiquee et administratif actuel. Il date donc de 2006 .
Cette zone du Gabon est très
stratégique. Elle a toujours connu jusqu'aujourd'hui une circulation des
personnes et marchandises de jour comme de nuit. Pour cette raison, le canton a
souvent regroupé par le passé des populations de plusieurs
nationalités : gabonaise, camerounaise et equatoguinnéenne.
Cela a d'ailleurs amené à partir des années 80
l'affectation des sous-divisions administratives notamment à Eboro-Ntem
et Meyo-Kyè, dans l'objectif de réguler toute circulation
possible dans la localité. Nous illustrons cette présence
administrative à travers les photographies ci-après au village
Eboro-ntem.
Photographie 1: Poste de Douane gabonaise
à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)
Cette photographie présente la
barrière centrale des potes de Douane et de sécurité
alimentaire au village Eboro-Ntem. Le village est situé à la
frontière Gabon-Cameroun, ce qui justifie la présence de cette
barrière à l'entrée du dudit village.
L'objectif est de réguler les personnes et les marchandises. Ce
phénomène s'observe aussi au village Meyo-Kyè qui est
frontalié à la Guinée Equatoriale et au Cameroun dans ce
même canton.
Photographie 2: Poste de gendarmerie nationale
à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame
Cédric)
Nous appercevons en premier plan sur cette
photographie, le panneau de circulation informant de la présance de la
gendarmerie nationale au village Eboro-Ntem. On peut donc apercevoir une file
de véhicules se faisant contrôlé par les agents à la
sortie du village. Il s'agit toujours de cette régulation des
personnes.
I.2 Peuplement du canton
Les villages sont caractérisés en
majorité par les populations autochtones. La population est repartie en
agriculteurs, pêcheurs-chasseurs, commerçants, administratifs,
religieux et scolarisés pour les plus jeunes.
Les clans sont entre autres :
essabègne, effak, essandone et
esseng, répartis dans les villages dudit canton.
Pour ces villageois, il est très
fréquent de voir qu'un individu pratique plusieurs
activités : agriculture, pêche, chasse, etc. Cependant, la
tranche d'âge la plus active est celle évoquée plus haut,
elle est notamment celle la plus rencontrée dans l'activité de
la pêche. Dans ce cadre, Georges Balandier (1985 : 65) note une
sorte de : « Correspondance et de répartition des
activités socioculturelles propres à un groupe en fonction des
tranches d'âge, du sexe et des appartenances sociales des individus qui
le composent ». On comprend à travers cet auteur que les
tâches, les pratiques sociales sont réparties en fonction des
paramètres que sont l'âge, le sexe et la classe sociale. La
société se reproduit à travers les pratiques sociales que
sa population exécute au quotidien en tenant compte de ces mêmes
paramètres. On peut relever la prégnance de l'aspect
générationnel et l'aspect genre dans ces pratiques sociales.
Dans le canton, l'agriculture, la pêche et la
chasse sont des pratiques genrées en fonction des tâches.
Même lorsque les hommes et les femmes ou bien les jeunes et les exercent
une même pratique sociale, on observe toujours une répartition des
tâches. Il s'agit d'une des caractéristiques des populations de ce
milieu rural.
Toutefois, les pratiques sociales permetent
d'identifier les populations en tenant compte de leurs âges, sexes et
classes sociales. Ces pratiques sont devenues des sortes
d' « habitus » au
sens de Pierre Bourdieu (1980), c'est-à-dire des sortes d'acquisitions
par le contact social des acteurs. Il s'agit d'une
socialisation des individus à travers les pratiques et acteurs
sociaux. Ainsi, la pêche identifie, détermine et
caractérise dans ce cadre le canton au même titre que
l'agriculture et les autres activités.
I.3 Organisation administrative du canton
Etant une zone transfrontalière, l'ensemble
des postes administratifs et les ponts sur le Ntem, le Kye et le
Mvézé sont les principales caractéristiques du canton. Les
postes administratifs sont là pour organiser le canton avec la
hiérarchie de la chefferie locale mais également pour surveiller
et réguler les circulations des personnes et marchandises. A ces
caractéristiques s'ajouten la densité des cours d'eau et des
villages.
Les postes administratifs du canton se trouvent
donc dans les villages Eboro-Ntem et Meyo-Kye. Ils assurent à cet effet
l'organisation sociopolitique et judicière du canton en dehors du chef
de canton et des chefs de villages et de regroupements. Parmi ces postes nous
avons entre autres :
Ø Des postes de gendarmerie nationale ;
Ø Des postes des forces de police nationale ;
Ø Des postes des Douanes gabonaise ;
Ø des brigades du ministère des commerces, des
petites et moyennes entreprises (...) ;
Ø Une agence gabonaise de sécurité
alimentaire (ex-Phito-sanitaire) ;
Ø Une sous-direction du conseil
départemental ;
Ø Une sous-prefecture ;
Ø Des missions ecclésiastiques (catholique et
protestante) ;
Ø Des écoles primaires etc.
Il est à noter que certains villages
intermédiaires du canton ne possèdent que des écoles ou
encore des églises. Nous présentons quelques photographies des
bâtiments administratifs filmés à Eboro-Ntem.
Photographie 3: Poste de l'agence gabonaise de
sécurité alimentaire à Eboro-Ntem en 2015 (cliché
Ondo Obame Cédric)
Nous observons à travers cette photographie
un batiment abritant le poste de l'agence gabonaise de sécurité
alimentaire à Eboro-Ntem. Il s'agit d'une des sous directions
administratives du canton. Elle a pour rôle d'assurer la
sécurité alimentaire des produits importés et
exportés.
Photographie 4 : Brigade du ministère du
commerce à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame
Cédric)
Après la sécurité alimentaire,
nous avons à travers cette photographie le bâtiment abritant la
sous direction du service provincial rattaché au ministère du
commerce des petites et moyennes entreprises à Eboro-Ntem. Il s'agit
aussi d'une des présences administratives du canton. L'importance est
surtout basée sur la régulation du commerce entre les pays
frontaliers.
Photographie 5 : La Douane gabonaise à
Eboro-Ntem en Août 2015 (cliché Ondo Obame
Cédric)
Cette photographie présente le
bâtiment de la douane gabonaise à Eboro-Ntem. La douane s'ajoute
donc aux autres autorités administratives du canton pour s'assurer des
payements des taxes appliquées sur tous les produits entrants dans le
pays.
Le canton Ntem 1 est alors administratif et est
couvert en réseaux de téléphonies mobiles. Il s'agit des
réseaux Airtel, Libertis, Moov et Orange (Cameroun). Au sein du canton,
il y a des regroupements de villages, ce qui nous amène à une
autorité hiérarchisée et organisée en chefferies.
Il s'agit des chefs de village, de regroupement et du canton.
Le sous-préfet est le premier responsable
hiérarchique. Il est suivit du chef de canton, du chef de regroupent et
enfin le chef de village. Le chef de canton quant à lui se retrouve au
village Melep qui fait partie des 64 villages dudit canton. Les chefs
de regroupements et de villages se retrouvent dans les regroupements et
villages dont ils ont la charge.
I.4 L'économie du canton
En milieu rural,
l'économie repose sur des pratiques socioéconomiques. Il s'agit
de la manière dont le villageois utilise son milieu de vie pour subvenir
à ses besoins.
Dans le cas du canton Ntem 1, il s'agit d'une
économie basée sur l'agriculture sur brûlis, la chasse, la
pêche saisonnière, les petits commerces et les opérateurs
administratifs (Douane, Police, Gendarmerie et Phito-sanitaire). C'est ainsi
que nous présentons respectivement ci-dessous, les bases de cette
économie.
I.4.1 L'Agriculture
Essentiellement féminine, l'agriculture
(mefup) constitue la première activité économique
du canton. Elle se pratique en saison sèche (ôyone)
pour le débroussage, l'abatage par les hommes puis, les brûlis et
les semences par femmes qui, jusqu'en saison de pluie
(éssep) continuent dans le sarclage et les
récoltes. C'est une activité cyclique qui occupe la
quasi-totalité des familles non seulement du canton mais de toute la
province. Il s'agit d'une agriculture sur brulis où les femmes,
respectivement au cycle agricole, s'organisent parfois en groupe pour des
entraides lors des moments de semences ou de récolte d'arachides surtout
(ékama). Ainsi, chacune de ces étapes a-t-elle une
période qui lui est spécifique dans ce cycle.
Les femmes récoltent ce qu'elles ont
semé au préalable. Il peut s'agir du tubercule de manioc
(Manihot esculenta), du concombre (Cucumis sativus), banane
plantain (Musa paradisiaca), légumes (Fabaceae),
arachide (Arachis hypogaea), canne à sucre
(Saccharum), etc. L'ensemble de ces produits est avant tout
destiné à l'alimentation de la famille. Le cas de la
commercialisation fait souvent l'objet d'une grande préparation d'au
moins une à deux semaines nommée en fang
(éwuang). Cet éwuang consiste
chez ces femmes de se rendre en ville (Bitam) pour y écouler leurs
productions puis en retour acheter les produits manufacturés notamment
alimentaires.
L'agriculture contribue à couvrir les
séjours des enfants au village pendant leurs vacances. Il permet aussi
de préparer leurs provisions après leurs vacances. Dans ce sens,
Mme Angue Marie Justine8(*) affirme que :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en français
|
1 A dzâh vâ, bianing ya betsit
beye mefane, ya koass ye ochign yafe mefup. Eyong biabôh mefoup,
énene, minenga asseki tobôh adzâh kâne abele
afup.
|
1 Ici, au village on vit du gibier, du poisson d'eau
douce et surtout des plantations. Quand nous cultivons, le principe est qu'une
femme ne peut vivre au village sans avoir une plantation.
|
2 Biagning ya mefup, nté mônô
ye bisseigne bitangane ayessoo. Mefup mavôlô bieh ne biyala
bouâne. Eyong bazu mewèghène bayièene abele dzome ya
dzi. Eyong fe baaboulaneyang, bayiene ake bidzi biye adza.
|
2 Nous vivons de cela, en attendant de percevoir la
pension. Les plantations nous aident à élever nos familles.
Lorsqu'ils viennent en vacances, ils doivent avoir de quoi manger et lors
qu'ils s'en vont, ils doivent emporter avec eux, des aliments du village.
|
3 Ve dzâne dâ nah, bidzi
biabègne biavolo fe biè ne bibele ayôme bedôlô
éyong biakomâne biwouang. Mefup menefe vâh nâh, ngue
éssessang ézing éne a dzâh
étévâ, mbot asse akoulou ndzôme éyongté
biakomane...
|
3 Cependant, ces aliments que nous produisons nous
permettent aussi à organiser des partie vente en ville
éwouang pour avoir des petites sommes d'argent. De plus,
les plantations nous permettent des recevoir les invités ou de
répondre à des manifestations dans le village. Chacun fournit
quelque chose et on s'organise...
|
L'agriculture est l'activité principale
pratiquée par les populations. Elle concentre l'essentiel des
pratiques alimentaire des villageois. Occupant en
généralement la gente féminine, l'agriculture est pour les
femmes, une question de dignité. Elle est ce par quoi on reconnait leur
valeur et grandeur. Dans son discours, Madame Angue pense qu'une femme sans
plantation, ne saurait vivre au village quelque soit sa position sociale.
D'où le fait de voir l'agriculture comme un véritable atout
économique au sein de cette localité qui permet de nourrir les
familles, de résoudre certains problèmes. Par ailleurs, il y a
également à Ntem 1, des parties de chasse, de pêche et
d'autres petites activités à des fins économiques.
I.4.2 La chasse
La chasse (n'sôme), est une
activité masculine pratiquée en toute saison. Elle permet de se
procurer du gibier. Comme c'est le cas avec la pêche par exemple, les
outils de chasse ont aussi évolué. Les populations font
désormais usage du fil métallique
(ékweigne) et du
fusil (ngâ'ah) au détriment dites
pénibles et très ancienne telles que : ékuri
(technique à l'étouffement) et ébégne
(technique du trou géant).
Le gibier issu de la chasse est
autoconsommé ou vendu. L'argent obtenu est destiné à
l'achat des produits manufacturés et le renouvelement du matériel
de chasse. Comme le note Georgin Mbeng Ndemezogo (2011), la chasse
intègre l'imaginaire du rapport à l'animal. Elle se pratique la
journée ou la nuit. Tout comme la pêche, les techniques de chasse
sont spécifiques au type de gibier. Les chasseurs se refèrent aux
empruntes des animaux à fin de les capturer.
I.4.3 La pêche
La pêche (ayôp), comme nous
le verrons englobe la pêche féminine et celle masculine. Elle est
une pratique de relais et seconde l'agriculture. A l'origine, elle commence
avec les femmes et est devenue mixte au fil du temps. Elle est
désormais à la fois masculine et féminine avec des
techniques propres à chaque genre. Dans cette repartition, nous retenons
de madame Anne Ekoto9(*)
l'expliquation suivante du mythe d'Odzamboga :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Odzamboga abe égnîng ye
okua. Abe biè befang égne mâme messe massôh
biè odzamboga. Bot bebe begnîng ya bidzî biye mefâne
ya achigne.
|
1 Odzaboga fut l'époque de vie de nos
ancètres. Chez nous les Fang, toutes nos connaisssances proviennent
d'odzamboga. Les populations se nourrissaient en provenance de la forêt
et decours d'eau.
|
2 Binenga ébe bebeh bekele
melôk, yake badzeng bilôk mefâne. Befâm ba bekele
minsôme.
|
2 Ce sont les femmes qui allaient pêcher, alors
que les hommes faisaient des chasses en forêt.
|
3 Odzamboga bôt bebeh bedza-hâ
fôve kuas ye ochîgne ya tsît ye
mefâne
|
3 Durant l'époque d'odzamboga, on ne se
nourrissait que du poisson et de la viande de brousse.
|
De cette explication, on peut comprendre
qu'Odzamboga10(*)
est l'époque originelle de toute pratiques socioéconomiques en
milieux rural fang. Ces pratiques sont entre autres l'agriculture, la
cueillette, la chasse et la pêche. Les explications qui nous ont
étés donné nous amènent à comprendre
qu'odzamboga est un espace imaginaire. Au fil des
générations, les populations fang ntumu l'ont
appréhendée comme une époque fondatrice de toute pratique
socioéconomique et particulièrement la pêche et ses
techniques. Elle sousentend aussi l'origine même de l'identité
culturelle des fang.
Nous comprenons que la pêche est à
l'origine une pratique féminine. A partir de l'origine de la
pêche, nous saisissons ainsi le mythe au sens de John Leavitt
(2005 : 7-20). Pour lui, le mythe retourne et explique la
réalité. Autrement dit, il est l'explication symbolique d'une
réalité empirique.
Les populations vivaient essentiellement de ces
pratiques socioéconomiques et y ont développé des
techniques spécifiques. Les hommes allaient à la chasse alors que
les femmes allaient faire de la pêche à travers la technique du
barrage (melôk). La pêche et la chasse participent
jusqu'aujourd'hui au comportement alimentaire des populations. Le poisson fait
en paquet, fumé ou frais est autoconsommé ou vendu en milieu
rural fang.
I.4.4 Les autres activités
économiques du canton
En dehors de l'agriculture, la pêche et la chasse,
certains jeunes villageois du canton trouvent du travail auprès des
agents de la douane, gendarmerie, police et autres autorités pour la
fermeture et l'ouverture des barrières moyennant de l'argent. A
coté de cela, il y a aussi dans les villages des hommes et femmes qui
exercent des petits commerces : des petits restaurants et bars. Nous
présentons alors ci-dessous quelques clichés.
Photographie 6: vue d'un jeune villageois
à la barrière pointant sa journée à Eboro-Ntem en
Août 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)
Cette photographie présente un jeune homme
à côté de la barrière centrale au village
Eboro-Ntem. Les jeunes trouvent du travail journalier auprès des agents
pour ouvrir et fermer la barrière. Ils passent leurs journées
à ce service et sont payé en retour en fin de journée.
Photographie 7: un allignement de petites maisons
en planches faisant offices de bars restaurants à Eboro-Ntem en 2015
(Ondo Obame Cédric)
Comme nous pouvons le constater sur cette image, le
canton regorge aussi de petits restaurants et bars. Ils font également
partie des pratiques économiques. On y vend des boissons, des repas de
viande de brousse et de poisson d'eau douce prélevés dans les
forêts et cours d'eau du canton.
Tout comme cette image, la photographie ci-dessous
complète le cadre que nous venons juste d'évoquer notamment sur
les autres pratiques économiques du canton Ntem1. Nous sommes en
présence d'un point vente de produits commerciaux à Eboro-Ntem.
Ces personnes que nous voyons sont entrain de déballer de la friperie
pour vendre sur-place. En arrière plan, nous appercevons des casiers de
boissons. Ceci confirme qu'il n'y a pas que la chasse, la pêche ou
l'agriculture pour sousentendre une économie.
Photographie 8: point de vente
de produit commerciaux (Habits et autres) à Eboro-Ntem en 2015
(cliché Ondo Obame Cédric)
Le canton a donc une économie
diversifiée reposant sur l'agriculture, la chasse, la pêche et le
commerce (boissons, alimentations et autres). Nous parlons dans ce cadre d'une
économe sociale pour répondre aux besoins sociaux.
Nous passons maintenant à la
préoccupation de l'hydrographie du canton car, c'est avant tout l'eau
qui reste au centre dans cette liaison des hommes aux ressources aquatiques.
I.5 Hydrographie du canton
L'hydrographie du canton repose sur l'ensemble de ses
cours d'eau. Ce sont en effet ces cours d'eau qui nous mettent en phase avec
les rapports à l'halieutique. Le fleuve ntem est le principal cours
d'eau, à ses côtés le kyè et le mvéze. Ces
cours d'aeu couvrent l'essentiel de la pratique de la pêche. Surtout, ils
sont sollicités lorsqu'il faut recueillir certaines quantités de
poissons destinées à des finalités sociales bien
déterminées.
Le ntem par exemple permet la pratique de toute
technique de pêche présente dans la contrée. C'est
d'ailleurs ce qu'en témoigne cet entretien du jeune Willy Meye Me
Engouang11(*) :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en français
|
1 éyong biayi abuigne kuass ne bi
kuane, biaque ntem, amuna kuass éne abuigne wégne. Ossikisô
wégne vemôh vemebôh.
|
1 Quand nous voulons avoir beaucoup de poissons
pour vendre, nous partons sur le ntem, parce que là-bas, il y a beaucoup
de poissons et on ne peut pas en revenir bredouille.
|
2 Vedzam dâ, éyong wayi ve dzome
yadzi, binefe ake abuâne bachigne. Anefenâ, Ntem ône bia
bebeigne ya dzâh, achigne vôh éné mefane
été.
|
2 Mais, quand on veut juste avoir de quoi manger, on peut
toutefois aller dans les petites rivières. Aussi ntem est plus
près du village alors que les autres cours d'eau sont en forêt.
|
3 Ntem, bine abôh mevale mesou miyop
bisse biayi, yafenâ bine wigne mevale mekouass messe, abime
biayi... .
|
3 A ntem, on peut pratiquer toutes les techniques de
pêche et avoir du poisson en grande quantité.
|
Les rapports des populations aux cours d'eau
intègrent l'hydrographie du canton. Ces rapports sont traduits par les
différents usages des cours d'eau à ntem 1. Ils englobent
l'usage quotidien de l'eau et les ressources halieutiques. Le fleuve ntem, le
Kye et le Mvéze sont les plus grands pourvoyeurs de ressources
aquatiques. Ils apparaissent comme ayant une diversité de ressources
aquatiques où, toute technique peut être appliquée et avoir
du succès dans la capture des ressources.
Par ailleurs, c'est le fleuve ntem qui permet
toute quantité de prélèvement de poisson
sollicités. Il apparait dans ce cadre comme une mère dont la
préoccupation première est de nourrir ses enfants par tous les
moyens. Il recouvre toute une diversité d'espèces halieutiques.
Sa proximité au villageois ouvre la porte à une pratique
récurrente de la pêche en toute saison. Nous pouvons même
dire que c'est le fleuve Ntem qui ravitaille les autres petits cours d'eau car,
il est le cours d'eau principal et les autres sont ses affluents.
La pêche se pratique aussi dans les
ruisseaux, rivières ou étangs. Ces cours d'eau admettent
plusieurs techniques. Dans les quatre villages visités, il y a cinq
cours d'eau, lesquels regorgent quasiment les mêmes espèces
aquatiques à l'instar du « poisson courant »
nommé en fang ``agneng'' (Malepterurus
beninensis). Les villageois pêcheurs exploitent
donc tout type de cours d'eau pour pêcher en fonction de leurs choix.
Comme nous l'avons déjà
mensionné, il existe trois grands cours d'eau dans le canton Ntem1. Il
s'agit du Ntem, de Kye et de Mvéze. A ces derniers s'ajoutent des
rivières repartis dans l'ensemble des villages. Il s'agit de Tara
à Eboro et Engoh ; Meyira et Kye à Akam-si ; Gnabome
à Gnabome-Effak ; Minsolo à Bikasse ; Mindzigui, Ntem,
meyira et Melôh à Eboro, etc. Voici alors quelques photos du
ntem.
Photographies 9 : Le pont d'Eboro sur le ntem et une
vue de son amont en 2015 (clichés Ondo Obame Cédric)
1
2
Ces photographies nous
présentent certaines parties du fleuve ntem qui est le plus grand cours
d'eau du canton. Elles présentent le cours d'eau de l'amont vers
l'avale. Dans la première image, on peut voir le pont sur le fleuve et
également une flèche jaune indiquant un des débarcadaires
de certains pêcheurs après leurs parties de pêche sur le
fleuve. Quant à la deuxième image, on y apperçois l'amont
du fleuve. Mais dans ce travail, nous verrons que ce cours d'eau permet
d'autres usages.
En dehors de la pêche, les cours d'eaux servent
aussi aux villageois de bain, vaisselles, rouissage du manioc, etc. Cela
montre davantage leur pouvoir à assurer le bien-être des
populations. Nous disons alors que celles-ci, en vivant avec ces cours d'eau y
ont établi toute culture.
Photographies 10 : La rivière Mvéze
au canton Ntem1 en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)
1 2
3
Ces trois photographies présentent la
rivière Mvéze au village Minsele dans le même canton
d'étude. On appercoit dans la photographie 1, l'aval de la
rivière. On apperçoit des bois mort (nkôkh)
baignant dans le cours de la rivière. Ces bois constituent aussi les
abrits des poissons à peau lisse (kuass bikop). La photographie
2 présente des invidus dans leur bain à l'image du jeune homme
mouillé et assis de dos en avant plan. Il s'agit là d'un des
multiples usages des cours d'eau dans le canton. Pour terminer, la photographie
3 montre elle aussi en arrière et en avant plan, des individus prenant
leur bain et un jeune garçon dans une piroque. Les cours d'eau du canton
contribuent à l'hygiène corporelle des villageois, ils sont aussi
des espaces ludiques. Il s'agit d'un rôle symbolique de purification et
de détente.
Pour mieux comprendre le pouvoir de l'eau, nous
aborderons de façon détaillée ses aspects symboliques dans
la deuxième partie de ce travail.
En définitive, ce chapitre
a fait la description de l'espace sociocilturel, politique, économique
et géographique du canton Ntem 1. Cette description passe par la
localisation, le peuplement, l'hydrographie et les pratiques
socioéconomiques dudit canton. Cet espace s'est présenté
comme un « lieu anthropologique » au sens de Marc
Augé (1992). Cela nous a amené à compredre que les
différents rapports entre les populations et les rapports à l'eau
intègrent ce milieu socioculturel. Ce canton est une localité
administrative dotée de postes et de brigades de contrôles et
autres infrastructures publiques.
Le mode de vie des Fang ntumu du Ntem et surtout
leurs rapports sociaux reposent sur des rapports à prédominance
économique, nous parlons d'une économie sociale12(*). Aussi, l'accent porté
sur le fleuve Ntem et les autres cours d'eau secondaires nous a amené
à nous rendre compte de la récurrence de la pratique de la
pêche et d'autres multiples usages de l'eau dans le canton. De plus,
toute une hydrologie est établit par les villageois eux-mêmes
avec leurs cours d'eau. Cette pensée sera davantage
dévéloppée dans cette étude lors ce que nous
aborderons les chapitres sur les techniques employées et leurs rapports
aux villageois pêcheurs ; leurs fonctions et représentations.
L'objectif principal était de présenter avant tout notre terrain
d'étude.
La question de la dimension technique ou encore de
l'ensemble des productions cognitives mise en relief par les populations pour
pratiquer la pêche constituera le prochain chapitre. Ce chapitre
apportera un éclairage sur la question d'une pêche traditionnelle
qui intègre des outils modernes pour se maintenir au fil du temps. Cet
aspect sera suivi d'un inventaire et d'une analyse détaillée des
techniques de pêche utilisées dans le canton en fonction des
critères que nous déterminerons.
CHAPITRE II :
INVENTAIRE ET ANALYSE DES TECHNIQUES DE PECHE AU CANTON NTEM 1
De nos jours, les populations rurales utilisent
simultanément des outils traditionnels et modernes pour pêcher.
Cela nous conduit à une intégration de connaissances
exogènes dans les savoir-faire traditionnels endogènes. Pour
cela, ce chapitre aborde premièrement la question d'une pêche
« traditionnelle et moderne », c'est à dire
hybride13(*). Il s'agira
de comprendre que les outils modernes sont associés à ceux
traditionnels pour le maintien et la survie des connaissances relatives
à la pêche en milieux rural. Nous allons donc définir le
type de pêche pratiqué dans cette société fang ntumu
de la province du Woleu-Ntem-Gabon.
Ce travail propose par la suite un inventaire et
une analyse des techniques de pêche utilisées par les habitants du
Ntem 1. Cet inventaire nous amène à recenser les
différentes techniques sollicitées, leurs outils et leurs
rapports aux pêcheurs. Cet inventaire va permettre de connaître
chaque technique à travers sa dénomination endogène, ses
acteurs, la périodicité de son emploi, le type de cours d'eau et
les espèces aquatiques.
Après cet inventaire, nous allons ressortir
les critères sur les quels portera l'analyse de ces techniques. Cette
analyse aboutira à l'élaboration d'un lexique endogène de
la pêche au sein du canton. On aura des termes, expressions et noms en
rapport avec la pratique de la pêche en général.
II.1 Une pêche traditionnelle et moderne
A Ntem 1, les techniques de pêche cumulent
simultanément des outils traditionnels directement
prélevés dans la nature et les outils ``modernes''. Qu'il
s'agisse d'une technique masculine ou de celle féminine, on retrouve
maintenant des outils modernes qui viennent renforcer la performance de ces
techniques. Autrement dit, les outils de pêche issus des essences
naturelles (bois, boue, feuilles, liane, jonc, etc.) se montrent très
souvent fragiles et de courtes durées malgré leur performance.
