MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE,
SUPERIEUR
-----------------------
UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU
-----------------------
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES
HUMAINES
-----------------------
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
-----------------------
BURKINA FASO
----------------
UNITE - PROGRES - JUSTICE
MAITRISE DE SOCIOLOGIE
Mémoire de maitrise
THEME
CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION DES
PLANTES MÉDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME ET DE LA
FIÈVRE JAUNE DANS LA RÉGION DES CASCADES : CAS DU VILLAGE DE
DIARRABAKÔKÔ
Sous la direction de: Dr. KORBEOGO
Gabin
Maître-assistant de sociologie
251655680Présenté et soutenu parSANOGO
Saliou
251654656
FEVRIER 2014
SOMMAIRE
DEDICACES .ii
REMERCIEMENTS .iii
LISTES DES SIGLES ET
ABREVIATIONS......................................................iv
LISTE DES TABLEAUX .v
INTRODUCTION......................................................................................1
CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE ET METHODOGIQUE .3
I. : CADRE THEORIQUE .3
II. : METHODOLOGIE .31
CHAPITRE II. : CONSTRUCTION SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA
FIEVRE JAUNE .40
I. : CONSTRUCTION BIOMEDICALE .40
II. : CONSTRUCTION POPULAIRE 43
III. : SYSTEMES MEDICAUX PLURALISTES ET
ITINERAIRE THERAPEUTIQUES .54
CHAPITRE III. : CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION
DES PLANTES MEDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE
JAUNE 74
I. : CONNAISSANCES LOCALES 74
II. : PROCEDES D'UTILISATION 90
III. : STRATEGIES DE CONSERVATIONS 109
CONCLUSION 111
BIBLIOGRAPHIE 113
ANNEXES..............................................................................................117
DEDICACE
A notre regretté père
Qui a été arraché à notre
affection au moment où nous avions le plus besoin de ses conseils. Qu'il
trouve en ce mémoire la récompense des sacrifices consentis
à notre égard.
Puisse Dieu le tout puissant, lui accorder la vie
éternelle.
A ma maman à qui nous devons tout.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier tous ceux qui d'une manière
ou d'une autre ont contribué à l'aboutissement de ce
mémoire.
Nous pensons particulièrement à notre Directeur
de mémoire, le Maître Assistant Gabin KORBEOGO qui n'a
ménagé aucun effort pour nous assister. Nous lui
réitérons nos sincères remerciements pour ses conseils et
suggestion tout au long de cette recherche, lui qui a su porter son attention,
son dynamisme et sa rigueur à ce travail.
A tous le corps professoral du département de
sociologie, pour les peines et tant de labeur fournis, pour faire de nous des
chercheurs de la science du savoir sociologique. Nous avons conscience des
dettes intellectuelles contactée auprès de vous.
Nos reconnaissances également à tous nos parents,
à monsieur et madame Ouattara,
A mes amis et camarades étudiants (es) sociologues qui
mon accompagné dans la réalisation de ce mémoire.
A Adama karama, chef du village de Diarrabakôkô
ainsi qu'à l'ensemble de la population de cette localité
A tous les tradipraticiens de Diarrabakôkô
A Dr Dakuyo P.Zephirin Pharmacien/ Chercheur dans le domaine
de la phytothérapie à Banfora
A tous ceux dont le nom n'a pu être cité,
puissiez- vous retrouver en cet écrit notre réelle
reconnaissance.
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
OMS: Organisation Mondiale de la
Santé
CSPS : Centre de Santé et de Promotion
sociale
RN1 : Route Nationale N°l
DRED : Direction Régionale de
l'Economie et du Développement
IDE: Infirmier Diplômé d'Etat
IB: Infirmier Breveté
IB : Initiative de Bamako
AIS: Agent Itinéraire de Santé
CTA:Combinaison Thérapeutique à
base d'Artemisinine
CHR: Centre Hospitalier Régionale
LISTE DES TABLEAUX
TABLEAU 1 :Fréquences des causes et
symptômes du paludisme
TABLEAU 2 :Présentation des
fréquences des symptômes de la fièvre jaune
TABLEAU 3 : Distribution des sources de
connaissances par maladie
TABLEAU 4 :Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du sexe et des maladies
TABLEAU 5 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de
paludisme
TABLEAU 6 :Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation encas de
fièvre jaune
TABLEAU 7 : Distribution des recours thérapeutiques
en fonction de la profession en cas de paludisme
TABLEAU 8 :Distribution des recours
thérapeutiques en fonction de la profession en cas de fièvre
jaune
TABLEAU 9 :Distribution des recours
thérapeutiques en fonction des maladies
TABLEAU 10 :Perception par maladie du
traitement biomédical
TABLEAU 11 : Perception par maladie du
coût du traitement biomédical
TABLEAU 12 :Estimation du coût du
traitement biomédical en fonction des maladies
TABLEAU 13 :Changement de recours
thérapeutiques en fonction des maladies
TABLEAU 14 :Distribution de la connaissance
des plantes par sexe et par maladie
TABLEAU 15 :Connaissance des plantes par
âge dans le traitement du paludisme
TABLEAU 16 : Connaissance des plantes par
sexe dans le traitement du paludisme
TABLEAU 17 :Connaissance des plantes par
âge dans le traitement de la fièvre jaune
TABLEAU 18 :Connaissance des plantes par
sexe dans le traitement de la fièvre jaune
TABLEAU 19 :Distribution par sexe et par
maladie des sources de connaissance des plantes dans le traitement du paludisme
et de la fièvre jaune
TABLEAU 20 :Distribution des plantes
utilisées par sexe dans letraitement du paludisme
TABLEAU 21 :Distribution des plantes les
plus utilisées par sexe dans letraitement de la fièvre jaune
TABLEAU 22 : Distribution par sexe et par
maladie des personnes impliqué dans le choix des plantes à
utilisées
INTRODUICTION
Dans la catégorie des fièvres qui ont
marqué l'histoire du monde et en particulier celle de l'Afrique à
travers les maux et les décès qu'elles ont occasionnés, le
paludisme et la fièvre jaune restent de loin les plus importantes.
Néanmoins, avec les multiples progrès réalisés par
la médecine moderne, la fièvre jaune autrefois
considérée comme une maladie pestilentielle n'est plus
une question alarmante avec la vulgarisation de la vaccination antiamarile. Par
contre, le paludisme demeure à nos jours la première maladie
parasitaire potentiellement mortelle qui touche le plus de population. Il a une
telle prévalence dans les régions tropicales et subtropicales
qu'il est responsable chaque année selon Santé Actu (2007) de
plus de 300 millions de cas de maladie aigue et d'au moins 1 million de
décès. De plus, 90% de ces décès surviennent en
Afrique au sud du Sahara, principalement chez les enfants de 0-05 ans et les
femmes enceintes.
Au Burkina Faso, cette affection constitue un problème
majeur de santé publique et représentait en 2009 49% des
consultations, 54% des hospitalisations et 60,4% des décès selon
Le Tableau de bord de santé (2009). Aussi, il reste une endémie
stable dans tout le pays avec une recrudescence saisonnière notamment
entre (mai et octobre). Mais la transmission est permanente dans les
régions du sud et du sud-ouest à cause des facteurs climatiques
ainsi que le manque de puisards dans les concessions des zones rurales comme
celles de Diarrabakôkô pour recueillir les eaux de toilettes.
Autrement dit, c'est une maladie qui se développe le plus sur un fond de
précarité sociale, alors que son coût économique est
très élevé pour le pays et pour les individus. En effet
selon l'OMS (2011), le coût direct du paludisme recouvre les
dépenses individuelles et publiques pour la prévention et le
traitement de la maladie. Nonobstant les dépenses allouées
à la lutte contre cette maladie, les traitements mis en place par la
médecine moderne se révèlent parfois inefficaces dans le
traitement de cette pathologie (Tableau de bord de santé 2009, OMS
2011).
Face à cette situation, les plantes médicinales
constituent un complément ou une alternative aux limites voire à
l'impuissance des remèdes de synthèses de la médecine
moderne d'autant plus que nous savons que la thérapeutique
traditionnelle fut pendant de nombreux siècles l'arme majeure mise
à la disposition de l'Homme par la nature pour faire face à la
maladie (Dim Dolobsom 1934). Cette allusion au passé dénote de
l'ancienneté de ces maladies et des remèdes qui étaient
utilisés pour le traitement.
Certes de nombreuses personnes pensent que la
phytothérapie traditionnelle a été historiquement, et est
encore aujourd'hui victime de discrimination sur le marché
thérapeutique. Cependant, de nombreuses études empiriques
(Kerharo et Bouquet 1950 ; Obenga 1985 ; Kalis 1997) ont aussi montré et
continuent de montrer que la thérapie traditionnelle par les plantes
médicinales est plus perceptible et récurrente au sein de la
population rurale chaque fois qu'un malade peut en user pour s'en tirer
à bon compte car faisant partie de leur environnement socioculturel.
Aussi, en faisant remarquer que l'utilisation des plantes
médicinales est établie en référence aux
connaissances et savoir-faire requis pour faire la thérapie en question,
mais que ces savoirs indispensables pour les thérapeutes traditionnels
sont soit ignorés, soit peu estimés dans l'évaluation des
deux médecines. Si les thérapies biomédicales sont plus
valorisées ou légitimées que celles traditionnelles parce
qu'elles possèdent un savoir-faire permettant de gérer des
situations sociales complexes, les spécialistes et les non
spécialistes de la phytothérapie traditionnelle sont par contre
méconnus même s'ils sont tout aussi qualifiés et
consultés dans les situations de précarité
économique ou d'urgence sanitaire. A l'évidence, les partisans de
la biomédecine argueront que l'on ne peut pas prouver que ces
thérapies sont comparables. Mais c'est bien là que réside
le problème. Si elles ne sont pas comparables, c'est parce qu'il n'y a
pas d'accord sur la manière d'évaluer une thérapie. Et si
cela est vrai, pourquoi ne pas reconnaitre la valeur intrinsèque des
plantes médicinales dans la cure des affections courantes, notamment le
paludisme, afin d'avoir un système de soin traditionnel qui va cohabiter
avec le système de soin moderne, vu la gamme variée de plantes
médicinales. C'est dans cette optique que le Ministère de la
santé avec l'appui d'autres institutions comme l'OMS ont adopté
des résolutions afin de promouvoir cette médecine et
pharmacopée traditionnelle. En ce sens, les connaissances/savoirs sur
les plantes médicinales ou mieux sur les pharmacopées
traditionnelles demeurent l'approche la plus réaliste pour subvenir aux
besoins des populations du monde rural notamment.
Dans cette démarche, les scientifiques ont un
rôle important à jouer. Raison pour laquelle nous nous sommes
proposé d'apporter notre collaboration à la revalorisation de
notre patrimoine médical traditionnel à partir des connaissances
locales et modes d'utilisations des plantes médicinales entrant dans la
thérapie du paludisme et de la fièvre jaune dans le village de
Diarabakôkô (région des cascades).
CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE
ET METHODOLOGIE
I-CADRE THEORIQUE
1 - REVUE DE LITTERATURE
Dans le but de mieux cerner notre thème, nous avons
fait une revue de littérature spécifique pour connaître les
diverses approches de la question ; ce qui nous permettra d'affiner notre
problématique de recherche. Les informations recueillies de nos
différentes lectures et entretiens exploratoires sont regroupées
sous forme de thématiques. Dans la problématique, nous
présentons les orientations, les objectifs, les hypothèses de
recherche ainsi que la définition des concepts de notre recherche.
1.1- Pharmacopées
traditionnelles et plantes médicinales
Les plantes médicinales constituent un outil de travail
de premier intérêt pour la médecine traditionnelle dans nos
formations sociales locales. A ce titre, il est indéniable que toute
intervention dans ce domaine nécessite un minimum de connaissances sur
les travaux antérieurs.
A cet effet, l'étude ethno-historique de Fortin (1978)
sur la pharmacopée traditionnelle des Iroquois nous montre que la
connaissance des propriétés thérapeutiques des plantes et
autres éléments de la pharmacopée était largement
répandus par la tradition orale, mais certaines formules étaient
jalousement gardées à l'intérieur des familles. De ce
fait, l'auteur entend valoriser une "médecine naturelle " telle
pratiquée par les iroquois, au détriment d'une médecine de
type scientifique à la mode et non accessible à l'ensemble du
peuple parce que devenue avec le temps trop exotérique. Ainsi, il
manifeste une certaine curiosité à l'égard de ces
remèdes naturels qui se révèlent fort efficaces comme
vulnérables à ses yeux. En présence du contenu de cette
pharmacopée traditionnelle, Fortin ne peut éviter de remarquer le
caractère polyvalent de ces éléments thérapeutiques
et les multiples formules pour traiter la même maladie. Il se rend compte
alors que dans la pratique de leur art, les guérisseurs Iroquois
"bricolent " avec les produits naturels de leur environnement. Il en vient
à la conclusion que, pour pouvoir comprendre que telle ou telle plante
est mise en relation dans ce système, il faudrait en premier lieu
connaitre les croyances internes liées à la maladie.
L'auteur conclut en disant que toutes les variations sont
permises dans l'ordre de succession du choix des lieux ou des praticiens.
Aussi, il soutient que la médecine occidentale a rencontré la
médecine Rukuba et s'est insérée dans les termes de cette
dernière, le résultat de cette infiltration et ces interrelations
avec le système traditionnel étant la vraie ethnomédecine
Rukuba.
Dans la même logique de la pharmacopée
traditionnelle, Genest (1978) dans son" essaie de synthèse sur
l'introduction à l'ethnomédecine" aborde plusieurs points
allant de l'anthropologie médicale à l'ethnomédecine qui
constitue un indice de ce qu'on entend couvrir le social et le médical
(physique et psychique). Pour lui, l'ethnomédecine a un contenu qui peut
se diviser de la manière suivante : croyance médicale, les
traitements, les thérapeutes, les descriptions des maladies et les
contextes dans lesquels ils apparaissent. Partant de là, l'auteur
précise maintenant que la définition de l'ethnomédecine
n'entend pas uniquement les pratiques et les croyances autrefois taxées
de primitives mais tout comportement relatif à la maladie et son
traitement. De ce fait, il affirme : « le système de croyance est
un tout qui a sa logique propre selon chaque société et qu'il
conditionne l'ensemble des comportements en matière médicale
comme ailleurs (1978: 13) ». Il constate qu'il y a les "empiristes" (le
plus souvent, pharmaciens, médecins ou chimistes) qui trouvent la
confirmation de l'efficacité des médecines non occidentales
spécialement dans la phytothérapie. Les "symbolistes" qui
insistent sur le rituel thérapeutique et ses effets curatifs par des
manipulations reliées à la connaissance du psychique et du social
des patients.
Sur le point relatif aux traitements et aux
thérapeutes, l'auteur souligne que, d'une part, les traitements
constituent des informations "palpables" sur un système médical,
et d'autre part, ces actes visent l'expression de la guérison du malade
et l'importance de ce but entraine la réduction des comportements
à cette seule dimension. Pour lui, toute la discussion autour de deux
pôles "empiristes" et "symbolistes" et sur l'efficacité des
pratiques médicalisées en dehors du schéma dominant de la
tradition savante occidentale prend appui sur le traitement. A partir de cette
remarque, il affirme que les traitements varient en moindre nombre que ces
croyances dans le domaine médical. Par ailleurs, dans son analyse sur
les thérapeutes, Genest stipule que de la même façon que
les croyances médicales et les traitements varient selon les contextes
socioculturels, de même ce qui caractérise lesthérapeutes
en tant qu'individus, leur comportements, leur formation change selon les
systèmes. Dans la description des maladies liées aux contextes
sociaux, il s'appuie sur Fabrega pour dire que « l'information extraite de
la manifestation d'une affection reflète le fonctionnement du
système médical d'un groupe et elle conditionne également
le type de problèmes qui apparaissent dans ce système (Genest
1978: 21)».
Kalis (1997) par contre, dans le contexte
sénégalais analyse la médecine traditionnelle dans la
globalité du fait social afin d'appréhender les formes et le sens
que revêtent la maladie et le malheur, de comprendre les
stratégies thérapeutiques utilisées par une population
donnée. Pour lui, la médecine traditionnelle des Sereer se situe
au point de convergence d'un double jeu de forces. D'un côté,
celles des destructions qui animent l'agresseur (l'Homme, ancêtre,
génie) et de l'autre, celles de régénération mise
en oeuvre par le guérisseur qui opère par la médiation de
l'ancêtre. Par ailleurs, il stipule que le système de
représentation des pathologies et des pratiques thérapeutiques a
pour objet de préserver l'ordre social du fait que la médecine
traditionnelle est "un art des usages sociaux de la maladie". Il en vient
à la conclusion selon laquelle : « la médecine
traditionnelle ne morcèle pas l'homme mais l'envisage dans sa
globalité dans un environnement humain matériel et spirituel avec
lequel il entretient une communication étroite (Kalis 1997 : 17)
».
Percevant le rôle croissant de cette pharmacopée
traditionnelle dans la vie sociale, Kerharo et Bouquet (1950) partent du
principe que la société dans leurs pays d'étude
(Côte d'Ivoire et Haute Volta) est encore dans l'ensemble au stade
familial ou tribal ; des hommes, des sorciers, des féticheurs imposant
aux individus des règles de vie basées sur la crainte du divin. A
partir de ce principe la vie, la maladie, la mort, le bonheur, le malheur ne
seront que le reflet des actes humains vis-à-vis des forces diverses.
Les croyances sur la maladie et la mort ne peuvent se comprendre qu'en faisant
abstraction des connaissances empiriques des croyances religieuses car les
origines "surnaturelles" ou "naturelles" des maladies sont définies
suivant la polyvalence de leurs manifestations. La classification est de ce
fait une classification anatomique élémentaire. En outre, ils
affirment que le "Primumvivere" des anciens contiennent en puissance la somme
des connaissances indispensables aux primitifs pour subsister au milieu des
épreuves de la vie. Et à ce titre, ils soulignent que chez tous
les peuples, la médecine, fille de la maladie est une science aussi
nécessaire à l'humanité que celle de l'alimentation. Pour
ce faire, les auteurs réfutent la pensée de Lafitte selon
laquelle : c'est une sorte d'instinct raffiné qui aurait dirigé,
voire même poussé le malade vers telles ou telles plantes
convenant à son état. En réponse, ils affirment qu'il y a
lieu de reconnaitre sous des apparences souvent grossières quelque fois
même trompeuses, un véritable art de guérir dont
l'exécutant est "le médecin" et l'instrument la
"pharmacopée". Une pharmacopée riche et nuancée, dont la
connaissance sans "Vade cum" formulaire ou codex, se transmet de
génération en génération chez les
féticheurs, les guérisseurs, les sorciers, par l'enseignement
pratique des maîtres et la tradition orale. Pour conclure, ils donnent
les propriétés thérapeutiques de certaines plantes comme
Khaya Senegalensis, Parkia biglobosa, Adansonia digitata..., en
stipulant que la tradition à simplement enseigné la connaissance
des maladies -pathologie externe, pathologie interne et celles des
espèces végétaux propre à assurer la
guérison. Le tout étroitement mêlé aux superstitions
et aux fétichismes.
L'approche de Korbéogo (2011) dans « Les
stratégies socioculturelles de conservation de la biodiversité au
Burkina Faso » éclaire aussi les usages sociaux des
éléments de nature. En effet, l'auteur part du constat qu'au
Burkina Faso les modalités d'usage et de conservation de la
biodiversité sont intégrés dans les systèmes
culturels des communautés locales. De ce fait, il souligne que le
rapport culturel entre l'Homme et la nature s'explique par le fait que les
populations locales perçoivent l'environnement comme le créateur
de Dieu et le lieu de refuge des forces invisibles (génies, esprit des
ancêtres) Et généralement les pratiques rituelles et les
interdits liés aux plantes sont enseignés aux hommes et aux
femmes au cours du processus d'éducation. L'apprentissage de ces
connaissances se réalise surtout à l'occasion des travaux
champêtres, de la chasse ou de la collecte des ressources
végétales pendant lequel les aînés apprennent aux
cadets les parties de plantes (les racines, le bois les feuille et les fruits)
qui sont l'objet de tabou. En outre, l'auteur nous fait remarquer qu'au sein de
chaque groupe ethnique, il existe des contes, des mythes et des légendes
populaires qui contribuent à la diffusion et à la
perpétuation des connaissances liées à l'environnement. Il
poursuit en disant que toutefois, même si la connaissance, les valeurs et
les objectifs liés à l'environnement varient selon les groupes
sociaux, la fonction principale des interdits et des tabous est de
réglementer l'accès aux ressources naturelles et de
protéger l'environnement.
En résumé, l'explication de repose sur les
stratégies traditionnelles de conservation. Ce sont bien les
règles coutumières qui codifient l'accès et l'utilisation
des ressources végétales au sein des communautés locales.
Et les règles locales de classification distinguent deux
catégories de plantes : les plantes comestibles ou ordinaires dont
l'usage est libre et les plantes totémiques sacrées dont
l'utilisation ordinaire est proscrite par les totems. Cependant, il note que
dans les croyances locales, le non-respect des normes sacrificielles et des
totems relatifs aux plantes sacrées expose les contrevenants ou leur
descendance à des maladies ou lamort. Il ajoute que toutefois,
l'utilisation des plantes sacrées est spécialement
autorisée pour les rites et les funérailles. Ainsi, pour les
communautés locales, les représentations et l'usage de
l'environnement sont donc structurés par une relation opératoire
qui combine l'utilité socio-économique et l'utilité
symbolique des ressources végétales. Pour ce faire, la production
des stratégies socioculturelles telle que les interdits par les
traditions locales a alors pour objectif de protéger les espèces
qui ont une grande utilité économique et culturelle pour les
ménages.
L'auteur conclut en disant que les paysages du Burkina Faso
sont peuplés de nombreuses ressources naturelles dont l'accès est
régi par les systèmes de valeurs culturelles locaux. La
domestication de ces ressources naturelles passe par la communication entre les
usagers et les forces magiques qui les protègent. Par conséquent,
Korbéogo souligne que, toute violation des principes totémiques
induit, selon l'imaginaire social, la manifestation des malheurs causés
par la colère des ancêtres et des génies protecteurs de la
brousse. De ce fait, les interdits liés aux usages des plantes jouent
une fonction idéologique en ce sens qu'ils sont censés contribuer
au maintien de l'ordre cosmique des communautés locales. Il nous fait
constater également, que le nombre d'espèces que les populations
locales peuvent identifier, nommer et classer est supérieur au nombre
d'espèces qu'elles utilisent dans l'alimentation, l'élevage, les
soins de santé et les rites. Et pour lui, ce n'est donc pas
exclusivement les intérêts économiques qui guident
l'attention et la connaissance des populations sur leur environnement. Mais de
façon générale, il convient de retenir que toutes les
espèces de la brousse sont utiles mais les possibilités de leur
utilisation dépendent des savoirs et des capacités de
domestication des communautés paysannes locales. Ainsi, l'approche de
Korbéogo qui s'organise autour d'une préoccupation centrale,
l'étude des stratégies socioculturelles de conservation de la
biodiversité est donc très proche de ce travail et en inspirera
le cadre théorique.
L'analyse de Lavergne et Vera (1989) est orientée vers
la pharmacopée traditionnelle de l'Ile de la Réunion. En effet,
ils soulignent qu'il existe dans ce pays un paradoxe dans la mesure où
on trouve partout, même dans les endroits les plus reculés une ou
plusieurs pharmacies. Et partout une grande partie de la population se soigne
à l'aide de plantes et les "tisaneurs" sont encore nombreux. Selon eux,
pour mieux appréhender l'importance de la pharmacopée
traditionnelle et ses racines, il faut exposer tous les éléments
qui participent à cette médecine populaire originale. De plus,
leur étude a permis de découvrir les "tisaneurs" qui
préparent des mélanges de plantes cueillies dans la forêt
environnante, dans lesmontagnes, et qui ont reçu leur don d'un vieux
"tisaneur". Ce savoir est transmis oralement de génération en
génération et entaché de superstitions et de sorcellerie.
En outre, ils montrent qu'à côté de ces "tisaneurs" un peu
sorciers, il y a des hommes et des femmes qui ressemblent plus à des
simples herboristes qui cueillent et vendent leurs plantes.
Dans une perspective voisine, Guinko (1977) nous donne une
réflexion théorique sur l'utilisation des plantes naturelles pour
les affections fréquemment rencontrées comme la diarrhée,
la dysenterie infantile, la jaunisse, le paludisme chez les Bissa du Burkina
Faso. Il constate que bien avant la période coloniale, les Bissa
connaissaient parfaitement leur maladie et savaient composer les remèdes
végétaux pour se soigner. De plus, il fait remarquer qu'avec le
coût de plus en plus excessif des médicaments modernes
importés, les gens se tournent progressivement vers cette
phytothérapie traditionnelle qui dans certains cas de maladies, donne
des résultats satisfaisants. Pour lui, toutes espèces
végétales qui entrent dans cette phytothérapie
traditionnelle portent en Bissa un nom propre qui subit des variations suivant
les localités. A partir de cet état de fait, il distingue deux
formes de la médecine traditionnelle en pays bissa, à savoir :
La forme populaire qui intéresse les maladies les plus
courantes et qui est pratiquée par tous les adultes et surtout les
femmes mères. Aucun secret n'entoure les préparations
médicinales utilisées et on obtient facilement les informations
sur les plantes utilisées contre ces maladies courantes.
La deuxième forme secrète qui intéresse
les grandes maladies rares et qui est pratiquée par des
guérisseurs professionnels ou médecins traditionnels
spécialisés. Il remarque que ces guérisseurs gardent
très secrètement les enseignements sur les plantes
utilisées contre ces maladies dangereuses et seuls les enfants reconnus
comme enfants des vieux (enfants disposés à servir les vieux
à tout moment) peuvent obtenir ces renseignements de leurs parents
guérisseurs
S'inscrivant dans un contexte plus large de la
phytothérapie traditionnelle, Dim Dolobsom (1934) dans son ouvrage
Les secrets des sorciers noirs, montre comment on soigne les maladies
dans nos sociétés ainsi que la vertu des plantes. Il part du
principe qu'aujourd'hui, malgré que bien de maladies soient combattues
avec succès par la découverte scientifique, il peut apparaitre
paradoxal de décrire les procédés "primitifs" qu'utilisent
les indigènes pour soigner leurs maux : ils les traitent par les
plantes, dit-il. Et dans certains cas, l'efficacité de ces plantes est
incontestable. En effet, il fait savoir que bon nombre de personnes ont
été préservées de la fièvre jaune
grâce à l'emploi constant soit de tisane, soit en infusant pour
bain, de la plante connu sous le nom « sompiga » en moore et
de « benguefira » ou « benfuegala » en
bambara et en wolof. La fièvre paludéenne combattue grâce
à un usage constant de la quinine, de l'aspirine ou des piqûres ne
résiste pas non plus à quelques infusions de plantes
bienfaisantes de la brousse. Mais, l'auteur ajoute, qu'il faut faire
abstraction de toute la magie qui accompagne la coupe des écorces ou
l'extraction des racines qui, à son avis, n'est qu'un moyen
employé par les féticheurs pour exploiter la
crédulité de l'indigène. De plus, il reproche
également aux herboristes indigènes de ne pas savoir limiter la
dose à chaque cas particulier. Il en vient à la conclusion selon
laquelle, la société est organisée de manière
à lutter de son mieux contre l'hostilité de l'ambiance et elle
exploite les moindres possibilités de la nature dans sa contexture
serrée. De ce fait, l'individu n'est point abandonné au hasard ;
il appartient à un clan hiérarchisé dans lequel il
obéit à la coutume mis en place par ses aïeux pour s'adapter
aux lutes et aux nécessités de la brousse, comprendre ses
exigences, prévoir et éviter l'évènement
fortuit.
L'article de Durkheim et Mauss (1903) nous fait voir une
diversité de systèmes de classifications existant dans les
sociétés "primitives" (par phratries et par classe matrimoniale).
En effet, ils partent de l'hypothèse selon laquelle les idées ne
se regroupent pas seulement d'après leurs affinités naturelles,
mais aussi suivant les rapports qu'elles soutiennent avec les mouvements pour
dire que la classification n'est pas seulement un produit de l'activité
individuelle si l'on tient compte de la manière dont nous l'entendons et
la pratiquons. De ce fait, ils conçoivent que classer les choses, c'est
les ranger en groupes distincts les uns les autres, séparés par
des lignes de démarcation nettement déterminées. Pour eux,
l'importance de cette classification est telle qu'elle s'étend à
tous les faits de la vie et il y a d'innombrables sociétés
où c'est dans le conte étiologique que réside toute
l'histoire naturelle, dans les métamorphoses, toute la
spéculation sur les espèces végétales et animales
dans les cycles divinatoires, les cercles et carrés magiques toute la
prévision scientifique. En outre, au-delà de ces systèmes
de classification les plus humbles (par phratries et par classe matrimoniale),
Durkheim et Mauss montrent également un autre système de
classification, plus complexe et peut être plus caractéristique
qui est celui où les choses sont réparties non plus par phratries
et par classe matrimoniale, mais par phratries et par clans ou totems. Ils
soulignent d'abord que ces relations sont conçues sous la forme de
relation de parenté plus ou moins prochaine par rapport à
l'individu. Par ailleurs, ces auteurs ont noté que des changements sont
survenus dans la structure sociale et qui ont altérés
l'économie de cessystèmes sans pour autant la rendre
méconnaissable. Ces changements sont en partie dus à ces
classifications elles-mêmes, car caractérisées par des
idées qui y sont organisées sur un modèle qui est fourni
par la société. De ce fait, la classification est reliée
à l'ensemble du système par le fait que chacun des
éléments est localisé dans une division fondamentale. Et
elle a pour objet non pas la facilité de l'action mais de rendre
intelligible les relations qui existent entre les êtres étant
donné que certains concepts, considérés comme
fondamentaux, l'esprit éprouve le besoin d'y rattacher les notions qu'il
se fait des autres choses. Ce qui les a permis de mieux préciser en quoi
consiste cet anthropocentrisme qu'ils appelleraient mieux du sociocentrisme.
Pour eux, le centre des premiers de la nature, n'est pas l'individu mais la
société dans la mesure où c'est elle qui s'objective et
non l'individu. Et c'est en vertu de la même disposition mentale que tant
de peuples ont placé le centre du monde « Le nombril de la terre
» dans leur capitale politique ou religieuse. C'est-à-dire
là où se trouve le centre de leur vie morale.
De même encore, mais dans un autre ordre d'idées
qu'ils constatent que la créatrice de l'univers et de tout ce qui s'y
trouve a d'abord été conçue comme l'ancêtre
mythique, générateur de la société (ce qui est
compréhensible pour les romains et même pour les Zuns, l'est moins
pour les habitants de l'île de pâques ; mais l'idée est
parfaitement partout naturelle). De façon synthétique, Durkheim
et Mauss stipulent que la pression exercée par le groupe social sur
chacun de ses membres ne permet pas aux individus de juger en liberté
les notions que la société a élaborées
elle-même et où elle a mis quelque chose de sa
personnalité. De pareilles constructions sont sacrées pour les
particuliers. Ils en arrivent à la conclusion que c'est le cadre
même de toute classification qui est un ensemble d'habitudes mentales en
vertu desquelles nous nous représentons les êtres et les faits
sous la forme de groupes coordonnés et subordonnés les uns les
autres. Même des idées aussi abstraites que celles de temps et de
l'espace sont à chaque moment de leur histoire, en rapport étroit
avec l'organisation sociale correspondante. Cet article, dans la
compréhension de notre problématique, s'inscrit dans une
perspective de catégorisation, de regroupement des espèces en
fonction des deux pathologies retenues dans le cadre de notre travail ; en
fonction des parties (feuilles, tige, racine, écorces...).
1.2- La construction
sociale de la maladie
La construction sociale de la maladie peut être
considérée comme l'ensemble des représentations, des
perceptions qu'une société donnée se fait de la maladie,
pour un énoncé étiologique à partir des formes
nosologiques.
L'oeuvre de Fainzang (1986) est considérable en ce sens
qu'elle s'articule autour de deux axes de recherche à savoir les
énoncées étiologiques et les recours thérapeutiques
des malades. Dans la première thématique, elle introduit une
présentation des principales figures de la religion bissa (Dieu,
ancêtres, génies) à l'oeuvre dans l'interprétation
de la maladie ainsi qu'une tentative de mise en forme nosologique
effectuée à partir des" noms de maladies" qui incluent et
examinent de nombreuses maladies à étiologie "naturelle"
appelées "simple" ou "maladie de Dieu" par les populations locales. Dans
son deuxième axe de recherche relatif aux stratégies
thérapeutiques, Fainzang examine le recours aussi bien aux
guérisseurs aux devins qu'aux dispensaires. Elle y fait valoir la "non
exclusivité" de ces différents recours et surtout celles des
diverses représentations que chacun d'entre eux sous-tend. A partir de
l'exemple de l'onchocercose, elle montre que la pensée symbolique
fonctionne par accumulation non exclusive de représentation et non pas
par esprit de synthèse ou une information peut en annuler une autre. A
cet effet, elle signale que la relation entre médecine
"traditionnelle"(guérisseurs, devins) et médecine « moderne
» (infirmiers, médecins) semble parfois s'ajuster dans un rapport
de complémentarité et non de rivalité en fonction des
diverses pathologies.
C'est dans cette perspective que Bibeau (1978) analyse
l'organisation Ngbandi des noms des maladies en examinant le système
médical du point de vue de la nosologie, en faisant ressortir les
principes présidents à la nomination des maladies ainsi
qu'à "l'organisation différentielle" des formes pathologiques
entre elles . Pour lui, les axes fondamentaux de la construction de la
nosologie ngbandis ne peuvent être mis en évidence que par le
biais d'une analyse culturelle centrée sur la réalité de
la maladie dans le vécu physique psychologique de l'individu malade,
dans l'interprétation socioculturelle de l'épisode pathologique
et dans la stratégie thérapeutique mise en oeuvre pour lutter
contre la maladie. Ainsi, il stipule que la maladie chez les A ngbandi ne peut
pas être envisagée en dehors de leur insertion dans l'ensemble de
leur système médical qui, par son caractère
compréhensif, jette un pont entre l'approche biomédicale et
l'approche culturelle. Enfin, le but de Biveau était de montrer qu'il
existe un lien organique entre le model médical propre àune
culture ; la conception que cette culture se fait de la maladie et de la
terminologie qu'elle utilise pour se référer verbalement aux
maladies.
