Approvisionnement de la ville de N'Djamena en bois-énergie. Ses influences sur le milieu naturel.( Télécharger le fichier original )par Man-na Djangrang Université de Bangui - Maîtrise 2002 |
Introduction générale1. ContexteDepuis plus de trois décennies, le Tchad, à l'instar des autres pays du Sahel, connaît deux contraintes majeures qui entravent son développement socio-économique. Il s'agit d'une part d'une crise conjoncturelle politique depuis les premières années de son indépendance et d'autre part d'une crise climatique quasi-permanente qui entravent le fonctionnement des activités agro-sylvo-pastorales. Ces deux contraintes, tout en déstabilisant l'organisation d'ensemble des activités de développement et des structures de l'Etat, ont occasionné d'importants mouvements de masse de la population vers des régions jugées accueillantes et plus sécurisantes : les villes et les périphéries urbaines. Dans les années 80, les migrations (54% venus des campagnes et 34% des autres villes) (BOURDETTE, 1998) ont atteint leur niveau le plus élevé avec la grande sécheresse de 1983-1984. Dès lors, une zone de concentration1(*) est créée autour de la ville de N'Djaména qui constitue un pôle d'attraction important pour les ruraux espérant une vie meilleure. Mais la succession des sécheresses et l'inadaptation de la structure socio-économique défavorable ont eu pour conséquences d'énormes difficultés pour les paysans : déficit alimentaire et budgétaire, déséquilibre financier, etc. Ces difficultés ont engendré une concentration démographique à N'Djaména. L'évolution de la croissance de la population est aussi marquée par le développement de la ville. Les gains périphériques sont si importants que chaque année 88,1 hectares en moyenne2(*) des terres sont gagnées sur le milieu naturel. La concentration de la population a créé une forte demande de bois-énergie. La consommation du combustible ligneux à N'Djaména, comme énergie domestique n'est pas un choix, mais une nécessité, car sur le plan de disponibilité et coût, il reste le plus accessible. D'après les statistiques d'Energy Secteur Management Progres (ESMAP, 1993), le bois de chauffe et le charbon de bois couvrent plus de 97% des besoins énergétiques. L'Agence pour l'Energie Domestique et l'Environnement (EDE, 2001) estime ces besoins à environ 464 589,61 m3. Pour satisfaire cette forte demande d'énergie qui semble dépasser les ressources disponibles immédiates, un secteur économique s'est constitué ; il met en relation les professionnels divers et les consommateurs urbains. La pression exercée sur les « massifs forestiers » existants par les exploitants se traduit par l'existence de nombreuses poches de déforestation dans les zones péri-urbaines et de plus en plus dans les zones rurales d'exploitations. Le phénomène semble s'accélérer à cause de l'augmentation de la population pauvre en ville venue des campagnes. Pour LESTER (1998), « les questions d'environnement et de développement de la population sont extrêmement liées ». La pauvreté semble être un facteur de dégradation écologique, puisque les pauvres doivent se tourner vers des ressources naturelles fondamentales dont-ils dépendent. En fait, la dégradation du milieu naturel du bassin d'approvisionnement de la ville en bois-énergie implique une occupation et une exploitation irrationnelle de l'espace dont certains éléments explicatifs pourraient trouver leurs fondements dans l'intrusion de l'économie dite marchande dans les systèmes de production fondamentalement traditionnels. L'exploitation des ressources naturelles à des fins d'énergie domestique n'est pas un fait récent, mais « la pression avec laquelle elle est produite aujourd'hui comme si elle était une société en liquidation » DAILY (1998), doit interpeller le monde paysan et l'Etat à une gestion des ressources ligneuses liée à la « somme des comportements individuels, mais aussi des agents économiques » (LESSOURD et al., 1994). Le prélèvement en nombre croissant de bois-énergie sur « la forêt » par des nouveaux acteurs économiques de plus en plus nombreux et très peu organisés, constitue une menace de taille : l'épuisement du patrimoine forestier, appauvrissement des sols et par endroits dégradation de la végétation tendant vers la « désertification ». Ce qui laisse supposer une tendance vers une crise spécifique au bois-énergie dans l'avenir. Pour assurer l'approvisionnement de la population de N'Djaména en bois de chauffe et de charbons de bois dans des conditions écologiquement suffisantes, des efforts et des moyens doivent être déployés par le gouvernement. A travers les différents projets forestiers et les actions d'économies d'énergie, lancés par l'Etat, depuis quelques années, aucun signe d'inversion des tendances à la consommation de bois-énergie n'est perceptible. Ainsi, les difficultés d'approvisionnement commencent à se faire sentir. * 1 La zone de concentration (72 900 km2) constitue la zone d'intenses activités génératrices de revenus (pêche, agriculture, élevage, etc.) et le bassin d'approvisionnement de la ville de N'Djaména en bois-énergie. * 2 Cette moyenne est calculée à partir des chiffres de 1921 (38,3 hectares). Il s'agit ici de l'espace bâti. |
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