Aussi, on les renforce avec certains outils modernes (en cahoutchouc ou en
acier par exemple) pour plus de solidité et d'efficacité.
Cependant, nous voyons également dans cette symbiose une question de la
survie des techniques.
Par le passé, la pêche ne regroupait
que des savoir-faire ou techniques ne relevant d'aucun élément
moderne tel que nous l'avons vu avec le mythe d'Odzamboga (confère page
30). Ce mythe rappelle que les femmes sont à l'origine de la pratique de
la pêche et donc de la première technique de pêche
(melok) qui ne se pratiquait qu'avec des outils
prélèvés dans la nature. Cette approche mythique
amène à comprendre que la gente féminine réalisait
les techniques de pêche avec des outils de non durables. C'était
une pratique accasionnelle qui nécessitait en permanance un
renouvellement d'outils en fonction de chaque situation de pêche. A ce
propos, Monsieur Mve Alban14(*) affirme que :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en
français
|
1 Bivenvâme bia biayeyop. Eyong bebeeh
beyobo, ambe mabuini nâh yah ébieme bimbe ba adziène avoloh
ne be wui kouass avôh. Abôh avale assu n'yop asse bebee be belane
yadôh, bebéne bebee bekomo ya ate bieme meyop.
|
1 Nos ancêtres pratiquaient la pêche. Quand
ils pêchaient, je crois que c'était à l'aide des
accessoires qui pouvaient rapidement les aider à avoir du poisson.
Quelque soit le type de technique dont ils pouvaient se servir, ils
créaient et façonnaient eux-mêmes leurs accessoires de
pêche.
|
2 Mabuini nâh éyong ntangane
waze sôh yé émame meigne, égne émam mâh
mengue assoum assanla vâh. Entôh abandi nâh, ne oyop,
wayiène akouus bieme bi ntangane ato'o a dzâ va.
|
2 Quand le blanc est arrivé avec ses atouts,
c'est en ce moment que nos connaissances ont commencé à changer.
Maintenant, il devient obligatoire de pêcher avec des accessoires du
blanc même ici au village.
|
3 Ve édi éne
énenâh okwa, miyop mimbe ki ne béédza minkweigne,
ambe ne badzeng dzome ya dzi. Mabuini ki ne ossimâne ombe ne bieme meyop
bia tobo ayap ngueki ne be soubane awign.
|
3 Cependant, la réalité est que par le
passé, nos grand parents ne pêchaient pas pour remplir les
paniers, c'était juste pour avoir de quoi manger. La pensée
n'était pas dans la durabilité d'une technique.
|
4 Emouwi, bieme bi ntangâne bia volo
biè ne biwine aboui kouass abô alou ngue omos...
|
4 Mais aujourd'hui, les outils du blanc nous permettent
de capturer beaucoup de poissons la journée ou la nuit...
|
Cet extrait d'entretien renforce l'idée de
performance quia toujours soutendue les techniques de pêche. De plus, il
ressort que les connaissances traditionnelles de la pêche se sont
ajoutées à celles coloniales pour donner lieu à la
pêche traditionelle et moderne. L'idée de performance ainsi
traduite est repose sur les outils ancestraux naturels et l'intégration
de ceux modernes dans la pêche. On peut observer des
prélèvements plus fructueux et des techniques traditionnelles
renforcées.
La technique masculine de l'alame que
nous verrons dans l'inventaire des techniques de pêche secondait les
techniques de pêche féminines. Là aussi, tous les
accessoires de pêche étaient directement prélevés
dans la nature. L'homme se servait de ses capacités cognitives en
exprimant ses savoir-faire pour pêcher du poisson.
Par le passé, la capacité de chacune des
techniques à capturer du poisson traduisait déjà une
certaine performance. Cependant, le reproche qu'on peut faire à cette
approche ancestrale repose sur la fragilité des outils utilisés.
Or, aujourd'hui la colonisation a apporté d'autres outils que les
populations rurales ont adaptés à leurs façons de
pêcher. Ces outils sont intégrés non pas pour changer
radicalement les techniques ou les manières de pratiquer la pêche,
mais les ont plutôt pour les améliorer ou les renforcer. C'est
ainsi que nous parlons d'une pêche traditionnelle et moderne.
Cette réalité est observable à
Ntem 1 où se retrouvent en symbiose les outils endogènes naturels
et ceux exogènes modernes. Nous rappelons toutefois que l'ensemble de
ces outils corrélés intègre la dimension cognitive qui
encadre les techniques de pêche.
Au lieu d'une pêche traditionnelle et moderne,
Lynda Badjina (2011 :119-121) parle plutôt de la
« naissance de la pêche artisanale ». Contrairement
à elle, nous prefèrons utilisés l'expression de
pêche traditionnelle et moderne qui en effet, montre qu'en milieu rural
ntemois, ils s'y trouvent correlés les deux types d'outils qui
amènent à la pratique des techniques. Ces outils contribuent
à la survie des techniques de pêche.
Mais, il faut quand même dire qu'actuellement
beaucoup de personnes pratiquent la pêche en milieu rural pour vendre le
poisson surtout en période de vacances. D'où le
développement d'un autre enjeu : celui de l'argent.
II.2 Inventaire des techniques de pêche en milieu
ntemois
A travers l'inventaire des techniques de
pêche, nous recenssons toutes les techniques de pêche dont se
servent les populations du canton. Nous allons présenter une typologie
des techniques de pêche en y abordant certains aspects
déterminants. Nous donnons leurs noms endogènes, saisons,
périodicités, outils, cours d'eau correspondants,
espèces aquatiques prélevées. Nous montrerons les logiques
du campement de pêche. Pour terminer nous procèderons au lexique
de pêche fang à Ntem 1.
En approfondissant notre analyse sur les techniques de
pêche à Ntem 1, nous définissons des critères
endogènes à partir des quels nous caractérisons la
pêche.
II.2.1 Typologie des techniques de pêche
Le plus souvent, les femmes pratiquent leurs
techniques de pêche en saison sèche dans les rivières,
ruisseaux, étangs ou sur les berges des rivières ou du fleuve. Ce
sont elles qui respectent surtout les saisons de pêche et le principe
de jachère des eaux. Aucune de leurs techniques ne peut se pratiquer en
saison des pluies. Quant aux hommes, leurs techniques permettent de pratiquer
la pêche saison.
Nous présentons ci-dessous un tableau de
l'ensemble des techniques de pêche du canton. Aussi, nous
déterminons leurs statuts. Il s'agit de distinguer les techniques qui
prélèvent tout type de poissons (généralistes) de
celles qui sont particulièrements propres à des poissons bien
déterminés.
Tableau 3: L'ensemble des techniques de
pêche utilisées
Les noms des techniques en fang « mevala
meyôp»
|
Noms traduits en français
|
Statuts des techniques
|
Ø Alâme
|
Ø Technique de l'éventail
|
Généraliste
|
Ø Ayâh
|
Ø Technique à l'épuisette
|
Généraliste
|
Ø Avuât
|
Ø Technique au filet
|
Généraliste
|
Ø Alarâ
|
Ø Technique de la fouille
|
Spécifique
|
Ø Bitélé
|
Ø Technique aux piquets
|
Spécifique
|
Ø Bingak
|
Ø Technique aux piquets
|
Spécifique
|
Ø etame kuass
|
Ø Technique de l'étang
|
Généraliste
|
Ø Mbèghe
|
Ø Technique à la machette
|
Généraliste
|
Ø Melok
|
Ø Technique à la digue (barrage)
|
Généraliste
|
Ø messama ou abulâh
|
Ø Technique à la nasse
|
Généraliste
|
Ø Mefiss
|
Ø Technique à l'abri
|
Généraliste
|
Ø minyôp bekara
|
Ø Pêche aux crabes
|
Spécifique
|
Ø Ngak
|
Ø Pêche aux trous de silures
|
Spécifique
|
Ø Ofâh
|
Ø Pêche à la ligne
|
Généraliste
|
Ø afuk ndawola-ntangane
|
Ø Technique à l'étouffer
(nivrée)
|
Généraliste
|
Ø Mimbass
|
Ø Technique aux flotteurs
|
Généraliste
|
Ce tableau fait un inventaire non exhaustif des
techniques de pêche. Ces techniques sont les plus sollicitées et
prélèvent l'ensemble des poissons contenus dans les eaux du
canton. Au sens d'André Leroi Gourhan (1992), Certaines de ces
techniques sont « spécifiques »
prélèvement de certaines espèces aquatiques tels
que : ngak (pour les silures dans les trous), minyôp
bekara (pour les crabes), etc. D'autres par contre sont
« généralistes » tels que : (alame,
melok, mefiss, avuat etc.) et prélèvent tous types de
poissons.
Nous relevons ainsi les techniques spécifiques
et celles généralistes dans ce tableau. De plus, on peut aussi
distinguer en deux groupes, les techniques dites``anciennes'' (fiss, melok,
messama, alame, ayah) de celles dites ``nouvelles'' (ofah,
bitélé, bingak, avuat). C'est au moment de l'analyse de ces
techniques que nous allons développer en détails ces aspects.
Mais, nous allons voir dans ce travail que chacune de ces techniques a ses
réalités symboliques.
Voici quelques photographies des outils intégrant
certaines techniques.
Photographie 11 : Une épuisette
nommée en fang Ayah à Ndzibap en 2014 (cliché
Ondo Obame Cédric)
Nommée (ayah) en fang ntumu, il se
fait avec des bambous (Bambouseae) reliés les uns aux autres
par des cordes végétales ou en cahoutchouc. L'épuisette a
un noeud externe vers le haut et un autre noeud interne vers le bas qui
constitue l'entrée du poisson dans le piège.
Autrefois, les cordes servant à joindre les
extrèmités de ce matériau comme l'indique cette image,
étaient faitent d'écorse de liane (Clématis
vitalba). Mais pour pour une question de solidité et de
durabilité de la technique, les cordes en cahoutchouc deviennent
nécessaires. L'ayah est donc une technique masculine
généraliste. Elle est devenue mixte au fil du temps.
Photographie 12 : L'assong n'yôp
en fang (hameçon) à Akame-si en 2015 (cliché Ondo
Obame Cédric)
L'hameçon (asong
n'yôp) est utilisé dans plusieurs techniques de pêche
masculines. Il s'agit de bitélé (piquets),
bingak (piquets), mimbas (les flotteurs) et
ofâh (la ligne). Elle provient de la métallurgie
coloniale et permet de captures du poisson avec des appâts
spécifiques. C'est en fonction de ces appâts que toutes les
techniques qui impliquent l'hameçon peuvent être utilisées.
Par la suite, certaines de ces techniques peuvent ainsi devenir
généralistes ou spécifiques.
Photographie 13 : Outils et technique de
pêche nommée bingak en fang (piquet) à Bikass en
2014 (cliché Ondo Obame Cédric)
Les piquets (bingak) en fang ntumu sont
faits d'hameçon, de piquets en coeur de bambou et des files reliant les
hameçons aux piquets à l'extrèmité du haut comme le
présente l'image ci-dessus. Il s'agit d'une technique masculine
utilisée la nuit en saison des pluies pour prélever les
ressources halieutiques nocturnes.
Photographie 14 : tâne en fang
ntumu (nasse) à Akame-si en 2014 (cliché Ondo Obame
Cédric)
La nasse (tâne) est tout comme
les cas précédents un outil qui en même temps est technique
propre. Les fémmes l'utisent dans les techniques messama,
abula et melok en saison sèche. Par le passé,
la nasse était faite à base de jonc (ndenâne) dont
Juncaceae est le nom scientifique. Elle pouvait aussi être faite
de fibres végétales tissée pour constituer le filet
central. Le cerceau était en liane de même pour les files
d'attache (voir photographie).
De nos jours, le filet de la nasse est fait en
matériaux synthétiques. Les cordes d'attaches varient entre du
plastique, la liane et le jonc. Quant au cerceau, il est parfois en liane ou en
métal. La pêche à la nasse est assu une technique
généraliste qui se pratique la journée et capture tout
type de poisson comme la pêche au fillet ordinaire.
Comme nous le disions tantôt, à
chacune des techniques correspond une périodicité de pratique,
ses outils et ses acteurs sociaux. La pêche et ses techniques
répondent à des organisations sociales (préparations,
campement). Certes, les techniques servent à capturer du poisson et
d'autres crustacés, mais servent également à gérer
de manière rationnelle les écosystèmes aquatiques.
II.2.2 Les outils utilisés dans les techniques de
pêche
Les outils de pêche sont spécifiques aux
techniques. On peut dire que sans outils, une technique de pêche ne peut
être pratiquée, c'est le rapport de l'outil à la technique.
L'outil détermine le type de technique. Mais dans certains cas, les
techniques utilisent les mêmes outils. C'est d'ailleurs ce que nous
rapporte monsieur Nkouna Obiang Fabrice15(*):
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en français
|
1 Benvâme bâh bengalik
bièh messu miyop mevala abuing. Assu n'yôp assesse ébele
ébieme beign babelane ya biô.
|
1 Il y a plusieurs techniques de pêche quenous ont
transmises nos ancêtres. Chaque technique a ses outils qui permettent sa
pratique.
|
2 Befam bebele embiaba. Binenga baaffe
imbiaba eyong bake melok ngueki messama. Ngue obeleki ébieme bayop ya
biô, osseki atéh ne wake miyop.
|
2 Les hommes ont les leurs et les femmes aussi ont les
leurs lorsqu'elles vont à leurs parties de pêche. Si tu n'as pas
tes outils de pêche, il est inadmissible que tu prennes part à
une partie de pêche.
|
3 Ve abime bieme bizing binena bene belane ya
biô abô avale assu miyop asse ône abôh. Ane bô
fâh, adandang fâh...
|
3 Mais, certains outils peuvent servir pour plusieurs
techniques de pêche à savoir : la machette.
|
Cet entretien rend compte de la pluralité
des techniques de pêche dans le canton Ntem 1. Elles ont
étés transmises de génération en
génération, d'une localité à une autre. Dans le
même ordre Catherine Sabinot (2008 : 151) mentionne
qu' : « il y a un rapport entre le pêcheur et sa
technique, tout comme il y a un rapport entre la technique et ses
outils ». Aucune technique n'est le fruit d'un hasard, encore moins
les outils qui la composent. Les techniques masculines se différencient
de celles féminines et n'ont pas en conséquence les mêmes
outils. En un mot, toute technique se définit par ses accessoires. Tout
ceci nous amène donc à ressortir une fois de plus le rapport du
pêcheur à sa technique et celui de l'outil à sa
technique.
En nous inspirant de Kialo Paulin (2007 :
90-91) qui a travaillé sur les techniques et outils Pové du Gabon
dans le rapport à la forêt, nous présentons ci-après
un tableau regroupant aussi les techniques et outils de pêche des
populations Fang du Ntem 1.
Tableau 4: Répartition par genre des
techniques de pêche et leurs outils correspondants
Les acteurs
|
L'ensemble des techniques employées dans le
canton
|
L'ensemble des outils et accessoires de
pêche.
|
Les hommes
|
-Alame -Avuate
-Bingak -Bitélé -Etame -kuass
-Mbèghe -Ofâh -Ayâh - Ngak - Minyôp
bekara -Mimbass
|
1- Fâh
(machette)
|
2- Byè
(Pirogue)
|
3- Assong nlop
(Hameçon)
|
4- mimpouèghe
(Piquets)
|
5- mvona (le fil crin, coton)
|
6- avuate
(Filet)
|
7- bidzièghè (Les
appâts)
|
8- éléné
(Radeau)
|
9-meyâh (les
Epuisettes)
|
10- lampe torche et piles
électrique (lâma ya
mekôhk),
|
11- ébara (panier masculin
|
Les femmes
|
Melok -Messama -Alara
-ayah -Fiss -etc.
|
1-Tâne
(Nasse)
|
2-nkoun
(jubéciaire)
|
3-fâh
(Machette)
|
4-ékana (assiette de
vidange)
|
5- meyâh
(épuisettes)
|
6-nkwègne (le panier)
|
De ce tableau nous retenons les techniques de
pêche et leurs diffèrent outils dans leur répartition en
genre. Nous constatons que les hommes utilisent plus de techniques et d'outils
que les femmes. Nous pouvons comprendre que c'est parce que l'homme use de tous
les moyens (chasse et pêche) pour nourrir la famille. Cela l'amène
àpêcher et à chasser en toute saison. L'apport de la femme
n'est que complémentaire aux efforts de l'homme.
Par ailleurs, les outils ou accessoire de pêche
proviennent soit des éléments de la nature (appâts, piquets
de bambou, radeau, liane, jonc, etc.) soit des matériaux modernes
manufacturés achetés en ville (hameçon, crin, fil de
tissage des nasses, filet machette, etc.). Nous toujours dans la
complémentarité du traditionnel et du moderne. Nkouna Obiang
Fabrice ajoute ceci :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en
français
|
1 Eyong bia komane minyôp, biake a
kissuane ngueki bilomo nkouss ya mbot ake a kissuane.
|
1 Lorsque nous préparons une partie de
pêche, nous allons en ville, ou encore, on peut commissionner quelqu'un
qui se rend en ville pour acheter des accessoires, des outils qui nous
permettront de pêcher.
|
2 Biake kus ebieme biyop ya biô.
Eyong bissoyang nala, éde biake téra dzeng bidzieghè ya
mimpwèghe minyôp ya ébieme bine biôh achène
afane été.
|
2 Une fois de retour, on se rend dans des
marécages pour rechercher des appâts, des piquets et tout ce dont
on peut avoir besoin. Une fois tout cela réunis, on peut aller
pêcher.
|
3 Minyôp ngueki melok massili fe bieme
biye mefane ya ébi biakuss adza vâh ngueki a kissuane
Bitam...
|
3 Que ce soit la pêche masculine ou celle
féminine, on a besoin des accessoire provenant de la forêt et ceux
qu'on peut acheter ici au village ou en ville à Bitam...
|
Toujours dans les résistances culturelles
traditionnelles, tout ceci montre que les techniques de pêche ne
dépendent pas uniquement des essences forestières naturelles,
mais également des produits issus du contact avec la culture coloniale.
Après cette correspondance entre techniques et
accessoires en fonction de l'aspect genre, nous avons jugé utile de
présenter également les appâts utilisés dans les
techniques de pêche.
Tableau 5: Correspondance entre les
différents types d'appât utilisés, les poissons et les
techniques de pêche
Noms endogènes des appâts
|
Noms en français des appâts
|
Noms scientifiques des appâts
|
Poissons correspondants
|
Techniques utilisées
|
Bezeeh
|
Lombrique
|
Lumbricidae
|
Tout type de poissons
|
Bitélé,ofâh bingak...
|
Bekweigne
|
Escargots
|
Achatina fulica
|
Silures
|
Bingak
|
Fefeigne
|
Cafards
|
Blaberus giganteus
|
Les silures
|
Bingak
|
Sobôh
|
Savon blanc
|
/
|
Les silures
|
Bingak,
|
Nguru
|
Mouche
|
Sarcophaga carnaria
|
Poissons à écailles
|
Ofâh,
|
Mekeigne mendzaga
|
Feuille de manioc
|
Manihot palmata
|
Poissons à écailles
|
Ayâh,
|
Agnugha m'vîne
|
Noix de palme pilée
|
Elaeis guineensis
|
Les silures
|
Ayâh,
|
Mbo'ong
|
Manioc tubercule
|
Manihot palmata
|
Les crabes
|
Ayâh,
|
Buane be kuass
|
Les petits poissons
|
/
|
Poissons à écailles
|
Ofâh,
|
Bitandak
|
Criquets, etc.
|
Locusta
|
Les silures
|
Bingak, bitélé
|
Les appâts que nous présentons dans
ce tableau nous amènent à comprendre qu'au canton Ntem 1, les
ressources aquatiques ne sont pas pêchées au hasard. Leurs
prélèvements dépendent non seulement du choix du
pêcheur, mais surtout des techniques et des appâts. Selon ce
tableau, il y a des appâts pouvant attirer tout poisson et des
appâts uniquement utilisés pour des poissons précis, selon
ce que recherche le pêcheur. Obiang Nguema Raymond16(*) nous précise
que :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction en français
|
1 N'yop kouass éméne ayem
avale kouass akoumou awingne. Eyong wa yeme mam miyop, wa yiène ayem
nâh, assu n'yop assesse, d'assili avale bidzièghè da
yiènadôh. Ede bidzièghè bine mevale abuigne.
|
1 Seul le pêcheur sait le type de poisson qu'il veut
capturer. Lorsqu'on parle des questions de pêche, il faut savoir que
chaque technique de pêche nécessite son type d'appâts. De
plus, il y a plusieurs types d'appâts.
|
2 Bekouass bezing bene nâ, bagnegue
badzi mingoume bieme, n'yop kouass ayiène dayeme. Edzièghè
éssesse d'abigne avale kouass d'ayiènadôh.
|
2 Il y a des poissons qui préfèrent un
type d'appât à d'autres et le pêcheur se doit de le savoir.
Chaque appât sert à la capture d'un poisson précis.
|
3 Vedâ, bidzièghè
bizing binefenâh biabigne kouass assu kouass éssesse, avelefe
messu meyop mézing mene abigne mevale me kouass
messesse...
|
3 Cependant, on peut avoir des appâts qui
permettent de capturer toute sorte de poisson ; tout comme on peut avoir
des techniques qui sont généralistes...
|
La connaissance des techniques de pêche
à travers leurs outils est donc complexe. Elle amène à
connaître les variétés d'appâts en correspondance
avec les variétés aquatiques et cours d'eau. Cet entretien
présente alors le personnage du pêcheur comme un homme de
terrain, une personne dotée d'une science dans ce qu'il fait car ayant
les acquis pluriels pour pêcher telle ou telle espèce de poisson
dans un quelconque cours d'eau. Nous sommes là en présence d'un
savoir tant naturel que culturel, lequel détermine et identifie le
pêcheur.
Photographie 15 : Des limaces
Stylommatophora (éyôho) à Akame-si en
Septembre2015 (cliché Ondo Obame Cédric)
Les limases Stylommatophor sont des
appâts spécifiques à la capture des silures et poissons
chats Parochenoglaanis sp par l'utilisation de la
technique des piquets (bingak).. Elles font partie des outils de
pêche et ne s'utilisent pas pour capturer n'importe quelle espèce
aquatique. Dans cette spécificité, elles se complètent
avec les petits escargots que nous présentons ci-après.
Photographie 16 : Des escargots
(kuègne) Achatina fulica à Bikass en 2015
(cliché Ondo Obame Cédric)
Les petits escagots (Achatina fulica)
sont des appâts qui permettent aussi la capture des poissons à
peau lisse pendant la nuit. Ils sont aussi utilisés avec la technique
des piquets (bingak). Dans le même cas, on peut aussi avoir des
caffards (Blaberus giganteus) et asticots. Ce sont des appâts
spécifiques tout comme la technique qui les emploie est
spécifique. Il y a aussi des appâts ``spécifiques'' aux
poissons à écailles (feuilles de manioc, moucherons, etc.)
employés avec d'autres techniques comme l'éprouvette, la ligne,
etc.
Photographie 17 : Des lombriques
Lumbricidae (bezeh) en fang ntumu à Akame-si en 2015
(cliché Ondo Obame cédric)
L'ensemble de toutes ces images présente deux
catégories d'appâts, les ``spécifiques'' et les
``généralistes''. Dans les photographies, il s'agit de l'escargot
et de la limace pour attirer les silures, poissons chat, etc. Le
lombrique quant à lui est un appât généraliste (qui
attire tout type de poisson). Les appâts sont des outils, au même
titre que tout autre outil de pêche et participent aux techniques.
Cependant, toutes les techniques de pêche ne
nécessitent pas des appâts. Il y a des techniques qui se
pratqiuent sans appâts tels que : melok, allame,
avuat, messama, abula etc. Mais, les appâts
sont sollicités en fonction des poissons car, il y a toute une
variété d'appât comme nous l'avons vu dans le
précédant tableau.
II.2.3 Cours d'eau et prélèvement des
ressources
A Ntem1, on rencontre les cours d'eau de toutes les
dimensions. Ils abritent tous des parties de pêche avec des techniques
qui leur sont appropriées. En effet, chaque cours d'eau regorge un
héritage aquatique diversifié. Mais, il peut arriver qu'une
espèce soit abondante dans tel ou tel autre cours d'eau (carpes,
anguilles, silures, crevettes...). Certains cours d'eau abritent toutes les
espèces de poisson. C'est le cas du fleuve Ntem.
Comme nous l'avons souligné tantôt, le
canton est nanti en cours d'eau poissonneux. Chaque cours d'eau a son
intensité et sa densité. Les plus gros poissons vivent en eau
profonde quant aux plus petits poissons, ils se contentent des petits et
moyens cours d'eau.
Au canton Ntem 1, les cours d'eau regorgent les
mêmes poissons et crustacés à l'ecception du fleuve Ntem
qui abrite la totalité des espèces. Il contient en grande
quantité les plus gros poissons. Alors ci-dessous, un tableau
présente les essences aquatiques les plus sollicitées. Nous
déterminons leurs appellations fang ntumu et en français ;
leurs dénominations scientifiques, leurs caractéristiques et
surtout le type de cours d'eau d'appartenance.
Tableau 6: Les espèces halieutiques
sollicitées dans le canton
Noms endogène Fang
|
Noms en Français
|
Noms scientifiques
|
Caractéristiques de l'espèce
|
Cours d'eau
|
Tilapia, (ékono)
|
Tilapia, carpe
|
Tilapia oreochromis
|
Poisson à écailles
|
ntem, kyè, mvézé
|
Essoh
|
Carpe
|
Chromidotilapia kingsleyae
|
Poisson à écailles
|
Tous les cours d'eau
|
Nkémé
|
Ablette
|
Chrysichthys nigrodigitatus
|
Poisson à écailles
|
Ntem et kyè
|
N'wuang
|
Anguille
|
Protopterus dollloi
|
Poisson à écailles fines
|
Tous les cours d'eau
|
Ekekôh
|
Sans-nom
|
Heterotis niloticus
|
Poisson à écailles dures
|
ntem et kyè
|
Obang, n'sôh
|
Brochet
|
Hepsetus odoe
|
Poisson à écaille
|
Tous les cours d'eau
|
M'fighè
|
Tanche
|
Xenocharax spilirus
|
Poisson à écailles fines
|
Ntem et kyè
|
Apwé-kuass
|
Lotte, poisson-vipère
|
Parachanna obscura
|
Poisson à écailles et vénéneux
|
Tous les cours d'eau
|
N'totom
|
Mormyre
|
Mormyrops nigricans
|
Poisson à écailles fines
|
Tous les cours d'eau
|
Mviê-ngôh
|
Silure
|
Clarias buthupongo
|
Poisson à peau lisse, vénéneux
|
Tous les cours d'eau
|
N'gôh
|
Silure
|
Siluridae
|
Poisson à peau lisse
|
Tous les cours d'eau
|
Agneng
|
Poisson-courant
|
Malepterurus beninensis
|
Poisson à peau lisse, électrifiant
|
Tous les cours d'eau
|
M'vâgha
|
Ablette, gourgeon
|
Alestes macroptalmus
|
Poisson à écailles
|
Tous les cours d'eau
|
Ndôh
|
Silure-chat
|
Parochenoglaanis sp
|
Poisson à peau lisse
|
Tous les cours d'eau
|
Evôss
|
Silure-chat
|
Synodontis obesus
|
Poisson à peau lisse
|
Tous les cours d'eau
|
Mvongh
|
Silure-chat
|
Parochenoglanis punctatus
|
Poisson à peau lisse
|
Tous les cours d'eau
|
Effak-bune
|
/
|
/
|
Poisson à écailles
|
Tous les cours d'eau
|
Câra
|
Crabe
|
Paguroidea
|
Crustacé aquatique
|
Tous les cours d'eau
|
N'wass
|
Crevette
|
Palaemonideae
|
crustacé aquatique
|
Tous les cours d'eau
|
Ce tableau présente somairement l'ensemble
des espèces aquatiques pêchées dans le canton. Qu'il
s'agisse des techniques de pêche féminines ou masculines,
plusieurs de ces essences aquatiques sont sollicitées en fonction des
techniques et cours d'eau. Cette variété d'essences aquatiques
représente le patrimoine halieutique de la zone d'étude. Elle
fait donc appelle à des techniques toutes aussi variées que les
poissons sollicités.
