i
UNIVERSITY OF YAOUNDÉ I
UNIVERSITE DE YAOUNDE I
FACULTE DES ARTS LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
FACULTY OF ARTS LETTERS AND SOCIAL SCIENCES
DEPARTMENT OF GÉOGRAPHY
LES MOYENS D'EXISTENCE DES POPULATIONS
DANS L'INTERZONE RESERVE DE BIOSPHERE DU DJA-PARC NATIONAL DE NKI
: COMPATIBILITE OU INCOMPATIBILITE AVEC LES OBJECTIFS DE
CONSERVATION
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du diplôme de Master en géographie
Spécialité: Dynamique de l'environnement et
des risques Option : Climatologie et biogéographie
Présenté par :
Claude TATUEBU TAGNE
Licence en géographie
Sous la direction de Roger NGOUFO
-
Septembre 2012
ii
DEDICACE
A ma grande soeur Amélie Gisèle KENGNE et mes
parents TAGNE Jean Séraphin et MAYAP Marcelline.
Je ne saurai comment vous dire merci pour l'amour, les conseils
et surtout pour le courage que vous n'avez cessé de me donner.
iii
RESUME
Cette étude porte sur les moyens d'existence des
populations dans l'interzone. L'objectif est d'établir le
niveau/degré de compatibilité-incompatibilité entre ces
moyens d'existence et les objectifs de conservation.
Notre travail se fonde sur une démarche
hypothético-déductive. Nous avons collecté les
données de sources secondaires dans les bibliothèques et les
sites internet, ensuite, nous avons effectué une enquête dans neuf
localités auprès de 140 personnes. Cette enquête a
été complétée par des entretiens avec des personnes
ressources et des observations directes sur le terrain. Ces données ont
été traitées et analysées suivant nos objectifs et
nos hypothèses.
Les résultats obtenus permettent d'établir que
l'activité principale des populations est l'agriculture (52 %), suivie
de la chasse (16 %). Les revenus mensuels tirés de la vente des produits
agricoles ont été estimés à 75 970 Fcfa tandis que
ceux tirés de la chasse ont été estimés à 83
730 Fcfa. Les populations pratiquent une agriculture extensive sur brûlis
et une chasse de subsistance toute l'année. L'agriculture est
dominée par la conservation des arbres dans les champs (96 %),
cependant, la chasse utilise le fusil qui n'est pas compatible avec la
conservation. Les techniques les plus utilisées par ces populations sont
de type traditionnel et le matériel est rudimentaire et primitif. Les
faibles densités des populations (environ 1,04hbt/km2) font
que l'impact de ces activités sur la conservation soit de moindre
importance.
L'avènement des projets de conservation a
suscité des réactions diverses dans cette zone : 73% sont
favorables pour la conservation de cette forêt, 21 % sont contre et le
reste des enquêtés est sans avis. Les projets de conservation de
l'interzone Réserve du Dja-parc national de Nki ont été
mis en place sans une consultation préalable des populations qui vivent
dans cette zone. Pourtant, leurs moyens de subsistance dépendent de
cette forêt et de la combinaison d'activités qu'elles pratiquent.
Néanmoins, les populations locales sont favorables pour la conservation
de ce massif forestier. L'interzone abrite aussi de nombreux autres projets
(industrie minière, infrastructures de transport...). Cette zone doit
subir une dynamique qui à la longue pourra avoir des effets
négatifs sur la conservation.
A la fin de cette étude, les résultats montrent
que les activités traditionnelles des populations dans l'interzone sont
compatibles avec la conservation parce que leurs impacts sont peu
significatifs.
Mots clés : Interzone, Conservation,
Compatibilité, Moyens d'existence, Populations.
iv
ABSTRACT
This study thus focuses on the livelihoods of the populations
in the interzone. The objective is to establish the degree
compatibility-incompatibility between these livelihoods and the goals of
conservation.
This work used a hypothetico-deductive approach, where
secondary source data were collected in libraries, internet websites; and
primary data collected on the field. Here, field enquiries were effected in 9
localities on about 140 persons residing in the zone. This field enquiry ended
up with interviews on resource person as well as direct field observations. The
data obtained were treated and analysed in accordance with the objectives and
hypotheses envisaged.
The results obtained enable us to establish the main
activities of the population which were agriculture (52%), followed by hunting
(16%). Monthly income obtained from the sales of agricultural products were
estimated at 75 970 FCFA while that of hunting stood at 83 730 FCFA. Mostly,
the local populations practice the slash and turn method of agriculture and
also subsistence hunting throughout the year. Agriculture is dominated by the
conservation of trees in the fields (96 %), however, hunting uses the rifle
which is not compatible with the conservation. The technical used by these
populations are traditional and material is rudimentary and primitive. Low
population density (about 1, 04 inhbt/km2) does not actually have an
impact on conservation.
The advent of conservation projects has orchestrated diverse
reactions in this buffer zone; about 73 % of the local population adhere to the
conservation of the forest in this zone while 21 % are against, the rest is
neither for nor against. The conservation projects of the Dja reserve-Nki
National Park buffer zone were put in place without prior discussion with the
local populations. Yet, these populations entirely depend on this forest for
their livelihoods as they carry out many activities there. Nevertheless, the
majority of the local population agree to the conservation of this zone. Other
projects are also formed in the area (mining industry, transport infrastructure
...). There is thus some sort of dynamism of the area as negative effects on
conservation can already be seen in the future.
At the end of this study, the results show that the activities
of the populations in the buffer zone are compatible with the conservation
project because their impact is insignificant. Sensitization has to continue so
far as these activities remain compatible with the project.
Keywords: Interzone, Conservation, Compatibility, Living,
Populations.
v
REMERCIEMENTS
Plusieurs personnes ont aidé de près ou de loin
à la réalisation de ce mémoire. Tout d'abord, un
remerciement spécial au professeur Ngoufo Roger, pour sa rigueur au
travail, son sens de l'écoute, sa disponibilité, son
dévouement et sa passion envers la gestion des ressources et les
réserves de biosphère. En sa qualité de directeur de
mémoire, il a su m'encadrer et me guider à travers le laborieux
processus qui a mené à la réalisation et au
dépôt de ce mémoire.
Je désire exprimer ma gratitude envers tous les
enseignants et autres ainés du département de géographie
qui m'ont aidé à l'une ou l'autre des étapes du
travail.
Une reconnaissance particulière est
dédiée à toute la famille Tagne pour sa patience, son
appui, sa confiance et ses prières pour la réalisation et
l'aboutissement de ce travail. Elle a su m'encourager dans les moments
difficiles et m'apporter un recul précieux face à mon travail.
J'exprime ma profonde gratitude à mon
grand-frère Tchummamo François et son épouse Yvette
Clarisse pour leurs encouragements permanents, leur dévouement, leurs
conseils et leur soucis de me voir réussir.
Mes remerciements vont également aux dirigeants des
organismes, aux autorités ainsi qu'aux guides pour avoir accepté
de collaborer à cette étude, ainsi que pour m'avoir transmis
leurs connaissances sur les moyens d'existence des populations de cette
magnifique région qu'est l'interzone Réserve de Biosphère
du Dja-parc national de Nki.
Ils sont nombreux, mes amis, ma famille et tous les hommes et
femmes de bonne volonté qui, de Bandjoun à Djadom, m'ont soutenu,
encouragé et/ou contribué à la réussite de ce
travail de recherche. Je ne nommerai personne au risque d'en oublier. Que
toutes ces personnes trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude pour
les multiples soutiens qu'ils m'ont apportés lors des différentes
phases de mes recherches.
Merci !
En attendant la thèse, ce mémoire de Master
est le premier fruit visible de leurs efforts. Je leur en sais gré.
Puisse Dieu récompenser les uns et les autres au centuple de leurs
bienfaits.
vi
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE . 1
CHAPITRE I : PRESENTATION DES CARACTERISTIQUES DE
L'INTERZONE
RESERVE DU DJA-PARC NATIONAL DE NKI 30
I - SITUATION GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE 30
II - LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DE L'INTERZONE RESERVE DU
DJA-
PARC NATIONAL DE NKI 32
III - L'ENVIRONNEMENT SOCIOECONOMIQUE 41
IV - SITUATION JURIDIQUE DES FORETS ET ACCES AUX RESSOURCES
DANS
L'INTERZONE ..... 48
CHAPITRE II : CARACTERISATION DES MOYENS D'EXISTENCE
DES
POPULATIONS DE L'INTERZONE 54
I - L'AGRICULTURE : LE PILIER DE L'ECONOMIE DE LA ZONE 54
II - LA CHASSE 65
III - L'ELEVAGE ET LA PECHE 70
IV - AUTRES ACTIVITES 73
V - ENCLAVEMENT DE L'INTERZONE COMME FREIN AU DEVELOPPEMENT ET
A
LA DIVERSIFICATION DES ACTIVITES DES POPULATIONS . 82
CHAPITRE III : ANALYSE DES PRINCIPALES ACTIVITES SOUS LE
PRISME DE
LA COMPATIBILITE 87
I - INTERZONE RESERVE DU DJA-PARC DE NKI : UN ESPACE QUI
ABRITE DE
NOMBREUX PROJETS DE CONSERVATION 87
II - L'AGRICULTURE . 89
III - LA PRATIQUE DE LA CHASSE DANS L'INTERZONE .. 99
IV - AUTRES ACTIVITES 106
CHAPITRE IV : PROJET DE CONSERVATION, ATTENTES DES
POPULATIONS
LOCALES ET PERSPECTIVES 109
I - BREF APERCU DES IDEES DES POPULATIONS SUR LES PROJETS
DE
CONSERVATION DE LA ZONE 109
II - LES MOYENS MIS EN PLACE PAR LES PROMOTEURS DE
CONSERVATION 112
III - REACTION DES POPULATIONS FACE AUX PROJETS DE
CONSERVATION 117
IV - IMPACTS POSSIBLES DES NOUVELLES INFRASTRUCTURES SUR LA
ZONE
EN CONSERVATION 125
CONCLUSION GENERALE 130
BIBLIOGRAPHIE 133
TABLE DES MATIERES 138
vii
LISTE DES TABLEAUX
Tableau N°1 : Evolution de l'approche PICD .... 23
Tableau N°2 : Répartition des enquêtés
par localité 27
Tableau N°3 : Répartition des enquêtés
par sexe dans la zone d'étude 28
Tableau N°4 : Critères de qualification de
compatibilité ou d'incompatibilité d'une activité
|
dans l'interzone
|
29
|
Tableau N°5 : Répartition des UFAs gelées pour
conservation de la biodiversité
|
31
|
Tableau N°6 : Répartition des enquêtés
par sexe et par localité
|
.45
|
Tableau N°7 : Répartition des enquêtés
par tranches d'âge et par localité
|
46
|
Tableau N°8 : Chevauchement des droits forestiers et miniers
|
52
|
Tableau N°9 : Quelques champs enquêtés dans
l'interzone
|
58
|
Tableau N°10 : Quelques animaux chassés dans
l'interzone et un prix de vente
|
...68
|
Tableau N°11 : Type d'élevage pratiqué dans
l'interzone
|
71
|
Tableau N°12: Prix comparatifs de quelques produits à
Yaoundé et Ngoyla
|
76
|
Tableau N°13: Les produits forestiers non ligneux et leur
utilisation
|
77
|
Tableau N°14 : Nombre de nouveaux champs
créés par ménage par an dans l'interzone...90
Tableau N°15: Évolution de la surface agricole
dans l'interzone ..91
Tableau N°16 : Les outils de chasse utilisées par
les populations dans l'interzone ..100
Tableau N°17 : Les espèces les plus
chassées par les populations dans l'interzone ...103
Tableau N°18 : Points de vue des enquêtés
sur l'existence des projets de conservation 110
Tableau N°19 : Les attentes des populations par rapport
aux projets de conservation 120
viii
LISTES DES FIGURES
Figure N°1 : Cadre d'étude 4
Figure N°2 : Pyramide des besoins de Maslow 18
Figure N°3 : Schéma conceptuel d'analyse des
activités des populations dans l'interzone
Dja-parc national de Nki 24
Figure N°4 : Localisation de la zone en conservation 32
Figure N°5 : Représentation des groupes
socio-ethniques dans l'interzone .42
Figure N°6 : Représentation des groupes
socio-ethniques dans les localités enquêtées 43
Figure N°7 : Répartition de la population
enquêtée par niveau d'étude 47
Figure N°8 : L'agriculture : une profession dominante des
personnes enquêtées .54
Figure N°9 : Mode d'acquisition du champ 56
Figure N°10 : Conflits relatifs à l'accès
à la terre 57
Figure N°11 : Destination des produits de la chasse 67
Figure N°12 : Principales sources de revenu des populations
de l'interzone 70
Figure N°13: Raison de conservation des arbres dans le champ
94
Figure N°14: Durée des jachères dans
l'interzone 96
Figure N°15: Les différentes techniques de chasse
utilisées par les populations ....101
Figure N°16: Les moments de chasse quotidienne 105
Figure N° 17 : Points de vue des enquêtés sur
l'existence des projets de conservation de
l'interzone 110
Figure N° 18: Points de vue des enquêtés
sur la conservation de l'interzone ..111 Figure N°19:Points de vue
des enquêtés sur les gagnants de la conservation de l'interzone112
Figure N°20 : Acteurs concernés par les récriminations des
populations dans l'interzone...118 Figure N°21 : Point de vue des
populations enquêtées sur la participation à la
conservation123 Figure N°22: Localisation des nouveaux moyens de transport
et industries minières dans
l'interzone 126 Figure N°23: Point de vue des populations
enquêtée sur l'impact des immigrants sur
conservation de l'interzone 128
ix
LISTE DES PHOTOS
Photo N°1 : Le chef du campement Mabam et sa famille devant
leur maison .45
Photo N°2 : Séchage et stockage de fèves de
cacao 59
Photo N°3 : Quelques cultures vivrières
pratiquées dans les villages de l'interzone (macabo
manioc, bananeraie, Maïs) .....61
Photo N°4 : L'association des cultures ....62
Photo N°5 : Jeune bananeraie établie en forêt
primaire 63
Photo N°6 : Un chasseur avec le gibier exposé sur son
séchoir à Djadom 68
Photo N°7 : Un pêcheur avec du poisson à vendre
73
Photo N°8 : Le wiski local exposé sur un
comptoir avec ses mesures à Messok ........75
Photo N°9 : Des boutiques dans les centres ville de
l'interzone (A) à Messok et (B) à
Ngoyla 76
Photo N°10 : Des artisans au travail 80
Photo N°11 : La traversée du fleuve Dja 84
Photo N°12 : Le premier adjoint préfectoral de Ngoyla
Mr Essoh Hyacinthe devant sa
résidence 85
Photo N°13 : Le centre ville de Ngoyla 86
Photo N°14 : Les arbres conservés dans le champ 94
Photo N°15 : Les jachères. 96
Photo N°16: Gibier enlevé du piège ....104
Photo N°17: Siège du projet de conservation à
Ngoyla 113
Photo N°18 : Séances de sensibilisation des
autorités à Djadom et des villageois à Etékessang
Photo N°19: Séances de sensibilisation des élèves de
l'école publique et du Lycée de Ngoyla Photo N°20: Saisies
effectuées par les services du MINFOF : le bois (à la
délégation
départementale du Dja et Lobo) le gibier (au poste de
Ngoyla) .115
Photo N°21: Séance de fouille d'une voiture
effectuée par les écogardes .116
Photo N°22: Projets d'élevage financés par les
promoteurs du projet de conservation à
Ngoyla ....116
Photo N°23: Contraste entre les habitations dans l'interzone
122
Photo N°24: Des forages abandonnés 124
Photo 25: Le seul point d'eau potable qui ravitaille les
populations de la ville de Messok 124
x
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
BUCREP : Bureau Central des Recensements et des Etudes de
Population
CARPE : Programme Régional d'Afrique Centrale pour
l'Environnement
CEW : Cameroon Environemental Watch
COMIFAC : Commission des Forêts d'Afrique Centrale
DFAP : Direction de la Faune et des Aires Protégées
(MINFOF)
DFNP : Domaine Forestier Non Permanent
FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture
GEF : Global Environment Facility
INC : Institut National de Cartographie.
MAB : Man And the Biosphere
MINEP : Ministère de l'Environnement et de la protection
de la nature
MINFOF : Ministère des Forêts et de la Faune
MINEPAT : Ministère de l'économie de la
Planification et de l'Aménagement du
Territoire
ONG : Organisation non gouvernementale
PFBC : Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
PFNL : Produits forestier non-ligneux
PICD : Programmes Intégrés de Conservation et
Développement
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement
PNN : Parc National de Nki
RBD : Réserve de Biosphère du Dja
RGPH : Recensement Général de la Population
Humaine.
TRIDOM : Tri-Nationale Dja-Odzala-Minkébé
UFA : Unité forestière d'aménagement
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Éducation
la Science et la Culture
UTO : Unité Technique Opérationnelle
WCS : Wildlife Conservation Society
WWF : Fond Mondial pour la Nature
ZIC : Zone d'intérêt cynégétique
ZICGC : Zone d'intérêt cynégétique
à gestion communautaire
xi
LISTE DES ANNEXES
Annexe N° 1
QUESTIONNAIRE D'ENQUETE
Annexe N° 2
GUIDE D'ENTRETIEN POUR LES PERSONNES
RESSOURCES
Annexe N°3
GRILLE D'OBSERVATION DES CHAMPS.
Annexe N° 4
LISTE DES PERSONNES RESSOURCE RENCONTREES SUR LE
TERRAIN
INTRODUCTION GENERALE
1
2
I DELIMITATION DU SUJET
1 - Délimitation sur le plan thématique du
sujet
L'interzone Réserve de Biosphère du Dja parc
national de Nki est considérée comme l'une des régions les
moins peuplées du pays et le plus en retard sur le plan du
développement. Pourtant, cette zone bénéficie d'une grande
richesse qui nécessite d'être valorisée, en particulier sa
forêt qui fait partie intégrante du paysage Tridom du Cameroun.
Cette zone riche en ressources floristiques, fauniques et minières est
l'objet de plusieurs convoitises et de plusieurs enjeux. La présente
étude dont le thème porte sur « les moyens d'existence des
populations dans l'interzone Réserve de Biosphère du Dja-parc
national de Nki : compatibilité ou incompatibilité avec les
objectifs de conservation ?» vise à identifier et à analyser
les différentes activités de la zone et les différentes
techniques avec lesquelles elles sont menées. En d'autres termes, il
s'agit pour nous, de déterminer les différentes activités
qui permettent aux populations de trouver leurs moyens de survie, mais aussi
d'analyser les techniques et le matériel qui sont utilisés pour
les mettre en relation avec les objectifs de conservation de la zone et des
aires protégées environnantes. L'intérêt de la
conservation de cette zone dépasse les frontières nationales;
ceci parce qu'elle est comprise entre plusieurs aires protégées :
la Réserve de la Biosphère du Dja, le parc national de Nki et le
parc national de Minkébé au Gabon... La réussite de la
conservation de ces aires protégées passe donc aussi par une
gestion durable de cette zone tampon.
Ainsi, ce travail se présente comme un état des
lieux au sortir duquel on saura si les différents acteurs
présents dans l'interzone et leurs actions ont un impact significatif
sur la conservation de ce milieu.
2 - Délimitation sur le plan spatial
Le cadre spatial de notre étude est l'interzone Dja
parc national de Nki. L'interzone Dja parc national de Nki est située au
Sud-est du Cameroun. Sa plus grande partie se trouve dans la région de
l'Est, département du Haut Nyong (arrondissements de Lomié,
Messok et Ngoyla) ; une partie se retrouve dans la région du Sud
(arrondissement de Mintom). Elle est située entre les latitudes
20 10N et 30 00N et longitude 130 20E et
140 35 E. Cette zone est comprise entre la Réserve de
Biosphère du Dja et le parc national de Nki au Cameroun et le parc
national de Minkébé (Gabon).
3
Cette zone est soumise à l'influence du climat
équatorial chaud et humide du type guinéen classique, avec quatre
saisons dont deux saisons de pluies et deux saisons sèches. La
température moyenne annuelle est de 24°C (Martial Nkolo &al,
2009) et les précipitations moyennes annuelles varient entre 1182 mm et
2346 mm. L'amplitude thermique annuelle entre le mois le plus chaud et le mois
le moins chaud est de 2°C.
Située dans le bassin du Congo, cette interzone est
couverte par la forêt dense sempervirente avec une faune et une flore
très diversifiées. Elle constitue un site à haute valeur
de conservation car elle comprend une diversité de formations
végétales, une faune très riche, elle revêt une
importance capitale pour les populations locales et pour l'humanité.
Selon Ngalla, (2007), la végétation est
composée des grands ensembles ci-après: forêts denses
humides sempervirentes (82% de la superficie totale), complexes des
forêts marécageuses (15%), mosaïque des forêts
secondaires, des plantations agricoles et clairières forestières
(2%).
Nzooh (2003) cité par Usongo &al (2007) confirme la
présence de plus de 37 espèces de grands et moyens
mammifères. Parmi celles-ci, on retrouve les espèces reconnues
comme menacées et qui sont très sensibles aux activités
humaines. Il s'agit par exemple du bongo (Boocercus euryceros), du
buffle (Syncerus caffer nanus), de l'éléphant
(Loxodonta africana cyclotis), du gorille de plaine (Gorilla
gorilla), de chimpanzé (Pan troglodytes), de la
panthère (Panthera pardus), et du céphalophe à
dos jaune (Cephalopus sylvicultor). Les autres espèces
fauniques sont aussi assez représentées dans la zone.
Considérant la valeur économique, sociale,
culturelle, écologique et touristique de cette zone, les mesures de
conservation liées à l'initiative Tridom ont été
mises en place. La mise en exploitation de cette interzone avait
été gelée. De nos jours, de nombreux projets
(conservation, industrie et infrastructures) se développent dans cette
zone. Plusieurs plans de zonage ont été proposés. Des
études sont effectuées de nos jours afin d'établir un plan
de zonage qui prend en compte tous les secteurs.
4
Source : Fond de carte Atlas Forestier du Cameroun 2008,
enquête de terrain, 2011 Figure N°1 : Cadre
d'étude
5
II INTERET DE L'ETUDE
Au regard de la place de la forêt dans l'économie
nationale, du rôle joué par les forêts dans le stockage du
carbone, de la place accordée par l'Etat et les ONG de la conservation
à l'amélioration des conditions de vie des populations
riveraines, vu la difficulté pour certains de comprendre l'importance et
les objectifs de conservation de l'interzone, l'intérêt de ce
travail peut être noté à plusieurs niveaux :
1 - Au plan scientifique et théorique
Cette recherche contribuera à enrichir la
littérature peu abondante sur le domaine en général et de
la localité en particulier. Elle mettra en évidence les
activités que les populations exercent dans la zone pour trouver leurs
moyens de subsistance. Elle nous donnera également une idée sur
les attentes et les soucis des populations de la zone. A travers les
résultats que nous avons obtenus, elle contribuera à
l'évolution de la science.
2 - sur le plan pratique
Cette recherche vise à informer les populations du
Sud-est du Cameroun et de tout le pays de l'initiative de la Tridom, vu les
enjeux socioéconomiques, écologiques, environnementaux et
politiques que présente l'interzone Réserve du Dja-PNN, les
populations s'interrogent sur les mesures de conservation réelle de
cette zone. Ce travail permettra également de connaitre le niveau
d'implication des populations de la zone dans ces projets.
III PROBLEMATIQUE
La richesse biologique et minière de la partie Sud du
Cameroun et particulièrement, du Sud-est Cameroun suscite, de nos jours,
de nombreuses convoitises et enjeux. Il s'agit pour les populations de trouver
les moyens pour assurer leur survie, pour les exploitants forestiers de
rechercher les essences précieuses, pour le gouvernement et les ONG de
conservation d'instaurer et de veiller à une exploitation durable de ces
ressources. Il s'est tenu en Mars 1999 à Yaoundé un sommet des
chefs d'Etat d'Afrique centrale sur la conservation des forêts du bassin
du Congo, sanctionné par la déclaration de Yaoundé. A la
suite du sommet de Yaoundé, considérant leur intérêt
commun à conserver l'écosystème forestier du bassin du
Congo et son importance régionale et planétaire, les
gouvernements du Cameroun, du Congo et du Gabon avec certaines ONG de
conservation (WWF, WCS, UICN) ont travaillé à la mise en place de
la tri nationale Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM). Le TRIDOM est
né d'un accord de coopération entre les gouvernements de la
République du Cameroun, République du Congo et la
République du Gabon en février 2005. Cet accord de
coopération marque l'engagement de ces pays à mettre en oeuvre un
système de gestion participative du complexe
6
TRIDOM et son interzone dans l'optique de maintenir les fonctions
et la connectivité
écologiques dans la zone et d'assurer la conservation
à long terme de son système des aires
protégées.
La TRIDOM est une zone forestière tri nationale qui
comprend 10 aires protégées :
? Dja, Nki, Boumba-Bek, Mengame ,Nkom (Cameroun) ;
? Odzala-Kokoua , Lozi (Congo) ;
? Minkébé, Ivondo, Mwagne (Gabon).
Ces aires protégées sont reliées entre
elles par un vaste interzone qui relève territorialement et
juridiquement de chacun de ces pays. Toutes les aires protégées
du complexe sont réservées à la conservation et les
activités humaines sont, soit interdites, soit restreintes. L'interzone
est divisée en plusieurs zones : zones de production forestière,
zones de chasse sportive, zones de chasse communautaire, zones d'agroforesterie
et les zones d'exploitation minière1; ou de
développement de toute activité compatible avec la conservation.
L'interzone doit être gérée dans le but de promouvoir la
conservation et l'utilisation rationnelle des ressources naturelles en vue de
répondre au besoins des populations locales en matière de
développement et de la réduction de la pauvreté en les
impliquant dans la gestion des ressources naturelles.
L'interzone Réserve du Dja parc national de Nki est
entourée de plusieurs aires protégées : Réserve de
la Biosphère du Dja (R B D), parc national de Nki et parc national de
Minkébé (Gabon). Cette zone était une concession de
conservation. Sa mise en exploitation a été gelée pour
servir de corridor de déplacement des grands mammifères entre les
aires protégées transfrontalières du Cameroun
(Réserve de biosphère du Dja et Parc national de Nki...), du
Congo (Parc national d'Odzala...) et du Gabon (Parc national de
Minkébé...). Dans le plan indicatif d'utilisation des terres
forestières du Sud Cameroun, elle fait partie du domaine forestier
permanent (Usongo & al 2007). Des options de gestion de cette zone ont
été proposées par la Direction de la Faune et des Aires
Protégées (DFAP)2 en 2006 et le WWF en
(2007)3. Cette interzone est d'une importance capitale pour la
réussite du projet Tridom. Elle est considérée comme un
« site prioritaire de la biodiversité » par le WWF ; ceci
parce que :
? C'est une zone très riche en biodiversité
floristique (Ngalla, 2007 cité par le Usongo & al, op. cit) et
animale (Nzooh, op.cit) ;
1 COMIFAC, 2005 : Accord de coopération,
Article 1 et 2
2 DFAP, 2006 : Proposition de gestion des UFA
gelées en exploitation pour la conservation
3 Usongo &al, 2007 : Orientation
stratégiques pour la gestion du massif forestier Ngoila-Mintom
7
? C'est le couloir de migration des éléphants
entre la forêt de Ngoila et la RBD, entre le parc national de Nki et le
massif forestier de Souanké-Sembé (Congo), entre le Sud-Ouest de
l'interzone et le parc national de Minkébé (Usongo & al,
2007).
Cette forêt est un espace-ressource social,
économique et culturel pour les Baka qui vivent dans la zone. Elle fait
également l'objet de plusieurs sollicitations de la part des immigrants
installés dans la zone. Cette présence humaine entraîne une
exploitation ressources naturelles et le développement de nombreuses
activités. L'exploitation des ressources forestières est
régie par une réglementation qui obéit aux normes et aux
conventions internationales de protection de l'environnement. Mais, sur le
terrain, l'exploitation n'est pas toujours conforme à la
règlementation en vigueur. En effet, de nombreuses menaces (l'extension
des espaces agricoles au détriment de la forêt, la chasse sous ses
différentes formes, l'exploitation minière, l'exploitation
industrielle du bois...) planent sur la forêt Ngoyla -Mintom (Usongo
& al, op. cit ; COMIFAC, 2008).
Le sud-est du Cameroun en général et l'interzone
Réserve du Dja-parc national de Nki offre le paysage d'une région
très pauvre et très enclavée. Les populations de cette
région du pays dépendent largement des activités
d'exploitation des ressources forestières et fauniques pour leur
subsistance. De plus, ces populations sont directement affectées par la
mise en place du TRIDOM. La mise en place de l'interzone du TRIDOM se superpose
aux territoires traditionnels de chasse, de cueillette et d'agriculture dont
les milliers de pygmées Baka et plusieurs autres populations
installées dans la région dépendent (John Nelson, 2005).
Ces projets imposent de nouvelles règles d'utilisation de la forêt
qui constitue leur espace vital ; ils affectent également leur
possibilité d'y accéder et d'utiliser les ressources sur
lesquelles est fondée leur vie.
Dans ce massif forestier où certains secteurs
appartiennent au domaine forestier permanent, des activités anthropiques
s'implantent. L'installation anarchique des populations dans la partie
occidentale du massif4 pèse sur la biodiversité et le
maintien de la connectivité écologique entre les aires
protégées du TRIDOM. Le braconnage s'intensifie dans certains
secteurs du massif.
4 « Suivant le plan de zonage indicatif de la zone
forestière du Cameroun (Décret n095-678-PM du 18 décembre
1995), aucune bande agro-forestière n'a été prévue
entre Mintom et Lélé. Avec la réouverture de la route
Mintom- Lélé -Mbalam, il y a dans certains secteurs une intrusion
des activités anthropiques dans le domaine forestier permanent. »
Usongo &al, 2007.
8
Vivant dans une zone très enclavée et n'ayant
pour support d'activités que la forêt, la réussite de la
conservation de cette zone nécessite une bonne contribution des
populations locales. Compte tenu du fait que leurs activités ne sont pas
sans conséquences sur la conservation, nous avons formulé une
question de recherche qui nous permettra de mieux analyser les impacts des
activités des populations sur la conservation.
IV QUESTIONS DE RECHERCHE
A- Question principale
Les moyens d'existence des populations dans l'interzone, une
zone de faible densité et enclavée, sont- elles compatibles avec
la conservation?
B- Questions spécifiques
1- Quels sont les atouts naturels et socio-économiques
qui favorisent le développement des activités humaines dans
l'interzone?
2- Quelles sont les caractéristiques des
différentes activités qui permettent aux populations de
l'interzone de trouver leurs moyens de survie ?
3- Les activités menées sont-elles de nature
à compromettre les objectifs de conservation?
4- Quel pourra être la situation dans cette zone dans
les années à venir avec le développement des nouvelles
infrastructures et l'augmentation des densités des populations ?
V CONTEXTE SCIENTIFIQUE
Les multiples travaux à savoir : ouvrages
généraux, articles, mémoires et thèses, etc qui
depuis quelques décennies traitent des problèmes relatifs aux
activités des populations dans la forêt témoignent de
l'intérêt porté aux questions de développement des
activités humaines en milieu forestier. Cette source de
littérature intègre des travaux très pertinents pour notre
étude. Nous avons retenus deux approches pour tenter d'expliquer cette
question.
1) Les approches ayant traité des activités
qui dégradent la forêt
A - L'agriculture
Selon Essama-Nssah et Gockowski (2000), l'agriculture et plus
particulièrement l'agriculture itinérante sur brûlis est la
cause directe la plus indexée pour expliquer la déforestation et
son caractère destructeur proviendrait essentiellement du
raccourcissement de la durée des jachères (Kotto Same et al.,
1997 ; Gockowski et al., 1998 ; Devers et Vande Weghe, 2007).
Dans son déploiement, ce processus procède par une forte pression
foncière
9
qui donne peu de possibilités aux jachères
d'évoluer en forêts secondaires comme c'est le cas dans le
système agricole traditionnel.
L'agriculture industrielle, le développement
résidentiel et les routes exercent une pression sans cesse grandissante
sur l'intégrité du milieu forestier et la survie des
espèces qui y vivent. Au Québec par exemple, au cours des
cinquante dernières années, la concentration et l'intensification
des activités agricoles ont engendré des pressions sur
l'environnement et le maintien de la biodiversité. Plusieurs habitats
essentiels pour la faune ont ainsi disparu ou se sont dégradés
à différents niveaux (Direction Générale du
Développement et de l'Aménagement de la Faune au Québec,
2007). Plusieurs espèces éprouvent donc des difficultés
à maintenir leur abondance ou leur présence en milieu agricole en
raison des pressions exercées.
Selon Usongo & al (2007), l'installation des populations
et la création des plantations agricoles (bananeraies, cacaoyères
et quelques palmeraies) dans le secteur Mintom- Lélé-Mbalam au
Sud-est Cameroun serait préjudiciable pour la conservation si ces
pratiques agricoles viennent à se généraliser. Elles
fragmentent l'habitat de plusieurs espèces animales et compromettent les
connectivités qui existaient entre les différents secteurs de la
zone. De plus, les possibilités d'échange entre l'Est et l'ouest
du massif Ngoyla-Mintom sont compromises à cause du développement
de ces activités.
Tazo (1988) attribue la disparition de certaines
espèces de faune et les menaces d'extinction qui pèsent sur le
Loxodonta pumilcio à l'envahissement des
périphéries de la réserve de Sancthou par les populations
à la quête des espaces agraires. De même, selon plusieurs
auteurs ( Youta, 1990 ; Muluh, 1993 ; Tazo,1998 ) la recherche des terres
agricoles et pastorales a entraîné une régression du
couvert forestier dans les aires protégées.
b) La chasse
Depuis quelques décennies, plusieurs auteurs ont
mené des études sur l'impact des prélèvements du
gibier sur la conservation de la biodiversité et son importance dans les
revenus des ménages en zone de forêt.
10
Obam, (1992) cité par Mbatchou, (2010) présente
les causes et conséquences de la destruction de la faune. Selon lui, la
chasse traditionnelle a disparu pour laisser place à la chasse moderne
qui utilise de nouvelles armes plus destructrices ce qui constitue une menace
réelle pour la faune. Mahamat, (1999) dans ses travaux distingue trois
types de chasse au Cameroun : la chasse traditionnelle ou de subsistance, la
chasse sportive et la chasse commerciale ou le braconnage. Dans ses
études, il conclut aussi que la chasse traditionnelle a disparu au
Cameroun et la chasse commerciale constitue la cause de la dégradation
de la faune car elle est pratiquée par des chasseurs professionnels qui
utilisent des câbles pour piège et souvent des armes de guerre.
Ndinga et Ngandjui (2006) cité par Usongo & al, ( 2007),
après une étude de chasse conduite dans trois villages de
l'arrondissement de Ngoyla en 2005, confirment également cette
intensité élevée de la chasse commerciale. Il ressort de
leurs travaux qu'au cours de la période d'étude (septembre et
décembre) 777 mammifères ont été capturés
par 56 chasseurs : avec 65% des prélèvements destiné
à la commercialisation. Des travaux ont aussi porté sur la
diversité spécifique prélevée par les chasseurs.