Ce système de représentation est plus
perceptible dans Sociologie de la Maladie et de la Médecine, ou
Adam et Ehrlich (1994) opèrent une rupture avec la conception selon
laquelle la maladie et la mort sont des réalités
décryptables uniquement sur le plan biologique. C'est ainsi que ces
auteurs nous montrent les différentes manières dont la maladie
est dans notre société, liée au social et pour une analyse
objective, on doit en premier lieu s'attacher à sa nature et à sa
distribution car pour eux, les maladies sont différentes selon les
époques et les conditions sociales. De ce fait, pour eux, la
santé et la maladie se définissent donc en fonction des exigences
et des attentes liées à notre environnement, à nos
insertions, à nos relations familiales et professionnelles et
constituent au sens propre, des états sociaux. Par ailleurs, nos deux
auteurs stipulent que tout évènement important dans l'existence
humaine demande une explication et on doit en comprendre la nature et lui
trouver des causes. A cet effet, ils s'appuient sur "l'expérience de
la douleur" développée par Zoboroswki pour dire que le
"modelage culturel" englobe aussi au-delà de la perception et de
l'expression des symptômes ce qui est défini comme maladie dans
une société donnée
Le point de vue dans lequel se situe Freidson (1984), dans son
ouvrage est celui d'appréhender La Profession Médicale
dans la perspective d'une nouvelle compréhension de la maladie car
l'évidence « physique » « naturelle » de la maladie,
de la santé, de la mort est impossible à éluder. De ce
fait, il entend montrer que la maladie et la santé sont aussi des
catégories sociales construites par le savoir et la pratique du
médecin. Avec l'apparition de la médecine comme profession
consultante, la maladie donnera lieu à un diagnostic dans toutes les
sociétés mais les façons de gérer sont très
différentes. Raison pour laquelle on remarque que dans la plupart des
sociétés certains individus passent pour avoir des connaissances
spéciales en matière de la maladie et de traitement ; les malades
ou leur famille ont donc recours à eux. La médecine semble alors
régner l'idée que cette activité est liée au
diagnostic, au traitement des maladies et le terme ainsi compris s'étend
à des pratiques individuelles d'autodiagnostic et
d'auto-thérapeutique que l'on observe dans les sociétés
élémentaires (folk médecine ou médecine
populaire) jusqu'aux recherches les plus ésotériques de la
biochimie. En outre, dans la construction sociale de la maladie, Freidson
analyse cette dernière comme déviance sociale du fait de son
état social. Dans cette condition, le monopole de la médecine
comprend le droit de" créer" la maladie en tant que "rôle" social
"reconnu". Selon lui, le comportement du" malade" diffère d'une culture
à une autre et il est souvent très indépendant de la
maladie et constitue une réalité par lui-même. Il ajoute
aussi que le comportement du guérisseur varie selon les cultures et de
ce que Mechanic appelle le « comportement de maladie » du patient, le
« comportement de diagnostic »et du « comportement
thérapeutique » du médecin. La maladie est dans ces
conditions, toujours une catégorie de déviation ou une
déviance par rapport à un ensemble de normes qui
représente la santé ou la normalité car nous la croyons
indépendante de la culture humaine (bien que la culture puisse avoir de
l'influence sur sa prévalence et son traitement) raison pour laquelle
nous avons l'impression qu'elle est différente, plus "objective" et plus
stable que des formes de déviance visiblement sociale, tel le crime.De
ce point de vue, il souligne que le diagnostic et le traitement sont des actes
sociaux aux hommes du fait qu'il découle de la connaissance humaine.
Prise ainsi, l'étiologie de la maladie n'est pas biologique, mais
sociale et elle provient des idées courantes dans la
société sur ce qu'est la malaise limitée peut être
quelque fois par des faits biologiques. Ainsi, sous sa forme sociale, la
maladie est une signification attribuée au comportement par l'acteur ou
par son entourage et par son entourage et qui commande le comportement de
maladie. Les variations du lieu, d'époque, de perspective signifie que
varie aussi la signification attribuée à tel ou tel comportement.
L'importance relative d'une telle considération sociale pour
définir une maladie à une époque donnée, constitue
une indication importante sur la nature de la société de cette
époque.
Par ailleurs, dans la représentation « profane
» de la maladie, l'auteur défend la thèse selon laquelle les
guérisseurs n'ont pas de problèmes dans une société
élémentaire parce qu'ils se spécialisent uniquement dans
un domaine que tout le monde connait : ils ne sont pas nettement
séparés de leurs patients par leur conception de la maladie et du
traitement, ils ont des chances de traiter tous ceux qu'ils estiment devoir
traiter. Selon lui, les individus diffèrent naturellement entre eux par
leurs réponses à la douleur et ses réponses à la
douleur sont prévisibles à partir de l'appartenance à un
groupe et les significations sociales qui lui sont attribuées sont
communes aux membres d'un même groupe. Cependant l'utilisation des
services médicaux dépendra aussi du niveau culturel des individus
et la définition vulgaire des symptômes de la maladie seront
importantes pour comprendre si les profanes se croient malades et si, se
croyant malades, ils vont consulter un médecin. Cela dit, ils sont
enclin à décrire leurs expériences de la maladie à
l'aide des notions tout à fait "dépassées". Les
connaissances et les attitudes manifestent d'une culture ou d'une "sous
culture" qui a plus de chance de leur donner des conceptions sur la maladie. Il
souligne qu'en imputant unesignification à son expérience, la
personne souffrante n'invente pas par elle-même les significations, mais
utilise celles que sa vie sociale lui fournit. Et c'est ainsi qu'on peut
prévoir le comportement d'une série d'individus sans faire
référence à leurs caractéristiques individuelles,
mais seulement au continu de la vie sociale à laquelle ils
participent.
Cependant, il fait remarquer que la vie sociale n'est pas
seulement faite de son contenu mais aussi d'une structure : Une organisation
des relations interpersonnelles, c'est aussi celle-ci qui soutient, impose,
renforce la conformité à son contenu culturel. Il nous rappelle
qu'un individu dépend des autres pour obtenir les privilèges de
la maladie et le choix d'un médecin, la recherche d'une
psychothérapie qui confirment l'importance de ce processus social.
Ainsi, le « système référentiel » des profanes
sera défini par leur culture, leur savoir en ce qui concerne la
santé et les agents de santé, leur relation entre eux. Le
système a donc un contenu culturel, qu'il soit d'origine ethnique ou
socio-économique, un réseau ou une structure. La culture est
prise ici comme la variable dépendante qui est la clé du
processus social. De manière spécifique, Freidson dit que la
structure ou l'organisation de la communauté locale profane est aussi un
facteur qui joue sur l'utilisation des services médicaux. L'approche
théorique de ces auteurs, dans le cadre de notre travail s'inscrit dans
la perspective d'appréhension des choix thérapeutiques en
fonction des représentations de la maladie liée aux « effets
contextuels ».
Toujours dans la logique représentationnelle de la
maladie, Bonnet (1986), s'inscrivant dans le contexte particulier du Burkina
Faso montre à travers son étude « Représentations
culturelles du paludisme chez les Moosé du Burkina » que la
notion du paludisme dans cette société est assimilée aux
maux de tête et au "corps chaud". A partir d'une analyse
sémantique de cette notion, l'auteur montre la logique binaire opposant
le chaud et le frais. Cette logique selon Bonnet serait commune à de
nombreuses sociétés africaines et serait au fondement de la
nosographie et de la thérapeutique traditionnelle.
Dans le même contexte et dans la même dynamique
représentationnelle, l'étude de Dacher. (1992) sur « les
Représentations de la maladie chez les goins du Burkina Faso »
montre les différents procédés de nomination des
affections ainsi que les énoncés étiologiques. En effet,
à travers la logique binaire chaleur-fraicheur, l'auteur en vient
à la terminologie et aux conditions d'énonciations tout en
montrant que le mode goin de nomination des maladies dépend davantage
des conditions d'énonciation que d'un système nosographique
rigoureux. Selon Dacher, nommer une maladie, c'est souvent poser un diagnostic
et donc prétendre à un savoir. Or, le savoir dit l'auteur, est
fonction du statut social et selon qu'on interroge une femme ou un homme, un
jeune ou un vieux, un villageois ou un citadin, un habitué des
migrations en Côte-d'Ivoire, un scolarisé, etc., on n'obtient pas
la même réponse. En outre, il signale que la dénomination
des maladies part de ce que nous entendons par "maladie", ce que les villageois
considèrent subjectivement comme une maladie qu'eux ou leurs proches ont
subie (illness), à la fois les maladies socialement reconnues
(sickness) sur lesquelles eux-mêmes et les guérisseurs
peuvent fournir des informations.
Par ailleurs, l'analyse de l'auteur portant sur les maladies
à dénomination étrangère insiste sur le
problème du paludisme. En effet, il souligne que « la principale
maladie "venue d'ailleurs" n'est pas une entité nosologique isolable,
mais un continuum situé sur axe de gravité croissante : sumaya
-sumaya ba-jokuajo ». (1992 : 165-166)
De façon générale, l'étude de
Dacher montre le lien entre les conceptions de la maladie et le but ultime
recherché par cette société à savoir la
cohésion sociale.
1.3-La biomédecine
et son système de soin
Dans La médecine coloniale : mythes et
réalité, Lapeysonnie (1988), commence d'abord par nous faire
savoir que : la sagesse des nations, à défaut de la logique
formelle, nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de quoi
l'on parle. De ce fait, il nous invite à s'entendre sur le sens des mots
qui sont employés. Partant de là, il présente une analyse
des facteurs qui ont permis, l'utilisation optimale des ressources humaines et
financière mise en jeu et dont les plus visibles étaient
l'unité de doctrine, la cohésion dans l'exécution et le
suivi, autrement dit la persévérance dans l'effort. Ainsi, il est
question de la médecine coloniale, mais que faut-il entendre par
médecine colonial ? Pour l'auteur, c'est l'ensemble des
procédures techniques associées aux actions administrées
correspondantes qui ont donné à l'exercice de la médecine
aux colonies son caractère bien particulier et qui ont produit de bons
résultats dans beaucoup de domaines.
Cette médecine n'a duré qu'un demi-siècle
; c'est donc une époque, c'est aussi une des multiples facettes de l'art
médical. Selon lui, il n'y a certes, qu'une seule médecine en
tout temps et en tout lieu, celle qui associe la compétence technique et
la compassion. Les termes sont nécessaires et indissociables ce qui fait
de la médecine un métier pas comme les autres ; ce qui fait toute
la différence, dit l'auteur, ce sont les conditions dans lesquelles il
s'exerce et qui lui donne sa spécificité, pour ne pas dire sa
spécialisation. Il souligne que contrairement à ce que l'on
entend dire parfois et surtout écrire, la différence de niveau
sanitaire est plus grande de nos jours entre le Nord et le Sud (pays
développés et pays en développement) qu'elle ne
l'était jadis entre la métropole et les colonies. Il impute deux
causes à cette inégalité : le facteur technique et les
conditions socio-économiques. De plus, Lapaysonnie aborde la question
des fièvres en Afrique pour ne parler que d'elle, débilitante ou
mortelles, elles étaient les sources de tous les maux, la cause de tous
les décès. Il continue en disant que la fièvre est
considérée de nos jours toujours comme un symptôme d'alarme
et peut-être comme réaction de défense de l'organisme
infecté. Le paludisme, selon lui est au moins aussi vieux que l'histoire
écrite, puisque les textes assyriens, chaldéens,
égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans
ambiguïté et il n'a pas toujours été l'apanage des
tropiques : les Grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première
description clinique 400 ans avant notre ère ; on lui attribue la
décadence de Rome et il fut jusqu'à une période
récente un problème important de santé publique pour
beaucoup de pays occidentale. L'auteur ajoute en disant que la maladie se
développe alors sur fond de « médiocrité sociale
», voire de misère et sape les forces des Hommes, les
empêchant d'en sortir ; car la fièvre en elle-même n'est pas
toute la maladie. Elle fait son apparition, dit-il, chez le sujet
agressé et piqué par les anophèles femelles.
En ce qui concerne la fièvre jaune, l'auteur signale
que le virus amaril (de amarillo, « jaune » en espagnole) est
véhiculé par d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia)
d'un « jauneux » à un sujet sain, déterminait chez les
malheureux une hépatonéphrite le plus souvent mortel. A
l'origine, elle était appelé le « mal de siam » en
1492. Il note que de toutes les « maladies pestilentielles » comme on
a longtemps appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et
la fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le
potentiel le plus élevé de diffusion et de transfert à
distance. Le danger d'implantation de la fièvre jaune existe partout
où l'aède est présent, et notamment dans les zone
intertropicale. Son vecteur préférentiel, Aèdes
aegypti, est un insecte casanier qui vit dans et autour de la maison.
Au-delà de ce constat, il ajoute que les
autorités sanitaires sont mal informées de ce qui se passe en
brousse profonde. En outre, selon lui, les dispensaires sont des sentinelles
aveugles qui ne voient qu'un petit nombre de patients, souvent à un
stade avancé de leur maladie. Pour ce faire, il stipule que
l'orientation actuelle consiste donc à agir sur ce qui coûte cher
et neprofite qu'à une minorité, en multipliant les formations
sanitaires rurales (dispensaires et infirmeries) et en facilitant de toutes les
manières la mobilité des médecins.
Dans une perspective de collaboration entre les
médecines, Saint -Savin (1960) dans son ouvrage Magnétisme et
votre santé (1960) expose sa thèse qu'il a toujours
prônés et défendu, et en premier lieu la collaboration
entre les guérisseurs et les médecins. Il commence d'abord par
admirer ces grands médecine et ces grands chirurgiens tout en les
faisant comprendre qu'il croit tout de même aussi aux empiriques. Pour
lui lorsqu'une science ne connait pas son déterminisme total, il y a
toujours une place réservée à l'empirisme. Et il faut bien
reconnaître que la médecine ne connait pas totalité du
biologique. De ce fait, il doit donc y avoir une place réservée
à l'empirisme et aux empiriques. Selon l'auteur, ces empiriques, ce sont
eux que la vox populi appelle les guérisseurs. Et c'est un fait
que les guérisseurs existent depuis toujours et qu'il y en aura encore
toujours ou tout au moins jusqu'au jour où la médecine n'aura
plus de progrès à faire. De plus, il signale que depuis des
années, la question des guérisseurs a suscité des
polémiques car il y a ceux qui « y croient » aveuglement et
ceux qui « n'y croient pas». Mais croire aveuglement, comme il le
dit, est une position enfantine si elle n'est pas basée sur des
constatations sérieuses. Par contre la négation
systématique, a priori, n'est point non plus la marque d'un esprit
scientifique.
Ainsi à défaut de la logique formelle Saint
Savin commence par définir le guérisseur comme étant un
nomme ou une ferme qui soigne des malades sans être diplôme docteur
en médecine et autorisé à exercer. Et il y a toute une
variété de guérisseurs qui emploient les moyens les plus
divers. Pour ce faire, il est indiscutable que les guérisseurs soulagent
et même guérissent des malades. Sans cela, ils n'auraient point de
clientèle puisque cette clientèle se recrute le plus souvent par
une publicité de bouche à oreille, un malade satisfait en
envoyant d'autres. L'action du guérisseur est donc un fait social.
Cependant, il reconnait que seul, le médecin qui dispose de toutes les
ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. En répondant
une fois de plus à cette objection selon laquelle « les
guérisseurs sont des charlatans » Saint Savin fait savoir que le
charlatanstisme est abord une forme d'esprit. Qu'il y ait des charlatans parmi
les guérisseurs, il en est bien d'accord, mais ils sont loin d'avoir le
monopole, car il n'y a guère de profession, et même parmi les plus
nobles qui puissent compter des charlatans dans ses rangs. Pour lui, le
charlatan, c'est celui qui prétend posséder, seul, la
vérité et l'omnipotence. C'est lui qui s'en tient à un
dogme qu'il soit médical ou empirique et qui ne veut connaître que
ce dogme. Et il rappelle à cet effet que le malade n'est pas fait pour
le médecin, mais c'est plutôt le médecin qui est fait pour
le malade. Bien des malades qui viennent chez le guérisseur ont aussi
besoin d'un traitement médical principal ou accessoire. Il faut
évidemment que la médecine officielle reconnaisse l'aide
puissante que peuvent lui apporter tous ces auxiliaires que sont les
acupuncteurs, les magnétiseurs, phytothérapeutes.... De ce fait,
non seulement, la collaboration entre le médecin et le
guérisseur, loin de nuire au médecin, ne fait qu'augmenter la
confiance du malade.
En résumé, l'auteur demande la liberté
d'exercer leur art, mais une liberté contrôlée pour le bien
de tous, guérisseurs et médecins, et surtout de ceux qui seuls,
doivent nous intéresser : les malades.
S'inscrivant dans la perspective des inégalités
de soins dans le contexte européen, Fassin (2000) dans le chapitre
« qualifier les inégalités », les présente non
plus dans le langage des chiffres comme ce fut le cas dans l'approche
quantitative, mais bien plutôt dans une approche qualitative dans
laquelle il aborde trois aspects : la définition de l'objet des
inégalités de santé, la prise en considération des
dynamiques qui les sous-tendent et la démarche d'interprétation
qui en rend compte. Mais avant, il souligne que dans la perspective d'une
étude des inégalités sociales et particulièrement
de santé, les disparités ne peuvent donc être
appréhendées en tant que telles, puisque l'on méconnait
les représentations et les pratiques des classes moyennes ou
aisées.Selon Fassin, dans les sciences sociales il s'agit en revanche
d'appréhender des processus par lequel le social s'inscrit dans le
corps. Le raisonnement porte sur l'éventualité que les faits
observés soient liés entre eux par des enchaînements et des
mécanismes. Selon cette démarche sociologique de l'auteur, le
monde social est représenté comme un espace de relations dans
lequel s'inscrivent les expériences individuelles même si des
sociologues et des anthropologues sont loin d'être consensuelles sur ce
point. En termes d'inégalités de santé, il s'agit
assurément plus d'un problème de qualité de vie que de
quantité de survie, encore que l'on ignore les effets du diagnostic
retardé des médicaments pas achetés, de la nourriture
insuffisante, de l'état de profond découragement.
Les travaux de Ridde (2007) constituent un exemple de la
première approche. Cet auteur, dans « Equité et mise en
oeuvre de politiques de santé au Burkina Faso » s'inscrit dans
d'une perspective d'analyse des processus de mise en oeuvre de l'Initiative de
Bamako, le rôle et la rencontre des acteurs sociaux dans l'organisation
de la politique et le choix de ses instruments ainsi que la
représentation du concept d'équité (justice sociale) chez
les acteurs burkinabé. En effet, il stipule que depuis 30 ans en
Afrique, de nombreuses politiquespubliques de santé ont
été formulées dans le but équitable
d'améliorer l'accès aux soins des plus pauvres, et ce, suivant la
stratégie des soins de santé primaires de l'OMS adopté
à Alma-Ata en 1978 qui voulait instaurer plus d'équité en
matière de santé. Cependant, l'auteur note que les
inégalités d'accès aux services de santé perdurent,
les indigents sont toujours exclus et les bénéfices tirés
du paiement des services et des médicaments ne sont pas employés
en faveur de l'équité d'accès.Ainsi, Ridde tente de rendre
intelligible cette occultation de la composante équitable des politiques
de santé traduite dans le concept de soins de santé primaires
(SSP) énoncé pour la première fois en 1977. Partant de
là, il signale que la question de l'équité semblait en
effet diviser la communauté internationale de santé publique
d'autant plus que les rapports entre la santé et l'argent (rythme de
dépenses, circonstances, montants) sont bien différents selon le
choix du mode de soins (moderne contre traditionnel) de la part de la
population. Sans pour autant croire que la définition de
l'efficacité est simple, pour l'auteur, celle de l'équité
est beaucoup plus subjective car sa définition correspond à des
valeurs propres à chaque société. De ce fait , il propose
une définition de l'équité non pas applicable à
l'état de santé de la population mais plutôt au
système de santé (l'utilisation des services et l'accès
aux services de santé) qui doit exclusivement se fonder sur les besoins
des individus et non des considérations ethniques, économiques,
politiques ou sociales dans la mesure où les déterminants de
l'utilisation sont nombreux (géographique, culture,...) et les
capacités économiques des ménages ne sont pas les seuls
influençant l'accès aux soins.
S'agissant des causes des inégalités sociales et
d'accès aux soins il les considère sous l'angle de l'existence
des « inégalités d'accès aux soins de santé
» car les problèmes de ce que les économistes nomment les
coûts indirects sont donc résolus, mais pas ceux des coûts
directs. De ce fait, l'équation « argent-accès » semble
très souvent mise en avant que ce soit dans des termes profanes ou
experts même s'il peut exister quelques exceptions. Outre, cet impossible
accès aux soins pour certains, il subsiste des inégalités
d'accès relatives au délai entre la survenue d'une maladie et le
premier contact avec une formation sanitaire. Pour lui, il faut prendre en
considération le temps requis par les plus pauvres lorsqu'ils le peuvent
pour mobiliser des ressources, par une vente de biens ou un emprunt. L'auteur
continue en disant qu'habituellement, outre les services de santé dits
modernes, deux autres recours aux soins existent : l'automédication et
les tradipraticiens, même si cela peut être encore plus complexe
que cette simple dichotomie.Ainsi l'inégalité se constate dans le
fait que les plus pauvres s'orienteront en premier lieu vers l'une ou l'autre
solution pour contrebalancer le coût prohibitif des services publics.
Pour lui, le système de santé et les inégalités
d'accès aux soins est relatif à la qualité des soins et
l'inégal accès est aussi causé par le paiement des soins
qui impose un fardeau financier supplémentaire aux plus pauvres et
grève l'économie familiale.
La seconde tendance, centrée sur l'analyse de la
disparité géographique des structures de soins est
illustrée à travers les travaux de Meunier (2000) qui a fait le
constat d'une couverture en structures de soins assez dense mais marquée
par des disparités. Les établissements de soins et
équipements publics répondent à une politique menée
par l'Etat et sont ainsi le reflet des considérations des
autorités politiques et donc de l'organisation territoriale du pays. De
ce fait, elle souligne que l'implantation des formations sanitaires n'est pas
guidée par des problèmes sanitaires mais par les densités
de personnes susceptibles d'utiliser ces services. Ainsi, elle note que le
pouvoir fonctionne sur un modèle hiérarchique et
centralisé donc sur une forme pyramidale. Et le réseau sanitaire,
accompagné d'un contrôle de l'espace par l'Etat, se justifie par
les préférences spatiales observées dans la localisation
des établissements. C'est en ce sens que l'offre de soins est
l'expression de la vision de l'espace par le pouvoir politique tout comme la
politique sanitaire du pays est l'expression de la vision des problèmes
par les organismes internationaux (exemple de l'OMS). Elle ajoute que le
système de soin est un marqueur de l'espace et l'étude de son
évolution dans le temps est indispensable pour montrer que l'offre de
soin est héritière du passé.La priorité, dit
l'auteure, semble d'abord l'équipement avant la lutte contre les
maladies ceci se retrouve à travers les activités des services
que confirme leur localisation. Depuis quelques années, elle souligne
que la politique de santé se réoriente vers les soins de
santé primaires par une redistribution des structures de soins en faveur
des zones rurales et consacre la santé publique. Ceci se
concrétise par une redéfinition des échelons à la
base du système sanitaire de sorte que ce dernier s'accorde avec la
déclaration d'Alma Ata dont l'ambition était « la
santé pour tous d'ici l'an 2000 ».
Dans la deuxième partie de son ouvrage, Meunier aborde
la question de l'impossible rencontre entre une offre en hausse et une
fréquentation en baisse. En effet, elle affirme que malgré les
disparités observées en périphérie de la province,
l'offre de soins paraît dans l'ensemble assez proche des populations. Or
les milieux humains changent et les pathologies qui sévissent sont
très variables, elles créent un ensemble de maladies naturelles
ou liées à un environnement magico-religieux qui ne peuvent
être soignées dans le cadre d'un système de santé
public. Dans ce cas, l'auteure se demande comment des normes de santé
internationales peuvent- elles justifier une telle situation ? Selon Meunier,
si la carte sanitaire est soumise à des contraintes imposées par
l'Etat, les choix thérapeutiques suivent d'autres contraintes,
généralement financières. Ce qui fait que le recours
à la médecine moderne n'est pas systématique pout tous les
individus et beaucoup d'éléments entre jeu : le type de malade,
les relations établies avec l'infirmier, la distance par rapport au
CSPS, les disponibilités financières, l'âge du malade. Les
comportements sont donc différents face à la maladie et il est
difficile d'établir des itinéraires types suivis par les
villageois. L'échec du traitement par automédication et
l'aggravation du mal incitent dans le cas échéant à
recourir à la médicine moderne. Le choix de consulter ou non au
CSPS sont motivés par différents éléments : d'une
part, l'habitude, la perception du mal par chaque individu est très
importante, d'autre part, le CSPS est choisi en premier recours soit par
crainte de l'infirmier qui souvent réprimande le malade parce qu'il a
trop attendu pour venir le consulter soit par peur du mal. Pour Meunier les
disponibilités financières seront un élément
décisif de la non fréquentation du CSPS pour certaines familles
trop pauvres, pour d'autres, si les médicaments ne sont pas
donnés gratuitement lors de la consultation elles
préfèrent recourir aux guérisseurs. Selon les travaux de
Meunier, la médecine moderne existe en parallèle à la
médecine traditionnelle beaucoup plus ancienne et employée en
premier recours par les 3/4 des populations dans les villages. Pour elle donc,
la politique sanitaire burkinabè est calquée sur une conception
théorique de l'espace privée de sa composante sociale. Et
même si le rythme de croissance des structures n'est pas égale
à celui de la population, un paradoxe apparaît car plus ces
structures de soins se développent, moins elles sont utilisées
alors que la population continue de croître.
Nos ouvrages de référence s'inscrivent dans une
perspective analytique de la biomédecine et de ses corollaires comme les
inégalités du système de santé (de type vertical)
qui est organisé suivant les principes de l'initiative de Bamako(IB).
Cette structuration de l'offre sanitaire étatique ne tient pas toujours
compte de la variation de la demande sanitaire tout comme des conditions
socioéconomiques et culturelles des agents sociaux.
En nous inspirant des différentes thèses
soutenues par nos auteurs de référence, la question qui servira
de fil conducteur à cette réflexion peut être
formulée comme suit : quelles sont les connaissances locales et
les modes d'utilisation des plantes médicinales entrant dans le
traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des
cascades ?
2- LA PROBLEMATIQUE DE
RECHERCHE
Un examen sociologique de la maladie (en tant que
déviance d'une norme "positive" et "active" qu'est la santé
optimale) et de son traitement requiert une analyse profonde de ses
représentations sociales tout comme des stratégies
thérapeutiques des populations d'étude. En effet, le diagnostic
et le traitement ne sont pas des actes biologiques communs, mais des actes
sociaux particuliers aux Hommes suivant que la maladie relève d'une
cause sociale ou individuelle, "naturelle" ou "surnaturelle". De ce fait, les
malades auront d'une manière générale, en vertu d'un
principe fondamental de la législation sanitaire, le libre choix de leur
thérapie, de leurs praticiens et de leurs systèmes
médicaux. Cette question qui a longtemps suscitée une certaine
concurrence entre les pratiques traditionnelles "empiristes" et "symbolistes"
de soins d'une part, et d'autre part, les pratiques traditionnelles et
pratiques biomédicales demeurent toujours une réalité dans
la société. Au-delà de cet antagonisme,
l'intérêt de cette étude est de comprendre et d'expliquer
les connaissances locales, les modes d'utilisation et les conditions
d'accès liés aux plantes médicinales dans le traitement du
paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades.
Cette interrogation, pour être féconde, doit
tenir compte de la manière dont les catégories cognitives qui
caractérisent le savoir émanant des « univers consensuels
» (Schurmans, 1990) prennent sens pour l'action. Les connaissances locales
et les modes d'utilisation des différentes catégories de plantes
médicinales entrant dans la thérapie de ces pathologies sont
définies suivant la nature des plantes, les caractéristiques
socioculturelles des usagers et un système de représentation
touchant en particulier ces maladies et leurs symptômes dans la mesure
où ils ne sont pas des faits "objectifs" car, toujours commandés
par des jugements de valeurs et un système de croyances dans lequel
l'individu est impliqué.
Cependant, les difficultés objectives à prendre
en compte toutes les différentes plantes médicinales dans le
traitement des maladies nous paraissent évidentes. Pour ce faire, la
présente recherche se bornera à investiguer les connaissances
locales et les modes d'utilisation des plantes entrant dans le traitement du
paludisme et de la fièvre jaune. Nous savons pourtant que ces
connaissances et processus d'utilisation ne peuvent s'élaborer en dehors
de la structure sociale et du schéma de pensée sur la maladie
étant donné qu'ils sont produits et marqueurs de nos
systèmes sociaux de classement. C'est dans cette même
configuration que Durkheim et Mauss analysent :
« La classification comme étant un ensemble
d'habitudes mentales en vertu desquelles nous nous représentons les
êtres, les faits sous la forme de groupes coordonnés et
subordonnés des uns aux autres ; même des idées aussi
abstraites que celles de temps ou de l'espace sont à chaque moment de
leur histoire, en rapport avec l'organisation sociale correspondante (1903
: 229) ».
Ce qui démontre que la réalité sociale
telle que l'action thérapeutique n'est pas une réalité
physique ou mathématique comme le souligne Genest en ces termes : «
Le système de croyances est un tout qui a sa logique propre selon chaque
société et qu'il conditionne l'ensemble des comportements en
matière médicale comme ailleurs (1978 : 12)».
Ainsi, la démythification de la médecine
traditionnelle, occasionnée par la découverte scientifique et les
progrès sanitaires qui accompagnent la mise en oeuvre d'un
système médical moderne pour le traitement des maladies, entraine
une utilisation corrélative des institutions de santé suivant
"une interprétation socioculturelle de l'épisode pathologique".
C'est en ce sens que Freidson constate que « naturellement, les individus
diffèrent entre eux par leurs réponses à la douleur, les
réponses à la douleur sont prévisibles à partir de
l'appartenance à un groupe et les significations sociales
attribuées à la douleur sont communes aux membres d'un même
groupe (1984 : 279)». Ces différentes constructions sociales de la
maladie et des stratégies thérapeutiques découlent
essentiellement d'un niveau de connaissances et d'expériences
socioculturelles et environnementales de la population locale. Et comme nous
pouvons le soutenir, ces "liens de signification" ont simplement
enseigné « la connaissance des maladies - pathologie externe,
pathologie interne - et celle des espèces végétaux propre
à assurer la guérison » (Kerharo et Bouquet : 1950 : 94).
Dans cette société médicale au model
"holistique" où tout devient thérapie, le corps devient "corps
social" et la médecine "médecine de la société",
les connaissances et les expériences produisent ce que Freidson (1984)
appelle "une culture ou une "sous culture" qui a plus de chance de donner des
conceptions sur la maladie". C'est ainsi que la population locale manifeste un
intérêt particulier aux plantes médicinales, plus proches
et faisant partie de leur environnement immédiat. A ce titre, une place
de choix leur est accordée et l'on pourrait ainsi dire que l'ensemble de
la communauté est investie de la mission curative même si certains
en sont des spécialistes.
La juxtaposition de la nouvelle forme "technocratique" de
soins de santé primaire, se révèle sélective
d'autant qu'elle s'article non pas à une approche "emic" mais à
une approche"etic" de la maladie, non pas au geste symbolique, mais au pouvoir
d'achat, non pas à la satisfaction morale, mais à
l'efficacité. Ce dispositif fonctionnel et hiérarchique pour
être admis, établit une collaboration opératoire entre les
médecines à travers une "une causalité en chaine"
conceptualisée des états de santé.
Cependant, les "chances" d'accès et d'utilisation de
cette institution médicale dépendent des ressources
monétaires immédiatement mobilisables des ménages.
Autrement dit, le recours à la biomédecine est
déterminé par les conditions socio-économiques de la
population locale. D'où "le modelage de la santé par la position
sociale".
Cette survivance des inégalités d'accès
aux soins pourrait entrainer une désaffection relative du système
sanitaire moderne et générer du même coup une forme
d'altérité médicale dans un contexte de pluralisme
thérapeutique. L'explication sociologique de cette réalité
sociale (exemple de la sous-utilisation des services de santé, ou l'acte
empiriste et symboliste de soin) nous invite ainsi à revisiter la
"sémiologie" du paludisme, de la fièvre jaune et leurs
correspondances avec le diagnostic médical tout comme les
catégories sociales des utilisateurs et leurs représentations
sociales de la biomédecine. En outre, il s'agira d'examiner les modes de
tarification réels et les inégalités des services
médicaux ainsi que la qualité des soins et des équipements
qui informent la trame relationnelle entre soignants/soignés.
En somme, nous analysons les connaissances et les modes
d'utilisation des plantes médicinales en tant qu'objet de production
sociale dans les configurations sociales de Diarrabakôkô.
3- OBJECTIFS DE LA
RECHERCHE
3.1-Objectif Principal
L'objectif principal de notre étude est
d'appréhender les connaissances locales, les modes d'utilisation des
plantes médicinales ainsi que le profil socio-économique de leurs
usagers dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans le
village de Diarabakôkô.
3.2- Objectifs
secondaires
- Comprendre les représentations de la population
locale sur le paludisme et la fièvre jaune.
- Comprendre les expériences sociales locales
liées à ces deux maladies.
- Appréhender les connaissances et les modes
d'utilisation des plantes médicinales par les populations locales
- Comprendre leurs perceptions et les déterminants
sociaux de leur fréquentation des formations sanitaires modernes.
4- HYPOTHESES DE LA
RECHERCHE
4.1-Hypothèse
Principale
L'utilisation des plantes médicinales dans le
traitement du paludisme et de la fièvre jaune est liée aux
représentations sociales et à l'expérience de ces maladies
et de l'environnement tout comme aux rapports sociaux avec les structures
sanitaires modernes.
4. 2-Hypothèses
Secondaires
- Les représentations sociales locales du paludisme et
de la fièvre jaune orientent la population vers les
plantes médicinales.
- L'utilisation des plantes médicinales est liée
à l'expérience sociale de ces deux pathologies.
- Les connaissances sur les plantes et leurs modes
d'utilisation guident le choix de la phytothérapie par les populations
locales.
- Les perceptions des formations sanitaires orientent la
population locale vers les plantes médicinales.
- Le recours aux plantes médicinales est lié
à la distance sociale et socioéconomique qui sépare les
populations locales aux services médicaux modernes.
5-DEFINITIONS DES CONCEPTS
Le concept étant un instrument heuristique de
découverte de la réalité sociale qui nécessite une
définition opératoire afin de faciliter la compréhension
du phénomène étudié. Et comme le stipule
Lapeysonnie « la sagesse des nations, à défaut de la
logique formelle nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de
quoi l'on parle (1998 : 1)».
· Connaissance / Savoir
Le lexique de sociologie (2007 :50) définit au sens
général le concept de connaissance comme l'ensemble des savoir
disponible dans un espace social. Le terme est souvent utilisé de
façon spécifique pour en distinguer les différentes formes
(connaissance scientifique, technique, de sens commun). Les approches
sociologiques font l'objet de nombreux débats. Le premier a trait
à la détermination sociale des connaissances. Pour Durkheim
(lexique de sociologie), le caractère collectif de la connaissance est
un critère de validité : les sociétés devenant de
plus en plus rationnelles, les connaissances qu'elles produisent sont de plus
en plus assurées. Pour les marxistes au contraire, les rapports de
production conditionnent les formes de connaissance et l'usage qu'en font les
diverses classes sociales (lexique de sociologie).
Le second concerne l'objet d'une sociologie de la
connaissance. Gurvitch s'est attaché à étudier les formes
de la connaissance qui dépendent, selon lui, des « cadres sociaux
» dans lesquels elle s'est produite (société globale, classe
sociale ou groupe sociale). A l'opposé, les ethnométhodologies ne
font aucune différence entre les formes de connaissance et ne
s'intéressent qu'à leur aspect intersubjectif.