Nous observons et relevons dans ce tableau la
correspondance entre ressources aquatiques et variation des cours d'eau. Ces
ressources nous conduisent à la distinction entre poisson à peau
lisse et poisson à écailles en dehors des crabes et crevettes.
Les poissons sont prélevés par les populations pour des besoins
en vigueur. Nous présentons ci-dessous quelques photographies de
poissons sollicités.
Photographie 18 : Des brochets (obang :
Hepsetus odoe) et des gourgeons ou ablette (M'vagha :
Alestes macroptalmus) à Eboro-Ntem en 2014
(cliché Ondo Obame Cédric)
Cette photographie montre deux types de poissons
à savoir les brochets (Hepsetus odoe) et les ablettes
(Alestes macroptalmus). Ces poissons peuvent être
pêchés dans l'ensemble des cours d'eau de la localité. Ce
sont des poissons qui se prélèvent la journée et parfois
nocture. Ils sont rapides et et prédateurs. Pour les pêcheurs, ce
sont des poissons d'une extrême rapidité. C'est une
variété de poissons qui ne se nourrit que la journée. De
plus le brochet Hepsetus odoe par exemple est très dangereux de
par ses morssures. Son nom (obang ou nsô'o) signifie
que c'est poisson qui ne grossit pas comme les autres, d'où sa
rapidité. Dans cette description, il y a également d'autres
poissons comme : la carpe (ékono)
Chromidotilapia kingsleyae, l'ablette
(mvâh'a et nkémé) Alestes
macroptalmus et la tanche (nfighè)
Xenocharax spilirus.
Photographie 19 : Poisson nommé
(ekekoh : Heterotis niloticus) à Eboro-Ntem en
2014 (cliché Ondo Obame Cédric)
Du nom scientifique Heterotis niloticus,
le poisson que nous présentons dans ce cliché se nomme
(ékokôh) en fang ntumu. La particularité est que
dans le canton, on ne le capture que dans les grands cours d'eau comme le Ntem
et le Kye. Les techniques qui permettent sa capture sont le filet
(avuat) et l'alame. Ainsi, nous sommes toujours dans la
correspondance des cours d'eau et poissons sollicités par le
pêcheur. Ce poisson est l'une des espèces les plus volumineuses
parmi toutes les ressources aquatiques du canton. Il peut avoisiner les cinq
kilogrammes en termes de masse. Cela temoigne donc de la richesse du canton
Ntem1en espèces halieutiques diversifiées.
Photographie 20 : Des
gourgeons : mvagha (Alestes macroptalmus), un silure et un
silure chat : ngô et ndôh (Parocheglanys)
à Bikasse en Juillet 2014 (cliché Ondo Obame
Cédric)
Ce cliché présente plusieurs types de
poissons. Nous avons des brochets (Hepsetus odoe) et
ablettes (Alestes macroptalmus) d'une part et les silures
(Siluridae) d'autre part. Tous ces poissons sont communs aux cours
d'eau du canton mais se prélèvent avec différentes
techniques de pêche. Les silures et poissons chats sont des
espèces nocturnes car c'est pendant la nuit qu'ils sortent de leurs
trous pour se nourrir. C'est pourquoi on les pêche pendant la pêche
la nuit. Les autres poissons parcontre se pêchent la journée parce
qu'ils se nourrissent la journée. (confère photographie 19)
Nous retenons que la pratique de la pêche
dépend de la connaissance des techniques, des outils, des saisons, des
poissons à capturer et de types de cours d'eau. C'est pourquoi parle de
Victor Giov Annoni (1992 : 63-68) parle de « pêcheur
expérimenté ». la pêche en général
est donc un patrimoine que le pêcheur doit connaître.
Au campement de
pêche (m'vâne minyôp ou
mv'âne melôk), les pêcheurs se doivent de respecter
également ces connaissances techniques et halieutiques pour effectuer
une bonne pêche. Au campement, il est possible d'exercer tout type de
technique de pêche et pouvoir capturer du poisson en quantité
suffisante.
II.2.4 Le campement de pêche : lieu d'une
pêche particulière
Le campement (m'vâne) est une
sorte d'habitat secondaire et surtout temporaire des populations villageoises.
C'est un habitat provisoire, dont l'objectif est la production des ressources
végétales, animales ou aquatiques. Il s'ensuit qu'il y a
plusieurs types de campements. Mais, dans le cadre de notre étude, c'est
le campement de pêche (m'vâne melok
ou minyôp) qui nous intéresse.
La production et la gestion des ressources
aquatiques est une carractéristique du campement. A ce propos Jean Emile
Mbot (1998 : 179-183) note que le campement
est : « Une forme traditionnelle de gestion des
écosystèmes ». De plus, il poursuit que le campement
est : « Un lieu où s'organisent des grandes
activités de collectes des produits de la nature (...) ».
Nous retenons que le campement cumule des logiques et pratiques de
productions diversifiées. Il s'agit d'un lieu aménagé pour
prélever les ressources pour ensuite les fumer ou les conserver frais.
Tout au long du séjour au campement, les ressources
prélévées seront accumulées et seront enfin
amenées au village.
Le campement est un lieu d'accumulation de
ressources prelevées dans le but de les ramener au village et les
utiliser pendant un certain temps.
Dans la culture des populations du Ntem 1, la
notion de campement est bien présente
comme le souligne Mme Nsourou Ondo Berthe17(*) que :
Réciet en langue fang
ntumu
|
Traduction en français
|
1 Mekeyang à m'vâne melok
afane été eyong-dâh. Bingue dzoghobo melou melâh.
Bingue komane atera befam ya binenga ne biaque alôk Ntem afane
été. Ve mabuini nâh befam ébe bassubane ake a m'vane
eyong bake chémé kuas n'gueki betsit.
|
1 je suis déjà allé camper une
fois en forêt pour pêcher. Nous y avons dormi trois jours durant.
Nous nous organisions hommes et femmes pour une grande partie de pêche
sur le Ntem en forêt. Mais, je crois que ce sont surtout les hommes qui
pratiquent le plus les campements lors qu'ils vont pêches ou chasser.
|
2 Eyong mine a m'vâne mia mena long
bibeme. Egne mia dzoghobo assilâ ya komane avale miaye wulu édzame
mizebôh
|
2 Lorsque vous êtes au campement, vous
construisez des petites cases pour y dormir, vous reposer et organiser votre
objectif et faire des bilans.
|
3 A m'vâne, mia béré
tsit n'gue kouass minkôt. Minefe abô baabaminkono. M'vâne
énefe ane ône adzâ, anebô étobeyôh akale
mbot bézing.
|
3 Au campement, on fume le gibier ou du poisson, tout
comme on peut le saler. En campement, on se sent comme au village, il peut
être un lieu d'habitation pour certains.
|
Le campement est une réalité chez les
Fang du Ntem 1. On peut dire c'est un élément culturel en ce sens
qu'il est un lieu établi par l'homme pour en fonction de sa vision et
ses besoins. On y organise production et gestion des ressources qui serviront
au village. De plus, il offre un d'habitat propice quant aux rapports directs
de l'homme à son environnement forestier.
L'homme s'organise au campement à peu
près comme au village. Dans ce cas il s'agit d'une logique de
territorialisation des modes de vie. Il est construit pour assurer en partie
les mêmes fonctions que le village, à la seule différence
que le campement est provisoire, contrairement au village. Dans un autre sens,
c'est le campement qui ravitaille le village en ressources. Paulin Kialo
(2004 : 177) note dans ce sens qu': « Au campement,
l'objectif est de ``prendre'' le maximum en peu de temps et de revenir au
village... ».
Le campement est ainsi un lieu d'abondance
à courte durée. En revanche, cette abondance peut aussi donner
lieu à un ``gaspillage'' de ces ressources qu'il faut à
tout prix amasser au sens de Jean Emile Mbot (1998). Il s'agit là
de la notion d'excès.
En outre, si on prélève autant au
campement, c'est pour être à l'abri des moments de
``sècheresse'', de famine en saison des pluies ; mais aussi pour
faire face aux évènements à savoir : retrait de
deuil, mariage, réjouissance ou commerce. Le campement est le lieu d'une
pêche d'accumulation où toutes les techniques sont admises. C'est
pourquoi nous parlons d'une pêche particulière.
II.3 Un espace de production et d'organisation des
techniques de pêche.
Comme nous l'annoncions, l'analyse que nous faisons
sur les techniques repose sur des critères endogènes et
déterminés. A cela s'ajoute l'ellaboration d'un lexique de
pêche. Ces critères sont entre autre : la quantité, le
genre, le nombre, la temporalité, la saison et la conservation. Le
lexique quant à lui est un complément de notre analyse et
rassemble des termes propres à la pratique en langue fang.
II.3.1 Le critère de
la``quantité''
Nous ressortons dans ce premier critère des
techniques de pêche celles qui permettent de capturer de grandes et de
petites quantités de poissons. Rappelons donc que les techniques
concernées par ce critère, dépendent aussi de la
contenance des cours d'eau en espèces aquatiques (poissons et
autres).
Tableau 7 : Répartition
des techniques de pêche en fonction du critère
« quantité » dans la capture des espèces
halieutiques.
Les techniques de grandes quantités
|
Techniques de petites quantités
|
Alâme
|
Technique à l'éventail
|
Ayah
|
Technique à l'épuisette
|
Melok
|
Technique à barrage
|
Mbèghè
|
Technique à la machette
|
Avouate
|
Technique au filet
|
Ofâh
|
Technique à la ligne
|
Bingâk
|
Techniques aux piquets
|
Messama
|
Technique à la nasse
|
Bitélé
|
Techniques aux piquets
|
Allara
|
Technique à la fouille
|
ndawola-tangâne
|
Technique à l'empoisonnement
|
Ngak
|
Technique à l'hameçon
|
etame-kouass
|
Etang de poissons
|
|
Fiss
|
Technique d'attraction
|
Ce tableau dresse une répartition des techniques
permettant la capture des grandes et de petites quantités de poissons.
Mais le cours d'eau peut pour sa part jouer un rôle dans ce
critère. Il peut s'agir de son volume d'eau et aussi de la contenance en
espèces aquatiques. Le pêcheur a donc dans ce panel le choix
quant à la quantité de poissons qu'il veut avoir. D'où une
idée symbolique de performance des techniques. Toutefois, une technique
éminemment à petite quantité de poissons peut par
exception amener à en amasser une grande quantité lorsqu'elle
est pratiquée à plusieurs reprises.
|
II.3.2 Le critère
du``genre''
Ce critère met essentiellement en exergue les
techniques de pêche qui sont utilisées par les hommes et les
femmes.
Tableau 8 : Répartition
des techniques de pêche en fonction du critère
« genre ».
Les techniques de pêche masculines
|
Les techniques de pêche
féminines
|
Alâme
|
Technique à l'éventail
|
Melok
|
Technique au barrage
|
Avouate
|
Technique au filet
|
Messama
|
Technique à la nasse
|
bingak et bitélé
|
Technique aux piquets
|
Allara
|
Technique de la fouille
|
Mbèghe
|
Technique à la machette
|
ndawola-tangâne
|
Technique à l'empoisonnement des eaux
|
Ayâh
|
Technique à l'épuisette
|
Fiss
|
Techniques d'attraction
|
etame-kouass
|
Etant de poissons
|
|
Ngak
|
Technique à l'hameçon d'épine de
porc-épique
|
Le critère « genre »
est très déterminant dans les techniques de pêche. Par
observation, les hommes se distinguent des femmes même jusqu'aux
techniques de pêche. Dans ce cas présent, la gente masculine a
plus de techniques de pêche que la gente féminine.
|
Nous pouvons alors dire que les hommes pratiquent la
pêche plus que les femmes quand bien même, ce sont elles qui sont
à l'origine de la pratique. Cela est dû au fait que c'est à
l'homme que revient la responsabilité de nourrir la famille. La femme
est juste là pour l'aider.
II.3.3 Le critère du
``nombre''
En dehors du fait que toute technique de pêche
se pratique en groupe ou individuellement, nous sommes néanmoins
parvenu à distinguer celles qui sont éminemment individuelles de
celles collectives.
Tableau 9: Répartition
des techniques de pêche en fonction du critère
« nombre ».
Les techniques collectives
|
Les techniques individuelles
|
Alâme
|
Technique à l'éventail
|
bitélé et bingak
|
Techniques aux piquets
|
Melok
|
Technique au barrage
|
Ofâh
|
Technique à la ligne
|
Messama
|
Technique à la nasse
|
Avouat
|
Technique au filet
|
etame-kouass
|
Etang de poisson
|
Mbèghè
|
Technique à la machette
|
|
Alara
|
Technique à la fouille
|
Ayâh
|
Technique à l'épuisette
|
Ngak
|
Technique à l'hameçon
|
Fiss
|
Technique d'attraction
|
Le critère du « nombre »
est déterminé dans à travers des techniques qui sont
individuelles et celles qui sont collectives. Nous nous rendons compte qu'il y
a plus de techniques qui peuvent se pratiquer avec un seul individu que celles
se pratiquent en groupe. De plus, nous constatons ce sont surtout les
techniques masculines qui admettent souvent une pratique individuelle. Quant
aux femmes, elles pratiquent toujours leurs techniques en groupe. Certainement
c'est le courage et la force physique à affronter les dangers de la
nature qui amène l'homme à pêcher parfois seul. En
revanche, les femmes font preuve de solidarité en pêchant en
groupe.
Toutefois, il arrive par moment que les hommes et
les femmes pêchent ensemble, c'est le cas de la technique
(melôk) qui nécessite souvent beaucoup d'effort physique.
II.3.4 Le critère de la
``conservation''
Ce critère regroupe les techniques de
pêche qui ont pour particularité la conservation du poisson et
d'autres crustacés aquatiques, avant que l'homme ne vienne par la suite
les capturer. Ces techniques attirent et conservent le poisson pendant un
temps. Au moment opportun, le pêcheur viendra tout simplement s'en
saisir.
Tableau 10: Quelques techniques de pêche en
fonction de le critère de
« conservation »
Alâme
|
technique à l'éventail
|
|
Ayâh
|
Technique à l'épuisette
|
Fiss
|
Technique d'attraction du poisson
|
etame-kuass
|
étang de poisson
|
Dans ce cadre, il n'est pas question de la capture
immédiate ou directe des poissons par l'homme. Ces quatre techniques ont
d'abord pour rôle d'attirer et ensuite de conserver les poissons une fois
pris dans le piège. L'objectif est que le poisson continue à
vivre dans son milieu, à se nourrir tout en étant
déjà retenu captif. Le pêcheur décide à quel
moment il viendra pour le capturer.
Pour nous, la conservation montre que les
ressources aquatiques ne subissent pas que des techniques ``dures'' ou
immédiates, mais aussi celles qui sont ``douces'' et tardives. Ces
techniques donnent ainsi lieu à une sorte de pisciculture
traditionnelle.
II.3.5 Le critère de
``temporalité''
Ce critère distingue les techniques de
pêche qui se pratiquent la journée
(ômos) de celles qui se pratiquent la nuit
(alû).
Tableau 11: Répartition
des techniques de pêche en fonction du critère de
« temporalité »
Techniques pratiquées la
journée
|
Techniques pratiquées la nuit
|
Melok
|
Technique au barrage
|
mbèghe
|
Technique à la machette
|
messama et abula
|
Technique à la nasse
|
Bingak
|
Technique au piquet
|
bitélé
|
Technique au piquet
|
Alâme
|
Technique à l'éventail
|
Ofâh
|
Technique à la ligne
|
Avuat
|
Technique au filet
|
Ayâh
|
Technique à l'épuisette
|
Avuat
|
Technique au filet
|
Fiss
|
Technique à l'écopage
|
Alâme
|
Technique à l'éventail
|
La pêche se pratique la journée et nuit.
Mais c'est surtout pendant la journée que la pratique est effective.
Nous avons dans ce tableau une dizaine de techniques qui se pratiquent la
journée contre quatre pour la nuit.
La pêche de nuit, quelque soit la technique
utilisée, dépend du pêcheur et aussi du type de poisson
sollicité. C'est surtout la nuit que les ``poissons nocturnes'' aussi
appelés poissons à peau lisse (les silures et anguilles) sortent
de leurs abris pour se nourrir. Les quelques techniques que nous avons à
la droite du tableau permettent donc la capture de ces poissons.
Toutefois, nous notons que la pêche de
nuit est plus dangereuse que celle de la journée car, c'est pendant la
nuit qu'il y a plus de dangers. On peut alors rencontrer des reptiles,
prédateurs des eaux ou ivre les oeuvres des esprits des eaux, etc.
Obiang Nguema raymond soutient que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Miyop miye alû mine
édedâ ndzuk. Miasili nkéé amuna mbia be bieme bawulu
ochigne alû. Ede ochigne one édedâ abé alote
afàne alû.
|
1 La pêche de nuit est très difficile. Elle
demande beaucoup de prudence parce qu'il y a des mauvaises choses dans l'eau la
nuit. La nuit, l'eau est plus dangereuse que la forêt.
|
2 Eyong wayop aalû, otagha ayeme abui
mâme, ngueki abele évu, ngueki abôh m'bôh, amuna
ône wû.
|
2 Lorsque tu pêches la nuit, il est
conseillé de ne pas connaitre des choses en rapports avec la sorcellerie
au risque de mourir.
|
II.3.6 Le critère
de``saison''
Il est question ici de définir les
différentes saisons (éyong) et techniques de
pêche correspondantes. Il s'agit donc de la saison sèche
(oyône ou bivéh) et la saison des pluies
(sughu ou mekuna). La
première va de Juin à fin août et la deuxième quant
à elle va de septembre à décembre.
Tableau 12 : Répartition
des techniques de pêche en fonction du critère de
« saison »
Techniques utilisées en saison des
pluies
|
Techniques utilisées en saison
sèche
|
alâme
|
Technique à l'éventail
|
Melok
|
Technique au barrage
|
Ofâh
|
Technique à la ligne
|
Bitélé
|
Technique aux piquets
|
Avuat
|
|
Messama
|
Technique à la nasse
|
Bingak
|
Technique au piquet
|
Ayâh
|
Technique à l'épuisette
|
Mimbasse
|
Technique au flotteur
|
Allara
|
Technique à la fouille
|
|
Mbèghè
|
Technique à la machette
|
Ofâh
|
Technique à la ligne
|
Il ressort à l'examen de ce tableau que la
pratique de la pêche dépend des saisons. Il ressort aussi qu'en
général, les techniques féminines de pêche ne se
pratiquent qu'en saison sèche alors que celles masculines peuvent se
pratiquer en toute saison. Cette réalité se complète par
la pluralité des techniques des hommes par rapport à celles des
femmes.
C'est en partant du rapport de l'homme à la
technique et celui de l'outil à la technique que nous avons ressorti ces
critères qui sont à la base de notre analyse des techniques de
pêche au canton Ntem 1. Cela nous a aussi amené à saisir
les correspondances des techniques aux poissons tout en passant par les cours
d'eau. Ces tableaux d'analyse témoignent donc de toute une organisation
culturelle qui structure la pêche et ses techniques. Dans cette
sphère sociosymbolique, il s'ajoute aussi le lexique propre à la
pêche.
II.4 Un lexique
endogène de la pêche
Ce lexique auquel nous parvenons regroupe l'ensemble
de termes utilisés par les populations du Ntem 1 dans la pratique des
techniques de pêche. Plus précisément, il s'agit à
travers les techniques sollicitées, de recenser les termes, mots,
expressions et noms utilisés dans la pêche. Menie Ndong
Charles18(*)
complète à ce propos que :
Récit en langue fang
ntumu
|
Traduction littéraire
|
1 Wa yeme na, assu esseigne ésese
ébele ébieme beign. Dzam ésese ébele mingoura
bifiè babelane yabiô. Ede, mabuini nâ, abô minyop,
mefup ngueki biseigne bife, assu- ésseigne ase ébele nkobo
weigne. Dzame ése éne ya émame meigne.
|
1 Tu sais, chaque activité a ses
réalités. Chaque activité a des termes appropriés.
Qu'il s'agisse de la pêche, des plantations ou bien d'autres travaux,
chaque activité a son langage. Chaque activité a ses
réalités.
|
2 Lorsque les femmes vont à la pêche,
elles parlent un langage propre à leur partie de pêche. C'est
également le cas avec les hommes lors qu'ils vont pêcher.
|
2 Éyong binenga bake melok, be bele
ngoum avale nkobo wayiène ya melok. Befam bafe avaledâ
éyong bene minyop.
|
Menie Charles nous informe que chaque activité
a ses réalités et son lexique spécialisé. En milieu
rural, que ce soit la pêche, la chasse, l'agriculture etc., il y a
toujours des termes, des expressions propres à l'activité que
l'on pratique. La pêche nous met donc en phase avec un
lexique propre, caractéristique d'un rapport aux
techniques dans la désignation de ces dernières, leurs outils,
l'espace halieutique, les poissons, les cours d'eau, etc.
Nous présentons ci-après le lexique de la
pêche au canton Ntem 1.
Le lexique de
pêche en fang ntumu au canton Ntem 1
A
1-Alok: pêcher, chez les femmes
14-Avuate :
filet
2-Alara mimbih: fouiller les trous aux
poissons 15-Assong n'yop :
hameçon
3-Ake miyop : aller à la
pêche
16-Akélé bingak: placer les piquets
4-Ayop: pêcher, chez les hommes
17-Abebe miyop: visiter
ses piquets
5-Assama : pêcher à
la nasse 18-Abigne
kuass: capturer du poisson
6-Adzièh: boue servant pour la
digue 19-Alû :
pêche de nuit
7-Alloho mendzim: vider une
étendue de son eau 20-Ayâh :
l'épuisette
8-Abéré kuass
minkôt : fumer le poisson
21-Akuane kuass : vendre le poisson
9-Akâne kuass : paquet de
poissons 22-Agni
n'gak : pêche aux trous
10-Akite miyop : apprèter
les outils de pêche 23-Alu: la
nuit
11-Afâne : la forêt
24-Abông : pêche infructueuse
12-Ayek myok : faire la digue
25-Adzi kuass :
consommer du poisson
13-Awèghène :
la jachère ou repos
26-Agneng : poisson courant
- Ayeghe lâne : la prière
27-Apué
kuass : poisson vipère, lotte
|
B/C
1-Bidzièhè: les
appâts
5-Bivéh : saison sèche
2-Bezehe: les vers de terre
6-Bitélé/
Bingak : les piquets de
pêche3-3-Byè: pirogue
7-Befâm:
les hommes
4-Binenga :
les femmes
8 -Bong : les enfants
|
E
1-Ekana: accessoire de vidage des
eaux 6-Etokh :
étendu d'eau destinée à la pêche
2-Elénéh: radeau
7-Ebâne: bois servant
à dresser une digue 3-Etouang
kuass : paquet de poissons frais 8-Etame
kuass : l'étang de poissons
4-Ekîh : l'interdit
9-Eyong : la saison, période, le temps
5-Ekone : carpe
10-Etélé ou Engak: le
piquet de pêche
11-Evos :
silure chat
12-Essoh : carpe
|
F
1-Fâh: machette
2-Fiss: abrit de
poissons
3- Fâm : l'homme
|
K
1-Kuass: poisson
4-Kuass bibass: poisson
à écailles
2-Kuass bicôp: poisons
à peau lisse 5-Kuass
messome : poisson vénéneux
3-Kuass ye ochîgne :
poisson d'eau douce 6-Kara : le crabe
|
M
1-Mimpuèhè :
piquets de pêche 9-Mvâne
miyop: campement de pêche
2-Mekuna: saison des pluies
10-Melok: pêche
féminine
3-Myokh: digue de pêche
11-M'vonâh : fil de
pêche en coton ou en nylon4-M'wass : la
crevette
12-M'wang : l'anguille
5-Mewîng : qui capture
beaucoup de poissons 13-M'fiè :
tarissement des eaux
6-M'vong : silure chat
14-Mvâgha : le gourgeon
7-Mendzime : l'eau
15-M'vâne : le campement
8-Mbôrhio : la boue
16- Minyôp :
la pêche masculine
Mînsisime miye
ochîgne : esprits des eaux
|
N
1-Ndawola: poison de pêche
6-Nkùne:
jubéciaire
2-N'yop-kuass : le
Pêcheur
7-Nfièh : assèchement du lit d'un
cours
4-Ndemeh/Nkôt :
marée haute/basse
8-Nfighè : La tanche
5-Ndôh : silure chat
9-Ngôh:
le silure
6-Nkémé : ablette
10-Ntetome : le mormyre
|
O
1-Ochîgne : cours d'eau
4-Ofâha : canna
à pêche ou pêche à la
ligne2-Oyône : saison sèche
5-Olèghè : pêche à la
ligne
3-Okiniyî : le bord du
rivage 6-Obang :
brochet, ablette
|
S-T-
Z
1-Tâne: nasse
4-Sughu : saison des pluies
2-Sîng : petites
crevettes
3-Zuane: appât
5-Zehe : le
ver de terre
|
Ces termes sont connus des populations du canton,
mieux encore par les pratiquants de la pêche. Ce lexique englobe les noms
des techniques de pêche, des outils de pêche, des poissons, des
acteurs sociaus (pêcheurs), des comportements relatifs à la
pêche et mêmes certains rites et croyances en rapports avec la
pêche. Si la pêche poossède un vocabulaire propre, les
autres pratique sociales en ont également.