Selon Martial Nkolo et al 5,
(2009) toutes les espèces animales y passent, notamment les
éléphants, les gorilles, les céphalophes, les buffles, les
porcs-épics et hérissons, les singes...etc. De
ces travaux, il ressort clairement que les espèces les plus
visées sont les céphalophes puis les éléphants et
les primates. Seme et Amougou (2000) cités par Mbatchou (op.cit),
après une étude menée dans et autour de la réserve
de biosphère de Dja montrent que les prises des chasseurs sont
constituées à 80% des Artiodactyles (ordre regroupant la famille
des céphalophes) 5% des rongeurs et 4% des primates. Ndinga et Ngandjui
révèlent que des 777 mammifères capturés par les
chasseurs dans trois villages de Ngoyla 75% sont des Artiodactyles 14 % des
primates et 6 % des rongeurs. D'autres études réalisées
dans le département du Haut Nyong autour des UFAs de PALLISCO (WWF et
Nature+, 2004) cité par Martial Nkolo et al (2009) montrent que les
Artiodactyles (75%) constituent la majorité des captures en terme de
biomasse dans les villages, suivis des Rongeurs (12%), des Primates (6%), des
Carnivores (4%), des Reptiles (2%), et des Pholidotes et Hyracoïdes (1%).
De nombreuses études sur le prélèvement des
éléphants au Cameroun et en particulier dans la partie Sud du
Cameroun ont été réalisées. Usongo et Ngnegueu
(2000) parlent de 350 éléphants tués par an par les
braconniers dans le Sud-est Cameroun. Selon Van Der Wall (1998) 150
éléphants sont tués par an autour de la réserve du
Dja.
5 Plan stratégique pour la
mise en place de l'UTO Haut-Nyong (2009)
11
Selon Defo (2007a) cité par Usongo & al (op.cit) le
braconnage des éléphants dans le sud-est du Cameroun devient de
plus en plus intense. Ils sont chassés pour leur viande et l'ivoire.
De ces études, on peut déduire l'importance du
prélèvement des espèces, parfois celles qui sont
intégralement protégées. Il ressort également que
les zones de grande chasse sont celles où les densités des
populations animales sont les plus élevées. Ces données
sont très inférieures à la réalité en raison
des difficultés de contrôle rencontrées par les
autorités en charge et le caractère illégal des
prélèvements.
Des travaux ont également porté sur l'apport et
l'importance des produits de la chasse dans les ménages. Ngandjui (1997)
montre l'importance des produits du braconnage dans les revenus et
l'alimentation des populations de la région de l'Est Cameroun. Plusieurs
auteurs (FAO ,1993 ; Tchanou et al 1998 ; Gartlan, 1998...) s'accordent sur le
fait que la faune constitue la principale source de protéine et est la
base de l'alimentation de près de 75 % des populations vivant en
forêt. Considérant la période totale d'enquête pour
15 villages étudiés dans le Haut Nyong (WWF et Nature+, 2004),
l'apport extérieur d'argent est d'environ 3540 FCFA/jour obs/village,
par exemple si on prend le prix unitaire du céphalophe bleu de 6 kg
(1500 FCFA et 2000 FCFA), pour chaque jour d'observation, un village a vendu
une moyenne de 2 céphalophes bleus. Les revenus des chasseurs
reflètent la pression de chasse et l'importance de la chasse
commerciale. Dans le Sud-est du Cameroun, les revenus procurés par la
vente des produits de la chasse constitue la première source de revenus
pour de nombreux ménages. Selon Martial Nkolo et al (op.cit), le niveau
des revenus tirés du braconnage est plus élevé que les
revenus agricoles. Pour certains villageois, seuls ces revenus sont suffisants
pour leur permettre de subvenir à leurs besoins.
C) L'exploitation forestière
Il faut distinguer au moins deux formes dans ce cas :
L'exploitation artisanale et l'exploitation industrielle.
La première forme, généralement
désignée comme « sciage artisanal », est le fait
d'exploitants artisanaux pour satisfaire la demande domestique de bois. Ce
secteur, auparavant très peu connu au Cameroun, commence à
être cerné grâce à plusieurs études. Une
étude réalisée par Cerruti et al. (2010) indique
que le secteur du bois domestique est en pleine explosion, avec une production
totale de grumes estimée à 2,1 millions de m3. Le bois
scié et vendu au cours de la période allant de juillet 2008
à juin 2009 correspond à 990 000 m3. La majeure partie de ce bois
d'oeuvre vendu sur le marché (662 000 m3) provient des opérations
de sciage dans le DFNP, alors que seulement 27 % proviennent de scieries
industrielles
12
(Cerruti et al. 2010). En d'autres termes, les
quantités sciées dans le DFNP ont plus que doublé par
rapport à leur niveau de 2002 qui était de 300 000 m3 (Plouvier
et al. 2002). L'étude de Cerruti et al. (op. cit)
constate enfin que le volume de vente nationale de bois d'oeuvre (662 000 m3)
est supérieur à la production et aux exportations de bois
scié, dont les chiffres de ces dernières années (2008 :
580 000 m3, 2009 : 360 000 m3) traduisent la chute des activités.
L'exploitation forestière industrielle, quant à
elle, est le fait d'exploitants agréés à la profession. Le
bois issu du secteur formel est essentiellement destiné à
l'exportation. Bien que la gestion forestière durable soit reconnue
comme principe d'utilisation des forêts au Cameroun, nombre d'obstacles
entravent encore sa traduction dans les pratiques des acteurs. Une étude
récente de 20 plans d'aménagement au Cameroun
réalisée par Vandenhaute et Doucet (2006) montre par ailleurs que
leur qualité est globalement faible.
Selon deMaynadier et Hunter, (1999) la coupe forestière
intensive dégrade le potentiel de l'habitat forestier en modifiant les
caractéristiques physiques du sol qui sont critiques pour les
amphibiens. Les opérations forestières modifient la
disponibilité de débris ligneux au sol. Elles entraînent
également la compaction du sol, la modification de la structure de la
litière organique et la sédimentation dans les habitats
aquatiques adjacents
Les diverses méthodes de coupe ont des impacts
différents sur l'habitat de la faune. De prime abord, la coupe
sélective semble avoir un impact moindre que la coupe rase ou la mise en
place de l'agriculture. En créant des aires déboisées en
régénération entourées de forêt intacte,
cette action modifie la richesse biologique. Une diminution du couvert
forestier amène un déclin dans la richesse des espèces.
2 Quelques approches conservationnistes
L'habitat forestier fournit de l'ombre et de la litière
organique, régularise la température du milieu et retient
l'humidité (deMaynadier et Hunter, 1995). Il représente
également un corridor de migration et une zone tampon qui protège
les jeunes de l'année (deMaynadier et Hunter, 1999). Le degré de
maturité d'un milieu forestier est une mesure indirecte des
caractéristiques de sa richesse biologique. La quantité de
débris ligneux, le couvert forestier, le type et l'épaisseur de
la litière végétale, la fraîcheur et
l'humidité représentent les éléments clés de
ces milieux (deMaynadier et Hunter, 1995).
a) L'agriculture et la conservation de l'espace
13
Pauwel
de Wachter (1997) après une étude sur l'impact
de l'essartage Badjoué sur la forêt conclu dans ses travaux que
« l'essartage Badjoué n'est actuellement pas une menace pour les
forêts primaires du Dja. »
L'agriculture itinérante sur brûlis est souvent
considérée comme un système agricole écologiquement
durable et surtout lorsque la densité des populations reste faible. En
effet, selon plusieurs auteurs (Greenland & al,1960;
Watters,1971; Fao,1974; Moutapa,1974; kleiman & al,1995 ; Obam,2001...)
l'agriculture itinérante sur brûlis est un système agricole
écologiquement acceptable car ses méthodes sont adaptées
aux conditions naturelles de la forêt tant que la densité de la
population et sa pression sur la nature reste faible et que la demande des
vivres par les marchés demeure négligeable. Les arbres
laissés lors du défrichement amènent de l'ombre
bénéfique aux microhabitats. Ickowitz (2006), ne trouve aucune
évidence scientifique sérieuse sur le raccourcissement de la
durée des jachères et par conséquent remet en question la
responsabilité imputée a l'agriculture itinérante sur
brûlis comme principal moteur de la déforestation. L'essartage
correspond aux besoins primaires (produire la subsistance
végétale de base et, si possible, gagner un petit revenu
monétaire) de la population concernée et ainsi diffère des
autres causes de déforestation.
Certaines pratiques agricoles, telles que la culture du foin
et le pâturage, sont plus compatibles et peuvent même être
favorables à certaines espèces fauniques, car leur influence sur
le milieu et l'utilisation de produits agrochimiques sont moindres que pour les
monocultures (Knutson et al., 1999). Également, elles
entretiennent de façon économique la végétation
à des niveaux optimaux pour la conservation de certaines
espèces.
b) Développement durable et conservation
Dans le prolongement du rapport Wallontief, une
stratégie mondiale de conservation est mise sur pied (UICN, WWF ,1980).
A travers ce document, la nécessité de combiner la conservation
au développement est établie et réitérée au
3e congrès mondial sur les parcs à Bali (UICN, 1982). L'un des
principaux objectifs de ce congrès est de promouvoir le lien entre
l'aménagement des aires protégées et le
développement durable. Toute stratégie de conservation ne peut
porter des fruits positifs et durables que si on a au préalable une
connaissance du potentiel disponible. De nombreuses études ont
porté sur des inventaires des espèces. Assan et Mahop (2000,
2001) cités par Mbatchou (op cit.) dénombrent les grands
IV
Aire de gestion des habitats ou des espèces
: aire protégée gérée principalement
à des fins de conservation, avec intervention au niveau de la gestion
14
mammifères dans le parc national de la
Bénoué et du faro. Un inventaire ornithologique a
été réalisé dans le parc national de Mbam et
Djérem par Languy et al (2000). Nzooh (op. cit), fait un inventaire sur
les grands et moyens mammifères dans le massif forestier Ngoyla Mintom.
Des études similaires portant sur les autres groupes zoologiques
(oiseaux, reptiles amphibiens et lépidoptères), ont
été effectuées dans les aires protégées qui
composent le complexe Tridom (Parcs Nationaux de Boumba Bek, de Nki et de
Minkébé, et Réserve faune du Dja) (Bobo, 2002 ; Christy,
1994 ; Dowsett-Lemaire et Dowsett, 1998 ; MINFOF, 2005).
VI CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
A - Cadre conceptuel
Aire protégée
UICN définie une aire protégée comme
« une portion de terre, de milieu aquatique ou
de milieu marin, géographiquement
délimitée, vouée spécialement à la
protection et au maintien de la diversité biologique, aux ressources
naturelles associées ; pour ces fins cet espace géographique doit
être légalement désigné, réglementé et
administré par des moyens efficaces, juridiques et autres »
(UICN 1994). Ce sont des zones qui sont aménagées de façon
à répondre à des objectifs de conservation
spécifiques et compatibles (Sournia, 1998).
Afin d'harmoniser l'effort de conservation de la nature entre
les différents pays à travers le monde, l'UICN a défini en
1994 un référentiel qui lui permet de catégoriser les
divers types d'aires protégées en fonction du degré de
protection du patrimoine naturel et culturel qu'elles renferment. Cette
classification comprend 6 catégories d'aires protégées.
Catégorie Caractéristiques et objectifs de
gestion
IUCN
Ia Réserve Naturelle Intégrale
: aire protégée gérée principalement
à des fins
scientifiques ou de protection des ressources sauvages
Ib Zone de Nature sauvage : aire
protégée gérée principalement à des fins
de
protection des ressources sauvages
II
|
|
Parc national : aire
protégée gérée principalement dans le but de
protéger les écosystèmes et à des fins
récréatives
|
III Monument naturel : aire
protégée gérée principalement dans le but de
préserver
des éléments naturels spécifiques
15
Paysage terrestre ou marin protégé
: aire protégée gérée principalement
dans le
V but d'assurer la conservation de paysages
terrestres ou marins et à des fins récréatives
VI
|
|
Aire Protégée de ressources
naturelles gérée : aire protégée
gérée principalement à des fins d'utilisation durable des
écosystèmes naturels
|
Source : UICN.
Cette classification permet, entre autres, de comparer les
efforts de protection et de conservation de la nature entre différents
pays.
Biodiversité
Au cours de la convention sur la diversité biologique
tenue le 05 juin 1992 dans le cadre du sommet mondial de Rio de Janeiro sur
l'environnement, la diversité biologique a été
définie comme « La variabilité des organismes vivants de
toute origine y compris entre autres, les écosystèmes terrestres,
marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes
écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au
sein des écosystèmes ainsi que celles des espèces. »
Selon le rapport annuel du Fond Mondial pour la Faune et la Flore sauvage (WWF,
1990) cité par Kemasong (1998), la biodiversité représente
l'ensemble floristique, faunistique et des micros organismes des
écosystèmes qui interagissent dans un processus écologique
en rapport avec leur diversité biologique et génétique.
Conservation
D'une manière générale le terme «
conservation » est l'acte qui consiste à préserver un
élément dans un état constant. Conserver signifie
littéralement utiliser quelque chose avec parcimonie. La conservation
est l'effort de conscience pour protéger quelque chose et le plus
souvent un plan visant à prévenir la négligence et
l'extinction d'une ressource naturelle particulière.
La conservation de la nature consiste en la protection des
populations d'espèces animales et végétales, ainsi que la
conservation de l'intégrité écologique de leurs habitats
naturels ou de substitution comme les haies, les terriers, les mares ou les
autres habitats façonnés par l'homme. Selon la convention sur la
diversité biologique de Rio de 1992, la conservation est « une
gestion de l'utilisation par l'homme de la biosphère permettant aux
générations présentes de profiter des
bénéfices durables, tout en maintenant son potentiel de
répondre aux besoins et aux aspirations des générations
futures. » L'un des objectifs principaux du milieu de la conservation est
de maintenir les exigences de conservation de la nature, mais en les inscrivant
dans un cadre développementaliste, qui prendra essentiellement
16
la forme d'une participation politique et économique
des populations locales à la gestion des ressources naturelles.
Interzone
Selon le dictionnaire Hachette, 2007, interzone veut dire
« entre plusieurs zones ». Une interzone est donc une zone
qui est entourée par d'autres zones d'un intérêt
particulier. Dans le cadre de notre étude, l'interzone peut donc
être définie comme l'espace compris entre le parc national de Nki,
la Réserve de la Biosphère de Dja et le parc national de
Minkébé au Gabon. Elle permet de renforcer la fonction de
protection des aires protégées environnantes. De manière
générale, l'UICN, le réseau Man and Biosphere de l'UNESCO
et tous les organismes de conservation recommandent que les noyaux
protégés des parcs nationaux soient entourés d'une zone
tampon. Certaines réserves naturelles petites ou vulnérables
peuvent également inclure une zone tampon. On admet dans les
zones-tampon certaines activités humaines, et en essayant de limiter
leurs impacts écologiques.
Moyens d'existence
Selon Chambers et Conway (1992), par moyens d'existence, on
entend les capacités d'une personne, ses avoirs (ressources
matérielles et sociales) et les activités nécessaires au
maintien de sa vie. Les moyens d'existence sont considérés comme
durables lorsqu'ils permettent de faire face à des chocs ou à des
situations de stress, de les surmonter, et de maintenir ou renforcer ses
capacités et ses avoirs à la fois dans le présent et dans
le futur, sans porter atteinte à la base des ressources naturelles et
par conséquent à la génération suivante.
Chaque moyen d'existence dépend de l'accès
à différents types d'avoirs, qui appartiennent à cinq
régistres: naturel, humain, matériel, social et financier. Par
définition, le moyen d'existence renforce les capacités sans
«porter atteinte à la base des ressources naturelles».
Population locale
C'est une notion composite utilisée dans la
littérature du développement durable. Elle recouvre plusieurs
réalités suivant les contextes. Selon l'UNESCO (2003),
l'expression «population locale» désigne aussi bien les
peuples indigènes ayant toujours vécu sur et par le site, les
agriculteurs établis de longue date, les grands propriétaires
terriens, les ménages disposant de résidences secondaires, de
même que des communautés urbaines très diverses. Selon
Joyal, (2006), le "local" est comme un espace ayant une
identité, une dynamique propre, des spécificités qui
entretiennent des relations d'interdépendance avec des espaces plus
vastes (régional, national, mondial) dans lesquels il s'insère.
Elle est aussi utilisée pour
17
désigner un groupe d'individus appartenant à une
entité sociologique donnée (communauté, hameau, lignage,
clan, famille...) et résidant sur un site auquel on porte
préoccupation. La limite de cette vision est son caractère
général. Elle occulte notamment, pour ce qui est de notre zone
d'étude, les groupes résidant mais n'appartenant à aucune
entité sociologique locale. Dans le cadre de cette étude, la
notion de population locale va au-delà de cette restriction. Cette
notion y sera utilisée pour désigner les personnes qui
revendiquent, pour leur survie quotidienne, l'exploitation des ressources
forestières environnantes sur des espaces hérités de leurs
ancêtres ou ayant reçu le droit de jouissance d'un groupe ou d'une
autorité coutumière locale reconnue, ou à travers le
premier coup de hache usité dans la région.
Développement durable
En 1980, l'UICN6 définit le
développement durable comme « un développement qui tient
compte de l'environnement, de l'économie et du social ». Au
sens du Rapport Bruntland (1987) il s'agit d'un développement qui
répond aux besoins7 des générations du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs. Il
s'agit, en s'appuyant sur des valeurs (responsabilité, participation et
partage, débat, innovation, ...) d'affirmer une approche double :
- Dans le temps : nous avons le droit d'utiliser les
ressources de la Terre mais le devoir d'en assurer la pérennité
pour les générations à venir ;
- Dans l'espace : chaque terrien a le même droit aux
ressources de la Terre.
L'objectif du développement durable est de
définir des schémas viables qui concilient les trois aspects
économique, social, et environnemental des activités humaines ;
« trois piliers » à prendre en compte, par les
collectivités comme par les entreprises et les individus.
À ces trois piliers s'ajoute un enjeu transversal,
indispensable à la définition et à la mise en oeuvre de
politiques et d'actions relatives au développement durable : la
gouvernance. La gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs
(citoyens, entreprises, associations, élus...) au processus de
décision ; elle est de ce fait une forme de démocratie
participative. Le développement durable n'est pas un état
statique d'harmonie mais un processus de transformation dans lequel
l'exploitation des ressources, le choix des
6 Les termes de «
développement durable » ont été utilisés, pour
la première fois, officiellement, par l'UICN en 1980 dans sa «
Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources
vivantes au service du développement durable »
7 Le Rapport énumère les neuf
besoins essentiels suivants: emploi ; sécurité alimentaire et
qualité du ravitaillement ; vêtement ; énergie ; logement ;
approvisionnement en eau et salubrité ; santé publique, y compris
des services de planning familial ; éducation ; un revenu qui se situe
à un niveau qui permettra à un particulier ou à un
ménage de satisfaire, régulièrement, ses besoins.
18
investissements, l'orientation des changements technologiques
et institutionnels sont rendus cohérents avec l'avenir comme avec les
besoins du présent.
B - Théories de référence
1 - La théorie des besoins de base de
MASLOW
La théorie des besoins de base est
développée par Abraham Maslow. Selon sa théorie sur la
motivation humaine « A Theory of Human Motivation » (1943), un besoin
nouveau supérieur n'émerge que lorsque le besoin inférieur
a été relativement satisfait. Selon Maslow, les motivations d'une
personne résultent de l'insatisfaction de certains de ses besoins. Il
existe selon lui certains besoins minimaux ou essentiels pour un mode de vie
décent. Ses travaux lui ont permis de classer les besoins humains par
ordre d'importance en cinq niveaux que l'on représente par une
pyramide.
En partant de la base pour le sommet, on a :
? Les besoins physiologiques : ceux qui permettent à
l'homme sa survie (respiration,
alimentation, soif, sommeil...)
? Les besoins de sécurité et de
propriété (protection, emploi, stabilité familiale...)
? Les besoins sociaux et les besoins d'amour et d'appartenance
? Les besoins d'estime (se sentir utile, avoir de la
valeur...)
? Les besoins de réalisation de soi (réussite,
confiance en soi)
Figure N°2 : Pyramide des besoins de
Maslow
Tant qu'un besoin n'est pas satisfait, il constitue une source
de motivation ; à partir du moment où il est satisfait, c'est le
besoin du niveau supérieur qui apparaîtra comme une nouvelle
source de motivation. Ainsi, si les besoins physiologiques comme la faim, la
soif ne
19
sont pas remplis, l'homme, individuellement ou collectivement
est prêt à mettre sa sécurité en jeu pour trouver
à manger et à boire.
Cette théorie s'avère utile dans le cadre de
notre étude. En effet, elle nous permet de déterminer si
l'absence de certaines conditions de vie plus favorables constitue un facteur
pouvant contribuer à atteindre les objectifs visés par la
conservation. Elle nous permettra également d'analyser l'attitude des
populations face à la prise en compte ou non de leurs besoins par l'Etat
et les organismes de conservation. En somme cette théorie nous sera
utile pour comprendre la logique des populations et leurs actions dans notre
zone d'étude.
2 - La tragédie des communaux de GARRETT HARDIN
(1968)
La théorie des biens communs est une théorie qui
concerne généralement les ressources naturelles qui sont soit en
accès libre soit qui appartiennent à une communauté. Cette
théorie s'appuie sur l'hypothèse centrale selon laquelle
l'absence de droits de propriété provoque la surexploitation des
ressources.
En effet selon cette approche, lorsqu'une ressource est
commune à plusieurs usagers et que son accès est ouvert à
tous8 sans possibilité d'exclusion et si les coûts de
sa dégradation sont supportés par tous tandis que les
bénéfices sont individualisés, chaque utilisateur ou
usager de cette ressource tendra à maximiser son exploitation. La
ressource serait dès lors vouée à l'épuisement.
Cette théorie a montré ses limites dans le contexte des pays en
développement. En effet, dans certaines régions la
propriété commune a survécu, les ressources ont
été le plus souvent maintenues à des niveaux acceptables
d'abondance.
Elinor Ostrom (1990) propose une gestion des ressources par
les acteurs locaux à travers des normes sociales et des arrangements
institutionnels. Ces populations locales
8 Accès à la terre :
propriété traditionnelle
Dans la région, c'est l'occupation d'un espace
donné qui confère à un individu le droit de
propriété. Celle ci se matérialise par les champs, les
plantations ou les arbres fruitiers. Il en va de même pour les produits
de ramassage, dont les lieux ou arbres de ramassage appartiennent à ceux
qui les ont découverts les premiers. Cette propriété est
transférée de manière héréditaire par les
ascendants aux descendants. En dehors de ces espaces individualisés, le
reste du patrimoine foncier traditionnel appartient à la
communauté et l'accès y est libre pour les autochtones.
Cependant, il arrive que les activités conduisent les ressortissants de
villages différents, à coloniser des terres à des
distances assez éloignées de leurs origines. Dans ce dernier cas,
les terres n'appartiennent pas aux villages, mais plutôt aux individus.
Si l'accès au foncier chez les Bantous se définit par
l'occupation effective, chez les Baka au contraire, la notion de
propriété foncière n'existe pas : l'espace forestier dans
lequel ils ont toujours évolué appartient à tous, et
chacun accède aux ressources selon ses besoins et ses
capacités. Hecketsweiler, 2001.
20
doivent trouver des règles limitant l'exploitation sur
le long terme et mettre en place des sanctions à l'égard des de
ceux qui surexploitent les ressources.
Weber et Reveret (1993) élaborent une nouvelle grille
de la réalité qui priviligie l'analyse des divers modes
d'appropriations des ressources naturelles et des processus de décision
en matière de gestion des ressources. L'originalité de leur
idée réside dans la combinaison de cinq niveaux d'un mode
d'appropriation ( les représentations de la nature, les usages des
ressources, les modalités d'accès aux ressources et de
contrôle de l'accès, la transférabilité des droits
d'accès et les règles de partage des produits issus de
l'exploitation des ressources) et du processus de décision. Cette
théorie et les différents points de vue qui ont été
apportés par les auteurs nous permettront d'étudier
l'accès aux ressources et les règles qui les régissent
dans notre zone d'étude.
3 - L'approche participative
Selon Gallard et Koné (1994)9 la
participation "est une dynamique sans cesse réactivée,
fonctionnelle et pragmatique, dans laquelle agents de développement et
populations conjuguent leurs savoirs, leurs savoir-faire et leurs
volontés dans des actions concertées de partenariat en vue
d'améliorer, de façon durable, la prise en charge et la gestion
des actions entreprises". La participation au développement est une
approche où toutes les parties prenantes sont équitablement et
activement engagées dans la formulation de politiques et de
stratégies de développement, ainsi que dans l'analyse, la
planification, la mise en oeuvre, le contrôle et l'évaluation des
activités de développement. Pour que ce processus soit plus
équitable, il faut permettre aux plus défavorisés
d'accroître leurs connaissances et de gérer eux-mêmes leurs
moyens d'existence, surtout lorsque les initiatives de développement
affectent leur vie. Gohl (1993) conçoit que la participation doit
être comprise comme un processus dans lequel la population apprend
à gagner de plus en plus d'autonomie tandis que les structures d'appui
apprennent à céder de plus en plus de pouvoir. En outre, cette
approche est vue comme un système itératif menant à un
processus continu d'harmonisation des relations entre les divers membres d'une
société, l'objectif étant d'accroître leur
influence, voire leur main-mise, sur les initiatives de développement
qui affectent leurs vies.
9 GALLARD, J. et KONE, P. 1994b. La
méthodologie de l'approche participative
21
Se situant dans la même logique, Ngoufo (2005)
cité par Mbatchou (2010) considère que la gestion des ressources
fauniques doit tenir compte de toutes les forces, externes et internes.
Nguinguiri (1998), distingue deux types d'approches
participatives :
- L'approche des alternatives économiques fondée
sur les incitations (payement des salaires, partage des revenus
générés par l'exploitation des ressources naturelles).
Cette approche encourage également la mise en place des activités
économiques qui n'entravent pas la conservation des
écosystèmes forestiers.
- L'approche des alternatives institutionnelles qui se
caractérisent par la création des ONG, des associations locales,
de petits projets avec des perspectives de mise en oeuvre des procédures
de médiation. Cette approche prend en compte les étapes suivantes
pour aboutir à des aménagements viables :
> Gérer les droits et les modes de
propriété ;
> Concilier les contraintes d'échelle : du local
à l'international ;
> Adapter les processus d'évolution aux acteurs ;
> Utiliser des procédures économiquement viables
pour tous ;
> Communiquer, éduquer et accompagner les changements
;
> Soutenir les modalités participatives.
L'UNESCO, bien que n'étant pas directement
impliqué dans le secteur de la conservation, a été le
premier à se soucier du lien entre la conservation et le
développement des populations locales à travers son projet MAB
(Man And the Biosphere). Plusieurs organismes (WWF, UICN, PNUE...) vont
également exprimer la nécessité de prise en compte de tous
les facteurs sociaux dans le programme de conservation. La participation,
à la différence de la conservation exclusive classique, exige la
prise en compte des divers acteurs, des différents objectifs de la
conservation, et la nécessité de faire bénéficier
davantage les communautés locales des revenus issus des aires
protégées. Sur le terrain, la participation des populations
à la gestion des ressources naturelles sera mise en oeuvre à
l'aide de divers outils. Nous retiendrons dans le cadre de cette recherche deux
outils ; notamment l'approche « zone tampon » et MAB, et les projets
intégrés de conservation et développement (PICD).
3 - 1 L'approche « zone tampon » et
MAB
22
L'ouverture de la conservation vers le développement a
été effectuée par l'UNESCO, qui propose en 1974 dans le
cadre du programme « Man and the Biosphere » (MAB) le concept de
réserve de biosphère, dont l'objectif est de réconcilier
la protection de la nature et la satisfaction des besoins humains et d'appuyer
le tout sur la coopération scientifique internationale. Afin d'associer
ces diverses fonctions, il est mis en place un système de zonage qui
comprend une ou plusieurs zones centrales, où l'action humaine est
minimale, une zone concentrique qui sert de tampon et accueille davantage
d'activités humaines telles que la formation, l'éducation
à l'environnement ou certaines activités de tourisme et de
loisirs. Enfin, la zone extérieure sert de lien avec le reste de la
région où est sise la réserve et sert d'emplacement aux
activités de développement, aux établissements humains ou
à l'agriculture. Nous pouvons donc dire que les réserves de
biosphère réconcilient la conservation et le développement
en les séparant spatialement grâce au système de zonage
mentionné.
3 - 2 Les Programmes Intégrés de
Conservation et Développement
(PICD)
C'est une démarche qui tente de réconcilier la
conservation et le développement, comme le souligne S. Worah : «
an approach that aims to meet social development priorities and
conservation goals »10, cité par
Bénédicte Kippes (2007), bien que leur but premier demeure la
conservation de la biodiversité. Les PICD se présentent comme une
alternative acceptable de gestion des aires protégées. Toujours
signe de la notion de pression de la population sur la biodiversité,
l'approche PICD a pour objectif de la réduire en offrant des moyens de
subsistance (« livelihoods ») diversifiés qui permettent de
diminuer la dépendance des populations par rapport aux ressources
naturelles et sauvages. Cette approche permet de développer des projets,
dépendant généralement de fonds provenant de sources
extérieures, et initiés aussi bien par des agences de
coopérations gouvernementales, des ministères, des ONG locales,
nationales ou internationales que par des organisations comme la Banque
Mondiale.
Les PICD ont le mérite de faire admettre la
nécessité d'une gestion sociale de la nature, ils nous
permettront de voir, à travers le tableau de synthèse sur
l'évolution des approches PICD, si les activités des populations
dans l'interzone siéent aux objectifs de la conservation.
10 S.Worah, cité par HUGUES Ross, FLINTAN Fiona,
Integrating Conservation and Development Experiences : A Review and
Bibliography of the ICDP Literature, London: International Institute for
Environment and Development, 2001, p.4
23
Tableau N°1 : Evolution de l'approche
PICD
|
Présupposée
|
Activités-type
|
Leçons apprises
|
1ière phase
|
Les besoins de base des populations vivant dans
et autour des zones riches en
biodiversité doivent être
remplis. Sinon, ils ne soutiendront pas les efforts de
conservation (ou y seront hostiles)
|
Activités de « développement social »
comme la construction
de routes, d'écoles, de centres de santé
(infrastructures collectives)
|
Les bénéficiaires sont passifs, pas assez
concernés et les liens avec la conservation sont peu
clairs voire inexistants.
|
2ième phase
|
Les impacts négatifs des
communautés locales sur la
biodiversité peuvent être allégés
en leur fournissant des moyens de subsistance
(livelihoods) alternatifs, moins dépendants des RN
à protéger
|
Développement d' « alternative livelihoods »
comme l'agroforesterie, l'apiculture, le jardinage, etc.
|
Les liens entre la conservation et le développement sont
faibles ou peu clairs, ce qui entraîne une perte de connaissance de la
gestion traditionnelle des RN. Relâcher le lien entre ressources à
protéger et celles porteuses de développement qui affaiblit
l'intérêt pour la conservation.
|
3ième phase
|
Les communautés locales
peuvent user des ressources « sagement »
si le lien entre la conservation
de la biodiversité et l'amélioration des moyens
de subsistance est clair.
|
Ajout de valeur aux RN extraites (par ex. Apiculture
forestière, marketing et écotourisme, etc.)
|
Il existe des freins légaux ou politiques (accès,
foncier, etc.), l'information sur la biodiversité est inadéquate,
de même que les mécanismes de partage des bénéfices.
Il existe des conflits internes.
|
4ième phase
|
Les communautés agiront
pour conserver les ressources si elles prennent
part aux décisions sur
l'usage et la gestion des
ressources.
|
Partage de l'accès et des bénéfices,
zones
à usages multiples,
planification et
gestion participative
(souvent limitées à
certaines ressources
ou zones
spécifiques)
|
Il existe des freins politiques et
légaux (accès, foncier, etc.),
certaines forces externes constituent des menaces qui ne
sont pas contrées, participation de la population trop limitée
pour susciter un intérêt à long terme.
Nécessité d'impliquer des acteurs éloignés de la
gestion directe et d'adopter des accords clés entre les
parties-prenantes.
|
Source: WORAH Sajel, «International
History of ICDPs», Proceedings of Integrated Conservation and Development
Projects Lessons Learned Workshop, Ha Noi (Viet Nam), Cité par
Bénédicte Kippes (2007)
24
Prélèvement des PFNL
Exploitation forestière
Exploitation artisanale, orpaillage
Exploitation légale
Concept Dimensions Variables Indicateurs
Agriculture de subsistance, agriculture sur brûlis
Agriculture de plantation, agriculture de rente
Respect des textes en vigueur, des diamètres de coupe,
degré de compréhension des textes, textes juridiques
appliqués respect du cahier de charge
Agriculture
|
|
|
- chasse de subsistance ou chasse traditionnelle
|
|
|
Coupe artisanale
|
|
Extraction et utilisation des PFNL
|
Unité de surveillance/protection
Implication des populations dans la gestion des ressources
Figure N°3 : Schéma conceptuel d'analyse des
activités des populations dans l'interzone Réserve du Dja parc
national de Nki
Technique de culture, durée de la jachère en
année, superficie des champs, rythme de création des
champs/ménage/an, localisation, intrants utilisés, régime
foncier, développer l'agroforesterie.
Activités Compatibilité
des populations ou et conservation
: incompatibilité
Chasse
Chasse moderne ou braconnage
|
Chasse sportive, tourisme de vision
|
|
Respect de la règlementation de la chasse,
période de chasse, technique de chasse, destination des produits, outils
de chasse, règle coutumière, espèces chassées
Connaissance des lois régissant la chasse,
dégré de compréhension des textes, texte juridique
appliqué, les représentations que les chasseurs se font de la
forêt, techniques et armes de chasse, espèces chassées,
période de chasse, créer des revenus alternatifs.
Comportement du touriste, respect de la législation en
vigueur, les retombées sur l'environnement et les populations,
|
Respect des normes de prélèvement, modalités
d'accès et de prélèvement
|
Exploitation minière
Exploitation industrielle
Respect de la protection de l'environnement, gestion des
déchets, création de nouvelles infrastructures.
Nombre et type de structures de contrôle, poste fixe,
équipe mobile de surveillance, moyens financiers des structures en
place, payement des salaires,
Service de gestion
Capacité d'influer sur les décisions,
modalités d'accès et de prélèvement des RN,
modalités de contrôle et de sanctions, Accès à la
rente forestière (différentes taxes liées à
l'exploitation, à la transformation et à l'exportation), du
tourisme de vision, de la chasse sportive
25
VII OBJECTIFS DE L'ETUDE
A- Objectif principal
Établir le niveau/degré de
compatibilité-incompatibilité entre les activités des
populations dans l'interzone Dja-Parc de Nki et les objectifs de
conservation.