Olivier de Sardan (1995), dans un contexte large
appréhende le concept de savoir en procédant à une
confrontation des savoirs techniques (issus d'un système de savoirs
technico-scientifique cosmopolite et d'origine occidentale) et des «
savoirs populaires » (technique et non technique). Il souligne à
cet effet que les cultures africaines rurales ne font pas nécessairement
une nette distinction entre des savoirs « techniques » et quand elles
le font, n'y mettent pas nécessairement les mêmes contenus .tout
d'abord, elle a l'avantage de souligner que de nombreux savoirs populaires
locaux ont une base ou une visée empirique (ils correspondent à
ce Weber appelle la « rationalité en finalité ». En
second lieu, elle permet de différencier ces savoirs pratico-empiriques
des savoirs sociaux plus diffus, plus larges, plus spéculatifs (à
condition de ne jamais oublier que cette différenciation est relative et
mouvante). Pour lui donc, les savoirs populaires techniques constituent des
stocks de connaissances pragmatiques, opérationnelles qui couvrent tous
les domaines de la pratique sociale. Ils sont variables, multiples,
hétérogènes et inégalement répartis selon le
sexe, l'âge, le statut, le milieu social proche, la trajectoire
personnelle. Toutes les nuances existent entre un « sens commun »ou
un savoir routinier maitrisé à peu près par toute une
population villageoise, des savoirs symboliques et techniques propres à
sexe, une « caste » ou un groupe professionnel et des savoirs
individuels acquis au fil des pérégrinations.
Aussi, Olivier de Sardan se propose de distinguer au minimum savoirs
populaires communs et savoirs populaires spécialisés, car en
effet, certains savoirs populaires non spécialisés ne sont pour
autant pas communs. Entre ce qui fait figure d'un « don »
hérité et les connaissances sophistiquées, pour une bonne
part ritualisées d'un prêtre, des génies, il y'a un
fossé. Autrement dit il existe une inégalité dans la
profondeur du savoir entre profanes et spécialistes. Les savoirs
populaires techniques sont localisés, contextualités, empiriques,
là ou des savoirs technico-scientifiques sont standardisés,
uniformisés, uniformes. Ainsi, il signale qu'en matière de
santé nombre de pratiques populaires relèvent d'un savoir «
prosaïque »,non pas aux yeux de l'observateur extérieur qui
est en général mal placé pour décider ce qui est
magico religieux et ce qui ne l'est pas ,mais aux yeux des
intéressés eux-mêmes. Il y'a en effet une distinction entre
ce qui est « magico-religieux »et ce qui ne l'est pas, qui est
opérée dans toute culture mais dont les critères et la
frontière varient d'une culture a une autre. Il y'a autrement dit des
définitions « émiques » autochtones de ce qui ne l'est
pas. toujours dans le domaine de la santé ,on aura des pans entiers de
savoirs techniques populaires relevant clairement de la phytothérapie,
des « remèdes de grand-mère », ou de savoirs
spécialisés qui n'incorporent pas eux-mêmes des
opérations de type magico-religieux. D'autres séries de
représentants et de techniques thérapeutiques par contre,
impliquent des agents naturels(ou humains dotés de pouvoirs surnaturels)
: En ce cas, on peu d'aucune façon faire la part du « technique
»et du « magico-religieux ». En fait les savoirs populaires se
distinguent entre eux pour une bonne part en raison de la nature même de
leurs référents empiriques. Autrement dit, ils sont soumis, selon
les domaines auxquels ils sont soumis, selon les domaines auxquels ils
s'appliquent, à des systèmes de contraintes distincts qui
induisent des configurations dont les logiques, les assemblages, et les
contenus diffèrent.
Erny (1988) dans une perspective voisine, distingue en Afrique
noire, des degrés et des formes de savoirs. Pour lui, il existe d'une
part une connaissance technique véritable, unscience empirique
doublée d'un savoir-faire, dont les porteurs sont des médecins,
des guérisseurs, des matrones expérimentées. Dans un tout
autre registre, se place selon lui, le savoir de types
ésotériques auquel on n'accède que par une initiation
lente et progressive et dont le but n'est pas l'exercice d'un art ou d'une
profession, mais la compréhension des choses et une saisie en profondeur
du dynamisme universel. L'auteur conclut par le savoir de l'homme moyen qui
pour lui, a aussi un certain nombre de connaissances techniques, mais
incomplètes, partielles. Ce sont d'une part, les catégories de la
pensée ordinaire qui servent aux spéculations
ésotéristes. D'autre part, il se produit toujours un
phénomène de vulgarisation de sorte que l'ensemble de la
population véhicule un certains nombres de connaissances dont il
n'arrive cependant pas à percevoir toute la portée.
Kalis (1997) par contre en distingue deux types de savoirs
dans le contexte spécifique de la santé à savoir : D'une
part, le savoir commun populaire qui est accessible à tous et exempt de
tout support rituel. Il n'utilise les plantes et ne manipule le verbe que dans
le but de soulager le mal symptomatique. Pour Kalis, ce savoir se pratique la
plupart du temps dans le champ restreint de la famille ou de relations proches.
D'autre part, le savoir spécialisé qui exige une connaissance
spécifique conférée par l'apprentissage et l'initiation.
Il stipule à cet effet qu'une liste catégorielle des types de
pratiques spécialisées est difficile à établir car
ces dernières correspondent en fait aux techniques
thérapeutiques dominantes utilisées.
· Représentations sociales
Pour Jodelet (1989), le concept de représentation
sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir
de sens commun dont les contenus manifestent l'opération de processus
cognitifs génératifs et fonctionnels socialement marqués.
Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Le
marquage social des contenus ou des processus de représentation est
à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels
émergent les représentations, aux communications par lesquelles
elles circulent, aux fonctions qu'elles servent dans l'interaction avec le
monde et les autres.
Quant à Schurmans (1990), les représentations
sociales sont des catégories cognitives, autour desquelles s'organise
un ensemble cohérent de normes évaluatives et comportementales
qui orientent nos actions, nos décisions, nos jugements dans notre vie
quotidienne. Au-delà de sa propre définition, Shurmans s'accorde
avec Jodelet pour dire que le concept de représentation sociale
désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens
commun dont les contenus manifestent l'opération de processus cognitifs
génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus
largement, il désigne une forme de pensée sociale. Le marquage
social des contenus ou des processus de représentation est à
référer aux conditions et aux contextes dans lesquels
émergent les représentations, aux communications par lesquelles
elles circulent, aux fonctions qu'elles servent dans l'interaction avec le
monde et les autres.
· La maladie
Dans la médecine moderne, la maladie est un état
affectant le corps d'un individu. Pour Philippe Adam et Claudine Herzlich
(2001; 5), cette définition résume la maladie à sa
réalité organique or dans la sociologie, la maladie n'est pas
seulement une réalité biologique mais aussi sociale. Ainsi,
s'inspirant des auteurs comme Marcel Mauss (1926) et Durkheim (1987), ils
soutiennent que si l'on veut analyser les différentes manières
dont la maladie est, dans notre société, liée au social,
on doit en premier lieu s'attacher à sa nature et à sa
distribution. Pour ces auteurs, la maladie constitue toujours un état
pourvu de significations sociales et par conséquent la maladie constitue
un jugement évaluatif. Dans ce sens, la maladie fait l'objet de diverses
représentations, selon les sociétés et même entre
les hommes d'une même société.
· Catégories
socio-économiques
Avant de définir une catégorie
socio-économique, Hadad (1999) souligne qu'il est utile de commencer par
se demander ce qu'est une catégorie.Elle est ainsi définie par
l'auteur comme étant une classe dans laquelle on regroupe des objets ou
des personnes représentants des caractères communs. De cette
définition découle une définition d'une catégorie
socio-économique comme étant une classe dans laquelle sont
rangés les individus ayant des caractères sociaux et
économiques semblables. Cependant, sur quels critères
socio-économiques peut-on se baser pour élaborer une telle
typologie de la population. Les critères les plus adoptés sont
relatifs à l'exercice d'une activité professionnelle que sont
:
ü La profession principale
ü L'activité économique principale
ü Le statut socioprofessionnel
Pour l'auteur, l'exercice d'une profession est la source la
plus évidente d'un revenu qui est l'un des indicateurs les plus
pertinents des niveaux de vie. Il ajoute aussi que pour enrichir la
classification en catégorie socio-économique, il est opportun
d'intégrer d'autres variables sociodémographiques telles que
l'âge, le sexe, la situation dans la famille, le lieu de
résidence, ainsi que des variables concernant le niveau
d'instruction.
II - METHODOLOGIE
Cette partie est une critique des cadres logiques
d'administration de la preuve scientifique que sont les méthodes qui
dictant la façon d'envisager ou d'organiser la recherche d'une
manière précise, complète et systématique. Ainsi,
comme le note N'Da « A chaque méthode et à chaque
instrument correspond un mode de saisie, donc de constitution de l'objet
d'étude (2006 : 31)».
2.1- Justification du choix du
site
Au vu de notre thème et vu l'intérêt
suscité par la phytothérapie partout en Afrique et
particulièrement au Burkina Faso où l'interprétation de la
maladie diffère d'un environnement social à un autre, il nous est
apparu pertinent de mener notre étude dans un espace géographique
d'une diversité de formations végétales importante. Dans
ce sens, notre choix s'est porté sur la région des cascades
situé au sud-ouest du Burkina Faso, une zone humide à potentiel
de contagion virale étendu et à biodiversité
intéressante pour mener une étude sur les plantes
médicinale. Dans ce contexte, il est intéressant d'observer les
itinéraires thérapeutiques de cette population locale à
travers leurs rapports aux plantes médicinales.
En sus, notre maîtrise de la langue locale
véhiculaire (le jula) et de l'espace géographique rurale
de la région ont soutenu le choix de notre site.
2.2-Présentation du
milieu physique et humain de la zone d'étude.
2.2.1-présentation
du milieu physique
La végétation de la région des cascades
comme celle des autres régions du Burkina Faso est étroitement
commandée à la fois par la situation géographique, les
facteurs climatiques et la nature des sols. De tous ces facteurs
interférent qui entrent en jeu pour donner son caractère à
cet espace végétal Sud- Soudanien, le plus important pour notre
étude est la pluviosité qui contribue à la
définition du climat et de la flore qui jouent non seulement un
rôle dans la transmission et la répartition spatio-temporelle des
« complexes pathologiques », mais aussi dans la pharmacopée
traditionnelle à travers la mise à la disposition de la
population locale un éventail extrêmement varié d'espaces
végétales.
Située à l'extrême Sud-ouest du Burkina
Faso, la région des cascades s'étend sur une superficie de 18407
Km2 et est subdivisée en deux provinces dont la province de
la Comoé, qui compte deux communes urbaines Banfora, Niangologo.
Banfora, chef-lieu de la commune compte 22 villages parmi lesquels
Diarrabakôkô notre zone d'étude, située au bord de la
route nationale n°1(RN1) sur l'axe Banfora-Niangologo et distant
respectivement de 20Km et 37Km. Cette situation géographique lui
confère un climat de type Sud-Soudanien absolument sèche de
Novembre à Mars; le reste de l'année comporte environ quatre mois
humides, précédé et suivi de période
intermédiaire; mais tout ce que nous savons de ces sept mois (avril
à octobre), c'est qu'il y pleut de façon
irrégulière et souvent déconcertante. Ainsi, suivant la
latitude, la pluviosité varie entre 1000mm et 1200mm en moyenne par an
et les températures moyennes annuelles sont comprises entre 17°c et
36°c selon le Profil des Régions du Burkina Faso(2010). Ce
caractère des eaux de surface constitue de ce fait une meilleure
condition de développement des vecteurs et favorise le cycle des
parasites comme l'atteste Lapeyssonnie : « chaleur constante et
présence permanente ou saisonnière de collection d'eau en surface
; des marécages aux flaques les plus minimes, tout est bon pour
l'anophèle. En outre, une température moyenne comprise entre
25°c et 35°c favorise le cycle du parasite chez l'insecte et par
conséquent la propagation du paludisme (1988 : 41) ». Et outre,
cette situation fournit à la zone une végétation de savane
comportant tous les sous types, depuis la savane boisée jusqu'à
la savane herbeuse.
2.2.2- Présentation
du milieu humain
Diarrabakôkô est une entité Goin restreinte
rattachée à la commune de Banfora. Avec une population
estimée selon la Direction Régionale de l'Economie et de la
Développement (DRED) a 2105 habitants soit 999 hommes, 1106 femmes et
344 ménages (Recensement 2006) ; Le village de Diarrabakôkô
est bordé d'un côté par un barrage et le reste par la
brousse. Sa relation avec l'espace étatique est
matérialisée et manifestée par la présence d'un
CSPS (Centre de Santé et de Promotion Sociale) construit au tour des
années 1984, temps de la révolution ; d'une école primaire
et d'un établissement secondaire d'une classe de 6ème.
De plus, le village dispose d'une mosquée, d'une église
protestante, d'une gare ferroviaire qui de nos jours n'est pas fonctionnelle et
de dix forages dont deux sont en pannes. Par ailleurs, l'historicité de
cette entité et de son nom est relatif à sa situation
géographique derrière ce barrage et de cet espace autrefois
occupé par des lions comme le souligne le chef de terre :
« Le nom Diarraba, bon ! Avant il y avait beaucoup de
lions ici et ce sont nos ancêtres qui les ont chassés pour pouvoir
installer le village. C'est ici même Diarraba. Ou tu te trouves, la cour
royale. Le vrai nom en Goin c'est "Diarabanèlè" qui veut dire en
dioula "DiarrabaDougou" ; "nèlè" c 'est "Dougou". Si non
Diarrabakoko c'est un nom en dioula transformé en français. Si
non avant que le village ne s'installe, les jula disaient que "Diara bi ko
kofè" (les lions sont derrière le marigot). C 'est pourquoi les
français ont appelé "Diarabakôkô" (entretien
avec le chef de terre, le 15/04/2012, Diarrabakôkô) ».
En effet, ce témoignage met non seulement en exergue
l'historicité du village mais aussi le statut qu'occupe le Jula en tant
que langue véhiculaire. C'est une société
matrilinéaire dont le système politique est une combinaison d'une
organisation traditionnelle construite sur le lignage anciennement
installé. Ce qui fait que le pouvoir est dans la famille des Karama.
Aussi, l'espace sociale de Diarrabakôkô est mixée
ethniquement et comprend les Goins fortement représentés soit
74%, les Dafing 5,81%, peulh 4,65% et Senoufo 3,49%.
L'islam à travers 50% des enquêtés et
l'animisme 32,56% sont les deux religions dominantes au sein de la population
d'étude. La majorité de cette population est musulmane mais pour
la plupart non pratiquante. La religion semble être une affaire
individuelle. A l'intérieur d'une même famille, nous retrouvons
très souvent ces deux religions. Adama Karama, chef du village, chef de
terre et chez qui nous avons séjourné, a un frère
musulman, deux autres animistes et lui-même chrétien catholique.
De ce fait, l'islam, l'animisme voire le christianisme semblent avoir une
relation pacifique.
L'occupation relative au cadre physique de l'unité
familiale est constituée de deux types de bâtis que sont les cases
rondes couvertes de pailles et les maisons modernes en forme rectangulaire
couvertes de tôles sont construites en banco excepté les
bâtiments administratifs. Les concessions Goin dans leur ensemble
présentent une forme circulaire et portent des noms dont celui du chef
de village est "DiarrabaNtien". Du reste la principale activité
économique est l'agriculture de subsistance en témoigne les
84,88% des enquêtés.
Dans cette perspective, ces caractéristiques
socio-historiques, démographiques, économiques et
environnementales de cet espace social, déterminent l'expérience
locale du paludisme et de la fièvre jaune, les recours
thérapeutiques, en particulier les usages des plantes médicinales
pour leur traitement.
2.3-Echantillonnage/Echantillon
Compte tenu de l'importance numérique de la population
d'étude et de l'objectif recherché, nous avons retenu, suivant la
procédure aléatoire systématique, un échantillon de
86 personnes dont 52 hommes et 34 femmes, âgés de plus de 18 ans.
Nous avons donnés plus de poids aux hommes qu'aux femmes malgré
qu'elles représentent 52,54% de la population de
Diarrabakôkô compte tenu de notre approche et de notre
problématique de recherche ; et les individus choisis ont
été enquêtés à l'aide d'un questionnaire.
Aussi, nous avons estimé de façon opportune, de nous en tenir
à ce nombre (86) compte tenu de la faible variabilité des
connaissances et modes d'utilisation des plantes médicinales qui sont
souvent perceptibles chez les catégories les moins favorisées,
qui sont relativement uniformes sous le rapport aux plantes médicinales.
Et pour éviter une grande dispersion statistiques des données,
nous avons aussi construit trois classes d'âge d'amplitude 17 que sont :
[18-35[, [35-52[, [52 et + [.
Conscient des limites de l'outil quantitatif, nous avons
entrepris l'usage de l'entretien semi-directif auprès de 16 personnes
ressources choisies de façon raisonné. En effet, nous avons
interviewé 10 tradipraticiens (dits spécialistes de la
médecine et de la pharmacopée traditionnelle) dont 9 hommes et 1
femme. La faible représentativité des femmes s'explique par le
fait qu'elles sont localement considérées comme
spécialistes des maladies infantiles qui n'entraient pas dans le cadre
de notre étude. Sur les 10 tradipraticiens, 5 sont des
guérisseurs et agriculteurs, 4 sont des guérisseurs et chasseurs
dozo, et 1 est guérisseur-devin.
En outre; nous avons interviewé les personnes
ressources suivantes : un pharmacien/chercheur dans le domaine de la
phytothérapie, un infirmier diplômé d'Etat (IDE)du Centre
de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) de Diarrabakôkô, une
herboriste à Banfora, une autorité religieuse de
Diarrabakôkô, une autorité coutumière du village de
Diarrabakôkô et l'époux d'une malade hospitalisée au
CSPS de Diarrabakôkô pour paludisme.
Présentation des
profils sociodémographiques de la population cible
La population cible de notre étude est composée
de 86 qui se répartissent selon les caractéristiques
sociodémographiques suivantes :
v Age
L'âge des personnes enquêté par
questionnaire va de 18 ans et plus et se réparties comme suit :
Ages
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
[18- 35 [
|
19
|
22,1%
|
[35- 52 [
|
33
|
38,4%
|
[52-& + [
|
34
|
39%
|
|
Total
|
86
|
100%
|
|
v Sexe
La proportion des hommes est supérieure à celui
des femmes même si à l'image de la structure démographique
nationale (Recensement général de la population 2006) elles sont
les plus nombreuses dans cette localité. Elles représentent
52,54% de la population de Diarrabakôkô. Nous avons
enquêtés (52) hommes et (34) femmes soit respectivement 60,5% et
39,5%L'importance numérique des hommes dans notre échantillon
s'explique également par l'inégalité dans la profondeur
des connaissances entre les femmes et les hommes sur les plantes
médicinales entrant dans la thérapie de ces pathologies.
v Niveau d'instruction
Le niveau d'instruction de cette population est dans
l'ensemble relativement faible. Le tableau suivant nous donne la
répartition de notre échantillon par niveau d'instruction.
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
Non scolarisées
|
61
|
71%
|
Alphabétisées
|
06
|
07%
|
Primaire
|
14
|
16,2%
|
Secondaire et plus
|
05
|
05,8%
|
Total
|
86
|
100%
|
Source : données du terrain Mars --
Avril 2012à Diarrabakôkô
v Profession
L'agriculture de subsistance, principale activité
économique dans cette localité explique cette
surreprésentation de la catégorie agriculteur dans notre
échantillon. Le tableau suivant nous donne un éclairage sur la
représentativité de cette profession agriculteur par rapport aux
autres.
Professions
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
Agriculteurs
|
73
|
84,9%
|
Eleveurs
|
04
|
4,7%
|
Secteur informel
|
05
|
5,8%
|
Salariés
|
03
|
3,5%
|
Elèves
|
01
|
1,1%
|
Total
|
86
|
100%
|
Source : données du terrain Mars --
Avril 2012 à Diarrabakôkô
2.4- Méthodes et
instruments de recueils de données
Le choix d'une méthode de recherche dépend de
l'objectif poursuivi, de la problématique et du faisceau
d'hypothèses. En effet, notre thème de recherche qui accorde une
place de choix aux connaissances et modes d'utilisations individuelles et
collectives des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et
de la fièvre jaune à Diarrabakôkô, impose la
méthode mixte de recherche qui est une conjugaison de la démarche
quantitative et qualitative. Dans cette perspective, les principales techniques
de collecte de données étaient constituées d'un
questionnaire et du guide d'entretien. Le questionnaire comporte un ensemble de
questions sur l'expérience de ces maladies, les itinéraires
thérapeutiques adoptés par la population locale en cas de
survenue de ces pathologies, leurs connaissances sur les plantes
médicinales entrant dans la thérapie de ces affections et leurs
modes d'utilisation tout comme leurs perceptions et recours à la
thérapie moderne. S'agissant de saisir les différents
procédés d'utilisations qui relèvent d'un art et les
conditions d'accès aux plantes médicinales, l'enquête par
questionnaire laisse échapper toute la symbolique qui entre dans les
différentes phases "de l'opération pharmaceutique". En outre,
dans le souci de mieux analyser les connaissances et les modes d'utilisation
des plantes médicinales nous avons élaboré des guides
d'entretiens.
Enfin l'observation directe a été
utilisée pour pallier les lacunes du questionnaire et des guides
d'entretiens. C'est-à-dire, observer les conditions de vie et
d'hygiène dans cette localité susceptible de rendre les maladies
récurrente et recrudescente.
2.5-Deroulement de
l'enquête
La production des données d'enquête s'est
déroulée du 30 mars au 22 avril 2012 à
Diarrabakôkô, village goin de 2105 habitants, situé à
20 Km au sud-ouest de Banfora (Burkina Faso). Le questionnaire et les
entretiens semi-directifs sur le thème de la connaissance locale des
plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la
fièvre jaune ont été administrés auprès de
la population locale. Si les techniques du questionnaire et de l'observation
ont été utilisées suivant la procédure
aléatoire et les contextes favorables, les entretiens ont
essentiellement eu lieu avec les personnes ressources dans leur domicile ou
à leur lieu de travail. Ce qui nous a d'ailleurs permis de constater la
préparation de certaines recette médicinale car nous avons
continué toujours à fréquenter certain d'entre eux
après les avoir entrevus. Cependant, il est intéressant de noter
que la familiarité avec les guérisseurs et la confiance
accordée a été possible grâce au chef du village
chez qui nous avons séjourné. Ce qui a aussi facilité
l'administration des questionnaires. Après la phase de
Diarrabakôkô le dimanche 15 Avril 2012, le reste des entretiens ont
été réalisé à Banfora (province de la
Comoé) auprès des autres personnes ressources.
Par ailleurs, un retour complémentaire sur le terrain a
été nécessaire en vue de faire un herbier pour la
détermination des noms scientifiques des espèces
inventoriées, mais aussi pour rectifier le doublage de certaines plantes
qui ont été données en langue goin par certains
enquêtés et en langue jula par d'autres. Cette phase
s'est déroulée du 10 au 15 Juin 2013.
2.6-Difficultés et
limites de l'étude
Les difficultés rencontrées au cours de notre
enquête sont entre autres la non maîtrise parfaite de la langue
vernaculaire goin et la réticence de la population au début des
enquêtes. Cette réaction hostile pourrait s'expliquer par le fait
que des multiples enquêtes sur le paludisme y ont été
réalisées par des structures qui ont fait des promesses de
moustiquaires et de produits antipaludéens qu'elles n'ont pas
été tenues. Afin de surmonter ces résistances, nous avons
eu recours à une mise en jeu stratégique de l'alliance à
plaisanterie. De plus, il faut noter que l'enregistrement du discours des
tradipraticiens a été dans certains cas un blocage. Ce qui nous a
contraints à des prises de notes. Par ailleurs, il est aussi
intéressant de noter qu'un séjour prolongé sur le terrain
nous aurait permis dans le cadre de cette étude de saisir de
façon objective les impondérables des actes médicaux et
des techniques positives dans les préparations médicinales dans
le contexte de Diarrabakôkô. Cependant, comme tout état des
savoirs, cette étude présente des limites. Quelles qu'en soient
ses limites, les connaissances sur les plantes médicinales et leurs
modes d'utilisation sont trop vastes et dispersés. De ce fait, il suffit
d'un simple repérage de la littérature dans ce domaine de la
médecine et de la pharmacopée traditionnelle pour identifier les
lacunes dans ce mémoire de maitrise.
2.7-Traitement des
données
Le traitement des données a d'abord, consisté au
dépouillement manuel des données quantitatives suivant des
propositions de croisement des variables. Les tableaux statistiques construits
ont été analysés suivant la technique de l'analyse multi
variée. Quant aux données qualitatives obtenues par les
entretiens et les observations, elles ont été exploitées
selon l'analyse de contenu.
CHAPITRE II : CONSTRUCTION
SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE JAUNE
La maladie et l'interprétation qu'elle présente
débordent la seule arène médicale. En effet, toute maladie
et par extension toute infortune donne lieu à de multiples
interprétations à savoir : celle du soignant, qui renvoie
à la culture savante, celle du malade qui renvoie à son
enracinement dans une culture donnée (Dacher 1992 ; Bonnet 1988 ;
Fainzang 1986). Dit autrement, cela renvoie à son «modelage
culturel». A cet effet, construire la maladie revient donc à porter
une particulière attention aux différentes modalités de la
penser et de la soigner, car elle n'est pas seulement une réalité
biologique, mais aussi une réalité sociale qui demande
d'être comprise et analysée. Comme le note Kalis «
l'organique ne prend son sens que relié au social » (1997 :
108).
I-Construction
biomédicale du paludisme et de la fièvre jaune
La médecine savante, dans son référent
biologique, désigne et nomme une entité nosologique «
disease » (en anglais) qui peut être socialement reconnue
ou pas. En ce sens, la maladie est prise comme une catégorie objective
dont l'interprétation et la détermination des facteurs
étiologiques s'inscrivent dans une approche éthique. Dans cette
perspective, le paludisme est une maladie potentiellement mortelle transmise
par des moustiques. Les scientifiques, selon Santé actu 2007: 24, ont
découvert en 1880 la véritable cause du paludisme, un parasite
unicellulaire appelé plasmodium. Ils ont ensuite
découvert que le parasite était transmis d'une personne à
une autre par les piqûres de moustique anophèle femelle.
Il existe quatre types de paludisme humain : le plasmodium vivax, le plasmodium
malaraie, le plasmodium ovale et le plasmodium falciparum. Ce sont le
plasmodium vivax et le plasmodium falciparum qui sont les
plus courants au Burkina Faso. Cependant, il convient de mentionner que la
prophylaxie même du paludisme fondée sur des bases scientifiques a
été possible lorsqu'à la suite de « Laveran, prix
Nobel en 1907, qui a découvert le parasite du paludisme, Manson avait
démontré en 1978, à Shanghai, qu'un moustique, le
« culex », hébergeait les formes larvaires
microscopiques (ou microfilaires) de la filaire. Grassi découvrait en
Italie, le responsable de la transmission du paludisme humain,
l'anophèle «du grec anopheles dangereux»
(Lapeyssonnie 1988: 44-45). De plus, le paludisme est perçu comme une
maladie de « l'ancien régime » qui aurait marqué
l'histoire « puisque les textes assyriens, chaldéens,
égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans
ambigüité. Il n'a pastoujours été l'apanage des
tropiques : Les grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première
description clinique 400 ans avant notre ère. De 1939 à 1945,
pendant les six ans qu'a duré le second conflit mondial, il a donc
tué plus de monde que les faits de guerres, les bombardements et les
camps de concentration réunis ! (Lapeyssonnie 1988 : 40-41) ». Mais
aussi du « nouveau régime » car il constitue de nos jours le
premier motif de consultations, d'hospitalisations et la cause de nombreux
décès dans les formations sanitaires du Burkina Faso voire de
l'Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, il constitue un problème de
santé publique et reste une endémie stable dans tout le pays avec
une recrudescence saisonnière (mai - octobre). Il se caractérise
cliniquement par un groupe de symptômes tels que la fièvre, les
céphalées, et les troubles digestifs.
Par ailleurs, tout comme le paludisme, la fièvre jaune
relève aussi de la famille des fièvres. Mais dans la conception
biomédicale la fièvre jaune est une maladie différente du
paludisme car son agent causal est un moustique non transgénique,
Aides. Comme le note Lapeyssonnie « le virus amaril (de amarillo
« jaune », en espagnol). Celui-ci, véhiculé par
d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia), d'un « jauneaux
» à un sujet sain, déterminait chez les malheureux une
hépatonéphrite le plus souvent mortelle (1988 : 48)». A son
origine, elle fut également appelé « mal de siam ».
C'est aussi une maladie de « l'ancien régime » car « elle
n'a fait parler d'elle en Afrique que près de 300 ans plus tard,
exactement en 1778, avec l'épidémie qui décima les troupes
britanniques stationnées à Saint-Louis au Sénégal.
De toutes les maladies « pestilentielles », comme on a longtemps
appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et la
fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le
potentiel de diffusion et de transfert à distance le plus
élevé » (Lapeysonnie 1988 :49). De plus, les signes
cliniques de cette pathologie se caractérisent par une hémorragie
au niveau des gencives et la fièvre. Mais il est à signaler que
cette maladie n'est plus une question alarmante aujourd'hui puisqu'elle est en
voie de disparition suite à de la généralisation de la
vaccination antiamarile .De tout ce qui précède, il reste que le
paludisme et la fièvre jaune forment des « éco
pathogènes » du fait qu'ils sont étroitement liés
à certains caractères climatiques, hydrographiques, et
biologiques de la zone concernée. L'aire d'extension de
l'activité de ces vecteurs dépend du contexte social (lieu de
vie) et aussi de la densité de la population.
Cependant, dans le cadre de cette étude, nous mettrons
plus l'accent sur la construction profane de ces deux pathologies à
partir d'une analyse sociologique qui nous enseigne de prendre en compte la
conception populaire de la maladie lorsqu'il existe une médecine
savante.
II- Construction populaire
du paludisme et de la fièvre jaune
La construction populaire de la maladie va au-delà de
l'approche éthique pour s'inscrire dans une approche émique afin
d'en déterminer l'étiologie, les symptômes et lui attribue
une signification sociale. C'est ce qui relève du vécu subjectif
de la maladie (le illnessen anglais). Prise ainsi, la maladie est une
catégorie subjective dont l'interprétation dépend de
l'expérience subjective, de l'enracinement de l'individu dans une
réalité sociale et historique donnée (Charmillot 1997).
C'est dans cette perspective que s'inscrit l'analyse de la perception du
paludisme et de la fièvre jaune par la population de
Diarrabakôkô. En effet dans la pensée des goins de cette
localité, le paludisme et la fièvre jaune sont deux formes d'une
maladie puisqu'ils conçoivent la fièvre jaune comme le stade
suprême de gravité du paludisme, lui-même perçu comme
« bana nunu bè bà no fà (le père et la
mère de toutes les maladies) ». A cet effet, le tableau
étiologique et symptomatologique ci-dessous nous donne un aperçu
de la perception « profane » du paludisme.
Tableau 1 : Fréquences des causes et des
symptômes du paludisme
Paludisme
|
Causes
|
Fréquences%
|
|
Symptômes
|
Fréquences%
|
Moustiques
|
53,50%
|
|
Fièvre
|
34,80%
|
Aliments
|
28,66%
|
|
Céphalées
|
05,73%
|
Humidité
|
7,64%
|
|
Courbature
|
14,10%
|
Saletés
|
10,19%
|
|
Troubles digestifs
|
37,44%
|
TOTAL
|
100%
|
|
Diarrhée
|
7,92%
|
|
|
|
TOTAL
|
100%
|
Source : données du terrain Mars --
Avril 2012 à Diarrabakôkô
Les catégories étiologiques retenues par les
enquêtés s'annoncent ainsi : à l'agent pathogène le
moustique (53,50%), s'ajoutent d'autres événements
déclencheurs de cette pathologie tels que les aliments (28,66%),
l'humidité (7,64%) et la saleté (10,19%). L'examen de ces
données statistiques révèle une relative
méconnaissance ou la non prise en compte de la
logique biomédicale de la transmission et de la
contagiosité de cette maladie dans ce milieu rural dans la mesure
où cette étiologie savante, basée sur les effets des
moustiques, n'apparait pas dans l'énonciation étiologique de tous
les enquêtés. Plus précisément, le lien de
causalité entre les moustiques et le paludisme établi par le
savoir biomédical, n'est pas toujours perceptible par les profanes. Et
même s'il est, il est à signaler qu'ils n'arrivent cependant
toujours pas à établir la corrélation entre l'homme,
l'agent pathogène et le vecteur. De ce fait, tout en admettant cette
conception biomédicale de la transmission, chaque individu en fonction
de l'expérience vécue de cette pathologie, du contexte social et
du « modelage culturel » va élaborer un paradigme de sa propre
maladie afin de la rendre compréhensive et signifiante. En
témoignent les propos de K.M:
Bon, les docteurs disent que les moustiques donnent «
sumaya1(*)». Mais moi
je pense que nos aliments qu'on mange maintenant, les eaux usées peuvent
aussi envoyer sumaya. Si le moustique seul donne sumaya il faut dire qu'on
allait tous tomber malade à tout moment, car chez nous ici à
Diarraba les moustiques sont beaucoup (entretien avec K.M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Abondant dans le même sens un guérisseur
s'exprime : «Bon selon moi sumaya vient avec les eaux usées.
Mais les docteurs disent que si les moustiques te piquent ça
amène sumaya. Nos aliments aussi (...) et la fatigue peuvent envoyer
sumaya (entretien avec OD, le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)».
Il en résulte que ces discours populaires correspondent
à une sorte de définition hybride associant la conception d'une
étiologie médicale grassirienne et une étiologie empirique
basée sur l'expérience subjective. Ce qui démontre que la
maladie n'est pas seulement un fait biologique, mais aussi un fait social dont
les représentations se relient à des conceptions plus
générales et diffèrent d'une société
à l'autre, d'un individu à l'autre. De plus, certains
informateurs écartent la « causalité » moustiques dans
leur discours. Dans ce sens deux enquêtés qui s'expriment en ces
termes :
Sumaya ! Hum ! Chez moi ce sont les aliments qu'on mange
maintenant. Le dolo mal préparé si tu bois et que ça ne te
convient pas, ça peut te donner sumaya (entretien avec H.T, le
11/04/2012, Diarrabakôô ».
Bon !moi je pense que c'est notre alimentation de
maintenant qui entraine sumaya. (...) Par exemple, les cubes maggi qu'on met
dans nos aliments ; qui sait là où on fabrique et avec quoi on
fabrique ? (entretien avec B.Z, le 10/04/2012,
Diarrabakôkô).
Suivant leurs perceptions, ce n'est plus le moustique mais un
déséquilibre alimentaire qui provoque le paludisme. Nous pouvons
donc, sur la base de l'analyse qui précède, dire que ces discours
relèvent d'une logique de causalité indirecte dans laquelle
s'inscrivent les enquêtés pour expliquer la transmission du
paludisme, étant donné que l'humidité, la saleté et
les eaux usées sont des notions indissociables de cette maladie puisqu'elles contribuent à la
prolifération des moustiques comme l'atteste un agent de santé :
« (...) il y a énormément de moustiques ici à
Diarrabakôkô dû peut être à l'existence du
barrage à proximité. En plus de cela, il y a le problème
de saleté, la présence des eaux usées et la cohabitation
avec les animaux qui se posent (entretien avec M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô)». Sur ce, le schéma de la
causalité profane se présente comme suit :
Humidité +
Saletés +
Eaux usées +
|
251659776
|
Moustiques
|
251657728
|
Paludisme
|
|
251664896251658752251656704
|
251663872
Ainsi, sur la base d'un tel constat, apparait le rôle de
l'espace qui joue un rôle important dans cette compréhension
locale de la transmission du paludisme dans le village de
Diarrabakôkô. Analysant la fonction de l'espace dans les processus
de transmission ou de contagion de la maladie, Samuelsen soutient : « Is a
condition agent which sends the sickness, to some extent share the same
physical space. (...) if the condition for contagion to be possible includes
sharing the same physical space, they also necessarily imply sharing the same
social space » (Samuelsen 1999: 60- 61).