La langue permet de distinguer une pratique
sociale d'une autre. A travesr ce lexique, elle permet d'être en phase
avec la pratique de la pêche même-si on ne la connaît pas.
Nous pouvons dire que la langue est un outil très important. Chacun des
termes contenus dans le lexique est porteur de sens dans la mesure où
ils permettent de désigner la pêche.
En tant que vecteur des connaissances, la langue
permet l'apprentissage de ces mots et participe donc à la socialisation
des populations dans ce domaine. Autremnt dit, la maîtrise de la
pêche passe aussi par celle du langage qui est à la base de ce
lexique. Il est donc possible de reconnaître une pratique sociale
à travers son lexique.
Le lexique apprend donc à un individu les
termes appropriés afin de se reconnaître dans la pratique sociale
en présence.
Pour clore ce chapitre, nous retenons que la
pêche pratiquée au canton Ntem 1 est une pêche de type
traditionnelle et moderne (tradi-moderne) car regroupant simultanément
au sein de ses techniques des outils traditionnels et des outils modernes. Nous
avons compris qu'il s'agit d'une pêche hybride. Mais c'est une
hybridité qui permet le maintien ou la survie des techniques de
pêche. C'est ainsi que les populations ntemoises joignent voire
remplacent certains outils traditionnels ancestraux par des outils modernes.
Cependant, la vulnérabilité des outils
ancestraux ne retire pas la performance ou l'efficacité des techniques.
Les outils modernes ne viennent que renforcer, durabiliser la survie des
technique. Cela nous met donc en phase avec le rapport de l'homme à ses
techniques et le rapport de la technique à ses outils. C'est à
partir de ces deux rapports que nous avons fait l'inventaire et l'analyse des
techniques de pêche.
Cet inventaire des techniques nous a permis de
comprendre qu'il y a des techniques spécifiques et des techniques
généralistes pour abonder dans le même sens qu'André
Leroi Gourhant (1992). Ces techniques sont des productions culturelles mises en
place pour accéder aux ressources aquatiques. Nous avons aussi les
différents niveaux de correspondance entre les tecchniques, les
appâts, les cours d'eau, les poissons et les acteurs sociaux.
Pour terminer, l'analyse de ces techniques de
pêche s'est basée sur des critères endogènes pour
saisir les logiques en vigueur. Ainsi, l'ensemble des espèces
aquatiques est sollicité de jour comme de nuit dans la pratique de la
pêche. C'est suite à cette analyse que nous sommes parvenu
à un lexique regroupant des termes usités quelque soit les
techniques. En outre, Le lexique nous amené à situer la langue
dans un rôle de vecteur des connaissances, permettant l'identification
d'une pratique sociale.
DEUXIEME
PARTIE :
Analyse diachronique des Fonctions et
Représentations culturelles des techniques de pêche à
Ntem 1
CHAPITRE III : TECHNIQUES DE PECHE ET
FONCTIONS CULTURELLES
Nous évoquons les fonctions des techniques de
pêche dans ce chapitre parce qu'elles intègrent le rapport des
populations du canton Ntem 1 aux techniques de pêche. Autrement dit,
c'est à travers le rapport aux techniques de pêche que nous
sommes amené à nous intéresser aux fonctions de ces
techniques dans les domaines socioculturels des pêcheurs.
En fang ntumu, la fonction se dit (akaleya),
c'est-à-dire la raison qui accompagne ou qui amène à
accomplir un fait, une pratique. Les techniques de pêche relèvent
donc les fonctions culturelles. Ces fonctions font partie des logiques
soujacentes qui entourent la pêche. Comme nous le verrons, les
techniques de pêche impliquent plusieurs domaines socioculturels. Il
s'agit alors de comprendre les rapports de ces domaines avec les techniques de
pêche. Elles sont communes et relèvent de la performance cognitive
des villageois qui pratiquent de la pêche.
En principe, une fonction est immatérielle.
Pour la saisir, il faut aller la rechercher au sein de la société
qui pratique le phénomène social étudié. Autrement
dit, la fonction identifie le phénomène social qui l'exprime en
même temps qu'elle permet de saisir le lien entre ce
phénomène et son groupe d'appartenance.
Les fonctions dont il s'agit sont d'ordre
économique, religieux, juridique, socio-éducatif etc. L'objectif
de ce chapitre est de faire état de ces fonctions. Il s'agit de voir
sous une approche diachronique, les fonctions que les techniques de pêche
ont toujours rempli dans l'imaginaire collectif des populations ntemoises.
III-1 La fonctions économique des techniques de
pêche
Nous précisons à ce niveau que la
pêche est déjà en elle-même une pratique
économique. C'est une économie de prédation. Cette
fonction regroupe la production des ressources aquatiques, la consommation de
ces ressources et enfin l'échange de ces ressources. Dans ce cadre, nous
sommes dans une anthropologie économique qui étudie les rapports
économiques des hommes dans leurs milieux de vie.
Cela est une approche que Claude Meillassoux
(1974) appréhende dans son analyse des Gouro de Côte d'Ivoire, et
que de Maurice Godelier (2003) utilise aussi à travers son regard
économique dans son ouvrage intitulé « La
production des grands hommes ». L'anthropologie économique
étudie surtout les dispositifs mis en oeuvre par les
sociétés humaines afin de produire et échanger les biens
matériels nécessaires à leur consommation et à leur
reproduction en tant que groupe. Cette anthropologie va nous aidé
à comprendre le fondement d'une fonction économique des
techniques de pêche chez les ntemois du canton Ntem 1.
III.1.1 La production des ressources aquatiques
La production consiste, du point de vue de
l'anthropologie économique, à agir sur la nature pour disjoindre
certains éléments matériels afin de les rendre utiles aux
besoins des hommes à l'état naturel ou transformé. Quant
à la production des ressources aquatiques et autres crustacés,
elle ne se fait que par l'utilisation des techniques de pêche dans le
biotope aquatique. Ce sont elles qui permettent l'accès aux poissons tel
que le souligne le pêcheur et chasseur Ella Mvola
Théophile19(*) :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Ntem1 eva, eyong anena wakumu ayop, bibele
abouigne mevala meyop. Avala assesse one ayop waye wi koass.
|
1 Ici à Ntem 1, lorsque tu veux faire de la
pêche, on connaît plusieurs types de pêche. Quelque soit ta
manière de pêcher, tu captureras du poisson.
|
2 Osseki ake ochigne ve môh ve
mebôh. Wayiène atéra ayem avale n'yobane wé yop
éyonté wake ya ébieme wake ayop ya biôh ne obigne
kuass.
|
2 Tu ne peux te rendre à un cours d'eau pour
pêcher sans te préparer. Tu dois déjà savoir la
technique que tu emploieras. Ensuite, tu t'y rends avec des outils propices
pour capturer du poisson.
|
Les techniques de pêche sont un moyen de
production de la ressource. Elles remplissent, dans ce cadre, une de leurs
premières fonctions économiques : la production. L'objectif
est de produire, une production qui n'est possible que si l'homme met en place
des techniques. Ces techniques ainsi un rapport de production, une fonction
productive des ressources.
Comme le dit cet interlocuteur, il faut
obligatoirement une technique pour capturer ou prelever du poisson. Cela
revient donc à produire des ressources. En effet, celui qui pratique la
pêche choisit sa technique qu'il matérialise avec des outils
adaptés. Dans le procédé économique, c'est le
principe de la production qui est le plus important mais, pour ce faire, cela
demande des techniques. Dans ce sens, André Georges Haudricourt (1964)
parle des techniques en rapport avec les modes de production agricole.
Autrement dit, le type de production convoque un type de technique
approprié. C'est pour dire que produire nécessite
obligatoirement des techniques quelque soit ce qu'on veut produire.
Après cet aspect sur la production, il s'agit
maintenant de la consommation de la ressource après leur
prélèvement. Cela nous amène à parler de
l'autoconsommation considérée ici comme l'une des principales
raisons de la pratique de la pêche dans la localité.
III.1.2 Le principe de la consommation
En tant que branche de l'anthropologie
économique au même titre que la production et l'échange
(circulation des biens), la consommation est selon Arjun Appadurai (2007)
l'usage que l'on fait d'un bien ou d'un service en l'achetant, en se
l'appropriant ou en le détruisant. Mais la consommation dont nous
parlons ici est celle des aliments halieutiques au sein des familles. Cela nous
amène à convoquer le concept d'économie sociale. C'est une
économie qui repose sur les principes de solidarité des membres
d'un groupe au sens de Jean-François Draperi (2007).
La quasi-totalité des interlocuteurs nous ont
fait comprendre que l'objectif premier de la pratique de la pêche est de
nourrir la famille. Il s'agit de l'autoconsommation des ressources. Quelque
soit la technique utilisée ou la quantité de poisson obtenue
à l'issue d'une partie de pêche, c'est avant tout pour
l'autoconsommation. Selon certains de nos interlocuteurs, le poisson et la
viande de brousse sont au village des aliments qui se consomment
occasionnellement. Il s'agit surtout d'une habitude alimentaire dominée
par les aliments d'origine végétale (fruits, légumes,
arachides, concombre, chocolat, manioc etc.).
Lorsqu'on rapporte du poisson ou de la viande de
brousse, on assiste à une sorte de variation de goût alimentaire.
Cette variation alterne entre le végétal et l'animal. Pour
certaines femmes, le poisson est associé à certains
ingrédients d'origine végétale dans le but de varier les
aliments. Cela est d'ailleurs soutenu par Mme Ekoto Anne lors qu'elle dit
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Bia seigne mefup à dzâ va,
éme biagning ya môh. Abe engoum mbù, biadzi bidzi bia
beigne. Ede, eyong avekui nâh biveke melok ngueki nâ kouass
éne ngueki tsît, one d'ayame nfuwôno été
ngueki ndôk.
|
1 Au village, nous vivons de nos champs. Tout au long
d'une année, nous consommons nos produits issus des champs. Mais
lorsqu'il nous arrive de faire une partie de pêche ou qu'on nous rapporte
de la viande de brousse, nous pouvons les préparer dans une sauce
d'arachide ou de chocolat.
|
2 One fe dayam nala. Kouass ya tsît
bine biem bi ozâng. Âne ébiem biassanla dêhk
agnù.
|
2 Nous pouvons aussi les préparer simplement. Le
poisson et la viande de brousse sont des aliments qui nous permettent de
changer de goût dans nos bouches ici.
|
Rappelons que les techniques de pêche
permettent la production du poisson. Ce poisson est ensuite autoconsommé
au sein de la famille. Nous relevons là le lien entre la technique de
pêche et la notion de consommation dans le rapport économique des
populations rurales aux ressources aquatiques. Ce que nous pouvons retenir,
c'est que la consommation des ressources aquicoles est à comprendre dans
les rapports de production de la ressource et dans l'idée de variation
des aliments tels que vient de le souligner Mme Anne Ekoto.
Lorsqu'une partie de pêche est fructueuse,
une partie de poisson est consommée et l'autre peut être vendue.
Pour des personnes sans charges, la pêche peut devenir une
activité financière.
III-1.3 La notion d'échange
En anthropologie, la notion d'échange fait
référence au ``don'' et ``contre-don'' de Marcel Mauss
(1973 : 149-279), mais aussi à la réciprocité. En
réalité, Marcel Mauss distingue ce qu'il nomme
« échange-don » de
l' « échange marchand ». Le premier terme
renvoie à une appréhension des systèmes d'échange
des sociétés `` archaîques'', où l'objectif de la
circulation des bien ne se trouve pas dans la capitalisation, mais plutôt
dans la cohésion sociale du groupe. Le second terme quant à lui
renvoie à une économie de marché dirigée par la
capitalisation des ressources.
Cependant, dans le cas de ce travail,
l'échange prend une autre orientation. Il s'agit de la
complémentarité de ces deux termes dévéloppé
par Mauss.
Au canton Ntem1, la notion d'échange est
traduite par la distribution des ressources aquicoles impliquant de ce fait
certains pêcheurs et revendeurs ou revendeuses.
Les deux théories de Marcel Mauss se
complètent dans le cas des populations ntémoises. Il s'agit donc
de la réciprocité des biens. Certains villageois pêcheurs
vendent de temps à autre une partie de leurs poissons à des
revendeuses. Mais, cette commercialisation n'est pas permanante, elle n'a lieu
que lorqu'un besoin financier se présente. En réalité, ils
ne vendent que le surplus afin de subvenir à un certain besoin comme le
rapporte Ella Mvola Théophile :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Bot bézing bayop ne badzi, ne
bayala bouane ve benefe akuane éyong beve wigne abuigne kouass.
Bavâ abime nda-ébot daye dzi éyong-té abime
vôh bekuane.
|
1 Certaines personnes pêchent pour manger dans le
but de nourrir la famille. Mais, elles peuvent aussi vendre. Après avoir
retiré ce qu'on va manger, le reste sera pour la vente.
|
2 Adangdang alâme abe befam ngueki
melok abe binega ébe basubana wigne abui kouass akui
minkuègne.
|
2 Ce sont surtout les techniques d'alâme
chez les hommes et melok chez les femmes qui produisent souvent
beaucoup de poissons au point de remplir parfois des paniers.
|
Au-delà de l'autoconsommation, la vente des
ressources est souvent faite pour résoudre certains besoins financiers.
En revenant sur le rapport aux techniques, nous devons retenir qu'il y a des
techniques de pêche qui prélèvent du poisson en grande
quantité et permettent de ce fait des ventes, c'est le cas de
l'alâme et melok.
Ce sont des techniques de pêche
prelévants de grandes quantités de poissons en une seule prise.
Les autres techniques selon le même interlocuteur, permettent aussi de
vendre du poisson mais demandent plus de temps de travail et de patience pour
amasser du poisson en grande quantité.
Les revenus issus de la vente sont destinés
entre autres à la satisfaction certains besoins notamment : l'achat
du pétrole, lampe ou groupe électrogène, renforcement du
matériel de pêche, s'offrir suffisamment du vin, des cartouches,
des cigarettes, etc. Pour certains pêcheurs, cet argent peut servir pour
la scolarité des enfants ou des tontines20(*).
Au sens de Sophie Goedefroit (2001), nous sommes en
présence d'une culture de la dépense des gains obtenus
après vente où il est question d'un investissement dans le
social et à court terme. Ces dépenses déterminent donc une
économie familiale d'autoconsommation. Le cas le plus pratique est
celui de la dépense dans la consommation du vin et de la cigarette.
Le poisson est vendu frais soit sur commandes pour
certains pêcheurs, soit de manière ambulante surtout pour les
jeunes. Certaines femmes le vendent en bouillon dans les petits
bar-restaurants. On peut avoir des paquets de poissons allant de 1000cfa et
plus. Quant au prix de la commande, il varie en fonction de la quantité
de poissons commandée.
Photographie 21 : Paquet de poissons proposé
à 1500fcfa à Akame-si.
Cette photographie nous présente en avant
plan un paquet de poissons frais proposé à 1000fcfa. Dans ce
paquet de poissons, on voit des brochets et ablettes tous fraichement
prélevées en plaine journée. Ces poissons ont
étés capturés à base de la technique de la
pêche à la ligne (ofâh). La notion d'échange
dans ce cas se traduit par la vente de ces poissons pour avoir en retour de
l'argent. Nous faisons donc la même lecture avec la photographie
ci-après.
Photographie 22 : Paquet de poissons
proposé à 2000fcfa à Akame-si en 2014 (cliché Ondo
Obame Cédric)
Il s'agit sur cette image d'un paquet de poissons
vendu à 2000fcfa. Il faut dire qu ces paquets de poissons sont vendus
de manière ambulante. Ces photos avaient été prises
après une partie de pêche à la ligne (ofâh)
dont on avait pris part au village akame-si. On peut voir que les prix des
paquets de poissons varient en fonction de la quantité du poisson
contenue dans le paquet.
En observant attentivement, le premier paquet
contient moins de poissons que le second, d'où la différence des
prix. De plus, il y a aussi le type de poisson proposé à la
vente. Sur ces photographies, il s'agit des brochets (Hepsus Odoe) et
des ablettes (Alestes macroptalmus). Pour le cas des silures et
silures chat (Parachenoglanis) par exemple, les paquets sont souvent
un peu plus chères que ce soit fumés ou frais. Meye M'engouang
rapporte à ce propos que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Minyôp mi y'omôs mia
dang ki mindzuk ane émi miy'alû. Ede omôs abang ya be
m'vagha ébe badang bili. Biachia adzo-ne kua bibas d'abili omôs.
|
1 La pêche de la journée n'a pas trop de
complication comme celle de la nuit. La journée, ce sont les brochets et
ablettes qui se font capturer. Il faut dire que tous les poissons à
écailles se prennent la journée.
|
2 Kuas bikop dabili alû. Ede kuass
bikop dassili ne oyop alû. Edalé metang
massang-la.
|
2 Les poissons à peau lisse se pêchent la
nuit. Voilà pourquoi les prix de vente ne sont pas les mêmes.
|
La vente du poisson prend en compte le type de
poisson capturé, la périodicité de l'utilisation des
techniques, même l'ensemble des difficultés ou dangers
rencontrés pendant la pêche. Les prix sont fixés par
rapport à ces critères.
Pour revenir à la fonction économique
de la pêche et ses techniques, nous retenons que ladite pratique repose
sur la production des ressources, leur autoconsommation et enfin leur
distribution. En dehors de ces aspects économiques, les tecchniques de
pêche nous révèlent d'autres fonctions endogènes.
C'est ainsi que nous abordons les pratiques religieuses.
III-2 Du religieux dans la pratique de la
pêche
Les techniques de pêche relèvent aussi
des pratiques religieuses. Il s'agit ainsi de la fonction économique que
nous abordons sous trois dimensions à savoir : le fétiche,
la prière et l'interdit. Ces dimensions prennent doublement en compte
les techniques de pêche et les pêcheurs. Cela amène à
faire ressortir une fois de plus le lien entre la technique de pêche, le
pêcheur et le contexte religieux.
Dans notre orientation, il est question de voir
comment le pratiquant de la pêche associe le fétiche, la
prière et l'interdit à la pêche. En d'autres termes, nous
nous intéressons aux rapports du religieux aux techniques de pêche
par l'entremise des dimensions évoquées.
III-2.1 Le ``fétiche'' ou le
médicament
Certains pêcheurs associent le fétiche
à leurs parties de pêche. Ce fétiche participe au
prélèvement des ressources. On peut même dire que chez ces
pêcheurs, le fétiche demeure au centre de la pratique car il
protège le pêcheur tout en lui assurant des prises
intéressantes. Dans ce sens, Claude Meillassoux (1974) parle des
chasseurs qui possèdent le ``médicament'' lorsqu'il étudie
les Gouro de Côte d'Ivoire. Pour lui, ce ``médicament'' leur
permet de découvrir et d'atteindre le gibier.
En un mot, le fétiche que nous appelons aussi
médicament cumule les fonctions de protecteur et de producteur. Celui
qui le possède lui consacre prières et sacrifices. Mais à
la base, tout est déterminé par le lien qui existe entre le
détenteur du fétiche et le fétiche en question. A ce
propos Engouang Emmanuel dit que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Abui bot éne nâ dâyop
ya mebiang. Benâ mebiang meté mebûn, bayelane âmoh
atéria ya amaneyâ n'yopâne. Mebiang makale bôh ya ve
bene wign abui koass.
|
1 Il y a des pêcheurs qui pêchent avec des
fétiches. Ils ont foi en leurs fétiches. Ils les prient avant et
après une partie de pêche. L'objectif est d'être
protéger et faire une bonne pêche.
|
2 Bot bevoh besing bayop ya mebi. Éba
bevôh bebele mekenâ, minkôh ya minkip. Éba bevôh
bakeghe bikila bignù. Éde, mébiang mene abô mevala
abui...
|
2 Certains pêchent avec leurs propres selles,
d'autres ont des bagues, colliers ou talismans. D'autres encore sacrifient un
membre de leur corps. Il y a donc plusieurs sortes de fétiches.
|
Cet extrait d'entretien nous apprend que le
fétiche est une source de protection du pêcheur et de production
de ressources. Richard Price (1964 : 84-113) mensionne dans son
étude associant magie et pêche en Martinique
que : « Le recourt à la magie permet au
pêcheur de surmonter son impuissance à assurer le succès de
sa tâche (...). Le recours à la magie ravive l'espoir et accorde
de la faveur au pêcheur dans sa pratique. Il faut dire que le
fétiche dont nous faison état n'est pas qu'un objet
matériel. Il peut aussi s'agir d'une pratique magique ou alors d'une
entité spirituelle comme le souligne cet auteur.
Comme l'a signalé notre interlocuteur, il
y a plusieurs sortes de fétiches qui sont utilisés. Dans
l'évolution de notre travail, nous verrons que, c'est chez ce type de
pêcheur qu'on rencontre des interdits spécifiques en dehors de
ceux qui sont généraux, c'est-à-dire qui peuvent
être communs à tout pratiquant de la pêche. En outre, nous
allons aussi voir que le pêcheur peut être lui-même son
propre fétiche ou encore son propre ``médicament'' dans sa
production des ressources aquicoles. Dans ce cas, nous allons parler de
« l'homme-fétiche ».
III-2.1.1
``L'homme-fétiche''
Le pêcheur peut constituer lui-même son
propre fétiche. Il s'agit d'une catégorie de pêcheur dont
le fétiche repose soit sur le sacrifice d'une partie de son corps, soit
dans l'aptitude mystique à ``concevoir'' lui-même du poisson au
sens d'Aleksandre Cimpric (2011 : 873-892).
Selon les interlocuteurs, ce sont surtout les femmes
qui avaient cette aptitude à concevoir du poisson avec la technique de
fiss. Par le passée, il arrivait qu'une femme se rende à
ses fiss pour pêcher et quand la pêche n'était pas
fructueuse, elle concevait mystiquement du poisson (silures) et le
repêchait ensuite. Nous sommes là en présence de la logique
du corps-fétiche ou de l'animal dans le corps car, il n'y a qu'un animal
pour produire un autre animal. Assengone Florence21(*) raconte à ce propos
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Binenga besing bembe nâh ngue
akégne mefiss meigne kagha awign embe koass éyongté
assîî koass adandang ngôl. Ve mâme meté makang
mamane.
|
2 Il y avait des femmes qui, lorsqu'elles se rendaient
dans leurs fiss pour pêcher, s'il n'y a pas assez de poissons
à capturer, elles pouvaient concevoir du poisson surtout les silures.
Cependant, ces choses sont entrain de disparaitre de nos jours.
|
Ce récit nous met en phase avec la logique
de ``l'animal dans le corps'' humain. En d'autres termes, l'animal renvoie au
poisson qui est généré alors que le corps renvoie
à lindividu, au pêcheur. Le pêcheur est alors capable
à travers son corps de produire du poisson. Quand bien même, ce
poisson qui est conçu est destiné à l'autoconsommation. La
femme qui utilisait ce type de pratique, le faisait pour le bien de la famille,
pour nourrir la famille. Assengone Florence ajoute
que : « Lorsque les hommes le faisaient, c'était
également pour nourrir la famille mais, ils en vendaient aussi.
C'étaient des pratiques fétichistes
traduisant l'univers sorcier dans la pêche. Aleksandre Cimpric
(2011 : 873-892) parle de la « métamorphose du
pêcheur ». Dans son étude sur les représentations
relatives à l'eau, il parle des pêcheurs qui se transforment en
``talimbi'' (caïmans) dans les cours d'eau pour capturer du
poisson en Centrafrique. Là encore, nous sommes dans le même
univers sorcier car, ce n'est pas n'importe quel individu qui peut avoir ce
type d'aptitude, il faut des prédispositions sorcellaires notamment
l' « Evus 22(*)». Il s'agit en effet d'un organe symbolique,
receptacle du pouvoir sorcellaire en l'homme. Mais chaque individu
possède l'Evus et pas obligatoirement des aptitudes sorcellaires.
Cet aspect passéiste montre combien de fois
la pêche connaît d'un point de vue diachronique des pratiques
religieuses ou sorcellaires intégrées par les populations dans
l'objectif d'exploiter la nature et de s'exploiter eux-mêmes.
Lorsqu'on abordera la dimension de l'interdit,
nous allons voir que les personnes qui pêchent avec des fétiches
ne consomment pas elles-mêmes les poissons capturés. Elles
préfèrent soit les donner à manger à la famille ou
de les vendre. Nous verrons quelques conséquences de ces pratiques
fétichistes.
III-2.2 La dimension de la prière
La prière est souvent un agencement de
paroles adressée à une entité spirituelle ou mystique.
Elle peut être une formule orale sacrée, ritualisée ou
encore une formule spontanée et profane. Elle reste dans cette fonction
religieuse un élément incontournable et relève du domaine
de la parole. Marcel Jousse (1978) évoque ainsi l'expression de :
« Manducation de la parole », une parole symbolique et qui
est porteur de sens. La prière est une compétence
langagière qui émane de cette parole symbolique, elle est
même la parole symbolique.
Quelque soit la technique de pêche
pratiquée et quelque soit la vertu religieuse du pêcheur, la
prière reste présente. Qu'il possède un fétiche ou
non, le pêcheur fait une prière avant et après sa partie de
pêche. En principe, elle est ce moyen par lequel le praticien de la
pêche se recommande à son ``Dieu''ou son ``médicament'' tel
que nous venons de le voir. En retour, ces derniers lui accordent protection et
lui assurent une bonne partie de pêche.
Au canton Ntem 1, les populations sont de la
religion catholique ou protestante. Ceci fait que les personnes qui ne se
reconnaissent pas dans l'usage du fétiche, associent à leur
pêche des prières adressées au dieu chrétien. Quant
aux pêcheurs ``fétichistes'', les prières sont
également adressées à ``dieu'' mais par
l'intermédiaire du fétiche qu'ils possèdent. Il faut
même dire qu'ils croient plus au fétiche qu'ils ne croient en
Dieu. Alors la prière occupe les mêmes fonctions que le
fétiche. Dans ce sens, Ella Mvola Théophile nous dit
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Wayem nâ dzam asse éne ya
avale mbot âne. mbot ésing âne ayeghelane à zama
ngueki dzôme éfe éyong aze abôh
minyop.
|
1 Tu sais, tout dépend des aspirations de tout un
chacun. Quelqu'un peut prier Dieu ou quelque chose d'autre lorsqu'il va faire
de la pêche.
|
2 Vedâ maméne mayeghelâne
fôhve zama amuna égne abalema éyong make minyop yaâ
avema é kouass meve ze dzeng.
|
2 Quant à moi, mes prières ne sont
adressées qu'à Dieu seul car c'est lui qui me protège et
me donne le poisson que je viens chercher.
|
3 Ebot bebele bivus ébe babôh
abui mâme ya abele abuing biki minyop.
|
3 Ce sont ceux-là qui ont l'Evus qui font beaucoup
de pratiques et qui ont plusieurs interdits dans la pêche.
|
La prière a une place importante dans la
pratique dans l'exercice des techniques de pêche. Mais, c'est surtout au
``Dieu tout puissant'' selon nos interlocuteurs judéo-chrétiens,
à qui celle-ci est très souvent adressée. Cependant,
Assengone Nkoulou Florence rappelle que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Melu mvus, abe nâ, éyong
bakomâme misôme ngueki mellok, befam bake ayeghelâne melane,
ngîî, andécolgu.
|
1 Par le passée, lorsqu'on préparait de
grandes parties de chasse ou de pêche, les hommes allaient prier le
melâne23(*), le ngiil24(*) ou l'andécolgu25(*).
|
2 Binenga bâ bake yeghelâne
meburru. Assesse té ne mbiadzam atâ bôbane, ne bewuing abui
kouass.
|
2 Quant aux femmes, elles allaient prier le
meburu26(*).