B- Objectifs spécifiques
De façon plus spécifique il sera question pour nous
de :
? Relever les facteurs naturels et socio-économiques qui
favorisent le développement des activités dans l'interzone.
? Caractériser les moyens d'existence des populations.
? Analyser les différentes techniques avec lesquelles sont
menées ces activités. ? Mettre en perspective les
activités menées et les stratégies de conservation.
VIII LES HYPOTHESES DE L'ETUDE
A- Hypothèse principale
Les activités menées dans l'interzone sont
compatibles pour l'heure avec les objectifs de conservation étant
donné que les densités humaines sont faibles.
B- Hypothèses spécifiques
- Le milieu naturel et les composantes socio-économiques
actuels sont à l'origine de la richesse de cette zone dont la
valorisation dépend des perspectives des acteurs en cause. - La chasse
sous toutes ses formes y est prédominante et constitue la principale
source de revenus.
- Les différentes activités sont
développées avec des outils rudimentaires et des techniques
traditionnelles qui réduisent la pression sur la forêt.
- L'accroissement démographique et la création de
nouvelles infrastructures stimulent une dynamique qui à long terme
pourrait être néfaste pour la conservation.
IX METHODOLOGIE
Pour atteindre nos objectifs, notre méthodologie s'est
articulée autour de deux principaux axes d'investigation : la collecte
et le traitement des données.
26
1- Collecte des données
Plusieurs types de données ont été
collectés pour la présente étude. Elles peuvent être
classées en deux types : les données de sources primaires et
celles de sources secondaires.
a) Les sources secondaires
Il s'agit de la recherche documentaire. Cette phase s'est
déroulée à travers l'exploitation des documents portant
sur la question traitée. A ce titre, les investigations ont
été conduites dans les bibliothèques et organismes de
recherches à l'instar de la faculté des arts lettres et sciences
humaines de l'université de Yaoundé I , du département de
géographie, du CEW , de l'INC, de l'UICN/CARPE, du WWF, les
délégations départementales du MINFOF et du MINEPAT du
département du Dja et Lobo et des sites web. Il s'agit aussi bien des
données cartographiques que textuelles. Les travaux ont consisté
à dégager de ces documents des informations nous permettant de
peaufiner notre cadre conceptuel et théorique, de délimiter notre
zone d'étude, de mieux l'appréhender, et surtout de ressortir des
cartes de synthèses en rapport avec le phénomène
étudié.
b) Les sources primaires.
Les sources primaires ont été collectées
sur le terrain proprement dit.
i- Les outils
Les instruments que nous avons utilisés dans le cadre
de cette recherche sont des questionnaires, un appareil photo numérique,
un bloc notes, des guides d'entretien, une grille d'observation des champs et
un traducteur0.
.
- Les questionnaires nous ont permis de collecter des
informations individuelles, en l'occurrence celles des ménages, des
individus qui exercent des activités intrinsèquement liées
à la forêt ou dans l'interzone. Ils ont été
administrés aux chefs de ménages et aussi certaines personnes qui
ne sont pas des chefs de ménage, mais qui habitent la zone
d'étude. Ces questionnaires comportaient des éléments
susceptibles de nous fournir des informations sur les principales
activités des populations de l'interzone. Nous avions effectué
notre enquête d'Août à septembre 2011 et en décembre
de la même année. Ces périodes ont été
retenues pour la simple raison que pour étudier les différents
moyens d'existence des populations de notre zone, il fallait enquêter
durant deux saisons (saison sèche et saison de pluie) pour bien analyser
les différentes activités.
- Les entretiens ont été faits avec les
autorités locales (chef de village, sous préfets, agents
municipaux) et avec les responsables des institutions et structures locales
intervenant
27
dans la gestion des ressources naturelles. Ces personnes
ressources nous ont donné des informations complémentaires,
notamment sur les activités des populations, sur leur rôle sur la
dynamique de conservation de la zone et sur les potentialités de la
zone. Pour ce qui est de la méthode utilisée pour ces entretiens,
nous avons opté pour un entretien libre guidé par des questions
en nombre restreint où le chercheur que nous sommes intervenait juste
pour les poser et réorienter l'interviewé en cas de
nécessité.
- Des observations directes ont été faites
à partir d'une grille d'observation préalablement établie
et cela nous a permis d'avoir de plus amples informations sur les
caractéristiques de certaines activités dans l'interzone. Elles
nous ont permis de compléter les données obtenues au moyen des
autres instruments cités plus haut.
ii) La taille et le choix de l'échantillon
d'enquête.
Compte tenu de la diversité des acteurs intervenant
dans la conservation de l'interzone, nous avons opté pour un
échantillonnage aléatoire. Il a consisté à tirer
l'échantillon de la population de base qui est répartie
préalablement dans les localités. A cause du fait que les
données du RGPH 2005 que nous avons eu se limitaient aux arrondissements
et du caractère peu fiables des données fournies par certains
chefs traditionnels, la taille de l'échantillon a été
déterminée à partir des effectifs fournis par les auteurs
qui ont travaillé dans cette zone ; notamment le WWF. Ainsi, nous avions
sélectionné les enquêtés de manière
aléatoire et proportionnellement à l'effectif total des habitants
de chaque village.
Tableau N°2 : Répartition des
enquêtées par localité.
Localité
|
Population
|
Nombre d'enquêtés
|
Pourcentage
|
Messok
|
1200
|
48
|
34,28
|
Zoulabot II
|
205
|
11
|
7,85
|
Nkondong I
|
65
|
6
|
4,28
|
Zoulabot I
|
181
|
12
|
8,57
|
Etekessang
|
221
|
13
|
9,28
|
Ngoyla
|
1058
|
40
|
28,57
|
Nkondong II
|
15
|
3
|
2,14
|
Djadom
|
131
|
6
|
4,28
|
Bareko
|
17
|
1
|
0,71
|
TOTAL
|
3 093
|
140
|
100
|
Source : WWF (non publié)
Ainsi, nos investigations ont été faites
auprès d'une population cible de 3093 habitants répartis dans
neuf localités. 140 personnes ont été
enquêtées. Lors de cette enquête, les
28
hommes ont été beaucoup plus interrogés
que les femmes ; ceci non seulement à cause de leur
disponibilité, mais aussi et surtout parce qu'ils pratiquent en
majorité la cacaoculture et la chasse. Pour ces raisons, environ 54 % du
sexe masculin ont été interrogés.
Tableau N°3 : Répartition des
enquêtées par sexe dans la zone d'étude.
Sexe des enquêtés
|
Effectif
|
Fréquence (%)
|
Masculin
|
75
|
53,57
|
Féminin
|
65
|
46,43
|
Total
|
140
|
100,00
|
Source : Enquête de terrain, 2011.
2 - Traitement des données et analyse
Nous avons collecté des données qualitatives et
quantitatives. Après cette étape, nous avons
procédé au dépouillement, au traitement et à
l'analyse de ces données. L'élément qui a servi de support
pour ce travail est l'outil informatique.
A l'aide du logiciel Excel 2007, nous avons construit des
tableaux, nous les avons regroupés par catégories et par
modalités selon les thèmes abordés. Ce logiciel nous a
également servi dans le traitement des données. Ayant au
préalable élaboré une matrice d'informations
géographiques qui nous a permis de reporter suivant leur qualité
les données obtenues au cours des enquêtes dans ce logiciel , nous
avons classé nos données par catégorie puis avons
calculé selon nos objectifs et nos hypothèses, des totaux, des
moyennes et les pourcentages. Le logiciel Word nous a servi pour faire
la saisie et le traitement des textes. Les diagrammes et histogrammes ont
été réalisés à partir d'Excel 2007et les
cartes réalisées à partir du logiciel MapInfo
8.0.
Les données quantitatives ont fait l'objet d'une
analyse statistique. Cette dernière nous a permis d'établir des
relations entre certaines variables des hypothèses et les données
collectées au moyen des questionnaires et des fiches d'observation. Ces
données ont également fait l'objet d'une analyse descriptive,
comparative et explicative afin de rechercher des liens de causalité
entre nos hypothèses émises et les observations sur le terrain.
Sur la base des critères de compatibilité et
d'incompatibilité des activités que nous avons établie,
(cf tableau ci-dessous) nous allons tirer des conclusions à partir des
résultats que nous avons obtenus.
29
Tableau N°4 : Critères de qualification de
compatibilité ou d'incompatibilité d'une activité des
populations dans l'interzone.
Activités
|
Critères de compatibilité
|
Critères d'incompatibilité
|
Agriculture
|
-Longue durée de jachère,
-rotation des champs dans les jachères, -respect du plan
de zonage, - conservation des arbres dans les champs, -champs de petites
superficies.
|
-création des champs hors des espaces
agroforestières
-courtes durées des jachères,
-destruction de tous les arbres dans le champ lors de sa
création,
-vastes superficies des champs.
|
Chasse
|
- Chasse avec du matériel à fabrication
végétal,
- produits destinés à l'autoconsommation,
-Possession d'un permis de chasse, -respect de la période de chasse, des
espèces chassées et des zones de chasse, - Développement
de nouvelles infrastructures, respect de l'environnement
|
-utilisation des armes interdites par la loi,
-chasse dans les aires protégées, -chasse
commerciale sans permis, -chasse des espèces protégées,
-nombre de captures/espèce/chasseur/jour, -abattage des individus en
gestation, -chasse en période de fermeture de chasse.
|
Exploitation forestière (artisanale et industrielle)
|
- Respect des cahiers de charges, du plan de zonage et des
diamètres de coupe, - gestion durable du bois coupé, -
développement des infrastructures comme les routes et les ponts,
- Respect des normes d'intervention en milieu de forêt.
|
-non respect des diamètres de coupe et des limites des
UFA,
-absence de retombées au niveau local, -non respect des
cahiers de charge.
|
Pêche
|
-pêche avec du matériel recommandé.
|
- pêche par empoisonnement -pêche avec des filets non
sélectifs, - pêche au barrage.
|
Exploitation minière
|
-Création des emplois et développement des
infrastructures de base, -Reboisement de l'espace,
- épuration des déchets,
- amélioration des conditions de vie des
populations,
-fermeture et remblaiement de la mine
|
-Absence d'amélioration des conditions de vie des
populations locales, -politique d'épuration des déchets non
efficace,
-non réhabilitation de l'espace.
|
Service de gestion
|
- Travail effectif sur le terrain,
-renforcement des cadres de concertation entre les acteurs, -
Sensibilisation, -financement des projets alternatifs,
- respect du droit d'usage coutumier et du terroir
traditionnel.
|
-non implication des populations locales,
-absence des sources d'alternatives, -faible déploiement
des écogardes sur le terrain,
-pas de sensibilisation et de concertation des acteurs
concernés.
|
30
CHAPITRE I : PRESENTATION DES CARACTERITIQUES
DE
L'INTERZONE RESERVE DU DJA -PARC NATIONAL DE
NKI
INTRODUCTION
L'interzone Réserve du Dja-parc national de Nki, par sa
position en latitude est un milieu très riche en ressources naturelles
et favorable au développement des activités humaines. Au
Cameroun, pour garantir une meilleure conservation et une gestion durable du
patrimoine forestier, la loi forestière en vigueur, institue le principe
de la constitution d'un Domaine Forestier Permanent soumis à l'exigence
de l'aménagement de toutes ses composantes, parmi lesquelles figurent
des aires protégées représentatives de la
biodiversité nationale. Pour assurer une bonne conservation des aires
protégées du Tridom, un vaste couloir forestier ( le bloc
forestier Ngoyla-Mintom) a été classé en une aire de
conservation. Dans le présent chapitre, il est question pour nous de
montrer que par sa situation géographique, ses atouts naturels et
socio-économiques, l'interzone est un milieu propice au
développement de nombreuses activités.
I SITUATION GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE
L'interzone Réserve de Biosphère du Dja-parc
national de Nki est étendue sur une superficie de 12 195 km2.
Elle est comprise entre les latitudes 2°10 N et 3°00 N et de
longitude 13°20 E et 14°35 E. Cette zone est comprise entre les
régions du Sud (arrondissement de Mintom) et de l'Est (arrondissements
de Messok et de Ngoyla). Elle s'étend sur près de 988 000 ha
(L'unanimité n'est pas faite sur la détermination exacte de
superficie de ce massif forestier). Elle oscille entre 932 142 hectares
(MINFOF, 2006, et WWF, 2009,) et 988 000 hectares (Banque Mondiale, 2010). Elle
est comprise entre la Réserve de faune du Dja, le Parc National de Nki
et Bouba Bek, le parc national Odzala (Congo) et le Parc National de
Minkébé (Gabon). La région qui abrite ce massif forestier
assure la connectivité entre ces aires protégées.
Le gouvernement camerounais avait classé ce massif
forestier comme une concession de conservation. Ce grand massif forestier,
conformément au protocole d'accord signé en 2005 à
Brazzaville, se trouve dans l'interzone de la trinationale Dja -Odzala-Minkebe
(TRIDOM). Cet espace couvrant une superficie de 932 142 ha, se trouve à
30% dans la
31
région du Sud et à 70% dans la région de
l'Est. Dans la région du Sud, les UFA 09.001 et 09.002, couvrant une
superficie totale de 283 826 ha, se trouvent dans le département du Dja
et Lobo, arrondissement de Mintom alors que dans la région de l'Est, les
sept restantes d'une superficie de 594 869 ha, sont localisées dans le
département du Haut Nyong, arrondissements de Lomié, de Messok
(10%) et de Ngoyla (61%). Il leur est aussi adjoint un projet de forêt de
protection (53 448 ha) qui se trouve dans le sud-ouest du parc national de Nki.
La richesse et la diversité biologique de cette zone sont connues et
font d'elle l'un des centres de la diversité biologique du monde
Tableau N°5: Répartition des UFAs
gelées pour conservation de la biodiversité
UFA
|
|
Superficie en ha
|
Région
|
|
Département
|
Arrondissement
|
09. 002
|
|
76 621
|
|
Sud
|
|
Dja et Lobo
|
Mintom
|
9. 001
|
|
207 205
|
|
Sud
|
|
Dja et Lobo
|
Mintom
|
|
TOTAL
|
SUD
|
283 826
|
10. 036
|
|
67 614
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Lomié
|
|
10. 035
|
|
101 793
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Ngoyla
|
10. 034
|
|
164 976
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Ngoyla
|
10. 033
|
|
48 321
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Ngoyla
|
10. 032
|
|
102 103
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Ngoyla
|
Forèt
protection
|
de
|
53 448
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Ngoyla
|
10. 028
|
|
77 982
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Messok
|
10. 027
|
|
32 080
|
|
Est
|
|
Haut Nyong
|
Messok
|
|
TOTAL
|
EST
|
648 317
|
TOTAL
|
|
932 143
|
|
|
|
|
Source : DFAP, 2006.
32
Source : Fond de carte WWF, 2011 et enquêtes de terrain
2011
Figure N°4 : Localisation de la zone en
conservation.
II LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DE L'INTERZONE
RESERVE
DE BIOSPHERE DU DJA-PARC NATIONAL DE NKI.
II.1. LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES
II.1.1. Le relief peu accidenté
Le relief de l'interzone Réserve du
Dja-parc national de Nki est assez diversifié. Sa
topographie présente des zones de plaines, des vallées et
collines. Il s'agit en général d'un relief de plateau,
plat et faiblement ondulé, dont l'altitude moyenne varie entre
500 m et 850 m. Les quelques collines observées ont une
altitude inférieure à 1 000 m et se retrouvent pour la plupart
dans la partie Sud de la zone. Cette zone présente souvent une
succession de collines basses aux pentes généralement douces.
Laclavère, 1979 cité par le MINFOF11, 2011
11 MINFOF : Octobre 2011b, Cadre fonctionnel
pour la gestion intégrée et durable du massif forestier
Ngoyla-Mintom Projet de Conservation et d'Utilisation Durable de la
Forêt de Ngoyla-Mintom - p36
33
note que l'ensemble du paysage repose sur un complexe de base
métamorphique à partir duquel se sont développés
des sols ferralitiques.
II.1.2. Des sols épais et pauvres
Les sols identifiés dans l'interzone sont
ferralitiques. Ils sont issus des roches métamorphiques. Leurs couleurs
varient un peu d'un endroit à l'autre : dans l'arrondissement de Messok
ils sont de couleur rouge doré, sur l'axe Nkondong I-Djadom on rencontre
des sols de couleur brun jaune. Ce sont des sols acides
caractérisés par une faible teneur en éléments
nutritifs et une capacité d'échange en cation relativement basse
(MINFOF, 2011a). Ils ont des teneurs en azote très faibles du fait de la
dégradation rapide de la matière organique. Ils sont
généralement déficients en phosphore. Ces sols ont une
faible valeur agricole et leur mise en valeur nécessite un
investissement important. Ils sont profonds, argileux, meubles,
perméables avec peu d'humus, acides et fragiles. La courte durée
de la fertilité de ces sols s'explique par cette pauvreté en
matières organiques. L'utilisation des engrais sur ces sols doit
être accompagnée d'amendement organique et calcique pour
améliorer la rétention des nutriments et diminuer
l'acidité.
L'on y retrouve également des sols hydromorphes
situés dans les bas-fonds avec la nappe phréatique proche de la
surface ; ainsi que des sols sableux ou sablo-argileux très pauvres.
II.1.3. Hydrographie
Le réseau hydrographique de ce massif forestier est
très dense. Il est composé d'une multitude de cours d'eau qui,
dans certains secteurs alimentent des marécages parfois très
développés. Les principaux collecteurs de ce réseau
hydrographique relativement dense sont le Dja, l'Ayina, le Myé, le
Lélé, le Karagoua, le Nsogo, le Lolobye, la Boumba et la Bek, l'
Edjé, Lessogone, Kpassele, Mindjebile, Ngoyla, Mwesse,...
II.1.4. Un climat équatorial chaud et humide
La zone d'étude est située au sud du
Parallèle 4°N, où prédomine un climat de type
équatorial, chaud et humide. Elle appartient au domaine
équatorial de type guinéen. Elle est marquée entre autre
par l'existence de quatre saisons dont deux saisons de pluies qui
s'étalent de septembre à novembre et de mars à juin, et
deux saisons sèches de décembre à février et de
juillet à août, avec les maxima en décembre-janvier (grande
saison sèche) et en juillet - août (petite saison sèche).
La température moyenne est de 24°C avec une amplitude de 2 à
3°C. Une humidité relative de moyenne annuelle de 81 % et les
précipitations oscillent entre 1500
34
et 2000 mm/an. Il pleut toute l'année avec deux maxima,
l'un en septembre (grande saison des pluies) et l'autre en mars-avril (petite
saison des pluies). L'évapotranspiration potentielle est comprise entre
1150 et 1300 mm. L'insolation moyenne annuelle augmente d'ouest en est et du
sud au nord (Suchel, 1988) cité par le MINFOF, op cit. L'interzone a
entre 1500 et 1750 heures d'ensoleillement effectif par an. On constate
d'importants phénomènes de pénuries d'eau potable dans
certaines localités à certaines périodes de
l'année.
II.1.5. La végétation
Le sud-est Cameroun appartient au domaine de la forêt
dense humide verte Guinéo-congolaise, au secteur forestier sempervirent
camerouno-congolais, au district congolais du Dja (Letouzey, 198512
Sonké, 1998). Ce district est tributaire du bassin congolais,
essentiellement par le Dja et ses affluents. Zone de jonction entre le domaine
bas-guinéen et le bassin congolais, le sud-est Cameroun subit
l'influence des forêts denses atlantiques. Elle est couverte par la
forêt sempervirente du Dja.
Mbolo et al.,13 classifient également ces
différentes formations végétales en plusieurs types : la
forêt primaire, les forêts secondaires, les forêts
hydromorphes (les forêts inondables, les marécages, les formations
de bas-fonds, les prairies), les peuplements particuliers, les jachères
et les zones de cultures.
II.1.5.1. La forêt dite primaire
C'est une formation dense à sous-bois clair permettant
une vision à des dizaines voire des centaines de mètres. Elle
présente presque partout les mêmes caractéristiques au
niveau de la strate arborescente supérieure. Il s'agit d'arbres de
très gros diamètres avec des émergents de plus de 40 m de
hauteur parmi lesquels on rencontre les espèces suivantes : Panda
oleosa, Irvingia grandifolia, Baillonella toxisperma, Erythrophleum suavolens,
Terminalia superba, Piptadenistrum africanum, Pentaclethra macrophylla,
Petersianthus macrocarpum, Wildemaniodoxa laurentii, Desplatia sp., Duboscia
viridiflora, Hylodendron gabunense, Cylicodiscus gabonensis, Rothmannia
megalostigma, Pachypodanthium staudtii, Pachyelasma tessmannii.
12 LETOUZEY R., 1985. Notice de la
carte phytogéographique du Cameroun au 1/500 000. Institut de la
cartographie internationale de la végétation, Toulouse, France
13 MBOLO M., AMOUGOU AKOA & Guy-Suzon
RAMAGAZON : La cartographie de la végétation au service
de la gestion des écosystèmes forestiers Cas de la Réserve
de la Biosphère du Dja
35
Son sous-bois est constitué de nombreux arbustes et
arbrisseaux longiformes avec très peu de lianes ; des peuplements
grégaires de Leptonychya spp., Rinorea spp. sous des
arbres de diamètres moyens formant une strate arborescente moyenne
(Amougou, 1989) supportant de nombreuses lianes dont Tetracera alinifolia
(liane à eau) qui donnent l'impression de peser sur la forêt.
Ce sous-bois est dominé par les Marantacées, les
Acanthacées et les Raphia regalis.
On retrouve dans ces formations, des arbres souvent
utilisés pour caractériser les forêts secondaires :
Alstonia boonei, Terminalia superba, Pycnanthus angolensis, Petersianthus
macrocarpus, (etc.). Ce fait prouve que la caractérisation des
forêts secondaires par ces seules héliophiles n'est pas toujours
absolue.
II.1.5.2. Les forêts secondaires
Les forêts secondaires sont des formations hautes
constituées d'arbres de gros et moyens diamètres formant une
strate arborescente supérieure continue. On peut les classer en deux
catégories : les forêts secondaires jeunes et les forêts
secondaires adultes.
? Les forêts secondaires jeunes sont des formations que
l'on peut assimiler à des jachères adultes. On les retrouve
autour des habitations. Elles s'étendent sur un rayon d'environ 1 km en
arrière des jachères. Très souvent, on rencontre des
bandes de forêt primaire larges de 1-2 km juste derrière les
habitations au-delà desquelles se trouvent des jachères et des
cacaoyères. Elles sont caractérisées par la
présence de vieux Musanga cecropioides, (1-2 m de
diamètre, plus de 40 m de hauteur) en association avec des
espèces telles que Fagara macrophylla, Uapaca vanhouttei,
Pentaclethra macrophylla, Petersianthus macrocarpus, Alstonia boonei, Albizia
zygia, Terminalia superba, Ricinodendron heudelotti, Cleistopholis
patens, Entandrophragma spp., Desbordesia glaucescens, Klainedoxa
gabonensis, Cylicodiscus gabonense pour les strates arborescentes
supérieures et moyennes, Tabernaemontana crassa, Tetrorchidium
didymostemon, Bridelia spp., Xylopia spp., Leptonychia
spp., Laccosperma sp., Caloncoba welwitschii et Elaeis
guineensis dans les sites d'anciennes habitations. Dans le sous-bois, on
rencontre Rinorea sp., Haumannia danckelmanniana, Stachyphrynium
sp., Megaphrynium sp., Aframomum spp., Commelina
ambigua dans les zones ouvertes, Hymenocardia acida et
Alchornea floribunda dans les zones fermées.
36
? Les forêts secondaires adultes sont des zones
d'anciennes habitations reconnaissables par la présence de vieux pieds
d'Elaeis guineensis. Les forêts secondaires adultes sont des
formations à dominance de Triplochyton scleroxylon avec, de
part et d'autre, des tiges de Terminalia superba, Albizia zygia,
Alstonia boonei, Ceiba pentandra, Bombax buonopozense, Myrianthus arboreus,
Sizygium guineense, Cordia platythyrsa, Antidesmas spp., Celtis
spp.
II.1.5.3. Les forêts marécageuses
Il existe deux types de forêts marécageuses
à Raphia : les forêts marécageuses inondées
temporairement et les forêts marécageuses à Raphia
hookeri le long du Dja et les forêts marécageuses à
R. monbuttorum le long des affluents du Dja et des autres cours
d'eau.
? La forêt marécageuse inondée
temporairement
C'est un groupement forestier sur des sols mal drainés
que l'on trouve aux abords des rivières qui arrosent l'ensemble de la
forêt ainsi qu'à la périphérie des zones
marécageuses. Cette formation végétale est inondée
pendant la saison des pluies mais l'évacuation des eaux se fait
rapidement, permettant une période d'assèchement
prolongée. Les forêts marécageuses inondées
temporairement se localisent dans les vallées des moyens et grands cours
d'eau sur des sols gorgés d'eau et spongieux, dont la hauteur et la
durée de la submersion varient avec l'éloignement des
rivières. La crue peut durer plusieurs semaines mais une période
d'assèchement assez longue existe.
? La forêt marécageuse à Raphia
On rencontre les raphiales ripicoles le long des berges
boueuses de certaines rivières. Cette forêt au contact du courant
d'eau est composée de Raphia hookeri accompagné de
Allanblackia floribunda (Nsangomo), Uapaca guineensis (Assam vrai) et
Xylopia staudtii (Odjobi).
Dans la plupart des rivières, on rencontre le
Raphia monbuttorum. Il forme de fréquents et vastes peuplements
linéaires repartis le long de toutes les vallées plus ou moins
larges. Ce peuplement est généralement pur mais selon les
perturbations, il peut être accompagné de quelques espèces
dont : Cleistopholis patens (Avom), Cola lepidota (Evoe), Garcinia
mannii (Mekoa), Macaranga spp.(Assas), Mitragyna ciliata (Babia),
Nauclea pobeguinzi (Andingding), Uapaca guineensis (Assam
vrai) et Xylopia staudtii (Odiobi).
II.1.5.4. Les jachères
Les jachères sont des formations végétales
très denses qui présentent plusieurs faciès :
? des faciès monospécifiques
à Chromolaena odorata ou à Pennisetum
purpureum,
37
? un faciès à C. odorata, Aframomum
sp., Micoma augusta, Lantana camara, Masa spp.,
et de jeunes héliophytes tels que : Musanga cecropioides,
Albizia zygia, Ficus mucuso, Macaranga spinosa,
Rauvolfia macrophylla, R. vomitoria, Urena lobata, Funtumia elastica,
Tetrorchydium didymostemon, Vernonia conferta, Margaritaria discoidea,
Harungana madagascariensis,
? un faciès à C. odorata, Coffea
robusta,
? des peuplements à Musanga cecropioides dans
les vieilles jachères.
II.1.5.5. Les zones de cultures
En dehors des cultures vivrières, on rencontre des
cultures de rente : Coffea robusta, et Theobroma cacao. Les
cacaoyères, de superficie variable (1-5 ha) se rencontrent sous un
couvert forestier constitué d'arbres disposés çà et
là dans la plantation lui donnant une physionomie de forêt
secondaire : Terminalia superba, Pycnanthus angolensis, Triplochyton
scleroxylon, Ceiba pentandra, Panda oleosa, Mansonia altissima, Petersianthus
macrocarpus, Pterocarpus soyauxii, Ficus mucuso, F. exasperata, Margaritaria
discoidea, Distemonanthus benthamianus, Mangifera indica, Persea americana,
Fernandoa adolphii, Cleistopholis patens, Ricinodendron heudelotti.
II.2. LES TYPES DE RESSOURCES.
II.2.1. Les minerais
L'interzone est une région riche en ressources
minières. De l'or au cobalt, en passant par le fer, notre zone
d'étude est très riche en minerais.
· Le nickel et cobalt ;
· Le calcaire à Mintom ;
· Le fer à Mbalam 2.
On signale également la présence de l'or dans
plusieurs localités. D'autres minerais sont aujourd'hui annoncés
dans l'interzone : notamment dans l'arrondissement de Mintom.
L'interzone Réserve du Dja-parc national de Nki est
perçue comme importante en raison de son potentiel minier. Des projets
sont en cours pour l'exploitation des réserves de fer de Mbalam, de
nickel et cobalt du secteur Lomié-Ngoyla-Messok à
l'intérieur et à la périphérie de l'interzone.
38
II.2.2. Le bois.
L'interzone est très riche en bois.
Elle se caractérise par une forte densité d'arbres à
l'hectare dans les forêts et de nombreuses essences de valeurs avec une
hauteur de canopée estimée à environ 50 m. Les familles
dominantes sont entre autres les Méliacées et
Sterculiacées. La seconde, moins complexe que la première au
point de vue de la richesse floristique, se caractérise par une hauteur
de canopée estimée à 40 m et les familles dominantes sont
les Combrétacées, Sterculiacées et Ochnacées,
perdant leur feuillage en saison sèche (MINFOF, 2011a).
Parmi les essences présentes dans la zone
d'étude, on peut citer : le moabi (Baillonnella toxisperma), le
padouk (Ptérocarpus soyauxii), le movingui (Distemonanthus
benthamianus), le tali (Erythrophleum suaveolens), le sapelli
(Entandrophragma cylindicum), le sipo Entandrophragma utile),
le bibolo (Lovoa trichilioides), l'iroko (Chlorophora
excelsa), le kossipo (Entandrophragma candolei), l'okan
(Cilicodiscus gabonensis), l'ilomba (Pycnanthus angolensis),
le fraké (Terminalia superba), le bubinga (Nauclea
diderrichii), etc. (MINFOF, op. cit).
Ce bois est destiné à plusieurs fins : le bois
d'oeuvre, le bois-énergie et le bois de service.
? Bois d'oeuvre.
Les bois d'oeuvre n'étaient pas utilisés par
les populations locales, mais avec l'avènement de la scie à
chaîne (tronçonneuse) et de la tôle pour toitures, toutes
les essences commerciales (Iroko, Movingui, Sapelli...) font l'objet de sciages
artisanaux. L'exploitation des bois porte sur une cinquantaine d'essences dont
quinze fournissent près de 90% du volume total et trois (Ayous, Sapelli,
Azobé) fournissent plus de 60%.
L'exploitation forestière est effective dans certaines
localités de notre zone d'étude : aux environ de Mintom, trois
compagnies forestières respectivement dénommées, SOCID
avec 440 696 ha, LOREMA avec 138652 ha et FANGA FORESTIERE exploitent la
forêt ; à Messok, la commune a perçu en 2005 un total de
213 364 842 F cfa pour les 40% de la redevance forestière annuelle des
UFA exploitées dans cette circonscription, et les populations 53 341 210
F cfa.(DFAP, 2006), zoulabot 2,Nkondong 1. La grande partie de notre zone
d'étude étant une concession de conservation, l'exploitation
industrielle du bois n'est pas effective.
? Bois-énergie et bois de service.
39
L'utilisation du bois de feu accélère la
déforestation dans les localités comme Messok et Ngoyla. Ce bois
provient très souvent des arbres coupés lors de l'abattage.
L'augmentation des prix du pétrole et l'afflue des nouveaux venus dans
la zone favorisent la collecte du bois de feu.
Les bois de services contribuent de façon
significative à la construction de l'habitat, des ponts et de certains
bâtiments dans cette zone rurale. De nombreux emplois dans l'artisanat,
la menuiserie et les petits métiers utilisent le bois comme
matière première dans les localités
enquêtées.
II.2.3. LA FAUNE.
Les informations portent essentiellement sur les
mammifères, les oiseaux et les poissons. De façon globale, les
prospections de reconnaissance effectuées dans ce massif font
état de la présence de 37 espèces de grands et moyens
mammifères (Nzooh, 2003) et de 228 espèces de poissons (Ulrich,
2007). Usongo &al (2007) a estimé que le massif renferme environ 228
espèces de poisson et 37 espèces de mammifères de taille
moyenne et grande dont 3 000 éléphants, 4 000 gorilles, 1 500
chimpanzés. Dans le cas des autres groupes zoologiques (oiseaux,
reptiles, amphibiens et lépidoptères), l'évaluation
effectuée dans les aires protégées adjacentes (Parcs
Nationaux de Boumba-Bek, de Nki et de Minkébé, et Réserve
de Faune du Dja) démontre qu'ils sont également assez
représentés.
II.2.3.1. Les mammifères
Selon leur niveau de protection, les mammifères les
plus gros et les plus caractéristiques de notre zone d'étude sont
les suivants :
· Classe A (Protection absolue) : la Panthère
(Panthera pardus), le Gorille (Gorilla gorilla), le
Chimpanzé (Pan troglotydes), le Magistrat (Colobus
guereza).
· Classe B (protection partielle) : l'Eléphant
(Loxodonta africana cyclotis), le Buffle (Syncerus caffer
narrus), le Sitatunga (Tragelaphus spekei), le Pangolin
géant (Manis gigantea), le Potamochère
(Potamochoerus porcus), le Céphalophe à bande dorsale
noire (C. dorsalis), le Bongo (Boocerus sp)...
· Classe C (Protection réglementée) : le
Hocheur (Cercopithecus nictitans), le Moustac (Cercopithus
cephus), le Cercocèbe à joues blanches (Cercocebus
albigena), le Cercocèbe agile (Cercocebus galeritus), le
Mone (Cercopithecus pogonias), le singe de brazza (Cercopithecus
neglectus), le Cephalophe bleu (Cephaloplus sp) ...
40
Les études de Williamson et Usongo,
(1995)14 portant sur l'abondance de ces mammifères indiquent
que la densité des éléphants est de 0.56 individus/km2,
1.71 individu/km2 pour le Gorille, 0.79 individu/km2 pour le Chimpanzé.
Les grands animaux sont menacés à cause de l'intensité de
la chasse et du braconnage. On note la présence de
l'éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis),
du gorille et du chimpanzé (Pan troglodytes). La forte pression
exercée sur ces mammifères, notamment sur
l'éléphant, provient de la demande en viande de brousse pour
approvisionner le centre de la municipalité et les centres urbains, la
viande d'éléphant étant couramment consommée.
II.2.3.2. Les oiseaux.
Parmi les espèces identifiées dans notre zone
d'étude, on retrouve : le perroquet gris à queue rouge,
Psitthacus erithacus, le grand Calao à casque noir
Ceratogymna atrata, le Calao à joues brunes, Ceratogymna
cylindricus, le Calao à joues grises Ceratogymna subcylindricus
sont les plus remarquables. Les calaos, toutes espèces confondues
atteindraient une densité de
13 individus par km2. La zone abrite l'une des plus
importantes colonies au monde de Picatharte chauve Picathartes oreas.
Du fait des difficultés d'observation dans notre zone, et aussi parce
que les résultats des inventaires fauniques faits par le WWF du mois
d'Août à Octobre 2011 ne sont pas encore publiés, il est
difficile de conclure sur la richesse faunique de notre zone d'étude.
II.2.3.3. Poissons, reptiles et
amphibiens.