Du reste, l'information donnée par la
biomédecine à propos de cette pathologie demeure à cet
effet un simple « vernis » en dessous duquel persiste un savoir
endogène, à partir duquel cette population ajuste leur «
réseau sémantique » de cette maladie dont la
pluralité, la variabilité et
l'hétérogénéité leur permet de structurer
constamment leur expérience en fonction des circonstances.
Schématisés, ces discours se caractérisent par la
confrontation de deux configurations de représentations
contrastées : d'un côté la représentation
biomédicale, et de l'autre, celle des profanes qui émane de
l'univers consensuel. Autrement dit « l'élaboration à
laquelle ils se livrent, s'appuie sur des ressources collectives qui sont
utilisées et modulées différemment en fonction des
expériences de chacun et des contextes dans lesquelles s'effectue le
travail interprétatif » (Adam et Herzlich 1994 : 70).
Par ailleurs, l'analyse de l'état nominatif du
paludisme dans cette localité permet de voir l'emprunt d'un vocable
étranger par les enquêtés. En effet, ils emploient tous le
même terme « sumaya » pour désigner le paludisme. C'est
dire que la fraicheur de l'humidité est à l'origine de cette
pathologie tout comme le terme « waangu » qui veut dire fraicheur en
langue goin, mais rarement évoqué pour designer cette affection
qui se caractérise selon la logique biomédicale par une
manifestation fébrile. La dénomination est de ce fait
étiologique étant donné que le mal se réfère
à la saison à laquelle se produisent les symptômes
même s'ils restent permanents toute l'année. C'est ce que soutient
cet enquêté : «Bon... le paludisme nous on l'appelle ici
« sumaya » en dioula. Hum ! C'est une maladie vieille et elle est
présente maintenant à tout moment. Mais c'est beaucoup en
début de saison pluvieuse (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012,
Diarrabakôkô)». Ce discours sur la récurrence de cette
pathologie est soutenu par celui d'un agent de santé : « Le
paludisme est présent à tout moment surtout à cause du
climat de la région. C'est une zone endémique stable toute
l'année. Il est moins fréquent entre cette période de
mars-avril et plus fréquent de juin-août et même septembre
(entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô».
De ce fait, la saison hivernale et la période des
fruits (mangue, noix de karité...) constituent les contextes
d'apparition de cette pathologie comme le note Meunier : « Le Burkina Faso
est encore touché par les endemoépidemies, la combinaison
environnement /condition climatique favorise le développement du vecteur
du paludisme considéré dans les statistiques sanitaires comme la
première affection du pays (2000 : 144) ».
Cependant, il est à signaler que le terme «
sumaya » est un terme polysémique car un guérisseur
nous en donne une autre connotation non pas dans le sens étiologique,
mais plutôt dans le sens symptomatologique. Il affirme : « sumaya ne
vient pas de l'humidité. C'est comme le rhume. Si tu as ça ton
corps est chaud mais tu as froid c'est pourquoi on l'appelle souvent
"fariganbana" (maladie du corps chaud) (entretien avec S.D., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)». En général, le terme est
employé en référence aux multiples fièvres des
enfants comme la maladie « cônnô» dont les
signes cliniques se rapportent à un oiseau qui aurait survolé la
nuit au-dessus d'un bébé, dit un guérisseur :
(...) je soigne la fièvre qu'ont les enfants et qui
est transmise par un gros oiseau qu'on appelle cônnô. Quand
l'oiseau-là survole au-dessus du bébé la nuit dehors, il
peut attraper cette maladie qui le fait trembler et son corps est chaud.
Ça c'est aussi très différent de la fièvre de
dentition (entretien avec H.T, le 11/04/2012,
Diarrabakôkô).
Ce qui vient nous rappeler la réalité empirique
de cette maladie étant donné que ses signes cliniques ne sont pas
admis par la population locale et l'étiologie se rapporte à un
oiseau.
D'ailleurs si les conceptions des enquêtés et les
conceptions biomédicale convergent pour appeler le paludisme «
sumaya » dans cette localité, c'est au niveau de la
description des symptômes que le consensus est le plus manifeste. En
effet, la configuration des symptômes énoncés par les
enquêtés selon leur expériences subjective et objective de
la maladie, se rapporte à la description donnée par un agent de
la santé : « Les symptômes du paludisme sont la
fièvre, les céphalées, les courbatures, vomissement, perte
d'appétit et souvent la diarrhée cela dépend de
l'organisme de tout un chacun » (entretien avec M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô). En effet, si les éléments centraux de
la conception des enquêtés sont les troubles digestifs 37,44%, et
la fièvre 34,80% ; celle des tradi-thérapeutes, par contre
relève la seule fièvre comme élément central qui
accompagne les autres symptômes que cette population rurale appelle
« sumaya » ou « faribganbana » en
témoigne deux guérisseurs « si tu as le sumaya ton
corps devient chaud, tu es fatigué et tu ne peux plus travailler »
(entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô), un autre dit
ceci : «sumaya, il commence généralement par le corps
chaud (fièvre), tu as mal à la tête, si tu as le sumaya,
ton corps est chaud alors que tu as froid. Tu vomis et pour d'autres même
tu as la diarrhée » (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012). Et
un agent de santé soutient ce discours : « Au début de
la maladie, le malade fait de petites fièvres ; mais comme je l'ai dit,
les gens ne sont les mêmes, moi-même, je ne connais pas la
fièvre, mais 80% des gens présente d'abord la fièvre
» (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô). Sur la
base d'un tel constat, nous pouvons dire, que les symptômes sont
appréhensibles par leur caractère sensible et chaque individu
à sa façon particulière de présenter la maladie,
dont l'identification des causes passe par l'interprétation des
symptômes, variables selon les individus et selon « le modelage
culturel qui englobe aussi au-delà de la perception et de l'expression
des symptômes, ce qui est défini comme maladie dans une
société donnée » (Adam et Herzlich 1994 : 60).
Par ailleurs dans la pensée goin de
Diarrabakôkô le paludisme est une maladie évolutive dont les
différentes variantes se structurent autour d'un axe classificatoire,
variable selon la nature des symptômes dont la description
débouche sur la fièvre jaune comme «l'ainé » du
paludisme en témoigne un enquêté : « ni sumaya
djougouyara, olo bi na ni djokajo ye. Dôgô ni kôrô) (si
le paludisme s'aggrave, c'est ça qui entraine djokajo » (entretien
avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô). Ce qui est d'autant
vérifié par ces données statistiques suivantes. En effet,
à la question de savoir qu'est-ce que la fièvre-jaune, les
enquêtés la perçoive comme le paludisme
sévère à 80,77%, d'autres la connaissent comme la maladie
qui change la couleur des yeux, des paumes soit 15,38%. Elle est perçue
seulement à 03,85% comme une autre maladie.
Dans cette perspective, nous emprunterons la démarche
et le vocabulaire de Dacher tel qu'elle expose ici : « La principale
maladie (venue d'ailleurs) n'est pas une entité nosologique isolable,
mais un continuum situé sur un axe de gravité croissant : sumaya-
sumaya ba-sumaya guè- jakuajo. Cependant, cette gradation n'a rien
d'absolu : Si sumaya est souvent plus bénin que sumaya ba (grand
sumaya), sumaya guè (sumaya blanc) ou jakuajo, les termes de la
série peuvent se chevaucher, se confondre voire s'inverser » (1992
: 165- 166). A cet effet, l'observation du tableau symptomatologique ci-dessous
permet de percevoir cette conception de la fièvre jaune dans ce
système médical sur un axe de continuum hiérarchique du
paludisme.
Tableau 2 : Présentation des
fréquences des symptômes de la fièvre jaune
Symptômes
|
Fréquences%
|
Fièvre
|
3,66%
|
Vomissement (jaune, vert)
|
39,78%
|
Tendance jaunâtre
|
43,55%
|
Constipation
|
10,22%
|
Source : données du terrain Mars Avril
2012 à Diarrabakôkô
Ainsi, en prenant le diagnostic comme point de départ
de la sémantique médicale, pour cette population locale, le
constat de terrain révèle une assignation du terme djokajo
à 70,64% sumaya ba 20,18%, sumaya guè
03,66% et jaunisse 01,33% à des symptômes comme les
troubles digestifs les plus importants (vomissement jaune, vert)
évoqué à 39,78%, la tendance jaunâtre à
43,55%, la constipation à 10,22%, accompagnée de la fièvre
06,45%. Ce qui est soutenable par ces propos d'une enquêté :
C'est ça qu'on appelle ici jakuajo ou sumaya
guè. Quand tu as cette maladie, tes yeux deviennent blanc le corps n'est
pas chaud, mais seul le malade sait qu'il a chaud. Les articulations font mal.
Mais quand les yeux sont jaunes, c'est ça qu'on appelle jaunisse.
D'autre appellent aussi sumaya ba (entretien avec C. A, le 22/04/2012,
Banfora).
De ce fait, il en résulte que l'interprétation
des symptômes de cette pathologie relève de la
«causalité a priori » qui renvoie aux causes premières
de la maladie et se rapporte à un accès pernicieux du paludisme
évoqué par les enquêtés à (89,7%).
Mais selon la logique biomédicale, la fièvre
jaune est une maladie qui n'a pas de lien avec le paludisme. Ce sont deux
pathologies différentes dans l'étiologie et dans la manifestation
des symptômes, même si elles sont toutes des éco
pathogènes. C'est-à-dire, des maladies liées aux facteurs
climatiques et environnementaux. Le symptôme le plus manifeste de la
fièvre jaune est une hémorragie gencivale. Un agent de
santé révèle la confusion faite entre les deux maladies
dans les discours populaires :
Bon ici, la population n'a pas de notions sur la
fièvre-jaune. Elle la confond toujours avec l'Ictère
communément appelé jaunisse, la typhoïde. Pour eux, la
fièvre jaune est une aggravation du paludisme mal soigné (...)
Souvent même il y a certains tradithérapeutes disent qu'il ya deux
types de djokajo : djokajo simple qui fait jaunir les yeux, les paumes et
djokajo guè qui assèche le sang et les yeux deviennent
pâles (entretien avec M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Et pourtant, dans cette conception biomédicale, cela
relève d'un état d'anémie sévère. A un autre
informateur d'ajouter :
Pour la fièvre jaune, beaucoup de gens n'ont pas de
notions la dessus. Que ce soit dans le monde urbain ou dans le monde rural, les
gens continuent de confondre le paludisme, la jaunisse et la fièvre
jaune. Pour eux l'aggravation du paludisme est la cause de lafièvre
jaune que d'autres appellent sumaya ba, sumayaguè, djokajo, selon leur
connaissances (entretien avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).
Cependant, à l'issue des différentes
dénominations de cette pathologie précédemment
présentée, il règne une certaine confusion aussi bien dans
le domaine « populaire » que dans le domaine « savant » de
la médecine traditionnelle, lorsqu'il s'agit de les situer sur un axe de
gravité croissante en rapport avec l'évolution des
symptômes évoqués.
En effet, les statistiques témoignent d'une perception
différentielle chez les enquêtés. Si 12,79% disent ignorer
l'évolution des symptômes, et 62,79% les voient non
évolutifs, 24,42% les trouvent, par contre, évolutifs. Cette
divergence de vue est aussi manifeste chez les guérisseurs.
(...). Elle sort dans les yeux, les mains, la plante des
pieds jaune. C'est ce qu'on appelle djokajo ou sumaya ba. Elle se trouve dans
le sang. Bon ! Toutes ces appellations c'est pour gagner de l'argent. Sumaya
s'il s'aggrave, c'est ça qui amène djokajo ou sumaya ba (...)
(entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).
Dans ce cas, l'évolution va de :
251660800SUMAYA SUMAYA BA /
DJOKAJO / JAUNISSE
D'autres, par contre, disent :
« Hum ! djokajo, c'est une maladie mauvaise tu vois
comme ça. Elle rentre dans le corps, dans le sang et même dans les
os. En ce moment si tu vois le malade, tu sais rapidement car ses yeux, son
urine deviennent jaunes. (...) Il y a deux qualités de djokajo : djokajo
simple que je viens d'expliquer et si ça s'aggrave, ça
amène djokajo guè. Ça, ça ne sort pas dans les
yeux. Quand tu as ça tu es faible, tu ne te supporte plus
(entretien avec HB, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).
« La fièvre-jaune, nous on l'appelle aussi ici
djokujo. S'il devient grave on l'appelle djokajo guè. Ça boit ton
sang, les mains, les yeux deviennent blancs. (...) Mais au début,
ça sort dans les yeux, les mains jaunes (entretien avec O.D, le
09/04/2012, Diarrabakôkô).
Envisagées de façon interprétative, ces
différences de perceptions pourraient être expliquées par
la trajectoire géographique différentielle des
enquêtés et le degré d'insertion de chacun dans le
système culturel local. Mais en essayant de préciser la
sémiologie de ces différentes affections, on se rend compte
qu'à chaque étape du processus d'évolution du paludisme ou
« sumaya » correspond des termes se référant à
des symptômes dont la visibilité maximale va de la tendance
jaunâtre à la tendance blanchâtre des yeux et de la paume
des mains. Ainsi, les termes sumaya ba (grand sumaya) / jaunisse /
djokajo se rapportent à la première tendance ; tandis que
sumaya guè, djokajo guè se réfère à
la seconde tendance. En ce sens, le schéma de la gradation axiale de la
maladie va de :
251662848251661824SUMAYA SUMAYA BA/
JAUNISSE/ DJOKAJO SUMAYAGUE/
DJOKAJO GUE
L'analyse de ces différentes terminologies de la
nosologie met en lumière la logique de la dénomination et de la
classification de cette pathologie dans la culture médicale locale. Ce
qui signifie que « Les représentations du mal et de la maladie
s'appuient sur une conception extériorisante. Elles renvoient à
une interprétation sémantique située hors du malade »
(Kalis 1997: 106).
Du reste, si les avis des enquêtés sur cette
classification sémantique se contredisent, ils s'accordent en revanche
pour reconnaître la gravité de cette pathologie. Aussi, les
tradipraticiens sont unanimes à la considérer comme dangereuse
car elle expose à l'hallucination, au délire, à la folie,
voire à la mort lorsque le malade reçoit des injections dans un
centre de santé moderne. Deux tradipraticiens témoignent :
djokajo, si ce n'est pas soigné à temps peut
entrainer la folie. Le malade parle seul, il fait des rêves. En ce moment
la maladie est entrée dans le sang ; si la personne part au dispensaire
et qu'on le pique elle peut mourir (entretien avec K.M, le 14.04/2012,
Diarrabakôkô).
Bon ! Si tu as djokajo, le corps n'est pas chaud, mais
seul le malade sait qu'il a chaud. Il ne dort pas. Si tu ne meurs pas, c'est la
folie ou la surdité. (...) Si tu as le djokajo, quand tu rotes, tu sens
une odeur d'oeuf pourri (entretien avec S.M, le 09/04/2012,
Diarrabakôkô).
A la lumière de ce qui vient d'être
développé, il reste que l'expérience de la maladie englobe
aussi les expériences individuelles que collectives, étant
donné les perceptions des symptômes sont influencées par
l'environnement socioculturel, la sémantique, et le statut social des
agents sociaux. Ce qui nous amène à la conclusion selon laquelle
« le diagnostic s'inscrit dans un triple espace différentiel
(organique, psychologique et socioculturel) et qu'il génère une
multiplicité de termes pour qualifier la même
réalité pathologique » (Bibeau 1978 : 92).
Par ailleurs, l'examen du vocable djokajo permet de
voir l'origine étrangère de cette pathologie dans la mesure
où elle n'a pas de correspondances en langue locale goin ; Mais dans la
langue véhiculaire (jula), il se rapporte à sumaya ba ou
sumayaguè. Autrement dit, le terme djokajo serait à
la Côte d'Ivoire ce que sumaya ba est à
Diarrabakôkô. Et beaucoup de nos informateurs s'accordent sur le
fait que cette maladie serait un effet induit par la dynamique migratoire entre
leur localité et la Côte d'Ivoire, dont la frontière
(Niangoloko) est située à 37 kilomètres. :
C'est là-bas qu'on voit beaucoup djokajo. Nos
frères qui sont partis en côte d'ivoire, ce sont eux qui ont fait
que la maladie est rentrée chez nous. Sinon avant, on ne connaissait pas
cette maladie. C'est comme « kôkô »
(hémorroïde) ; ça aussi, ce n'était pas connu ici
(entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).
Les discours populaires sur l'origine de la maladie confortent
les résultats des recherches de Dacher qui datent de plus de deux
décennies. À cette époque elle affirmait:
Depuis un demi-siècle, les migrations vers la
Côte d'ivoire ont considérablement augmenté. Or l'opinion
généralement admise en pays goin est que sumaya
--jakuajo, d'apparition récente a été
rapporté de la côte d'ivoire par les migrants, point de vue
conforté par le fait que ces maladies ne portent pas de noms en langue
vernaculaire. Cette manière de voir serait partagée par toutes
les ethnies voisines qui connaissent une situation migratoire du même
type (Dacher 1992 : 167).
2.1-Des sources de
connaissances du paludisme et de la fièvre jaune
Les schémas de pensées
générées autour de ces pathologies émanent d'une
articulation entre l'approche « étique » et «
émique ». En effet, dans la première approche, la maladie
s'objective à travers les institutions (éducatives,
médiatiques...) tandis que dans la seconde approche, elle s'objective
dans le cadre des relations interpersonnelles. Ainsi, pour comprendre cet
état de fait, essayons de relier le paludisme et la fièvre jaune
à leurs sources de connaissance.
Les statistiques témoignent d'une forte
représentation du réseau parental comme source de connaissances
des deux pathologies. Mais une lecture détaillée laisse percevoir
la prédominance à 42,24% dans le cas de la fièvre jaune
contre 32,26% dans celui du paludisme. Le voisinage intervient également
à plus de 30,43% dans la connaissance de la fièvre jaune que dans
celle du paludisme soit 15,66%. Par contre la connaissance de cette
dernière proviendrait plus de l'expérience vécue (28,57%)
du fait de sa récurrence que celle de la fièvre jaune (11,18%).
Cette situation laisse percevoir la place de choix accordée dans ce
monde rural au réseau parental et à l'environnement social dans
l'acquisition de connaissances sur ces faits de maladies.
Tableau 3 : Distribution des sources de
connaissances par maladie
Maladies
Sources de
Connaissances
|
Paludisme
|
Fièvre jaune
|
Nombre
|
Fréquence (%)
|
Nombre
|
Fréquence (%)
|
Parents
|
70
|
32,26%
|
68
|
42,24%
|
Voisinage
|
34
|
15,66%
|
49
|
30,24%
|
Ecole
|
6
|
02,76%
|
0
0
|
0%
0%
|
Radio
|
45
|
20,74%
|
0
|
0%
|
Expérience
|
62
|
28,57%
|
18
|
11,18%
|
Migration
|
0
0
|
0
0%
|
26
|
16,15%
|
Total
|
217
|
100%
|
161
|
100%
|
Source : données du terrain Mars - Avril
2012 à Diarrabakôkô
En effet, l'imputation des connaissances de la fièvre
jaune aux parents et au voisinage pourrait s'expliquer par la perception
inhabituelle, c'est-à-dire moins fréquente et son
caractère ancien du fait qu'elle aurait marqué l'histoire comme
l'atteste un agent de santé : « C'est une maladie rare,
nous-mêmes on essaie de chercher des cas de fièvres jaunes pendant
nos campagnes de vaccination, car c'est une maladie sous hautesurveillance
(entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô)». Par
contre, le caractère à la fois "nouveau" et "ancien" du paludisme
fait prévaloir l'expérience comme source de connaissance. Ces
caractères en font un problème de santé publique qui le
rend plus médiatique, ce qui explique les 20,74% attribués
à la source radiophonique qui reste le seul canal de diffusion des
informations dans ce milieu rural non électrifié. En outre, les
2,76% imputé à l'école, traduit le faible niveau
d'instruction des enquêtés. Comparativement au paludisme où
la radio et l'école sont des sources de connaissances, la connaissance
de la fièvre jaune provient de la migration, soit 16,15 %. Ce qui permet
de voir l'origine étrangère de cette maladie, en témoigne
un enquêté : « Bon ! Toutes ces connaissances sur ces
maladies, moi je les ai eu avec mes parents et aussi lors de mes voyages
à Abidjan (entretien avec H.B, le 12/04/2012,
Diarrabakôkô)».
L'examen de ces données permet de mentionner que
l'origine différenciée des catégories de pensées
profanes témoigne de la perception et de l'articulation
différentielle des deux pathologies dans le temps et dans l'espace par
la médecine moderne et traditionnelle. En effet, dans le monde rural, le
savoir se transmet dans le cadre des relations interpersonnelles et
dérive de l'expérience sociale. Cependant, il est à
signaler que ces connaissances varient même en fonction de la structure
sociale. En ce sens, l'on convient avec Adam et Herzlich que « la maladie
et l'expérience qu'elle présente déborde la seule
sphère médicale (1994 : 71)». Aussi, les connaissances sur
les maladies débordent les sources institutionnelles (école,
média) et intègrent les sources sociales (parents, voisinage) qui
sont les premiers lieux d'acquisition des connaissances et de construction de
ces réalités empiriques. La parentèle et le voisinage
apparaissent alors comme des sources de légitimation des connaissances
du paludisme et de la fièvre jaune par les populations locales.
Ainsi, c'est à partir de ces connaissances socialement
élaborées que les individus vont choisir leurs voies de
traitement ou de guérison parmi les gammes de voies disponibles dans le
champ thérapeutique.
III-SYSTEMES MEDICAUX
PLURALISTES ET ITINERAIRE THERAPEUTIQUES
3.1-Expériences de la
maladie et itinéraires thérapeutiques dans le village de
Diarrabakôkô
Dans un contexte marqué par une diversité des
systèmes médicaux et d'alternatives thérapeutiques,
l'expérience de la maladie et la recherche de guérison agissent
comme des déterminants au choix thérapeutique. La guérison
survenue après une quelconque thérapie peut être la source
d'une « fidélisation » thérapeutique ou d'un changement
thérapeutique. Autrement dit, l'itinéraire thérapeutique
n'est pas figé. Et, il se caractérise le plus souvent comme une
trajectoire, une mobilité par rapport à son propre
itinéraire antérieure. Ainsi, cette mobilité
thérapeutique traduit l'autonomie des individus à l'égard
de leurs dispensateurs et leur donne le libre arbitre dans leurs conduites sur
le marché thérapeutique. « Les dispensateurs n'ont ici
qu'un contrôle marginal sur la demande des services et sur les
itinéraires thérapeutiques de leurs patients. Ils n 'ont pas la
capacité de fidéliser leur client tout au long de
l'épisode de la maladie » (Fournier et Haddad 1995 : 295)
Cependant, il convient de mentionner que ce libre arbitre est
toutefois soumis à l'influence d'un faisceau de facteurs que sont :
facteurs sociodémographiques et économiques (sexe, niveau
d'éducation, la profession, le revenu), la nature des pathologies
étudiées et leur perception par les enquêtés, enfin
les caractéristiques des services disponibles et leur perception. Ainsi,
la prise en compte de ces facteurs relève de la convergence et de la
diversité des expériences vécues de ces pathologies. Ce
qui permet de déterminer le rapport des individus à leurs
services médicaux. Dès lors, la question se pose de savoir, en
cas de paludisme et de fièvre jaune, et pour quelles raisons, les
enquêtés s'adressent à une médecine plutôt
qu'à une autre.
3.1.1- Itinéraires
thérapeutiques dans le village de Diarrabakôokô
Dans le contexte sanitaire du village de
Diarrabakôkô, nous avons recensé les ressources de
santé suivantes qui ne sont pas exploitées de la même
manière ni avec le même degré par les enquêtés
:
Ø La médecine moderne préventive,
curative et promotionnelle à travers la présence d'un CSPS
Ø La médecine traditionnelle composée
d'herboristes, des guérisseurs agriculteurs ou chasseurs dozo et des
guérisseurs devins.
Ø Auto-traitement, tantôt avec les plantes,
tantôt avec les médicaments, mais moins fréquente chez
les enquêtés.
Ø La thérapie mixte qui résulte de la
co-utilisation des deux premières médecines.
Mais le constat de terrain révèle que la
médecine moderne et la médecine traditionnelle s'imposent dans ce
marché thérapeutique comme les deux principales ressources
auxquelles les enquêtés ont recours de façon
alternée en cas de paludisme et de fièvre jaune. Mais dans
l'ordre de succession de ces ressources, la médecine savante apparait
comme le premier recours des enquêtés à la survenue de ces
pathologies. En effet, 98,84% des 86 personnes enquêtés disent y
avoir recours en cas de paludisme et 90,62% en cas de fièvre jaune. Il
est à signaler que ces forts taux de fréquentation des
enquêtés observables au début des maladies se justifient
par la précision de diagnostic du fait qu'elle dispose de
matériels de pointes. Un enquêté témoigne :
Il faut aller au dispensaire d'abord et si tu sais c'est
quelle maladie, arrivé à la maison tu complètes avec ce
que tu connais ». Moi-même je pars là-bas souvent parce que
nos aliments, le sucre qu'on mange beaucoup, on a besoin d'eux pour voir le
sang, prendre la tension et la température (entretien avec B.Z, le
10/040201, Diarrabakôkô).
Ainsi, sur la base de ce constat, nous convenons avec Saint de
Savin qui « reconnait que seul le médecin qui dispose de toutes les
ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. Il a à sa
disposition, la radio, les analyses de sang, d'urines et encore bien d'autres
moyens. (...) Il est bien rare qu'un malade vienne voir directement un
guérisseur» (Saint Savin 1960 : 21). Ce qui n'est toujours pas le
cas dans le contexte Burkinabé voire même africain.
Du reste, il convient de mentionner que l'acceptation et
l'adoption de ce choix thérapeutique relève d'une logique de
réductions du coûts du traitement, de conformité et de
satisfaction des exigences d'un principe biomédical dicté par les
agents de santé, qui est celui du recours systématique à
une formation sanitaire dès qu'un problème de santé se
pose. Mais si ce choix parait être manifeste, il ne doit pas pour autant
occulter le recours à la médecine traditionnelle qui est une
« médecine compréhensive » articulée autour des
gestes symboliques, de la satisfaction morale et est plus proche de la
population, car faisant partie de leur environnement socioculturel. De ce fait,
observons la trajectoire thérapeutique des enquêtés en
fonction des facteurs précédemment évoqués.
3.2- Les facteurs
associés aux recours thérapeutiques
3.2.1- L'influence des
caractéristiques socio-économiques sur les recours
thérapeutiques
3.2.1.1- Genre et recours
thérapeutiques
La structuration de la vie sociale dans le monde rural fait du
sexe une variable de contrôle du comportement sanitaire, étant
donné que selon nos enquêtes, les femmes sont les plus
touchées par le paludisme. En effet, tout autant que la connaissance
d'une maladie ou d'un évènement dérive de
l'expérience sociale et varie en fonction de la structure sociale, il en
est aussi de même du choix thérapeutique dans ce milieu rural
où il existe une différenciation des rôles dans les
rapports à la santé et en fonction du statut social et du
sexe.
Ainsi la vulnérabilité des femmes, comme nous le
savions résulte dans le monde rural de leur participation au
système de production et de reproduction. Ce qui justifie leur
degré d'implication et d'intervention dans le choix thérapeutique
pour la quête de guérison à la survenue de ces pathologies.
Elles sont à la fois des grandes « actrices » et les «
consommatrices » des ressources thérapeutiques. A titre
illustratif, le tableau ci-dessous, donne un aperçu de
l'itinéraire thérapeutique des enquêtés en fonction
du sexe en cas de paludisme et de fièvre jaune.
Tableau 4 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du sexe et des maladies
|
|
Recours
thérapeutiques
|
Maladies
|
Sexe
|
Moderne
|
Traditionnelle
|
Mixte
|
Auto traitement
|
Non Réponse
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Paludisme
|
Hommes
|
69,23%
|
17,31%
|
9,61%
|
3,85%
|
0%
|
52
|
100%
|
Femmes
|
94,12%
|
5,88%
|
0%
|
0%
|
0%
|
34
|
100%
|
Fièvre jaune
|
Hommes
|
48,08%
|
42, 31%
|
1,92%
|
0%
|
7, 69%
|
52
|
100%
|
|
Femmes
|
64,71%
|
26,47%
|
2,94%
|
0%
|
5,88%
|
34
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'examen de ces données statistiques relève que
la médecine moderne constitue le premier recours des
enquêtés et plus chez les femmes, surtout en cas de paludisme. En
effet, sur les 34 femmes enquêtées, 94,12% disent avoir recours
à cette médecine en cas de paludisme et 64,71% en cas de
fièvre jaune. Tandis que sur les 52 hommes, 69,23% y ont recours en cas
de paludisme et 48,08% en cas de fièvre jaune. Il en résulte que
les femmes de par leur fragilité et leur exposition à la
maternité sont les plus vulnérables, surtout à la survenue
du paludisme. Par conséquent les agents de santé leur apportent
une attention particulière, en témoigne ces discours :
« Aujourd'hui les docteurs nous appellent pour qu'on
sensibilise surtout les femmes enceintes à aller au dispensaire »
(entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
« Le paludisme est la première cause de
consultation et de mise en observation ici à Diarraba kôkô
(...). Il touche les personnes les plus vulnérables que sont les enfants
de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées
(certainement dû à la vieillesse) et les sujets neufs (les
européens)» (entretien avec M, le , 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
En sus, à l'image de la structure démographique
nationale (Recensement général de la population 2006) les femmes
sont les plus nombreuses dans cette localité. Elles représentent
52,54% de la population de Diarrabakôkô. Non seulement, en plus
d'être les plus nombreuses, elles sont les plus vulnérables
surtout en milieu rural à cause de leur maternité qui les
contraint à fréquenter le CSPS plus que les hommes.
Par ailleurs, si on note une abstention à
l'auto-traitement chez les enquêtés en cas de fièvre jaune
ce n'est pas le cas du paludisme pour lequel 3,85% des hommes y ont recours. Ce
qui est compréhensible lorsqu'on s'inscrit dans la relation de pouvoir
au sein du foyer et dans le milieu rural où la décision n'est pas
individuelle. Contrairement aux femmes, les hommes ont plus tendance à
recourir surtout en cas de fièvre jaune à la médecine
traditionnelle, soit 42,31% contre 26,47% pour les femmes, et moins en cas de
paludisme, soit 17,31% contre 5,88%. Ce qui laisse percevoir l'ancrage de la
représentation de la fièvre jaune comme forme grabataire du
paludisme dont la gestion biomédicale pourrait entrainer la mort.
Certes, la prise en compte de ces données permet de
conclure partiellement que l'influence du sexe sur le recours
thérapeutique passe par la vulnérabilité des individus
face à un épisode pathologique ainsi que par leur interaction
avec le réseau social. Mais si cette influence parait être
manifeste, elle ne doit pas pour autant occulter le facteur
niveaud'éducation dans la mesure où certains auteurs (Fournier et
Haddad 1995, Leclerc, Fassin et al. 2000, Ridde 2007) ont déjà
montré que les populations rurales sont moins instruites et moins
réceptives à la médecine moderne. De ce fait, il est
intéressant de voir le lien existant entre le niveau scolaire ou
culturel (variable tant présentée par bon nombre d'auteurs comme
un puissant déterminant du comportement sanitaire) et les
itinéraires thérapeutiques à Diarrabakôkô.
3.2.1.2- Niveau d'instruction
et recours thérapeutiques
Tableau 5 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de
paludisme
Recours
Niveau
D'étude
|
Moderne
|
Traditionnelle
|
Mixte
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Non scolarisées
|
85,24%
|
9,84%
|
4,92%
|
61
|
100%
|
Alphabétisées
|
100%
|
0%
|
0%
|
06
|
100%
|
Primaire
|
50%
|
42,86%
|
7,14%
|
14
|
100%
|
Supérieur et +
|
60%
|
20%
|
20%
|
05
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
Tableau 6 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de
fièvre jaune
Recours
Niveau
D'étude
|
Moderne
|
Traditionnelle
|
Mixte
|
Non réponse
|
Total
|
|
|
Effectifs
|
%
|
Non scolarisées
|
62,30%
|
31,14%
|
3,28%
|
3,28%
|
61
|
100%
|
Alphabétisées
|
50%
|
33,33%
|
16,67%
|
0%
|
06
|
100%
|
Primaire
|
28,57%
|
57,15%
|
0%
|
14,29%
|
14
|
100%
|
Supérieur et +
|
40%
|
40%-
|
0%
|
20%
|
05
|
100%
|
Source : données du
terrain Mars-Avril 2012 à Diarabakôkô
L'éducation formelle (scolarisation) étant un
moyen d'inculcation de la culture occidentale et de l'éducation
sanitaire moderne, on doit s'attendre à ce que les individus de cette
catégorie s'orientent plus vers la médecine moderne. Mais
étant donné aussi que les choses ne sont pas d'égales
d'ailleurs, les données statistiques révèlent que la
proportion des individus alphabétisés soit (100%) et non
scolarisés (85,24%) sont les plus enclins à recourir à la
médecine moderne en cas de paludisme que les individus scolarisés
et ceux ayant un niveau secondaire et plus qui, par contre, ont un recours
dispersé entre la médecine moderne et la médecine
traditionnelle. Ce résultat s'explique par la récurrence et la
permanence de cette maladie et aussi la présence de la radio dans les
ménages comme moyen de sensibilisation à la fréquentation
du CSPS ainsi que les causeries-débats menées par les agents de
santé avec la population. Comparativement au paludisme, on relève
une dispersion des différents niveaux d'instruction en cas de
fièvre jaune entre la médecine moderne et la médecine
traditionnelle. En effet, si 62,29% des non-scolarisés et 50% des
alphabétisés ont plus recours à la biomédecine, par
contre 57,14% de ceux qui ont un niveau primaire s'orientent vers la
médecine traditionnelle et ceux ayant le niveau secondaire et plus ont
un recours équilibré soit 40% contre 40%. Le constat qui se
dégage, est que le niveau d'instruction ne semble pas avoir une
influence sur l'itinéraire thérapeutique des
enquêtés. Ce qui témoigne de la confiance accordée
au diagnostic médical, d'une part, et, de la méfiance à
son traitement de cette pathologie, d'autre part. Un enquêté
témoigne :
« Ce sont les docteurs qui ont le matériel
pour voir le sang (...) Mais si tu as le jokuajo si on te pique à
l'hôpital, tu peux mourir. Ce qui fait que les gens
préfèrent notre traitement qui est lent mais efficace. Chez moi c
'est « kana kôrôtô » (faut pas être
pressé) car la maladie attrape rapidement mais la guérison est
lente » (entretien avec S.M, le 09/04/2012,
Diarrabakôkô).
3.2.1.3- Catégorie
socioprofessionnelle et recours thérapeutiques
Il convient de mentionner que différents facteurs sont
susceptibles d'interférer avec cette variable niveau d'instruction. H
s'agit de la profession et du niveau des revenus. Selon Ridde les «
indigents » dans le milieu rural se recrutent surtout parmi les couches
les moins instruites « dans le contexte d'un des pays les plus pauvres
du monde, même les fonctionnaires se retrouvent, à certaines
périodes de l'année ou du moins sans ressources monétaires
mobilisables immédiatement » (Ridde 2007 : 200).
Ainsi cette partie présente le lien entre le choix
thérapeutique et la pauvreté, définie ici à partir
de la profession et du revenu des enquêtés. En effet, la
profession, prise en terme d'activité principale menée par un
individu peut être un indicateur de mesure du choix thérapeutique
dans la mesure où elle permet de déterminer les conditions de vie
et la position sociale des individus dans le milieu où l'agriculture
constitue la principale activité génératrice de revenus.
