v Généralités
La croissance économique est un concept complexe et
multidimensionnel. Elle est basée sur un nombre important de
théories. Les premières théories de la croissance furent
celles des classiques. Smith (1776) avance l'idée, selon laquelle, la
division du travail est une source de productivité. Dans son analyse, il
met l'accent sur les économies d'échelle, la
spécialisation, et le commerce international. Cependant, Smith (1776)
néglige le progrès technique dans le processus de la croissance.
Selon Malthus (1798), le mécanisme principal qui conditionne la
croissance est la pression démographique et les besoins de subsistance
de cette population croissante. Par ailleurs, Ricardo (1819), admet que le
progrès technique peut relever la productivité dans
l'agriculture. En rejoignant les classiques, Marx (1967) identifie le
progrès technique comme facteur de productivité et il est l'un
des pionniers des théories récentes sur la croissance
endogène.
Le premier modèle de croissance endogène a
été l'oeuvre de Romer (1986) qui considère que la
croissance endogène provient d'une externalité qui est la source
des rendements d'échelle croissants. A la suite des classiques, la
théorie de la croissance néoclassique développée
par Solow (1956) offre une approche beaucoup plus satisfaisante que le
modèle de Harrod (1939) et Domar (1947). En outre, Solow (1956)
identifie deux sources de croissance : une source « endogène
», l'accumulation de capital, et une source « exogène »,
la quantité du travail disponible. Par la suite, le modèle de
Solow fut enrichi en y intégrant la notion d'investissement en capital
humain. Sous l'impulsion de Mankiw, Romer et Weil (1992), la notion
d'investissement en capital humain est assimilée à un
investissement de court terme. Si une formation permet de transformer du
travail non qualifié en travail plus qualifié, donc d'utiliser
des équipements plus complexes et d'en tirer meilleur parti, le niveau
technologique du pays augmente du même coup son état
régulier et son rythme de croissance.
La croissance est un phénomène quantitatif qui
mesure l'évolution des ressources dont on dispose naturellement et
collectivement. Dans la sphère macroéconomique, l'indicateur qui
permet de mesurer la croissance est la Production Intérieure Brute (PIB)
du pays. Schumpeter (1935) met l'accent sur le progrès technique pour
relancer la croissance plus que l'accumulation du capital. A cet effet, il
rejette totalement l'analyse de Malthus et de Ricardo concernant la contrainte
imposée par la pression de la population. Pour Schumpeter les recherches
et développement permettent d'accroître la productivité et
d'innover en créant de nouveaux produits grâce à la
technologie. On peut donc énoncer de manière
générale que les variables telles que : augmentation de la
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population active, la main d'oeuvre qualifiée, une
accumulation de capital favorisée par les investissements publics qui
attirent ceux du privé, les progrès techniques, les
progrès de la division de travail, l'innovation favorisent la croissance
économique.
v Investissement privé comme facteur de
croissance économique
L'investissement désigne l'ensemble des biens et
services achetés par les agents économiques au cours d'une
période donnée pour produire ultérieurement d'autres biens
et services. En d'autres termes, c'est l'ensemble des biens non
consommés au cours de l'année, ceux que l'on met en
réserve pour augmenter le patrimoine national. Elle peut être
définie selon trois approches : l'approche comptable définit
l'investissement comme étant des dépenses affectées aux
actifs immobilisés. Pour l'approche financière, c'est ce qui est
déboursé en vue d'encaisses futures. Selon l'approche
économique, investir c'est acquérir ou créer un capital
physique destiné à être utilisé dans le processus
productif pendant au moins un an.
Selon Guerrien (2002), l'investissement est une
opération qui consiste, pour une entreprise ou un pays, à
augmenter le stock des moyens de production (machines, équipements de
tous types, infrastructures, biens de tout ordre, mais aussi acquisition de
connaissances et formation des hommes), avec pour perspective une production
future. D'après Villieu (2000), dans le langage courant, la notion
d'investissement décrit une multitude d'opérations : on investit
en Bourse, dans l'achat d'une nouvelle voiture, dans l'éducation de ses
enfants, dans l'acquisition d'un logement ou dans une nouvelle machine. Il
poursuit en disant que la définition économique est plus
précise mais aussi, plus arbitraire : « l'investissement est, au
sens large, l'acquisition des biens de production ».