C'était dans le but de les protéger des dangers et de leur
assurer de bonnes quantités de poissons.
|
Cet extrait d'entretien rappelle non seulement la
place de la prière dans la pratique de la pêche mais surtout, les
croyances des populations par rapport leurs divinités. D'où le
rapport des hommes avec le monde invisible pourvoyeur de protection et de
production des ressources. La prière rassemble ainsi un ensemble de
termes ou de phrases intermédiaires, coordonnés et s'adressant
à une entité supérieur (divinité). A partir de
là, nous relevons une sorte de «manducation de la
parole » au sens de Marcel Jousse (1978 :395-597). La
prière se fait avec des mots précis. Il s'agit d'une manipulation
de la parole. On comprend que celui qui prie sait ce qu'il dit et ne dit que ce
qui a du sens.
Nous présentons un extrait de prière
adressé au dieu chrétien et reccueilli chez Zé
Evariste :
Extrait de prière en fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 A târe zame mayelânawâ
nâ au wulu yama abe minyôp makevami. Târe zame, édzame
ézing éne abé étama abobâne. Wâ
étame wulu yama. Mimbiabemâme beye afanété ya
ochîngne bayiène ake oyap.
|
1 Dieu le père je te prie pour me recommander
à toi tout au long de ma partie de pêche. Seigneur, ne permet
à rien de mal ne m'arrive. Toi seul conduis moi. Qu'aucune mauvaise
chose de la forêt ni des rivières et fleuves ne m'approche.
|
2 Târe zama, mevezumadzeng.
Vôleyema ne ma wîng kuas mayi ne me yâlâ mvông
bot dzam, yafe ne me kuane oyome abime.
|
2 Seigneur, je suis venu chercher de quoi me nourrir et
vendre aussi. Aides-moi à capturer du poisson en abondance.
|
3 Târe zama, mavewa akiba akâle
édissâ ya môane ya nsîsîm santé
amen.
|
3 Seigneur je te remercie au nom du père et du
fils et du saint esprit amen.
|
Cette prière est une recommandation du
pêcheur au dieu chrétien. En retour, il accorde protection et
production abondante du poisson. Ce qui est aussi intéressant dans cette
prière est la façon dont sont articulés les mots et
phrases. A cela s'ajoute la ``foi'' qu le pêcheur a envers son dieu ou
son médicament au point d'être rassuré qu'il aura ce qu'il
veut. On relève d`une part la compassion du dieu chrétien en
aidant le pêcheur et d'autre part, il peut s'agir de l'efficacité
du contrat du pêcheur et son médicament.
Marcel Jousse mensionne que la bouche est
à la fois instrument de parole et instrument de manducation. On comprend
par cette manducation de la parole, cette véritable compétence
langagière mise en oeuvre pour atteindre un objectif qui n'est rien
d'autre que la protection et la production des ressources. En un mot, la
prière est le rapport si non le langage qui sert de communion avec les
entités invisibles ou les déités. C'est aussi à ce
niveau, un élément de la performance des techniques de
pêche.
III-2.3 La question des interdits
Dans le traitement du religieux dans la pratique des
techniques de pêche, l'interdit a également attiré notre
attention. La question de l'interdit a été abordée par
nombre de chercheurs notamment Georgin Mbeng Ndemezo (2011 : 37). Pour
lui, la chasse a des interdits. Ces interdits : « Ne sont
pas qu'alimentaire, ils peuvent avoir un rapport avec un lieu précis,
avec une activité précise dans l'optique de gérer la
faune, la flore et même les hommes (...). L'interdit est alors une sorte
de codification du comportement des chasseurs, il leur est exigé une
manière d'être face aux animaux que regorge la
forêt ». Il ressort que l'interdit est une norme culturelle et
symbolique établie par l'homme à fin de se gérer et de
gérer ses ressources. A cela Bernard Juillerat (2004 : 43-44)
ajoute que : « L'interdit renvoie à une soumission
au pouvoir divin ». Ce divin englobe dans ce cas, l'ensemble des
entités invisibles (mystiques, spirituelles voire sorcellaires)
impliquées dans la question des ressources naturelles halieutiques.
Dans ce même sens, notre orientation porte sur
les interdits spécifiques aux pêcheurs dans l'exercice des
techniques de pêche, aux consommateurs des ressources halieutiques et aux
cours d'eau qui abritent ces parties de pêche au sein du canton.
Autrement dit, Nous nous intéressons d'une part aux interdits propres
au pêcheur dans l'usage de ses techniques de pêche et dans sa
consommation des ressources pêchées. D'autre part, il s'agit des
interdits d'une catégorie de consommateur (femmes enceintes et enfant)
et les interdits généraux dans la pratique de la pêche.
III-2.3.1 Les interdits du
pêcheur
Nous avons relevés des interdits chez le
pêcheur. Mais, nous avons compris que le pêcheur se donne souvent
à lui-même des interdits. Nous parlons surtout des pêcheurs
qui utilisent des ``fétiches'' ou ``médicaments''. Cela revient
à dire que les pêcheurs qui ne possèdent pas de
fétiche ou ``médicament'' n'ont pas d'interdits propres en dehors
des interdits généraux.
Aussi, ces interdits varient en fonction des
pêcheurs si non en fonction de leurs fétiches. Cependant, il y a
un interdit qui est souvent commun à tout pêcheur exerçant
avec des fétiches.
Selon le pêcheur-chasseur Nkouna Obiang
Fabrice : « Cet interdit dit que le pêcheur qui capture
son poisson avec des médicaments ne le consomme pas lui-même, il
préfère le vendre, le donner à manger à la famille
ou le partager. S'il venait à consommer ce poisson, il trahit son
fétiche car, il se mange lui-même surtout s'il a sacrifié
un membre de son corps. En conséquence, il risque de traverser un moment
de carrence dans ses parties de pêche. Il peut tomber gravement malade,
être paralysé ou mourir. »
Tel que rapporter, cet interdit met en garde ceux qui
pêchent avec des fétiches (feuilles, écorses, formules
magiques, sorcellerie, etc.) quelque soit la technique employée. Le
pêcheur a donc le choix de pêcher avec le fétiche ou
naturellement. Il connaît les conséquences de sa pratqiue. Cet
interdit définit clairement son fonctionnement, ses avantages et surtout
ses inconvénients. Mais ceux qui pêchent naturellement ne
connaîssent que des interdits de base portant sur les rapports
sexuels et les femmes en manstruation qui en effet souillent les parties de
pêche.
Il existe aussi des interdits portant sur les
aliments et sur les cours d'eau. Il s'agit des aliments à ne pas
consommer lorsqu'on se rend à une sortie de pêche et des
comportements à éviter pendant une partie de pêche. A ce
propos, Ntsame Micheline27(*) nous fait comprendre que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Eyong biake melok mewulu awok nâ
bâdzikî ébieme bine azek, misabô kawgn dzome.
|
1 Lorsque nous participions à des parties de
pêche, on nous interdisait de consommer des aliments sucrés au
risque de ne rien capturer.
|
2 Bewulu fe adzonâ bita avuègne
megnô ochi été amunâ d'aduru
abông.
|
2 Aussi, on nous interdisait d'uriner dans le cours
d'eau, cela attirerait des malchances.
|
L'interdit gère l'Homme. Interdire de
consommer tel ou tel aliment avant d'aller pêcher quelque soit la
technique utilisée au risque de ne rien capturer, revient à dire
que le respect de l'interdit participe aussi à la performance de la
pratique. Mais, il s'agit en fait d'une performance qui intègre en
même temps la logique d'une gestion parcimonieuse des ressources. C'est
aussi un raisonnement que notre interlocuteur Ella Mvola Théophile
tient avec la technique de pêche alâme dont il est
expert.
Pour lui, cette technique est encadrée par des
interdits alimentaires. Lorsqu'on va visiter l'alâme, il ne faut
pas consommer les aliments tels que : le concombre, le chocolat..., au
risque de ne rien capturer. Il faut plutôt consommer le safou ou
atanga (Burseraceae), arachide (Arachis hypogaea), etc. Il
s'agit pour cette technique d'autres interdits qui favorisent la bonne capture
des ressources.
On peut donc comprendre qu'au-delà des
interdits généraux communs à toute technique de
pêche, certaines techniques de pêche relèvent des interdits
propres que le pêcheur doit respecter. Nous proposons donc dans un
tableau un récapitulatif des interdits spécifiques au
pêcheur.
Tableau 13 : Quelques interdits du
pêcheur et leurs conséquences
Les interdits du
pêcheur
|
Les conséquences
|
Interdits alimentaires
|
1- Consommer concombre, chocolat et aliments sucrés
avant la pêche.
|
Ces aliments nuisent et défavorisent la pêche.
|
Interdits aquatiques (cours d'eau)
|
3- Uriner ou déféquer dans le cours d'eau
|
Cela perturbe les génies et souille l'eau.
|
Interdits des outils et techniques de
pêche
|
4- Mélange d'outils et techniques de pêche
entre hommes et femmes
|
Malchance et nonchalance
|
Interdits de base
|
5- Rapports sexuels avant une partie de pêche
|
Malchance, lourdeur, nonchalance et souillure.
|
6- Aux femmes en menstruation participer à une
partie de pêche
|
Ø
Autres interdits...
|
7- Consommer son propre poisson capturé à base
de fétiche ou de médicament
|
Risque de maladie, d'accident ou de mort.
|
Ce tableau regroupe certains interdits du
pêcheur. Nous les avons catégorisés en cinq aspects telque
le montre ce tableau. Ces interdits ont chacun des conséquences. Il
s'agit des logiques normatives qui conditionnent le pêcheur dans sa
pratique de la pêche. En d'autres termes, la réalisation d'une
partie de pêche favorable résulte du respect de ces interdits.
Les fétiches contribuent également aux
parties de pêche fructueuses. Mais, ceux qui les utilisent sont surtout
mis en garde quant à la consommation des ressources.
Le tableau ci-dessus montre que l'interdit a toujours
été présent dans l'activité de la pêche. Sa
fonction a toujours été de gérer l'homme et son milieu de
vie. Toutefois, même le consommateur du poisson relève des
interdits.
III-2.3.2 Les interdits du consommateur
Les poissons capturés avec l'aide des
fétiches sont interdits de consommation aux femmes enceintes et aux
enfants. Chez les pové par exemple, Paulin Kialo (2004 :174)
explique que : « Les femmes enceintes ne mangent pas les
têtes des poissons capturés à base de plantes itchytoxiques
(pêche à la nivrée) ». Le cas contraire
entrainerait une malformation du bébé.
Cette catégorie d'individus est très
vulnérable. La consommation de ce type d'aliments causerait certaines
pathologies (malformation du bébé ou réactions
cutanées chez l'enfant, ...). Selon les interlocuteurs, il y a des
signes pour reconnaître ce type de poisson pris à base de
fétiche.
Meye M'enguang Willy et Abessolo Vivien28(*) affirment à ce sujet
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Ekouass beve wigne ya mebiang d'adzimi
kî. D'adziène abuègne ya fe nâ ébele kî
dekh agnù ane ékouass beve ayem awigne. Avele kouass-té
babere de minkôt.
|
2 Le poisson qu'on a pêché avec des
fétiches ne s'ignore pas. Il pourri vite et il n'a pas de goût
comme un poisson capturé normalement. Souvent, on fume ce poisson avant
de le consommer.
|
Un poisson ``mal capturé'' pourri rapidement
une fois qu'il est sorti de l'eau. De plus, il est ``sans goût''. Ce
constat est donc le même avec le poisson capturé à base de
plante itchytoxique nommée en fang ndâwola-ntangane.
Ainsi, l'interdit se montre réellement comme un mode de gestion des
hommes et des milieux.
Tableau 14 : Quelques interdits du
consommateur
Les interdits du consommateur
|
Les conséquences
|
1- Consommer le poisson capturé à base des
médicaments ou plante toxique chez la femme enceinte
|
Risque de malformation ou perte du bébé
|
2- Consommer le poisson capturé à base de
fétiche ou de plante toxique chez le nourrisson
|
Risque d'une réaction cutanée du nourrisson
|
3- Continuer à consommer l'espèce de poisson
qui a servie de soins thérapeutiques pour guérrir une maladie
dont on souffrait.
|
Risque de rompre la guérison et de tomber malade à
nouveau
|
Ce tableau présente trois interdits
destinés au consommateur de la ressource aquatique. On voit que la femme
enceinte et le nourrisson ou l'enfant doivent respecter une certaine
hygiène alimentaire pour éviter certains dangers. De plus, il
faut dire que l'interdit concerne non seulement le pêcheur mais aussi le
consommateur. Dans ce cadre, nous sommes toujours dans la gestion symbolique et
parcimonieuse de l'homme et le ressources halieutiques. Les cas pové et
fang ntumu sont donc concrets et truduisent enssemble des similarités
culturelles.
Après les pratiques religieuses, nous passons
maintenat à la notion du foncier dans l'usage des techniques de
pêche.
III-3 Techniques de pêche et enjeux foncier
Martin Alihanga (1998 : 123-136)
nous fait comprendre que le patrimoine foncier est toujours communautaire. En
d'autres termes, il montre comment les formes traditionnelles de gestion des
écosystèmes pensées par les communautés sont en
relations avec le domaine foncier. Une pratique sociale est donc en
étroit rapport avec le foncier. En observant la pratique des techniques
de pêche, nous avons relevé des enjeux fonciers.
Nous lisons le foncier à travers la question
de propriété quant à certaines portions des
rivières du canton. En clair, cette notion de propriété
se traduit surtout par les techniques de pêche de l'abri du poisson
(fiss) que nous avons vu chez les femmes et l'étang de poissons
(étam kuass) chez les hommes.
Naturellement, un cours d'eau appartient à
l'ensemble de la communauté villageoise, mais les fiss qui y
sont aménagés appartiennent à des individus (femmes). Si
une femme aménage une portion de plan d'eau dans une rivière,
cette portion prend dès cet instant la dénomination de
fiss. Le fiss devient sa propriété. Le
propriétaire fait ainsi valoir ses droits en toute accasion de
pêche. On peut dire que l'enjeu foncier vise des formes d'appropriation
et de contrôle des espaces halieutiques par des individus, familles,
clans, etc.
III-3.1 La technique de fiss ou
étôk et le principe de propriété
aquatique
Le foncier de l'eau nous amène au rapport entre
la technique de pêche dénommée fiss et la notion
de propriété. Comme nous venons de le dire, la technique de
fiss consiste à choisir dans un cours d'eau donné, un
endroit stratégique afin d'y aménager un un lieu qui sera en
même temps un abri et un piège pour les poissons. Cet abri va
attirer le poisson, le conserver vivant puis le faire capturer au moment venu.
Le fiss se réalise avec des morceaux de bois pourris
appelés en fang (bibâne). Nous illustrons cette
technique à travers la photographie ci-après.
Photographie 23: Un « fiss ou
étôk » appartenant à une femme sur la
rivière melôh à Eboro-Ntem en 2015 (cliché
Ondo Obame Cédric)
Comme nous pouvons l'observer à tarvers ce
cercle, le fiss est un espace aménagé dans une portion
de rivière. Il est réalisé avec des morceaux de bois
pourri et des feuilles mortes. Sous ces morceaux de bois, les poissons viennent
s'abriter et y demeurer. Il s'agit d'une technique qui constitue un
habitât propice pour les poissons. C'est souvent en saison sèche
qu'il est conseillé de pêcher dans les fiss à
cause de la sècheresse des cours d'eaux. Le fiss appartient
à la femme qui l'a aménagé. Mme Zang Nguema
Géneviève29(*) précise que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Eyong waze abok fiss,
watéré adéghé ane ochigne obo. Wadzeng ovome one
abô mbeng ne mendzim mallote.
|
1 Lorsque vous aménagez un fiss, il faut d'abord
regarder le positionnement du cours d'eau. il faut rechercher un endroit bien
situé où le courant d'eau est moyen.
|
2 Éyong-té wassoum adzeng
bibaâne wakuane biôh ovum wabôh fiss. Égne kouass
tatôbô bibâne assi. Ovum wabôk fiss, fiss-té
éne andjuè.
|
2 Ensuite, il faut rechercher des morceaux de bois
pourris pour les rassembler à l'endroit où vous aménagez
le fiss. Le poisson s'abritera sous ses bois. Un fiss réalisé
devient votre propriété.
|
3 Walllok dôh avale wayi. Minenga
assesse ayem mefiss meigne ya éma ébot
bevôh.
|
3 Vous l'exploitez à votre gré et chaque
femme reconnaît ses fiss.
|
Le fiss est une propriété
aquatique dans le cadre du foncier de l'eau. Il se réalise que dans un
cours d'eau approprié. Pour pêcher dans un fiss qui ne
vous appartient pas, on demande à son propriétaire. D'où
l'enjeu foncier. Ce récit rappelle que : « Chaque femme
reconnait ses fiss et ceux des autres femmes ». Mais, nous
tenons à préciser que si nous parlons de la technique du
fiss comme image parfaite de l'enjeu foncier, ce n'est pas pour dire
que les autres techniques ne peuvent pas aussi traduire une appropriation
foncière. La technique de l'allame et d'autres encore peuvent
le traduire. Le fiss se révèle alors comme un terroir de
pêche individuelle.
Marie Christine Cornier Salem (2004:57-81)
définit le terroir comme : « Une circonscription
dont les limites ne sont pas matérialisées par des bornes mais
néanmoins reconnues par tous et transmises dans les mémoires
collectives ». Le fiss est une sorte de mode juridique de
gestion des ressources halieutique dont un individu, une famille ou un clan
peut être propriétaire.
De même, Gallais (1967 : 234) cité
par le même auteur dit que le terroir foncier
est : « L'ensemble des surfaces sur lesquelles, à
titre individuel, familial ou lignager, les membres du groupe disposent d'un
droit opposable au moins dans certaines circonstances, à son utilisateur
extérieur au village ou à la communauté ». Le
propriétaire d'un fiss a ses droits. Un fiss
appartient aussi aux membres de la famille si le propriétaire n'est plus
là.
Quand une partie de pêche est effectuée
dans un fiss en l'absence du propriétaire de ce fiss,
il est obligatoirement demandé de lui reserver sa part du poisson. Quand
il est présent, c'est lui qui partage le poisson issu de son
fiss aux autres membres pêcheurs.
III-3.2 Le droit de ``part du
propriétaire''
En réalité, il faut rappeler que la
technique de fiss est un véritable mode juridique de gestion
des terroirs halieutiques. Elle est une norme coutumière et ancestrale
qui, en s'appliquant à la pêche féminine, participe
à la gestion parcimonieuse des ressources naturelles. En
général, l'essentiel de la pêche féminine repose sur
cette technique du fiss. Autrement dit, lorsque les femmes vont
pratiquer la pêche, c'est toujours dans leurs fiss. On peut
comprendre que l'enjeu foncier s'applique surtout à la pêche
féminine.
Si une femme pêche dans le fiss d'une
autre femme, elle a l'obligation d'informer la propriétaire mais
également de lui remettre une part du butain. Dans le cas contraire,
l'acte serra considéré de vole et cela peut engendrer des
conflits entre ces individus. Marc Auge (1970 :407-421) souligne cet
aspect de conflits dans son étude sur les pêcheurs à
Port-Bouêt. Il montre comment les maîtres de pêche
(propriétaires des terres de pêche et des ressources
capturées) ont souvent été en conflit avec leurs
employés pêcheurs. Ces conflits sont dûs à la
mauvaise rémunération. Nous retenons-là la dimension du
conflit dans la pratique de la pêche.
Toutefois, il peut arriver que la
propriétaire d'un fiss, du fait de son âge avancé,
autorise d'autres femmes à y pêcher. Du retour de la pêche,
le propriétaire ferra un partage du poisson rapporté tout en
retirant sa part.
Nous voyons alors que le fiss à
travers ses caractéristiques est semblables à une autre technique
de pêche toute aussi présente au canton Ntem 1. Il s'agit de la
technique étame kuass (étang de poissons). Ces
techniques de pêche relèvent le foncier et offrent des droits
à leurs propriétaires.
Voici ci-après une photo d'un étang de
poissons.
Photographie 24 : vue d'un ensemble
d'étang de poissons à Bitam en 2015 (cliché Ondo Obame
Cédric)
Tout comme le fiss chez les femmes,
l'étang de poissons exprime l'enjeu foncier chez les hommes. Nous avons
pris cet exemple pour mieux illustrer l'exploitation du fiss.
L'étang de poisson obéit au même principe. L'étang
est toujours la propriété d'une personne. Présentes dans
l'ensemble du département, ces deux techniques sont régies par
les mêmes principes à savoir : la notion de
``propriété'' et la qustion de la ``part du
propriétaire''. En un mot ces techniques renvoient à la notion de
« domaines aquatiques » telles que soulignée par
Zang Nguema Généviève dans un de ces récits. On
peut même dire que l'étang est la forme modernisée de la
technique de fiss.
III-4 La pêche :
une pratique socialisante
Un cadre qui socialise inculque à un individu
des valeurs, des manières de faire, de sentir et d'agir propres à
un groupe. La technique de pêche s'acquiert par l'éducation ou par
l'initiation. En parlant d'initiation, Bonaventure Mve Ondo (1991 : 6)
dit que : « L'initiation intègre le processus de
socialisation ». Il s'agit d'une initiation qui conduit l'individu
à s'imprégner d'un fait, d'une connaissance au sein d'un groupe.
Les techniques de pêche sont une pratique culturelle qui constitue un
véritable cadre socialisant.
En principe, chaque technique de pêche
requiert des connaissances qui lui sont propres. Ces connaissances
amènent l'individu non seulement à maitriser telle ou telle
technique, mais aussi à être en phase avec l'environnement
aquatique. L'objectif est de lire les rapports populations aux techniques de
pêche en tenant compte du processus de socialisation.
Stéphanie Nkoghe (2011 : 8)
définit la socialisation comme un: « Processus
d'intégration de l'individu à son environnement ». Nous
rappelons ainsi que l'environnement dont nous parlons est celui aquatique
où l'individu est socialisé sur la base du rapport aux techniques
de pêche et aux cours d'eau.
C'est en général le principe
d'apprentissage (observation, imitation) des techniques de pêche
accompagné de la langue fang qui est au centre de cette socialisation.
III-4.1 La formation de l'Homme à travers
l'apprentissage des techniques de pêche
Le processus de socialisation aux techniques de
pêche tel que nous l'avons annoncé repose en gros sur
l'apprentissage. Cet apprentissage participe à la formation du
villageois ntemois. Comme nous le savons déjà, à
côté de la pêche, il y a l'agriculture, la chasse qui pour
leur part offrent aussi des cadres de socialisation en milieu rural. Ces
activités socialisent l'individu et la pêche que nous
étudions en est un exemple.
Il y a un enseignement à recevoir lorsqu'on
apprend à pêcher par exemple. Il faut connaître comment
utiliser une technique de pêche. Il faut connaître entre
autres :
Quels outils correspondent avec telle ou telle
technique ? ;
Quand faut-il pratiquer telle technique ? ;
Quels sont les avantages et inconvénients de
telle technique ?
Dans sa thèse doctorale portant sur la
forêt, Paulin Kialo (2005 : 148-149) retient
que : « La socialisation de la forêt ne passe que par
l'apprentissage des individus sur les éléments de cette
forêt ». C'est une logique tout à fait similaire avec la
pêche et ses techniques. Mais, il n'y a pas que la maîtrise des
techniques de pêche comme seul objectif de cette socialisation. Il s'agit
aussi de rendre un homme capable d'affronter les dangers de la nature dans le
but de se nourrir.
La pêche amène l'homme à dompter
la nature, à la posséder au point de la mettre à son
service. Le villageois utilise son environnement aquatique pour vivre. Tout
ceci passe par une éducation, une socialisation que le groupe lui offre
à travers la pêche et ses techniques. Nkoghe Milama
Georges30(*) confirme
d'ailleurs que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Ayop ane ngum ayeghle. Ngue mbot akumu
ayéghé ane bayop éyong-té bayéghé
gne. Ayiène ake ya ébot bayem ayop ane biè.
Akadéghé avale wabôh.
|
1 La pêche, c'est une éducation. Si
quelqu'un veut apprendre à pêcher, on le lui enseigne. Ce dernier
doit toujours accompagner ceux qui savent pêcher comme moi par exemple.
Il doit observer comment on fait
|
2 Ayôp ane ayeghle. Eyong-fe wake ochigne
ne wake ayop, wayiène abôh zong amuna ochigne obele mbia be
biem.
|
2 . La pêche est une éducation. Lorsque tu
te rends à un cours d'eau pour pêcher, tu dois aussi être
courageux car l'eau a beaucoup de dangers.
|
Notre interlocuteur rappelle que la pratique de la
pêche requiert du courage. On doit être courageux lorsqu'on va ou
participe à une partie de pêche. Le courage tout comme la force
est de ce fait une qualité, une valeur qui amène l'individu
à affronter le danger naturel (serpent, scorpion, épine, etc.) et
l'effort physique.
En outre, c'est en accompagnant les
détenteurs des savoir-faire qu'on apprend à bien pêcher,
qu'on acquiert les connaissances relatives à la pratique de la
pêche. On se rend compte que dans la pratique des techniques de
pêche la socialisation ne passe que par l'apprentissage et
l'initiation.
Par ailleurs, la fonction socialisante des techniques
de pêche nous amène à nous intéresser à la
dimension du chant chez les femmes. Les paroles chantées par les femmes
en situatiation de pêche avec la technique melok socialisent
aussi.
III-4.2 Une socialisation par le chant : la
notion de solidarité
Lors des parties de pêche féminines
notamment avec la technique de melok, des chants sont souvent
chantés au rythme de l'effort fourni lors de l'écopage des eaux.
De même, les travaux champêtres notamment le
débroussaillage, l'abattage, le sarclage et les récoltes sont
des moments qui amènent souvent à entonner des chants de
circonstances. Ainsi, les populations ntemoises cultivent la notion du chant
depuis toujours.