Mais cette agriculture telle que pratiquée (de façon extensive et
traditionnelle), demande une débauche d'énergie pendant que le
régime alimentaire de cette population locale n'est pas
diversifié. Le tô (préparé à base de
la farine du maïs ou du mil) constitue l'aliment privilégié.
En sus de cela, les données d'observation révèlent une
dispersion des habitats constitués en majeure partie de cases rondes en
banco et des collections d'eaux de toilette et de vaisselle derrière les
concessions par manque de puisards. A cela s'ajoute le manque de latrines ainsi
que la cohabitation avec les animaux. Ce qui laisse percevoir une certaine
précarité des conditions de vie et d'hygiène qui sont
susceptibles de rendre la maladie récurrente. Sur la base d'un tel
constat, le tableau 7 et 8 suivant donne une idée de l'influence que
peut avoir la profession sur le choix thérapeutique des
enquêtés.
Tableau 7 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction de la profession en cas de
paludisme
Recours
Profession
|
Moderne
|
Traditionnel
|
Mixte
|
Auto
traitement
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Salariés
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
03
|
100%
|
Agriculteurs
|
82,19%
|
10,96%
|
5,48%
|
1,37%
|
73
|
100%
|
Eleveurs
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
04
|
100%
|
Secteur informel
|
20%
|
60%
|
0%
|
20%
|
05
|
100%
|
Elève
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
01
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars- Avril
2012 à Diarrabakôkô
Tableau 8 : Distribution des recours
thérapeutique en fonction de la profession (en cas de fièvre
jaune)
Recours
Profession
|
Moderne
|
Traditionnel
|
Mixte
|
Non réponse
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Salariés
|
100%
|
0%
|
0%
|
0%
|
03
|
100%
|
Agriculteurs
|
56,16%
|
34,25%
|
2,74
|
6,85%
|
73
|
100%
|
Eleveurs
|
75%
|
25%
|
0%
|
0%
|
04
|
100%
|
Secteur informel
|
0%
|
80%
|
0%
|
20%
|
05
|
100%
|
Elève
|
0%
|
100%
|
0%
|
0%
|
01
|
100%
|
|
Source : données du terrain, Mars- Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'examen de ces données statistiques montre que les
enquêtés exerçant des professions qui
génèrent des revenus relativement réguliers, s'orientent
plus vers la médecine moderne. En effet, que ce soit en cas de paludisme
comme de fièvre jaune on constate que les salariés, les
éleveurs et les élèves ont tendance à recourir
à la médecine moderne soit respectivement 100% en cas de
paludisme, 100% et 75% en cas de fièvre jaune pour les salariés
et les éleveurs. Ces pourcentages s'expliquent par le fait que ces
catégories sont sous-représentées dans notre
échantillon. Par contre, le recours fréquent à la
médecine traditionnelle est observable plus au niveau du secteur
informel, soit 60% en cas de paludisme et 80% en cas de fièvre jaune.
Les agriculteurs, par contre, ont un recours partagé mais avec une
prédominance de la médecine moderne en cas de paludisme (82,19%)
et de fièvre jaune (56,16%) des enquêtés. Ce qui peut
être expliqué par l'homologie relative du rapport au paludisme
entre acteurs du secteur informel et ceux du secteur agricole, des
activités qui ne permettent pas une mobilisation immédiate des
ressources monétaires pour faire face aux coûts des actes
médicaux moderne. Deux enquêtés déclarent :
(...) Il y a trop d'ordonnances qui sont chères et
ici les gens n'ont pas d'argent car nous sommes tous des agriculteurs.
(Entretient avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
Je suis ici (CSPS) avec ma femme parce qu'elle a le
sumaya. Moi je préfère le dispensaire tant que j'ai les moyens.
(Entretien avec S.H, le 13/04/2012, Diarrabakôkô).
Il en résulte que la profession ne constitue pas en soi
un facteur incitatif à l'orientation thérapeutique. Elle ne l'est
que lorsqu'elle interagit avec le revenu tout comme la capacité
àmobiliser le prix de l'acte médical. Un enquêté
déclare : « il n'ya pas de crédits au dispensaire. Quel
que soit le prix tu vas payer (entretien avec H.T, le 11/04/2012,
Diarrabakôkô)». L'accès aux soins modernes
s'opère donc à travers la capacité de chaque individu
à mobiliser de l'argent à la survenue d'une maladie. C'est pour
cette raison que Benoit (1991) affirme : « (...) les rapports entre la
santé et l'argent (rythme de dépenses, circonstances, montants)
sont bien différents selon le choix du mode de soin (moderne contre
traditionnelle) de la part de la population » (in Ridde 2007 : 32).
Lorsqu'on analyse les recours thérapeutiques des
enquêtés en fonction de leurs revenus, on s'aperçoit d'une
diminution de la probabilité à recourir à la
médecine moderne en cas de paludisme au fur et à mesure que les
revenus augmentent. Par contre, on constate une probabilité
élevée à choisir la médecine traditionnelle chez
les enquêtés ayant un revenu annuel qui est compris entre
[600000-650000[francs CFA. Ce qui relève de la logique d'anticipation
des coûts de traitement. C'est ce que révèlent certains
enquêtés:
Bon! S'agissant du coût du traitement du paludisme,
je trouve que c'est abordable pour la population (entretien avec M, le
14/04/2012, Diarrabakôkô)
Si le sumaya est à son début, le docteur va
te dire de payer les comprimés et souvent ça ne dépasse
pas 1000 FCFA [...]. Mais si tu laisses quand la maladie s'aggrave, ça
devient cher parce qu'on va te mettre l'eau (perfusion) ou on va l'envoyer
à Banfora, au grand hôpital (entretien avec K.D.P, le
15/04/2012, Diarrabakôkô).
Cette même considération est retrouvée
également en cas de fièvre jaune. En effet, on remarque un
recours partagé et dispersé des enquêtés avec une
probabilité élevée à choisir la médecine
moderne lorsque les revenus diminuent, soit les revenus annuels compris entre
[50000 - 100000[. Cette propension à s'orienter vers la médecine
traditionnelle diminue quand les revenus augmentent, les revenus compris entre
[700000 - 750000[.
Dans cette perspective, il convient de mentionner que le lien
entre le revenu et le choix thérapeutique n'est pas
systématiquement perceptible dans la mesure où avec la
routinisation de l'expérience du paludisme et de la fièvre jaune
les patients (économiquement indigents ou nantis) et leurs proches
opèrent des choix stratégiques en fonction des
opportunités de soins et des ressources (financières,
symboliques, humaines) mobilisables pour leur traitement.
3.3- L'influence de la maladie
sur les recours des enquêtés
La signification ou l'interprétation donnée
à la maladie diffère d'un environnement social à un autre,
d'un individu à l'autre. A cet effet, le choix d'une thérapie est
lié au contexte social dans lequel évolue l'individu. Et
pourtant, nos enquêtes montrent que les catégories de connaissance
locales sur les deux maladies ne correspondent pas toujours à celles de
la biomédecine. Les maladies sont décrites et nommées
à partir des paradigmes populaires, ce qui influence le choix de
l'orientation thérapeutique. Autrement dit, l'influence du paludisme et
de la fièvre jaune sur le recours thérapeutique passe
principalement par la perception de la nature et de l'étiologie de ces
pathologies, les attitudes des enquêtés vis-à-vis de la
médecine moderne et de sa gestion de ces maladies. En effet,
l'observation du tableau 10 donne un aperçu des itinéraires
thérapeutiques des enquêtés en fonction des deux
maladies.
Tableau 9 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction des maladies
Recours
Maladies
|
Moderne
|
Traditionnelle
|
Mixte
|
Auto
Traitement
|
Non
réponse
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
79,1%
|
12,8%
|
5,8%
|
2,3%
|
0%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
54,7%
|
36,%
|
2 ,3%
|
0%
|
7%
|
86
|
100%
|
Source: données du
terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakoko.
Au regard des données recueillies, on constate une
variation des fréquences des recours thérapeutiques en fonction
de la maladie. En effet les proportions sont de 79,1% pour la médecine
moderne, 12,8% pour la médecine traditionnelle, 5,8% pour le recours
mixte, et 2,3% pour l'automédication en cas de paludisme. Ces
fréquences passent ensuite en cas de fièvre jaune de 54,7% pour
le moderne à 36% pour le traditionnel, 2,3% pour le mixte et 7% pour la
proportion des non réponses. A ce niveau on signale qu'aucun
enquêté n'a fait cas de l'automédication. Le constat qui se
dégage est que le paludisme et la fièvre jaune ont une influence
sur les recours thérapeutiques des enquêtés. La logique de
la liaison entre ces maladies et ces différents recours s'explique par
la logique sociale qui tourne autour de ces pathologies et qui conditionne
l'adhésion à un traitement plutôt qu'à un autre. On
pourrait parler entre autres du consensus observé dans la description
médicale et profane des symptômes du paludisme, de la perception
naturelle et évolutive de cette affection par les profanes dont le stade
grabataire se rapporte à la fièvre jaune. En témoignent
deux informateurs :
Le paludisme est une maladie grave car toutes les autres
maladies proviennent de lui. Et il est présent à tout moment
surtout en début de saison pluvieuse et la période des mangues et
des karités (entretien avec S.H, le 13/04/2012,
Diarrabakôkô). « Moi-même je pars souvent me faire
consulter à l'hôpital. Seul le docteur sait ce qu'il y a dans le
sang. On peut commencer avec eux pour terminer avec la nôtre
(entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)».
Au regard des résultats, l'idée selon laquelle
les représentations sociales de la maladie conditionnent les recours
thérapeutiques se vérifie. Mais il est possible que certaines
caractéristiques des services offertes influencent les recours
thérapeutiques des patients de Diarrabakôkô.
3.4- L'influences des
caractéristiques des services médicaux sur les recours
thérapeutiques.
Dans le champ médical où la médecine
moderne et la médecine traditionnelle sont tantôt en
compétition, tantôt complémentaires, le choix d'une
thérapie dépend également de certaines
caractéristiques des services médicaux telles que la
qualité ou l'efficacité, et l'accessibilité
géographique et financière des actes médicaux. En effet,
en plus des praticiens traditionnels (pour la plupart guérisseurs), le
village de Diarrabakôkô dispose depuis 1984 d'un CSPS du fait de sa
position géographique sur l'axe Banfora-Niangoloko. La raison
géographique dans l'implantation des structures sanitaires
périphériques est soutenue par Meunier: « En effet, si les
CSPS sont placés dans les villages les plus peuplés, ils sont
tous situés le long des voies de communications pour permettre, selon
les considérations de l'Etat, une utilisation maximum des services
offerts (2000 :250)».
Le CSPS, en tant que premier échelon de soin, est une
structure sanitaire de base du système de santé qui a un effectif
de 5 personnes dont le Major qui est un infirmier diplômé d'Etat
(IDE). De plus, le CSPS dispose de 3 bâtiments dont une maternité,
un bâtiment pour la consultation, les soins et la mise en observation et
enfin une pharmacie. La salle de mise en observation dispose seulement de 5
lits pour toute cette population de Diarrabakôkô et les villages
environnants. Des statistiques témoignent de la forte
fréquentation du CSPS par les enquêtés, soit 100%, or que
le taux de fréquentation dans la localité est de 75%. Mais, il
est à signaler que ce fort taux de fréquentation n'a rien
d'absolu car si tous les enquêtés fréquentent le CSPS,
seulement 56,98% la fréquentent régulièrement, 11,63% au
début de la maladie, et 31,39% irrégulièrement.
Concernant les raisons de la fréquentation, le
paludisme est la première affection qui amène la population au
CSPS. Selon un agent de santé que nous avons enquêté, il
représente 93,02% des causes de consultation et de mise en observation
à Diarrabakôkô. Dans le même sens, le tableau de bord
(2009) dévoile que : « au cours des cinq dernières
années, plus du tiers des consultations, des hospitalisations et des
décès (hôpitaux y compris) est attribuable au paludisme
dans les structures de santé ».
Par ailleurs, le fort taux de fréquentation du CSPS par
les enquêtés se justifie à travers les propos d'un agent de
santé :
Je l'ai dit tantôt, nous organisons souvent des
causeries-débats afin de les inciter à fréquenter le CSPS,
surtout les femmes et les enfants qui sont les plus vulnérables. Nous
les faisons d'ailleurs de concert avec les tradipraticiens qui sont à
mon avis bien écoutés et respectés ici puis que les gens
les connaissent tous (entretien avec M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Au travers de ces discours apparait la collaboration entre ces
deux médecines qui sont utilisées de façon
alternées selon la perception que cette population a de la
qualité et/ou l'efficacité des services. En effet, la comparaison
entre CSPS et les praticiens traditionnels témoigne de l'importance que
les enquêtés accordent aux services modernes du fait de la
crédibilité dans leurs diagnostics, en témoigne un
enquêté : « (...) Alors qu'au dispensaire le diagnostic
est précis, tandis que celui de la médecine traditionnelle est
imprécis et peut entrainer des dommages (entretien avec H.B.P,
le15/04/2012, Diarrabakôkô)».
Une herboriste ajoute : « (...),les gens partent
d'abord au dispensaire avant de venir nous voir. [... ] Si quelqu'un vient nous
voir pour une maladie, nous lui disons d'aller d'abord au dispensaire voir ce
qui ne va pas et ce qui pose problème avant de venir ».
(Entretien avec C.A, le 22/04/2012, Banfora).
Il ressort de ces discours que le recours direct au CSPS
témoigne d'une recherche de soignant compétent, mais
l'insuffisance de lit pour la mise en observation contraint les agents de
santé à libérer des malades parfois non guéris et
évacuent d'autres sur Banfora. Le tableau 11 donne un aperçu de
la distribution de la perception locale du traitement biomédical du
paludisme et la fièvre jaune en termes
d'efficacité/inefficacité.
3.4.1- Perception locale du
traitement biomédical du paludisme et de la fièvre jaune
Tableau 10 : Perception par maladie du
traitement biomédical
Perception traitement
Maladie
|
Efficace
|
Pas trop efficace
|
Inefficace
|
Ne sait pas
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
58,1%
|
40,7%
|
1,2%
|
0%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
2,3%
|
25,6%
|
12,8%
|
59,3%
|
86
|
100%
|
Source: données du
terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô.
Ce tableau est important car il montre en premier lieu, que le
traitement biomédical du paludisme est efficace comparativement au
traitement de la fièvre jaune. En effet, 58,1% des enquêtés
trouve le traitement du paludisme efficace, seulement 2,3% le trouvent en cas
de fièvre jaune. L'efficacité, entendue en termes de diagnostic
précis et de disponibilité des médicaments
antipaludéens au début de la maladie du fait de la forte
consommation d'aliments sucrés comme l'atteste ce discours d'un
enquêté : « Le traitement du paludisme est bien surtout
avec les aliments que nous mangions aujourd'hui » (entretien avec
S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô). Ce qui sous-tend que le
traitement au CSPS se résume à la prévention. Le terme
« pas trop efficace » fait allusion à la capacité de
cette médecine à calmer rapidement le mal (pourtant la
médecine traditionnelle guérie). Un enquêté avoue :
« (...)c'est comme les comprimés du paludisme qu'on vend au
dispensaire. Quand tu prends, ça ce calme et après tu vois, la
maladie revient (entretien avec H.B, le 12/04/2012,
Diarrabakôkô)».
En outre, le traitement biomédical de la fièvre
jaune est perçu inefficace par 12,8%, des enquêtés, contre
1,2% pour le paludisme. L'explication qui se dégage est que la
fièvre jaune est perçue comme une maladie dangereuse dont le
traitement par la médecine moderne peut conduire à la mort. Selon
des enquêtés notamment les tradi-thérapeutes, la
médecine traditionnelle est plus habilitée à traiter cette
pathologie. Deux praticiens témoignent :
« C'est une maladie qui n'aime pas la piqure. C'est
très dangereux de la traiter au dispensaire. ' 'Bana mi lo a ti
toubabou fia Je" (c'est une maladie qui n'aime pas médicament de blancs)
(entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).
« Quand tu as à cette maladie, c'est mieux de
faire le traitement traditionnel car il est efficace. Au dispensaire, si on te
fait la piqure, tu peux mourir. Les docteurs (infirmiers) savent maintenant
c'est pourquoi, c'est si tu as le sumaya, ils te mettent l'eau (perfusion) ;
ils ne te piquent plus (entretien H.T, le 11/04/2012,
Diarrabakôkô).
Il ressort que, la représentation que l'on fait d'une
thérapie sur sa capacité à traiter telle ou telle
affection influence beaucoup sur son choix.
Par ailleurs, le constat de terrain révèle une
bonne qualité relationnelle soignants/soignés, entre praticiens
modernes et praticiens traditionnels en témoigne les
causeries-débats organisées par les agents de santé en
collaboration avec les praticiens traditionnels en vue d'inciter la population
à fréquenter le CSPS comme le note un agent de santé :
« Nous collaborons très bien avec eux. Ce sont eux-mêmes
qu'on met au-devant de nos sensibilisations surtout les femmes et les enfants
à fréquenter le CSPS en cas de maladies (entretien avec M,
le 14/04/2012, Diarrabakôkô) ». S'agissant de la
complémentarité entre ces deux médecines un informateur
atteste :« (...)«cunsigui challiani ti ce ka li a kelen
» (une tête touffue ne peut pas se raser seule
(entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ».
Mais, même si cela témoigne de la bonne qualité de
leur relation avec les infirmiers, il est à signaler que ces derniers
s'alarment à juste titre devant les retards de consultations, ce qui
justifie du même coup cette fréquentation accrue du CSPS comme
nous pouvons le constater à travers ces propos d'un agent de
santé :
(...) ils laissent quand la maladie s'aggrave avant de
venir ici. Donc pour éviter cela nous les exhortons à venir
consulter dès le début de la maladie surtout que le CSPS est
à côté. Ben ! Je peux dire que le message est passé
puisque la population fréquente maintenant (entretien avec M., le
14/04/2012, Diarrabakôkô) ».
De ce qui précède, il reste que la relation
prescriptrice-malade qui est une relation sociale construite diversement
à la fois selon le contexte dans lequel elle se déroule mais
aussi selon les protagonistes de cette relation. La caractéristique de
cette relation dans le cadre de notre étude a été
observée sur le rapport des enquêtés aux services
médicaux (consultation, hospitalisation) du CSPS.
Cependant, le recours immédiat des
enquêtés au CSPS s'inscrit non pas dans une logique de confiance
dans le traitement mais dans une logique de réduction du coût
d'utilisation comme l'attestent ces enquêtés :
« Mais, l'ordonnance du dispensaire est cher surtout
quand on laisse la maladie s'aggraver. On peut même t'envoyer au grand
hôpital de Banfora. C'est ce que les gens évitent raison pour
laquelle au début de la maladie ils se rendent là-bas avant de
venir continuer le traitement avec pour nous (entretien S. S, le
10/04/2012, Diarrabakôkô».
« Bon ! Ça dépend, si tu pars tôt
au dispensaire, le traitement du paludisme ne dépasse pas 1000F CFA. Ce
sont les comprimés que tu vas payer (entretien avec H.T, le
11/04/2012, Diarrabakôkô) ».
3.4.2- Perception du
coût du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre
jaune
Il ressort de l'enquête que le coût direct
d'utilisation du CSPS, pris en terme de mode de tarification du traitement a un
impact positif sur le recours des enquêtés étant
donné que les écarts de prix entre les formations sanitaires et
la médecine traditionnelle sont variables. A ce titre, le tableau 12
donne une idée de la perception du coût du traitement
biomédical.
Tableau 11 : Perception du coût du
traitement biomédical en fonction des maladies
Perception du coût
Maladies
|
Cher
|
Pas trop cher
|
Moins cher
|
Ne sait pas
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
3,5%
|
88,4%
|
3,5%
|
4,6%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
1,2%
|
4,6%
|
0%
|
94,2%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars- Avril 2012 à Diarrabakôkô
A la question de savoir la perception du coût du
traitement biomédical du paludisme, 88,4% des enquêtés ne
trouvent pas trop cher en référence au prix des produits
antipaludéens qui sont pour la plupart en générique. En
effet, l'OMS dans le souci d'atteindre leurs objectifs qui est « la
santé pour tous d'ici l'an 2000 » a recommandé des
médicaments ACT qui est une combinaison de médicaments
antipaludéen afin que le prix ne soit plus une barrière pour les
indigents. Comme le mentionne Ridde « La situation de
l'accessibilité aux médicaments essentiels est globalement
favorable d'un point de vue géographique. Les médicaments
sontmaintenant plus près des populations (2007 :44) ». En
outre, il convient de mentionner que l'accessibilité des
médicaments essentiels n'est pas seulement que géographique, elle
est aussi financière car le coût des produits est calculé
en fonction de la capacité des indigents à mobiliser les
ressources monétaire surtout dans le traitement du paludisme, en
témoigne le major du CSPS :
Bon ! S'agissant du coût du traitement du paludisme,
je trouve que c'est abordable pour la population. Par exemple, pour un
début de palu, le traitement se limite à une ordonnance qui ne
dépasse pas 1000F. Les trois comprimés du paludisme coûte
100F, plus deux plaquettes de paracétamols à 160F donc pour le
traitement d'un enfant de 5-14ans. Les trois comprimés font 200F et les
adultes, 300F. Pour les enfants de 0-5ans tu as 400F de paracétamol plus
500F d'amoxicilline sirop. Ce qui fait 900F et je trouve abordable surtout avec
les produits génériques. (...). Bon ! La consultation ici au CSPS
est 75F pour les enfants et 100F pour les adultes (...) (entretien avec M,
le 14/04/2012, Duarrabakôkô).
Ce qui justifie l'équité et l'efficacité
recherchée par la mise en oeuvre de l'I.B en 1993 afin de réduire
les inégalités d'accès aux soins. Et pourtant, les
différences de conditions sociales sont des marqueurs de
différences sanitaires. De ce fait, l'équité et
l'efficacité ne peuvent pas rimés étant donné qu'il
existe deux catégories de produits que sont : les
spécialités et les génériques. Ce qui sous-tend que
l'équité rime avec le traitement à base du
générique tandis que l'efficacité s'allie avec le
traitement à base de spécialités. Sur la base d'un tel
constat, la santé n'a pas de prix, d'où la survivance des
inégalités d'accès aux soins comme le stipule Ridde «
La mise en oeuvre de l'IB n'a pas permis l'amélioration de
l'accès aux soins des plus pauvres alors que pour le plus grand nombre,
la situation est devenue relativement plus acceptable qu'auparavant (2007 : 22)
».
Par ailleurs, il est à signaler que 94,2% des
enquêtés ne se sont pas prononcés sur la perception du
coût du traitement de la fièvre jaune. Ce qui laisse percevoir une
méfiance au traitement biomédical de cette pathologie et aussi de
la confiance et l'efficacité accordée à la médecine
traditionnelle en témoigne ce faible taux 4,6% des individus qui
perçoivent le traitement biomédical pas trop cher. De plus, on
note une perception égale des individus soit 3,5% qui jugent le
traitement du paludisme cher et moins cher en même temps. En effet, la
cherté revient chez les enquêtés à la mise en
observation et à l'évacuation vers le CHR de Banfora :
Bon ! Moi je trouve que le traitement moderne du paludisme
est aussi efficace, mais je trouve ça cher surtout quand on va te mettre
l'eau. Moi j'ai eu à payer 15 000F lors de la maladie de mon enfant. Il
avait le sumaya et nous fait 3 jours au dispensaire et chaque jour, on te donne
une nouvelle ordonnance à payer. C'est plus encore si on t'envoi
à l'hôpital de Banfora (entretien avec K.M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Ce que je peux trouver cher, c'est lorsqu'il s'agit de
placer une perfusion ou en cas d'évacuation au CHR de Banfora. Bon ! La
perfusion ne dépasse pas 6000F (entretien avec, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
Un autre informateur signale : « Le traitement en cas
de paludisme n'est pas trop cher mais ça tourne autour de 1000F à
1500F (entretien avec K.M, le 14/04/2012,
Diarrabakôkô».
Il en résulte que la perception du coût du
traitement biomédical de ces pathologies est fonction de leur
degré de gravité et de l'estimation du coût direct selon
les enquêtés.
Tableau 12 : Estimation du coût du
traitement biomédical en fonction des maladies (en francs
CFA)
Estimation coût
Maladies
|
[1000F-8000F]
|
[8000F-15000]
|
Dépend de la gravité
|
Ne sait pas
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
30,2%
|
2,3%
|
60,5%
|
7%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
0%
|
0%
|
0%
|
100%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô
En effet, lorsqu'on observe ce tableau ci-dessus, on
s'aperçoit que 60,5% des enquêtés estiment que le
coût direct relatif aux services médicaux varient avec la
gravité de la maladie surtout en cas de paludisme. Ceux qui
perçoivent par contre le traitement pas trop cher soit 30,2% estiment le
cout dans l'intervalle de [1000F-8000F] CFA. Comparativement au paludisme, on
constate que 100% des enquêtés n'ont pas une estimation du
coût en cas de fièvre jaune. Ce qui s'explique par un recours
important à la médecine traditionnelle à la survenue de
cette maladie non pas seulement dans une logique de réduire le
coût, mais aussi et surtout par manque de confiance au traitement
biomédical de la pathologie. En dernière instance, sur la base
d'un tel constat, nous pouvons dire que si les caractéristiques des
services de santé modernes constituent des facteurs incitatifs au
recours aux soins, il reste que son traitement se limite dans la conception des
enquêtés à la précision de son diagnostic et
à sa capacité calmer la maladie. Ce qui témoigne de sa
forte sollicitation à la survenue d'une pathologie perçue
naturelle comme le paludisme.
Par ailleurs, si la médecine traditionnelle vient en
seconde position dans le choix thérapeutique des enquêtés,
ce n'est pas pour autant qu'elle est secondaire puisqu'elle intervient plus
dans le traitement curatif de ces maladies et surtout la fièvre jaune,
ce qui met en exergue la complémentarité de ces deux
médecines. Dit autrement, la médecine moderne interviendrait pour
la prévention et médecine traditionnelle pour la guérison
et ce, selon la perception des enquêtés. Cela est
compréhensible lorsqu'on observe ce tableau 14 qui donne un
aperçu du changement thérapeutique en fonction de ces
maladies.
Tableau 13 : Changement du recours
thérapeutique en fonction des maladies
Changement de
Recours
Maladies
|
Changement thérapeutique
|
Pas de changement thérapeutique
|
Non réponses
|
Total
|
Effectifs
|
0%
|
Paludisme
|
81,4%
|
18,6%
|
0%
|
86
|
100%
|
Fièvre jaune
|
52,3%
|
39,5%
|
8,2%
|
86
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars-Avril 2012, à Diarrabakôkô
En effet, l'examen de ce tableau montre que malgré le
fort recours à la médecine moderne, bon nombre d'entre eux
changent de recours surtout en cas de paludisme qui est la maladie conduisant
le plus au dispensaire. Ainsi sur la proportion des enquêtés qui
ont recours à cette médecine, 81,4% d'entre eux change de recours
contre 18,6% qui ne change. Les raisons avancées pour justifier ce
changement est la complémentarité de la médecine moderne
et de la médecine traditionnelle comme l'atteste un enquêté
: « seuls les docteurs savent ce qu'il y a dans le sang on peut
commencer avec eux pour terminer avec pour nous. « Am bè nà
ka ta ga bolo » (chacun à sa route) et « bolo fla lo bi djen
ka gnogon ko » (ce sont les deux mains qui se lavent) (entretien avec
B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
En plus de cela, d'autres raisons sont avancées comme
la persistance de la maladie et l'échec du traitement moderne de cette
maladie. Comparativement au paludisme, la fièvre jaune où le
recours est partagé, on constate que 52,3% changent de recours contre
39,5% qui n'en changent pas. Il est à noter que si la proportion de ceux
qui ne changent pas de recours est un peu élevé, c'est parce que
la médecine traditionnelle était le premier recours adopté
par beaucoup d'entre eux tout comme au regard de leurs perceptions du
traitement biomédical de cette affection. A ce niveau, la raison
justificative est non pas la complémentarité mais la confiance en
la médecine traditionnelle, dans la gestion de cette maladie. Ce qui
place du même coup ces deux médecines en compétition.
De ce qui précède, il reste que les
enquêtés s'inscrivent dans une logique de «
rationalité en finalité » (dans le sens de Weber) dans
l'évaluation de ces deux médecines. Au travers de nos analyses,
nous pouvons dire que l'adhésion à un traitement plutôt
qu'à un autre est beaucoup influencé par le genre, la nature et
les représentations sociales locales ces maladies que par le niveau
d'instruction, la profession, le revenu. Ce qui implique la connaissance des
plantes médicinales à même de contre balancer le coût
des services de santé modernes, et d'assurer la santé pour
tous.
CHAPITRE III :
Connaissances locales, procédures d'utilisation et stratégies de
conservation des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la
fièvre jaune.
La connaissance des plantes médicinales tout comme la
connaissance d'autres phénomènes s'inscrit dans un champ bien
défini et varie selon la culture locale, voire les "structures sociales"
étant donné qu'elle dérive des expériences
sociales. En effet, parler de la connaissance locale des plantes
médicinales et des procédures thérapeutiques, c'est faire
référence avant tout à la pharmacopée
traditionnelle qui relève elle-même de la médecine
"traditionnelle" ou ancestrale. Différentes de la médecine
"conventionnelle" ou "formalisée" par son mode d'acquisition et de
transmission, par sa pluralité, son
hétérogénéité et sa variabilité, ces
pharmacopées traditionnelles ont une particularité, selon
Kerharo. Elles sont « toujours faites à base de drogue
végétale, prennent leur sources non seulement dans la
diversité des groupements humains, des langues, des coutumes et des
techniques, mais aussi dans la diversité du climat, du sol, de la flore
(Kerharo (1974 :11)». Ainsi, il sera question dans ce chapitre, de la
thérapie de ces maladies par les plantes médicinales qui se range
naturellement en deux catégories fondamentales : les connaissances et
les modes d'utilisations. Les premières sont des états du savoir,
les secondes des savoir-faire. Et entre ces deux classes de faits, il y a toute
la différence qui sépare les connaissances des modes
d'utilisation.
I. Des connaissances
locales des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la
fièvre jaune
Le paludisme et la fièvre jaune sont des maladies
invalidantes de l'ancien régime et plus particulièrement le
paludisme qui est aussi du nouveau régime puisqu'elle constitue la
principale cause de consultation, d'hospitalisation et de décès
dans les formations sanitaires du Burkina Faso d'où un problème
de santé publique. Sa transmission reste permanente toute l'année
dans les régions du Sud et du Sud-ouest si bien que très peu de
personnes s'en échappent, beaucoup en meurt. Cet état de fait
traduit non seulement l'impuissance de la biomédecine face à
l'épisode pathologique mais aussi les couts directs et indirects
d'accès aux soins médicaux qu'ont à supporter les
ménages chaque année dans le monde rural où
lacapacité de mobilisation des ressources monétaires n'est pas
chose aisée. Et, portant, en historicisant ce fait de maladie et sa
gestion, il ressort de nos différentes lectures que cette alarmante
pathologie était combattue par l'usage des plantes avant même que
« Don Francisco Lopez de Cannizare puisse se rendre compte lui-même
de l'heureux effet de l'écorce de l'arbre "kinkina" (Lapeysonnie 1988 :
46) d'où est extrait la pure quinine active dans le traitement de
l'accès palustre. Un informateur atteste que :
La quinine extrait du kinkena qui est un arbre
retrouvé chez les indiens d'Amérique du Sud. En Guinée
Conakry, les européens avaient une plantation de cette plante. Seule la
quinine est autorisée en monothérapie et qui demeure le
remède le plus efficace contre le paludisme (entretien avec DPZ, le
20/04/2012, Banfora).
Ainsi, l'histoire de la médecine moderne tire ses
origines de la médecine traditionnelle qui relève d'un «
véritable art de guérir dont l'exécutant est le "
médecin" et l'instrument, la "pharmacopée"; une
pharmacopée riche et nuancée dont la connaissance sans vademcum,
formulaire ou codex, se transmet de génération en
génération chez les féticheurs, les guérisseurs,
les sorciers, par l'enseignement pratique des maîtres et la tradition
orale » (Kerharo et Bouquet 1950 : 94).
Cependant, loin d'être seulement une réplique
à l'impuissance de la biomédecine, il faut noter que
l'utilisation des plantes médicinales est devenue une sorte de
phénomène social total qui s'impose à la conscience
collective, des "indigents" aux plus favorisés. Leur connaissance
émane de la culture somatique et thérapeutique de
Diarrabakôkô où il existe un éventail
extrêmement varié de plantes médicinales entrant dans la
cure du paludisme et de la fièvre jaune, perçus comme deux formes
d'une même maladie. A cet effet, le constat de terrain
révèle la connaissance d'une abondance de drogues
végétales selon le sexe et les maladies.
Tableau 14 : Distribution de la connaissance
des plantes par sexe et par maladie
Maladies
Sexes
Paludisme
Fièvre jaune
|
Maladies
Sexe
|
|
|
Paludisme
|
Fièvre jaune
|
Femmes
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Non
|
100%
|
0%
|
44,1%
|
55,9%
|
Hommes
|
94,2%
|
5,8%
|
46,1%
|
53,9%
|
Source: données du
terrain du 30 Mars-Avril 2012 à
Diarrabakôkô
Cette analyse statistique montre que les enquêtés
connaissent plus de plantes dans la cure du paludisme et les femmes en
connaissent plus (100%) que les hommes (94,2%). Comparativement à la
connaissance des plantes dans le traitement du paludisme, la connaissance des
plantes dans celui de la fièvre jaune est moindre chez les
enquêtés. En effet, 55,9% des femmes disent n'en pas avoir connu
contre 46,1% chez les hommes. La plus grande connaissance des plantes dans la
cure du paludisme pourrait s'expliquer par la perception différentielle
de ces pathologies.