Les espèces de poissons identifiées dans
l'interzone Dja-parc national de Nki sont communément celles
rencontrées dans le bassin congolais. Comme partout ailleurs dans la
forêt congolaise, les reptiles et les amphibiens sont largement
représentés. La pression de la pêche non durable et de la
chasse exercée sur certaines espèces protégées
(crocodiles en particulier) nécessite leur inventaire.
II.2.4. Les produits forestiers non ligneux.
Parmi les produits forestiers non ligneux les plus
utilisés dans notre zone d'étude figurent les produits non
ligneux à des fins alimentaires : graines de Moabi (Baillonella
toxisperma) qui servent à l'extraction d'une huile très
prisée, les graines d'Andok (Irvingia gabonensis) servent
à la confection des sauces, les graines de Cola edulis, les
chenilles, les
14 WILLIAMSON, L. & USONGO. L. 1995.
Recensement des populations de primates et inventaires des grands
mammifères. II Recensement des éléphants, gorilles et
chimpanzés dans la Réserve de Faune du Dja (Cameroun). Rapport
technique. Projet Ecofac, Agreco. : 47 p
41
produits de la pharmacopée : écorces, feuilles,
sève et racines d'une grande diversité d'essences
forestières sont utilisées dans la pharmacopée locale.
On distingue également des produits non ligneux
utilisés dans la construction : par exemple, les feuilles de
Marantacées pour les habitations des Baka et feuilles de raphia
pour la confection des nattes chez les Bantous. Les rotangs et les bambous
divers sont utilisés aussi bien en construction qu'en artisanat.
Beaucoup sont destinés à l'autoconsommation,
mais de plus en plus se développe un commerce local et international
formel ou informel. Pour certains produits (Gnetum, Irvingia, Ricinodendron,
Moabi) la récolte et l'échange relèvent du secteur
informel même si les quantités concernées sont importantes
tant au niveau local que du commerce transfrontalier (Gnetum, Ricinodendron).
Selon le WWF (2007) ces PFNL, sans être d'une importance cruciale en
terme commercial, contribuent dans des proportions de 4 à 10 % dans les
revenus annuels des ménages dans la partie occidentale de
l'interzone.
III. ENVIRONNEMENT SOCIOECONOMIQUE
III.1. Un peuplement cosmopolite.
Le peuplement de la région est cosmopolite. Il est
constitué d'autochtones et d'allogènes. Les autochtones sont
représentés par les Bantous et les Pygmées Baka. Les
premiers sont sédentaires, alors que les Pygmées pratiquent
encore en partie le semi-nomadisme, allant des villages à la forêt
en fonction des saisons et des collectes à y opérer. Les peuples
Bantous et Pygmées vivent généralement ensemble dans les
mêmes villages, mais les Baka se singularisent parfois en créant
de petits campements distincts, mais toujours rattachés à des
villages bantous. Les Pygmées sont disséminés partout dans
toute la zone, bien qu'à des niveaux de concentration différents.
Les populations originaires des autres régions du Cameroun (Bulu,
Etôn, Bamoun, Bamiléké, Toupouri, Moudang) sont
concentrées essentiellement dans les «villes» de Ngoyla, de
Messok et dans la zone de Mbalam .
Cette diversité ethnique se traduit d'après les
résultats d'enquête effectuée dans la zone d'étude
par le graphique suivant.
42
11%
4%
5%
44%
19%
17%
djem nzime baka bamiléké foulbé autres
Source : enquête de terrain, Août-septembre 2011.
Figure N° 5: Représentation des groupes
socio-ethniques dans l'interzone.
La représentation des groupes socio-ethniques nous a
permis de ressortir deux grands groupes : le groupe le plus
représenté (les autochtones constitués des bantous et des
baka 80%) le groupe le moins représenté (les allogènes
20%). Le groupe ethnique le plus représenté est le Djem (45%), le
groupe Nzime représente (17 %). Ces deux groupes sont les bantous. Les
Baka, peuple chasseur et cueilleur de la forêt, représentent 19%.
Le groupe que nous avons nommé «autres» est constitué
des ewondo, Bulu, Etôn, étrangers... Il représente 11% de
la population. Les Bamiléké, groupe auquel nous avons
associé les Bamoun représente 5% et les Foulbé 4%. Selon
le MINFOF (2011a), les bantous représentent 68 % de la population de
l'interzone et les Baka 30 %.
Au niveau de la répartition spatiale de ces groupes
socio ethniques dans l'interzone, elle varie peu dans les villages, mais est
presque identique dans toutes les villes des unités administratives. Le
graphique suivant nous permet d'avoir une idée plus claire de cette
répartition spatiale.
40
60
50
30
20
10
0
messok NGOYLA nkondong2 zoulabot 1 nkondong1 djadom etekessang
zoulabot 2 bareko
autres foulbé
bamiléké baka nzime djem
43
Source : enquête de terrain, Août-septembre 2011.
Figure N°6: Représentation des groupes socio-ethniques dans
les localités enquêtées.
De ce graphique, nous constatons que la structure ethnique de
la population varie, mais est presque homogène dans les unités
administratives et les secteurs : les Bantou sont majoritaires. Quant aux
allogènes, on les retrouve beaucoup plus dans les villes (Ngoyla et
Messok) et les sites industriels d'exploitation forestière : Messok,
Ngoyla, Nkamouna, Mbalam 2. Ils viennent de toutes les régions du
Cameroun et travaillent soit dans les administrations, soit dans les
sociétés forestières, soit dans des entreprises
commerciales/agricoles, ou sont tout simplement à la quête de
travail. On trouve aussi des ressortissants des pays étrangers :
Mauritaniens, Maliens, Sénégalais, Nigérians, qui
pratiquent plus le commerce, et quelquefois la pêche pour ce qui est des
Nigérians et surtout des Sénégalais.
III.2. Organisation sociale
L'organisation sociale est celle des peuples de la
forêt, c'est-à-dire de type acéphale ou segmentaire. Les
villages sont constitués de familles appartenant à un ou
plusieurs lignages, qui fonctionnent de manière autonome. Le patriarcat,
qui est l'organe informel de régulation
44
et de gestion de la société, est assez faible.
La chefferie est une réalité récente introduite par la
colonisation et le chef de ce fait n'exerce pas une réelle
autorité sur ses populations. Il représente plus le lien entre
les populations et l'Administration dont il constitue le pilier de base.
Les bantous sont organisés suivant les secteurs en
villages pluriclaniques ou monoclaniques à partir des lignages et de
leur segmentation. La structure pluriclanique est surtout rencontrée
dans les gros villages arbitrairement délimités par
l'administration et qui regroupent en réalité plusieurs hameaux
sans chefferie autonome. La structure monoclanique dans ce cas est alors
transposée au niveau du hameau.
Les villages sont dirigés par les chefferies de
troisième degré coiffées par les chefferies de
deuxième degré. La désignation du chef se fait par
élection et le plus souvent par hérédité entre les
membres d'une famille régnante qui généralement, est celle
qui se serait installée la première sur le site. Les chefs qui
sont des auxiliaires d'administration, sont entourés chacun d'un conseil
de notables (représentant chacun un lignage du village) et d'un tribunal
coutumier. Leur autorité ne souffre pas, en principe, de contestation et
ils résolvent la plupart des conflits entre leurs sujets au niveau local
(Ondoua et Defo, 2008).
Chez les Baka, la structure sociale est encore plus
restreinte car le plus souvent limitée à la famille. Le
semi-nomadisme accentue encore la liberté chez ces peuples de la
forêt. Ils ont la particularité de se regrouper par clan
composé de plusieurs familles dans les campements (Odoumou, Bareko,
Assok, Belle-ville, Nkolfong, J'aime la paix, Saké, Mekamekouma,
Assoumindélé, Mabam, etc.). Leur organisation sociale est faite
autour de la chasse et de la cueillette des produits forestiers. Chaque famille
reste autonome. Cependant, la direction du clan revient au patriarche le plus
âgé qui est également le plus expérimenté en
termes de conduite des expéditions forestières (chasse) et
demeure le guide spirituel dans les relations avec l'esprit Jengi (Ondoua et
Defo, 2008). Les chefs de campement rendent compte aux chefs des villages dont
relèvent leurs campements respectifs. Dans chaque campement Baka, un
individu identifié comme chef de campement occupe essentiellement une
fonction d'interlocuteur sans fonction administrative établie.
45
A
Source : Cliché Tatuebu, Septembre 2011
Photo N°1: Le chef du campement (A) Mabam et sa
famille devant leur maison. III.3. Importance et répartition des
populations
L'interzone Dja-parc national de Nki compte plus d'une
soixantaine de villages sédentaires notamment des villages-rues
localisés pour l'essentiel le long des routes carrossables et des pistes
forestières ou minières, une trentaine de campements
pygmées disséminés dans la forêt. Elle est
faiblement peuplée, sa population est estimée à 10 577
habitants (Ntongho, 2003) dont 75% vivant en milieu rural, 48% de femmes (RGHP,
2005) et environ 30% de Baka. Notre zone d'étude couvre trois
arrondissements : Messok 11 213 habitants, Ngoyla 4424 habitants et Mintom 6130
habitants (RGHP, 2005). Compte tenu du fait qu'une grande partie de
l'arrondissements de Messok ne fait pas partie de l'interzone, les
données relatives aux populations utilisées dans le
présent mémoire seront celles fournies par le WWF.
Tableau 6 : Répartition des enquêtés
par sexe et par localité.
Village Sexe
|
Messok
|
Ngoy- la
|
Zou- labot1
|
Nkon- dong1
|
Dja- dom
|
Etéke ssang
|
Zou- labot2
|
Nkon- dong2
|
Bare -
ko
|
Totau x
|
Masculin
|
27
|
20
|
6
|
3
|
3
|
8
|
5
|
2
|
1
|
75
|
Féminin
|
21
|
20
|
6
|
3
|
3
|
5
|
6
|
1
|
0
|
65
|
Totaux
|
48
|
40
|
12
|
6
|
6
|
13
|
11
|
3
|
1
|
140
|
|
Source : enquête de terrain, Août-septembre 2011.
46
De ce tableau, il ressort que la population masculine
représente 54% de notre échantillon et celle féminine 46
%. Ceci parce que certaines activités comme la chasse, qui nous
intéresse dans le présent mémoire, sont en grande partie
exercées par les hommes.
Le taux d'accroissement moyen annuel entre 1987-2005 est de
2,9% avec une densité moyenne de 13,4 habts/km2 dans la
région du Sud et de 2,2% avec une densité moyenne de 7,1
habitants/km2 à l'Est (RGHP, 2005). Les densités dans
l'interzone sont encore inférieures à 1 habitants/km2
(MINFOF, 2011).
L'interzone possède un potentiel énorme en
matière de population active. En effet, d'après les
enquêtes de terrain, la population âgée de moins de
cinquante ans est très nombreuse dans la zone.
Tableau N°7 : Répartition des
enquêtés par tranches d'âge et par
localité
Tranches d'âge
Localités
|
15-24
|
25-34
|
35-44
|
45-54
|
55-64
|
65 +
|
Totaux
|
Messok
|
2
|
7
|
15
|
18
|
0
|
6
|
48
|
Ngoyla
|
6
|
16
|
6
|
5
|
4
|
3
|
40
|
Nkondong 2
|
1
|
0
|
1
|
0
|
1
|
0
|
3
|
Zoulabot 1
|
2
|
3
|
3
|
1
|
3
|
0
|
12
|
Nkondong 1
|
0
|
1
|
2
|
2
|
1
|
0
|
6
|
Djadom
|
2
|
1
|
1
|
0
|
2
|
0
|
6
|
Etekessang
|
2
|
2
|
4
|
2
|
3
|
0
|
13
|
zoulabot 2
|
5
|
1
|
2
|
0
|
3
|
0
|
11
|
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
Totaux
|
20
|
32
|
34
|
28
|
17
|
9
|
140
|
|
Source : enquête de terrain, Août-septembre
2011.
Il ressort de ce tableau que la population âgée
de moins de quarante cinq (45) ans représente 61% de la population
enquêtée. L'âge moyen de la population active de la
région oscille entre dix et cinquante (50) ans. La population de la
région est à forte dominance masculine. Le ratio des hommes est
de 55% contre 45% pour les femmes. La pratique de la polygamie est très
répandue dans la région, cependant le taux de divorce est
également élevé à cause de l'émigration des
femmes à la recherche des meilleures conditions et opportunités
de vie au Congo et dans les grandes villes. Par ailleurs, l'environnement
naturel généreux de la région offre de multiples
opportunités aux hommes en termes de bénéfices. La plupart
des
47
activités clés de la région sont
à dominance masculine (chasse, agriculture/cacao, pêche, portage,
etc.).
Notre zone d'étude est une région
frontalière. A cet effet, il s'y déroule un flux migratoire
constant du Congo vers le Gabon et vers le Cameroun et vice-versa. Les
migrations observées dans cette zone sont dues à des raisons
économiques et sociales. Certains habitants dans certains villages du
Sud de l'interzone sont venus du Congo : exemple Etat-frontière, Ntam,
Alati, Lélé, Mbalam II, Menkoum, etc. Ces migrations sont
favorisées par la faiblesse du contrôle au niveau des
frontières.
III.4. Un niveau d'étude très bas.
Il existe dans l'interzone de nombreux établissements
scolaires : des écoles maternelles, primaires, et secondaires. Mais,
dans l'ensemble, le niveau d'étude est très bas dans la zone.
D'après les enquêtes de terrain, le niveau d'étude de notre
échantillon se présente comme suit :
Effectifs
40
80
70
60
50
30
20
10
0
SANS NIVEAU PRIMAIRE SECONDAIRE
UNIVERSITAIRE
Niveau d'étude
14
53
67
6
Source : Enquête de terrain, Aout-septembre 2011
Figure N°7 : Répartition de la population
enquêtée par niveau d'étude.
Il ressort de ce graphique que près de la
moitié de la population enquêtée (48%) n'ont pas fait les
études secondaires :(10%) n'ont jamais été à
l'école et (38%) se sont arrêtés au cycle primaire. Ceux
qui ont été au secondaire représentent 48 % . Mais parmi
ceux-ci, plus de 80% n'ont pas traversé la classe de quatrième
(4e) ou la troisième année de l'enseignement
technique. Le bas niveau d'étude peut être expliqué par le
fait qu'aussitôt qu'ils arrivent dans
48
les établissements secondaires, ils sont exclus
à cause de leur niveau très bas et ils rentrent au village. Quant
à ceux du niveau supérieur, ils représentent 4% de notre
échantillon. Compte tenu de notre période d'enquête,
Août-Septembre, près de 90% de ceux qui ont fait l'enseignement
supérieur était des jeunes en congé.
L'enclavement est un facteur qui limite le niveau
d'étude des populations de l'interzone. En effet, de Messok, qui peut
être considéré comme la localité facilement
accessible de la zone enquêtée, à Djadom, qui est au coeur
de la forêt proche de la frontière avec le Congo, on constate que
le pourcentage de ceux qui ont été au niveau secondaire par
localité décroit considérablement. On passe de 52%
à Messok à 47,5% à Ngoyla et à 16% à
Djadom.
Le taux élevé de la population active se
justifie par le fait qu'il y a beaucoup d'exclus des établissements
scolaires, des chômeurs et des migrants de retour qui rentrent au village
pour s'occuper de leurs parents et prendre soin de leurs
propriétés comme les champs de cacao ou chercher à
améliorer leurs conditions de vie en profitant des opportunités
que leur offre l'accès aux ressources forestières.
IV. SITUATION JURIDIQUE DES FORETS ET ACCES AUX
RESSOURCES DANS L'INTERZONE.
IV.1. Situation juridique des forêts dans
l'interzone.
L'un des aspects les plus importants de la loi de 1994
portant régime des forêts est la répartition du patrimoine
forestier du Cameroun en deux catégories: le domaine forestier permanent
(DFP) et le domaine forestier non permanent (DFNP) (Articles 20-39). Les terres
rassemblées sous le DFP doivent idéalement couvrir au moins 30 %
du territoire national, représenter la diversité
écologique du Cameroun, avoir pour vocation de demeurer
définitivement la forêt et/ou l'habitat de la faune et être
gérées de manière durable selon des plans de gestion
approuvés. Le DFNP, quant à lui, est constitué de terres
susceptibles d'être affectées à des utilisations autres que
forestières. Les 09 Unités forestières
d'aménagement (UF A) qui constituent la concession de conservation
(massif forestier Ngoyla-Mintom) sont proposées comme faisant
essentiellement partie du domaine forestier permanent dans le plan indicatif
d'utilisation des terres forestières du Sud-Cameroun.
49
IV.1.1. Domaines forestiers permanents
Encore appelées forêts classées, il
s'agit des terres définitivement affectées à la
forêt et/ou l'habitat de la faune.
? Les forêts domaniales :
Ce sont des forêts ayant fait l'objet de classement au
profit de l'État ; appartenant au domaine privé de l'État,
la responsabilité de la gestion forestière incombe donc à
l'Administration chargée des forêts. Toute activité
forestière doit se conformer au plan d'aménagement dont
l'Administration chargée des forêts assure le contrôle. Sont
considérées comme forêts domaniales les terres suivantes
:
- Les aires protégées pour la faune :
Les parcs nationaux ; les réserves de faune, les zones
d'intérêt cynégétique, les games-ranches
d'État, les jardins zoologiques, les sanctuaires de faune et les zones
tampons.
- Les réserves forestières :
sanctuaires de flore, forêts de protection, forêts de
récréation, forêts d'enseignement et de recherche, les
périmètres de reboisement, les jardins botaniques, les
forêts de protection ;
Les forêts de production sont des
périmètres destinés à la production soutenue et
durable de bois d'oeuvre, de service ou tout autre produit forestier (les
droits d'usage en matière de chasse, de pêche et de cueillette y
sont réglementés).
? Les forêts communales
Il s'agit des forêts ayant fait l'objet d'un acte de
classement pour le compte de la Commune ou forêts plantées par la
commune sur un terrain communal. Elles appartiennent au domaine privé de
la commune et la responsabilité de la gestion forestière incombe
à celle ci, sous contrôle de l'Administration chargée des
forêts. Le plan d'aménagement arrêté par le Ministre
chargé des forêts est mis en oeuvre par la commune, sous le
contrôle et le suivi de l'Administration.
IV.1.2. Des domaines forestiers non permanents
Le DFNP rentre dans la catégorie juridique de
forêts du domaine national, à savoir celle d'un patrimoine
collectif géré par l'État, sur lequel l'appropriation
privée est possible dans certaines conditions. Il est
désigné comme « bande agroforestière » dans le
plan de zonage et comprend les zones de culture des communautés, les
forêts communautaires et éventuellement les forêts de
particuliers.
50
IV.1.3. La vocation des terres forestières dans
l'interzone.
Le Décret 95/678/PM institue un cadre indicatif
d'utilisation des terres en zone forestière méridionale.
L'ouverture de nouvelles routes, l'exploration et l'exploitation des minerais
et l'installation des populations risquent de remettre en cause ce plan
indicatif. De plus en plus on assiste à de nombreuses installations des
populations dans certaines localités sur le tronçon Mintom-Mbalam
2 à la recherche des terres agricoles. Selon ce plan indicatif,
l'utilisation des terres dans le Cameroun se répartit comme suit :
? Terres à vocation de production
forestière
Ce plan de zonage, outil de planification définit sur
carte des UFA et autres utilisations de terres mais leur matérialisation
sur le terrain reste à faire. Notre zone d'étude, étant
vouée à la conservation, les UFA qui la constituent ne sont pas
en exploitation.
? Réseau d'aires
protégées
Le plan de zonage du Cameroun méridional prend en
compte les sites critiques identifiés en 1988 même si ces derniers
n'ont pas été classés entre temps. Comme nous l'avons
mentionné plus haut notre zone d'étude est entourée de
nombreuses aires protégées (RBD, parc national de Nki, le
complexe Kom-Mengamé).
? Usages alternatifs des terres
forestières
Les terres forestières de la zone font l'objet de
nombreuses convoitises liées à l'augmentation de la population,
à l'urbanisation et l'industrialisation. Les forêts constituent en
effet une réserve foncière. Les terres agricoles, les villes et
les zones dites industrielles s'étendent au détriment de la
forêt.
A côté de tout le dispositif normatif sur les
terres et les ressources forestières mis en place par l'État, il
existe des systèmes de gestion des terres et des ressources
développées par les communautés qui, dans la
réalité, dominent les pratiques.
IV.2. Droit d'accès aux ressources et son
chevauchement dans la zone.
Il existe plusieurs catégories de droits aussi bien
sur les terres que les ressources qui s'enchâssent: le droit de hache qui
confère le contrôle de l'espace à la première
personne qui aura débroussaillé la forêt, les droits
généalogiques à travers lesquels les premiers occupants
transmettent la propriété aux descendants, les droits productifs
(droit d'usufruit et droit de hache, droit du planteur) qui permettent aux
membres desdites communautés de vivre de leur propre travail, les droits
de succession déterminés par les principes de transmission
patrilinéaires permettant aux descendants de jouir des biens
légués par les ancêtres et le droit moderne. Ces droits
sont superposés sur les espaces et les ressources, et exercés par
des unités sociales distinctes: la famille, le lignage et le village.
Ils sont garantis par l'autorité morale des
51
« aînés » (anciens) et les
différentes autorités coutumières, à savoir le chef
de famille, le chef de lignage, le chef du village avec son conseil de
notables, etc. qui interviennent pour régler les conflits et font ainsi
office de tribunal coutumier.
Le régime ci-avant schématisé est
davantage caractérisé par l'appropriation de l'espace et
justifié pour un système de production à dominante
agricole chez les Bantou. Chez les chasseurs cueilleurs dont le processus de
sédentarisation est récent, l'on a beaucoup plus affaire à
un faisceau de droits sur les ressources enchâssées dans un
réseau de liens de parenté et d'amitié.
La tenure foncière est principalement basée sur
les droits d'usage coutumiers. Le droit foncier moderne qui procède
d'une appropriation publique des terres et des espaces forestiers est peu
appliqué dans la région, sauf dans les centres villes de Messok
et de Ngoyla où il y a une forte pression de la population sur la terre.
La terre appartient à tout le monde dans la région. Chacun peut
construire et développer ses activités champêtres, de
chasse, de piégeage, de ramassage tout en respectant les limites de son
voisin.
Selon Bigombé L. (2011) la coexistence du droit
positif et de ces différents systèmes fonciers et institutions de
gestion des ressources, a inspiré le concept de « pluralisme
légal ». Mais de ce pluralisme, chaque acteur a sa perception
sur le foncier et les ressources, une situation où l'État et les
communautés ont des perceptions divergentes et tiennent des discours
différents sur la propriété des terres et des
forêts. L'État, ayant le pouvoir et les moyens, impose son
organisation de l'espace.
Les études approfondies sur la cohérence des
lois forestières avec celles des autres secteurs dont le foncier, les
mines, l'eau et l'énergie, l'agriculture et les infrastructures sont peu
développées en ce qui concerne le Cameroun méridional. Les
deux forums miniers, organisés à Yaoundé en Mai et en
Juillet 2009, ont mis en relief des conflits d'intérêts et des
chevauchements de droits et obligations qui appellent, de toute urgence, une
telle étude suivie des décisions idoines. En effet, selon Dkamela
G.P.(2011)15 on observe une incohérence entre loi
forestière et minière, notamment dans l'attribution des titres
d'exploration minière dans des parties du réseau national des
aires protégées (Parcs nationaux de Lobeke et Boumba-Bek, segment
de la TNS en passe de devenir site du patrimoine mondial.) »
Ces chevauchements remettent fondamentalement en question le
zonage du Cameroun forestier méridional adopté en 1995. C'est
pour cette raison que des travaux pour le zonage définitif de cette zone
sont en cours. Nguiffo et Nguepjouo (2009) ont énuméré des
aspects
15 Dkamela, G.P. 2011 Le contexte de la REDD+ au Cameroun :
causes, agents et institutions. Papier Occasionnel 57. CIFOR, Bogor,
Indonésie.
52
des droits des titulaires des permis miniers, forestiers et des
droits des communautés qui se chevauchent.
Tableau N°8 : Chevauchement des droits forestiers
et miniers
Droits des titulaires des
permis miniers
|
Droits des titulaires des
permis forestiers
|
Droits des communautés
|
-Garantie d'accès à la
|
- Droit de prélever le bois
|
- Protection des usages sur les
|
ressource sur le long terme ;
|
dans la superficie attribuée ;
|
espaces et sur les ressources ;
|
|
- Obligation de ne pas
|
|
-Droit de prélèvement, en
|
s'opposer à d'autres usages
|
-Protection de la santé ;
|
utilisant les techniques les
|
dans la concession (y
|
|
plus appropriées (implique
|
compris aux usages
|
-Participation aux retombées
|
souvent l'abattage de la
|
miniers) ;
|
économiques.
|
végétation) ;
|
- Obligation de garantir
l'aménagement forestier à
|
|
-Obligation de compenser.
|
long terme.
|
|
|
Source : Nguiffo et Nguepjouo (2009)16
Le plan de zonage de cette zone risque de créer un
« stress foncier » important, car dans certaines localités
où les populations vivent il n'existe pas de bande
agro-forestière. De plus certains plans de zonage proposés ne
tiennent pas compte des usages et des droits des peuples autochtones. A cet
effet, Freudenthal E. et al. (2011)17 signale que « Le
projet de plan de zonage pour Ngoyla Mintom (conçu par le WWF) ne tient
pas compte de l'usage coutumier des terres par les peuples autochtones et les
communautés locales et risque ainsi d'ignorer leurs droits. Le projet
prévoit la mise en place d'une nouvelle aire protégée
(catégorie 1 de l'UICN) ainsi que de concessions forestières et
minières, lesquelles empièteraient sur les zones de ressources
utilisées traditionnellement par les peuples autochtones et
communautés locales. Ce zonage défectueux risque
d'entraîner des restrictions d'accès aux ressources naturelles qui
pourraient avoir de graves conséquences sur les moyens de subsistance
locaux.»
16 NGUIFFO, S. et
NGUEPJOUO, D. 2009 : Mines et forêts et droits : bref
aperçu des chevauchements. Communication au Forum national sur la
gestion intégrée des ressources forestières et
minières, Yaoundé, Cameroun, 16-17 juillet.
17 FREUDENTHAL E., NNAH S. ET KENRICK J., 2011
La REDD et les droits au Cameroun. In Forest Peoples Programme. 35p
53
CONCLUSION
En somme, il nous revenait de présenter les atouts
naturels et socio-économiques de la zone étudiée.
L'interzone Réserve du Dja-parc national de Nki possède un milieu
physique très remarquable. Elle bénéficie d'un climat de
type équatorial guinéen qui lui permet d'avoir une
diversité biologique très importante. Son sol et son sous-sol
sont aussi très caractéristiques. En effet, cette zone
bénéficie d'un sol très épais et fertile et d'un
sous sol très riche en minerais. Elle est drainée par de nombreux
fleuves dont le plus important est la Dja. Du point de vue
démographique, bien que l'interzone soit très peu peuplée,
elle possède une population composite et très active. Le droit
d'accès aux ressources est réglé par le droit dit
coutumier et le droit moderne. Cette richesse naturelle de l'interzone laisse
transparaître une configuration qui met en exergue des hiérarchies
enchevêtrées entre les différents acteurs dans la
région, hiérarchies elles-mêmes fonction des ressources et
des capacités d'action dont dispose chaque acteur. En d'autres termes,
la valorisation d'une ressource dépend des enjeux des acteurs
concernés.
54
CHAPITRE II : CARACTERISATION DES MOYENS D'EXISTENCE DES
POPULATIONS DE L'INTERZONE.
messok NGOYLA nkondong2 zoulabot 1 nkondong1 djadom
etekessang zoulabot 2 bareko
AUTRES ENSEIGNEMENT RECOLTE DE PFLN PECHE COMMERCE
ARTISANAT CHASSE AGRICULTURE
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°8: L'agriculture : une profession
dominante des personnes enquêtées.
INTRODUCTION
La richesse naturelle de l'interzone Réserve de
Biosphère du Dja-parc national de Nki lui offre un cadre propice au
développement des activités humaines. Les milieux physique et
humain se combinent pour caractériser les activités des
populations dans cette zone. Les populations de notre zone d'étude
pratiquent de nombreuses activités dont les principales sont :
l'agriculture, la chasse, l'artisanat, la pèche, le petit commerce, le
ramassage... De ces activités, elles tirent des revenus non
négligeables qui leur permettent de mener leurs vies. Il sera question
pour nous dans ce chapitre de caractériser les différents moyens
de subsistance des populations dans l'interzone.
I. L'AGRICULTURE : LE PILER DE L'ECONOMIE DE LA
ZONE
La hiérarchisation et l'envergure des activités
économiques des populations peuvent varier en fonction des
communautés du fait essentiellement des conditions du milieu biophysique
et des opportunités. Dans l'interzone, l'agriculture occupe une place
primordiale. Sa place dans l'économie de la zone se justifie par le fait
qu'elle constitue non seulement un important moyen de subsistance mais aussi
une source de revenus. Ceci s'illustre par nos enquêtes de terrain et
d'après la figure suivante :
55
Il ressort de cette figure que l'agriculture demeure
l'activité principale dominante des populations enquêtées.
D'après cette figure, 52 % de la population enquêtée soit
73 personnes ont pour principale profession l'agriculture. Dans tous les
villages, l'effectif des cultivateurs est supérieur à celui des
autres activités. Cette domination des agriculteurs est plus remarquable
dans les localités comme Ngoyla, Messok, Zoulabot1, Zoulabot2, Djadom,
et Etékessang. La chasse occupe le deuxième rang, car elle est
exercée par 16% de la population enquêtée soit 22
personnes. La chasse occupe une place très remarquable dans les
localités de Ngoyla, Etékessang, Zoulabot1, Bareko et Nkondong 2.
Le commerce occupe le troisième rang et représente 7 % de la
population enquêtée. Le personnel enseignant occupe
également une place remarquable dans notre échantillon. Cette
catégorie représente 6 % de la population enquêtée.
Le groupe «autres» représente 10 % de la population
d'étude. Ce groupe est constitué des agents de l'Etat, des
transporteurs, guérisseurs et des personnels des ONG. Ces agents de
l'Etat ne sont pour la plupart que la minorité des responsables des
services qu'on retrouve dans la ville de Messok et de Ngoyla. Ce sont les
services tels : le commissariat, le poste agricole, le service du MINFOF, le
centre de santé intégré et la mairie.
Le reste de la population enquêtée, soit 48 %,
qui n'a pas l'agriculture comme activité principale, l'exerce comme
activité secondaire. En effet, leurs heures creuses sont
généralement consacrées à l'agriculture. D'autres
ajoutent que ce n'est que l'agriculture qui leur permet de vivre dans le
village parce que les revenus tirés des autres activités ne
peuvent pas permettre de vivre.
Notre population enquêtée est essentiellement
constituée de la population active. De ce fait, nous avons
constaté que chaque personne à au minimum un champ, même
s'il n'est parfois qu'un jardin de case où le propriétaire tire
quelque produits vivriers. L'agriculture est pratiquée par certains
comme activité principale et comme activité secondaire chez
d'autres. Sur 140 personnes enquêtées, 137 personnes soit 98
%pratiquent l'agriculture. Le reste est constitué de deux personnes qui
avaient fait moins de quatre mois dans la zone et n'avaient pas encore de champ
; une autre, un forestier, affirme qu'il ne veut pas faire le champ.
I.1.Une propriété foncière accessible
et abondante qui multiplie les possibilités agricoles.
Il existe dans l'interzone plusieurs types de droit
d'accès aux ressources comme nous l'avons développé dans
le chapitre précédent. Le système foncier dans presque
toute la région est de type traditionnel. Il est mis sous le
contrôle des chefs traditionnels. La terre appartient
56
au premier occupant : un paysan cultive indéfiniment
une portion désirée des terres qui devient sa
propriété, à condition que la forêt primaire ait
été enlevée par lui, ainsi sa descendance héritera
le droit de cultiver cette dernière. Il existe aussi un système
de location de terre pour les cultures de cacao. Le foncier reste et demeure le
facteur de production qui est accessible à tous. Même si on n'est
pas originaire du village, le chef ou un voisin peut vous trouver un espace
pour exercer l'agriculture. La terre est disponible et par conséquent
n'est pas un facteur de production limitant dans l'interzone. Seul le manque de
temps à consacrer pour les champs pourrait empêcher une personne
de faire de l'agriculture. La présence de forêt primaire à
moins d'un kilomètre du village est un indicateur de cette abondance.
L'habitat est linéaire dans la zone, directement autour des maisons on
retrouve les forêts secondaires. Le mode d'acquisition des champs dans la
zone s'illustre par le graphique suivant :
8%
6%
1% 1er OCCUPANT
HERITAGE
DON
ACHAT
85%
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°9: Mode d'acquisition du
champ.
Il ressort du graphique ci-dessus que sur 137 personnes qui
exercent l'agriculture dans notre échantillon, 116 personnes soit 85 %
cultivent les champs qu'ils ont créés eux-mêmes. Partout
dans la zone, chacun peut créer un champ en forêt si celle-ci n'a
pas été déjà défrichée par une autre
personne. On constate que 11 personnes, soit 8% ont hérité leurs
champs des parents. Ce système d'héritage des champs est plus
accentué dans les localités les plus peuplées de nos
localités retenues pour l'enquête : Messok, Zoulabot 1 et 2,
Etékessang et Ngoyla. Ceci parce que se sont des sites où la
sédentarisation est plus ancienne et aussi parce qu'on peut retrouver
une à deux maisons après celles qui bordent la route. Les autres
localités sont très peu peuplées par rapport à ces
premières et par conséquent, les forêts sont parfois
à
57
moins de 5 00mètres du village ou du campement. Nous
constatons ensuite que 8 personnes sur les 137, soit 6% affirment que les
champs qu'ils cultivent sont des dons. Ces personnes ne sont également
recensées que dans les localités les plus peuplées
(Messok, Etékessang et Ngoyla). Ces personnes sont des allogènes.
Ils exercent en général l'agriculture comme une activité
secondaire. Ils sont surtout les agents de l'Etat (enseignants et personnels de
l'administration) et les commerçants. Ceux qui ont acheté des
champs ne représentent que 1 % soit deux personnes de notre
échantillon. Ces deux personnes se retrouvent à Ngoyla et
à Messok. Ils sont des commerçants et ils ont acheté ces
terrains pour construire et cultiver le reste.
La disponibilité de la ressource foncière
réduit le taux de conflit relatif à l'accès à cette
ressource. En effet, d'après notre enquête de terrain, les
conflits relatifs à l'accès à la terre ne sont
recensés que dans les localités les plus peuplées.
messok NGOYLA Nkondong2 Zoulabot 1 Nkondong1 Djadom Etekessang
Zoulabot 2 Bareko
OUI NON
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°10: Conflits relatifs à
l'accès à la terre.