Le chant est une parole prononcée et
rythmée pour créer une ambiance de courage et de motivation. Cela
nous ramène la manducation de la parole de Marcel Jousse (1978). Nous
comprenons que ce qui socialise ce sont les paroles chantées. Le rapport
est alors celui de la technique et du chant. Il s'agit de l'apport du chant
dans la pratique des techniques de pêche.
Cette socialisation est un facteur
d'intégration d'individus. Elle vise la solidarité du groupe. Il
faut dire que par le passée, il y avait des chants spécifiques
à ces moments d'effervescences collectives. Aujourd'hui, n'importe quel
chant peut être entonné. Anne Ekoto précise
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Transcription en français
|
1 Biwulu ayiè bièh
éyong biallok mefiss mâh. Eyong mendzime mene abuigne étok,
biayiè bièh na bitagha atek ngueki ayene esseign
ndzuk.
|
1 On chante souvent quand on pêche dans nos
fiss. Lorsqu'il y a beaucoup d'eau à vider, on chante pour ne
pas se fatiguer ou se décourager.
|
2 Bièh biave biè
ngù
|
2 Les chants nous donnent de la force et du courage.
|
Les chants donnent de la force et du courage. Ils
participent à la performance des techniques. Il faut comprendre qu'il y
a des chants avec des mots qui vivifient les individus. On se rend compte que
le chant qui intègre la littérature orale éduque.
Nous présentons dans un tableau un extrait
de chant propre à la pêche féminine melok que nous
a chantée Anne Ekoto.
Tableau 15 : Paroles d'un chant souvent
entonné lors des parties de pêche melok chez les
femmes.
Chant en fang
|
Transcription en français
|
- Lôyô, lôyô, lôyô
amuî étoké
|
- vide, vide, vide mon ami de pêche.
|
- Lôyô avô mayeke adzalé
lôyô
|
- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.
|
-Lôyô, lôyô, lôyô
amuî étôké
|
- vide, vide, vide mon ami de pêche.
|
-Lôyô avô maye ke adzalé
lôyô
|
- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.
|
-Mbura ngôl nkùn, béghelé,
amuî étoké
|
-que le gros silure dans le panier, mon ami de pêche.
|
-lôyô avô maye ke adzalé
lôyô...
|
- vide-vite, je veux rentrer au village, vide- vite...
|
Chant reccueuilli chez Anne Ekoto (2014)
Ce chant est un dialogue entre deux personnes.
Pour certains, il s'agit d'une belle-mère et sa bru. Pour d'autres par
contre, il s'agit de deux amies qui sont en situation de pêche dans un
fiss. L'une demande à l'autre de vider rapidement l'eau qui est
dans le fiss afin de rentrer au village. Pendant ce temps, cette
dernière est chargée du ramassage du poisson.
Il y ressort les critères du temps, de la
motivation, du courage et aussi de la ruse. Mais toutes ces paroles sont
combinées et chantées dans l'objectif de motiver le pêcheur
et de dominer toutes contraintes corporelles (fatigue, paresse, etc.) au cours
d'une partie de pêche.
Nous parlons-là de la puissance de la parole,
la manducation de la parole, mieux encore, de la socialisation par la parole.
De nos jours, la technique (melok) continue
à être pratiqué avec des chants de motivation.
Photographie 25 : Une partie de pêche
féminine à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Obame
Georges)
L'image que nous observons montre des femmes en
situation de pêche à travers l'utilusation de la technique
(melok). Il s'agit d'une technique collective. La digue qui est en
construction par ces femmes ne peut être construite par une seule
personne. Il faut plusieurs individus. De plus, le vidage des eaux, le
transport des outils, la prise des poissons dans la portion d'eau choisie sont
des tâches difficiles, il faut pour cela des hommes, des femmes voire des
enfants pour ce faire. Mais, tout ceci est rythmé de chants et
d'ambiance. D'où la notion de solidarité.
Melok reste la technique qui
réunit encore plusieurs personnes lors d'une partie de pêche. Les
interlocuteurs nous précisent que c'est une technique qui ne se pratique
pas individuelllement. Il faut toujours plusiers personnes. Ce qui motive le
plus c'est lorsque les chants sont repris collectivement surtout quand on
affronte l'effort du vidage des eaux.
Par ailleurs, un autre aspect intègre cette
fonction socialisante des techniques de pêche. Il s'agit des ``poissons
thérapeutiques''.
III-4.3 Les poissons
thérapeutiques
La connaissance des poissons
thérapeutiques constitue un aspect socialisant dans la pêche et
ses techniques. Souvent, les pêcheurs on des commandes sur certains
poissons ou autres crustacés qui serviraient à guérir
certaines maladies. Si cet aspect nous a intéressé c'est pour
montrer que les poissons capturés n'ont pas pour seul objectif la
consommation ou la vente. Ils servent aussi à autre chose : soigner
certaines pathologies. Il est de ce fait important de le savoir.
Les ngangas31(*) utilisent de certaines espèces halieutiques
pour réaliser des protections, des solutions dans le but de soigner. En
parlant de l' ``animal thérapeutique'', Georgin Mbeng Ndemezo
(2011 : 39) rapporte que : « L'animal a une grande
importance dans les soins de santé qui sont offertes aux populations. En
effet, le nganga dans ses traitements fera usage non seulement des essences
végétales mais aussi des parties d'animaux pour confectionner ses
médicaments ». Nous complètons cette observation avec
Eric de Rosny (1992 : 97) à travers le cas de la chèvre dans
le traitement contre l'EKONG en société camerounaise. Il
relève qu'après le rituel de l'immolation de l'animal (...),
« La chèvre est dépecée et grillée. Elle
est ensuite découpée en petits morceaux qu'on fait manger aux
non-souffrants de l'EKONG à fin de les en préserver
... ».
Il faut alors comprendre qu'en parlant d'animal
thérapeutique, nous retrouvons aussi le cas de certains poissons tels
que : les silures, le poisson-courant ou poisssons à
écailles qui sont souvent mélangés à des feuilles
pour participer à certains soins en fonction de la maladie.
Le fait socialisant se trouve alors dans la
connaissance de ces espèces aquatiques qui soignent quelque soit la
technique qui a amené à leur prélèvement. Nous
présentons alors ci-dessous une liste de quelques espèces
halieutiques souvent utilisées dans les soins de certaines maladies.
Tableau 16 : Quelques poissons
thérapeutiques au canton Ntem 1.
Nom de la maladie en fang et en
français
|
Les poissons thérapeutiques
|
Manifestations de la maladie
|
- 1 Ndaghaba :
(frontanelle)
|
-1 Silure (ngôh)
|
- 1 pour soigner la frontanelle du
bébé
|
- 2 avuneya-cara :
|
- 2 Crabe (cara)
|
- 2 pour guérir le nourrisson qui
fait des selles ou qui se comporte comme le crabe.
|
- 3 megnôgho :
(urine chronique)
|
-3 Patte de crevette (nwass)
|
- 3 utilisé pour soigner l'urine
chronique chez l'enfant.
|
- 4 nkokome :
(stérilité)
|
-4 Crevette enceinte (nwass)
|
- 4 utilisé pour les soins de
stérilité chez la femme.
|
- 5 abâne biang :
(protection)
|
- 5 Silure (ngôl)
|
- 5 employé pour confectionner des
protections après un suivi thérapeutique.
|
- 6 nbubum :
(femme enceinte)
|
-6 Silure chat (mvong)
|
- 6 participe aux soins de dos pour la femme
enceinte
|
- 7 mvuss :
(mal de dos)
|
- 7 Silure chat
(mvong)
|
- 7 employé pour les soins du mal de
dos.
|
- 8 bigneng : (Les ampoules)
|
-8 Poissons à écailles (kouass
bibass)
|
-8 employés pour guérir les
ampoules corporelles.
|
- 9 nbubum : (femme enceinte)
|
-9 Crevette enceinte
(nwass)
|
- 9 employée pour soigner les femmes
enceintes d'une grossesse doulereuse.
|
Dans ce tableau, nous avons les espèces
aquatiques qui participent aux soins médicaux. Il s'agit des
espèces suivantes: le silure (ngôh), le crabe
(kara), la crevette (m'wass), la famille des silures chat
(kuass messome) et enfin les poissons à écailles
(kuass bibass). Ces quelques espèces halieutiques sont
souvent associées à des feuilles et écorces. Elles sont
utilisées dans la confection des remèdes. Mais, d'autres poissons
sont aussi souvent utilisés à la demande du guérisseur.
Pour clore ce chapitre, la question de
savoir : Quelles sont les fonctions liées aux techniques de
pêche au canton Ntem 1 a été notre principal fil
conducteur. Ce chapitre nous a amené à comprendre que les
techniques de pêche ont des fonctions culturelles. Elles sont
économiques, religieuses, foncières et sociales. De plus, elles
sont présentes dans l'imaginaire commun des praticiens de la
pêche. Ces fonctions intègrent d'une part les rapports des
populations aux techniques utilisées pour pêcher et les rapports
entre les populations et les ressources halieutiques d'autre part.
La fonction que remplit une technique de
pêche permet en même temps l'identification de cette technique de
pêche. L'effervescence des populations dans l'utilisation techniques au
canton Ntem1 a permise de comprendre que la pêche implique des pratiques
l'économiques, le religieuses, le foncières et socialisantes.
Notre régularité sur le terrain nous a amené à
retenir ces fonctions liées aux techniques de pêche.
Nous pouvons comprendre de ce chapitre que les
techniques de pêche fonctionnent avec des constructions symboliques. La
fonction (akeleya en fang ntumu) permet de saisir un
phénomène, une pratique culturelle à partir du rôle
que joue chacun des éléments constitutifs de ce
phénomène ou la pratique culturelle en question. Nous avons ainsi
jugé utile de faire d'abord état ces fonctions culturelles dans
leur rapport à la pratique de la pêche à travers les
techniques, avant d'en venir aux représentations proprement dites qui
soutendent ces techniques de pêche dans le canton Ntem 1.
CHAPITRE IV : LES
TECHNIQUES DE PECHE : REPRESENTATIONS ET IMAGINAIRES SYMBOLIQUES
Ce chapitre aborde les représentations et
imaginaires qui soutendent la pêche et ses techniques au canton Ntem 1.
Tout comme avec les fonctions que nous venons de voir, les
représentations et imaginaires sont des abstractions, des logiques
structurales qui donnent sens à un phénomène ou à
une pratique donnée. Maurice Godelier (2007 : 51)
dévéloppe qu' : « Une société
agit sur son environnement en fonction des systèmes de
représentations que cette dernière se fait de cet
environnement ». Autrement dit, la représentation influe sur
l'homme lui-même, elle lui impose un type de comportement dans son milieu
de vie. Elle permet à l'homme de saisir la logique soujacente d'une
pratique culturelle.
Maurice Godelier définit l'``imaginaire''
comme des idées, des pensées, symboles ou représentations
se rapportant à un phénomène social au sein d'une
société. De l'époque précoloniale à nos
jours, la pêche n'a jamais été une pratique rentière
au sens capitaliste du terme en milieu rural fang. Le type de technique
employé par les populations et l'ensemble des connaissances (interdits,
jachère, saisons, croyances, etc.) qui accompagnent la pêche sont
un imaginaire construit. Cet imaginaire est ce qui explique toute pratique. Il
les précède et les institue.
Ce chapitre va nous ainsi conduire à
l'analyse de l'imaginaire de l'eau dans le cadre de la pêche. En effet,
l'eau cumule les fonctions de : nourricière, purificatrice,
constructrice guérisseuse, abitat des ressources et entités
aquatiques, etc. Il s'agit du pouvoir symbolique de l'eau comme pourvoyeuse de
vie. Dans ce même cadre, nous analyserons les notions de pêche de
subsistance, de pêche parcimonieuse et de pêche durable au canton
Ntem1. Pour finir, nous allons faire un apperçu des Codes de pêche
du Gabon et la FAO (organisation des fonds alimentaires) afin d'analyser leurs
contenus et relever leurs insuffisances dans le cadre des techniques de
pêche.
IV-1 La pêche dans l'imaginaire de
l'eau
Georgina Assengone (2011 : 6) note que :
« Le peuple fang pense que l'eau n'est pas un simple outil, mais elle
est un objet sacré qui fait partie non seulement de leur patrimoine mais
aussi de leur existence ». L'eau est un élément vital
aux usages symboliques et permet la pratique des techniques de pêche.
Ainsi, les représentations qui entourent les techniques de pêche
chez les Fang du Ntem sont également à rechercher dans
l'imaginaire de l'eau au sein de ladite société.
L'eau participe aux rapports entre les villageois
et la nature environnante. Nous ne pouvons donc pas dissocier l'eau de la
pratique de la pêche. On note que, rechercher les représentations
qui encadrent les techniques de pêche nous amène à visiter
les imaginaires de l'eau. Autrement dit, la pêche fait partie des
imaginaires de l'eau. D'un point de vue empirique, il faut dire que l'eau
revêt généralement une représentation
``utilitariste'' dans l'ensemble du canton Ntem 1. Autant elle participe au
bien-être des populations villageoises et prend dans ce cas une dimension
économique, autant elle est pourvoyeuse de vie ou de mort et revêt
alors une dimension symbolique. Georgina Assengone complète à ce
propos que : « L'eau est source de vie empirique et
symbolique ».
IV-1.1 Les Usages de l'eau à Ntem
1
Les usages de l'eau mettent surtout en relief la
façon dont les populations abordent les cours d'eau ou encore, la
façon dont elles mettent l'eau à leur service. En dehors de la
pêche, l'eau est aussi utile pour d'autres besoins. A ce propos Meye
M'enguang Willy dit que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Achigne bibele eva d'avôlô
bièh abuigne. Eyong mendzim meye apôm mene nkighane nguki mvine,
biake ntem.
|
1 Les cours d'eau que nous avons ici nous aident
beaucoup. Lorsque l'eau de pompe est coupée, on va à Ntem. On se
lave, on y fait lessive et vaisselle.
|
2 Bia wobo, biake sop biem. Eyong ane
mendzim bagnu biake étam. Egne binenga badu fe mimbông à
buane bachigne.
3 Achigne énefe-na bot bezing baffak
minseleye. Mewulu fe awok nâ bot bezing bake ntem ngueki a Kye ngueki
à mvézé ne bake bôh mebiang.
|
2 Pour l'eau à boire, on se rend au puit ou
à la source. Ces sources permettent aussi femmes de tremper leur
manioc.
|
3 Les cours d'eau sont exploités par certaines
personnes pour l'exploitation du sable. J'ai souvent entendu dire que des
personnes vont sur le Ntem, le Kye, Mvézé ou d'autres cours d'eau
du canton pour y effectuer des rituels.
|
De cet extrait d'entretien, nous comprenons que
l'eau revêt simultanément une dimension économique et
symbolique. Ces deux dimensions constituent ses principales
caractérisques au sein du canton. Les populations abordent les cours
d'eau pour un bain, faire la lessive, la vaisselle, roussage du manioc, boire,
exploiter du sable, effectuer des rituels, etc. Il s'agit là de l'usage
social, économique et symbolique de cet élément naturel.
Photographie 26 : Des villageois sur le rivage du
ntem (débarcadaire de certains pêcheurs) àEboro-Ntem en
2015 (Cliché Ondo Obame Cédric)
En associant l'ensemble des imaginaires de l'eau
à la pratique de la pêche en particulier, cela nous amène
à réaliser le pouvoir et la puissance de l'eau. Comme nous
l'avons noté en introduction, l'eau cumule des fonctions de purificateur
ou guérisseur (rituels) ; nourricière (consommation des
poissons etc.) ; fournisseur de matériaux de construction (sable et
eau...) ; hygiène (vaisselle, lessive et baignade) ; etc.
L'eau est encadrée d'un imaginaire pluriel associant le visible et
l'invisible au sens d'Alain Boussougou (2012 :43-68).
Dans sa thèse portant sur le rapport des
populations à la forêt Alain Boussougou dit
que : « La forêt est une source plurielle
d'éléments utiles à l'homme ». Pour lui, la
forêt prend une dimension utilitariste et devient pourvoyeuse
d'éléments vitaux (éléments matériels et
spirituels) à l'homme. Il reprend que : « La
forêt répond tant physiquement que spirituellement aux besoins de
l'homme ». Quant à l'eau, elle revet également cette
même logique utilitariste.
Nous retenons que dans la pratique de la
pêche, quelque soit la technique employée, c'est l'eau qui est au
centre car à travers la pêche et ses techniques. Elle prend
particulièrement une dimension de nourricière et devient
pourvoyeuse de ressources. Mais il faut reconnaître que dans le cadre de
ce travail, l'eau est soutendu de représentations économiques vu
ses usages les plus récurrents (sable, lessive, vaisselle, boire,
pêche, roussage du manioc, etc.). Il s'agit alors d'une sorte
d' « anthropologie de l'eau » où cette
matière liquide reste à part entière un objet
d'étude.
IV-1.2 Eau : ``pourvoyeuse de vie et de
mort''
Nous sommes parvenu à comprendre qu'en tant
que milieu de vie de ressources aquatiques dont l'homme a besoin afin de se
nourrir et vivre, l'eau se présente symboliquement comme ``pourvoyeur de
vie'' dans l'imaginaire collectif de la pêche. C'est le lieu où,
par le biais des techniques de pêche, l'homme se ravitaille en poissons.
On comprend que sans cours d'eau, il n'y a pas de pêche.
Un pêcheur doit savoir être en communion
avec l'eau (cours d'eau). Le type d'eau ou les caractéristiques d'un
cours d'eau orientent le pêcheur à faire usage d'une quelconque
technique pour accéder aux poissons. L'eau montre dans ce cadre un grand
pouvoir quant à ses connaissances inhérentes. Ella Mvola
Théophile dit d'ailleurs que :
Récit en langue fang ntumu
|
Transcription en français
|
1 N'yôp kouss assesse ayiène ayem
ochigne. Amouna achigne essesse esseki avaledâ. Ochigne obele abui biem.
|
1 Tout pêcheur doit maîtriser les cours
d'eau et leurs caractéristiques. Parce que, tous les cours d'eau ne sont
pas pareils. Un cours d'eau contient beaucoup de choses.
|
2 Ane bo kuass, minsissime, ngueki be
mamiwata. Ochigne one ngura dza. Anefe otôh a dza-vâ... avale
wakuane mendzim mayéné éde wayem avale kuass
wéyôp ochi-té.
|
2 Il peut s'agir du poisson, les esprits ou les
sirènes. Un cours d'eau est comme un village. La couleur de l'eau d'une
rivière révèle déjà le type d'essences
halieutiques en présence.
3 Mais, il peut arriver qu'un pêcheur meurt par
noyade. Cela arrive souvent quand on ne sait pas nager. Où encore si on
a été attaqué mystiquement ou si le pêcheur a
pratiqué de la sorcellerie pendant sa pêche.
|
3 Ve éwulu-fe akuina mbot aveke
yôp éyong-té awu ochigne. Ewula abo éyong wayeme-ki
adzôk, ngueki-nâ mbot avezu wa akeane ochigne, ngueki-na mbot ave
kui à mbôh ochigne.
|
Rossantanga-Rignault (2008) cité par
Célestin Wagoum (2013 : 214) fait savoir
qu' : « Il n'y aurait pas dans l'eau uniquement des
poissons ou crocodiles mais aussi des choses situées au-delà de
ce qui est visible ». En clair, l'eau est le siège du visible
et de l'invisible, elle abrite la vie naturelle et surnaturelle. A ce titre,
l'eau nourrit en ressources aquicoles et elle est aussi une sorte de lien entre
les hommes et le monde des esprits. Elle va plus loin que le simple cadre de la
pêche et ses techniques car, procure aussi une vie invisible.
Il faut rappeler que cette capacité
à pouvoir se procurer de la vie et même de la mort ne date pas
d'aujourd'hui. Tout individu peut trouver la mort dans l'eau. Dans sa
conversation avec ``Ogotemmêli'' en société Dogon du Mali,
Marcel Griaule (1966 : 26) rapporte que : « C'est de
l'eau que la terre reçut la vie ». Il note par ailleurs que
: « La force vitale de la terre est l'eau. Dieu périe la
terre avec de l'eau. De même, il fait le sang avec de l'eau
(...) ». En un mot, l'eau incarne la vie et cela contextualise avec
la pêche où l'eau permet la procuration du poisson.
En outre, Edgard Morin (1970) cité
également par Célestin wagoum (213 : 214) dit
que : « La puissance de l'eau est comme un élément
de renaissance de vie et est incomparable dans la magie, les mythes et les
religions ». L'eau précède la pêche et ses
techniques tout comme elle précède le monde entier. L'eau est
sacrée quelque soit son usage (le cas de la pêche par exemple).
C'est le symbole et la source de la vie.
Au sortir de l'imaginaire de l'eau, l'accent est mis
sur ses usages et son pouvoir symbolique de procuration de vie et de mort.
Voici donc une des performances cognitives qui encadrent les techniques de
pêche car, si l'eau donne la vie, cela revient à dire que les
techniques de pêche procurent également la vie en permettant
l'accès à ces ressources aquicoles.
IV-2 Une pêche de subsistance et
parcimonieuse
Les techniques de pêche sont des performances
cognitives et sont encadrées de représentations et d'imaginaires.
A partir de là, on peut saisir les rapports des populations aux
techniques de pêche. Quelque soit la technique utilisée, on peut
toujours souligner l'idée de subsistance au sens de Claude Meillassoux
(1974). Nous allons voir que cette subsistance est traduite de fait par le
travail physique et manufacturé de l'homme avec des techniques et outils
immédiates, rudimentaires. Quant à la parcimonie, elle concerne
surtout la gestion responsable des ressources halieutiques. L'aspect
rudimentaire des techniques et outils de pêche, leur
périodicité et fonctions symboliques laissent entrevoir la
parcimonie des ressources naturelles. Il faut dire que la parcimonie se
caractérise surtout par la jachère des eaux.
En outre, ces idées de subsistance et de
parcimonie nous conduisent à une autre réalité latetente
des techniques de pêche à savoir : la durabilité des
ressources. Nous comprendrons qu'il s'agit des raisons qui expliquent la survie
des savoir-faire traditionnels au fil des époques. Cette
durabilité englobe non seulement les ressources naturelles mais aussi
les techniques et outils sollicités par les populations.
IV-2.1 Une pêche de subsistance
La subsistance est la caractéristique
fondamentale des savoir-faire au canton Ntem 1. Elle englobe l'ensemble des
pratiques sociales. Les techniques de pêche, de chasse et agricoles sont
de ce fait populaires. Leurs outils et matériaux sont rassemblés
sans grands investissements pour l'accès à la ressource
naturelle. Dans le deuxième chapitre de ce travail, nous avons
montré qu'il s'agit d'une pêche traditionnelle qui connaît
aussi des outils modernes dans l'utilisation des techniques. Mais, ces outils
modernes n'influent pas sur cette idée de subsistance, elles ne
nécessitent pas de grands investissements et contribuent plutôt
à la survie des techniques. On voit donc que la subsistance en tant que
représentation demeure.
L'accès aux ressources naturelles (poissons,
gibier, végétaux) est déterminé par des
savoir-faire rudimentaires. Ces ressources sont généralement
destinées à la consommation des populations. Travaillant chez les
Gouro de Côte d'Ivoire, Claude Meillassoux (1974) fait une observation
similaire. Il affirme que la subsistance fait appel à
l' : « Utilisation des techniques immédiates et
l'emploi de l'énergie humaine comme principale source
d'énergie ». Autrement dit, la subsistance se traduit par
l'usage des techniques à petite échelle pour accéder
immédiatement aux ressources à portées de main. L'auteur
relève aussi l'usage de l'énergie humaine. La subsistance ne
connait pas de machines mécaniques, elle se base sur l'exécution
des techniques par l'homme lui-même. Dans le cadre des techniques de
pêche en milieu rural, nous ne nous éloignons pas de cette
lecture.
Si ce n'est que l'apport de quelques outils
améliorés ou renforcés par la modernité
(hameçon, crin, filet moderne, fil assiettes etc.), les techniques de
pêche ne dépendent d'aucun autre apport exogène. Ce sont
avant tout des productions locales du patrimoine technologique. Par le
passé, l'objectif était de trouver un moyen qui permette
rapidement le prélèvement de la ressource. Cela est toujours
resté en vigueur même avec certains outils améliorés
de nos jours. Nous retrouvons cette également cette idée de
subsistance même dans le mythe d'Odzamboga que nous avons
déjà évoqué.
Ce mythe soutient que les femmes vidaient tout
simplement l'eau et attrapaient les poissons contenue dans les terroirs de
pêche (fiss). On se rend compte qu'aucun investissement n'est
lourd en technique comme en outil venant de ce mythe. De plus, on voit bien que
l'énergie humaine en oeuvre est bien celle des femmes. Ce mythe explique
la subsistance comme l'une des réalités soujacentes de la
technique de pêche melok. Nous comprenons ainsi le mythe comme
un système explicatif.
L'idée de subsistance présente les
techniques de pêche comme ne demandant généralement que peu
d'opérations. Dans ce sens, Zé Evariste32(*) nous dit
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Edzam éne, édzam-asse mbot a
bôh éne ésseigne. Abôh miyop, ngueki mellok,
ésseigne éne. Edzam mayem éne-nâ biadang-ki adzimili
abui mônô akale biem meyop.
|
1 Ce qui est vrai, tout ce que l'homme fait est
pénible. Qu'il s'agisse de pêche masculine (minyôp)
ou de pêche féminine (melok), il y a toujours du travail.
Ce que je sais, pour la pêche, nous ne dépensons pas grand-chose.
|
2 Wakus ve messong mellôp, ya mvona
ngue crin, ngue mevuat. Ebiem bivôh-bi wadzeng-bioh
afan-été. Binenga ébe badzimili-ki dzome ézing.
Assesse ane-bôh ochigne éyong bake mellok.
|
2 Tu achètes juste des hameçons, du fil,
du crin ou des filets. Tout le reste du matériel se prend en brousse. Ce
sont surtout les femmes qui ne dépensent rien. Tous leur matériel
est sur place au lieu de pêche.
|
3 Wadzimili été fôveh
é ngù djuè.
|
2 Tout ce qu'on dépense c'est notre force.
|
En dehors de quelques outils et surtout la
nécessité de l'effort physique, le praticien de la pêche ne
dépense plus autre chose. Cet interlocuteur précise que la
plupart du matériel se reccueille en forêt, au lieu de la pratique
surtout pour les techniques féminines. C'est une pêche
traditionnelle à petite échelle et nenécessitant pas
d'investissements lourds.
D'un point de vue économique, Maurice
Godelier (1982) note que : « La subsistance se
caractérise par de faibles moyens techniques où l'absence de
surplus entraine une absence d'échange (monnaie ou
capital)... ». Cette affirmation relève quelques insuffisances
surtout sur la question d'échange. Nous pensons qu'il faut
redéfinir cette idée de subsistance. Les techniques de
pêche bien que rudimentaires, permettent souvent de grandes
quantités de poissons (melok, alame, etc.) au point
où il n'y a pas que de l'autoconsommation, mais aussi quelques ventes.