Le paludisme de par sa nature récurrente et
recrudescente fait grever chaque année la bourse des individus. Donc
tous les moyens sont bons pour lutter contre, d'où la large diffusion
des connaissances sur les espèces propres à y faire face surtout
chez les femmes qui sont durablement touchées par cette affection avec
leur progéniture. A propos, nous sommes en présence d'un savoir
commun populaire partagé dans cette société goin sur les
plantes médicinales dans le traitement du paludisme. En ce sens, toute
la population est investie de la mission curative même si certains en
sont des spécialistes à travers la nature des espèces
végétales qu'ils utilisent et les modes d'acquisition de leurs
savoirs. Par contre, la moindre connaissance des enquêtés sur les
espèces entrant dans la cure de la fièvre jaune proviendrait de
son caractère inhabituel et dangereuse. De ce fait, son traitement
incomberait plus aux spécialistes de la médecine traditionnelle
dont le savoir médical apparait toujours aux yeux des profanes comme
possesseur du pouvoir traditionnelle dont la légitimité
découle des ancêtres des génies même si certains
enquêtés en connaissent ; ce qui relève dans ce cas d'un
savoir commun spécialisé et non spécialisé. Ainsi,
après l'étude de la connaissance ou non des plantes entrant dans
la thérapie de ces maladies, il s'agit à présent, de
déterminer celles que les enquêtés connaissent le plus ou
moins à travers leurs fréquences calculées sur la base du
nombre de fois qu'elles ont été mentionnées au sein de
chaque catégorie d'âge. A cet effet, sont
considérées comme les plus connues, les espèces ayant une
fréquence supérieure ou égale à 5%. Soit fi = 5% et
les moins connues sont celles qui ont fréquence inférieure
à 5%. Soit fi < 5
Tableau15 : Connaissance des espèces par
âge entrant dans le traitement du paludisme
Espèce connues
Ages
|
[18-35]
|
[35-52]
|
[52 et +]
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux goin/jula
|
%
|
%
|
%
|
Eucalyptus camaldulensis
|
Yrii djan
|
12,16
|
7,29
|
7,26
|
Carica papaya L.
|
Papayer yrii
|
14,86
|
7,29
|
5,65
|
Maanguifera indica
|
Mangoro yrii
|
10,81
|
2,08
|
0,81
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
6,76
|
16,67
|
12,90
|
Cassia occidentalis L.
|
Kinkeliba
|
6,76
|
0
|
3,22
|
Cassia sieberiana
|
Guanguamberè/Sindjan
|
5,41
|
10,42
|
9,68
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi
|
4,05
|
1,04
|
2,42
|
Sanna siamea
|
Cassia
|
2,70
|
1,04
|
3,22
|
Guiera senegalensis
|
Tcholipupu/Kunguè
|
1,35
|
2,08
|
1,61
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
1,35
|
2,08
|
0
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
1,35
|
6,25
|
5,65
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
1,35
|
6,25
|
4,84
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon/Ladon
|
1,35
|
1,04
|
4,23
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
6,25
|
2,42
|
Citrus limon L.
|
Citron/Lemurukumu
|
0
|
1,04
|
0,81
|
Vitellaria paradoxa
|
Musungu/Karite
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Végétal non identifié
|
Cossafina
|
16,22
|
3,96
|
7,50
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
13,51
|
12,50
|
10,48
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
1,04
|
0
|
Piliostigma resticulatum
|
Pimbemungu/Yama
|
0
|
2,08
|
1,61
|
Vitex chrysocarpa
|
Koto yrii
|
0
|
2,08
|
0
|
Végétal non identifié
|
Cohilo/Tutu mussoman
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan / Pegun
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Pteleosis suberosa
|
Djumatcholo
|
0
|
0
|
2,42
|
Ipomea asarifolia
|
Gonkagni/Dugumad iala
|
0
|
0
|
2,42
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun yrii
|
0
|
1,04
|
2,42
|
Végétal non identifié
|
Hienfiandjantan
|
0
|
0
|
2,42
|
Terminalia avicenniodes
|
Wolon/Wara yrii
|
0
|
1,04
|
0
|
Végétal non identifié
|
Karognu/Tutu tcheman
|
0
|
1,04
|
0
|
Végétal non identifié
|
Teregue yrii
|
0
|
0
|
0,81
|
Psidium guajava
|
Goyaki yrii
|
0
|
1,04
|
1,61
|
Canthium
|
Ladjifofana
|
0
|
0
|
0,81
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
Aussi, les espèces connues dans la cure de ces deux
pathologies varient non seulement avec l'âge, le sexe, leur nature, la
maladie mais aussi avec les tradis-thérapeutes. En effet, l'observation
de ce tableau 15 ci-dessus, relatif à la distribution des espèces
connues dans le traitement du paludisme permet de voir une variation en nombre
et en nature au fur et à mesure que l'âge augmente. En effet,
s'inscrivant dans la tranche d'âge de [18-35[, on dénombre
seulement 15 espèces dont les plus connues sont
''cossafina''(16,22%), Carica papaya (14,86%), Eucalyptus
camaldulensis ''Yrii djan''(12,16%) et Azadirachta indica
''neemier'' (13,51%), Manguifera indica ''manguier''
(10,81%).Le constat est que toutes ces espèces sont exotiques et se
retrouvent pour la plus part dans les espaces socialisés du village. En
outre, lorsqu'on s'inscrit dans la catégorie d'âge de [35-52[le
constat de terrain relève 11 espèces de plus et celles qui sont
les plus connues sont Anofeissus leiocarpa ''Guamungu''en langue goin
et ''kerekete''en jula (16,67%), Azadirachta indica (12,50%),
Cassia sieberiana ''guanguambere''en goin et ''sindjan''en
jula (10,42%). Par contre, dans l'intervalle d'âge [52 et + [, sont
inventoriés 2 espèces de plus que la seconde et 15 que la
première catégorie d'âge dont les plus connues sont
Anofeissus leiocarpa "guamungu" (12,90%) Azadirachta indica
(10,48%); Cassia sieberiana "guanguambere" (9,68%). Lorsqu'on
essaie d'analyser, on s'aperçoit que le nombre des espèces
augmente avec l'âge et les fréquences des plantes les plus connues
varient en fonction de leur nature. Azadirachta indica et Anofeissus
leiocarpa semble être les plantes les plus connues dans le
traitement du paludisme.
Tableau 16: Connaissance par sexes des plantes
dans le traitement du paludisme
Espèces connues
Sexe
|
Femmes
|
Hommes
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux guoin, jula
|
Fréquences%
|
Fréquences%
|
Eucalyptus camaldulensis
|
.../Yrii djan
|
4,44
|
10,37
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamounou/Kerekete
|
15,56
|
10,37
|
Azadirachta indica
|
.../Neemyrii
|
13,33
|
10,37
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian/
|
10
|
1,48
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere/Sindj an
|
6,67
|
10,37
|
Cassia occidentalis L.
|
.../Kinkeliba
|
3,33
|
2,96
|
Manguifera indica
|
../ Mangoro yrii
|
3,33
|
3,70
|
Végétal non identifié
|
.../Cossafina
|
4,44
|
7,41
|
Carica papaya L.
|
... /Papayeryrii
|
6,67
|
6,67
|
Sanna siamea
|
.../Cassia
|
1,11
|
1,48
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati yrii
|
4,44
|
6,67
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi yrii
|
3,33
|
2,96
|
Vitellaria paradoxa
|
Musungu/Si yrii
|
2,22
|
0,74
|
Pteleosis suberosa
|
Djoumatcholo
|
3,33
|
0
|
Ipomea asarifolia
|
Gonkagni/Dugumadj ala
|
3,33
|
0
|
Végétal non identifié
|
Hienfiendjantan
|
3,33
|
0
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun yrii
|
2,22
|
0,74
|
Piliostigmo resticulatum
|
Pembimungu/Yama yrii
|
2,22
|
2,22
|
Guiera senegalensis
|
Tcholipupu/Kungue yrii
|
4,44
|
0,74
|
Végétal non identifié
|
Karognu/Tutu tcheman
|
1,11
|
0
|
Terminalia avicenniodes
|
..../Wolon yrii
|
1,11
|
0
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
1,48
|
Végétal non identifé
|
Sonsolon/Ladon
|
0
|
4,44
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
5,94
|
Cola cordifolia
|
.../Sulamangoro
|
0
|
0,74
|
Citrus limon L.
|
.../Lemurukumuyrii
|
0
|
1,48
|
Psidium guajava
|
. /Goyaki yrii
|
0
|
0,74
|
Végétal non identifié
|
Cohilo/Tutu mussoman
|
0
|
2 22
|
Vitex chrysocarpa
|
/Koto yrii
|
0
|
1,48
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan/Pegun yrii
|
0
|
1,48
|
Canthium
|
.../Ladjfofana
|
0
|
0,74
|
TOTAL
|
|
100%
|
100%
|
Source: données de
terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô.
Ensuite, lorsqu'on essaie de voir la fréquence des
espèces connues par sexe sur ce tableau 16, on se rend compte que
certaines plantes sont plus connues par les deux sexes mais avec une
fréquence beaucoup plus élevée chez les femmes au niveau
des plantes comme Anofeissus leiocarpa (15,56%), Azadirachta
indica (13,37%) contre (10,37%) pour chacune de ces espèces chez
les hommes. Par contre, seule la connaissance de Cassia sieberiana
(Guanguambere) en locale est élevé chez les hommes (10,37%)
que chez les femmes (6,67%). Il faut noter aussi une fréquence
égale de la connaissance de Carica papaya chez les
enquêtés soit (6,67%). En outre, le constat révèle
un taux de connaissance élevé des plantes telles Ecalyptus
camaldulensis (10,37%), Cossafina (7,41%) dont nous n'avons pas
pu déterminer le nom scientifique, Nauclea latifolia tchofian en
goin (6,67%) et Entada africana Guanguambere en goin (5,94%) chez
les hommes que chez les femmes qui en ont une moindre connaissance soit
respectivement 4,44% pour les trois premières plantes et aucune
connaissance de la dernière. Inversement, on note chez les femmes une
grande connaissance de la plante appelé en langue locale goin
Bomboromafian à 10% et l'est moins chez les hommes soit 1,48%.
De plus, il est à signaler que d'autres espèces, connues
faiblement par les femmes telles Pteleosis suberosa (Djoumatcholo), Ipomea
asarifolia (Gonkagnie), Hienfiandjatan avec une fréquence
respective de 3,33% chacune sont en revanche méconnues des hommes car
entrant dans la cure de certaines fièvres des enfants tel que la fissure
anale comme le souligne cet enquêté :
Bon ! Moi j'utilise 5 plantes que je prépare dans
un même canari pour soigner la fièvre des enfants. Tu
enlèves les feuilles de Tomi, karité, Djoumatcholo (les tiges)
les feuilles de Gonkagnie, Hienfiandjantan (tiges) et tu prépares
ensemble ; mais comme je te l'ai indiquée, c'est comme ça il faut
mettre dans le canari, bouillir, faire boire à l'enfant et le laver avec
matin et soir (entretien avec S.I., le 10/04/2012).
Ce qui justifie aussi ce faible niveau de connaissance des
femmes car relevant d'un savoir-faire dans l'association et la mise en canari
des plantes. De même, le constat montre que des plantes connues par les
hommes comme sonsolon (4,44%), Guampanlè (5,94%) sont
méconnues par les femmes surement à cause des règles qui
codifient l'accès aux différentes parties indispensables à
l'utilisation telles que les écorces, les racines car dans les milieux
traditionnels, l'extraction de ces parties est réservée aux
hommes a déclaré un enquêté : « C 'est
moi-même qui part enlever mes plantes en brousse parce que si tu envoies
quelqu'un la personne peut tout mélanger. Souvent aussi, j'achète
avec les tradi praticiens surtout les racines car les femmes n'enlèvent
pas les racines (entretien avec C.A., le 22/04/2012) ».
Du reste, ce système de classement des parties par sexe
relève de ce que Bourdieu appelle la "distinction" où les
feuilles symbolisent la féminité et l'écorce et les
racines, la masculinité
Tableau17 : Connaissance des plantes par
âge dans le traitement de la fièvre jaune
Espèces Ages
Connue
|
[18-35 [
|
[35-52 [
|
[52 et + [
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux goin/jula
|
Fréquences %
|
Fréquences%
|
Fréquences %
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon
|
0
|
4,26
|
12,50
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
33,33
|
14,89
|
16,07
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere/Sindjan
|
0
|
10,64
|
5,36
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
2,13
|
0
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
0
|
17,02
|
16,07
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
6,38
|
0
|
Vitellaria paradoxa
|
Mussungu/Karite
|
0
|
2,13
|
0
|
Tamarindus indica
|
Guanguantchogo/Tomi
|
0
|
4,26
|
1,78
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun/Nere
|
33,33
|
6,38
|
5,36
|
Végétal non identifié
|
Kongobarni
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Terminalia aviceniodes
|
Wolon yrii
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Mitragyna inermis
|
Afian/Dun yrii
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Daniella oliveri
|
Gnanle
|
0
|
2,13
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
0
|
10,64
|
5,36
|
Piliostigma resticulatum
|
Pembinmungu/Yama
|
0
|
2,13
|
0
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
0
|
6,38
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Miminanbwa
|
0
|
2,13
|
3,57
|
Calotropis porcera
|
Diaware
|
0
|
0
|
7,14
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan/Pekun
|
0
|
0
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Siyele/Djoro yrii
|
0
|
0
|
0
|
Végétal non identifié
|
Tchatere/Wo yrii
|
0
|
0
|
0
|
Annona senegalensis
|
Tobre/Lombolombo
|
0
|
0
|
1,79
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
0
|
1,79
|
Cochlospernum planchonii
|
N'dribala
|
33,34
|
0
|
3,57
|
Végétal non identifié
|
Dabruhain
|
0
|
2,13
|
1,79
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
100%
|
Source: données
du terrain, Mars -Avril 2012 à
Diarrabakôkô
Par ailleurs, en s'inscrivant dans la connaissance des plantes
médicinales dans la cure de la fièvre jaune, la variation est
plus perceptible avec l'âge et le sexe. En effet, le tableau 17 ci-dessus
laisse percevoir que les individus dont l'âge est compris entre
[18-35[ont une très faible connaissance des plantes, vu les trois (03)
espèces que sont Parkia biglobosa communément appelle en
jula "néré" et "Bwaun" en goin, Nauclea
latifolia "Tchofian" et Cochlospernum planchonii "N'dribala"
citée chacune à 33,33%. De [35-52[. On dénombre 18
espèces dont 15 de plus que la précédente et avec une
connaissance élevée des espèces comme Anofeissus
leiocarpa "Guamungu" (17,02%), Nauclea latifolia (14,89%),
Cassia sieberiana "Guanguambere" et "Bomoromafian" (10,64%)
chacune. Par contre, en observant dans la catégorie d'âge de [52
et + [, nous remarquons aussi un taux élevé de connaissance de
certaines plantes comme dans celle de [35-52[. Il s'agit d'Anofeissus
leiocarpa et de Nauclealatifolia connues respectivement à
16,07%. En outre, d'autres espèces plus connues dans l'intervalle [52 et
+ [telles "sonsolon" (12,50%) et Calotropis procera "Diavare"
(7,14%) sont moins ou pas connues dans la tranche d'âge [35-52[. Par
contre, dans cette dernière catégorie d'âge
l'Azadirachta indica est la seule plante qui est moins connue dans la
tranche d'âge de [52 et + [soit 3,57%. Il en résulte que la
connaissance va de pair avec l'âge puisqu'elle dérive de
l'expérience sociale comme évoqué
précédemment. Il est intéressant de noter aussi que les
connaissances de ces plantes répondent aux représentations de
cette maladie.
En observant le tableau ci-dessous relatif à la
connaissance des espèces connues par sexe, on se rend compte que les
hommes ont une plus grande connaissance des plantes que les femmes. En effet,
27 espèces ont été citées par les hommes parmi
lesquelles figurent trois (03) espèces (Bwaun, Guanmungu, Tchofian,)
chez les femmes qui en ont citée 10. Par contre, sur les 10 plantes
citées par ces dernières, seulement 6 espèces
(Bomboromafian, Neemier, Mininanbwa, Guanguanbèrè, Yama)
sont absentes chez les hommes. Il faut noter que parmi les espèces
connues par les hommes, les plus connues sont Nauclea latifolia
(16,43%), sonsolon (12,34%), Anofeissus leiocarpa
(12,33%), Cassia siberiana (8,22%). En revanche, les moins
connues sont les plus nombreuses dont fait partie trois (03) espèces
telles Siyèté, Tchatèrè, Tobre cité
par un guerisseur : « Bon ! Pour soigner le Djokadjo, moi j'associe 3
plantes Tobra, Siyèté; Tchatèrè [...]
(entretient avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)».
Contrairement aux hommes, les plantes les plus connues par les femmes sont
Bomboromafian (22,86%), Anofeissas leiocarpa (20%),
Azadirachta indica (17,14%), Nauclea latifolia (11,43%).
L'interprétative qui se dégage de ces données est la
perception même de cette pathologie et le statut social des individus qui
joue un rôle dans la légitimation et l'acquisition du savoir sur
les espèces. Autrement dit, la Connaissance des espèces propres
à soigner tient compte du statut social. Ce qui signifie que les hommes
sont prédisposés à la connaissance de ces plantes, mais
aussi du fait qu'ils sont plus victime de cette maladie.
Tableau 18 : Connaissance des plantes par sexe
dans le traitement de la fièvre jaune.
Espèces
Sexe
connues
|
Femmes
|
Hommes
|
Noms scientifiques
|
Nom locaux goin/Jula
|
Fréquence %
|
Fréquence %
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun/Nére
|
5,71
|
6,85
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu/Kerekete
|
20
|
12,33
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian/Bati
|
11,43
|
16,43
|
Végétal non identifié
|
Bomboromafian
|
22,86
|
0
|
Azadirachta indica
|
... /Neem yrii
|
17,14
|
0
|
Végétal non identifié
|
Miminanbwa
|
8,57
|
0
|
Cochlospernum planchonii
|
... /N'dribala
|
8,57
|
0
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambèrè/Sindjan
|
2,86
|
8,22
|
Piliostigma thonningii
|
Pembinmungu/Yama
|
2,86
|
0
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon/Ladon
|
0
|
12,34
|
Daniellia oliveri
|
Gnanle
|
0
|
4,11
|
Calotropis procera
|
Diaware
|
0
|
5,48
|
Végétal non identifié
|
Siyele/Djoro yrii
|
0
|
1,37
|
Végétal non identifié
|
Tchatere/Wo yrii
|
0
|
1,37
|
Annona sengalensis
|
Tobre/Lombolombo
|
0
|
2,74
|
Bombax costatum
|
Bumbun
|
0
|
2,74
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele/Sulafinssan
|
0
|
1,37
|
Végétal non identifié
|
Kongobarani
|
0
|
2,74
|
Terminalia aviceniodes
|
Wolon yrii
|
0
|
2,74
|
Entada africana
|
Guampanle/Samanere
|
0
|
4,11
|
Végétal non identifié
|
Dabruhian
|
0
|
2,74
|
Mitrgyna inermis
|
Afian/Dun yrii
|
0
|
2,74
|
Lannea microcarpa
|
T antambilan/Pekun
|
0
|
1,37
|
Tamarindus indica
|
Guanguntchogo/Tomi
|
0
|
4,11
|
Vitallearia paradoxa
|
Mussungu/Si yrii
|
0
|
2,74
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
0
|
1,37
|
Total
|
|
100%
|
100%
|
Sources : Données de terrain, du 30 Mars
au 22 Avril 2012 à Diarrabakôkô
Du reste, tout comme la connaissance de ces maladies, la
connaissance de ces plantes médicinales n'est pas une
réalité, un fait en soit mais plutôt un rapport social
étant donné que la santé se mesure aux trames
relationnelles. Ce qui nous amène à parler des différentes
sources d'acquisition de connaissances des plantes médicinales dans la
cure de ces pathologies.
1.1- Des sources de
connaissance ou d'acquisition des connaissances locales des plantes
médicinales
Les connaissances/savoirs sur les plantes médicinales
dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune sont en
général acquises et transmises en milieu traditionnel de
génération en génération par initiation ou par
apprentissage mais aussi dans le cadre même des relations
interpersonnelles ou par expériences. En effet, l'individu
n'acquière des connaissances sur un phénomène donné
qu'en étant en interaction avec ses pairs dans la société.
Ainsi, pour faire face à la récurrence de certaine pathologie
comme le paludisme, il est indispensable surtout dans cette zone
endémique de Diarrabakôkô pour lui d'avoir un minimum de
connaissance sur les espèces appropriées à assurer sa
propre guérison et celle des autres. Et cette connaissance, il ne peut
l'acquérir qu'en objectivant sa maladie lors de ses multiples
interactions avec ses semblables. Ce proverbe Bambara qui dit que "Bana
loba yèrè féré, kènèya loba
yèrè sân" (la maladie se vend et la santé
s'achète) illustre bien cette idée dans la mesure où la
vente et l'achat s'effectue dans un même espace relationnel. De cet
effet, observons le tableau 21 ci-dessous relatif à la distribution des
sources de connaissances des enquêtés sur les plantes
médicinales dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune.
Tableau 19: Distribution par sexe et par
maladie des sources de connaissances des plantes médicinales
Sources de connaissances
Maladies
|
Sexe
|
Parents
|
Voisins
|
Expérience
|
Mari
|
Non Réponses
|
Total
|
Paludisme
|
H
|
56,2%
|
27,5%
|
16,3%
|
0%
|
0%
|
100%
|
F
|
40,3%
|
40,3%
|
10,4%
|
09%
|
0%
|
100%
|
Fièvre jaune
|
H
|
44,90%
|
22,45%
|
14,28%
|
0%
|
18,4%
|
100%
|
F
|
38,56%
|
25,58%
|
11,6%
|
20,9 %
|
20,9%
|
100%
|
Sources : Données de terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'observation de cette distribution statistique
témoigne de l'origine sociale des connaissances sur les plantes
médicinales. En effet, une maladie aussi invalidante et
récurrente que le paludisme entraine nécessairement dans le
milieu rural comme celui de Diarrabakôkô une implication de tous
les membres de la famille voire même de toute la société
dans sa gestion car elle est toujours au stade de la "solidarité
mécanique" fait d'interdépendance. On remarque donc, que le
réseau parental et l'environnement social interviennent plus dans la
connaissance des espèces chez les enquêtés. Mais la
parentèle intervient plus dans la connaissance des espèces
entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune chez les hommes
soit respectivement 56,25% et 44,90% que chez les femmes soit40,30% et 38,56%.
Par contre, chez ces dernières c'est l'environnement social (voisinage)
qui intervient le plus soit aussi respectivement 40,30% et 25,58% que chez les
hommes où il intervient respectivement à 27,5% et 22,45%. En
outre, il est à noter que les époux interviennent plus dans la
connaissance des espèces chez les femmes en cas de fièvre jaune
(11,63%) qu'en cas de paludisme (8,95%), vu la perception différentielle
de ces maladies. Ce qui explique du même coup les réponses non
obtenues qui sont d'ailleurs plus élevées chez les femmes
(20,93%) que chez les hommes (18,37%). L'interprétation qui se
dégage de ces données est que dans cette société
rurale, les individus sont insérés dans des réseaux de
relations qui leur permettent d'acquérir des connaissances sur les
plantes médicinales indispensables par moment pour les premiers soins,
« Cependant, la société est organisée de
manière à lutter de son mieux contre l'hostilité de
l'ambiance. Elle exploite les moindres possibilités de la nature. Elle
est d'une contexture serrée. L'individu n'est point abandonné au
hasard. Il appartient à un clan hiérarchisé. Il
obéit à la coutume qu'établirent ses aïeux pour
s'adapter aux luttes et aux nécessités de la brousse, comprendre
ses exigences, prévoir et éviter l'évènement
fortuit » (Dim Delobsom : 1934 :200). A propos, cette analyse nous
amène à concevoir la société comme une «
configuration d'interdépendance » selon les expressions d'Elias
(1970).
Par ailleurs, on ne saurait procéder à l'analyse
des connaissances locales et modes d'utilisations des plantes
médicinales dans le traitement du paludisme et la fièvre jaune
à Diarrabakôkô sans parler des thérapeutes qui sont
des guérisseurs, agriculteurs pour la plupart, des chasseurs Dozo comme
les autres habitants du village ou des "sokalas" voisines. « De la
même façon que les croyances médicales et les traitements
varient selon les contextes socioculturels de même ce qui
caractérise les thérapeutes en tant qu'individus, leur
comportement, leur formation changent selon les systèmes (Genest 1978
:18) ». Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire que
le savoir des thérapeutes relève soit de l'initiation (maitre et
initié), soit de l'hérédité (petits-fils,
grands-parents, petits-enfants, oncles, neveux...) au cours d'un long processus
de pérégrination ou de l'achat. Trois guérisseurs
s'expriment à propos :
Moi je n'ai pas choisi d'être guérisseur.
C'est mon papa qui m'a choisi. Il ne m'a pas mis à l'école et il
m'a préparé pour le remplacer. Je peux dire que j'ai
hérité ça de lui. Mais j'ai appris aussi avec ses
collaborateurs parce que un père ne veut pas tout apprendre à son
enfant par peur de son comportement. (Entretien avec S.M., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)
« Moi je suis un dozo et je fais un peu de
l'agriculture. Le dozo et la connaissance des plantes m'ont été
donnés par le papa. Lui-même était un grand chef dozo. J'ai
aussi appris d'autres mais ça prend la tête de certaines personnes
et pas d'autres. J'ai fait 3 ans au Mali pour ajouter à ce que mon
père m'a enseigné. Tu sais, on ne finit jamais d'apprendre si ce
n'est dans la tombe. (...). Pour être dozo, tu travailles pour le
maître pendant des années et s'il est satisfait, il décide
de t'apprendre à connaître les secrets de la brousse et la vertu
des plantes. Le dozo et la connaissance des plantes sont liée.
(Entretien avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
« Bon ! Ce métier, je l'ai appris
auprès d'un maître coranique pour une somme de 1800F et c'est
tout. Il n 'y avait pas de rituel autour et il m'a appris ça car sans le
connaître, je l'ai hébergé chez moi ». (Entretien
avec S.I., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)
Il en résulte que les modes d'acquisition des
connaissances de ces guérisseurs demeurent la base de la reconnaissance
de leurs qualités au sein de la société puisqu'elles
émanent des sources diversifiées qui sont en
général la règle. Pour ce faire donc, il faut
séjourner à l'étranger, se familiariser avec les nouvelles
pratiques ou en acheter. Comme l'ont montré Kerharo et Bouquet dans leur
étude que : « Les guérisseurs de savane sont surtout
détenteur d'un secret hérité ou acheté et souvent,
même les plus réputés ne connaissent pas dix (10) plantes
en dehors de celles entrant dans la composition de leur médicaments
(Kerharo et Bouquet 1950 :32) ». En outre, il est à signaler que
l'apprenti guérisseur n'est habilité à aller cueillir seul
les drogues végétales que lorsque la « science des
reconnaissances botaniques » est jugé suffisante par le père
ou le maître. Ce qui sous-tend que la connaissance est progressif et cela
demande de la patience et de la mémoire. Toutefois, la connaissance dans
la médecine traditionnelle qu'elle soit transmise par
hérédité (de père en fils) ou par initiation
(maître et initié) revêt toujours un caractère
sacré, ce qui légitime la spécialité de leur savoir
auquel s'ajoute la nature locale des espèces qu'ils emploient.
Cependant, le constat révèle l'acquisition des
connaissances par achat qui est la méthode la plus simple, mais devenu
de plus en plus cher. Ce qui peut avoir un impact sur les honoraires des
guérisseurs. Cette assertion est illustrée par informateur :
Bon !les plantes que j'ai apprises ont été
payantes. Je me suis déplacé pour aller connaître deux
plantes à Bamako, j'ai payé 500.000F là-bas, à
Korhogo aussi, j'ai payé 600.000F ; Ghana où j'ai fait trois (03)
mois là-bas, j'ai payé 300.000F. C'estcher parce qu'ils savent
que tu t'es déplacé et tu en a besoin. "i macogno yrii lo ". Bolo
fla lobi djen ka gnogon ko"( ce sont les deux mains qui se joignent pour se
laver ». (Entretien avec S.D., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)
Il ressort de ce discours que l'achat des connaissances peut
aboutir à la formation des pseudos spécialistes de certaines
plantes médicinales et entraîner du même coup le sur
enrichissement des honoraires qui se limitent en général dans
cette médecine traditionnelle aux gestes symboliques ainsi qu'à
la satisfaction. Trois guérisseurs déclarent :
Moi mon travail n'a pas de prix car il arrive souvent que
le malade n'a pas d'argent, tu prends avec Dieu et tu lui donne le
médicament, s'il reconnaît après tant mieux. Chez moi
l'humanisme doit précéder l'argent "Adamadenga binwari gna" car
les retombées peuvent être sur tes enfants (...). Bon ! Pour
soigner le paludisme, je prends 7000F et Djokadjo 12000F mais c'est
jusque-là à la guérison totale (entretien avec S.D.,
le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
« Chez moi un canari de médicament du
paludisme n'est pas cher. Si réellement c'est le paludisme, je demande
le prix de l'essence pour aller chercher les plantes ou un poulet et on soigne
le malade jusqu'à la guérison. On s'entre aide ici. Pour la
fièvre jaune c'est aussi la même chose. (Entretien avec O.D.,
le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
Bon ! Moi je n'ai pas le prix fixe, que tu me donnes 25F
ou 50F, je prends. Ce que le malade gagne, c'est ce que je prends.
Généralement beaucoup d'entre nous parlent de difficultés
d'apprentissage pour rendre cher leur traitement. Moi mon grand-père ne
m'a pas appris pour vendre mais pour servir. Ce que tu as appris, n'a pas de
prix. Il faut servir telle est la règle de mon grand-père. La
guérison d'abord et l'argent après. (...). Moi mon traitement de
paludisme et Djokadjo, c'est juste un poulet. C'est ceux qui sortent pour
acheter leur connaissance qui ont un traitement cher ; souvent même c
'est plus cher que le traitement du toubab (entretien avec S.S, le
10/04/2012, Dirabakôkô) ».
Il en résulte de ce fait que les honoraires varient en
fonction des sources d'acquisition des connaissances et du lien de
familiarité que chaque membre de la société entretient
avec ses thérapeutes. D'autres part, les modes de transmission de leurs
connaissances est fonction des modes d'acquisition d'où des
règles codifiant le rite de passage des néophytes. Trois
guérisseurs résument ces règles présidant le rite
de passage :
Aujourd'hui, si tu veux avoir des connaissances sur les
plantes tu vas enlever beaucoup d'argent. Toutes choses est affaire d'argent
maintenant. Pour apprendre chez moi, il y a des connaissances dont le rituel
demande un mouton, d'autres un poulet plus l'argent. Je n'ai pas de prix fixe.
Un prix bas pour quelqu 'un que je connais et le prix normal pour les
étrangers (entretien avec H.B, le 12/04/2012,
Diarrabakôkô).
Bon ! Peu importe ton ethnie, chacun peut exercer ce
métier. Si l'initiative vient de toi, on va t'initier. Bon ! (...)
l'initiation consiste à enlever le "tomsso" (galettes faite à
base de la farine de haricot) dans l'huile chaude sur le feu 3 fois ; si c'est
un homme et 4 fois si c'est une femme. Hum ! Pour les femmes c'est quatre parce
qu'en plus d'être Homme qui fait 3 elles sont nos mamans voilà
pourquoi c 'est 4. Si tu as pu enlever les "tomso ", on saura que le secret te
conviendra et tu es tenu de garder ça. Si non on ne trille pas, on peut
donner le savoir à tout le monde pourvu que la personne soit
intéressée. Avant, les "flatigui"(guérisseurs) gardaient
jalousement leur secret mais aujourd'hui avec la modernité on est eu peu
ouvert mais dans la méfiance à cause du mauvais comportement des
enfants (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
Comme moi je ne fais pas de ces connaissances mon
métier, si quelqu'un veut apprendre avec moi je lui demande juste de
payer un prix forfaitaire car mon papa ne m'a pas appris pour que je garde pour
moi seul. Il m'a donné pour que je puisse m'aidé et aider les
gens ; pour cela, je te montre pour qu'à ton tour tu fasses la
même chose ou que tu seras et qui tu es. La connaissance est faite pour
être partagée mais ceux qui en font un métier, c'est normal
que l'apprenant paye de l'argent et sois soumis au maître. C'est comme
pour les "toubabs'' (blancs), il faut payer pour aller à
l'école, apprendre pendant des années à côté
du maître. Lorsqu'il est sûr que tu as bien appris, il peut te
donner la route accompagné de sa bénédiction
(entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô).
En considérant tous ces discours, nous pouvons conclure
que dans le domaine de la médecine traditionnelle, le rite de passage
nécessite un certain nombre de qualités tel le courage, la
patience et la mémoire malgré le prix à payer sans qu'il y
ait prédestination. Pour le dire autrement, en reprenant la formulation
de Kalis : « Les qualités exigées de l'élève
sont le courage, la discrétion, la patience, la maîtrise de soi et
une obéissance sans faille ». (Kalis 1997 : 188).
Par ailleurs, les données empiriques
révèlent l'existence des règles dans le milieu même
des guérisseurs. Et ces règles vont de l'interdiction à la
vente sur le marché des produits émanant d'un savoir ancestral en
passant par les médias pour la promotion ou toute forme de
publicité comme le note un enquêté :
"Lonigna sir a ka Tchà", (la connaissance a
plusieurs chemins).Vendre la connaissance sur le marché le rend
méprisable. Le vendeur de pharmacies (pharmacien) tout comme le docteur
n'a pas besoin de se vendre. Les doigts sont gros et grand, la connaissance est
ainsi faite. Si tu connais, tu connais ; si tu ne peux pas réfère
le malade à un plus compétent. La publicité nuit à
la connaissance selon moi. Les ancêtres n'ont pas dit ça. Dieu n'a
pas dit ça. "Li ta foka lé kadi, Ni ya nènè Lo ibi
sôrô kalon kaakadi " (le miel ne dit pas qu'il est bon. C 'est
lorsque tu vas le goutter que tu sauras qu'il est bon) tel est la connaissance.
(Entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
Envisager de façon interprétative ce qui vient
d'être développé, il convient de mentionner avec Bibeau que
: « Dans ces systèmes non formalisés comme le sont les
médecines traditionnelles, tout le savoir est agi tout est acté,
tout est dit en situation et il n'existe pas une science de concepts qui se
maintiendrait par elle-même et qui pourrait être reconstitué
en dehors des situations de maladie (Bibeau 1978 : 92-93)».
II- Des
procédés d'utilisation des plantes médicinales.
2.1- Des plantes
médicinales utilisées dans la cure du paludisme et de la
fièvre jaune
L'utilisation des plantes médicinales requiert un
savoir-faire qui est indissociable de la connaissance même des
espèces. Mais, cela ne suppose pas pour autant que toute connaissance
implique nécessairement un savoir-faire qui relève de la maitrise
pratique des modes ou procédés d'utilisation des espèces
végétales connues dans la cure du paludisme et la fièvre
jaune. Autrement dit, la connaissance des plantes médicinales qui est
l'élément principal des pharmacopées traditionnelles
africaines n'entraine pas forcément leur utilisation qui dépend
de la reconnaissance des valeurs intrinsèques (efficacité et/ou
satisfaction reconnue) ; de l'accessibilité (géographique,
disponibilité et règles codifiant l'accès) ; de la nature
et des représentations de la maladie, mais aussi et surtout du sexe
(selon qu'on est homme ou femme). En effet, nous allons nous appesantir sur
cette variable sexe afin de saisir la variation des plantes les plus ou moins
utilisées par les enquêtés et ce, en fonction des autres
variables qui ne sont que des modalités pratiques de l'utilisation des
plantes. Ainsi, l'utilisation des drogues végétales est à
quelque degré, oeuvre de la volonté collective et qui dit
volonté collective dit choix entre différentes modalités
possible. Il suit de cette nature des similitudes et des dissemblances au
niveau des espèces les plus ou moins employés par les
enquêtés dans la thérapie de ces deux pathologies.
Comme nous allons le constater sur ces tableaux ci-dessous,
relatifs à la variation des fréquences d'utilisation des plantes
par sexe et par maladie ; il convient de noter que cette fréquence est
calculée sur la base du nombre de fois que les espèces ont
été employées suite à la question de savoir celles
que les enquêtés emploient le plus. C'est ainsi qu'on a pu
déterminer le seuil d'utilisation qui se formule comme suit :
- Les plantes ayant une fréquence supérieure ou
égale à 5% sont celles qui sont les plus utilisées.
Soit fi =5%.
- Les plantes ayant une fréquence inférieure
à 5% sont les moins employées soit fi < 5%.