Il ressort de ce graphique que, parmi localités retenu
pour l'enquête, Messok, Zoulabot 1 et 2, Etékessang et Ngoyla sont
les localités où on retrouve plus les conflits liés
à l'accès à la terre. Ces conflits se limitent
généralement à la dispute des parcelles. C'est souvent
dû au fait qu'un individu défriche une jachère ne lui
appartenant pas. Pour résoudre ce problème, on convoque le
conseil familial. Si le conseil familial ne trouve pas de solution, on se rend
chez le chef du village. Dans les localités qui ont moins de 100 hbts
(Nkondong 2, Djadom et Bareko) on n'enregistre pas de conflits relatifs
à l'accès à la terre. Ceci est dû au fait qu'avec
les faibles densités, la ressource est très abondante et on
manque très souvent les gens qui peuvent cultiver les alentours des
concessions.
Source : Enquête de terrain, 2011.
58
I.2. Les types de cultures
Grâce à son climat avec deux saisons de pluies,
les activités agricoles s'étalent presque sur toute
l'année. Cette agriculture observée autour des concessions
villageoises, dans la zone agro-forestière et occasionnellement au sein
du massif forestier, comporte deux volets essentiels : le type vivrier de
subsistance avec les cultures comme l'arachide, le manioc, maïs, le macabo
(Xanthosoma sagittifolium), taro (Colocasia esculenta), mais
également le bananier plantain et la patate douce (Musea, sp)
ces cultures peuvent faire l'objet d'une commercialisation au niveau des
marchés locaux. L'agriculture de rente concerne les espèces
telles que le cacaoyer (Theobroma cacao), le caféier et le
palmier à huile (Elaeis guinneensis).
L'observation de quelques champs témoins nous montre
que les cultures dominantes de la zone sont : le manioc, le cacao, le macabo,
le plantain, patate douce, arachide,...
Tableau N°9: Quelques champs enquêtés
dans l'interzone.
N° du champ
|
Lieu
|
Superficie
|
Culture dominante
|
Année de création
|
01
|
Etekessang
|
4ha
|
Cacao
|
2002
|
02
|
Messok
|
0,75 ha
|
Manioc
|
2010
|
03
|
Ngoyla
|
0,4 ha
|
Manioc
|
Septembre 2011
|
04
|
Nkondong 2
|
0,3 ha
|
Macabo
|
2011
|
05
|
Ngoyla
|
2 ha
|
Cacao
|
2000
|
06
|
Zoulabot 1
|
0,5 ha
|
Plantain
|
20 10
|
07
|
Messok
|
0, 3 ha
|
Maïs
|
Septembre 2011
|
08
|
Messok
|
0,5 ha
|
Piment
|
Mars 2011
|
09
|
Ngoyla
|
0,8 ha
|
Plantain
|
Juillet 2011
|
10
|
Messok
|
3,5 ha
|
Cacao
|
2007
|
11
|
Etekessang
|
0,45 ha
|
Manioc + plantain
|
2010
|
12
|
Messok
|
0,65 ha
|
Manioc + macabo
|
2011
|
13
|
Zoulabot 1
|
0,02 ha
|
Patate douce
|
Avril 2011
|
14
|
Ngoyla
|
0,3 ha
|
Arachide
|
Septembre 2011
|
15
|
Nkondong 1
|
0 ,2 ha
|
Igname
|
Mars 2011
|
|
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Planche photo N°2 : Séchage et stockage de
fèves de cacao.
59
I. 2.1. Les cultures de rentes
L'agriculture de rente est concentrée dans la
cacaoculture, la caféculture et le palmier à huile. On note aussi
la présence de l'hévéa à certains endroits. La
culture du cacao est pratiquée dans tous les villages de la zone. C'est
une activité qui est plus pratiquée par les hommes. Le cacao est
la principale culture de rente suivie du café. La culture du café
se rencontre surtout dans l'arrondissement de Messok. Les cultures de rente
sont pratiquées sur des exploitations de taille moyenne. Les surfaces
cultivées varient de 1 à 5 ha avec une moyenne de 2,5 ha.
Le prix d'achat de fèves de cacao
séchées varie de 500 à 1100 Fcfa/kg. Avec la baisse du
prix de vente du cacao au début de la décennie 2000, les
plantations avaient été abandonnées dans une bonne partie
de la région. Mais avec la remontée de ce prix sur le
marché (800 - 1000frs/kg) en 2008, on note une reprise de cette culture,
notamment avec le débroussaillage et le traitement phytosanitaire des
plantations et la création de nouveaux champs. A titre d'exemple,
certaines nouvelles plantations de cacao sont observables à Bareko et
à Djadom. Cela implique une pression sur la forêt comme on peut
l'observer dans le cas des villages proches de ville de Ngoyla : Lamsom,
Etekessang, etc. Pendant la campagne 2009/2010 le prix du kilogramme a atteint
1200 Fcfa/kg, ce qui davantage a poussé les populations à
s'intéresser à cette culture. Mais la campagne 2010/2011 a
été très mauvaise selon les agriculteurs car le kilogramme
était parfois acheté à 700 Fcfa à Ngoyla.
60
Sur cette photo, on observe deux paysans en train
d'étaler le cacao sur les nattes. Ces nattes sont fabriquées
spécialement pour le séchage du cacao. Après avoir
séché le cacao, les populations se rendent auprès des
acheteurs ou les attendent sur place dans le village pour leur vendre. Les
acheteurs possèdent des magasins dans lesquels ils stockent leurs
marchandises. Lorsque le stock est assez considérable, ils font venir un
véhicule assez grand pour acheminer leurs marchandises en ville.
Ce commerce procure des revenus annuels aux familles
productrices, enfonction des superficies plantées, allant de 300 000
à près de 3 000 000 Fcfa. Sur notre échantillon, nous
avons voulu évaluer le revenu moyen annuel de ceux qui pratiquent
l'agriculture. Pour ce faire, nous avons retenu la population masculine de
notre échantillon. Ceci non seulement parce qu'elle pratique
l'agriculture mais aussi parce que la majorité (88 %) de ces
agriculteurs retenus est également constituée des chasseurs. Ceci
nous permettra de comparer le revenu moyen de ces deux activités.
Le revenu moyen annuel de chaque cultivateur de cacao a
été obtenu en multipliant le nombre de kg (l'unité
d'estimation était le sac. Un sac = 100 kg) par le prix du kilogramme
qu'il affirme avoir vendu. Ainsi, nous avons retenus 68 hommes soit 91 % des 75
que compte notre échantillon. Après avoir additionné la
masse totale des revenus de tous les agriculteurs nous avons divisé par
le nombre retenu. Le revenu moyen d'un agriculteur de notre échantillon
est évalué à 911 610 Fcfa. Soit un revenu moyen mensuel
estimé à 75 970 Fcfa.
1.2.2. Une agriculture vivrière extensive de
type itinérante sur brulis.
1.2.2.1. Les types de cultures.
L'agriculture vivrière se déroule dans le cadre
des champs familiaux de taille modeste. Les superficies sont
généralement inférieures à un hectare. La distance
à parcourir pour se rendre au champ ne dépasse pas 3 km. Il
s'agit d'une agriculture de subsistance. Elle est menée conjointement
par les hommes et les femmes. Très souvent, il existe une sorte de
division du travail. Les hommes sont plus concernés par le
défrichage et l'abattage et les femmes nettoient le champ, plantent,
entretiennent et récoltent. Il existe deux saisons de culture par an :
la petite saison (septembre-novembre) et la grande saison (mars-juin). Les
principales productions de la zone sont : manioc, macabo, plantain, igname,
concombre, le melon, le maïs, patates, etc. Le plus souvent ces cultures
sont associées. Elle est essentiellement orientée vers la
subsistance et, dans une certaine mesure, vers le marché local. Dans la
zone d'étude, les traits généraux qui caractérisent
cette agriculture sont les suivants :
61
? L'itinérance des cultures et la mobilité des
champs ;
? L'utilisation du feu dans le processus de défrichage
et de nettoyage;
? L'utilisation d'un matériel rudimentaire ;
? L'association des cultures ;
? La non utilisation des engrais et des fongicides à
cause de la fertilité naturelle
du sol.
A
C
B
D
Source : Cliché Tatuebu, 2011. Planche photo
N°3: Quelques cultures vivrières pratiquées dans les
villages de l'interzone.
La planche nous présente les cultures vivrières
qui occupent une place de choix dans l'alimentation des populations de
l'interzone. La photo A nous présente le macabo, sur la photo B on
observe le manioc, C nous présente une bananeraie et D un champ de
maïs. Le sol de l'interzone est propice au développement de
nombreuses cultures ; mais les populations accordent une place primordiale
à la culture des tubercules et du plantain. La banane-plantain est la
première culture vivrière pratiquée dans la zone
enquêtée. Ceci s'explique par le fait qu'elle est la plus
consommée dans la région. La deuxième culture
vivrière pratiquée dans la région est le manioc. Il est
consommé sous forme de tubercule, de semoule ou de bâton de
manioc. Le macabo est le tubercule qui occupe le troisième rang
après la banane-plantain et le manioc. Les autres cultures telles le
maïs, l'igname et l'arachide sont peu cultivée dans la
région.
62
Comme nous l'avons mentionné plus haut, c'est une
agriculture caractérisée par l'association des cultures.
Plusieurs types de cultures peuvent être pratiquées sur un
même espace. La superficie maximale des champs de cultures
vivrières est de 1 ha comme nous l'avons constaté dans le tableau
plus haut. Cependant, dans les cas exceptionnels, notamment pour les
agriculteurs qui produisent pour approvisionner les grands marchés comme
ceux de Mintom, de Lomié et de Ngoyla, les superficies peuvent
être revues à la hausse.
A
A
B
B
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°4: L'association du manioc (B) et du
Xanthosoma sagittifolium (A).
D'une façon générale, bien que
l'agriculture soit itinérante sur brûlis, la faible densité
de la population et surtout l'agriculture vivrière de subsistance en
vigueur minimisent la pression de cette agriculture dans la zone. Cependant,
ces dernières années, on assiste à la mise en place de
nouveaux champs
1.2.2.2. Les types de champs vivriers.
Nous pouvons distinguer deux grands types de champs chez les
populations de l'interzone : les champs établis sur les jachères
et ceux établis en forêt primaire.
? Les champs établis sur les
jachères.
Ces champs représentent 92 % des champs mis en culture
par les populations de la zone. Ce sont des espaces qui sont faciles à
mettre en culture parce qu'il n'y a pas trop de grands arbres à abattre.
Le nettoyage n'est pas très pénible. Mais il est à
préciser que la taille de la forêt à défricher est
fonction de l'âge de la jachère. Les vieilles jachères
(forêts secondaires qui peuvent même atteindre le stade des
forêts primaires) sont presque identiques à la forêt vierge.
Il faut mettre des jours pour défricher une petite superficie. La
matrice culturelle (cultures associées) qui domine le champ est
constituée d'arachides, de manioc et de maïs, de macabo et parfois
du plantain et de concombre (Cucumeropsis mannii). Chaque
63
ménage possède en moyenne deux champs : un pour
l'arachide et l'autre associé (manioc et macabo). Il peut arriver que
les préférences des cultures changent d'un champ à l'autre
suivant les paysans. Avec le climat qui règne dans la région,
chaque ménage crée des champs au début de chaque saison de
pluie (grande et petite saison de pluie).
? Les champs établis en forêt
primaire
Cette catégorie représente près de 7 %
de la superficie défrichée dans la zone. Ce faible taux
s'explique par le travail d'abattage des gros et durs arbres de la forêt.
Bien que ces forêts soient plus fertiles que les jachères, les
populations se plaignent que c'est très difficile d'abattre les gros
arbres, étant donné qu'ils n'ont pas un matériel
approprié pour ce travail. A cet effet, un proverbe Badjoué
atteste « Défricher est un jeu d'enfant mais abattre l'ekomo
(forêt primaire) c'est la mort » (proverbe Badjoué)
citer par Pauwel de Wachter, 1997. Les agriculteurs l'apprécient pour le
plantain, le macabo et le concombre parce que les travaux d'entretien y sont
minimaux. Le premier défricheur de la forêt primaire obtient le
droit de l'usufruit.
C
A
A
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°5: Jeune bananeraie établie en
forêt primaire.
Sur cette photo prise en septembre et en décembre sur
la même parcelle, on observe d'importantes quantités d'arbres qui
ont été abattus. Les branches (C) ont été
éliminées avec le feu ; quant au reste(A), il faudra brûler
les années suivantes ou les laisser pourrir dans le champ. Les points
(B) représentent les jeunes bananiers. Avec cette photo, on peut
constater
64
l'important travail (abattre les arbres et dégager)
qu'il faut effectuer avant de mettre une forêt primaire en culture.
1.2.2.3. La commercialisation des produits
vivriers.
Les produits de l'agriculture sont aussi destinés
à la commercialisation pour satisfaire les besoins financiers.
L'enquête réalisée révèle que près de
61 % soit 84 personnes sur 137qui font l'agriculture, consomment une partie de
leurs produits et vendent le reste. 31 % soit 43 personnes cultivent uniquement
pour la satisfaction de leurs besoins alimentaires. Cette catégorie est
essentiellement constituée des personnes âgées qui n'ont
plus de force pour cultiver assez et aussi de certains fonctionnaires qui
cultivent uniquement les alentours de la maison. Le reste 7 % soit 10 personnes
affirment qu'ils cultivent uniquement pour vendre. Ici il s'agit de la culture
du cacao et ce sont des gens qui ont une activité principale autre que
l'agriculture. La plupart des produits vivriers est vendue sur place en raison
du fait que la majorité des villages n'ont pas de système de
marché organisé ou de marché hebdomadaire. Le troc est
aussi une pratique courante d'échange des biens et des produis agricoles
entre les agents économiques dans la région.
La commercialisation des produits vivriers se passe le long
des pistes et de la route dans l'interzone. Généralement, dans
cette région, chaque ménage dispose d'une claie pour vendre les
produits vivriers. Le macabo se vend en seau de 15 ou de 20 litres. Le prix
varie de 1000 à 2000 Fcfa. Les autres produits comme le maïs et le
couscous manioc sont également vendus en seau. Le seau de maïs
coûte généralement 1000 F. Pour certains produits, on
préfère vendre en tas. Ainsi par exemple, dans la zone, le
plantain ne se vend pas par régime mais par mains, c'est- à -
dire que l'on sectionne un régime de plantain en petits tas, ainsi cela
procure plus de bénéfices. Cette main coute entre 200 et 500
Fcfa. Le concombre et les arachides se vendent en sac. Le sac de concombre se
vend en moyenne à 25 000 Fcfa. Le sac d'arachide à 15 000 Fcfa.
Ces produits vivriers sont surtout vendus aux passants en transit dans la
localité.
Ils sont vendus directement quand les champs jouxtent la
route. Le prix est fixé selon les tractations entre le vendeur et
l'acheteur mais généralement c'est l'acheteur qui fixe le prix.
Parfois par manque des clients, il arrive que les produits vivriers pourrissent
sur les claies. Concernant la filière de commercialisation, en dehors
des passants pour les zones reculées de cette région, les autres
acheteurs viennent de Lomié qui est à 100 km de Ngoyla et parfois
de Mintom. Ces acheteurs prennent les produits à des prix
dérisoires et les revendent
65
chers dans les grands centres urbains. Le revenu moyen
mensuel tiré de la vente des produits agricoles est estimé
à 25 000 Fcfa.
La chasse est une activité très
pratiquée par les populations de l'interzone. La zone est très
riche en ressources fauniques. A cause de l'enclavement, les produits de la
chasse constituent leur principale source de protéine. Le rang qu'occupe
cette activité dans la zone s'illustre par nos enquêtes de
terrain. Nous constatons à travers le graphique qui montre les
activités principales des populations enquêtées que la
chasse occupe le deuxième rang après l'agriculture. Elle est
pratiquée par 22 personnes sur 140 comme activité principale,
soit 16 % de la population. Cet effectif devient plus considérable
lorsqu'on prend en considération ceux qui l'exercent comme
activité secondaire ou pour subvenir à leur besoin en
protéine. A cet effet, 64 personnes sur 140 soit 46 % de la population
que comporte notre échantillon font la chasse. Au niveau du sexe, c'est
une activité masculine. Parmi les 64 personnes qui font la chasse,
seulement une femme qui a été rencontrée à
Etékessang affirme qu'elle fait la chasse. Sa chasse en question se
limite aux pièges qu'elle tend dans son champ pour éloigner les
animaux de ces cultures. C'est en se référant à cela que
Balla, (2008), affirme que « le piégeage est une
activité essentiellement masculine, toutefois il n'est pas rare de
rencontrer une femme qui tend les pièges avec la même
habileté que les hommes ». Le reste, 63 personnes, sont les
hommes, soit 85 % de la population masculine que comporte notre
échantillon. La chasse se passe sur tout le territoire de l'interzone
sauf dans les aires protégées. Mais, les braconniers chassent
parfois même dans les aires protégées. Les distances
à parcourir pour se rendre à la chasse dépasse parfois 25
km. On rencontre plus de chasseurs dans les localités comme : Ngoyla,
Etékessang, Nkondong2, Zoulabot2 et Djadom. En fonction de la
destination des produits de la chasse, nous allons distinguer deux types de
chasse dans notre zone d'étude : la chasse traditionnelle et la chasse
moderne.
II.1. La chasse traditionnelle.
La chasse traditionnelle dont il est question ici est celle
qui est faite avec un matériel fabriqué à base des
matériaux locaux. Elle est la principale activité à
travers laquelle les populations de l'interzone couvrent leurs besoins en
protéine. Dans la zone, presque chaque famille pratique la chasse de
subsistance. En dehors du groupe semi-nomade Baka où la chasse est une
activité principale, les autres groupes humains sédentaires la
pratiquent tous mais de manière accessoire, c'est-à-dire
après l'agriculture qui est l'activité principale.
66
Cette forme de chasse que nous qualifions de chasse
traditionnelle regroupe toutes les formes pratiquées par les villageois.
On distingue :
- les pièges ou collets à câble d'acier,
ils peuvent parfois être à fibres végétales
tissées ;
- la chasse à l'arc et à l'arbalète,
elle est surtout effectuée par les groupes Baka et Kaka ;
- la chasse à courre, à lance et aux chiens.
On constate donc qu'elle regroupe les outils tels que le
câble d'acier qui est prohibé par la loi.
La viande tirée de cette chasse est destinée
à la consommation locale pour la satisfaction des besoins des
populations autochtones en protéines animales. Mais de plus en plus une
bonne partie est vendue. La chasse de subsistance est souvent
tolérée par certaines autorités à cause de
l'enclavement de la zone, c'est la seule source de protéine qui est
à la portée des populations. Le gibier constitue l'aliment de
base des peuples autochtones Baka et Ndjem.
II.2. Une chasse de plus en plus moderne ou
commerciale.
La chasse commerciale est pratiquée, à
l'intérieur des communautés villageoises, par différents
acteurs dans un but clairement affiché de production de revenus
monétaires, en plus de la satisfaction des besoins nutritionnels de leur
famille. C'est, actuellement, le type de chasse pratiquée par l'immense
majorité des ruraux, avec une intensité variable d'une
localité à l'autre. Sur la base de la loi n° 94/01 du 20 Janvier
1994, portant régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche,
il s'agit ici de toute chasse en marge de la légalité du fait
soit de l'utilisation d'armes ou des méthodes de chasse
prohibées, soit du fait du manque d'autorisation préalable de
l'administration (chasse avec fusils).
La chasse au piège est pratiquée (le
câble d'acier) par la plupart des ménages en saison des pluies, le
fusil est aussi utilisé par certains, mais plus en saison sèche.
La chasse au fusil se fait essentiellement avec des fusils à canons
lisses (calibre 12 surtout) et les fusils à canons rayés
(carabines), il est possible de rencontrer des fusils de fabrication
artisanale. La chasse au fusil est faite par les propriétaires de
fusils, mais le plus souvent par des individus à qui les
propriétaires de l'arme louent le fusil ou l'acte de chasse soit
à prix d'argent soit à prix de gibier. Cette deuxième
option est fréquemment pratiquée lorsque l'arme est
confiée à un Pygmée Baka. La chasse au fusil se pratique
aussi bien de jour que de nuit. Contrairement à la chasse diurne qui
permet au chasseur de sélectionner son gibier, la chasse nocturne est
non sélective, les espèces prélevées par cette
chasse sont tous les Céphalophinae, les Buffles (Syncerus
caffernanus), les Sitatunga (Tragelaphus spekei), les Viverridae
(Viverra civetta, nandinio binotota...), la Panthère
(Panthera pardus) et les Manidae (Manis gingantea, M.
Tetradactyla).
67
Les produits de cette chasse sont une source de revenus pour
les populations locales. Ils sont vendus soit aux autres membres de la
communauté villageoise soit aux passants. Ces produits sont vendus soit
directement au village, soit écoulés dans un village important ou
une ville proche ou vendus à un revendeur.
II.3. Une chasse dont les produits sont destinés de
plus en plus à la commercialisation.
En dehors de la satisfaction des besoins en protéine,
les produits de la chasse sont destinés à la vente. Le commerce
des produits fauniques est très développé dans la
région. Ces produits sont vendus soit à l'état frais soit
boucané. La destination des produits de la chasse dans notre zone
d'étude s'illustre à travers le graphique suivant :
78%
11%
11%
VENTE
AUTOCONSOMMATION LES DEUX
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°11: Destination des produits de la
chasse.
Il ressort de ce graphique que 78 % soit 50 personnes sur 64
chassent pour satisfaire leurs besoins en protéines et vendre une
partie. 7 personnes sur 64, soit 11 %, ne chassent rien que pour satisfaire
leur besoin en protéines. Ceux-ci sont généralement des
personnes âgées et ceux qui tendent les pièges dans leur
plantation pour attraper les animaux qui ravagent les cultures. Le reste 11 %
chassent uniquement pour vendre. Cette catégorie est constituée
de trois chasseurs professionnels et de quatre jeunes qui chassent pour
satisfaire leur besoins financiers. Ce commerce est fait aussi bien par les
hommes que par les femmes.
Généralement les hommes ramènent le
gibier de la forêt et l'exposent à côté de la route
sur des poteaux ou les claies, pour que les passants puissent mieux
l'apprécier. Si le gibier n'est pas frais, ils le font sécher
dans les séchoirs (voir la photo ci-dessous).
Généralement, ils utilisent les séchoirs qui se trouvent
dans les cuisines de leurs épouses. Pour que l'on sache qu'on vend le
gibier dans une maison, on accroche une patte de l'animal sur un poteau.
68
A
B
C
B
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°6 : Un chasseur avec le gibier
exposé sur le séchoir à Djadom. On observe
sur la photo ce chasseur ( A) qui a des gigots de gibier «Sanglier''(B)
qu'il vend sur son séchoir (C)
Le prix de vente des produits de la chasse varie en fonction
de l'espèce et de sa taille. Ce prix se négocie entre les deux
parties. Les espèces les plus capturées et les plus vendues sont
composées du «singe», de la «biche», des
«hérissons», du «lièvre»...comme le montre le
tableau n016 (les espèces les plus chassées dans
l'interzone). Avec l'utilisation du fusil, les espèces
protégées figurent aussi parmi les captures des chasseurs. Les
acheteurs ici sont généralement des passants. Mais, parmi
ceux-ci, il y a aussi les femmes dites "bayam sallam" qui viennent des
localités environnantes. La place des revenus tirés de la chasse
au sein des ménages s'illustre à travers le tableau ci-dessous
:
Pour estimer les revenus qu'un chasseur peut tirer de cette
activité, nous avons utilisé les informations sur le nombre de
captures journalières et le prix de vente de l'espèce dans la
localité qu'il nous donnait ; nous avons fait un bref
résumé dans le tableau ci-dessous :
Tableau N°10: Quelques animaux chassés dans
l'interzone et le prix de vente.
Nom scientifique
|
Nom en français
|
Qté attrapée /jour
|
Prix/1 en Fcfa
|
Cephalophus monticola
|
Céphalophe. bleue
|
1
|
5000
|
Cephalophus n.
nigrifons
|
Céphalophe. à front noir
|
1
|
6000
|
Gorilla gorilla
|
gorille
|
1
|
2 500 le gigot
|
Pan troglodytes
|
Chimpanzé
|
1
|
3 500 le gigot
|
|
69
Panthera pardus
|
Panthère
|
1
|
3 500 le gigot
|
Tryonomys swinderianus
|
Aulacode
|
2
|
3000
|
Francolinus sp
|
Perdrix
|
4 à 6
|
600
|
Cercopithecus neglectus de
|
Singe
|
2
|
2000
|
Cercopithecus nictitans
|
Hocheur
|
2
|
2000
|
Manis tricuspis
|
Pangolin à écailles
|
2
|
4 000
|
|
Porc-épic
|
3
|
1500
|
|
Hérisson
|
2
|
2000
|
|
Lièvre
|
3
|
1500
|
|
Sanglier
|
1
|
1500 le gigot
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011.
Les revenus tirés de la vente des produits de la
chasse sont très importants. Les Baka , peuple réputé pour
la chasse, et certains bantous affirment qu'ils préfèrent la
chasse par rapport à l'agriculture parce que c'est moins fatiguant et
cela rapporte plus en terme de revenus. Après analyse des données
de ce tableau nous avons évalué le revenu moyen annuel d'une
personne qui fait la chasse. La méthode que nous avons utilisée
est une méthode hypothético-déductive. Après avoir
demandé l'espèce la plus capturée et la moyenne par jour
auprès de chaque personne enquêtée, nous lui avons
demandé le prix de vente de l'espèce retenue. Nous avons retenus
une seule espèce par personne. Nous avons multiplié ce chiffre
par six jours dans la semaine ensuite le prix de revenu par la moyenne de
capture journalière. Nous avons par la suite retenu 50 semaines pour une
année au lieu de 52 semaines. Ceci parce qu'il y a d'autres jours qu'ils
consacrent aux activités comme l'agriculture, même si les
pièges sont en forêt.
Parmi la population enquêtée, nous avons choisi
la gent masculine. Nous avons donc retenu les 64 personnes qui font la chasse
dans notre population enquêtée. Parmi les 64, nous avons choisi
ceux dont les produits sont destinés à la vente et la
consommation soit 50 personnes et ceux dont les produits sont destinés
uniquement à la vente soit sept. Ce qui fait un total de 57 personnes.
Le revenu moyen annuel issu de la chasse est estimé à 1 004 737
Fcfa, soit un revenu mensuel estimé à 83 730 Fcfa.
Comparativement au revenu moyen mensuel tiré de l'agriculture que nous
avons estimé à 75 970 Fcfa ; nous constatons que la principale
activité qui procure plus de revenu dans la majorité des
ménages de la zone est la
70
chasse. Selon Martial Nkolo et al (op.cit) « le
niveau des revenus tirés du braconnage est plus élevé que
les revenus agricoles ». De ces données, nous pouvons
réaliser le graphique suivant sur les sources de revenus des personnes
enquêtées :
Principales sources de revenus des
populations
Chasse agriculture commerce Pêche PFNL
exploitation
minère
90 000
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°12: Principales sources de revenus des
populations de l'interzone.
De ce graphique, il ressort que la chasse occupe la
première place en ce qui concerne les retombées
financières dans l'interzone. En terme de nombre de personnes
impliquées, elle vient après l'agriculture car la population
féminine qui est en majorité agricole n'exerce pas la chasse. De
plus, une activité comme la cacaoculture est aussi bien pratiquée
par les hommes que les femmes. Nous constatons ensuite que l'agriculture vient
en deuxième position au niveau des sources de revenus, puis vient le
commerce, la pêche, la vente des PFNL...
III. L'ELEVAGE ET LA PECHE
III.1.Un élevage de type traditionnel.
III.1.1. Activités traditionnelles
d'élevage
Le système d'élevage rencontré dans
l'interzone est de type traditionnel. Ici, c'est le
domaine de la divagation des animaux domestiques en
quête de nourriture. Lorsqu'on sillonne les villages de la zone, on
observe: la volaille, les porcs, les moutons, les chèvres en divagation.
L'élevage n'est pas une activité importante dans la zone à
cause de la forte dépendance des populations à l'égard de
la viande de brousse. Cet élevage n'est pas destiné à la
commercialisation, ni même à la couverture des besoins des
propriétaires en protéines animales. Il sert pour les diverses
manifestations sociales à l'instar de la dot, des
cérémonies de deuil, de l'accueil des étrangers, du
veuvage et du mariage. Bien que ces bêtes soient
71
destinées à la consommation, elles sont souvent
vendues dès qu'un besoin se fait ressentir. La taille du troupeau est
symbole de richesse du propriétaire. L'effectif par espèce et par
ménage est réduit. Les espèces concernées
regroupent: la volaille (poules et canards essentiellement), les ovins, les
caprins et les porcins. Les chiens et les chats sont essentiellement des
animaux de compagnie (les chiens sont le plus souvent utilisés dans la
chasse).
Tableau N°11 : Type d'élevage
pratiqué dans l'inerzone.
Village Espèces
élevées
|
Messok
|
Ngoy- la
|
Zoula- bot1
|
Nkon- dong1
|
Djadom
|
etékes- sang
|
Zoula bot2
|
Nkon- dong2
|
bare ko
|
Totaux
|
Chèvres / mouton
|
8
|
9
|
3
|
0
|
2
|
2
|
1
|
1
|
0
|
26
|
Porc
|
10
|
8
|
2
|
1
|
0
|
1
|
2
|
0
|
0
|
24
|
Volaille
|
27
|
18
|
1
|
4
|
3
|
7
|
8
|
1
|
0
|
68
|
Pas
d'élevage
|
2
|
3
|
1
|
0
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
7
|
Autres
|
1
|
2
|
1
|
1
|
1
|
2
|
0
|
1
|
1
|
10
|
Totaux
|
48
|
40
|
12
|
6
|
6
|
13
|
11
|
3
|
1
|
140
|
|
Source : enquête de terrain, Aout-septembre 2011.
D'après ce tableau et selon les résultats
d'enquête menée auprès des populations, la volaille est le
type d'élevage le plus répandu car elle est pratiquée par
68 personnes soit 52% de notre échantillon. Dans toutes les
localités, on retrouve la volaille. L'élevage des caprins occupe
le second rang et concerne 20% des populations enquêtées. Celui
des porcs quant à lui n'occupe que 19% de l'effectif total. L'on peut
également noter une forte présence d'animaux domestiques comme
les chats et les chiens. La catégorie « autre » dans notre
tableau regroupe ces animaux domestiques. Cependant, l'animal domestique le
plus important est le chien, qui est très souvent utilisé dans
les activités de chasse par les populations.
III.1.2. Modernisation de l'élevage
Il n'existe pas de ferme d'élevage dans l'interzone
Dja-parc national de Nki. Il faut noter que bien que l'élevage constitue
une alternative plausible au braconnage, le coût moyen de ses produits,
son transport pour arriver dans certaines localités de la zone sont plus
élevés et ne peuvent résister à la
compétition avec celui de la viande de brousse, malgré les
possibilités de vente dans les localités voisines (Lomié,
Mindourou, Djoum, et Mintom).
Mais de nos jours, l'avenir s'annonce prometteur pour
l'élevage moderne dans la zone. En effet avec le développement
des alternatives liées à la conservation, les populations
72
commencent à voir leurs projets d'élevage
financés. Nous aborderons cet aspect dans les chapitres suivants.
III.2. Une pêche artisanale.
Contrairement aux autres activités, la pêche est
une activité mixte qui engage les hommes et les femmes. Les
pêcheurs sont en même temps agriculteurs et chasseurs. La
pêche se fait dans les rivières de la zone. On y rencontre une
multitude d'espèces de poissons et d'espèces aquatiques : les
carpes, les tilapias, les silures, crevettes, crabes, huîtres, moules.
Les produits de cette pêche sont destinés à
l'autoconsommation et parfois à la vente. Elle est pratiquée en
toute saison, mais surtout au début de saison sèche. En
période de saison sèche, lorsque les cours d'eau sont en
décrue et en étiage, la pêche à barrages (à
l'écope et à la nasse) est très pratiquée par les
femmes et les jeunes. Cette pêche est très
développée pendant la première moitié
(décembre-janvier) de la grande saison sèche. C'est la
période traditionnelle de pèche dans les marigots. Certains
chasseurs changent d'activité et se tournent vers la pêche
à cette période parce qu'elle est plus rentable. Cette
activité est beaucoup plus secondaire. Elle reste rudimentaire.
Le poisson joue un rôle important dans l'alimentation
des populations locales. Il représente également une importante
source de revenus pour les pêcheurs. Mais contrairement à la
chasse, la pêche villageoise est peu développée. Il ressort
de notre enquête de terrain que la majorité de ceux qui font la
pêche ont une autre activité qui constitue leur activité
principale. Sur 140 personnes enquêtées, 7 personnes soit 5% ont
comme activité principale la pêche ; tandis que 17 personnes soit
12 % l'ont comme activité secondaire. Les pêcheurs sont plus
nombreux dans les localités de la région où il y a de
grands cours d'eau: Zoulabot 2, Nkondong 1, Ngoyla et ses environs. La distance
entre les villages et les cours d'eau oscille entre 0 et 40 km avec une
distance moyenne de 17 km. Les pêcheurs aménagent et entretiennent
des campements de pêche le long des cours d'eau et les occupent lors des
campagnes de pêche. Ces campements leur permettent d'étendre la
zone de chasse, de diversifier l'alimentation et d'apporter aussi des revenus
complémentaires aux femmes. Dans la zone, n'importe qui peut
pêcher s'il a le nécessaire pour le faire.
Les produits de la pêche sont vendus soit à
l'état frais soit fumé. La capture et le fumage du poisson sont
assurés dans les campements de pêche par les hommes. La
commercialisation se fait dans le village par les femmes et les enfants. Le
poisson frais se vend généralement sur place car il n'y a pas de
moyen pour conserver. Pour le poisson sec, la commercialisation peut atteindre
les grands centres (Lomié, Sangmélima, Ebolowa, Abong-
73
bang...). Le poisson frais est vendu en tas. Le prix du tas
varie de 200 F à 1000 FCFA. Au retour de la pêche, les
pêcheurs font des tas et les populations viennent acheter (cf. photo
ci-dessus). Très souvent, les enfants sillonnent le quartier avec ce
poisson pour vendre.
.
B
A
C
D
Source : Cliché Tatuebu, Décembre 2011
Photo N°7: Un pêcheur avec du poisson
à vendre. Ce pécheur (A) tient dans ses mains des
tas de poissons de 400 F (B) de 200 F (C) et de 800 F (D) dans sa
maison.
IV. AUTRES ACTIVITES.
IV. 1. Le petit commerce
Le petit commerce est très répandu dans la
zone. Il s'inscrit dans les stratégies de satisfaction des besoins de
subsistance, en même temps qu'ils insèrent les populations dans la
dynamique des échanges et services monétarisés.
D'après notre enquête sur la principale profession seulement 9
personnes soit 6 % ont présenté le commerce comme leur profession
principale. De ces neuf personnes, 6 ont été rencontrées
à Messok et 3 à Ngoyla. Ces personnes sont localisées
à Messok et à Ngoyla parce que ce sont les «villes» de
la zone et où se ravitaillent de plus en plus les populations des
villages et des campements environnants du fait de l'enclavement de la
localité. D'après cette même enquête, 22 personnes
soit 16 % ont présenté le commerce comme leur activité
secondaire. Ceci s'explique par le fait que d'autres personnes, surtout les
femmes utilisent le temps qu'elles ne sont pas dans leur activité
principale pour exercer le commerce.