Or vendre traduit l'échange monnayé. Cela implique donc la notion
de surplus même dans la subsistance. C'est ainsi que nous parlons d'une
nouvelle forme de subsistance en milieu rural car, il n'est plus question d'une
subsistance au sens strict du terme. C'est une subsistance qui prend en compte
la vente des ressources au-delà de l'aspect rudimentaire des techniques
et l'usage de la force physique.
La subsistance est aussi traduite par les
systèmes de parenté. Dans ce cas, nous revenons avec les logiques
foncières traduites par la technique le fiss. Sachant qu'un
fiss a toujours un propriétaire membre d'une famille, d'un
lignage ou d'un clan. En l'absence de ce dernier, ses parents peuvent y
pêcher, le défendre afin de le préserver. Ces droits
traditionnels regroupent les questions de parenté qui, en retourt, nous
amènent à l'idée de subsistance.
Les techniques de pêche melok et
fiss nous mettent en phase avec à un système de
parenté caractérisé par la solidarité et la
cohésion du groupe. Selon Claude Meillassoux (1974) la subsistance est
la caractéristique majeure des sociétés dites
traditionnelles ou primitives et organisées selon un système de
parenté. La parenté occupe alors une place importante dans
l'idée symbolique de la subsistance.
Les techniques de pêche répondent
toutefois à une idée de parcimonie, il s'agit d'une pêche
parcimonieuse caractérisée par la jachère des eaux.
IV-2.2 La pêche parcimonieuse : la
question de la jachère des eaux
La parcimonie, dans le contexte qui nous
intéresse, signifie la gestion reffléchie des ressources. Etant
également soujacente aux techniques de pêche, elle est traduite
par l'utilisation responsable des ressources aquatiques. Autrement dit, les
techniques de pêche utilisées par les populations respectent
symboliquement à la base l'idée de parcimonie ou de gestion
minutieuse des ressources naturelles. Cette parcimonie fait ainsi doublement
appel aux rapports à la technique et à la ressource
sollicitée. John C. Kennedy (1981 : 87-96) ressort ce double aspect
en faisant en société Makkovik une analyse synchronique des
groupes Settlers et Inuits dans la pratique de la pêche. Au sortir de son
analyse, il comprend que pour gérer à long terme les ressources
aquatiques, les Settlers respectent la ressource qu'ils prélèvent
contrairement aux Inuits qui prefèrent mettre l'accent sur les
techniques de prélèvement.
Cet auteur nous présente deux groupes
traditionnels de pêcheurs qui ont sus établir des rapports avec
leurs techniques et avec leurs ressources naturelles aquatiques. Ces rapports
nous laissent donc entrevoir une une pêche parcimonieuse.
Nous pouvons dire que cette idée de
parcimonie précède les techniques de pêche, elle est
première et institue la pratique. La pêche et ses techniques est
cyclique et connaît la ``jachère des eaux'' surtout chez les
femmes. Il s'agit alors de laisser l'eau et les poissons se
régénérer dans un cours d'eau qui vient d'être
exploiter pendant une durée déterminée. Ce moment de
repos permettra de pêcher dans d'autres cours d'eau.
Très peu de techniques masculines respectent
cette notion de jachère mais sont plutôt dépendantes des
différentes saisons de pêche : saison sèche et saison
des pluies. La parcimonie consiste dans ces deux cas à prélever
minutieusement les ressources au rythme des saisons de pêche et de la
jachère des eaux. Ces logiques s'imposent à l'ensemble des
techniques de pêche.
IV-2.2.1 Jachère des eaux et les saisons de
pêche
La jachère consiste à mettre en
repos une ressource afin qu'elle se régénère, avant son
prochain usage. En d'autres termes, la jachère est une phase naturelle
et culturelle de la regénération de la ressource. Simon Diouf
cité par Abdoulaye Séné (2010) note que :
« La jachère est l'état de la mise en place de la
culture suivante ». Dans ce cas précis, il est question de la
gestion symbolique des ressources naturelles agricoles. La jachère des
sols y est très importante pour le sol. L'objectif est donc de
préparer le sol aux prochaines cultures agricoles après un moment
déterminé.
Dominique Defrance et al. (2007 : 2-3)
montrent que : « La jachère est outil de
régulation des productions des ressources naturelles». Elle
est donc d'une utilité environnementale. Pour eux, on peut mettre en
jachère l'eau, la biodiversité, les sols, la faune et la flore,
le paysage, etc. On comprend que le principe de jachère peut s'appliquer
aux pratiques culturelles comme aux écosystèmes naturels.
Dans le cas de la pêche, ce sont les femmes
en général qui pratiquent la jachère des eaux. C'est
souvent après qu'elle ait capturées tout le poisson disponible
d'un plan d'eau (à travers melok, fiss) qu'elles
mettent celui-ci en repos pour deux ou trois ans. Pendant ce temps de repos, le
lieu qui a été fouillé et vider de ses essences se
régénère. Chez les femmes, la jachère ne permet pas
la permanence de la pratique de la pêche dans un même plan d'eau,
mais plut^t l'idée d'alternance.
Nous notons aussi que la jachère ne prive
pas tout le cours d'eau, elle concerne surtout la portion ou les portions de
plan d'eau qui ont étés sollicités par les populations.
Elle traduit par-là l'idée de parcimonie (gestion minutieuse des
ressources). Dans ce sens, Nsourou Ondo Berthe affirme que :
Récit en langue fang ntumu
|
Transcription en français
|
1 Balok-kî eyong ésse
abông ochigne-dâ. Ochigne wafe wa wèghè. Biè
binenga biwula abona ngue bi allok abong chigne ézing mbouwi, mbou
wazou biaye allok éffe, nâ édi beve atéra allok
ébera amena abele kouass.
|
1 On ne pêche pas à tout moment dans un
même plan d'eau. Un cours d'eau aussi a des moments de repos. Nous, les
femmes, pêchons en variant les plans d'eau afin de leurs permettre
à chacun de se régénérer en ressources.
|
2 Eyong achigne éne abuigne
bemvâme-bâ bebeh bessangleya achigne mbou assesse akale
messimâne meté mevôh...
|
2 Lors qu'il y avait plusieurs cours d'eau, nos
ancêtres, pêchaient tout en les variant pour les mêmes
raisons que nous aujourd'hui.
|
La jachère régule la pratique de la
pêche et permet l'alternance des plans d'eau. Elle est symboliquement et
culturellement une traduction de l'idée de parcimonie. Comme nous
l'avons déjà souligné, le respect des saisons de
pêche et de la jachère sousentend un rôle symbolique de
gestion munitieuse de la ressource naturelle.
Toutes les techniques de pêche ne peuvent pas
se pratiquer en saison sèche encore moins en saison des pluies
(confère chapitre 2). De plus, certains poissons sont
spécifiques aux saisons ce qui fait que, c'est la saison qui va orienter
le pêcheur à faire usage de telle ou telle technique. On peut
comprendre que l'ensemble saisons de pêche permet aux techniques
d'effectuer le prélèvement d'une variété de
poissons. Cette norme naturelle permet de ne pas capturer une même
espèce à tout moment.
La logique parcimonieuse traduit toutefois une
sorte d'équilibre des espèces prélevées,
c'est-à-dire qu'il y a possibilité pour tout type de poisson de
se faire pêcher. On ne doit pas retenir ici l'idée d'une
pêche en toute saison favorisée par la variation de techniques,
mais plutôt l'idée soujacente d'un équilibre des
différents types de poissons pêchés spécifiquement
aux saisons de pêche. D'où un autre sens de l'idée d'une
pêche parcimonieuse. C'est donc une logique qui précède et
institue les techniques de pêche. Nkouna Obiang Fabrice dit à ce
sujet que :
Récit en langue fang ntumu
|
Transcription en français
|
1 Abô oyône, abô soughou,
éyong ésse ébele avale kouass-dègne d'assubane
abili minyop befam. Ngue befulane bivé ya mekuna, kouass éssesse
ye ochigne d'abili.
|
1 Que nous soyons en saison sèche ou en saison des
pluies, chacune de ces périodes a des types de poissons qui la
caractérisent dans la pêche des hommes.
|
2 Ngoura kouass ézing ossseki
ochigne-na wabili-ki...
|
2 Si on associe les périodes de raréfaction
et d'abondance d'eau, on verra que tout type de poisson est
prélevé. Il n'existait aucun poisson qu'aucune technique ne
puisse capturer.
|
A travers cet extrait d'entretien, on peut dire que
l'idée de parcimonie soutend le prélèvement de toute
espèce aquatiue. Dans les plans d'eau la pêche parcimonieuse nous
conduit à ce que nous appelons « la parcimonie des
espèces halieutiques ». Elle soutient qu'il n'y a pas qu'une
même espèce de poisson qui doit à chaque fois être
capturé, mais plutôt toutes les espèces de poissons en
présence dans un cours d'eau. Cela conduit implicitement à la
parcimonie des espèces halieutiques de manière à ne pas
épuiser une seule espèce.
En revenant sur les imaginaires de l'eau et sur les
logiques de subsistance et de parcimonie comme représentations à
la pêche et ses techniques, nous parvenons à une autre
représentation. Il s'agit de l'idée de durabilité de
ressources halieutiques.
IV-3 Techniques de pêche et durabilité des
ressources : aperçus des codes de pêche et de
l'aquaculture
La durabilité des ressources aquatiques est
convoquée par les techniques de pêche dont le système de
prélèvement, de consommation et d'échange des ressources
naturelles est essentiellement social. En d'autres termes, les pratiques
sociales qui amènent à prélever les essences naturelles,
à les autoconsommer et à les vendre sont aussi encadrées
par l'idée de durabilité.
Cela nous amène à retenir en effet
la présence d'une « pêche
responsable »33(*). Il s'agit d'une pratique qui prend en compte les les
savoirs et savoir-faire des communautés au fil des
générations. On entend donc un usage avec précaution des
techniques de pêche. Les ressources aquatiques sont ainsi
gérées pour la satisfaction besoins présents et à
venir. D'où la convocation des codes de pêche et de
l'aquaculture.
IV.3.2 L'idée de durabilité : une
représentation au centre des techniques de pêche et ressources
halieutiques
Nous saisissons l'idée de durabilité
sur deux niveaux d'analyse. Le premier niveau porte sur la durabilité
des techniques de pêche, alors que l'autre niveau est celui de la
durabilité des ressources aquicoles.
Dans cette démarche, nous évoquons
d'abord l'aspect durable des techniques de pêche au fil des
générations. En fait, ces techniques constituent le patrimoine
technologique des populations rurales dans les rapports aux cours d'eau. Sans
techniques de pêche, il n'y a pas de prélèvement du
poisson. Ces techniques ont sues se maintenir jusqu'aujourd'hui. Pour ce
faire, il a fallu l'intégration de certains outils modernes pour
renforcer les techniques et pour accroitre leur performance.
Ces techniques ont toujours servis à long
terme et sont alors une marque de l'idée de durabilité dans la
pratique de la pêche au canton Ntem 1. Ainsi, même les
générations à venir connaitront ces techniques de
pêche quelque soit la nature des outils permettant leurs prattiques. Sur
ce point, ce sont surtout les populations rurales villageoises qui sont
à encourager car, elles sont dépositaires de ces savoirs et
savoir-faire.
L'objectif est alors de faire connaitre la
pêche et ses techniques générations après
génération. En clair, l'idée de durabilité se
traduit ici dans la survie et la permanence des techniques d'un point de vue
diachronique. Donc, la durabilité ne se lit pas seulement que dans la
ressource (poissons, crustacée ou animaux marins) qui est
prélevée ou gérée, mais aussi dans les voies et
moyens (techniques) qui permettent le prélèvement de cette
ressource à long terme. Nkoghe Milama dit à ce propos
que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Zama égne angue alere benvama miyop.
Miyop miassoh okua. Égne-ki mia ze akelane abondi.
|
1 Dieu a donné à nos ancêtres la
connaissance de la pêche. Cette pêche provient de nos
ancêtres. Mais c'est de nos jours qu'elle se développe le plus.
Ce sont eux qui ont crées et commencer à pratiquer la
pêche.
|
2 Betsira ébe bengue soum ayop ane
n'yemane-té ongue-zou wakalane akui abondi. Biadzi-te dzam ézing.
n'yopane éwe wave-wa na obigne kouass.
|
2 Ce savoir a été tout simplement transmis
jusqu'aujourd'hui. Nous n'avons rien crées. Ce n'est qu'à travers
l'utilisation d'une technique de pêche que l'on peut accéder aux
poissons.
|
La pêche est une pratique, une connaissance
léguée aux hommes par Dieu et qui est ensuite
perpétuée à long terme par l'homme. Cependant, on peut se
rendre compte que dans leur diachronie, les techniques ont toujours
été régulées par des saisons, jachère,
interdits ou normes culturelles quant à l'accès aux ressources.
Or, ce n'est qu'à partir de cet instant que nous entrons dans la
durabilité des ressources aquatiques aquacoles.
Les ressources halieutiques bien que renouvelables,
sont restés en quantité suffisante dans les cours d'eau parce que
les villageois (ancêtres et contemporains) ont toujours pratiqués
une pêche de non accumulation quelque soit la technique employée.
Par ailleurs, poissons, crustacés ou animaux marins contribuent au
bien-être nutritionnel, économique et social des individus.
Mougangue Jean Bertrand34(*) nous relate à cet effet que :
« Chez les mitsogo par exemple, certains poissons déterminent
les totémiques de certains clans à l'instar du poisson
nommé motunghu qui est le totem du clan
Réhongo ».
Le rapport aux biotopes marins est certes
économique mais surtout sacré. Cela nous amène à
enregistrer des rapports totémiques entre les populations et les
essences aquatiques. C'est la prise en compte de ces réalités
culturelles par les populations rurales qui conduit ainsi à la
durabilité des ressources naturelles en général et
particulièrement dans le cadre de la pêche et ses techniques.
Au canton Ntem 1, nos observations nous ont
amené à réaliser que le ``poisson courant''
(Malepterurus beninensis) agneng (en fang ntumu) est
maintenant le plus connu de la contrée. Il est beaucoup sollicité
en soins thérapeutiques qu'en alimentation. La quasitotalité de
nos interlocuteurs nous a spécifiés qu'il ne le mange pas. De
plus, sa capture est très difficile à cause du courant
électrique qu'il génère lorsqu'il est encore vif. Les
villageois disent même que c'est l'un des poissons les plus redoutables
des cours d'eau du canton.
Ce que nous cherchons à démontrer
par cette illustration c'est que l'idée de durabilité dans la
pêche s'exprime du point de vue des rapports aux techniques et aux
espèces halieutiques. Un rapport durable a toujours été
présent entre les populations du Ntem1 et les ressources aquatiques.
Nous complétons ce contexte avec le code de conduite
de la pêche responsable 35(*) proposé par la FAO (Founds for Alimentation
Organisation) en 1995 à Rome et le « code gabonais des
pêches et de l'aquaculture »36(*) de la loi n°015 en 2005. Nous convoquons ces
codes par ce que nous nous sommes rendu compte qu'ils sont respectivement
basés sur la gestion durable des ressources halieutiques aux
échelles nationales et internationales.
Nous voulons donc les mettre en rapport avec
notre travail sur cette question en vigueur. Nous avons donc à ce niveau
une problématique corrélée. Il s'agit d'un
côté la représentation de la pratique des techniques de
pêche par une communnauté donnée, et de l'autre
côté une proposition polico-administrative. Nous montrons de ce
fait les rapports et les insuffisances de ces codes.
IV.3.3 Les codes portant sur la
gestion des ressources halieutiques : rapports et insuffisances avec le
contexte empirique de l'étude
Nous convoquons ces codes dans l'objectif
d'établir leur rapport avec l'imaginaire symbolique des populations du
canton sur la gestion durable des ressources aquatiques. Après les avoir
présentés, nous essayon ensuite de les revisiter en y relevant
quelques insuffisances.
3. 3.1 Le rapport entre
les codes et la pensée symbolique des populations
Le code de conduite pour une pêche
responsable37(*) qu'a
proposé la FAO (organisation des fonds alimentaires) le 30 Octobre 1995
à Rome soutient à la première page de son introduction
que : « La pêche, y compris l'aquaculture, apporte
une contribution fondamentale à l'alimentation, à l'emploi, au
loisir, au commerce et au bien être économique des populations du
monde entier, qu'il s'agisse des générations présentes ou
futures, et devrait par conséquent, être conduite de
manière responsable. Ce code a des principes internationales de
comportement pour garantir des pratiques responsables en vue d'assurer la
conservation, la gestion et le développement des ressources bio
aquatiques, dans le respect des écosystèmes et de la
biodiversité... ».
Nous pouvons retenir qu'au centre de ce code se
trouve la gestion durable ou responsable des ressources naturelles aquatiques
à travers le monde entier. Autrement dit, ce code reconnait certes que
les ressources aquatiques sont renouvelables en elles-mêmes, mais ne sont
pas infinies. De là, certains comportements et techniques sont à
proscrire ou à recadrer à l'échelle mondiale dans le cadre
de la pêche. Même-si le besoin nutritionnel, environnemental,
social et culturel est plus que présent par rapport aux
intérêts de tous ceux qui sont concernés par ce secteur, ce
code de conduite se présente comme un garant de la durabilité des
ressources aquatiques.
Quant au code gabonais des pêches et de
l'aquaculture de la loi n°015 publié en 2005, il porte
également sur la question de la gestion durable des ressources. Les
articles 2 et 9 du dit code stipulent respectivement à ce sujet
que : « Le présent code est l'ensemble des règles
applicables aux activités de la pêche et de l'aquaculture pour une
gestion durable des ressources halieutiques »38(*) et que :
« La gestion durable des ressources halieutiques doit intégrer
un programme de développement et d'exploitation rationnelle des
activités du secteur de la pêche et de
l'aquaculture »39(*). On comprend donc que la question de la
durabilité des ressources naturelles est très importante.
Nous sommes en présence d'un imaginaire
socioculturel du rapport rationnel à l'environnement car, le domaine
halieutique ou marin tout comme celui forestier, est de ce fait une
préoccupation qui actuellement est au centre des politiques
environnementales au Gabon et ailleurs. Cependant, l'accès à ces
ressources nécesite des techniques que les populations sollicitent au
ryrhme des saisons de pêche. C'est en effet le bon usage de la technique
et le respect de toutes autres connaissaces connexes à la pratique de la
pêche qui amène à La gestion durable des ressources que
prônent les codes. C'est une représentation qui a toujours
encadrée les pratiques sociales en milieu rural. Les techniques mises en
place pour ce faire sont donc dominées par cette vision sociale.
A travers des techniques de pêche
``rudimentaires'' amenant à une pêche parcimonieuse, nous
parvenons à une ``pêche responsable'' qui reste encore
présente aujourd'hui come par le passé. Selon nos
interlocuteurs, le canton Ntem1 en général était
déjà inscrit dans cette logique depuis les ancêtres. Cette
représentation culturelle entoure la pêche et ses techniques.
Autrement dit, la prise de conscience sur l'utilisation avec précaution
des patrimoines forestiers et aquacoles précède ces deux codes de
dix et vingt ans de formulation.
Nous reconnaissons l'exhaustivité de ces
codes. Du moins, quelques insuffisances sont à souligner.
3.3.2 Quelques insuffisances des
codes
Ces codes ne mentionnent dans aucun de leurs
multiples articles l'apport ou encore la place des logiques culturelles
(fonctions, croyances, interdits, rituels, foncier, normes coutumières,
etc.) que les populations mettent en oeuvre surtout en milieux ruraux pour
traduire à leurs manières la gestion durable des ressources
naturelles. Ils n'abordent pas de représentations ni des fonctions
symboliques de la pratique. Ils ne donnent que des principes
généraux connus. Ainsi, certaines ethnocultures ne se sentent pas
concerner par ces codes. D'autres encore ignorent même leur existance.
Ils préfèrent exercer la pratique de la pêche selon leurs
savoirs et savoir-faire endogènes.
Dans le cas du Gabon, un tel code doit
être revisité. Il doit normalement être formulé
après une longue démarche empirique de la pêche à
l'échelle du territoire tout entier. Les logiques culturelles de
populations locales doivent participer à ce genre d'initiative. Les
autorités étatiques doivent travailler en toute cordialité
avec les populations locales porteuses de ces connaissances endogènes.
Ella Mvola précise que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Biayeme na ngômane abele metsing meigne
awulu-mô. Ve bîne ôné, metsing meté makuigne
ki-va. Biayeme-ki meva. Biayop ya avale bitsira bengue lighe biè. Bia
yop amu bine ntumu, ya avale bengue ayéghé biè.
|
1 Nous savons que les autorités administratives
ont leurs lois. Mais ces lois n'arrivent jusqu'ici, nous ne les connaissons
même pas. Nous pêchons tels que nous l'ont enseignés nos
ancêtres. Nous pêchonen tant qu'ntumu ; tel qu'on nous l'a
montrés.
|
2 Biki ya émame messe mevôh
éme biawulu yamô éyong bia yop. Ngômane abeki
assô-vâ na âzu biè adzo anoso-anokâ abe dzame
miyop ngue melok. Biayop ya avale bia yeme.
|
2 Nous pêchons avec les interdits et les autres
connaissances culturelles. Une quelconque autorité n'est jamais venue
ici pour nous dire quoi que ce soit en rapport avec la pêche
féminine ou masculine. Nous pêchons avec nos connaissances
culturelles.
|
3 Eyong-ézing ébot bebele
bitam bikuas ébe batsiè ya ngomane...
|
3 Je pense plutôt que ce sont ceux qui ont des
étangs de poissons qui traitent avec ces autorités.
|
Cet extrait d'entretien nous rapporte une des
insuffisances des codes de pêches établis par les autorités
administratives. De fait, il en ressort que les populations locales
pêchent indépendament des lois ou codes de pêche. Elles
pêchent en se basant sur les logiques endogènes. Ceci confirme que
les codes sont des principes généraux et ne prennent pas en
compte les logiques populaires. Du moins, cet interlocuteur souligne que les
autorités des pêches sont plus en contact avec les pisciculteurs.
Mais nou retenons en général que le seul rapport en vigueur est
celui de l'idée de gestion durable des ressources halieutiques
au-delà de la non adéquation des codes et des logiques
symboliques villageoises.
Par ailleurs, les codes de pêche proscrivent
certaines techniques de pêche à cause de leur accumulation de
ressouces ou leur impact à l'écosystème marin. A ce
niveau, nous trouvons aussi une inadéquation. Nous relevons sous l'apui
de nos interlocuteurs que ces techniques sont pratiquées avec
dextérité à des endroits bien choisis dans les cours
d'eau. Les populations en ont bien conscience de ce type d'agissement. Il
s'agit surtout de la technique du (ndawola ntangane) qui est le nom
même de la plante itchytoxique qui sert à empoisonner une portion
d'eau choisie. Le poisson capturé de cette technique est souvent
fumé avant de le consommer, au risque de contracter dans
l'imédiat les représailles du poison.
Mais, c'est tout aussi une technique
réfléchi pratiquée par les femmes. Elles ne la pratiquent
que dans un cours d'eau qui coule, de manière à ce que le portion
de plan d'eau choisie se régénère en dissipant le poison
facilement. Nzang Nguema Généviève souligne à cet
effet que :
Récit en langue fang ntumu
|
Traduction en français
|
1 Bafuk ndawola ovume ochigne walote. Bafuk
kigne avume mendzime meteme. Amuna éyong mendzime malote, massigui ya
ndawola akuigne ane amane. Edzome assesse éné ovume ndawola ane
d'abili.
|
1 On pratique le ndawola à un endroit
où l'eau circule. On ne le pratique à un endroit où l'eau
est stagnée. Parce que lorsque l'eau circule, cela dissipe le poison
jsqu'à épuisement. Tout ce qui se trouve à l'endroit du
poison s'affaiblit.
|
2 Biyong bizing bewula ayek myokh okuigne ya
nkeigne éyonté bafuk ndawula. Eyong mendzime meté
massighi, kuass d'ake d'awu akui ane amane.
|
2 Parfois, on peut faire des barrages en amont et en
aval du cours d'eau et y pratiquer le ndawola. Mais quandd cette eau
coule en aval, le poisson et autres anamaux marins sont affaiblis et
capturés.
|
3 Anebo melu mela ngue ngura
sônô.
|
3 Le poison peut durer trois jours à une
semaine au plus.
|
Il s'agit ici des détailles que les lois des
codes doivent prendre en compte avant d'interdire une technique. Dans le cas
de la technique du ndawola, nous comprenons qu'une jachère est
obligatoire pour la zone du cours d'eau qui a reçue la poison de la
plante. Du coup, si on n'est pas de la même culture on pensera que la
technique est à proscrire, alors qu'il y a toute une manière de
faire qui accompagne son utilisation.
Nous pensons plutôt que, nous sommes
toujours en présence d'une culture qui connait le sens de la
durabilité des ressources et nous convenons d'avantage avec ce concept
de pêche responsable préconisé par la FAO. Certes la
question de la durabilité est d'actualité mais, nombres de
populations en avaient déjà conscience d'une manière ou
d'une autre. De ce fait, les représentations soujacentes aux techniques
de pêche devraient intégrer ces Codes de pêche et
d`aquaculture car, c'est par elles que la gestion à long terme des
ressources serait plus qu'évidente et possible.
Au terme de ce chapitre, nous retenons qu'il
était question des représentations c'est à dire des
constructions symboliques et mentales qui cernent la pratique de la pêche
via ses techniques. Les savoir-faire liés à la pêche sont
ainsi encadrés à long terme par les logiques culturelles à
savoir : l'imaginaire de l'eau, une pêche de subsistance, une
pêche parcimonieuse et une pêche durable. D'une manière
respective, l'eau est l'élément clé de la pêche,
c'est elle qui abrite les poissons. De plus elle est un élément
symbolique car pourvoyeuse de vie et de mort.
L'idée d'une pêche de subsistance nous a
amenée à la question de la faible portée des techniques de
pêche. Il s'agit des techniques qui ne nécessitent pas de grands
investissements. Mais leurs outils sont néanmoins efficaces,
performantes et relèvent tout aussi une certaine
vulnérabilité. Nous avons vu que cette idée de subsistance
se traduit aussi par l'emploi de la force humaine comme principale source
énergétique dans la pratique de la pêche. A cela s'est
ajoutée la forte présence des rapports de parenté qui
sont aussi un facteur de cette subsistance.
Quant à l'idée d'une pêche
parcimonieuse, elle s'appuie surtout sur la gestion minutieuse des ressources
aquatiques. Elle se traduit par le principe de la jachère des eaux et
du respect du cycle des saisons de pêche. Nous avons compris à ce
niveau qu'aucune technique n'est mauvaise en soi dans l'accès aux
poissons, c'est plutôt le pêcheur qui emploie la technique qui est
responsable par rapport à la quantité ou au type de poisson
sollicité. C'est lui qui doit avoir la notion de la parcimonie.