L'examen du tableau 21 ci-dessous relatif aux plantes les plus
ou moins utilisées par les enquêtés dans la thérapie
du paludisme permet de voir une plus grande utilisation variée et
diversifiée de ces plantes en témoignent les 20 plantes
employées par les femmes et les 22 par les hommes sur un total de 31
espèces connues. Ce qui peut s'expliquer par la nature récurrente
et les représentations de cette maladie invalidante face à
laquelle la biomédecine reste impuissante. Ainsi, le constat
révèle que sur les 20 espèces employées par les
femmes, (09) sont les plus utilisées selon leurs fréquences
respectives, à savoir Anofeissus leiocarpa (15,09%),
Azadirachta indica (11,32%), "Bomboromafian" (9,43%),
Cassia sieberiana (8,49%), Carica papaya (7,55%),
Eucalyptus camaldulensis (5,66%), "Cossafina" (5,66%),
Manguifera indica (5,66%) et Nauclea latifolia (5,66%).
Comparativement aux femmes, sur les 22 espèces
employées par les hommes, seulement (08) espèces sont les plus
utilisées selon leur fréquence en l'occurrence guamungu
(12,31%), yriidjan (10,77%), guanguambere (10%),
neem yrii (10%). L'observation de ces fréquences respectives
permet d'y voir une dispersion chez les femmes que chez les hommes. Et, pour
les mêmes espèces employées, les fréquences varient
selon le sexe des enquêtés. Il en résulte que le paludisme
est une affection qui touche toutes les couches sociales les plus
vulnérables notamment, les femmes et leurs progénitures surtout
dans ce milieu rural. Ce qui fait d'eux des soignantes ou utilisateurs
privilégiés.
Tableau20 : Répartition des plantes les
plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement du
paludisme.
Sexes
Espèces utilisées
|
Femmes
|
Hommes
|
Espèces les Plus utilisées
|
Noms scientifiques
plus utilisées
|
Noms locaux
|
Parties
|
%
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux
|
Parties
|
%
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu
|
Feuilles
|
15,09
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu
|
Racines Feuilles
S
|
12,31
|
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
Feuilles
|
11,32
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
Feuilles
|
10
|
Végétal non identifié
Ca
|
Bomboramafian
|
Feuilles
|
9,43
|
Entada africana
|
Guanpamle
|
Racines Ecorces
S
|
6,15
|
Carica papaya L.
|
Papaye yrii
|
Feuilles Fruits
|
7,55
|
Carica papaya L.
|
Papaye yrii
|
Feuilles Fruits
|
6,92
|
Cassia sieberiana
|
Guanguamber e
|
Racines Feuilles
|
8,49
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere
|
Feuilles Ecorces Racines
|
10
|
Eucalyptus camaldulensis
|
Yrii djan
|
Feuilles
|
5,66
|
Eucalyptus camaldulensis
|
Yrii djan
|
Feuilles
|
10,77
|
Végétal non identifié
|
Cossafina
|
Feuilles
|
5,66
|
Végétal non identifié
|
Cossafina
|
Feuilles
|
7,69
|
Manguifera indica
|
Mangoro yrii
|
Feuilles
|
5,66
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian
|
Racines Feuilles
|
5,66
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian
|
Racines Feuilles
|
6,92
|
Espèces les moins utilisées
|
Végétal non identifié
|
Tcholipupu
|
Feuilles Racines
|
3,77
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon
|
Racines
|
3,85
|
Tamarindus indica
|
Tomi yrii
|
Feuilles
|
2,83
|
Cassia occidentalis L.
|
Kinkeliba
|
Feuilles
|
3,07
|
Pteeosis suberosa
|
Djumatcholo
|
Tiges
|
2,83
|
Manguifera indica
|
Manguoro yrii
|
Feuilles
|
3,07
|
Ipomea asarifolia
|
Gonkangni
|
Feuilles
|
2,83
|
Végétal non identifié
|
Cohilo
|
Feuilles
|
2,31
|
Végétal non identifié
|
Hienfiandjantan
|
Tiges
|
2,83
|
Sanna siamea
|
Cassia
|
Feuilles
|
2,31
|
Cassia occidentalis L.
Vé
|
Kinkeliba
|
Feuilles
|
2,83
|
Piliostigma resticulatum
|
Yama yrii
|
Feuilles
|
2,31
|
Vitellaria pradoxa
|
Mussungu
|
Feuilles
|
1,89
|
Vitex chrysocarpa
|
Koto yrii
|
Feuilles/Racines
S
|
1,54
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun
|
Feuilles
|
1,89
|
Cola cordifolia
|
Sulamangoro
|
Racines
|
1,54
|
Piliostigma resticulatum
|
Yama yrii
|
Feuilles
|
1,89
|
Lannea microcarpa
|
Tantambilan
|
Racines
|
1,54
|
Sanna siamea
|
Cassia
|
Feuilles
|
0,94
|
Guiera senegalensis
|
Tcholipupu
|
Feuilles/racines
|
0,77
|
Végétal non identifié
|
Karognu
|
Feuilles
|
0,94
|
Citrus limon L.
|
lemurukumu
|
Feuilles
|
0,77
|
|
|
Mitragyna inermis
|
Anfian/Dun
|
Feuilles
|
1,54
|
Psidium guajava
|
Goyaki yrii
|
Feuilles
|
0,77
|
Végétal non identifié
|
bomboroma fi an
|
Feuilles
|
0,77
|
TOTAL
|
20 plantes
|
100%
|
22 plantes
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars -Avril
2012 à Diarrabakôkô
En outre, la prise en compte des plantes les plus
employées selon que nous considérons leur nature fait percevoir
dans ce tableau (20), qu'à l'exception des plantes comme (Guamungu,
Bomboromafian, guanguambere, Tchofian, et guampanle) qui sont des
espèces locales , l'utilisation des autres espèces (neemier,
papayer, eucalyptus, cossafina, manguier) est universellement
répandue dans cette localité de Diarrabakôkô comme
antipaludéen à cause non seulement de leur plus grande
accessibilité puisqu'elles sont retrouvées dans l'espace
fermé et semi ouvert du village, donc plus proche de la population, mais
aussi et surtout du fait qu'elles sont exempts de tout support rituel. Ce sont
des plantes exotiques à usage courant comme le développe un
enquêté :
Bon... tu sais qu'il y a beaucoup de plantes que les gens
utilisent pour soigner ces maladies. Comme "Anga taga bolokatcha"(nos
connaissances sont variées) par exemple je sais que beaucoup de
personnes utilisent les feuilles de papayer, kinkéliba, accacia pour
soigner le paludisme. (...). Il ya aussi les feuilles de cossafina,
macérer bon pour le sumaya. Mais moi je ne les utilise pas car ce sont
des calmants. C'est comme les comprimés contre le sumaya qu'on vend au
dispensaire. Quand tu prends, tu vois que ça se calme et après
quelque temps, la maladie revient. Tout le monde connait ces plantes,
mêmes les enfants, s'ils sentent que le sumaya veut les attraper, ils
enlèvent. (Entretien avec H.B., le 12/04/2012,
Diarrabakôkô)
Comparativement à ces plantes d'importation de nature
préventive, l'utilisation des espèces locales varie
considérablement avec le sexe excepté le guamungu qui
est beaucoup plus utilisée par les deux sexes.
De plus, les données empiriques révèlent
une pluralité et une diversité de plantes les moins
employées par les enquêtés. La pluralité fait
référence au nombre et la diversité, vient du fait que
certaines espèces locales telles que bomboromafian, mangoro yrii,
sont d'usage courante chez les femmes et le sont moins chez hommes, au
regard de ces fréquences respectives (0,77%), (3,03%). Inversement, nous
observons un emploi plus fréquent de Guampanle chez les hommes
que chez les femmes. De même, on constate que les espèces les
moins utilisées sont plus nombreuses que celles couramment
employées. L'explication vientdu fait que ces plantes sont en
majorité locales, retrouvées dans l'espace ouvert du village,
donc difficile d'accès pris en termes de disponibilité
géographique et règle codifiant leur accès.
Nous pouvons donc, résumant l'analyse qui
précède, dire que l'ensemble du monde végétal est
scindé en deux, selon qu'il appartient à l'espace
socialisé du village (fermé, semi-ouvert) ou à la brousse
que l'homme ne maîtrise pas. Ainsi, l'appartenance à un des deux
espaces induit un type de conditions d'accès.
Par ailleurs, en s'inscrivant dans la logique du tableau 21
suivant relatif à la fréquence d'utilisation des plantes entrant
dans la thérapie de la fièvre jaune, on s'aperçoit d'abord
de l'emploi de peu de plantes dans sa cure vue sa perception par cette
population locale de Diarrabakoko sur un axe de gravité croissante du
paludisme qu'il appelle selon leur état de connaissance sumayaba,
jaunisse, Djokadjo ou Djokadjo guè. En effet, partant de la
perception inhabituelle et mortelle de cette maladie en cas de traitement
biomédical. Ainsi, pour cette population, seules les plantes
médicinales sont à même de combattre efficacement cette
affection mais cela dépend aussi du niveau de connaissance/savoir sur
cette pathologie et les espèces appropriées à y
remédier, donc du statut médical. Ce qui pourrait en être
l'explication du peu d'emploi des plantes par les enquêtés.
Cependant, comme on peut le constater, sur (08) plantes utilisées par
les femmes, (07) sont fréquemment employées en l'occurrence
Bomboromafian (24,24%), Guamungu (21,21%), Neemier
(15,15%), Tchofian (12,12%), N'dribala (9,09%),
Bwaun(Nere) (6,06%), Miminanbwa (6,06%),
Comparativement aux femmes, les hommes utilisent (21) plantes
dans le traitement de cette effrayante affection mais seulement (04)
espèces interviennent le plus selon les fréquences respectives
à savoir : Tchofian (18,18%), Guamungu (15,15)%,
Sonsolon (12,12%) Guanguambere (9,09%). Cette variation et
cette dispersion des fréquences des espèces les plus
employées par les femmes viennent à nouveau confirmer leur statut
de soignantes privilégiées du fait de leur maternité. Par
contre chez les hommes, on observe non seulement une pluralité et une
diversité des espèces utilisées mais aussi une certaine
concentration des fréquences des plantes les plus employées ; ce
qui signifie que les femmes sont plus inscrites dans une logique de «
rationalité en finalité » que les hommes, qui en plus de
cela recherche une certaine efficacité. Mais le nombre
élevé de plantes utilisées par les hommes vient du fait
que la solidarité est absolue en matière de l'utilisation des
plantes dans la cure de cette affection à l'intérieur de la
grande famille, et ces plantes se retrouvent le plus souvent dans la brousse
profonde, donc des espèces locales qui sont habitées par des
esprits ou des forces surnaturelles qui en sont les gardiens. Comparativement
aux plantes médicinales les plus employées par les femmes,
l'observation montre qu'exception fait à des espèces comme
guamungu, tchofian qui sont aussi plus employées par les
hommes, certaines espèces font partie des moins utilisées par ces
derniers comme Parkia biglobosa 4,28%, et d'autres comme
Bomboromafian, Neemier, Miminanbwa, N'dribala ne sont même
d'usage. Il en est de même pour le cas inverse ou des espèces
comme guanguanbere (sindjan), tchofian (bati), sonsonlon qui sont plus
utilisées par les hommes et qui sont absentes des plantes
utilisées par les femmes. Il en résulte de ce fait une variation
des fréquences et une diversité des plantes utilisées
selon le sexe et la connaissance empirique de ces plantes.
En outre, cette variation est aussi perceptible au niveau
même des matériaux botaniques (racines, feuilles, écorces,
tiges...) entrant dans la préparation des recettes médicinales.
En effet, on remarque l'usage récurrent des feuilles chez les
enquêtés et plus chez les femmes surtout dans la cure du paludisme
tandis que chez les hommes, l'usage des organes est diversifié. Mais, il
est à signaler que les feuilles proviennent plus des espèces
exotiques que locales. Par contre, en observant les organes entrant dans la
préparation médicinale de la fièvre jaune, le constat
révèle l'usage récurrent des racines, des écorces
chez les hommes que chez les femmes ou on remarque toujours un usage important
des feuilles. Il suit de cette nature une distinction des organes en fonction
de ces maladies. Autrement dit, l'usage des feuilles, tiges et fruits sont plus
récurrent dans la préparation médicinale du paludisme
tandis que les racines et les écorces le sont plus dans celle de la
fièvre jaune. Et les feuilles se rapporteraient plus au sexe
féminin et les racines et les écorces au sexe masculin;
étant donné que la récolte des racines est proscrite pour
les femmes comme nous pouvons le constaté à travers ces propos
d'une herboriste :
(...) ; souvent aussi on achète avec les "fla bola"
surtout les racines. C'est seulement les feuilles que nous nous pouvons
enlever. Nous achetons un sac de racine de nos plantes à 100 francs.
Mais seule la plante qu'on appelle ``djoro yrii'' qui fait 1500 francs, car
c'est très difficile à avoir à coté si ce n'est pas
en brousse profonde (entretien avec C.A., le 22/04/2012,
Diarrabakôkô).
Tableau 21 : Répartition des plantes les
plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement de la fièvre
jaune.
Sexe
Espèces Utilisées
|
FEMMES
|
HOMMES
|
Espèces les plus utilisées
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux
|
Parties
|
%
|
Noms scientifiques
|
Noms locaux
|
Parties
|
%
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu
|
Feuilles
|
21,21%
|
Anofeissus leiocarpa
|
Guamungu
|
Racines Feuilles
|
15,15
|
Azadirachta indica
|
Neem yrii
|
Feuilles
|
15,15
|
Azadirachta indica
|
Tchofian
|
Racines Feuilles
|
18,18
|
Nauclea latifolia
|
Tchofian
|
Racines
|
12,12
|
Végétal non identifié
|
Sonsolon
|
Racines
|
12,12
|
Cochlospernum planchonii
|
N'dribala
|
Racines
|
9,09
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambere
|
Racines Feuilles
|
9,09
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun Nere
|
Ecorces Noix
|
6,06
|
|
|
|
|
Végétal non identifié
|
Miminambua
|
Feuilles Ecorces
|
6,06
|
|
|
|
|
Espèces les moins utilisées
|
Piliostigma resticulatum
|
Yama yrii
|
Feuilles
|
3,03
|
Entada africana
|
Guampanle
|
Racines Feuilles
|
4,55
|
Cassia sieberiana
|
Guanguambè rè
|
Feuilles
|
3,03
|
Parkia biglobosa
|
Bwaun Nere
|
Racines Ecorces
Graines
|
4,55
|
|
|
Daniella oliveri
|
Gnanlè
|
Feuilles
|
4,55
|
Tamarindus indica
|
Tomi yrii
|
Feuilles
Tiges
|
3,03
|
Terminalia aviceniodes
|
Wolon yrii
|
Racines
|
3,03
|
Végétal non identifié
|
Kongobarani
|
Racines
|
3,03
|
Mitragyna inermis
|
Dun yrii
|
Feuilles
|
3,03
|
Calotropis procera
|
Daiware
|
Racines
|
3,03
|
Lannea microcarpa
|
Tantanbilan
|
Racines
|
3,03
|
Bombax costatum
|
Bumbun
|
Racines
|
3,03
|
Vitellaria paradoxa
|
Si yrii
|
Ecorces
|
1,51
|
Cola cordifolia
|
Soulamangoro
|
Racines
|
1,51
|
Végétal non identifié
|
Siyèlè
|
Racines
|
1,51
|
Végétal non identifié
|
Tchatèrè
|
Racines
|
1,51
|
Annona senegalensis
|
Tobre
|
Racines
|
1,51
|
Vitellaria paradoxa mâle
|
Si yrii kièma
|
Racines
|
1,51
|
Trichilia emetica
|
Nicorpiele
|
Racines
|
1,51
|
TOTAL
|
08 Plantes
|
100%
|
21 Plantes
|
100 %
|
Source données du terrain, Mars - Avril
2012 à Diarrabakôkô
Poursuivant la lecture comparée des plantes
fréquemment employées dans la cure de ces deux pathologies
perçue par les enquêtés comme "dogo ni koro fadeen"
(petit frère et grand frère de même père), on
s'aperçoit aussi d'une variation selon la maladie. En effet, le constat
révèle l'emploi plus fréquent des espèces exotiques
dans la cure du paludisme contrairement à celle de la fièvre
jaune où l'emploi des espèces locales est plus courant exception
fait aux espèces comme guamungu et neemier qui
interviennent plus dans la thérapie de ces deux affections surtout chez
les femmes. En outre, l'emploi des plantes dans le traitement de la
fièvre jaune varie selon le degré de cette affection qui va de
sumayaba, djokadjo ou mieux de la couleur jaunâtre à la
couleur blanchâtre des yeux, paumes dans la conception de cette
population locale de Diarrabakôkô. Et, généralement,
les plantes les plus utilisées mettent en jeu un système
d'analogie se rapportant au symptôme visible de ce mal (la tendance
jaunâtre) que Mauss appelle des lois de "sympathie".
En plus de cela, il est intéressant de noter que
certaines espèces comme guamungu, bomboromafian, neemier
couramment employées par les femmes dans la thérapie du
paludisme, le sont aussi dans celles de la fièvre jaune et même au
stade avancé vue ces fréquences respectives de 16,12% pour
guamungu et bomboromafian et 12,90% pour le neemier.
A ces espèces viennent s'ajouter d'autres espèces comme
miminanbwa, tchofian employé à 9,67% chacune. Cependant,
il faut noter que 16,12% des enquêtés attestent avoir recours aux
thérapeutes. Quant aux hommes, ils emploient également les
mêmes espèces au stade avancé de cette maladie mais avec
une fréquence beaucoup plus élevée que pendant le
début de la maladie. Soit 14,54% d'emploi pour sonsolon ; 11%
sindjan ; 20% tchofian ; et 9,1% pour guamungu. En
ce sens, nous pouvons dire que les mêmes plantes sont fréquemment
utilisées par les enquêtés dans la thérapie de ces
affections même si lesfréquences de leur emploi varient selon le
sexe, la représentation de ces maladies, leur accessibilité et
leur efficacité reconnue.
Du reste, sur le point relatif aux règles codifiant
l'accès à ces plantes, que ce soit dans la cure du paludisme
comme dans celle de la fièvre jaune, le constat de terrain
révèle que ces drogues végétales, qu'elles soient
plus ou moins employées, sont pour la plupart sans condition
d'accès selon 80,23% des enquêtés. Seulement 19,77% d'entre
eux y voient des règles allant du respect ou la parole donnée
à la plante aux rituels selon la connaissance des enquêtés
et la nature de la plante comme le souligne un enquêté :
L'accès aux plantes nécessite respect et
considération. Ce sont des êtres vivants. Tu sais qu'en Afrique et
dans nos sociétés, la parole est une puissance, la parole soigne.
Pour augmenter l'efficacité des plantes, tu parles pour t'excuser et
c'est ce que moi je fais (entretien avec D.PZ, le 20/04/2012, Banfora).
Cependant, seule une plante appelée guampanle
en langue locale goin et samanere en langue véhiculaire
Jula nécessite la prise en compte de l'orientation Est-Ouest dans la
cueillette de ces racines comme le confirme un guérisseur : «
Bon !il y a une plante qu'on appelle en Jula samanere. Nous on l'appelle dans
notre langue Guampanl e. C'est la seule que je connais qui a une manière
d'enlever les racines. Il faut enlever une racine vers le coucher du soleil et
une autre vers le lever du soleil (entretien H.T, le 11/04/2012)». Ce
qui explique son emploi fréquent par les hommes dans la cure de cette
maladie. En ce lieu, en envisageant de façon interprétative, nous
pouvons dire en dernière instance que l'utilisation plus ou moins des
drogues végétales varie sensiblement selon qu'on est homme ou
femme, selon leur nature, les organes utilisés et les règle
codifiant leur accès ainsi que la représentation locale de ces
pathologies. Il est à signaler également que l'utilisation varie
avec la pluralité et la diversité des plantes médicinales
dans cette localité de Diarrabakôkô ou la
pluviométrie est bonne à l'image de toute la région des
cascades dont elle fait partie. Ce qui démontre que l'espace physique
qui est à l'origine de ces affections est aussi un lieu de pratiques
sociales. Sur la base d'un tel constat, nous pouvons dire que si la maladie se
trouve dans la nature comme l'est le paludisme et la fièvre jaune, il en
est de même de la guérison. Mais cette guérison par les
drogues végétales relève de la croyance qui est capitale
dans la réussite d'un traitement ou dans l'efficacité des plantes
qui sont animées par des esprits surnaturels. Ainsi, à la
question de savoir les raisons de l'emploi plus fréquent de certaines
plantes, l'efficacité est la principale raison avancée à
75% par les enquêtés suivi de l'expérience d'utilisation
à 16,66%. La disponibilité des plantes et la prévention de
la maladie ont été avancées à 04,17% chacune.
Si nous considérons que la maladie n'est pas seulement
un fait éminemment individuel, il en est de même pour
l'utilisation des plantes médicinales qui fait intervenir en sus
l'ensemble de la société.
2.1.1- Personnes
impliquées dans le choix des plantes à utiliser
Le village de Diarrabakôkô comme nous l'avons
précédemment évoqués est une entité
restreinte qui est toujours au stade de la solidarité mécanique.
De ce fait, dès qu'un problème de santé se pose, c'est
toute la famille, voire toute la société qui est
interpelée. De ce fait, concevoir la maladie comme une déviance
sociale suppose également l'implication de la société dans
le choix des plantes médicinales propres à y faire face. Ainsi,
la prise en compte des personnes impliquées dans le choix des plantes
à utiliser selon que nous considérons la maladie et le sexe, fait
percevoir dans le tableau suivant, des éléments d'analyses.
Tableau 22 : Distribution par sexe et par
maladie des personnes impliquées dans le choix des plantes à
utiliser
Personne impliquées
Maladies
|
Sexe
|
Parents
|
Voisinage
|
Expérience
|
TOTAL
|
Paludisme
|
H
|
36,84%
|
11,58%
|
51,58%
|
100%
|
F
|
19,72%
|
38,03%
|
42,25%
|
100%
|
Fièvre jaune
|
H
|
43,75%
|
25%
|
31,25%
|
100%
|
F
|
28%
|
52%
|
20%
|
100%
|
Source : données du terrain Mars- Avril
2012 à Diarabakôkô
L'analyse de la distribution des personnes impliquées
dans le choix des plantes à utiliser par les enquêtés varie
en fonction du sexe et de la maladie. En effet, l'observation des
données statistiques montre que l'expérience intervient plus dans
le choix des enquêtés dans la cure du paludisme soit 51,58% chez
les hommes et 42,25% chez les femmes que dans celle de la fièvre jaune
soit respectivement 31,25% et 20%. Ce qui met une fois de plus en exergue la
nature récurrente du paludisme qui est une maladie dont peu de gens
échappe surtout dans cette localité de Diarrabakôkô
qui est une zone endémique stable toute l'année. En ce sens et
face à l'incapacité immédiate de mobilisation des
ressources monétaires, il suffit d'utiliser une plante et trouver
satisfaction pour en faire une drogue privilégié dans la cure de
cette affection. Autrement dit, « il existe des situations où il
suffit d'avoir été soi-même atteint d'une maladie pour
ainsi se qualifier, voire prétendre pouvoir traiter ce mal (Genest 1978
: 20) ». En outre, ce faible taux d'intervention de l'expérience
dans le choix des plantes à utiliser dans la thérapie de la
fièvre jaune montre que cette affection n'est plus une question d'alarme
depuis la découverte du vaccin anti amaril.
Par ailleurs, le réseau parental intervient plus dans
le choix des espèces utilisées par les hommes quel que soit la
maladie, soit 36,84% dans le traitement du paludisme et 43,75% dans celui de la
fièvre jaune. Par contre, chez les femmes, il intervient avec une
fréquence respective de 19,72% et 28%. Comparativement aux hommes et
suivant ces maladies, on remarque que le choix des plantes employées par
les femmes provient plus de l'environnement social (voisinage), soit 38,03%
dans la cure du paludisme et 52% dans celle de la fièvre jaune que chez
les hommes où il provient moins soit respectivement 11,58% et 25%.
L'explication d'un tel constat ne peut venir que de la position sociale dans ce
milieu rural. Autrement dit, l'analyse de l'espace des réseaux de
relation inscrit autour du choix des plantes médicinales à
utiliser révèle une distinction selon le sexe et le lien social
des enquêtés. De même, lorsqu'on prend en compte ces
maladies, on s'aperçoit que seule l'expérience intervient le plus
dans le choix des plantes employées dans la cure du paludisme, tandis
que le réseau parental et l'environnement social interviennent le plus
dans celle de la fièvre jaune. Ce qui signifie que le choix des plantes
à utiliser dépend également de la représentation de
ces pathologies.
2.2- Des modes de
préparation
Cette partie présente les différentes techniques
positives d'obtention des recettes médicinales ainsi que leur mode
d'administration dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune. A ce
niveau également, le constat de terrain révèle la
présence de deux modes ou formes de préparation des recettes
médicinales selon le statut médical dixit cet
enquêté: « Bon !il y a des conditions comme il peut ne
pas avoir. Cela dépend de comment on t'a appris ». (Entretien
avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
En ce sens, on a d'un côté la forme populaire de
préparation des remèdes qui est pratiquée par l'ensemble
de la population de Diarrabakôkô et qui est exempt de tout secret.
Et de l'autre, la forme relevant du secret professionnel qui est l'apanage des
spécialistes de la médecine ancestrale. En effet, tous autant que
ces spécialistes, (guérisseurs pour la plupart) se distinguent de
cette population par leurs connaissances des drogues végétales
entrant dans la thérapie de ces affections, mais aussi entre eux par
leur mode d'acquisition de ces connaissances. Il en est de même de "
l'opération pharmaceutique" dans la démarche curative. Cette
opération pharmaceutique est un processus comportant des étapes
allant de la cueillette à l'administration des remèdes. Et chaque
étape est régie par des règles ou des pratiques
symboliques qui participent non seulement à l'efficacité des
remèdes mais aussi à la légitimation de leur savoir
médical. Un enquêté déclare : « (...) mais
seul les connaisseurs savent les rituels à faire, les conditions
à remplir pour enlever un arbre. C 'est leur métier, ils
connaissent la brousse et les arbres (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012,
Diarrabakôkô) »
2.2.1- La cueillette des
matériaux botaniques
Cette étape qui est la première et la plus
importante de l'opération pharmaceutique nécessite
l'accomplissement d'un certain nombre de rituels qui diffèrent selon les
thérapeutes et le végétal. Un enquêté
s'exprime à ce sujet :
Tu sais que les tradipraticiens n'ont pas
hérité de la même connaissance. C'est à leur niveau
qu'on peut avoir les conditions d'accès aux plantes. Par la puissance de
la parole, ils augmentent l'efficacité des remèdes. La parole a
une vertu thérapeutique qui n'est reçue que par héritage
ou par initiation (entretien avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).
En ce sens, l'une des règles préliminaires que
tout thérapeute se doit d'exécuter avant toute cueillette est la
parole donnée à travers la salutation, le pardon demandé
aux végétales etles motivations. Ainsi, tout thérapeute
sait que sans cet acte préliminaire, il prépare
inévitablement des remèdes inefficaces dans la mesure où
ils perçoivent dans le végétal une entité vivante
communément appelé génie et qui est doté d'un
pouvoir de guérison ou maléfique. Quelques propos recueillis
rendent compte de cette règle préliminaire qu'exécute tout
thérapeute :
Ilfaut toujours demande, chaque arbre à son
propriétaire homme comme femme. Si tu enlèves une partie de
l'arbre sans lui demander, il peut causer du tort à la famille ou te
rendre même fou (entretien avec S.D, le 09/04/2012,
Diarrabakôkô).
« (...) ni yi yrii bogna afana bi bogna (si tu
respectes l'arbre, lui aussi il va te respecter). Comme je l'ai dit, chaque
arbre à son mode de cueillette. Il faut toujours parler à
l'arbre, lui demander avec respect avant de le toucher. C'est comme la femme
c'est comme ça que nos parents nous ont toujours enseigné car
l'arbre à son propriétaire ». (Entretien avec S.M, le
09/04/2012, Diarrabakôkô)
« Tu sais mon fils, l'arbre que tu vois vit. Il a une
grande utilité donc tu dois le respecter, lui demander pardon avant
d'enlever ce dont tu as besoin. Par exemple tu peux dire : "Abi
hèkètoo ! Uhn macogna ba aka flaburu dora ou bien a lili dora
kata un yèrè flakè "(pardonnez-moi ! J'ai besoin de vos
feuilles ou bien de vos racines pour aller me soigner) ». (Entretien
avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).
Il suit de cette nature qu'à travers la parole
donnée les thérapeutes cherchent non seulement à augmenter
l'efficacité des remèdes mais aussi à "domestiquer le
végétal" considéré comme le réceptacle des
génies de la brousse. Outre ce prélude à toute cueillette,
s'adjoint d'autres rituels de domestication ou « d'achat » des
drogues végétales à travers la formule tout
"Bissimilaï" ou des sacrifices de petit mil ou d'argent selon le
thérapeute et le végétal comme on peut le constater
à travers ces propos des enquêtés. Mais il est
intéressant de noter que ces gestes sont souvent exécutés
aux nombres de trois, quatre ou sept fois selon le sexe du malade. Nous
énumérons quelques rituels dont nous avons été
informés :
(...) tu sais qu'un arbre peut résoudre cent
problèmes et un arbre peut aussi causer cent tors, cela dépend de
comment tu enlèves. Par exemple chez moi, il ya des plantes comme Bati,
Keldité, Kèrèkètè, Dounynii et Merlen. Tu
fais "tout bissimilai" trois fois si c'est un homme et sept fois si le malade
est une femme avant d'enlever. Mais si c'est la plante N'kounkinè, il
faut verser trois ou sept fois le petit mil avantd'enlever. Bon ! Si tu vois
qu'on dit trois fois pour l'homme et sept fois pour la femme. C'est parce que
le "le kunadia"(la chance) de l'homme est trois et celle de la femme, quatre.
Sept fois-là, c'est parce que les femmes sont nos mères et elles
peuvent enfanter aussi des jumeaux (entreti en avec O.D., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô).
Un dernier exemple illustrant ces rituels de domestication du
végétal porte sur le versement de 25F en contre partie des
feuilles de tomiyrii, karité, Gonkagni et des tiges de
Djumatcholo, Hienfiandjantan employé pour soigner la
fièvre des enfants appelé kotigè (fissure anale)
: « Comme je sais que ces plantes me servent beaucoup, je demande les
propriétaires (génies) avec 25 francs. Mais si j'envoie mes
enfants je donne 100 francs, ils donnent 25F comme si c 'était
moi-même et les 75F comme je les ai envoyé (entretien avec S.I, le
10/04/2012, Diarrabakôkô) ».
Il en résulte de ce fait que « l'amputation
infligée au végétal est contre balancée, la plupart
du temps, par un achat. Tout don appelle un contre don, l'élément
phytothérapeutique est obtenu par l'efficacité qui
légitime l'acte de prélèvement (Kalis 1997 :229) ».
De plus, il convient de mentionner que les végétaux en eux
même font l'objet de « conceptualisation » chez les individus
vu le rôle qu'ils jouent et la place qu'ils occupent dans leur vie et ce,
selon leur source de connaissance. Sur ce sujet un enquêté se
prononce : « (...) l'arbre est bon et précieux car c'est un don
de Dieu. (...). Le premier homme fut créé parmi les arbres et
comme nous dit la bible encore, c'est par l'arbre que le péché
est entré dans le monde. C'est dire que l'arbre peut soigner comme il
peut tuer ». (Entretien avec H.B., le 12/04/2012,
Diarrabakôkô)
Par ailleurs, tous autant que la cueillette des drogues
végétales entrant dans le traitement de ces pathologies
nécessitent des rituels qui varient selon la connaissance des
thérapeutes, il en est de même du temps requis pour cette
cueillette comme on peut le constater à travers ces trois exemples
illustratifs. Le premier relate les moments favorables : « Moi
j'enlève mes arbres (racines de Tobra, Siyèlè,
Tchatèrè, Tantambilan, Sindjan) le matin et le soir car le soleil
n'a pas encore séché leur liquide (entretien avec S.M, le
09/04/2012, Diarrabakôkô)». Le deuxième se
réfère à la tranche horaire d'un autre thérapeute
qui affirme : « chez moi de 00H à 2heures du matin, je ne
rentre pas en brousse (entretient avec S.D, le 09/04/2012,
Diarrabakôkô)». Enfin, le dernier atteste : « chaque
heure on peut enlever les plantes. Mais si tu veux plus d'efficacité, il
faut enlever entre 10h et 12h car c'est le liquide de la plante
quiguérit est en mouvement, donc il contient tous ces
éléments. Par contre, le soir et le matin le liquide est stable
(entretien avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)
».
De ce qui précède, il reste que l'observance des
différents rituels et des moments requis pour la cueillette
relèvent de la stratégie curative des thérapeutes qui
mettent en articulation deux modes de pensées. La première
étant une accumulation sur un genre empiriste et la seconde, une
pensée symbolique agencée dans laquelle l'invisible s'impose.
Pour le dire autrement, en reprenant la formulation de Kalis : « les trois
règles préliminaires à tout prélèvement
ressortissent : au comput du temps et à la spatialité, à
la salutation et l'achat ainsi qu'au mode de recueil. Cette phase
préliminaire requiert la même attention de la part des praticiens
que celle subséquente de la préparation et de l'administration
» (Kalis 1997 : 230).
Cependant, que la forme de préparation
médicinale soit populaire ou sécrète, le constat de
terrain révèle que les enquêtés utilisent en
général les mêmes procédés
opératoires. En effet, les remèdes sont obtenus selon la
connaissance empirique des plantes et leur efficacité symbolique par
:
- Décoction des feuilles, des racines, des
écorces, des fruits, des tiges fraiches ou séchés.
- Macération des feuilles ;
- Infusion des racines, d'écorces ou tiges ;
- Réduction en poudre des racines, des écorces
préalablement desséchées au soleil.et dans un petit
mortier.
Ce dernier procédé est beaucoup plus du ressort
des thérapeutes comme nous pouvons le constater à travers ce
discours d'un guérisseur qui n'a pas voulu nous montrer les plantes
qu'il emploie dans la thérapie de ces deux affections : « chez
moi, c 'est comme une pharmacie car j'ai aussi des "flamugu" (remèdes en
poudre) de sumaya et Djokadjo à partir des racines car je peux me
déplacer facilement avec et ils sont aussi efficace que les
remèdes liquides(entretien avec S.D., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô) ». En outre, les macérations,
les décoctions et les infusions sont des procédés de
préparation plus courants chez les enquêtés, et le solvant
employé est l'eau. L'infusion se fait plus dans une calebasse alors que
la décoction dans un canari en terre appelé "Bogodaga".
Mais il est intéressant de noter que chez les tradi
thérapeutes, c'est le patient qui envoie son" bogo kadaga"(canari
de remède en terre) et c'est le guérisseur qui est
censé mettre les organes car à ce niveau également il
existe des règles présidant à cet acte selon la
propriété fétiche des espèces employées. A
ce titre deux guérisseurs se prononcent :
« (...) pour soigner le Djokadjo moi j'utilise la
plante à condition de cueillette que je t'ai dit samanèrè
yrii (Guampanlè). Tu fais bouillir les racines et les feuilles puis
boire un peu et se laver avec matin soir. Mais il faut mettre d'abord les
racines avant de mettre les feuilles. C'est comme ça que j'ai appris
avec mon papa ». (Entretien avec H.T, le 11/04/2012,
Diarrabakôkô)
Le second relate aussi un ordre de mise en canari de l'organe
des espèces entrant dans la cure du "kotiguè" (fissure
anale) :
Moi j'utilise cinq plantes pour soigner la fièvre
des enfants. Je prépare ces plantes dans un même canari mais si tu
veux mettre dans le canari, il faut mettre d'abord les feuilles de tomiyrii de
siyrii (karité), ensuite les tiges de Djoumatcholo, les feuilles
Gonkagni avant de terminer avec les tiges Hienfiandjantan, si tu ne fais pas
ça ton médicament ne va pas marcher (entretien avec S.I, le
10/04/2012, Diarrabakôkô).