74
Dans ce registre, on retrouve en grande partie les produits
agricoles (macabo, plantain, manioc...), mais aussi, la « restauration de
rue », la vente des produits alcooliques et les mini-boutiques ou commerce
général. Le commerce est développé par les hommes
et les femmes, mais ces dernières dominent.
? Le commerce des produits agricoles.
Il s'agit ici principalement de ceux qui achètent
directement aux paysans pour aller revendre « bayam sellam ». Ce type
de commerce est très peu développé dans notre zone
d'étude à cause de son enclavement. Les produits achetés
varient selon les saisons. Il s'agit surtout du macabo, du plantain et de
certains produits forestiers non ligneux. Le macabo est
généralement acheté en seau de 15 ou 20 litres. Le prix
varie entre 1 000 F et 2 000 F Cfa suivant l'offre et la demande. Quant au
plantain, il s'achète en régime. Le prix varie selon la taille du
régime.
? La « restauration de rue » ici
on retrouve la viande de brousse préparée et le commerce de
beignets. Nous la qualifions de « restaurant de rue » parce que tout
se vend exposé sur la table ou sur un banc dans un hangar ou en bordure
de route même dans les marmites ou les assiettes. Parfois on se balade
avec ces marmites et assiettes sur la tète. Il s'agit principalement de
la viande de brousse cuisinée (biche, pangolin, singe, porc-épic,
...) accompagnée du manioc, du plantain, des bâtons de manioc...
Le plat varie entre 300F et 500F CFA. Les femmes achètent la viande
auprès des chasseurs pour préparer et revendre. Le
bénéfice peut aller de 1000 à 5 000 FCFA en fonction de la
taille de l'animal et de l'espèce. L'autre façon de vendre cette
viande s'appelle dans la région "l'ovianga" qui consiste à
préparer le gibier et le vendre après la cuisson, le morceau de
gibier coûte entre 50 FCFA et 100 FCFA. Il n'existe pas de restaurant
moderne dans la zone.
La vente des beignets est très
développée dans les «villes» de l'interzone. Il est
surtout l'oeuvre des femmes bamoun et foulbé. Tôt le matin, elles
font les beignets chez elles et viennent vendre sur leur comptoir.
? La vente des produits alcooliques
La vente de la bière : le commerce
des boissons en bouteille est assez répandu dans l'interzone. Ceux qui
vendent la boisson se ravitaillent à Lomié et transportent dans
les taxis brousse. La bouteille de bière coûte 850 F à
Ngoyla et les boisons gazeuses (jus) 750 F. Le prix élevé de ces
produits les rendent peu accessible à la population locale. Pour cette
raison, elle se tourne vers le vin de fabrication locale.
Le whisky local (arky ,
l'odontol ou le dontol) est très fabriqué et très
consommé dans la localité. Les femmes sont très habiles
dans la fabrication de ce vin. Il se fait soit
75
avec de la banane mûre et du vin de palme soit avec du
sucre et du vin de palme. La méthode de préparation est la
suivante : il faut mélanger les deux produits ; après sept jours
de fermentation, on distille pour obtenir ce vin. Après avoir
fabriqué, elles peuvent vendre elles-même ou bien elles partent
livrer dans des points réputés pour ce genre de commerce. Les
mesures sont très nombreuses et les prix varient suivant ces
dernières.
A
C
B
Source : Cliché Tatuebu, Décembre 2011
Photo N°8: Le dontol exposé sur
un comptoir avec ses mesures à Messok. Un litre et demi (A)
coûte en moyenne 1800F, le demi-litre (B) 600 F et le quart de litre (C)
300 F. les autres mesures vont de 50 à 200F CFA.
Dans l'ensemble, près de 50% de femmes de notre zone
d'étude sont impliquées dans la fabrication de ce vin et cela
procure une part substantielle des ressources monétaires des
ménages concernés. Mais, elle est à l'origine d'un
alcoolisme chronique. En effet, comme dans les points de vente des produits
alcooliques en ville, les populations quittent les points de vente de ce vin
parfois à plus de deux heures du matin. La distillerie est donc une
activité qui procure des revenus mensuels non négligeables dans
les ménages.
? Les mini-boutiques ou commerce général se
retrouvent dans les «villes» de l'interzone. Dans ces petites
boutiques on vend divers produits : quincaillerie, produits alimentaires,
produits cosmétiques et vestimentaires... Ces commerçants se
ravitaillent dans divers centres urbains proches de la région
(Abong-bang, Bertoua et Lomié) et aussi à Douala et à
Yaoundé. Les voitures qui font cette route (grumiers, agence Melo
voyage et taxis brousse) acheminent leurs marchandises auprès
d'eux. Les boutiques appartiennent aux allogènes :
Bamiléké, foulbé, bamoun et les ressortissants des autres
pays.
76
A
Source : Cliché Tatuebu, Décembre 2011
Planche photo N°9: Des boutiques dans les
centres «ville» de l'interzone (A) à Messok et (B) à
Ngoyla. Dans la boutique (A), on y vend un peu de tout. Cette
boutique serait la plus grande de l'arrondissement dans le commerce
général. Il appartient à un jeune de 28 ans originaire de
Mbouda. Ce sont des grumiers qui l'aident à transporter ses marchandises
de Yaoundé à Messok. Les boutiques qui sont en la photo (B) sont
dominées par les effets vestimentaires et appartiennent aux femmes
bamoun et aux foulbé.
Comparativement aux prix appliqués à
Yaoundé, l'enclavement est un facteur qui entraîne l'augmentation
des prix des produits dans l'interzone. Le commerce de détail est celui
le plus répandu dans la zone. Les frais de transport énormes et
le lieu de ravitaillement très éloignés sont autant de
raisons qui entraînent une augmentation considérable des prix de
ces denrées. Cette augmentation des prix des produits s'illustre par le
tableau suivant.
Tableau N°12 : Prix comparatifs de quelques
produits à Yaoundé et Ngoyla
Produits
|
Prix à Yaoundé (F cfa)
|
Prix à Ngoyla (F cfa)
|
Un cube honic
|
10
|
15
|
Un litre d'huile raffinée
|
1 000
|
1 500
|
Un litre d'huile de palme
|
500
|
850
|
Un kg de riz
|
350
|
500
|
Un litre d'essence
|
580
|
1 000
|
Une bière
|
500
|
850
|
Une bouteille de jus
|
350
|
750
|
|
Source : enquête de terrain, 2011.
Source : enquête de terrain, 2011.
77
A ces activités s'ajoute la vente de l'essence et le
transport. Dans l'interzone, le transport se fait à l'aide des motos
taxis et des taxis brousse. Le transport à travers les motos taxi est
effectué par les jeunes des villages. Les taxis de brousse sont à
75 % conduits par les bamoun. L'état des routes : poussière en
saison sèche, de nombreux bourbiers en saison de pluie, le pont sur la
Dja... rendent le transport très onéreux dans la région. A
titre d'exemple, le tronçon Lomié-Ngoyla, long de 100 km,
coûte 3 000F en voiture et 10 000 F par moto. Ces prix s'augmentent
dès que le carburant devient moins disponible étant donné
qu'il n'existe pas de station à essence ni dans la zone ni à
Lomié.
IV.2. Une région riche en produits forestiers non
ligneux (PFNL)
La récolte des PFNL est une activité
quotidienne chez les populations de l'interzone Réserve du Dja-parc
national de Nki. Cette récolte est orientée principalement vers
l'autoconsommation et son importance est considérable au niveau
alimentaire, médical et culturel. Certaines de ces ressources sont en
train de revêtir une dimension commerciale qui ne passe pas
inaperçue. C'est le cas de la mangue sauvage et du Djansang entre
autres. Les principaux PFNL de la région sont récapitulés
dans le tableau suivant :
Tableau N°13: les produits forestiers non ligneux
et leur utilisation.
Nom pilote
|
Non scientifique
|
Produit
|
Utilisation
|
Igname sauvage
|
/
|
Tubercule
|
Alimentation
|
Palmier
|
Elaeis guineensis
|
Fruit , vin
|
Alimentation
|
Mutondo
|
Funtumia elastica
|
Serve
|
/
|
Koko
|
Gnetum africanum
|
Feuille
|
Alimentation
|
Liane
|
Eremospatha macrocarpa
|
Liane
|
Construction de l'habitat
|
Rotin
|
Calamus deëratus
|
Tige
|
Artisanat, construction.
|
Chenille
|
/
|
Chenille
|
Alimentation
|
Kola
|
Cola acuminata
|
Graine
|
Alimentation
|
Mangue sauvage
|
Irvinga gabonensis
|
Fruit, graine
|
Alimentation
|
Emien
|
Alstonia boonei
|
Ecorce
|
Pharmacopée
|
Miel
|
/
|
miel
|
Alimentation
|
Esssessang ou
Djansang
|
Ricinodendron heudotii
|
Graine
|
Alimentation
|
Marrantathaceae
|
/
|
Feuille
|
Construction de l'habitat
|
Escargot
|
/
|
Escargot
|
Alimentation
|
Graines de Moabi
|
Baillonella toxisperma
|
Graine
|
Alimentation
|
|
78
Parmi les produits forestiers non ligneux les plus
utilisés dans l'interzone figurent les produits non ligneux à des
fins alimentaires : graines de Moabi (Baillonella toxisperma) qui
servent à l'extraction d'une huile très prisée ; celles
d'Andok (Irvingia gabonensis) à la confection des sauces ;
ajoutons à tout ceci les graines de Cola edulis. Ecorces,
feuilles, sève et racines d'une grande diversité d'essences
forestières sont utilisées dans la pharmacopée locale. On
distingue également des PFNL utilisés dans la construction : par
exemple, les feuilles de Marantacées pour les habitations des
Baka et feuilles de raphia pour la confection des nattes chez les Bantous. Les
rotangs et les bambous divers sont utilisés aussi bien en construction
qu'en artisanat. Ainsi, les PFNL sont utilisés sous plusieurs formes :
l'alimentation, la médecine traditionnelle, les cosmétiques, le
rituel, l'artisanat, la construction, décoration, comme plantes
ornementales, arbres de couvertures ou d'ombrage, le charbon à bois. La
distance moyenne à parcourir pour collecter ces produits est de 15
km.
Hormis la mangue sauvage et le Djansang, la commercialisation
des PFNL n'est pas répandue. Le manque de filières de
commercialisation pour ces produits récoltés en brousse, n'incite
pas les villageois à se lancer dans le ramassage organisé, les
ventes groupées ou encore les procédés de transformation.
En effet, ils disent qu'ils ne peuvent pas perdre du temps pour ramasser ces
produits pour ne pas vendre par la suite. Chaque ménage cherche la
quantité qu'il doit utiliser. Ils préfèrent très
souvent aller chercher ces produits sur commande. Dès que le
marché pour écouler les produits est connu, la valeur
ajoutée aux produits récoltés en forêt est
considérable. Par exemple, pour le Ricinodendron heudotii le
verre se vend à 300 F et le litre à 1500 F à Ngoyla. Dans
la zone, aussitôt qu'un marché de ces PFNL est connu, en
même temps sa valeur ajouté augmente, et la compétition
à l'accès devient aussi très remarquable.
Selon Bigombe L., (2011) « cette exploitation des
PFNL procure des revenus mensuels non négligeables au sein des
ménages. Le revenu moyen qu'un ménage reçoit de
l'exploitation des PFNL est de 20 000 FCFA ».
Nous constatons que seulement quatre personnes soit 3 % ont
pour première source de revenu l'exploitation des PFNL. Comparativement
aux revenus générés par les autres activités dans
les ménages, ceux tirés des PFNL sont modestes. Mais ces derniers
ne peuvent pas être remplacés car ils constituent une source
importante d'alternatives. La récolte et la vente de ces produits
devront de plus en plus être valorisées afin de permettre aux
populations (hommes) de trouver des sources de revenus alternatifs au
braconnage.
79
Les Baka occupent une place de choix dans l'exploitation des
PFNL. La forêt représente tout dans leur vie. Elle est leur
mamelle nourricière, leur gardienne et leur protectrice, la pourvoyeuse
de médicaments, le lieu par excellence de recueillement, de
recréation, de repos et de réalisation des activités
rituelles. Cette relation n'a pas la même intensité que chez les
autres peuples de la forêt. L'agriculture qui est l'activité
principale chez les bantous de la zone n'est qu'à un stade
expérimental chez les Baka.
IV.3. Un artisanat peu développé au vu de la
matière première.
L'artisanat est une activité très peu
développée dans l'interzone par rapport aux potentialités
qu'offre la zone en terme de matière première. En effet, parmi
les 140 personnes que nous avons enquêtées quatre seulement soit 3
% de notre échantillon ont l'artisanat comme activité principale.
C'est une activité majoritairement faite par les hommes. Ces hommes sont
également des agriculteurs. Les produits réalisés sont
utilisés au niveau local. Une petite quantité fait l'objet d'une
commercialisation. Parmi les plus importants produits de l'artisanat, on peut
citer les paniers, les fauteuils, les sacs à dos pour transporter le
gibier, les nattes pour les toitures des maisons et des séchoirs
à cacao. A cela s'ajoutent les mortiers et pilons (cf. photo
ci-dessous), les tambours, haches, houes et daba ainsi que des cases
construites en bambou, la réalisation des corbeilles, la construction
des huttes, la confession des matelas en paille. Bien que les forêts
soient riches en rotin, la production des articles en rotin est insignifiante
dans toutes les localités de notre zone d'étude. L'utilisation du
rotin dans l'artisanat n'est pas très répandue dans les moeurs
locales alors que l'abondance de cette espèce dans la zone
d'étude (végétation des zones marécageuses) est
importante et pourrait faire l'objet d'une exploitation contrôlée
pour alimenter les filières existantes et approvisionner les petits
artisans de la zone. Le bois rouge ou blanc issu de la forêt est la
principale source de matière première à la fabrication des
produits de l'artisanat.
80
Source : Cliché Tatuebu, Décembre 2011
Photo N°10: Des artisans au travail.
Ces deux artisans utilisent des matières
premières différentes. L'artisan (A) que nous avons
rencontré à Nkondong 2 est en train de fabriquer le mortier. Il
utilise le bois qu'il coupe en forêt. Il fabrique aussi des tam-tams, des
pilons,... L'artisan (B) est en train de fabriquer les fauteuils avec ses
enfants. Il utilise le bambou comme matière première. Il fabrique
aussi des lits. Nous l'avons rencontré à Ngoyla. Le prix des lits
et des fauteuils varient entre 800 et 2 000 FCFA. Ceci dépend de la
taille du meuble solliciter.
Ailleurs, l'artisanat est une source de revenu importante,
puisque lié à la production d'autres biens et services. Dans les
communautés où ses produits sont vendus, au sein de ses membres,
ils améliorent le niveau de vie des populations impliquées. Mais
dans notre zone d'étude, l'enclavement est un facteur qui réduit
les possibilités de développement de cette activité. Dans
les localités retenues pour notre enquête il n'y a que deux
marchés : Messok et Ngoyla qui ont lieu deux fois par semaine. Pour
pouvoir vendre son produit l'artisan qui habite le village environnant doit
donc parcourir des kilomètres à pied pour se rendre au
marché. Par exemple un artisan rencontré à Djadom (village
à 30 km de Ngoyla) nous dit que pour vendre ses paniers, il se rend en
ville (Ngoyla), le seul marché le plus proche de la localité ;
ceci à pied et pour vendre à un prix dérisoire. «
On est parfois obligé de faire presque des cadeaux avec nos produits
parce qu'il n'y a personne pour acheter et on doit rentrer », en
témoigne-t-il. Les prix des objets fabriqués dans la zone varient
entre 5 00 F
81
pour les paniers et 5 000 F pour les tam-tams. La part des
revenus générés par l'artisanat dans le ménage est
très minable. Ceci s'illustre également à travers notre
enquête ; deux personnes seulement soit 1% ont pour première
source de revenu l'artisanat.
IV.4. Une exploitation minière en plein essor.
L'interzone est une zone très riche en ressources
minières. On retrouve les minerais
suivant : l'or, le fer, cobalt, le nickel,...L'exploration de
ces minerais continue de nos jours. D'autres minerais sont aujourd'hui
annoncés dans la région. L'exploitation de l'or a
débuté dans la région de Mbalam2 avant
l'indépendance. C'est en 1947 que le premier chantier d'exploitation de
l'or a été ouvert à Mbalam 2 par un français.
L'exploitation des minerais dans l'interzone Dja PNN est faite de
manière traditionnelle et bientôt elle sera aussi industrielle.
L'exploitation artisanale concerne l'or. Jusqu'à nos
jours, elle se fait avec un matériel
rudimentaire. Dans l'interzone on compte deux grands
chantiers d'Or. Il s'agit du chantier situé à 7 km de Mbalam 2,
au lieu dit Momobo'o, région de l'Est, département du Haut-Nyong,
arrondissement de Ngoyla, et celui de Sombo situé à 13 km de
Mboutekon dans la région du Sud, département du Dja et Lobo,
arrondissement de Mintom (Defo , 2007). Cette exploitation attire de nombreux
jeunes camerounais ou étrangers dans ces localités. Pour ce qui
est du revenu mensuel par orpailleur, selon Defo , (2007) cité par
Bigombe L.(2011)
« il varie en fonction du site d'exploitation et de
la proximité entre ce site et les grands centres urbains. Si un
orpailleur s'en sort avec un revenu qui peut aller jusqu'à 50 000 FCFA
par mois à Mboutekon, cela n'est pas le cas pour l'orpailleur de Mbalam
2 qui atteint à peine 20 000 FCFA de revenu mensuel par mois. Ceci
s'explique par la distance qui sépare cette localité du centre
urbain le plus proche (Ngoyla). Les prix de vente évoluent d'un site
à un autre. Ceci s'explique par la proximité ou
l'éloignement d'un centre urbain. Ainsi, à Mbalam 2 le gramme
d'or se vend à 5.000 FCFA, tandis qu'à Mboutekon, il coûte
7.000 FCFA. »
Selon lui cette exploitation de l'or permet aux jeunes de ces
localités « de lutter contre la pauvreté et
l'oisiveté ».
Une exploitation industrielle est en train de se mettre en
place dans la zone avec
l'attribution de deux grands permis d'exploration et
d'exploitation. La compagnie minière GEOVIC a obtenu un permis
d'exploitation du nickel et du cobalt dans la région de Lomié.
Elle a déjà commencé ses activités. De même,
la compagnie minière CAMIRON a obtenu un permis d'exploration du fer
dans la localité de Mbalam2 et va bientôt commencer l'exploitation
de ce gisement. L'intervention de ces deux sociétés doit
créer quelques
82
opportunités d'emploi, attirer les populations dans
cette zone et procurer quelques revenus aux populations locales.
V. ENCLAVEMENT DE L'INTERZONE COMME FREIN AU
DEVELOPPEMENT ET A LA DIVERSISFICATION DES ACTIVITES DES POPULATIONS.
V.1. Un enclavement est lié à un mauvais
état des routes.
Deux axes routiers principaux permettent d'accéder
dans l'interzone à savoir : l'axe Sangmelima- Mbalam 2 (nationale
N°9) et l'axe Lomié-Ngoyla (régionale N°6). Ces deux
routes sont reliées par l'axe Ngoyla-Mbalam 2 en passant par Djadom.
Toutes ces routes sont carrossables et très mal entretenues par endroit.
Elles se présentent comme le principal frein au développement de
la localité. Les populations de notre zone d'étude affirment
qu'il est très difficile de produire d'importantes quantités de
produits avec pour objectif de vendre parce qu'il n'y a personne pour acheter.
Il faut se déplacer pour aller vendre ailleurs ou bien espérer
quand les étrangers seront de passage dans la zone pour qu'ils les
achètent. Pour l'agriculture comme pour les autres activités, il
est très difficile de transporter ses produits pour sortir du village et
aussi si on veut acheter des intrants pour une activité quelconque.
Malgré la quantité importante de certains vivres, les populations
ne bénéficient pas de la vente de ces produits car les conditions
de voyage n'encouragent pas à voyager dans cette localité pour le
commerce. Il n'y a que deux marchés dans les localités retenues
pour l'enquête. Les populations parcourent parfois plus de 20 km à
pied pour s'y rendre.
A cause de ces difficultés de moyen de transport, les
prix des produits locaux sont très bas. Ils sont parfois fixés
par l'acheteur. Le manque de débouchés est aussi un handicap
majeur pour le commerce des produits locaux. La route Lomié-Messok,
longue de 60 km, est plus accessible que celle de Ngoyla. Sur celle-ci, les
voitures des sociétés forestières sont
régulières et multiplie les possibilités de trouver une
occasion à emprunter. Le voyage dure en moyenne deux heures et trente
minutes. Le niveau de développement socio-économique de cet
arrondissement est nettement plus élevé que celui de Ngoyla. La
route Lomié-Ngoyla, quant à elle, est longue de 100 km. Sur cette
route comme toutes les autres de la zone, on rencontre de nombreux bourbiers et
des nids de poule. Ces nids de poules réduisent la vitesse à
laquelle la voiture peut rouler. En saison des pluies, c'est un
véritable enfer. Sur ce tronçon routier on fait parfois des
jours. Par exemple, lorsque nous étions dans la zone, nous avons
dû passer une nuit en route parce que la voiture était
bloquée dans un bourbier. Lorsque je me
83
plaignais, c'est là qu'une femme me dit que nous avons
eu de la chance parce que le jour suivant le soleil s'était vite
levé. Elle me dit que la dernière fois qu'elle devait se rendre
à Yaoundé pour chercher son salaire, elle avait fait quatre jours
en route avant d'arriver à Lomié.
L'état de ces routes est le principal facteur qui
réduit les possibilités de développement de l'agriculture
dans la zone. Selon Von Thünen, la meilleure localisation de la production
agricole se fait en fonction des marchés de consommation, car la
population produit en fonction du coût de transport. Le profit par
unité de surface décroit à mesure que la distance entre la
zone de production et le marché de consommation est grande. Il conclut
que la production d'une denrée ne vaut la peine qu'à une distance
donnée du marché. Conformément à cette
théorie et géographiquement parlant, l'arrondissement de Ngoyla,
situés à environ 250 km de la ville d'Abong-Mbang fait face
à de nombreux problèmes d'écoulement des produits
agricoles.
V.2. Absence du pont sur la Dja comme une barrière
pour le développement de l'arrondissement de Ngoyla.
A côté de cet état de la route, pour se
rendre à Ngoyla il faut traverser la Dja. La traversée se fait
à l'aide du bac (cf. Photo 11 A) ou avec la pirogue pour les
piétons et les motos (cf. Photo 11 C). Lorsque le bac est en bon
état et le niveau du cours d'eau satisfaisant, il faut en moyenne une
heure pour traverser d'un bout à l'autre. Mais à cause de la
vétusté des installations, il n'est pas rare de faire trois
heures pour traverser ce fleuve. En saison sèche, lorsqu'il y a
étiage, son déplacement devient difficile et à partir de
la fin du mois de janvier cet engin ne peut plus se déplacer à
cause du bas niveau du cours d'eau. Il faut désormais espérer le
retour des pluies pour que les activités reprennent. A partir de la fin
du mois de décembre il faut utiliser des cordes pour aider et tirer
l'engin dans son mouvement (cf.Photo B).
84
A
B
C
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Planche photo N°11: La traversée du
fleuve Dja. La photo A ci-dessus a été prise en
Août (période de crue) et la photo B au mois de décembre
(saison sèche). Sur cette dernière on observe un groupe de trois
personnes qui sont en train d'aider le bac dans son déplacement avec une
corde. La photo C quant à elle nous montre des personnes et une moto
dans la pirogue en train de traverser ce cours d'eau. Tout ceci montre les
difficultés que rencontrent les populations de cet arrondissement pour
traverser ce fleuve.
Le déplacement des personnes et des biens sur l'axe
Lomié-Ngoyla n'est pas tout à fait facile. En moyenne, une
voiture quitte Lomié chaque jour pour Ngoyla. Elle quitte la ville de
Ngoyla pour Lomié le matin du jour suivant. Mais si l'état de la
route est inquiétant on peut passer deux jours sans avoir une voiture
qui fait le transport. La moindre occasion qui se pointe fait l'effort de
ramasser tous les passagers. Le voyage se passe dans des conditions très
difficiles (dans une voiture de cinq places on charge neuf personnes et les
autres sont perchés sur le porte-bagages). Dès que l'on manque
cette unique occasion, on est obligé d'attendre le lendemain. Cette
route est bordée en majorité des bosquets (forêt primaire)
qui ne facilite pas la visibilité. La route ici n'est qu'une sorte de
piste sinueuse.
L'absence du pont sur ce fleuve se présente comme une
barrière pour l'arrondissement de Ngoyla. Unité administrative
créée depuis 1967, l'arrondissement de Ngoyla ne reflète
ni la richesse en ressources naturelles dont elle jouit ni son âge au
regard des unités administratives créées après
elle. Nous avons vu dans le chapitre précédent que cet
arrondissement est très riche en ressources minières,
floristiques et fauniques ; sur ce point il est classé parmi les zones
riches en ressources naturelles au Cameroun. Au niveau du développement
socio-économique il est parmi les derniers. Dès que l'on traverse
le fleuve
85
Dja tout change. La nature est intacte. Dans les villages, on
compte l'habitat au bout des doigts. Le centre ville ne ressemble pas au
chef-lieu d'une unité administrative.(cf. photo N°13)
Dans cet arrondissement, les populations vivent dans un
habitat fait en matériaux locaux. Même le représentant du
chef de l'État vit dans une maison en terre battue. L'hôpital de
district n'a plus de médecin depuis un an. Les malades meurent par
manque de soins appropriés. Évacuer un malade est un autre
problème à cause de l'absence du pont sur le Dja. Parfois,
à certaines heures de la journée, ceux qui travaillent au bac ne
sont plus là ; il faut crier au bord du fleuve pour espérer qu'on
puisse entendre les cris dans le village voisin et venir déplacer le
bac. L'état de la ville, les conditions de vie des populations et
l'accès dans cet arrondissement laissent à désirer. Avec
toutes ces conditions, les populations de l'arrondissement de Ngoyla sont
habitées par un esprit de découragement quant à ce qui
concerne la production et l'écoulement des différents produits
agricoles et par un esprit de révolte quand on leur parle du projet de
conservation de la zone. Selon eux, ils sont oubliés et les ressources
que regorge leur zone ont plus de valeur aux yeux de l'Etat qu'eux. La richesse
naturelle et le niveau de développement des populations de cet
arrondissement constituent un paradoxe.
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°12: Le premier adjoint préfectoral
de Ngoyla Mr Essoh Hyacinthe devant sa résidence. Une
maison faite en terre battue avec des tôles qui se détachent l'une
après l'autre.
86
B
A
A
C
B
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°13: Le centre «ville» de
Ngoyla. On observe ici la plaque indiquant la «ville» de
Ngoyla. Les maisons observées sont les boutiques (A) du centre
«ville», (B) est la gare routière et (C) un taxi entrain de
charger pour Lomié.
CONCLUSION.
En somme, notre étude a été beaucoup
plus focalisée sur différentes activités des populations
de l'interzone. Parmi elles, l'agriculture constitue la principale
activité de subsistance de ces populations. Dans la zone, chaque
ménage pratique l'agriculture. Cette agriculture est de type
itinérante sur brûlis et elle concerne les cultures de rente et
vivrières. A côté de l'agriculture, la chasse occupe le
deuxième rang dans les activités des populations de la zone. Les
produits de cette chasse constituent leur principale source de protéine.
Les revenus tirés de ces deux activités sont considérables
pour les ménages. Après analyse de nos enquêtes, nous avons
constaté que le revenu moyen tiré de la chasse est
supérieur à celui de l'agriculture. Ceci nous a permis de
confirmer notre hypothèse selon laquelle la chasse est
prédominante et constitue la principale source de revenus. Les autres
activités (commerce, artisanat, récolte des PFNL,
pèche,...) sont aussi bien pratiquées dans la zone. Elles
permettent aux populations qui les exercent de tirer des revenus non
négligeables pour satisfaire leurs besoins financiers. Ces
différents revenus se complètent dans les ménages car il
est difficile dans la zone de voir une personne qui n'a qu'une seule source de
revenu.
87
CHAPITRE III : ANALYSE DES MOYENS D'EXISTENCE
DES
POPULATIONS SOUS LE PRISME DE LA
COMPATIBILITE
INTRODUCTION
Après avoir étudié les
différentes activités au sein des ménages de notre zone
d'étude dans le chapitre précédent, il sera question pour
nous dans le présent chapitre d'analyser ces différentes
activités sous le prisme de la compatibilité. En d'autres termes,
nous allons étudier les différentes techniques avec lesquelles
sont développées les activités afin de déterminer
si ces dernières sont compatibles ou incompatibles avec la conservation
de la zone. Nous allons tout d'abord présenter le contexte de la mise en
place du projet Tridom pour ensuite analyser les techniques utilisées
pour développer les activités qui ont un impact direct sur les
ressources de la zone.
I INTERZONE RESERVE DU DJA-PARC DE NKI : UN ESPACE QUI
ABRITE DE NOMBREUX PROJETS DE CONSERVATION.
I.1. La mise en place de l'interzone lié à
l'initiative TRIDOM.
L'espace TRIDOM a été mis en place en 2005
à travers la signature d'un accord de coopération entre les
gouvernements du Congo, du Gabon et du Cameroun. Par cet accord, « Les
États parties s'engagent à coopérer, à mettre en
place et à gérer en partenariat, le complexe transfrontalier
d'aires protégées dit Dja-Odzala-Minkébé, en
abrégé TRIDOM et son interzone dans le but de promouvoir la
conservation, l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et le
développement durable au profit des communautés locales en vue de
contribuer à la réduction de la
pauvreté.»18 La TRIDOM comprend dix aires
protégées et un vaste interzone. Les aires
protégées constituent une aire de conservation. L'interzone quant
à elle est divisée en plusieurs zones et vouée à
toute activité humaine compatible avec la conservation. L'objectif de la
conservation de cet espace est de réduire les menaces actuelles et de
concilier conservation et développement tout en maintenant les
écosystèmes des aires protégées.
Au Cameroun, pour renforcer la conservation des aires
protégées, une partie de l'interzone (le massif forestier
Ngoyla-Mintom) abrite plusieurs projets de conservation. Dans cette forêt
vivent des peuples bantous et des « pygmées». Toutes ces
populations dépendent de la forêt mais à des degrés
différents. Si les bantous ont pour activité principale
18 COMIFAC, 2005 : Article
1er de l'accord de coopération relatif à la mise en
place de la TRIDOM
88
l'agriculture, les bakas vivent essentiellement de la chasse
et de la cueillette. Pour ces derniers, la forêt est leur mamelle
nourricière. Cette région prévue pour la conservation se
superpose aux territoires d'agriculture, de chasse et de cueillette de ces
peuples. Selon John Nelson, (2005) « Ces projets de conservation ont
été mis en place sans une consultation préalable des
populations autochtones ». Bien que les accords sur le premier projet
aient été signés depuis 2005, ce n'est que le 29
Août 2011 que la sensibilisation effective a débutée dans
la zone avec « l'Atelier relatif à la consultation
et participation publiques du projet de conservation et
d'utilisation durable des ressources forestières et
fauniques de Ngoyla-- Mintom (MINFOF) ». Ces populations sont ainsi
appelées à modifier leurs modes d'utilisation de certaines
ressources pour s'arrimer aux règles de la conservation. A cet effet
Nelson J. (2005) pense que « Ce projet imposera de nouvelles
règles d'utilisation des forêts qui affecteront leurs
possibilités d'y accéder et d'utiliser les ressources sur
lesquelles est fondée leur subsistance ; pourtant, à ce jour les
communautés concernées n'ont pas été
informées ni impliquées dans la planification de ce projet de
conservation.»
I.2. Les projets de conservation développés
sur l'interzone Réserve du Dja-parc national de Nki.
Selon Freudenthal E., et al (2011), au moins trois projets
qui se superposent sont prévus à Ngoyla Mintom. Un projet de REDD
de la Banque mondiale, financé par le FEM ; un projet de REDD du WWF
financé par l'UE ; et un projet paysager, appelé TRIDOM,
financé également par le FEM, mis en oeuvre par le Bureau des
services d'appui aux projets des Nations Unies (UNOPS) et qui devrait comporter
des éléments de REDD. Dans cette interzone, il y a donc des
chevauchements entre ces différents projets de conservation.
Le projet GEF/TRIDOM
Le Projet de conservation de la TRIDOM, au Cameroun, Congo et
Gabon, vise à maintenir les fonctions et la connectivité
écologiques dans la TRIDOM et à assurer la conservation à
long terme de son système d'aires protégées. Il repose sur
une subvention du FEM via le PNUD sur sept ans. Il est géré par
une Unité Régionale de Gestion du Projet (URGP) apportant un
appui technique aux trois Équipes de Projet Nationales (EPN). L'URGP
comprend des membres du personnel de l'UNOPS, avec un homologue de la COMIFAC,
alors que les EPN sont exécutées par les agences gouvernementales
responsables des forêts, de la faune et des aires protégées
avec l'appui des ONG internationales en contrat avec l'UNOPS.
89
Le projet GEF/ MINFOF
Le projet de la Banque mondiale est intitulé «
Conservation et exploitation durable du massif forestier de Ngoyla-Mintom
». Ce projet bénéficie d'un financement du FEM pour quatre
ans. Il a été approuvé en 2009. Il vise à «
Mettre en place une zone centrale de protection dans le massif forestier de
Ngoyla-Mintom, suivant une approche fondée sur l'aménagement du
territoire et la promotion de partenariats public-privé. » Ce
Projet de conservation et d'utilisation durable des ressources
forestières du massif Ngoyla-Mintom est un projet intégré
de conservation de la biodiversité et d'appui au développement
des communautés locales et autochtones. Il doit contribuer à la
conservation et à l'aménagement durable du Massif Forestier de
Ngoyla-Mintom au bénéfice des populations locales et autochtones.
Il vise à assurer la conservation et l'utilisation durable de la
forêt et des écosystèmes naturels du massif Ngoyla-Mintom
et l'amélioration des moyens d'existence des communautés locales
et autochtones.
Le projet WWF/Union Européenne.
Le projet REDD+ du WWF sur Ngoyla-Mintom est un projet
financé par l'UE. Le WWF a obtenu en 2010, 2 millions € de l'Union
européenne pour la mise en oeuvre de ce projet de REDD à
Ngoyla-Mintom. Il s'étendra de 2011 à 2016.
Nous constatons donc que l'interzone Réserve de
biosphère du Dja-parc national de Nki n'abrite pas un seul projet de
conservation. Ces projets sont l'oeuvre des organismes différents. Selon
Freudenthal E., et al (op.cit ) cette superposition des projets est due aux
« problèmes de communication entre les organismes
étrangers.» Il note que « Par exemple, la Banque
mondiale et le WWF ne savaient pas qu'ils avaient tous les deux mobilisé
des fonds (auprès du FEM et de l'UE respectivement) pour financer des
projets de REDD au même endroit (Ngoyla Mintom) » p16.
