L'intelligence artificielle dans le secteur de l'assurancepar Georges BERGER Université de Strasbourg - M2 Droit de l'économie numérique 2020 |
2. Une approche agile et personnalisée de la prévention par le recours à l'intelligence artificielleS'agissant de la prévention, Jean-Pierre DIGUET, directeur assurance de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) et Jean-Charles GROLLEMUND, Président de la Commission Innovation du Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP), soulignaient que « l'assureur accompagne l'usager tout au long de sa vie. Il est incontournable lors de la réalisation du risque assuré. Grâce au déploiement de la prévention, qui apparaît aujourd'hui dans la majorité des contrats, l'assureur devient prescripteur voire précepteur dans un objectif de non-réalisation des risques41 ». 41 La Fabrique d'assurance, Intelligence artificielle et éthique dans le secteur de l'assurance, livre blanc, novembre 2019 27/97 Mais tout l'enjeu est de savoir dans quelle mesure et selon quels moyens l'intelligence artificielle entend impacter cette activité de prévention. À cet égard, il convient d'ores et déjà de souligner que cette transformation ne peut se faire par le seul recours à l'intelligence artificielle. En effet, pour qu'une approche de prévention puisse être pertinente, elle suppose des données suffisamment précises sur l'assuré et son environnement, ainsi que des outils de traitement de cette information. Ainsi, pour qu'une prévention augmentée fondée sur la personnalisation des conseils et anticipation des risques soit possible, il est nécessaire de s'appuyer sur une combinaison de technologies. La première est bien entendu celle de l'internet des objets et des objets connectés. Ces objets, capables de capter, stocker, traiter et transmettre des données selon la finalité à laquelle ils sont destinés, n'a cessé de croitre ces dernières années, et la tendance est prévue à la hausse dans les années à venir42. Cette tendance témoigne d'un changement de paradigme : le passage d'une ère des ordinateurs centraux, puis personnels à celle qualifiée de web ubiquitaire, dans laquelle le traitement de l'information a été pleinement intégré dans tous les objets et activités journalières43. Ainsi, l'informatique et le web deviennent invisibles, ambiants, distribués et intégrés, permettant de capter, analyser et valoriser les données collectées. La deuxième concerne le développement des outils de traitement de l'information, et plus particulièrement ceux rendus nécessaires par le big data, dont les données sont par nature importantes en volume, en variété et en vitesse. Elles requièrent donc de recourir à des technologies de stockage de l'information et de traitement particulières afin d'assurer leur gestion et traitement en temps réel. Dans ce contexte, il est incontestable que l'assurance puisse profiter de la généralisation des données générées par l'utilisation de ces objets. Par exemple, l'émergence des offres payas-you-drive permet une tarification personnalisée selon l'utilisation réelle du véhicule par recours aux données de géolocalisation transmises à l'application mobile de l'assureur. Mais dans une logique de prévention, peuvent également se développer les offres dites pay-how-you-drive qui visent à analyser les habitudes et les manières de conduite, et d'adapter le montant de la prime d'assurance en fonction. Visant clairement à valoriser les bons comportements, un score est attribué au conducteur sur la base des éléments recueillis et analysés. Outre la possibilité pour l'assuré de récupérer une partie de la prime d'assurance versée à la fin de l'année, ce système peut, en intégrant des algorithmes d'intelligence 42 https://www.statista.com/topics/2637/internet-of-things/ 43 http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Informatique%20ubiquitaire/fr-fr/ artificielle, tendre vers une meilleure prévention. En effet, des données recueillies sur la manière de conduire, le système peut être capable d'étudier les pistes d'amélioration et fournir à l'assuré des conseils pratiques pour améliorer sa conduite. Mais si le domaine de l'assurance automobile semble propice à cette démarche de prévention, force est toutefois de constater que celle-ci peut également être déclinée dans l'ensemble des branches de l'assurance. En effet, en matière d'assurance de personne, les données collectées par le biais par exemple des montres connectées peuvent permettre à l'assureur de diffuser des conseils relatifs à l'activité physique ou au sommeil. S'agissant des personnes plus âgées, l'internet des objets et l'intelligence artificielle peuvent, dans une logique de complémentarité, améliorer le suivi des patients et la prévention des maladies, ce qui permettra une prise en charge plus personnalisée, et renforcera la qualité des soins44. Enfin, en matière de risques industriels, et d'analyse des risques de plusieurs sites simultanés, le recours à l'intelligence artificielle peut permettre de réaliser une première analyse concernant l'emplacement des sites, leur construction, leur gestion, mais également les facteurs de vulnérabilités, afin de proposer dans un second temps une démarche préventive personnalisée45. Cependant, si l'intelligence artificielle offre de belles perspectives aux assureurs quant à la possibilité de tendre vers une plus grande personnalisation des offres et des services proposés aux assurés, ce mouvement de personnalisation pose toutefois la question de la compatibilité du recours à l'intelligence artificielle avec le principe fondamental de la mutualisation des risques. 28/97 44 https://www.innovation-mutuelle.fr/actualite/lintelligence-artificielle-une-opportunite-pour-les- mutuelles/#:~:text=En%20effet%2C%20l'assureur%20accompagne,de%20non%20r%C3%A9alisation%20des%20risques 45 https://axaxl.com/fr/fast-fast-forward/articles/intelligence-artificielle-prevention-des-risques 29/97 |
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