Du reste, tous ces principes concourent non seulement à
rendre les remèdes efficaces mais aussi permettent de mettre en exergue
également le réseau serré de la relation
connaissance/savoir dans la préparation des remèdes. Toutefois,
il faut noter que suivant ces maladies, les remèdes sont
préparés à partir d'une seule espèce
végétale comme ce fut le cas de la quinine en biomédecine,
extrait d'une plante appelée le "quinquina" retrouvée
chez les indiens d'Amérique du Sud et qui est le seul produit
autorisé en monothérapie contre le paludisme. Soit à
partir de l'association de plusieurs espèces à l'image des
médicaments ACT qui sont des combinaisons de médicaments
thérapeutique fait à base de plantes et de molécules que
l'OMS a recommandés pour le traitement du paludisme. En ce sens, nous
pouvons dire que l'association ou non des plantes par les enquêtés
que nous allons aborder ci-dessous témoigne de la connaissance de
l'efficacité intrinsèque de chaque plante dans la thérapie
du paludisme et la fièvre jaune.
2.2.2- Associations des
plantes médicinales
L'association ou non des espèces dans la
préparation médicinale tient sans nul doute de la
propriété curatives des plantes, de l'effet recherché et
varie par conséquent d'un individu à l'autre suivant
l'apprentissage et les représentations de ces maladies. A ce titre,
à la question de savoir pourquoi les remèdes surtout du paludisme
sont amers, un de nos informateurs atteste :
Comme je l'ai dit, nos parents ne font rien au hasard. Ils
ont un savoir-faire qui a une cohérence et une logique que seul
eux-mêmes peut expliquer. En réalité, c'est la science des
Alcaloïdes qu'ils font. L'alcaloïde contenu dans ces plantes a une
activité sur le plasmodium (entretient avec D.P.Z, le 20/04/2012,
Banfora).
De ce fait, suivant le paludisme et la fièvre jaune les
remèdes sont préparés isolement à partir d'une
plante ou en association avec plusieurs plantes. Et l'association peut aller de
deux espèces à cinq espèces selon les données de
terrain. Ainsi, nous énumérerons quelques exemples dans chaque
cas et par maladie :
Ø Les plantes employées
seules
Sont employées isolement dans la cure du paludisme une
décoction feuilles d'Azadirachta indica (neemee yrii) et
prendre en bain en boisson matin/soir pendant 5 jours une décoction des
racines de Cassia sieberiana (guanguambere) ou une réduction en
poudre de cet organe. La macération des feuilles de cossafina
qui est beaucoup employé à titre préventif.
L'infusion des racines de N 'Kounkine.
ü Dans la cure de la fièvre jaune
La décoction des racines et des feuilles d'Entada
africana Guampanlè (Samanere). A ce niveau il est à signaler
que c'est la seule plante employée seule dans la cure de cette
affection. Ce qui rappelle une fois de plus la perception de cette affection
sur l'axe de gravité croissante du paludisme.
Ø Association de deux plantes
ü Dans le traitement du paludisme
Préparer en association une décoction des
racines ou des feuilles d Anofeissus leiocarpa (Guamungu ou kerekete)
et de Mitragyna inermis (Anfian ou Dun yrii) prendre le
décocté en boisson et bain matin/soir ou réduire en poudre
les racines de ces deux plantes et en prendre avec la bouillie ;
· La macération des feuilles de cossafina
et de Carica papaya pour boisson matin/soir ;
· La décoction des racines de Cassia
sieberiana (Guanguambere ou sindjan) et de Lannea microcarpa
(Tantambila) et prendre le décocté en boisson en
bain matin/soir.
ü Dans la cure de la fièvre jaune
· Préparer une décoction des racines du
Carica papya et de Cochlospernum planchonii (N'dribala) et
prendre le décocté en boisson, en bain matin et soir pendant 5
jours ;
· Une décoction des racines d'Entada africana
(Guampanlè) et les feuilles d'Anofeissus leiocarpa
(Guamungu) à prendre en bain, en boisson matin/soir
· Décoction des racines de Nauclea latifolia
(Tchofian) et de Cochlospernum planchonii (N'dribala).
Ø Association de trois plantes
ü Dans la cure du paludisme.
· Préparer une décoction des feuilles
d'Eucalyptus camaldulensis (yrii djan), de cossafina et de
Carica papaya, prendre le décocté en boisson, en
bain matin et soir ;
· Une décoction des feuilles de Bomboromafian,
d'Anofeissus leiocarpa (Guamungu) et d'Azadirachta indica (neem
yrii) à prendre en bain et en boisson, matin/soir.
ü Dans la cure de la fièvre j aune
· Préparer ensemble une décoction des
racines et des feuilles de Nauclea latifolia (Tchofian ou Bati),
les racines de Ficus. Gnaphalocarpa (toroyrii) et les tiges de
subagadjo et prendre le décocté en bain/boisson matin
et soir ;
· Une décoction des racines de Tobra,
siyèlè, Tchatèrè et prendre le
décocté en bain ; en boisson, matin et soir pendant 5 jours
;
· Décoction des racines de Cassia sieberiana
(Guanguambere ou sindjan), sonsolon Nauclea latifolia (Tchofian ou bati)
à prendre en bain boisson matin et soir pendant 7 jours.
Ø Association de cinq plantes
ü Dans la cure paludisme
· Préparer une décoction des feuilles de
Carica papaya, Eucalyptus camaldulensis, Manguifera indica,
d'Azadirachta indica et du Citrus limon puis prendre le
décocté en boisson, bain, matin et soir.
ü Dans la cure de la fièvre jaune : aucune
association n'a été relevée aussi à ce niveau.
Du reste, il est à signaler que plusieurs raisons ont
été avancées pour justifier ces différentes
associations de plantes. Et la principale raison avancée par les
enquêtés est l'efficacité à 68,42%. Certains
enquêtés évoquent le traitement ou l'ordonnance à
23,68%. Parlant d'efficacité un thérapeute déclare :
« pour soigner le Djokadjo, il faut obligatoirement associer ces trois
plantes (Tobra, siyele, Tchatere) si non l'ordonnance n'est pas au complet.
Tobra par exemple assoupli le ventre et lutte contre la constipation
(entretien avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ».
D'autres par contre attribuent ces différentes associations
à l'apprentissage (7,89%). Cependant, quel que soit les raisons
avancées, il convient de mentionner que ces différentes
associations des espèces relève non seulement de la
diversité biologique dans cette localité de
Diarrabakôkô, mais aussi et surtout de l'effet thérapeutique
recherché par les enquêtés suivant ces affections. C'est en
ce sens que nous en convenons avec Kerharo qui affirme que
Dans les différents cas envisagés,
l'association des médicaments sous toutes les formes est courante, on
pourrait presque dire de règle, soit pour renforcer l'activité
d'un composant ou pour en diminuer son caractère irritant, soit pour
chercher une polyvalence des effets thérapeutiques (1974 : 88).
2.3- Administrations des
remèdes
L'administration des remèdes qui se rapporte aux
différents modes de prise des médicaments varie avec les formes
médicamenteuses, tient compte du dosage dont la mesure se
réfère à un gobelet, un verre ou demi verre lorsqu'il
s'agit de prendre en boisson les remèdes liquides même si à
l'évidence, les partisans de la biomédecine argueront l'absence
ou presque de cette posologie dans les pharmacopées traditionnelles. En
effet, les donnéesempiriques révèlent deux modes
d'administration des remèdes du paludisme et de la fièvre jaune
que sont le mode interne et le mode externe.
Le mode interne fait référence à
l'administration par voie orale. Le malade prend un gobelet ou un verre central
du décocté, un macéré et de l'infusé en
boisson matin, midi et soir ou prend avec la bouillie et le café.
Dans la voie externe d'administration, les remèdes sont
pris en bains. L'inhalation, n'est pas admise chez les enquêtés
selon les propos d'un informateur : « Bon en cas de sumaya, il ne faut
pas faire l'inhalation surtout les femmes enceintes et les enfants car
ça bouche les pores et empêche la sueur de couler. Pour les
enfants il faut V2 verre et les adultes un verre à boire matin et soir
(entretiern avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». De
plus, il faut noter que ces deux modes d'administration sont utilisés le
plus souvent par les enquêtés de façon conjointe. De ce qui
vient d'être développé, nous pouvons dire en
dernière instance que l'utilisation des drogues végétales
dans la cure de ces pathologies relève d'un niveau de
connaissance/savoir étant donné que « les
critères qui fondent l'efficacité du remède
végétal ressortissent aux modalités de sa récolte,
à sa composition, à sa préparation et à son mode
d'utilisation (Kalis : 1997 :236)».
III- Stratégies de
conservation des plantes médicinales
La conservation des plantes médicinales entrant dans la
pharmacopée traditionnelle en générale constitue une
préoccupation majeure pour cette population rurale de
Diarrabakôkô, vu la synergie de ces qualités curatives,
magiques et alimentaires. En effet, compte tenu de son importance, la
préservation des drogues végétales entrant dans la cure du
paludisme et de la fièvre jaune est une nécessité vitale
non seulement pour les générations à venir mais aussi pour
supporter le coût direct du paludisme que subissent les ménages.
Ainsi, les données empiriques ont permis de relever certaines actions
menées par les enquêtés allant dans le sens de la
préservation des plantes médicinales, voire de la nature. Elles
varient en fonction des individus et de la nature des plantes devant lesquelles
l'homme a développé une économie du surnaturel. Parmi ces
actions, il y a l'abandon des pratiques anthropiques (coupe abusive du bois et
des organes, pratique des feux de brousses) évoqués à
62,38%. A cela s'ajoute d'autres actions comme le reboisement, la
régénération naturelle assistée à 24,75%
comme le souligne cet enquêté : « Si tu as acheté un
champ où "i macogna yrii bar a" (tu retrouves des plantesdont tu as
besoin) tu les entretiens. Couper les arbres et mettre les feux dans la brousse
on lutte contre ça aussi ». (Entretien avec B.Z, le 10/04/2012,
Diarrabakôkô)
De plus, certain enquêtés parlent de savoir
prélever à 12,87% les organes. A ce niveau, il faut dire que la
manière de prélever est assortis d'une stratégie
traditionnelle de préservation des plantes que nous pouvons observer
à travers ces propos d'un thérapeute :
Si tu coupes une racine, il faut mouiller la terre,
mélangé à du sel avant de mettre sur la partie
coupée. Ce qui permet à la racine de repousser. C'est la
même chose il faut faire si tu enlèves les écorces. Il faut
respecter l'arbre. Si tu enlèves les racines, il faut arranger le sol
parce que c'est ton "macogna yrii lo" s'il y-a quatre racines, j'enlève
deux et je laisse deux (entretien avec S.M., le 09/04/2012,
Diarrabakôkô).
Du reste, ces actions sont suivies par les agents de
l'environnement qui interdisent souvent le prélèvement abusif des
produits médicaux à juste raison car ils sont
commercialisés dans les centres urbains et cela peut entrainer une
exploitation anarchique des ressources forestières, même si
l'impact est limité. A ce sujet une herboriste de la ville de Banfora
s'exprime :
En tout cas les plantes sont bénéfiques.
Notre maison a été construite avec l'argent des plantes. Le
marché ça va, on ne vit que de ça. Avant avec ma
belle-mère nous pouvions gagner un dimanche (jour de marché)
souvent 15000 Francs CFA. Maintenant il y a beaucoup de gens qui vendent les
plantes alors qu'ils n'en connaissent pas... Il n'y a pas trop de
difficultés. La seule difficulté est que les eaux et forêts
nous interdisent souvent de couper les feuilles et même les
écorces, ils sortent souvent parler (entretien avec C.A., le 22/04/2012,
Banfora).
De ce qui précède, il reste que la
préservation des plantes ressort des stratégies éducatives
et par la sensibilisation de la pensée magique et de la croyance
populaire qui s'inscrivent dans une vision de conservation même de la
nature. Ce qui permet d'appréhender le rapport de l'homme à la
nature ou mieux au milieu physique comme un espace de pratique sociale. En ce
sens, nous pouvons conclure que non organisée dans l'avenir, le
prélèvement massif des matériaux botaniques (racines,
écorces, feuilles, tiges...) pour la commercialisation peut contribuer
à tuer les plantes. Mais, si les prélèvements
étaient limités aux seuls soins familiaux, leur exploitation
n'aurait pas d'impact sur les ressources forestières.
CONCLUSION
La reconnaissance officielle de la médecine et la
pharmacopée traditionnelle en1994 suite aux difficultés
financières et géographiques d'accès aux
médicaments essentiels par certaines populations a entrainé leur
développement et leur intégration dans le système de soin
moderne. Cependant, on ne peut arriver à cela qu'en tenant compte de la
pluralité des pharmacopées traditionnelles ; étant
donné qu'elles varient selon les spécificités culturelles
de chaque localité. Dans cette perspective, les démarches de
revalorisation et de promotion doivent tenir compte des connaissances locales
sur les matières premières de ces pharmacopées
traditionnelles que sont les plantes médicinales. C'est pourquoi
à partir de données de terrain récoltées dans le
village Diarrabakôkô, cette étude s'est
intéressée aux connaissances locales et modes d'utilisations des
plantes médicinales entrant dans la thérapie du paludisme et de
la fièvre jaune (avec un accent sur deux facteurs que sont le niveau de
connaissance /savoir et les caractéristiques socio-économiques
des usagers). Ces deux facteurs sont des déterminants significatifs dans
l'utilisation des plantes médicinales. Ainsi, les usagers ayant un
niveau de connaissance et de savoir-faire élevé ont une plus
grande capacité d'utilisation des drogues végétales.
Aussi, l'effet des variables tel que le sexe, le niveau d'éducation, la
profession, et le revenu sont liés aux itinéraires
thérapeutiques dans un contexte de pluralismes thérapeutiques. Il
faudrait cependant signaler que ces déterminants sont contextuels car
les itinéraires ne sont pas bien définis mais se situent dans un
va et vient entre les deux systèmes de soins.
De même, les résultats de notre recherche
confirment l'influence des facteurs tels que l'expérience et les
représentations locales de ces maladies et, l'accessibilité
financière et géographique des services médicaux modernes
dans l'utilisation des plantes médicinales. Ainsi, la
détermination de la perception des formations sanitaires liées
à la représentation de sa thérapie, sur sa capacité
à soigner le paludisme et la fièvre jaune ainsi que le mode de
tarification des services médicaux (le coût du traitement
biomédical) sont aussi contextuels. Les autres attributs tels que
l'expérience et les représentations locales de ces affections
sont des symboles d'utilisation des plantes médicinales variées
et diversifiés. Ainsi, l'inscription des organes employés
entrainent des conditions de leurs accès et des modes de
préparations médicinales qui influenceraient les
procédés d'utilisation.
Les procédés d'utilisation qui sont un processus
culturel d'acquisition des connaissances se transmettent à travers
l'enseignement oral et pratique dans le cadre des relations interpersonnelles
de père en fils, de grand père à petit fils, maitre
à initier. Dans cette perspective, les modes d'utilisation des plantes
médicinales seraient alors une forme d'objectivation des
connaissances/savoirs ou encore de l'héritage socioculturel et somatique
des sociétés locales. Pour conclure, nous disons que les
déterminants sociaux de l'utilisation des plantes médicinales
entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune sont
multidimensionnels et dérivent de l'expérience sociale et des
caractéristiques socio-économiques des usagers.
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Christopher B. Steiner. Lieu: Sage: - 257
ANNEXES
QUESTIONNAIRE : POPULATION LOCALE DE DIARRABAKOKO
Module M1 : Caractéristique
d'Identification
Nom et prénom/s M01 Sexe (H : 1 F :2)
M02 Age : ans
M03 Ethnie :
M04 Religion :
M05 Province :
M06 Types de localité (1 : Urbain ; 2 : rurale)
M07 Numéro de ménage
M08 Date / heure de l'enquête
M09) quelle est la situation matrimoniale de
l'enquêté ?
|
1-Marié célibataire 2-Célibataire
3-veuf /ve 4-Union libre
|
M010) Si l'enquêté est marié, sous quel
régime ?
|
1-Monogame 2-Polygame
|
M011) Niveau d'éducation de l'enquêté
d'instruction
|
1-Non scolarisé Alphabétisé 3-Coranique
4-Primaire 5-secondaire 6-supérieur
|
M0 12) Combien êtes-vous dans votre famille ?
|
|
M013) Catégorie/ profession
|
1. salarié
2. Agriculteur
3. Eleveur
4. Autres (préciser)
|
M104) Revenus de l'enquête Autres sources de revenus.
|
Montant/
1- Semaine
2- Mois
3- Ans
|
ModuleM2 : Expérience de la maladie
M2 01) Quelles sont selon vous les causes du paludisme?
|
|
M2 02) Appellations locales de la maladie
|
|
M2 03) Y a-t-il des variantes ?
|
|
M2 04) Comment les distingue-t-on ?
|
|
M2 05) Quelles sont les manifestations du paludisme ?
|
1-Fièvre (fébrilité, corps chaud)
2- céphalée
3-courbature
4- Troubles digestifs (Vomissement constipation goût amer
Nausées Perte d'appétit
5-Autres (préciser)
|
M2 06) Auprès de qui avez-vous appris toutes ces
connaissances
|
1- parents 2- Amis 3- voisinage 4-Ecole 5-
télé 6-Radio
|
M2 07 A quel période de l'année apparaît le
paludisme selon vous ?
|
1-Saison sèche (préciser)
2-Saison pluvieuse (préciser)
|
M2 08 A quel stade le paludisme est-il considéré
comme une maladie grave ?
|
|
M2 09) Qu'est-ce que la fièvre jaune ?
|
|
M2 10) Quelles sont les appellations locales de la maladie ?
|
|
M2 11) Quelles sont selon vous les causes de la fièvre
jaune ?
|
|
M2 12) Ces causes ont-elles évolué ?
|
1-Oui 2-Non
|
M2 13) Si oui, pourquoi ?
|
|
M2 14) Quelles sont les manifestations de la fièvre jaune
?
|
1-fièvre
2- Vomissement (jaunes-verts-noirs)
3- tendance jaunâtre (blanc des yeux, ongles, urines,
paumes)
4- constipation
|
M2 15) Ces symptômes ont-ils évolués ?
|
1- Oui
2- Non
|
|
M2 16) Si oui, Quand ont-ils évolué ?
|
|
M2 17) D'où vous viennent toutes ces connaissances sur la
fièvre jaune ?
|
1- parents 2-Amis 3-voisinage 4-école
5 Migration 6-Radio 7- télé
|
M2 18) A quelle période de l'année apparaît
la fièvre jaune ?
|
1-Saison sèche (à préciser)
2-Saison pluvieuse (à préciser
|
M2 19) A quel stade la fièvre jaune est-elle
considérée comme une maladie grave ?
|
|
Module M3 : Itinéraires
thérapeutiques
M3 01) Quel est votre recours thérapeutiques en cas de
paludisme ?
|
1-L'automédication 2-Moderne 3-Traditionnel
4-Mixte 4-Mixte
|
M3 02) A Quel stade de la maladie avez-vous adopté ce
choix
|
|
M3 03) Pourquoi ce choix ?
|
|
M3 04) Vous arrive-t-il de changer votre choix
thérapeutique ?
|
|
M3 05) Quelles sont les raisons de ce changement ?
|
|
M3 06) Quelles sont les personnes impliquées dans ce choix
thérapeutique ?
|
1- parents 2- Amis 3- voisinage 4- Expérience
personnelle 5- Média
6- Ecole 7- campagne
|
M3 07) Quel est votre recours thérapeutiques en cas de
fièvre jaune ?
|
1-L'auto- médication 2-Moderne 3- traditionnel
4- Mixte
|
M3 08) A quel stade de la maladie avez-vous adopté ce
choix ?
|
|
M3 09) Pourquoi ce choix ?
|
|
M3 10) Vous arrive t- il de changer votre choix ?
|
|
M3 11) Quelles sont les raisons de ce changement ?
|
|
M3 12) Quelles sont les personnes impliquées
dans ce choix thérapeutique ?
|
1-parents 2- Amis 3-voisinage 4-Expérience
5-Ecole 6- campagne Media
|
Module M4 : connaissance sur les plantes
médicinales et mode d'utilisation
M4 01) Avez-vous des connaissances sur les plantes
médicinales dans le traitement du paludisme ?
|
1- Oui
2- Non
|
M4 02) Si oui, quelles plantes utilisées, connaissez-vous
?
|
N° Espèces
(préciser)
|
Nom local de l'espèce
|
Parties utilisées
|
Conditions d'accès
|
Mode de préparation
|
01
|
|
|
|
|
|
02
|
|
|
|
|
|
03
|
|
|
|
|
|
04
|
|
|
|
|
|
05
|
|
|
|
|
|
06
|
|
|
|
|
|
07
|
|
|
|
|
|
08
|
|
|
|
|
|
09
|
|
|
|
|
|
10
|
|
|
|
|
|
M4 03) D'où vous viennent toutes ces connaissances sur
ces plantes médicinales
|
1- Parents 2- Amis 3- Voisinage 4-
Autres (préciser)
|
M4 04) Parmi ces plantes citées, quelles sont celles
que vous utilisez le plus ?
|
|
M4 05) A quelle période de l'année ?
|
1- Saison sèche (préciser)
2- Saison pluvieuse
|
M4 06) Quelles sont celles que vous associez le plus ?
|
|
M4 07) Quelles sont les conditions d'accès à ces
plantes ?
|
|
M4 08) Quelles sont les stratégies de conservation de
ces plantes ?
|
|
M4 09) Quelles sont les personnes impliquées dans le choix
des plantes utilisées dans le traitement du paludisme ?
|
1-Parents 2-Amis 3-Voisinage
4-Expérience personnelle
|
|
|
M4 10) Avez-vous des connaissances sur les plantes
médicinales dans le traitement de la fièvre jaune ?
|
1-Oui 2-Non
|
M4 11) Si oui, quelles plantes utilisées connaissez-vous
?
|
N°
|
Espèces (préciser
|
Nom local de l'espèce
|
Parties utilisées
|
Conditions d'accès
|
Mode de préparation
|
01
|
|
|
|
|
|
02
|
|
|
|
|
|
03
|
|
|
|
|
|
04
|
|
|
|
|
|
05
|
|
|
|
|
|
06
|
|
|
|
|
|
07
|
|
|
|
|
|
08
|
|
|
|
|
|
09
|
|
|
|
|
|
10
|
|
|
|
|
|
M4 12) Parmi ces plantes, lesquelles sont les plus
utilisées ?
|
|
M4 13) Pourquoi ?
|
|
M4 14) A quelle période de l'année on retrouve le
plus ces plantes ?
|
1-Saison sèche
2-Saison pluvieuse
|
M4 15) Quelles sont celles que vous associez le plus ?
|
|
M4 16) Pourquoi ?
|
|
M4 18) Auprès de qui avez-vous appris toutes
ces connaissances ?1-
|
1-Parents 2-Amis
3-Voisinage 4-Autres (préciser)
|
M4 19) Quelles sont les personnes impliquées dans le
choix des plantes à utiliser dans le traitement de la fièvre
jaune ?
|
1-Parents
2-Amis
3-Voisinage
4-Experience personnelle
|
M4 20) Quels sont les solvants (liquides) utilises dans la
préparation des plantes dans le traitement du paludisme ?
|
1-Eau
2-Alcool
3-Lait
4-Autre (préciser)
|
M4 21) Pourquoi ?
|
|
M4 22) Quels sont les excipients les plus utilisés ?
|
|
M4 23) Quels sont les véhicules les plus utilisés
?
|
1-Jus de citron 2- Potasse
3- Jus de Liane 4- Autres (préciser)
|
M4 24) Donnez en les raisons
|
|
M4 25) Quels sont les excipients dans la préparation des
plantes en pommades utilisés ?
|
|
M4 26) Cela dépend-il de l'âge du patient ?
|
|
M4 27) Quels sont les modes d'administration que vous utilisez le
plus dans le traitement du paludisme
|
1-Voie buccale
2-Voie rectale ou lavements
|
M4 28) Auprès de qui avez-vous appris ces recettes sur les
plantes médicinales
|
1- Parents 2- Amis
3- Voisinage 4- Autre (préciser)
|
M4 29) Quels sont les solvants utilisés dans la
préparation des plantes dans le traitement de la fièvre jaune
?
|
1-Eau
2-Alcool
3-Lait 4-Autre (préciser)
|
M4 30) Pourquoi ?
|
|
M4 31) Quels sont les excipients les plus utilisés ?
|
|
M4 32) Quels sont les véhicules les plus utilisés
?
|
1- Jus de citron 3- Potasse 2- Jus de liane 4-
Autres (préciser)
|
M4 33) Donnez en les raisons
|
|
|
M4 34) Quels sont les excipients dans la préparation
des plantes en pommades utilisés ?
|
|
M4 35) Cela dépend-il de l'âge du patient ?
|
|
M4 36) Quels sont les modes d'administration que vous utilisez
le plus dans le traitement de la fièvre jaune ?
|
1-Voie buccale
2- Voie rectale ou lavements
|
M4 37) Auprès de qui avez-vous appris ces recettes sur
les plantes médicinales ?
|
1- Parents 2- Amis
3- Voisinage 4- Autre (préciser)
|
Module M5 : Connaissance de la Bio médication et
son système de soins.
M5 01) Fréquentez- vous les CSPS/CMA ?
|
|
M5 02) Depuis quand ?
|
|
M5 03) Pour quelles maladies ?
|
|
M5 04) Comment trouvez-vous le traitement moderne du
paludisme dans les formations de santé
|
|
M5 05) Quelles sont vos relations avec les agents de santé
lors des consultations ?
|
|
M5 06) Comment sont vos relations avec les agents de santé
lors des hospitalisations ?
|
1-Bonne
2-Assez bonne
3-Mauvaise
|
M5 07) A combien estimez-vous les dépenses d'un traitement
de paludisme ?
|
|
M5 08) Comment trouvez-vous le coût du traitement du
paludisme ?
|
1-Cher
2-Pas trop cher
3- Moins cher
|
M5 09) A combien estimez-vous les dépenses d'un traitement
de la fièvre jaune ?
|
|
M5 10) Comment trouvez-vous le coût du traitement de la
fièvre jaune ?
|
1-Cher
2- Pas trop cher 3- Moins cher
|
M5 11) Comment trouvez- vous le traitement de la fièvre
jaune dans les formations
|
1-Efficace
2- Pas trop efficace
3- Inefficace
|
M 5 12) Quelle est la situation géographique des CSPS/CMA
par rapport à vos domicile ?
|
|
GUIDE D'ENTRETIEN 1. : TRADITHERAPEUTES
I - Caractéristiques individuelles
Nom
Prénom
Age, Sexe
Situation Matrimoniale
Ethnie/ Religion
Niveau d'instruction
Catégorie Socio- professionnelle
ü Lieu de résidence
ü Profession
ï Raison du choixT professionnel
ï Appréciation (vocation, attente, contrainte,
conversion)
ï Honoraire
ü Carrière professionnelle
ï Condition d'apprentissage
ï Itinéraires d'apprentissages
ü Règle du milieu
ü Activité parallèle
II - Perception du paludisme et de la
fièvre jaune
ü L'histoire de la maladie source du savoir
ü Contexte d'apparition de la maladie
ü Causes
ü Manifestations
ü Classification/ Sémiologie de la maladie
ï Classification populaire
ï Classification biomédicale
III - Connaissances des plantes
médicinales et Modes d'utilisations
ü Espèces utilisées
ï Nom local
ï Nom courant
ü Historique de ces espèces
ü Sources du savoir
ü Conditions d'accès aux plantes
ü Procédés d'extraction
ü Classification de ces espèces
ü Stratégies de conservation
ü Mode de préparation
ï Solvants utilisés
ï Véhicules
ï Excipients
ü Association des plantes
ü Formes médicamenteuses
ï Usage interne
ï Usage externe
ü Association des Médicaments
ü Itinéraires d'apprentissage
IV - Perception de la
biomédecine
ü Qualité
ï Soin
ï Equipement
ü Modes de tarifications
ï Consultation
ï Ordonnances
ï Mise en observation
ü Perception sur le traitement de ces maladies
GUIDE D'ENTRETIEN : PERSONNES RESOUCES
GUIDE D'ENTRETIEN 2. : PERSONNEL SANTE
ü Identification
ü Profession
ü Personnels soignants
ü Perception biomédicale du paludisme et la
fièvre jaune
ü Etat de connaissance de la population locale sur ces
affections
ü Mode de tarification des services médicaux
§ Consultation
§ Mise en observation
§ Ordonnances
ü Persistance du paludisme
ü Perception des tradithérapeutes et de la
phytothérapie traditionnelle
ü Qualité relationnelle soignants-soignés
ü Relation avec les thérapeutes traditionnels
ü Gestion du C.S.P.S.
GUIDE D'ENTRETIEN 3 : AUTORITE RELIGIEUSE
ü Identification
ü Profession et raison du choix professionnel
ü Connaissances du paludisme et la fièvre jaune
ü Itinéraire thérapeutique en cas
d'épisode de ces maladies
ü Perception de la thérapie moderne
ü Perception de la phytothérapie
GUIDE D'ENTRETIEN 4. : AUTORITE COUTUMIERE
ü Identification
ü Profession
ü Historique du village
ü Perception du paludisme et de la fièvre-jaune
ü Itinéraire thérapeutique
ü Connaissances des plantes médicinales entrant dans
la thérapie de ces affections.
ü Sources de ces connaissances
ü Mode de préparation
ü Condition d'accès aux plantes
ü Perception du traitement biomédical de ces
affections.
GUIDE D'ENTREIEN 5. : EPOUX D'UNE MALADE HOSPITALISE AU
CSPS DE DIARABAKOKO
ü Identification
ü Profession
ü Connaissance sur ces maladies
ü Motif de présence au CSPS
ü Perception du coût et du traitement
biomédical de ces affections
ü Perception de celui de la médecine
traditionnelle
ü Connaissances sur les plantes médicinales entrant
dans la cure de ces affections
ü Relation avec les soignants
GUIDE D'ENTRETIEN 6 : PHARMACIEN/CHERCHEUR DANS LA
PHYTOTHERAPIE
ü Identification
ü Profession
ü Raison de la création d'un laboratoire phytofla
ü Etat de connaissances de la population locale sur ces
affections
ü Les plantes employées dans la phytothérapie
traditionnelle
ü Condition d'accès aux plantes
ü Stratégie de conservation des plantes
ü Raison du goût amer des plantes employées
dans la cure du paludisme.
ü Stratégie de promotion de la médecine et de
la pharmacopée traditionnelle
VI- GUIDE D'ENTRETIEN 7 : HERBORISTE DE
BANFORA
ü Identification
ü Profession raison du choix
ü Retombés de cette activité
ü Prix d'un tas des organes vendus
ü Mode de procuration de ces organes
ü Condition d'accès Stratégie de conservation
ü Connaissance de ces maladies
ü Connaissance des plantes entrant dans la cure de ces
affections
ü Difficultés rencontrées
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE..............................................................................................i
DEDICACES.............................................................................................ii
REMERCIEMENTS.....................................................................................iii
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS..........................................................iv
LISTE DES
TABLEAUX..............................................................................v
INTRODUCTION.......................................................................................1
CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE.............................3
I.- CADRE
THEORIQUE..............................................................................3
1.1- REVUE DE
LITTERATURE.....................................................................3
1.1.1- Pharmacopée traditionnelle et plantes
médicinales..........................................3
1.1.2- La construction sociale de la
maladie.........................................................11
1.1.3- La biomédecine et son système de
soin......................................................15
1.2- PROBLEMATIQUE DE
RECHERCHE.......................................................23
1.3- OBJECTIFS DE LA
RECHERCHE............................................................25
1.3.1-Objectif
principale...............................................................................25
1.3.2- Objectifs
secondaires...........................................................................26
1.4- HYPOTHESES DE LA
RECHERCHE........................................................26
1.4.1- Hypothèse
principale...........................................................................26
1.4.2- Hypothèses
secondaires........................................................................26
1.5- DEFINITION DES
CONCEPTS...............................................................27
II.
METHODOLOGIE.................................................................................31
II.1- JUSTIFICATION DU CHOIX DU
THEME....................................................31
II.2- PRESENTATION DU MILIEU PHYSIQUE ET HUMAIN DE LA ZONE
D'ETUDE.................................................................................................31
II.2.1-Présentation du milieu
physique.................................................................31
II.2.2- Présentation du milieu
humain..................................................................32
II.3- ECHANTILLONNAGE/
ECHANTILLON....................................................34
II.4- METHODES ET INSTRUMENTS DE RECUEILS DES
DONNEES.....................37
II.5-DEROULEMENT DE
L'ENQUETE.............................................................37
II.6- DIFFICULTES ET LIMITES DE
L'ETUDE..................................................38
II.7- TRAITEMENT DES
DONNEES................................................................39
CHAPITRE II. : CONSTRUCTION SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA
FIEVRE
JAUNE......................................................................................................40
I.CONSTRUCTION
BIOMEDICALE.................................................................40
II.CONSTRUCTION
POPULAIRE....................................................................43
II.1- Des sources de connaissances du paludisme et de la
fièvre jaune...........................52
III.SYSTEMES MEDICAUX PLURALISTES ET ITINERAIRES
THERAPEUTIQUES...54
III.1- Expériences de la maladie et itinéraires
thérapeutiques dans le village de
Diarrabakôkô.............................................................................................................................54
III.1.1- Itinéraires thérapeutiques dans le village
de Diarrabakôkô................................55
III.2- Les facteurs associés aux recours
thérapeutiques..............................................57
III.2.1-L'influence des caractéristiques
socio-économiques sur les recours thérapeutiques...57
III.2.1.1-Genre et recours
thérapeutiques..............................................................57
III.2.1.2-Niveau d'instruction et recours
thérapeutiques.............................................59
III.2.1.3-Catégories socio professionnelle et recours
thérapeutiques..............................60
III.2.2- L'influences de la maladie sur les recours
thérapeutiques.................................64
III.2.3-L'influence des caractéristiques des services
médicaux sur les recours
thérapeutiques............................................................................................65
III.2.3.1-Perceptoin locale du traitement biomédical du
paludisme et de la fièvre jaune......67
III.2.3.2-Perception du coût du traitement
biomédical du paludisme et de la fièvre jaune....69
CHAPITRE III. : CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION
DES PLANTES MEDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME TE DE LA FIEVRE
JAUNE........................................................................................74
I.CONNAISSANCES LOCALES DES PLANTES MEDICINALES
..........................74
I.1- Des sources de connaissances de ces
maladies................................................84
II. PROCEDES D'UTILISATION DES PLANTES
MEDICINALES..........................90
II.1- Des plantes utilisées dans la cure du paludisme et
de la fièvre jaune......................90
II.1.1- Personnes impliquées dans le choix des plantes
à utilisées...............................99
II.2- Des modes de préparation
médicinale........................................................100
II.2.1- De la cueillette des matériaux
botaniques..................................................101
II.2.2- Associations des plantes
médicinales......................................................105
II.3- Administrations des
remèdes..................................................................108
III. STRATEGIES DE CONSERVATION DES PLANTES
MEDICINALES...............109
CONCLUSION........................................................................................111
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................113
ANNEXES.............................................................................................117
* 1Sumaya est un mot
jula qui signifie la fraicheur ou l'humidité
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