II. AGRICULTURE
II.1. Une agriculture qui s'étend progressivement
sur la forêt.
L'agriculture qui est pratiquée dans l'interzone est
une agriculture de type traditionnel. Elle n'utilise ni les engrais ni les
fongicides à cause de la fertilité naturelle du sol. Dans
l'interzone, on rencontre de nombreux champs avec des cultures
saisonnières et également des champs avec des cultures
pérennes. Ces différents champs sont concentrés autour des
zones habités. Dans les différentes localités
enquêtées, les surfaces agricoles sont en extension. Le nombre de
champs par ménage et par an reste à peu près constant,
mais leurs propriétaires
90
augmentent la superficie de leurs champs. Les cultures
saisonnières développées dans la zone constituent la
principale source de subsistance de ces populations. Au début de chaque
grande saison de pluie, chaque ménage crée en moyenne deux champs
: un champ de culture unique (exemple : le champ de type arachide) et un champ
avec les cultures associées.
Dans la zone d'étude, le nombre de champs à
créer par an varie en fonction de plusieurs paramètres. Nous
pouvons citer entre autres : la profession principale, le statut matrimonial et
l'âge. Le nombre de champs créés par ménage et par
an se résume dans le tableau ci-dessus :
Tableau N°14 : Nombre de nouveaux champs
créés par ménage par an dans l'interzone.
Nombre de champ Localité
|
Zéro
|
Un
|
Deux
|
Plus de deux
|
Messok
|
10
|
17
|
18
|
2
|
Ngoyla
|
13
|
13
|
12
|
1
|
Nkondong2
|
0
|
0
|
3
|
0
|
Zoulabot1
|
1
|
3
|
7
|
1
|
Nkondong1
|
0
|
1
|
4
|
1
|
Djadom
|
1
|
3
|
2
|
0
|
Etékessang
|
0
|
3
|
8
|
2
|
Zoulabot2
|
0
|
5
|
5
|
0
|
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Totaux
|
25
|
46
|
59
|
7
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011
Ce tableau nous présente le nombre de champ que notre
population crée par an. On constate que 18 % de la population
enquêtée soit 25 personnes sur 137 ne créent pas de
nouveaux champs. Ils cultivent uniquement les anciennes parcelles. Ce sont
généralement les personnes âgées qui disent qu'ils
n'ont plus assez de force pour cultiver et ceux qui ne cultivent que le jardin
de case. D'après ce tableau, 46 personnes soit 34 % de la population
enquêtée affirment qu'elles créent un nouveau champ chaque
année. Ces nouveaux champs sont sollicités à cause de la
fertilité dont exigent les cultures comme le plantain et le concombre.
Ceux qui créent deux champs par an représentent quant à
eux 43 % soit 59 personnes. Ici, on retrouve ceux qui ont cultivé une
ancienne jachère et également ceux qui défrichent la
forêt primaire. Ceux qui créent plus de deux champs par an sont
généralement des polygames, chacune de ses femmes a droit
à deux champs. Ils représentent 5 % de notre population
enquêtée. Ils défrichent plusieurs champs pour que chaque
femme ait le sien.
Certains agriculteurs ne créent pas de nouveaux champs
; ils étendent plutôt les parcelles. Cette pratique est plus
remarquée pour la culture du cacao. Les agriculteurs n'ont
Source : Enquête de terrain, 2011
91
pas assez de moyens pour créer une grande plantation ;
ils préfèrent augmenter la superficie de leurs champs au fil des
années. Ainsi, au bout de quelques années sa plantation aura une
grande taille mais la production ne débutera pas la même
année. Cette extension des champs de cacao est beaucoup plus l'oeuvre
des jeunes. En effet, de retour au village après un séjour dans
une localité pour des raisons scolaires, les jeunes n'ont pas de moyens
pour créer une grande plantation. Ils commencent par créer
quelques centaines de mètres carrés et les années qui
suivent, ils défrichent la forêt aux alentours de l'ancienne
plantation pour planter de nouveaux plants.
La création de nouvelles plantations et l'extension de
certaines sont la cause de l'agrandissement de la surface agricole dans
l'interzone. La surface agricole est en nette augmentation dans notre zone
d'étude. Plusieurs raisons justifient cette progression des champs sur
la forêt dans l'interzone. Nous pouvons citer entre autres : la
croissance de la population, l'espoir de vendre le surplus de la production,
l'espoir que le développement des projets industriels et
infrastructurels va entraîner une demande accrue des denrées
agricoles et entraîner aussi une amélioration dans les conditions
de transport des biens et des personnes. Les points de vue des populations
enquêtées sont différents en ce qui concerne
l'évolution de la surface agricole dans l'interzone. Certains pensent
que cette dernière augmente et d'autres qu'elle est constante. Les
points de vue des populations enquêtées sur l'évolution de
la surface agricole dans les villages de l'interzone se résument dans le
tableau suivant :
Tableau N°15 : Evolution de la surface agricole
dans l'interzone.
Evolution des champs Localité
|
Augmente
|
Constante
|
Diminue
|
Messok
|
43
|
3
|
1
|
Ngoyla
|
33
|
4
|
2
|
Nkondong2
|
2
|
1
|
0
|
Zoulabot1
|
10
|
2
|
0
|
Nkondong1
|
6
|
0
|
0
|
Djadom
|
4
|
1
|
1
|
Etékessang
|
9
|
2
|
2
|
Zoulabot2
|
9
|
0
|
1
|
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
Totaux
|
116
|
14
|
7
|
|
92
Il ressort de ce tableau que 116 personnes soit 85 % pensent
que la surface agricole augmente dans leurs villages. Cette augmentation est
remarquée dans toutes les localités enquêtées sauf
à Bareko. Nous constatons que plus de 80 % des populations
enquêtées de chaque localité affirment que la surface
agricole est croissante. Ceux qui affirment que la surface est constante
représentent 10 % soit 14 personnes sur 137 qui font l'agriculture dans
notre échantillon. Ce sont des gens qui affirment que les champs ne sont
qu'en rotation dans les jachères et qu'ils ont trop de
difficultés en ce qui concerne la commercialisation des produits
agricoles parce que chacun a son champ. Seulement 7 personnes soit 5 % pensent
que la surface agricole diminue dans leur village. Ils affirment que
l'outillage rudimentaire et la non utilisation des engrais rendent très
difficiles les travaux agricoles. Ce sont généralement ceux qui
ont une idée pessimiste de leur localité.
L'extension de l'agriculture sur la forêt va
s'amplifier de plus en plus dans la zone. Selon notre enquête de terrain,
80 % des populations disent qu'ils devront créer de nouveaux champs dans
l'avenir. Ils disent qu'ils ont de plus en plus de bouches à nourrir et
ils espèrent qu'avec les avantages liés au projet de conservation
de la zone il y aura une amélioration des conditions de transport ce qui
leur permettra de mieux vendre. Ces nouveaux champs sont créés
dans les jachères et les forêts secondaires. Le nombre de champs
créés en forêt primaire est faible. Seulement 12 % des
populations enquêtées disent qu'elles ne veulent plus créer
des champs. Ces personnes sont constituées des gens âgées
qui disent qu'ils n'ont plus assez de force pour cultiver et ceux qui disent
qu'ils n'ont plus assez de temps (certains agents de l'Etat et les
commerçants). 10 personnes soit 7 % sont sans avis. Selon eux, seul
l'avenir déterminera les possibilités de création de
nouveaux champs.
L'augmentation de la surface agricole n'est pas le propre de
l'interzone, c'est un phénomène général dans tout
le Sud-est du Cameroun. En effet selon les projections de la SDSR
(Stratégie de développement du secteur rural) du MINADER (2006),
les superficies des cultures (cacao, café, huile de palme,
hévéa, manioc, banane plantain) des zones forestières dans
la SDSR sont en augmentation. Les superficies mises en culture étaient
de 894 000 ha en 2005, 953 000 ha en 2010 et seront de 1 072 000 ha en 2015.
Malgré ce constat de l'extension de l'agriculture sur
la forêt et de l'augmentation de la surface agricole, l'agriculture a peu
d'impacts sur la forêt. En effet les champs sont de petites dimensions en
moyenne 1 ha pour les champs vivriers et 2,5 ha pour les champs de cacao. Cette
zone a de très faibles densités humaines. L'habitat est
linéaire et les champs sont concentrés autour des zones
habitées. L'agriculture se déroule dans les agro-forêts.
Elle occupe l'espace qui a été réservé pour elle
dans les différents plans de zonage qui ont été
93
proposés pour cette zone. Par exemple dans le zonage
proposé par le MINFOF en 201119, les agro-forêts
occupent une superficie de 33 449 ,35 ha sur 912 434 ,73 ha dont possède
le massif forestier en conservation ; soit 4 % de cette forêt. C'est une
agriculture qui ne touche donc pas le Domaine Forestier Permanant (DFP). Ce
n'est que sur le tronçon Mintom-Lélé qu'on observe
l'installation des populations et la création des plantations agricoles
dans le DFP. Mais nous espérons que le plan de zonage définitif
de la zone clarifiera tous ces points lors de son élaboration.
L'espace mis en culture est donc très faible dans la
zone à cause des faibles densités des populations et de
l'enclavement de la zone qui réduit les possibilités de
commercialisation des produits agricoles. Les distances à parcourir pour
arriver au champ ne dépassent pas 3 km dans notre zone d'étude.
Ces distances varient d'une localité à l'autre. Les plus longues
distances de 2,5 à 3 km ont été enregistrées dans
les localités comme Messok et Ngoyla. Dans certains villages comme
Nkondong 1, Nkondon2, Djadom et Bareko les champs les plus
éloignés sont à moins d'un kilomètre des
maisons.
L'outillage utilisé, le système d'alternance
culture/jachère et la conservation des arbres pendant la mise en culture
des champs sont autant de facteurs qui réduisent les pressions de cette
agriculture sur la forêt. A coté de ces facteurs, les populations
de l'interzone ont un système d'organisation de leur emploi de temps qui
consiste à réduire le temps à consacrer à
l'agriculture pour développer d'autres activités comme la chasse,
le ramassage... Ces populations vivent dans un environnement riche en
ressources (terre, gibier, poisson, insectes, fruits, matériaux
végétaux, etc.) qui offre des alternatives non agricoles.
En conclusion l'agriculture s'étend progressivement
sur la forêt dans l'interzone. C'est une agriculture qui utilise un
outillage rudimentaire et elle est concentrée autour des zones
habitées. L'extension de la surface agricole sur la forêt est
lente. Ce qui nous fait dire que c'est une agriculture qui répond aux
critères de compatibilité de l'agriculture avec la
conservation.
II.2. Une agriculture soucieuse de la conservation de
l'environnement.
L'agriculture itinérante sur brûlis est un
système agricole qui conserve les arbres dans le champ au moment de la
mise en culture. Ces arbres sont des orphelins de la forêt. Sur la photo
ci-dessous, on observe des arbres qui ont été conservés
dans un champ. Ils sont conservés au milieu des champs pour diverses
raisons: ombrage, alimentaire, exploitation forestière,
19 MINFOF : Octobre 2011b, Cadre fonctionnel pour la
gestion intégrée et durable du massif forestier Ngoyla-Mintom
Projet de Conservation et d'Utilisation Durable de la Forêt de
Ngoyla-Mintom - p 49
94
médecine traditionnelle...
Source : Cliché Tatuebu, septembre 2011
Photo N°14: Les arbres conservés dans le
champ.
De notre enquête de terrain, nous avons constaté
que sur tous ceux qui font l'agriculture, 96% soit 132 personnes sur 137
conservent les arbres dans le champ au moment de la mise en culture. Les 5
personnes qui ne conservent pas les arbres sont ceux qui n'avaient que les
jardins de case. Bien que la culture du cacao nécessite des arbres dans
le champ pour créer l'ombrage, plusieurs autres raisons justifient leur
conservation dans les champs de l'interzone. Les raisons de conservation des
arbres selon les populations sont représentées à travers
le graphique suivant :
140
120
100
40
80
60
20
Effectifs
0
OMBRE EXPLOITABLE TRES GROS COMESTIBLE MEDICINALE
120
97
114
Raisons
78
30
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°13: Raisons de conservation des arbres
dans le champ.
D'après le graphique, 120 personnes soit 91%
conservent les arbres pour créer l'ombrage dans le champ. Pour les
cultures comme le cacao, ces arbres au milieu des champs sont indispensables.
Ceux qui conservent l'arbre à cause de sa grosseur représentent
87% de
95
la population enquêtée. Les haches et les
machettes utilisées pour défricher la forêt ne permettent
pas de couper les gros arbres ; seul le feu leur permet souvent de les faire
tomber. Selon de Wachter, 1995 « le motif pour la conservation des
gros arbres sur la parcelle est d'éviter le travail d'abattage
». Nous constatons ensuite que 97 personnes soit 73% conservent les
arbres parce qu'ils sont exploitables. Les essences conservées dans le
champ sont par exemple : le moabi, l'iroko, le fraké, l'ayous, le
sapelli... Dans les localités comme Messok, Nkondong 1, Zoulabot 2
où l'exploitation forestière est effective, les populations
connaissent la valeur des essences précieuses et les conservent au
moment de la mise en culture de la forêt. Dans les autres
localités comme Etékessang, Zoulabot 1 et Ngoyla, où les
populations ont des forêts communautaires qui ne sont pas encore en
exploitation, ils disent qu'ils conservent les essences précieuses en
attendant le jour où l'exploitation sera effective dans leur
localité. De nombreux arbres sont aussi conservés dans
l'interzone pour la récolte des PFNL. En effet, 78 personnes soit 59%
conservent les arbres parce qu'ils sont comestibles. Ici on retrouve les PFNL
comme le moabi, la mangue sauvage, djansang, okok...30 personnes conservent les
arbres pour des raisons médicinales. Les différents arbres
conservés permettent à la forêt de vite se
régénérer pendant les jachères.
II.3. Une agriculture dominée par la pratique de
la jachère.
Afin que la terre retrouve sa fertilité, les champs
sont mis en jachère deux à trois ans après la mise en
culture. La pratique de la jachère est très
développée dans notre zone d'étude. D'après notre
enquête réalisée sur le terrain, on constate, qu'en
majorité, toutes les populations pratiquent la jachère. Sur 137
personnes qui pratiquent l'agriculture, 123 soit 90 % pratiquent la
jachère. Le reste, 14 personnes soit 10 %, qui disent qu'ils ne
pratiquent pas la jachère sont composés de ceux qui cultivent
uniquement le cacao et de ceux qui cultivent uniquement leurs jardins de
case.
C'est grâce à la mise des champs en
jachère que le sol retrouve sa fertilité dans la zone ; le niveau
de fertilité dépend souvent de la durée de la
jachère. Les courtes durées de jachère ne permettent ni au
sol d'être fertile ni à la végétation de se
reconstituer. Par contre, les longues durées de jachères rendent
les sols fertiles, permettent à la forêt de se reconstituer et
d'avoir de bons rendements.
Le choix des jachères à cultiver est important
en ce qui concerne les différentes cultures. En effet, les
jachères de courte durée (2- 4 ans) sont très importantes
pour les cultures comme l'arachide et le maïs. Mais le macabo, le
concombre nécessite les jachères qui ont à partir de 4
ans. Les cultures comme le plantain ont besoin des vieilles jachères ou
de
96
la forêt vierge pour avoir de bons rendements. Les
durées de jachères relevées dans notre zone d'étude
sont représentées dans le graphique suivant :
Effectifs
ect
40
s
50
80
70
60
20
10
0
0
2-3 ans 04 - 05 ans Durée 6 - 9 ans 10
ans et plus
32
75
13
3
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°14: Durée des jachères dans
l'interzone.
Il ressort de ce graphique que la durée de
jachère la plus pratiquée dans la zone est de 4 à 5 ans
car sur 123 personnes qui font la jachère ,75 personnes soit 61 % ont
une durée de jachère comprise entre 4 et 5 ans. Ce sont les
jachères très sollicitées pour les cultures
associées telles que le manioc, le maïs, les arachides et parfois
le macabo. Les durées de jachères qui viennent après ces
premières sont comprises entre 2 et 3 ans car 32 personnes soit 26 %
font des jachères qui ont cette durée. Dans cette
catégorie, les jachères de 2 ans sont très rares,
près de 90% de cette tranche est constitué des jachères de
3 ans. Ces jachères sont recherchées pour la culture de
l'arachide parce qu'il n'y a pas trop de forêt à
défricher.
B C
Source : Cliché Tatuebu, septembre 2011
Planche photo N°15: Les jachères. (A :
jachère de 3ans en friche, B : en culture, C : jachère de 5ans
défrichée) Sur cette planche, (A) est une
jachère de trois ans en friche. On
97
observe sur elle les bananiers qui peuplaient le champ au
milieu d'une forêt qui est en train de se reconstituée. L'image B
nous montre une jachère de 3 ans qui a été
défrichée puis nettoyée avec le feu avec des petits pieds
d'arachides qui sont en train de sortir du sol. On constate sur la photo qu'il
n'y a pas de reste de tronc d'arbre abattu dans le champ. L'image C quant
à elle nous montre une jachère de 5 ans défrichée.
Celle-ci a déjà de jeunes arbres qui la dominent.
Les jachères de 6 à 9 ans représentent
11 %. Ce sont les champs mis en culture pour le macabo, le concombre et le
plantain. Certaines de ces jachères comme celles de plus de 10 ans sont
des forêts secondaires. De l'analyse précédente nous
constatons que les durées des jachères ne sont pas très
longues car près de 87 % des jachères ont une durée
inférieure à 6ans. Ces durées sont dus au fait que le
matériel utilisé par les populations n'est pas approprié
pour défricher la forêt. Elles ont trop de difficultés
à défricher la forêt vierge avec les machettes et les
haches. Les populations défrichent donc très peu la forêt
vierge dans notre zone d'étude. Ce système de culture qui alterne
jachères et champs permet en quelque sorte une rotation des champs dans
l'espace et de réduire les pressions sur la forêt. Le paysage
créé par l'agriculture dans l'interzone est une mosaïque de
forêts primaires, secondaires et des jachères capable de soutenir
la pression de agriculture sur les ressources.
II.4. Une agriculture confrontée à de
nombreux problèmes.
L'agriculture pratiquée dans l'interzone
Réserve du Dja-parc national de Nki est une agriculture
itinérante sur brûlis. Les productions sont destinées
à la satisfaction des besoins des ménages tant en besoins
alimentaires que financier. Les rendements sont relativement importants suivant
l'âge de jachère mis en culture. Les populations tirent des
revenus assez considérables de cette agriculture. Cependant,
l'agriculture dans l'interzone fait face à de nombreux problèmes.
Nous pouvons citer entre autres : l'outillage rudimentaire et la technique
agricole, le manque de débouchés et les prix trop bas, les
problèmes de conservation des récoltes, la destruction des
cultures par les animaux, et le manque de route dans la région.
Dans notre zone d'étude, l'outillage utilisé
est constitué des houes, des plantoirs, des machettes, des haches, des
pioches...Ces outils rendent le travail difficile lors de la création
des champs. Il leur manque les matériels agricoles comme les
tronçonneuses pour vite abattre les arbres. Un manque d'outils ou des
outils de mauvaise qualité rendent le travail plus pénible. Dans
la région on ne laboure pas les champs. Le feu est le moyen le plus
utilisé pour nettoyer les champs. Les cendres issues de ce feu
constituent les seuls engrais utilisés pour les
98
cultures. Après quelques années qu'un espace
ait été mis en culture, il n'est plus fertile, il faut le mettre
en jachère pour créer un autre champ. Une situation avec un
manque de matériel permanent (des bonnes haches, machettes et limes)
provoque un raccourcissement des jachères et a un effet négatif
sur le maintien de la fertilité des parcelles dans le cycle agricole.
Les populations de l'interzone ont trop de difficultés
pour vendre les produits agricoles. Les faibles densités des
populations, l'enclavement de la zone, et le manque de routes sont autant de
raisons qui font que les agriculteurs de notre zone d'étude manquent de
débouchés. Ceux qui achètent les produits agricoles sont
les étrangers. Ces produits sont vendus à des prix
dérisoires car ce sont souvent les acheteurs qui fixent les prix. Les
produits pourrissent parfois sur les claies parce qu'il n'y a pas de clients. A
cause de l'enclavement, la pratique des bas prix par les acheteurs est
très récurrente dans la zone. Par exemple, pendant la campagne
cacaoyère 2011-2012 au mois de décembre 2011, le kilogramme de
fèves de cacao séché était acheté à
Ngoyla à 700 Fcfa ; ce qui avait poussé les populations à
la révolte. Les autorités administratives, en accord avec les
populations ont signé des accords saisissant le stock qui était
dans les magasins des acheteurs et interdisant tout achat du cacao par ces
anciens acheteurs en attendant que les prix soient revus à la hausse.
Un autre problème auquel sont confrontées les
populations de l'interzone est la pourriture des cabosses de cacao. Ces
populations utilisent très peu les fongicides pour la culture du cacao.
Cette dernière est donc exposée aux différentes attaques
des microbes. A ce problème de pourriture des cultures il faut ajouter
la conservation des récoltes. Les populations de notre zone
d'étude ne savent pas stocker et conserver les récoltes pendant
longtemps. Les produits récoltés dans les champs sont directement
consommés ou vendus après la récolte car il n'y a pas de
moyen permettant de conserver les récoltes pendant quelques mois.
Plusieurs agriculteurs disent qu'ils ne produisent pas beaucoup parce qu'il n'y
a pas de possibilité ni d'endroit approprié pour conserver la
production après la récolte.
Tous les agriculteurs de notre zone d'étude sont
confrontés à la destruction des cultures par les animaux
sauvages. Des petits rongeurs aux grands fauves de la forêt, tous les
animaux causent des dégâts considérables sur les cultures.
Dans toutes les localités retenues pour l'enquête, la
totalité des personnes enquêtées soit 100 % disent
être victime des dégâts causés par les animaux sur
les cultures. Parmi ces animaux on retrouve ceux de la «classe C»
(hérissons, singes, porc-épic, écureuils...) et ceux de la
«classe A et B» (éléphants, gorilles, sanglier,
chimpanzé...). Les rongeurs sont un problème sérieux pour
presque toutes les
99
cultures. Ils sont présents dans toutes les
localités. Les jachères forment un habitat pour ces rongeurs
(surtout les aulacodes, les athérures et les rats d'emin). Pour
réduire parfois ces dégâts, les populations tendent les
pièges dans les champs ou parfois ils font des clôtures. Les
animaux des autres classes sont les plus dangereux car non seulement ils sont
protégés par la loi mais aussi certains sont très gros
pour être capturé par les pièges. Les dégâts
causés par ces animaux deviennent de plus en plus considérables
lorsqu'on va vers le coeur de ce massif forestier. En d'autre termes, sur le
terrain, les populations de la localité de Messok affirment être
rarement victimes de la destruction des cultures par les animaux de la
«classe A et B», mais lorsqu'on arrive à Etékessang
jusqu'à Djadom les populations affirment qu'ils causent trop de
dégâts sur leurs cultures. « Il arrive parfois que ces
animaux s'approchent de nos maisons » affirment certains. Au cas
où les dégâts causés par ces animaux sont
très considérables, l'intéressé peut se plaindre
auprès des autorités compétentes. Ces conflits
hommes/animaux sont appelés à s'intensifier dans l'interzone car
la mise en conservation de la zone permet aux animaux de se multiplier et
d'être plus nombreux.
.
Dans un cadre général, l'agriculture dans
l'interzone se caractérise par des surfaces agricoles en extension mais
concentrées autour des zones habitées. Elle est dominée
par la pratique de la jachère, la conservation des arbres dans les
champs et la rotation des champs dans les jachères. Sur la base des
critères de qualification de la compatibilité des
activités que nous avons établies, nous pouvons dire que cette
agriculture est compatible avec la conservation car son impact est peu
significatif.
III LA PRATIQUE DE LA CHASSE DANS L'INTERZONE.
III.1. Quelques moyens de prélèvement
interdits par la législation camerounaise. Les moyens captures de la
faune prohibés par la loi faunique au Cameroun sont les suivants :
· Les collets ;
· Les animaux vivants utilisés comme appelants
aveuglés ou mutilés ;
· Les appareils électriques capables de tuer ou
d'assommer ;
· Les sources lumineuses artificielles ;
· Les miroirs et autres objets aveuglants ;
· Des dispositifs pour éclairer les cibles ;
· Des dispositifs de visée comportant un
convertisseur d'image ou un amplificateur d'image électronique pour tir
de nuit ;
100
· Des explosifs ;
· Le feu ;
· Les filets modernes ;
· Les pièges-trappes ;
· Le poison et appâts empoisonnés ou
tranquillisants ;
· Gazage et enfumage ;
· Les armes semi-automatiques dont le chargeur peut
contenir plus de deux cartouches ;
· Les véhicules automobiles en
déplacement.
De plus, il existe une période de fermeture de chasse
qui va du 1er décembre au 30 juin dans les régions du Centre, du
Sud, du Littoral et de l'Est (Provot L.,2007)
III.2. Une chasse avec des techniques dominées par
le piégeage.
La chasse est une activité très
pratiquée dans l'interzone. Elle permet aux populations de satisfaire
leurs besoins en protéines animales ; de plus en plus, elle devient une
source de revenus. Le matériel utilisé est très
diversifié. Il est composé des pièges, du câble
d'acier, des fusils, des chiens et des lances. Ce matériel varie en
fonction du niveau financier des personnes qui exercent la chasse ; mais il
reste presque identique dans toutes les localités
enquêtées. Ces différentes techniques permettent aux
populations de capturer le gibier.
D'après notre enquête de terrain, les outils de
chasse utilisés par les populations de l'interzone sont
représentés dans le tableau suivant :
Tableau N°16: Les outils de chasse utilisés
par les populations dans l'interzone.
Outils de
chasse
Localité
|
Piège
|
Fusil
|
Câble
|
Autres outils
|
Messok
|
15
|
14
|
17
|
7
|
Ngoyla
|
15
|
9
|
17
|
4
|
Nkondong2
|
2
|
1
|
2
|
1
|
Zoulabot1
|
5
|
4
|
5
|
3
|
Nkondong1
|
3
|
2
|
3
|
1
|
Djadom
|
3
|
3
|
3
|
3
|
Etékessang
|
7
|
7
|
7
|
3
|
Zoulabot2
|
4
|
1
|
3
|
1
|
|
101
Bareko
|
0
|
1
|
1
|
0
|
Totaux
|
54
|
42
|
58
|
23
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011
Ce tableau se traduit par le graphique suivant :
50
Effectifs
40
30
20
10
0
42
58
23
70
60
54
Piège Fusil Câble d'acier
Autres
Source : Enquête de terrain, 2011 Figure
N°15: Les différentes techniques de chasse utilisées par les
populations.
Il ressort de ce graphique que la technique la plus
utilisée est le câble métallique. En effet, 58 personnes
sur 64, soit 91 % utilisent le câble comme outil de chasse. Les lignes de
câbles sont rencontrées autour des cultures, dans les
jachères et même dans la forêt. Nous constatons ensuite que
54 personnes soit 84 % des personnes enquêtées utilisent des
pièges. Il existe plusieurs types de pièges : les pièges
à pattes, les pièges à cou... Le câble d'acier et le
piège sont les techniques les plus utilisées par les populations
de notre zone d'étude. Le nombre de pièges et de ligne de
câble par chasseur sont très nombreux. Ils sont utilisés en
saison de pluie. La chasse au piège est pratiquée dans tous les
villages, en majorité par les hommes. Ceux qui utilisent le fusil
représentent 60 % des personnes enquêtées. On les rencontre
plus dans la localité de Messok. L'utilisation du fusil dépend du
niveau financier du chasseur. La majorité des ménages de
l'interzone dispose d'un fusil de chasse, même si par manque de munitions
on ne l'utilise pas à tout moment. Ces fusils sont
généralement ceux à canons lisses de calibre 12 et ceux de
fabrication locale. Bien qu'il soit en marge de la législation il est
plus solliciter car il permet de vite abattre l'animal. Il est très
utilisé surtout en saison sèche. Ceux qui utilisent les autres
techniques représentent quant à eux 36 % . Ces techniques sont
constituées de la chasse aves les chiens, la chasse à courre, la
chasse à la lance...
102
Ces différentes techniques sont utilisées de
manière complémentaire. Il est difficile de rencontrer dans la
zone une personne qui utilise une seule technique de chasse. Les techniques les
plus utilisées comme nous l'avons constaté sont le câble
d'acier et le piège ; d'autres utilisent le câble et le fusil.
Selon plusieurs personnes enquêtées, la technique utilisée
est souvent fonction des objectifs à atteindre par le chasseur. Par
exemple, si on a un enfant malade à la maison et qu'il faut trouver de
toute urgence de l'argent pour lui acheter des comprimés, il faut
utiliser le fusil car il permettra de vite avoir le gibier. Certains chasseurs
nous disent qu'ils utilisent toutes les techniques qui peuvent leur permettre
d'avoir le gibier.
Au niveau de l'impact que peut avoir ces techniques de chasse
sur la faune, nous pouvons dire qu'il est fonction de la quantité
d'animaux abattus par chaque chasseur que de la technique elle-même. Du
piège au fusil en passant par le câble, chacune des techniques
peut rendre la chasse non durable et compromettre les objectifs de
conservation. En effet, le piège et le câble ne font pas de
distinction entre les espèces capturées. Ils capturent aussi bien
les mâles que les jeunes animaux et les femelles (qu'elles soient en
gestation ou qu'elles soient en lactation) les espèces
protégées et même celles que la culture interdit la
consommation. L'intensification des captures par ces outils pourrait
réduire considérablement le potentiel faunique de la zone. Selon
Nkomo, (1989) « Le piégeage capture toutes les espèces
des petits rongeurs aux artiodactyles de la taille du Sitatunga voire le Buffle
en passant par les Potamochères et les Panthères » Le
fusil quant à lui permet d'abattre tous les animaux que l'on rencontre ;
qu'il soit de grande ou de petite taille, protégé ou non. Mais
cependant, il peut être différent dans la mesure où il
permet de sélectionner l'animal à abattre. L'enclavement,
l'intensification de la répression, les faibles densités des
populations réduisent les pressions de la chasse sur la faune. Il est
à noter qu'il existe dans la zone des braconniers de profession qui
pourraient par leur actes porter atteinte au potentiel faunique de l'interzone.
Seul le renforcement des capacités de contrôle par les
responsables du MINFOF et du projet de conservation tant au niveau local que
transfrontalier pourrait atténuer les impacts de la chasse sur la
faune.
La mise en place des projets de conservation,
l'intensification de la répression et la rareté du gibier autour
des zones habitées ont amené certaines populations à
changer de technique de chasse. En effet, 25 % des personnes
enquêtées disent qu'ils ont changé de technique de chasse.
Ces personnes se rencontrent plus à Messok, 37 % et à Ngoyla, 44
%. A Messok , la majorité des personnes qui ont changer de techniques
l'ont fait parce que le gibier devenait trop rare surtout en saison
sèche. Ils ont dû remplacer les pièges et le câble
par le fusil afin de pouvoir obtenir le gibier. C'est sans doute l'une des
raisons qui explique la forte
103
utilisation du fusil à Messok comme nous l'avons
constaté plus haut dans le tableau n°15. Dans la localité de
Ngoyla (siège de l'ONG de conservation : WWF), les personnes qui
affirment avoir changé de technique l'ont fait parce qu'il y a trop de
répressions, de
sensibilisations et des saisis. Ils affirment que les gardes
écologiques appuyés par les employés du WWF sillonnent
la forêt pour enlever les lignes de câble et les pièges ; et
s'ils vous surprennent en possession d'une espèce
protégée, ils vont vous inculpé pour braconnage. Ils
utilisent désormais les techniques qui sont conseillées par les
conservateurs. Les autres localités où on rencontre les personnes
qui ont changé de technique sont : Etékessang, Zoulabot 1et 2.
Toutes ces localités se trouvent dans le massif forestier en
conservation. Ceci nous permet de dire que les alternatives qui sont
très réclamées par les populations pourraient contribuer
à la réduction des pressions sur la faune dans la zone.
III.3. Une chasse donc les espèces les plus
chassés sont les animaux de la classe C et les rongeurs.
La forêt de l'interzone regorge une gamme variée
d'espèces animales, ce qui explique vraisemblablement que la chasse
traditionnelle constitue l'une des activités prisées par les
populations de la dite localité. Ainsi, le gibier est l'aliment de base
des peuples autochtones Baka et Ndjem. Pour ces populations, la chasse est
beaucoup plus une activité de subsistance qu'une activité
génératrice de revenus. Les animaux les plus chassés par
les populations de notre zone d'étude sont les animaux de la classe C.
On retrouve entre autres le céphalophe, le pangolin, le hérisson,
le singe, le lièvre... Ils sont chassés pour des fins
alimentaires. D'après notre enquête de terrain, les espèces
les plus chassés dans l'interzone sont récapitulés dans le
tableau suivant :
Tableau N°17: Les espèces les plus
chassées par les populations dans l'interzone.
Espèces Localité
|
«Hérisson»
|
«Singe»
|
«Lièvre»
|
«Biche
|
«Porc- épic»
|
«Pangolin»
|
«Sanglier»
|
Autres gibiers
|
Messok
|
3
|
5
|
4
|
2
|
3
|
1
|
0
|
0
|
Ngoyla
|
1
|
4
|
2
|
3
|
3
|
1
|
2
|
1
|
Nkondong2
|
0
|
1
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
Zoulabot1
|
1
|
2
|
1
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
Nkondong1
|
0
|
1
|
0
|
2
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Djadom
|
0
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
1
|
1
|
Etékessang
|
1
|
2
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
1
|
Zoulabot2
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
|
104
Bareko
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Totaux
|
7
|
18
|
11
|
10
|
8
|
3
|
3
|
4
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011
D'après ce tableau on remarque que le singe est
l'espèce la plus chassée car sur 64 personnes qui font la chasse
environ 18 personnes chassent les «singes» soit 28 % de l'effectif
total. La deuxième espèce prisée ici est le
«lièvre» car il représente 17 % des espèces les
plus capturées dans la localité. La «biche» quant
à elle est la troisième espèce prédominante avec 16
%. Le «porc-épic» et le «hérisson» occupent
respectivement 13 % et 11 %. Le «sanglier» et le «pangolin»
occupent respectivement 5% de part et d'autre. Certes les autres gibiers
représentent 6 % de la population échantillonnée.
Source : Cliché Tatuebu, septembre 2011
Photo N°16: Gibier enlevé du piège
(A : singe ; B : céphalophe bleu. Ces deux espèces
sont recensées parmi celles les plus chassées et les
consommées de cette zone.)