Le contenu de la notion d'investissement oppose deux
approches : celle de la
comptabilité d'entreprise et celle de la
comptabilité nationale. Au niveau
microéconomique, la
comptabilité privée identifie trois grands types
d'investissements : les investissements matériels (terrains,
constructions, machines, outillages, ...), les investissements financiers
(prises de participation, achats de titres, ...) et certains investissements
immatériels (brevets, licences, marques, fonds de commerce, ...). Au
niveau macroéconomique, au terme d'investissement, la
comptabilité nationale substitue celui de Formation Brute de Capital
Fixe (FBCF), qui constitue « la valeur des biens durables acquis par les
unités de production pour être utilisés pendant au moins un
an dans le processus de production » (Villieu, 2000).
L'investissement privé, quant à elle,
désigne l'ensemble d'opérations consistant à investir une
épargne ou un capital sur des opérations à long terme
portant sur des biens ou des avoirs financiers dans le but de dégager un
revenu et ou une plus-value. C'est le revenu qui n'est pas consommé et
que l'on destine à maintenir constant ou à augmenter (Lamier,
2003). D'après Flamant (2003), l'investissement est l'utilisation de
capitaux détenus par les entreprises pour acquérir les moyens
nécessaires à son exploitation, ce
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qui se traduit financièrement par l'affectation de ces
capitaux à des emprunts à long terme.
v Investissement public comme facteur de croissance
économique
L'investissement public désigne l'ensemble des biens
et services qui rendent possible l'activité économique
(Hirschman,1958). Cette approche particulièrement large est reprise par
Hansen (1965) qui distingue : les investissements en infrastructures sociales,
dont la fonction est d'entretenir et de développer le capital humain et
les investissements en infrastructures économiques, dont la
caractéristique est de participer au processus productif. De
façon plus précise, l'investissement public est la Formation
Brute de Capital Fixe (FBCF) réalisée par les administrations
publiques.
Le débat relatif à l'effet de l'investissement
public sur la croissance économique a connu récemment un
engouement remarquable. Aschauer (1989) et Barro (1990) considèrent que
les dépenses publiques peuvent entrer soit dans la fonction de
production des entrepreneurs, soit dans la fonction d'utilité des
consommateurs. Tandis que dans la première hypothèse la
substitution entre dépenses publique et privée est
vraisemblablement forte, dans la seconde en revanche, la dépense
publique est essentiellement complémentaire de la dépense
privée. Romer (1986) fait jouer un rôle productif aux
dépenses publiques tout en considérant la croissance comme
endogène. L'influence des dépenses publiques passerait donc par
l'offre. Le modèle de Barro (1990), complété par Barro et
Sala-I-Martin (1992) est le prototype de cette approche `'Les investissements
publics concourent à la productivité privée». Ainsi,
sans routes, quelle serait la productivité d'une entreprise de
transport. Dans cette optique, Barro (1990), enrichit le modèle de
croissance endogène en incorporant les dépenses publiques.
Afonso et Furceri (2010) expliquent que les dépenses
de contributions sociales et les dépenses de fonctionnement ont un effet
négatif sur la croissance économique pour les pays
européens tandis que les dépenses publiques d'investissement
exercent par leur volume un effet positif sur la croissance mais, plus leur
niveau est volatile, moins le niveau de croissance est élevé.
Afonso et Furceri (2010) parviennent aux mêmes résultats que
Devarajan et al (1996) concernant l'effet des dépenses d'investissement
sur la croissance pour les pays en développement ; ce qui parait
surprenant si l'on s'en tient aux théories de la croissance
endogène qui postulent que ces dépenses sont
bénéfiques à l'économie du fait des
externalités qu'elles produisent. Il est possible d'interpréter
les résultats d'Afonso et Furceri (2010) par l'existence d'effets de
seuil impliquant qu'au-delà d'un certain moment, investir des fonds
publics dans les infrastructures est contre-productif si cela se fait au
détriment de dépenses de fonctionnement.