Cependant, ce chapitre nous a conduit à réaliser que les
idées de pêche de subsistance et de pêche parcimonieuse
donnent lieu à une autre logique soujacente qui est l'idée de
durabilité des ressources.
L'idée durable de la pêche est
présente à travers la survie à long terme des techniques
et outils de pêche d'une part puis la gestion réfléchie de
des ressources naturelles via ces mêmes techniques au fil des
générations. D'où le lien avec les codes que nous avons
convoqué. Il s'agit du ``code de conduite de pêche responsable''
de la FAO et celui de la pêche et aquaculture du Gabon. Mais ce chapitre
nous a également montré que ces codes de pêche
présentent des insuffisances car ne prennent pas en compte les
représentations qu'une quelconque population peut construire autours de
sa pêche. Or, c'est à partir de là que ces codes devraient
être renforcés.
CONCLUSION GENERALE
Cette étude a porté sur les rapports
sociaux et symboliques des populations du Ntem1 aux techniques de pêche.
Ce travail a inventorié, décrit et a analysé ces
techniques de pêche avant de montrer les représentations
socio-symboliques qui les entourent chez les Fang ntumu du canton Ntem 1. A
travers l'anthropologie des techniques, ce travail met en relief le rapport de
l'homme à la technique qu'il produit et aussi son rapport aux cours
d'eau qui l'environnent. C'est de ces rapports que nous avons ressorti les
représentations et imaginaires qui entourent les techniques de
pêche. Ainsi, la pensée de l'homme de se nourrir, de s'alimenter
en ressources halieutiques institue-t-elle les techniques. Les
représentations et imaginaires quant à eux, encadrent et donnent
du sens aux techniques. C'est alors à ce niveau que nous retrouvons le
rapport direct de la technique à la representation qui l'entoure car
c'est l'homme lui-même qui l'établit.
Nous avons d'abord convoqué André
Leroi Gourhan et André Georges Haudricourt pour des questions se
rapportants aux connaissances techniques. C'est à partir d'eux que nous
déterminons le rapport à la technique et le champ
théorique de l'anthropologie des techniques. Quant aux rapports aux
cours d'eau et les pensées symboliques soujacentes aux techniques de
pêche, nous avons convoqué Cornélius Castoriadis et Maurice
Godelier sur leurs approches complémentaires à la question de
l'imaginaire social. C'est à partir de cet imaginaire que nous avons
donc ressorti les représentations sociales, les schèmes de
pensées ou les idées qui encadrent ces techniques de
pêche.
Au canton Ntem 1, nous avons compris qu'il s'agit
d'une pêche traditionnelle et moderne, c'est-à-dire qu'elle
regroupe désormais les outils naturels et traditionnels puis certains
outils modernes. On voit alors les savoirs traditionnels et modernes en
symbiose au point de produire une pêche hybride, dont l'objectif est dans
le maintien des savoirs endogènes et ancestraux. Bien que rudimentaires,
les techniques de pêche qui sont employées ne sont pas des simples
productions matérielles mais, des constructions munies d'imaginaires
dans l'accès aux ressources halieutiques. Cela nous a alors amené
à regrouper un ensemble d'expressions rattachées à la
pratique de la pêche dans l'objectif de formuler un lexique de
pêche.
Dans cette étude, le rapport de la technique
à la représentation qui l'encadre se justifie clairement. Une
technique est toujours accompagnée de représentations à
travers lesquelles elle s'exprime. Parmi les fonctions des techniques de
pêche, nous retenons la fonction économique qui reste en effet la
plus visible à travers ses facteurs de production, consommation et
commercialisations des ressources. Il apparait à ce niveau une
véritable anthropologie économique. Quant aux
représentations et imaginaires, ils se résument tous à
la gestion durable des ressources. Nous dirons même que c'est la
principale représentation qui cerne la pêche et ses techniques.
Dans ce sens, la pêche dans le canton Ntem1 en général
respectait déjà depuis longtemps l'environnement naturel
aquatique.
Les codes de pêche et de l'aquaculture du
Gabon (1995) et de la FAO (2005) sont des formulations administratives qui
n'apportent que des notions déjà connues des populations sous une
autre forme. C'est dire alors que la notion de durabilité n'est pas
étrangère aux populations rurales locales car les logiques ou
représentations qu'elles ont toujours construites autour de leurs
pratiques culturelles (la pêche, chasse, agriculture...) prônaient
déjà une certaine durabilité. Ces populations avaient
déjà le souci des générations futures. C'est
d'ailleurs à ce niveau que se trouve l'essentiel de la critique que nous
portons à ces codes. Ils ne prennent pas réellement en compte les
représentations qui sont même à la base de cette pratique,
ils ne se limitent qu'aux techniques et accessoires utilisés dans la
pêche.
Si chaque société a un code de
pêche tel qu'au Gabon par exemple, il faudrait encore entrer dans les
dérailles de manière à intégrer dans ce code, les
connaissances endogènes que les acteurs de cette pratique construisent
autour de la pratique. Ceci amènerait à renforcer le code car
chacun sera impliqué en fonction des logiques qu'il maitrise sur la
pratique. A partir de ce moment, la question de la durabilité sera
pleinement prise en compte à l'échelle du pays. Lorsqu'un
étranger viendra pour pêcher par exemple, il devra d'abord
être imprégner des représentations sur la pratique dans le
pays d'accueil dans le but de les lui faire assimiler, hormis l'autorisation
administratif légale. Cela évitera d'enregistrer davantage le
type de comportement des chinois par exemple qui raflent tout avec leurs
technologies dans les eaux côtières.
Au demeurant, nous avons théorisé
sur le rapport à la technique en passant par le rapport de la technique
à sa représentation dans la pratique de la pêche
traditionnelle et moderne en milieu rural. Le contexte général
de l'étude est donc celui d'une pêche aux techniques et
représentations distinctes. Etant donné de l'apport empirique et
scientifique de cette étude, nous pensons par ailleurs à un
ellargissement de la question en s'intéressant simultanément
à la pêche industrielle et à la pêche traditionnelle
et moderne. Il s'agit d'une perspective de thèese de doctorat.
L'objectif de cette approche serait donc une analyse comparée des
imaginaires et représentations qui encadreraient les deux types de
pêche sur la base des rapports aux techniques de pêche des acteurs
sociaux, des ressources halieutiques et lois administratives en vigueur au
Gabon.
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pêcheuse occasionnelle. Bitam le 27/09/2015
NTSAME, 50 ans environ, de nationalité gabonaise, du
clan essabeigne, pêcheuse occasionnelle, à Eboro-Ntem le
13/09/2014.
ZANG NGUEMA Géneviève, 55 ans environ, de
nationalité gabonaise, du clan essandone, consommatrice et
pêcheuse d'occasion, Bitam le 07/08/2015.
NKOGHE MILAMA, 48 environ, de nationalité gabonaise,
du clan effak, chasseur et pêcheur permanant, Bitam le 28/08/2014.
ZE Evariste, 35 ans environ, de nationalité
camerounaise, pêcheur-chasseur, Bitam le 03/09/2014.
ABESSOLO Vivien, 28 ans environ, de nationalité
gabonaise, clan essabeigne, consommateur et pêcheur occasionnel,
à Eboro-Ntem le 30/09/2015.
III- Table des photographies
Photographie 1 : Poste de Douane gabonaise à
Eboro-Ntem, cliché d'ondo Obame, le 13 Août 2015, p23
Photographie 2 : Poste de Gendarmerie nationale à
Eboro, cliché d'ondo Obame, le 13 Août 2015, p24
Photographie 3 : Agence de sécurité
alimentaire à Eboro-Ntem (2015), p26
Photographie 5 : Brigade du ministère des
commerces à Eboro-Ntem, cliché d'ondo Obame, le 13 Août
2015, p26
Photographie 4 : Douane gabonaise à Eboro-Ntem, le
13 Aoùt 2015, p27
Photographie 6 : Vue d'une pêche féminine
à Eboro-Ntem, cliché d'Ondo Obame, le 23 Juillet 2014, p31
Photographie 7 : Un villageois pointant sa journée
à une des barrières du village, le 13 Août 2015, p32
Photogaphie 8 : Alignement de petits bars-restaurant
à Eboro, cliché d'Ondo Obame, le 13 Août 2015 à
Eboro, p32
Photographie 9 : Point de vente de produits commerciaux
divers à Eboro-Ntem le 13 Août 2015, p33
Photographies 10 : Le pont du fleuve Ntem, cliché
d'Ondo Obame, le 13 Août 2015 à Eboro, p35
Photographie 11 : La rivière mvéze,
cliché d'Ondo Obame, le 08 Août 2015, p36
Photographie 12 : Une épuisette (ayah),
cliché d'Ondo Obame, le 07 Septembre 2015 à Eboro, p42
Photographie 13 : L'hameçon (assong
n'yôp), cliché d'Ondo Obame, le 18 Juillet 2014 à
Eboro, p43
Photographie 14 : Outils et techniquespêche aux
piquets (bingak), cliché d'Ondo Obame, le 07 Septembre 2015
à Eboro, p43
Photographie 15 : Une nasse (tâne),
cliché d'Ondo Obame, le 08 Octobre 2015 à Eboro, p44
Photographie 16 : Des limaces
(éyôhô), cliché d'Ondo Obame, le 08 Octobre
2015 à Eboro, p49
Photographie 17 : Des escargots (kuêgne),
cliché d'Ondo Obame, le 18 Juillet 2014 à Eboro, p49
Photographie 18 : Des lombriques (zeeh),
cliché d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si, p50
Photographie 19 : Des brochets ou ablettes, cliché
d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si, p52
Photographie 20 : Un sans-nom pêché au
fleuve Ntem, cliché d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si,
p53
Photographie 21 : Tas de poissons divers, cliché
d'Ondo Obame à Eboro le 26 Juillet 2014, p54
Photographie 22 : Paquets de poisson proposé
à 1500f, cliché d'Ondo Obame à Eboro le 02 Août
2015, p71
Photographie 23 : Paquet de poisson proposé
à 2000f, cliché d'Ondo Obame à Eboro le 02 Août
2015, p72
Photographie 24 : Vue d'un fiss sur la rivière
melôh à Eboro-Ntem, cliché d'Ondo Obame le 26 Juillet 2014,
p83
Photographie 25 : Vue d'un ensemble d'étangs de
poissons à Bitam-centre, le 09 Septembre 2015, p85
Photographie 26 : Des villageois sur le rivage du fleuve
Ntem, le 07 Septembre 2015, p95
IV- Table des
tableaux
Tableau 1 : La conceptualisation, réalisation
d'Ondo Obame (2015), p13
Tabeau 2 : L'échantillon de l'étude,
réalisation d'Ondo Obame (2015), p19
Tableau 3 : Les techniques de pêche
employées dans le canton, réalisation d'Ondo Obame (2015), p41
Tableau 4 : Répartition genrée des
techniques et outils de pêche, réalisation d'Ondo Obame (2015),
p46
Tableau 5 : Correspondance entre appâts, poissons
et techniques de pêche, réalisation d'Ondo Obame (2015), p47
Tableau 6 : Les espèces halieutiques
réalisation du canton, réalisation d'Ondo Obame (2015), p51
Tableau 7 : Repartition des techniques de pêche sur
le critère de quantité, réalisation d'Ondo Obame (2015),
p57
Tableau 8 : Repartition des techniques de pêche sur
le critère du genre, réalisation d'Ondo Obame (2015), p57
Tableau 9 : Repartition des techniques de pêche sur
le critère du nombre réalisation d'Ondo Obame (2015), p58
Tableau 10 : Repartition des techniques de pêche
sur le critère de conservation réalisation d'Ondo Obame (2015),
p59
Tableau 11 : Repartition des techniques de pêche
sur le critère de temporalité, réalisation d'Ondo Obame
(2015), p59
Tableau 12 : Repartition des techniques de pêche
sur le critère de saison, réalisation d'Ondo Obame (2015), p60
Tableau 13 : Quelques interdits du pêcheur et leurs
conséquences, réalisation d'Ondo Obame (2015), p80
Tableau 14 : Quelques interdits du consommateur,
réalisation d'Ondo Obame (2015), p82
Tableau 15 : Paroles d'un chant de pêche
féminine, réalisation d'Ondo Obame (2015), p89
Tableau 16 : Quelques poissons thérapeutiques,
réalisation d'Ondo Obame (2015), p91
V. Table des annexes
Annexe 1
-Le Code de pêche et de l'aquaculture
du Gabon, loi n°015, 2005, 15p. 113 articles.
Annexe 2
- Le Code de conduite pour une pêche responsable, la
FAO, 1995 à Rome, 8 articles, 27 pages.
Annexe 3
- Le Code gabonais de l'environnement, loi n°16/93 26
Août 1993, relativement à la production et l'amélioration
de l'environnement, 96 articles, 5p.
Annexe 4
Le guide
d'entretien
I Identification de l'interlocuteur
- Nom (s) et Prénom (s)
- Age
- Nationalité
- Profession
- Clan
- Village
II Le canton Ntem 1
- Situation géographique
- Peuplement
- Organisation sociale
- Economie
- Hydrographie
III Les connaissances liées aux techniques
de pêche
- Ancienneté dans la pratique de la pêche
- Définition de la pêche
- Définition d'une technique de
pêche
- Aperçu historique de la pratique
- Les différentes techniques et outils de pêche
employés (féminin et masculin)
- Raisons de la pratique de la pêche
- Le campement
- Préparation, organisation et apprentissage des
techniques de pêche
- Le pêcheur
- Termes et expressions propres à la pêche
- Saisons, temporalités et dangers de la pratique
- Les cours d'eau et les espèces halieutiques
- Le rapport aux poissons
- Les notions d'interdit, fétiche,
prière, jachère, foncier de l'eau, etc. au sein de la
pêche
- Les situations de pratique
- Normes coutumières et lois administratives (code de
pêche)
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE.................
............................................6
1. Approche
Théorique...................................................................8
1.1 Objet d'étude : les techniques de
pêche...........................................................8
1.1.1 Contexte général de
l'étude.......................................................................9
1.2 Le champ de la
recherche............................................................................9
1.2.1 Cadre
théorique....................................................................................9
1.2.2 Zone
d'étude......................................................................................10
1.3 La
conceptualisation...............................................................................13
1.3.1 Définition des termes : Technique et
Pêche......................................................13
1.3.2 Le concept
Ayôp.................................................................................15
1.4 Etat de la
question......................................................................................17
1.5 Problématique et
hypothèses.....................................................................19
2. Approche
méthodologique...............................................................................20
2.1 Techniques de collectes et
échantillon................................................................20
2.2
L'enquête............................................................................................21
2.3 La méthode de l'analyse des contenus comme
technique de traitement des données
..............................................................................................................22
PREMIERE PARTIE : Description des lieux,
inventaire et analyse des techniques au canton Ntem
1.................................................................24
Chapitre I : Présentation et organisation
administrative du canton........................25
I.1 Situation géographique du
canton......................................................................25
I.2 Peuplement du canton.....
.................................................................................27
I.3 Organisation administrative et
caractéristiques...................................................27
I.4 Economie du
canton......................................................................................29
4.1
L'agriculture.............................................................................................30
4.2 La
chasse.................................................................................................31
4.3 La
pêche..................................................................................................31
4.4 Les autres activités
économiques......................................................................32
I.5 Hydrographie du
canton ..................................................................................34
Chapitre II : Inventaire et analyse des
techniques de pêche .................................38
II.1 Une pêche traditionnelle et moderne
......................................................................38
II.2 Inventaire des techniques de pêche en
milieu Ntemois..........................................40
2.1 Typologie des techniques de
pêche..................................................................40
2.2 Les outils utilisés dans l'utilisation des
techniques de pêche...................................44
2.3 Cours d'eau et prélèvement de la
ressource.......................................................49
2.4 Le campement : lieu d'une pêche
particulière.....................................................53
II.3 Un espace de production et d'organisation des
techniques de pêche.........................55
3.1 Le critère de
quantité.................................................................................55
3.2 Le critère de
genre.....................................................................................56
3.3 Le critère de
nombre..................................................................................56
3.4 Le critère de
conservation...........................................................................57
3.5 Critère de
temporalité.................................................................................57
II.4 production d'un lexique endogène de la
pêche....................................................59
DEUXIEME PARTIE : Regard diachronique des
fonctions et représentations culturelles des techniques de pêche
à Ntem 1......................63
Chapitre III : Techniques de pêche et
fonctions culturelles..................................64
III. 1 Fonctions économiques des techniques
pêche..............................................64
1.1 La production des ressources
halieutiques...................................................................64
1.2 Le principe de
consommation.................................................................65
1.3 La notion
d'échange............................................................................66
III.2 Du religieux dans la pratique de la
pêche.................................................69
2.1 Le fétiche ou le
médicament.......................................................................70
2.1.1 L'homme
fétiche..................................................................................70
2.2 La dimension de la
prière............................................................................71
2.3 La question des
interdits...........................................................................74
2.3.1 Les interdits du
pêcheur..........................................................................74
2.3.2 Les interdits du
consommateur...................................................................74
III.3 Technique de pêche et enjeux
foncier.......................................................77
3.1 La technique du fiss et le principe de
propriété..................................................78
3.2 Le droit de ``part du
propriétaire''................................................................79
III.4 La pêche : une pratique
socialisante........................................................81
4.1 La formation de l'homme à travers l'apprentissage
des techniques...........................81
4.2 Une socialisation par le chant : la notion de
solidarité...........................................82
Chapitre IV : Les techniques de
pêche : représentations et imaginaires
symboliques.................................................................................................87
IV.1 La pêche dans l'imaginaire de l'eau
........................................................87
1.1 Les usages de
l'eau................................................................................88
1.2 Eau : pourvoyeuse de vie et de
mort..........................................................89
IV-2 Une pêche de subsistance et
parcimonieuse...............................................90
2.1 Une pêche de
subsistance..........................................................................91
2.2 La pêche
parcimonieuse....................................................................
.........92
2.2.1 La jachère des eaux et saisons de
pêche...........................................................93
IV-3 Techniques de pêche durabilité des
ressources..............................................96
3.1 L'idée de durabilité : une
représentation au centre des techniques et ressources
halieutiques................................................................................................96
3.2 Les codes portant sur la gestion des ressources
halieutiques : rapports et insuffisances avec le contexte
empirique...............................................................................96
3.2.1 Le rapport entre les codes et la pensée
symbolique des populations.......................96
3.3 Quelques insuffisances des
codes................................................................97
CONCLUSION
GENERALE.......................................................................102
Sources
bibliographiques............................................................................104
Sources
orales............................................................................................107
Table des
photographies..............................................................................108
Table des
tableaux......................................................................................109
Table des
annexes......................................................................................111
Guide
d'entretien......................................................................................113
Mots clés : Techniques,
pêche, traditionnelle, moderne, représentations, imaginaires,
fonctions, inventaire, ressources aquatiques, diachronie, rapports,
subsistance, parcimonie, durabilité, culture, etc.
Résumé
Les hommes ont communément institué
à partir de leurs représentations sociales des techniques de
prélèvement de ressources naturelles afin de répondre
à leurs besoins. Qu'il s'agisse de l'agriculture, la chasse, la
cueillette ou de la pêche, les techniques sont utilisées avec des
outils appropriés dans l'objectif d'atteindre la ressource
sollicitée. Mais, ce rapport aux techniques en général et
particulièrement aux techniques de pêche, relève cependant
toute une construction symbolique. Il s'agit des constructions soujacentes qui
soutendent les techniques de pêche.
De fait, toute technique est encadrée de
représentations et imaginaires à partir desquels elle s'exprime
et peut être comprise. Le cas de la pêche qui est au centre de
cette étude permet ainsi de déterminer ces différents
aspects. Cette étude offre une analyse des techniques de pêche
à partir des systèmes de pensées des populations dans le
rapport aux techniques d'une part et dans le rapport aux ressources naturelles
halieutiques d'autre part.
Partant du contexte d'une pêche aux techniques
et représentations distinctes au Gabon, ce travail soutient que la
gestion à long terme des ressources naturelles en générale
repose sur les représentations et imaginaires (logiques soujacentes)
qui encadrent les techniques utilisées dans chaque pratique sociale au
sein d'une ethnoculture donnée.
Keys words: Technique, fishing, traditional,
modern, representations, imaginaries, functions, inventory, aquatic's
resources, relations, subsistence, parsimoniousness, durability, culture,
etc.
Abstract
Men have commonly instituted from social
representations of the natural techniques of taking away of resources in order
to answer what they need. That it is about agriculture, picking, goes hunting
or goes fishing, techniques are used with their tools suit in the objective to
reach the resource request. This report to techniques in general and
particularly to techniques of fishing has however a symbolic construction
In fact, every technique is framed by
representations and imaginary from what it could be expressed and apprehended.
At the focus of this study, fishing case permits to determine that deferent's
points. This study offer fishing techniques analysis from people's thinking
systems in first part about techniques reports and another part about natural's
aquatics resources.
Goes from fishing context through distinct
techniques and representation in Gabon, this study holds that the natural's
resources lasting management is based on representations and imaginaries which
frame used techniques about every socials practice concerning a cultural
group.
* 1 Enguang Emmanuel,
agé de 68 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan
essandone, ancien pêcheur permanant, à Eboro-Ntem le
11/09/2014.
* 2 Minyôp :
terme globalisant de la pêche masculine en fang.
* 3 Melok :
technique de pêche féminine en fang ntumu. Elle désigne la
technique par barrage.
* 4 Messama :
technique de pêche féminine en fang ntumu. Elle désigne la
technique à la nasse.
* 5 Abula :
technique de pêche féminine en en Fang Ntumu. Elle désigne
la technique collective à la nasse.
* 6 Tonga ou îles
Tonga, royaume polynésien dans l'océan pacifique,
à environ 650 km à l'Est des îles Fidji, comportant plus de
170 îles et îlots, répartis en trois archipèls
principaux.
* 7 Lac Tumba
est un lac situé dans la province de l'Equateur en République
Démocratique du Congo. Il se trouve entre Mbandaka et la lac
Mai-Ndambe
* 8 Angue Marie Justine, est
âgée de 58 ans environ, de nationalité gabonaise,
mère de famille, du clan Essandone et retraitée de la fonction
publique. Elle est cultivatrice et praticienne de la pêche. Le 30
Août 2014 à Bitam.
* 9 Ekoto Anne, épouse
Nguema Nkoulou, âgée de 70 ans environ, de nationalité
camerounaise, du clan bulu, cultivatrice et praticienne de la pêche. Le
03 septembre 2014 à Bitam.
* 10
Odzamboga : un des mythes fondateurs des pratiques
socioéconomiques fang dont le cas de la pêche.
* 11 Willy Meye Me Engouang,
âgée de 32 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan
essandone et praticien de la pêche. Le 10 septembre 2014 à
Eboro-Ntem.
* 12 Economie
sociale : concept dévéloppé par Arjun
Appaduraî. Il regroupe un ensemble de
coopératives,
mutuelles,
associations,
syndicats et
fondations,
fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de
solidarité entre membres et d'indépendance économique.
* 13
Hybride : concept dévéloppé par
Stéphanie Nkoghe (2011) et qui signifie le mélange de deux
réalités différentes.
* 14 Mvé Alban,
âgée de 40 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan
Essandone, consommateur praticien occasionnel de la pêche. A Bitam le
03 Octobre 2014.
* 15 Nkouna Fabrice,
âgé de 40 ans environ, de nationalité gabonaise,
pêcheur-chasseur au canton Ntem 1. Mitzic le 18/08/2014
* 16 Obiang Nguema Reymond,
âgé de 55 ans environ, de nationalité gabonaise, praticien
de la pêche. Bitam le 09/11/14.
* 17 Nsourou Ondo Berthille,
âgée de 54 ans environ, de nationalité gabonaise et
mère de famille. Elle est praticienne de la pêche
féminine.
* 18 Menie Charles,
âgée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise,
consommateur et praticien occasionnel de la pêche. A Bikass dans le
même canton d'Eboro-Ntem le 13/11/14.
* 19 Théophile Ella
Mvola, agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan
essabeigne et pêcheur - chasseur à Akame-si. Le 06/09/2015
à Akam-si, près d'Eboro-Ntem.
* 20 La
tontine est un contrat aléatoire correspondant au
financement collectif de l'achat d'un actif financier ou d'un bien dont la
propriété revient à une partie seulement des
souscripteurs.
* 21 Assengone Nkoulou
Florence, agée de 64 ans environ, de nationalité gabonaise et
retraitée de la fonction publique, du clan Essandone et ancienne
praticienne de la pêche. Bitam le 27/09/15.
* 22 L'Evüs
désigne, une énergie, une puissance, une force ou un pouvoir
logée dans l'abdomen de tout individu.
* 23 Melane :
ancien rite initiatique masculin chez lez Fang ntumu du Gabon.
* 24 Ngil : rite
initiatique masculin des Fang ntumu du Gabon
* 25
Andécolgu : ancien rite itiatique masculin des Fang ntumu
du Gabon
* 26 Meburu :
ancien rite initiatique féminin des Fang ntumu du Gabon
* 27 Ntsame Micheline,
agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, cultivatrice et
praticienne de la pêche, du clan Essabeigne à Akam-si. Le
13/09/14
* 28 Abessolo Vivien,
agé de 28 environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne,
pêcheur occasionnel, Eboro-ntem le 30/09/2015.
* 29 Zang Nguema
Géneviève, agée 55 ans environ, de nationalité
gabonaise, consommatrice et praticienne de la pêche par occasion. Bitam
le 07/08/14.
* 30 Nkoghe Milama,
agée de 48 environ, de nationalité gabonaise, du clan effak,
chasseur et pêcheur permanant, Bitam le 28/08/2014.
* 31
Nganga : individu muni de connaissances
thérapeutiques et parfois sorcellaires.
* 32 Zé Evariste, 35 ans
environ, de nationalité camerounaise, pêcheur-chasseur, Bitam le
03/09/2014.
* 33 Pêche responsable
In FAO, Code de conduite pour une pêche responsable. Rome, le 30 Octobre
1995, 12articles, 46p
* 34 Mougangué Jean
Bertrand, environ 30 ans de nationalité gabonaise, du clan
ndjobè, du totem la montagne.
* 35 Code de conduite de la
pêche artisanale responsable, établi par la FAO le 30 Octobre
1995.12 articles.46p
* 36 Code gabonais des
pêches et de l'aquaculture, loi n°015/ 2005. 113 articles, 15p.
* 37 Ibid.
* 38 Article 2 du Code gabonais
des pêches et de l'aquaculture, loi n°015/2005. 113 articles,
15p.
* 39 Article 9 du Code gabonais
des pêches et de l'aquaculture, loi n°015/2005, 113 articles,
15p.
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