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v Degré d'ouverture commerciale comme facteur de
croissance économique
Le degré d'ouverture de l'économie est
mesuré par le rapport entre la somme des échanges
extérieurs de biens et services et le PIB. La littérature
économique suppose une corrélation positive entre le degré
d'ouverture commerciale et la croissance, (Vamvakidis, 1998). La théorie
économique suppose que le développement économique des
exportations permet de desserrer la contrainte extérieure et de
faciliter l'importation du capital non produit localement. Cela a pour effet de
relancer la croissance économique. De façon
générale, l'ouverture sur l'extérieur est supposée
accroître les économies d'échelle, permettre la diffusion
de la technologie et la diversité des biens produits, l'effet global
étant l'accélération de la croissance
économique.
En procédant à une analyse transversale portant
sur les pays en développement, Mbaye (2006) montre par ailleurs, un
impact défavorable et significatif de l'instabilité des
exportations sur la croissance du PIB par tête. Par contre, Ojo et
Oshikoya (1995) et Ghura et Hadjimiichael (1996) ont trouvé une relation
positive entre la croissance des exportations et celle du PIB par tête
chez les pays africains. Selon Levine et Renelt (1992), la relation de
causalité entre le degré d'ouverture commerciale et la croissance
se fait à travers l'investissement. Si l'ouverture au commerce
international permet l'accès à des biens d'investissement, cela
mènera à une croissance de long terme. Un pays
libéralisant ses échanges s'attirera des flux d'investissement
étranger.
Grossman et Helpman (1992) avancent également qu'un
pays protégeant son économie peut stimuler sa croissance. Cela
est possible dans le cas où l'intervention gouvernementale encourage
l'investissement domestique selon les avantages comparatifs du pays. Pour Batra
(1992) et Leamer (1995), la libéralisation des échanges
réduit les tarifs, et par conséquent, diminue le prix relatif des
biens domestiques manufacturés. Ces biens deviennent moins attirants que
les biens étrangers, et l'économie domestique peut alors subir
une perte.
v Corruption comme facteur de croissance
économique
La corruption désigne l'abus du pouvoir public afin
d'obtenir un gain privé (Tanzi, 2002). Alesina et Weder (2002)
présentent la corruption comme l'utilisation abusive de la
propriété de l'Etat par un fonctionnaire pour en tirer un gain
personnel. Il faut, en outre, que le bénéfice tiré soit
perçu comme une compensation directe d'un acte spécifique de
corruption (Coulibaly, 2008). L'acte de corruption peut être
initié, soit par un agent de l'Etat, soit par un usager de service
public. Lui (1996) précise que la propriété
étatique peut prendre la forme d'une licence d'importation, d'un
passeport, d'une disposition réglementaire, de l'attribution de
marchés publics, de services fiscaux, etc. Mishra (2005) partage la
même approche de la corruption que Lui (1996). Mishra (2005) estime, en
outre, que la corruption est un phénomène qui fait partie
intégrante de la personne humaine. Et à ce titre, il est
naturellement sensible aux pots de vin et a
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économique des pays de l'UEMOA et des pays du BRICS
tendance à vouloir profiter de sa situation
professionnelle ou du pouvoir discrétionnaire dont il
bénéficie.
Les travaux pionniers sur la corruption remontent à
Leff (1964), Leys (1964), Huntington (1968) et Lui (1985). Ils aboutissent au
fait que, en améliorant l'efficience, la corruption aurait des effets
positifs sur l'activité économique. Cependant, la
littérature économique sur la corruption ne connait un
déploiement remarquable qu'à partir des années 90. En
particulier, l'article de Mauro (1995), première étude empirique
sur la question, met en évidence les effets néfastes de la
corruption sur la croissance et l'investissement. Par la suite, Gupta, Mello et
Sharan (2001), de même que Tanzi et Davoodi (2000), montrent que la
corruption entrainerait une distorsion des dépenses publiques en faveur
des dépenses militaires, et d'investissement respectivement. Gupta et
al. (2002) trouvent empiriquement que la corruption tendrait à
accroître les inégalités.
Plusieurs recherches considèrent la corruption comme
étant un autre facteur institutionnel qui entrave la croissance des
entreprises. Mauro (1995) démontre, avec un ensemble de données
constitué des indices subjectifs de corruption et d'efficacité du
système judiciaire, que la corruption diminue les investissements et,
par conséquent, affecte négativement la croissance de
l'économie dans les pays où les lourdeurs administratives sont
plus importantes. Pour les économistes tels que Collier (2000), la
corruption permet, par exemple, à des entreprises au bord de la
faillite, donc peu rentables, de continuer à exister et de
bénéficier de subventions gouvernementales. De telles pratiques
rendent inefficientes une grande partie des dépenses publiques. L'auteur
conclut alors qu'un niveau de corruption élevé freine la
croissance économique par le biais des dépenses.
v L'endettement extérieur comme facteurs de
croissance économique
L'endettement extérieur d'un pays désigne
l'ensemble des dettes qui sont dues par un pays, État, entreprises et
particuliers compris, à des prêteurs étrangers.
Techniquement, on désigne par endettement extérieur l'ensemble
des concours demandés par un gouvernement auprès des partenaires
(bilatéraux, multilatéraux, institutions financières,
marchés financiers, etc.) pour financer les actions de
développement qui n'ont pu être prises en charge par le budget
national. Sachs (1988) a constaté que la capacité de
remboursement de la dette d'un pays concerné est affaiblie par un niveau
d'endettement important, donc les coûts futurs du service de la dette
découragent l'investissement national. Ce principe est connu sous le nom
du fardeau virtuel de la dette ou « debt overhang ». Cette
théorie est perceptible à travers la courbe de Laffer selon
laquelle l'alourdissement de la dette baisse la probabilité de son
remboursement.
Singh (2006), admet qu'un niveau élevé de la
dette publique a des incidences négatives sur la croissance et sur
d'autres indicateurs du développement économique, et par
conséquent sur la stabilité macroéconomique. Par ailleurs,
Alesina et Guido (1989) et Cerra, Meenakshi et Sweta (2008) ont prouvé
l'existence d'une relation entre
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économique des pays de l'UEMOA et des pays du BRICS
l'accroissement de la dette et la fuite de capitaux. Ainsi,
les pays à faibles institutions ont tendance à accumuler la dette
et donc décourager les entrées des capitaux tout en favorisant
les fuites de capitaux. Kumar et Woo (2010), en analysant les composantes de la
croissance, ont montré que l'effet négatif du niveau
élevé de la dette reflète en général une
trêve de la croissance de la productivité du travail,
principalement dû à une baisse des investissements et un
ralentissement de la croissance du stock de capital.
v Le capital humain comme facteur de croissance
économique
Le capital humain renvoie à l'ensemble des
compétences qui peuvent être valorisées
économiquement. Cette notion a été introduite par Schultz
(1961), qui fait valoir que les connaissances et les compétences sont
une forme de capital et que ce capital est le produit d'un «investissement
volontaire». Il montre alors qu'il existe un lien entre la croissance des
pays occidentaux et l'investissement dans le capital humain, notamment, dans
l'éducation. Bassanini et Scarpetta (2001), ont montré qu'une
année supplémentaire d'études au niveau moyen engendre une
hausse de dix pour cent en capital humain. De plus, la formation en capital
humain peut avoir un impact durable sur la croissance de la productivité
et accélérer la capacité d'absorption des nouvelles
technologies (Romer, 1990). Pour Becker (1964), le capital humain est un stock
de ressources productives incorporées aux individus eux-mêmes,
constitué d'éléments aussi divers que le niveau
d'éducation, de formation et d'expérience professionnelle,
l'état de santé.
Le capital humain, comme facteur de production, regroupe
toutes les personnes qui contribuent à la production de biens et
services, à savoir : les agriculteurs, les ouvriers, les
commerçants, les professeurs etc., en somme, toutes ces personnes
contribuent à l'élaboration du PIB (Becker, 1964). Selon le
modèle de Solow (1956), la croissance provient, d'une part, de
l'augmentation de la population active et, d'autre part, de l'accroissement de
l'efficacité de la combinaison productive. Lucas (1988) a montré
que la croissance est liée au capital humain. De même, il a
montré que les connaissances génèrent des
externalités positives sur la production et l'économie. Le
capital humain est donc au coeur des stratégies de
développement.