Les espèces intégralement
protégées par la loi ne figurent pas dans ce tableau. Cependant,
certains membres de ces communautés s'adonnent au braconnage tout en
capturant les espèces animales protégées par la loi et
dont leurs coutumes interdisent la consommation. Ils le font pour plusieurs
raisons : l'ivoire, la viande, les trophées ... Au regard des
espèces les plus chassées, nous pouvons dire que la chasse dans
l'interzone ne fait pas encore trop de pression sur le potentiel faunique de la
zone. La faune prélevée est celle qui ne pose de problème
dans le cadre de la conservation (rongeurs, artiodactyles, singes). Cependant,
dans l'avenir avec l'augmentation de la population dans cette zone, le
développement des alternatives comme l'élevage du poulet et des
porcs pourait réduire la dépendance de ces populations
vis-à-vis des produits de la chasse car elles pratiquent la chasse
d'abord pour la satisfaction de leurs besoins en protéines.
105
III.4. Une chasse étendue sur toute
l'année
Dans l'interzone, la chasse se déroule pendant toute
l'année même si elle est plus prolifique pendant la saison de
pluie. Selon les villages, la période de chasse est plus ou moins longue
et est comprise entre le mois de mars et celui de décembre lorsque la
pluie permet de repérer les traces du gibier pour poser des
pièges à collet. La chasse à fusil se pratique tout le
long de l'année sans interruption malgré l'existence d'une
période de fermeture de chasse qui va du 1er décembre au 30 juin.
La chasse villageoise outre les raisons alimentaires, est basée sur le
fait qu'elle constitue aussi une source de revenus aux populations locales.
D'après notre enquête de terrain, 34 personnes soit 53 % chassent
toute l'année. Ils ont quotidiennement besoin de la viande dans leur
ration alimentaire. Il est impossible à un Baka de passer une semaine
sans manger de la viande. A propos de la consommation de la viande de brousse,
un autochtone rencontré à Ngoyla nous a répliqué,
« vous pensez que nous mangeons trop le gibier parce que vous qui
venez de la ville, vous variez viande de porc, de boeuf, de poulet, poisson et
autres, alors que nous n'avons que du gibier comme source de
protéine. Nous sommes donc obligé de chasser toute
l'année même si le gibier est rare en saison sèche.
» Ceux qui disent qu'ils ne chassent pas toute l'année, affirment
qu'en saison sèche ils font plus la pêche.
La chasse dans notre zone d'étude se déroule
aussi bien le jour que la nuit. D'après les études
réalisées sur le terrain, les moments où les personnes
enquêtées vont à la chasse sont représentés
à travers le graphique ci-après.
40
|
|
35
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
25
|
|
|
|
|
20
|
|
|
|
|
|
|
35
|
|
|
15
|
|
|
|
|
|
|
|
|
27
|
10
|
|
|
|
|
5
|
|
|
|
|
0
|
2
|
|
|
|
|
Nuit Jour Nuit et jour
|
|
Effectifs
Source : Enquête de terrain, 2011
Figure N°16 : Les moments de chasse
quotidienne.
Il ressort de ce graphique que 55 % des personnes
enquêtées chassent uniquement le jour. Ceux qui chassent le jour
et la nuit représentent 42 % et 3 % chassent uniquement la nuit. Pendant
la nuit la chasse se fait à l'aide des torches et des fusils. La chasse
nocturne est
106
formellement interdite mais elle permet aux populations de
prélever les espèces comme le
céphalophe.
La chasse dans l'interzone n'obéit pas toujours aux
normes définies par la loi au Cameroun. Elle utilise de plus en plus les
techniques interdites par la législation régissant la faune. Les
périodes de chasse ne sont pas aussi respectées ; mais ceci est
dû au fait que les produits de la chasse constituent leur principal
source de protéines animales. La chasse des espèces
protégées est aussi relevée dans la zone. Ce qui nous fait
penser de prime abord que cette chasse n'est pas compatible avec conservation.
Cependant, la pratique de la chasse dans notre zone d'étude
bénéficie des atouts qui sont la faible densité des
populations, l'abondance des ressources et l'enclavement. C'est sans doute ce
qui avait poussé le MINFOF à conclure que « le manque de
voies de communication a préservé le potentiel biotique de la
zone du point de vue biodiversité » MINFOF, (2004). Ces deux
facteurs réduisent les pressions des populations sur la faune, rendent
cette activité compatible pour l'heure et permettent aux animaux de se
reproduire. Mais le développement de nouvelles infrastructures et
l'arrivée des populations en quête du travail dans les
différents sites miniers pourraient porter préjudice à
cette ressource.
IV AUTRES ACTIVITES
1. L'exploitation minière.
L'exploitation minière a des impacts
considérables sur la biodiversité de l'interzone bien qu'elle se
déroule dans les espaces à elle réservé dans le
plan de zonage. La mise en exploitation du gisement minier nécessite
d'abord que la végétation qui se trouve au dessus soit
dégagée. La faune qui se trouve à cet endroit n'aura plus
de gîte. Les animaux qui se promenaient là ne pourront plus sous
peine d'être abattus par les populations et les ouvriers. La faune du sol
et des milieux aquatiques sera affectée par la pollution.
L'exploitation artisanale qui est développé
dans la zone se fait à l'aide d'un matériel archaïque. Les
orpailleurs utilisent des pioches pour creuser le sol, des seaux pour retirer
la terre et le tamis pour laver le métal. Cette technique est à
l'origine de l'érosion dans les sites d'exploitation.
L'exploitation industrielle étant à ses
débuts dans la zone, il est difficile pour nous d'aborder cet aspect en
profondeur. Chaque société ayant pris les engagements de
respecter les normes environnementaux, ce n'est qu'au moment où
l'exploitation sera effective dans les
En nous basant sur les modes de réhabilitation de la
mine fermée donné par la société GéoCam
(Géovic Cameroun) dans son « plan de réhabilitation de la
mine fermée » et sur nos
107
différents sites qu'on pourra mieux parler des impacts
des différentes techniques qui seront utilisées sur la
conservation.
Pour le cas de l'exploitation minière de la
société Géocam, Libération Afrique (2006), note qu'
« elle nécessitera l'utilisation des méthodes
d'extraction à ciel ouvert. L'exploitation de chaque puits, de 400m de
long et 150m de large durera 180 jours. Au début, environ 30 hectares de
forêts seront perturbés chaque année. Une essence est
gravement menacée, cinq en danger et 15 autres classées
vulnérables ont été identifiées dans la zone de
Nkamouna. De nombreux poissons, amphibiens, reptiles et mammifères
présentes dans la zone sont également affectés par le
projet parmi lesquels 14 espèces de mammifères
considérées comme menacées ou vulnérables par
l'UICN. » L'EIES (Étude d'Impact Environnemental et Social) a
bien décrit les différents impacts en prenant le soin de
présenter des mesures correctives nécessaires pour
prévenir ou atténuer lesdits impacts. La multinationale a
défini les mesures de gestion, d'atténuation, de suivi et
institutionnelles qui peuvent permettre d'éliminer, de compenser ou de
réduire les impacts environnementaux et sociaux du projet à des
niveaux acceptables. La société veut mener les activités
de manière responsable afin de protéger et de permettre
l'épanouissement de son personnel tout en protégeant
l'environnement et les communautés riveraines. « Geocam indique
en outre dans son plan de réhabilitation de la mine fermée, une
réhabilitation concomitante des zones affectées, réduisant
ainsi les perturbations annuelles et annonce que les essences
végétales les plus utilisées et à forte valeur
nutritive seront prioritairement replantées lors de la
réhabilitation. Et au fur et à mesure de l'exploitation, les
mines seront remblayées en même temps que s'effectueront les
travaux de restitution du couvert végétal et de stabilisation des
surfaces réhabilitées.» Libération Afrique (op.
cit).
L'exploitation du minerai du fer de Mbalam, aura aussi des
conséquences directes sur la déforestation de la zone d'emprise
minière, suivi du creusage des vastes étendues. En plus ce
minerai est localisé dans la zone considérée comme le
château d'eau de toute la zone transfrontalière Cameroun - Congo -
Gabon. Tous les cours d'eau importants prennent leurs sources à cet
endroit. Tous les cours d'eau prenant leurs sources à cet endroit sont
potentiellement menacés de disparition et seront exposés au
phénomène d'ionisation de leurs eaux.
108
critères de compatibilité
élaborés, nous pouvons dire, pour ce cas, que l'exploitation
minière pourra être compatible avec la conservation de ce massif
forestier.
2. La pêche.
Les techniques de pêche dans notre zone d'étude
sont multiples. Elles varient en fonction du sexe et de la taille du cours
d'eau. Les techniques utilisées par les populations de l'interzone sont:
le filet, la pêche à l'hameçon, la pêche au barrage,
la pêche à la nasse...La pêche au filet est celle qui est
plus pratiquée. Elle est l'oeuvre des hommes. A l'aide des pirogues, les
pêcheurs sillonnent les cours d'eau pour installer leurs filets.
Très souvent, ils le font à la veille et reviennent le lendemain
pour visiter ces filets. Certains filets ramassent même les petits
poissons et nuisent ainsi au renouvellement de cette ressource. D'autres
techniques comme la pêche par empoisonnement constituent également
un obstacle au renouvellement des espèces dans les cours d'eau. Selon
Bigombe L. (2011), « ces techniques de pêche se manifestent
comme étant des logiques d'extermination des espèces ».
Les femmes quant à elles sont plus habiles dans la pêche à
la nasse. Elles le font généralement en groupe. Les enfants
utilisent beaucoup plus la canne à pêche. La pêche au
barrage est moins pratiquée dans la zone. Elle se fait en saison
sèche dans les petits cours d'eau. La pêche pratiquée dans
l'interzone est artisanale et se fait avec un matériel rudimentaire.
Pour qu'elle soit plus durable il est nécessaire de la
régulée et qu'on sensibilise les populations sur les techniques
de pêche.
CONCLUSION
Il était question pour nous dans ce chapitre de notre
analyse de montrer les différentes techniques avec lesquelles les
populations de l'interzone développent les activités. Les
résultats que nous avons obtenus montrent que certaines activités
comme l'agriculture sont développées avec des outils
rudimentaires et des techniques traditionnelles ce qui réduisent leurs
impacts sur la conservation. On assiste à l'extension des surfaces
agricoles, mais elle se concentre encore autour des zones habitées. Bien
qu'elle utilise parfois les outils interdits par la loi, la chasse des
populations locales quant à elle concerne essentiellement les rongeurs
et les petits animaux. Les changements des techniques de chasse notés
dans certaines localités où la sensibilisation est effective nous
permettent de dire que les populations locales peuvent se détourner un
peu de la chasse s'il y a les alternatives. Les autres activités comme
la pêche et l'exploitation minière utilisent des techniques qui
peuvent s'avérer néfastes pour la conservation de la zone.
109
CHAPITRE IV : PROJETS DE CONSERVATION, ATTENTES
DES POPULATIONS LOCALES ET PERSPECTIVES
INTODUCTION
L'objectif de la conservation de l'interzone, pour être
atteint, nécessite une implication de toutes les parties
concernées. Les populations locales étant déjà
informées des projets de conservation, il revient aux promoteurs desdits
projets de mettre en place des mesures qui leur permettront d'atteindre cet
objectif. Ces projets font naitre diverses réactions au sein des
populations locales. Ils se superposent aux projets d'exploitation
minière. Ces derniers qui à leur tour seront accompagnés
des projets infrastructurels comme le chemin de fer, la route...entraineront
sans doute une dynamique dans la zone. Il sera question pour nous dans ce
chapitre d'analyser les points de vue des populations sur la conservation de la
zone et les moyens mis en place par les promoteurs de la conservation pour
atteindre leurs objectifs afin de dire si la conservation est une partie
gagnée dans la zone. Il sera également question pour nous
d'étudier l'impact possible que pourra avoir les nouvelles
infrastructures sur l'avenir de la zone.
I BREF APERCU DE L'ADHESION DES POPULATIONS LOCALES
AUX PROJETS DE CONSERVATION DE LA ZONE.
Les projets de conservation de l'interzone visent à
assurer la connectivité entre les aires protégées de la
TRIDOM et une amélioration des conditions de vie des populations
locales. Ces projets sont le fruit des accords signés entre le
gouvernement du Cameroun, les ONG de conservation de la nature et les bailleurs
de fonds. Au vu de la richesse écologique et de l'importance de ce
massif forestier en ce qui concerne le stockage du carbone,
l'intérêt de la conservation de cette zone dépasse
largement les frontières du pays. La conservation des ressources
naturelles nécessite une implication de toutes les parties
concernées. En d'autres termes, pour ce qui concerne notre zone
d'étude, les projets de conservation ne sauraient se limiter entre le
gouvernement et ses partenaires. Cette forêt qui est conservée est
un espace vital, un espace ressource pour de nombreuses populations de la zone.
Elles doivent être impliquées dans la conservation et
informées ; car elles sont les premières personnes à
être affectées par les projets et c'est par elles que l'objectif
de conservation peut être atteint. La participation de la population
locale s'avère donc capitale pour la réussite de la
conservation.
110
I.1. Projets de conservation de l'interzone
Réserve du Dja-parc national de Nki et les populations locales.
L'enquête réalisée auprès des
populations des localités retenues pour l'enquête nous a permis
d'avoir leurs opinions par rapport aux projets de conservation de la zone. Nous
avons d'abord voulu savoir si elles étaient au courant du projet TRIDOM.
Sur 140 personnes que compte notre échantillon, 74 soit 53 % des
enquêtées sont au courant de ce projet. Ceux qui ne sont pas au
courant dudit projet représentent 43 %. Ensuite par rapport à
l'interzone qui est l'objet de notre étude dans le présent
travail, les points de vue ont été récapitulées
dans le tableau suivant.
Tableau N°18 : Points de vue des
enquêtés sur l'existence des projets de conservation.
Village
|
Messok
|
Ngoy- la
|
Zou- labot1
|
Nkon- dong1
|
Dja- dom
|
Etékess ang
|
Zou- labot2
|
Nkon- dong2
|
Bare- ko
|
Totaux
|
Oui
|
11
|
33
|
7
|
5
|
4
|
11
|
4
|
3
|
1
|
79
|
Non
|
37
|
7
|
5
|
1
|
2
|
2
|
7
|
0
|
0
|
61
|
Totaux
|
48
|
40
|
12
|
6
|
6
|
13
|
11
|
3
|
1
|
140
|
|
Source : enquête de terrain,
Août-septembre 2011.
NB : Les informations qui figurent dans ce tableau ont
été obtenues en Août-septembre lorsque la sensibilisation
était à ses débuts à Ngoyla. En décembre
lorsque nous sommes allés pour compléter nos informations sur le
terrain, la sensibilisation était au quotidien dans toutes les
localités de l'interzone. Ce tableau se traduit par le graphique suivant
:
44%
56%
OUI
NON
Source : enquête de terrain, Août-septembre 2011.
Figure N°17 : Points de vue des
enquêtés sur l'existence des projets de conservation de
l'interzone.
111
Il ressort de ce graphique que 56 % des personnes
enquêtées savent qu'elles sont dans l'interzone. Celles qui
affirment qu'elles ne connaissent pas qu'elles sont dans l'interzone
représentent 44 %. Elles sont plus nombreuses à Messok et
à Zoulabot 2. En effet, 77 % des personnes enquêtées
à Messok, soit 37 sur 48, ne savent pas qu'elles sont dans l'interzone.
A Zoulabot 2, ces personnes représentent 64 % des personnes
enquêtées. Ces forts taux se justifient par le fait que le WWF
n'avait pas encore initié la sensibilisation dans ces localités.
Les autres localités où on rencontre plus ceux qui ne connaissent
pas le statut de leur zone sont Zoulabot 1 (42 % des personnes
enquêtées) et Djadom (33 %). Dans les autres localités, la
majorité, soit plus de 80 % des personnes enquêtées savent
qu'elles sont dans une zone de conservation. Ces localités sont Ngoyla,
Nkondong 1 et 2, Etékessang. Ceux-ci affirment que le WWF et les
écogardes sillonnent leurs villages pour la sensibilisation et la
répression.
Cette enquête nous a également permis d'avoir
leur opinion sur la conservation de leur massif forestier. Les populations de
notre zone d'étude vivent essentiellement de l'exploitation des produits
forestiers. Elles connaissent l'importance de la conservation des ressources de
la forêt. A cet effet, un habitant de Ngoyla nous dit « l'homme
Djem a toujours su conserver sa forêt. Nous conseillons à nos
enfants que notre pharmacopée et nos aliments se trouvent là et
qu'ils doivent conserver. Ceux qui pillent nos forêts viennent
d'ailleurs.» Les points de vue des populations enquêtées
sur la conservation des massifs forestiers sont représentées
à travers le graphique suivant :
21%
6% Bien
Non
Sans avis
73%
Source : enquête de terrain, Août-septembre
2011.
Figure N° 18 : Points de vue des
enquêtés sur la conservation de l'interzone.
On constate que 73 % des personnes enquêtées
pensent que conserver les forêts est une bonne chose. Selon eux, ils
doivent perpétuer leurs traditions et coutumes. Il faudrait que leurs
descendants jouissent aussi de ces ressources. Ceux qui pensent que la
conservation de
112
leur forêt n'est pas une bonne chose
représentent 21 %. Selon eux, l'Etat voudrait les priver de tous ce
qu'ils ont (terre et animaux). La forêt est le seul lieu où ils
tirent leurs ressources vitales. Les personnes qui n'ont pas de point de vue
représentent 6 %.
I. 2. Une conservation au bénéfice des
populations locales.
Les points de vue des populations enquêtées sur
la conservation de leur zone ont été montrés dans le
paragraphe précédant. Plusieurs raisons justifient leurs
opinions. Certains pensent la conservation des forêts est une entreprise
où toutes les parties sont bénéficiaires, d'autres pensent
que l'Etat est le seul gagnant. A cet effet, le graphique ci-après
représente les différentes parties gagnantes dans la conservation
selon les populations enquêtées.
34%
37%
29%
Tous
Nos descendants Etat
Source : Enquête de terrain, Août-septembre
2011.
Figure N°19 : Points de vue des
enquêtés sur les gagnants de la conservation de
l'interzone.
Il ressort de ce graphique que près de 29 % des
populations enquêtées pensent que tout le monde
bénéficie dans la conservation de la forêt. 37 % affirment
qu'elles conservent la forêt pour que leurs descendants aient aussi
accès à ces ressources. Selon 34 % des personnes
enquêtées, seul l'Etat est le bénéficiaire de la
conservation de l'interzone. Selon eux, les promesses tenues par l'Etat lors de
la mise en place du parc national de Nki n'ont jamais été
respectées jusqu'à nos jours et ils pensent que les promesses
tenues pour la conservation de leur forêt ne seront jamais
réalisées.
II LES MOYENS MIS EN PLACE PAR LES PROMOTEURS DE
CONSERVATION
La mise en place des projets de conservation de l'interzone
est l'oeuvre du gouvernement du Cameroun à travers le MINFOF et de ses
partenaires que sont l'UE, le
113
Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) de la Banque
Mondiale et les ONG de conservation internationales (WWF, WCS, ...). Ce sont
donc des projets de grande ampleur auquel participent les donateurs et les
organismes de conservation internationaux et qui aura des impacts sur les
populations locales et leur utilisation de la forêt. Pour atteindre ces
objectifs de conservation, plusieurs moyens (sensibilisation,
répression, financement des projets...) ont été
développés par les promoteurs de la conservation.
Source : Cliché Tatuebu, décembre 2011.
Photo 17: Siège du projet de conservation
à Ngoyla. Ce bâtiment abrite également les
services du MINFOF de cet arrondissement et les bureaux du WWF de Ngoyla. Tous
ces acteurs travaillent en partenariat pour la gestion durable de ce massif
forestier.
II.1. La sensibilisation.
La sensibilisation est le moyen approprié qui permet
d'informer les populations locales, de leur montrer l'importance d'une gestion
durable des ressources qui les entourent et aussi de leur faire connaitre les
bénéfices qu'elles peuvent tirer de l'initiative de la
conservation des forêts. Dans notre zone d'étude, la
sensibilisation est effective dans toutes les localités. Depuis que le
MINFOF a lancé officiellement la sensibilisation en Août 2011
à Ngoyla, des comités de sensibilisations ont été
installés dans les villages par le WWF. Dans chaque localité de
la zone en conservation, il existe un comité de sensibilisation. Toutes
les personnes qui habitent dans la zone sont impliquées dans la
sensibilisation et connaissent le statut de leur zone. Les photos ci-dessous
montrent les séances de sensibilisation dans l'interzone Réserve
du Dja-PNN.
114
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Planche photo 18: Séances de sensibilisation des
autorités à Djadom et des villageois à
Etékessang.
Source : Cliché Tatuebu, décembre 2011.
Planche photo 19: Séances de sensibilisation des
élèves de l'école publique et du Lycée de Ngoyla.
Ces photos nous montrent la sensibilisation des différentes
couches sociales de cette zone. Des enfants aux autorités
traditionnelles, tous sont sensibilisés.
II.2. La répression.
La répression est la méthode utilisée
par le personnel du MINFOF pour punir ceux qui se mettent en marge de la loi et
pour essayer de stopper leurs activités dans la zone. La richesse
faunique et floristique de la zone attire de nombreux exploitants
illégaux du bois et des braconniers. Ils parcourent la région
à la recherche des essences précieuses, de l'ivoire et d'autres
animaux intégralement protégés par la loi. Les
équipes du MINFOF de chaque localité enquêtée
s'efforcent de stopper leurs activités à travers des saisies et
les poursuites judiciaires. Dans les villages, certains hommes deviennent des
braconniers ou sont des
115
complices de ces derniers lorsqu'on leur fournit des armes ou
des munitions. Dans l'interzone, les écogardes, appuyés par le
personnel du WWF saisissent des armes de chasse et les produits de cette
exploitation illégale. Par exemple, plusieurs saisies ont
été faites par les services du MINFOF du Dja et Lobo et du
Haut-Nyong depuis l'initiation du projet de conservation: 93 pointes d'ivoires
ont été saisies à Sangmelima en novembre 2005 en
provenance de Lélé, 19 pointes en décembre 2006 à
Djoum et 20 pointes d'ivoire à bord d'un camion le 28 février
2011 à Ntam (Quotidien Mutations du Mercredi, 09 Mars 2011). Les photos
ci-après nous montrent le bois et le gibier saisis par les services du
MINFOF.
Source : Cliché Tatuebu, septembre 2011
Planche photo N°20: Saisies effectuées
par les services du MINFOF. Le bois que nous observons ici a
été saisi par la délégation départementale
du Dja et Lobo et le gibier par le poste forestier de Ngoyla.
II.3. Le MINFOF dans la zone en conservation.
A travers le MINFOF, le gouvernement du Cameroun oeuvre
à la réussite desdits projets. Il est représenté
dans les localités enquêtées par les postes de
contrôle forestier et de chasse de Messok et de Ngoyla. Bien qu'il y ait
un personnel insuffisant et un manque de matériel adéquat dans
ces deux postes, ils fournissent des efforts pour la conservation de la zone.
En effet, le poste de Messok compte cinq écogardes et le chef de poste ;
celui de Ngoyla en compte une dizaine : 7 sont à Ngoyla et trois sont
détachés pour l'antenne de Ntam carrefour. En plus du travail
effectué dans la forêt, les services du MINFOF font
également des fouilles systématiques des voitures qui parcourent
la zone.
116
Source : Cliché Tatuebu, septembre 2011
Photo N°21: Séance de fouille d'une
voiture effectuée par les écogardes.
II.4. Le financement des projets.
Parmi les retombées des projets de conservation, les
populations locales doivent bénéficier des financements des
projets. Le financement des projets est un moyen qui incite les populations
à oeuvrer pour la conservation. Les bailleurs de fonds financent les
projets comme ceux de l'élevage, de l'agriculture, de pêche et
assistent ces populations dans la mise en oeuvre de ces projets. Depuis le mois
d'Août, plusieurs projets ont été soumis aux promoteurs des
projets de conservation de l'interzone. Certains de ces projets ont
déjà bénéficié d'un financement. En
décembre 2011, deux projets d'élevage : un projet de porc et un
de poulet, étaient financés par ces promoteurs dans la ville de
Ngoyla. Ces deux projets étaient les premiers projets d'élevage
moderne de l'arrondissement. Cette approche basée sur le
développement des alternatives permet une amélioration des
conditions de vie des populations locales. L'exemple des projets aperçus
sur les photos ci-dessous permettra aux populations d'avoir d'autres sources de
protéines animales autre que la faune sauvage.
Source : Cliché Tatuebu, décembre 2011
Planche photo N°22: Projets d'élevage
financés par les promoteurs des projets de conservation à Ngoyla.
Le projet d'élevage des porcs que nous observons ici a
été mis en place
117
par les prêtres de la paroisse St Marc de Ngoyla et
les populations celui des poulets par le poste agricole.
Nous constatons que les promoteurs de ce projet se
déploient sur le terrain, font la sensibilisation, financent les projets
d'alternatives et répriment ceux qui sont en marge de la loi. En
analysant ces actions sur la base des critères de compatibilité
ou d'incompatibilité que avons établi, nous pouvons dire que ces
actions visent à être compatibles avec la conservation.
III. REACTION DES POPULATIONS FACE AUX PROJETS DE
CONSEVATION.
III.1. Une population sceptique à l'égard
des retombées des projets.
Les projets de conservation de l'interzone ont
été conçu et mis en place sans une consultation
préalable des populations locales. Certes ces projets visent une
amélioration des conditions de vie de ces populations. Toutes les
promesses faites à leur endroit pour l'amélioration de leurs
conditions de vie les laissent indifférents. Selon eux « l'Etat
veut une fois de plus nous tromper pour atteindre ses objectifs. Le parc
national de Nki a été établi depuis 2005 et les
populations n'ont rien en retour jusqu'à nos jours.»
déclare le chef de Ngoyla village. "Imaginez qu'un matin, on
arrive chez vous et qu'on vous informe que votre forêt est
désormais protégée avec tout ce que cela implique. Le tout
sans vous demander votre avis et sans aucune compensation de quelque forme que
ce soit !" clame un agriculteur dans le bulletin Sffancommunauté
(Sauvegarde de la faune et de la flore dans l'arrondissement de Ngoyla) du 15
septembre 2011. Ces populations ont des mauvais souvenirs sur les autres
projets de conservation qui ont été mis en place dans leur zone.
Elles pensent que les projets de conservation seront mise en oeuvre de la
même manière que les autres projets de conservation (RBD, parc
national de Nki et le parc national de Boumba-Bek) qui sont les pierres d'angle
de l'initiative TRIDOM au Cameroun. La RBD s'est superposée aux
territoires traditionnels des Baka ce qui a poussé la plupart à
s'installer ailleurs. Ils ont été donc expulsés de leur
forêt et ils sont mis à l'écart dans la gestion de cette
forêt. Les limites orientales du parc national de Boumba-Bek ont
été décidées ailleurs à l'insu des
résidents et sans leurs consentements. De plus la répression
faite dans leur localité est une « répression sauvage
». Les promesses faites lors de la mise en place du PNN ne sont pas encore
tenues. Ils sont persécutés par les écogardes à
travers les saisies abusives. « Ils confisquent nos gibiers, le seul
que nous avons pour nourrir notre famille. Nous ne pouvons plus manger la
viande en paix ; ils fouillent même nos marmites. Tu tues une gazelle qui
détruit tes cultures, ils t'envoient en prison en disant que tu es un
braconnier alors qu'ils sont des complices des
118
braconniers et des opérateurs commerciaux qui
trafiquent la viande de brousse. Où est donc notre
bénéfice dans la conservation ? » s'indigne un
habitant. Il résume la situation par une plaisanterie qu'il tient de
leur ancien maire : « Toute autorité qui est affectée
à Ngoyla arrive en pleurant, du fait de notre enclavement, et en repart
en pleurant, regrettant de ne plus jouir des fruits du braconnage qu'ils
pratiquent tous une fois installés.» Ces exemples
négatifs ont portés beaucoup de populations de la zone à
associer les projets de conservation à une expulsion forcée sans
compensation, à l'élimination de leurs droits sur leurs
territoires et à une marginalisation socio-économique. Ces
populations pensent que l'amélioration de leurs conditions de vie qui
est promis par les promoteurs de la conservation est un moyen utilisé
pour détourner leur attention afin de confisquer leur forêt. Elles
sont habitées par un esprit de révolte lorsqu'on leur parle de la
conservation de cette zone.
Ces populations se plaignent surtout contre l'Etat comme nous
montre le graphique ci-après :
100
E
40
Effe5ctifs
ect
50
fs
60
90
80
70
30
20
10
0
Promoteurs du projet
27
ONG Etat Exploitants
forestiers
84
87
16
Source : enquête de terrain, Août-septembre 2011.
Figure N°20 : Acteurs concernés par les
récriminations des populations dans l'interzone.
De ce graphique on constate que les populations se plaignent
plus contre l'Etat. Selon elles c'est lui qui devait les sensibiliser et
développer leur localité, mais il ne les sensibilise pas ; il ne
les implique pas dans la gestion des ressources et elles n'ont pas
d'alternatives. On constate ensuite que les plaintes contre les ONG comme le
WWF sont également très considérables. Elles affirment que
les saisies effectuées par le personnel du MINFOF sont abusives. Pour
cette raison elles ont souvent de très mauvaises relations avec les
agents de cet ONG. Freudenthal E. et al (op cit.) mentionne qu'au sorti du
travail de terrain mené par FPP (Forest Peoples Programme) en 2010
«le WWF était encore très impopulaire auprès de
la
119
population locale du fait qu'il promeut l'imposition de
restrictions à la chasse, à tel point que les habitants de la
ville de Ngoyla refusaient de vendre des produits alimentaires au personnel du
WWF». Les promoteurs des projets viennent en troisième place,
les populations affirment qu'elles n'ont pas été
impliquées dans la conception du projet. Les plaintes contre les
exploitants forestiers sont enregistrées seulement dans les
localités où l'exploitation forestière est effective :
Messok, Zoulabot 2 et Nkondong 1.
III.2. Les principales attentes des populations locales
vis-à-vis des projets de conservation de l'interzone Dja-parc national
de Nki.
Face à la pauvreté en infrastructures de
l'interzone, les différents impacts générés par les
projets de conservation de l'interzone suscitent les populations et
autorités administratives locales d'énumérer certaines
attentes et promesses.
III.2.1. Une région pauvre en
infrastructures
La région qui abrite le massif forestier en
conservation est une zone très enclavée. Il y a un fort contraste
entre sa richesse naturelle et le niveau de développement des
populations. Ces projets suscitent de nombreux espoirs de développement
des infrastructures auprès des populations locales. Que ce soit du
coté de Messok ou du coté de Ngoyla qui sont des
«villes» de la localité en passant par les villages, il
n'existe pas d'infrastructures de qualité. Si les tronçons
Lomié-Messok et Lomié-Ngoyla sont un peu praticables, ces routes
deviennent de véritables enfers lorsqu'il pleut. Elles sont
longées de bosquets, de bourbiers et de nids de poules. Ce sont parfois
des pistes sinueuses plutôt que des routes. Il n'existe pas de routes
secondaires mais plutôt de pistes. Le moyen de déplacement le plus
utilisé dans la région est la moto et la marche à pied.
Pour se rendre par exemple au marché (les seuls marchés de
l'interzone sont Messok et Ngoyla ; ils ont lieu chacun deux fois par semaine)
les populations des villages éloignés des villes parcourent plus
de 25 km, ceci à pied. En plus de cet état des routes, pour se
rendre à Ngoyla il faut traverser la Dja, ceci à l'aide du bac.
Ce vieux pont mobile, en plus de sa lenteur, est conditionné par le
niveau de l'eau. Lorsque la saison sèche perdure il n'est plus utile, il
ne peut plus se déplacer. D'un autre angle, on constate aussi la
rareté des centres de santé. Néanmoins, il existe
seulement trois centres de santé dans les localités
enquêtées (Ngoyla, Zoulabot 2 et Messok). La qualité des
soins administrés dans ces centres est déplorable.
L'hôpital de Ngoyla n'a plus de médecin depuis près de
trois ans. Ces centres manquent régulièrement même les
médicaments de base. Pour transférer un malade d'un hôpital
à l'autre les populations éprouvent plusieurs difficultés.
Les populations n'ont pas souvent accès à l'eau potable comme
c'est le cas à Messok.
120
Quant aux établissements scolaires, dans les
localités retenues pour l'enquête, on compte trois
établissements d'enseignement secondaire dans les villes et de nombreux
établissements de premier degré disséminés dans les
villages. Parlant des infrastructures telles les adductions d'eau, le
téléphone et l'électricité, il n'y existe presque
pas. La majorité des forages ne fournissent pas de l'eau. La ville de
Ngoyla est reliée au réseau Camtel. Cette ville est
alimentée en énergie électrique par le groupe
électrogène de l'ONG WWF ; la ville de Messok quant à elle
avait aussi un groupe électrogène mais elle ne fonctionne plus.
De la même manière, ce manque se constate aussi au niveau des
centres de loisirs et d'encadrement des jeunes. Ceci traduit un enclavement
notoire et la pauvreté des populations de cette région.
III.2.2. Les attentes des populations
Face à cette rareté accrue des infrastructures
les populations qui habitent la zone en conservation sollicitent des promoteurs
de ces projets l'amélioration de l'offre en infrastructures
communautaires qui sont:
· Le développement des alternatives,
· La potabilisation et la multiplication des forages et
adduction d'eau,
· L'installation et l'étirement des câbles
électriques qui fournira de l'électricité,
· La création et l'équipement des
écoles,
· Le lotissement et la diversification des centres de
santé,
· La construction du pont sur le fleuve Dja,
· L'aménagement des différentes routes,
· L'installation du téléphone, de la
télévision et de l'internet,
· La création des forêts communautaires,
· Le respect des cahiers de charge par les promoteurs de la
conservation,
· L'aménagement et la viabilisation de la ville
de Ngoyla. Ces attentes par localité enquêtée sont
présentées dans le tableau ci-après.
Tableau N° 19 : Les attentes des populations par
rapport aux projets de conservation.
Village Attentes
|
Messok
|
Ngoy- la
|
Zou- labot1
|
Nkon- dong1
|
Dja- dom
|
Etékes- sang
|
Zou- labot2
|
Nkon- dong2
|
Bare- ko
|
Totaux
|
Route
|
11
|
13
|
1
|
2
|
2
|
5
|
3
|
2
|
0
|
39
|
Hôpital
|
12
|
11
|
4
|
1
|
0
|
3
|
2
|
0
|
0
|
33
|
Ecole
|
0
|
0
|
2
|
1
|
0
|
0
|
1
|
1
|
0
|
6
|
Pont sur
la Dja
|
1
|
7
|
2
|
2
|
0
|
2
|
1
|
0
|
0
|
15
|
Alternati- ves
|
8
|
6
|
2
|
0
|
3
|
2
|
2
|
0
|
1
|
24
|
121
Eau potable
|
8
|
0
|
0
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
9
|
Autres
|
8
|
2
|
1
|
0
|
0
|
1
|
2
|
0
|
0
|
14
|
Totaux
|
48
|
40
|
12
|
6
|
6
|
13
|
11
|
3
|
1
|
140
|
Source : enquête de terrain, Août-septembre
2011.
D'après ce tableau, près de 28 % de la
population enquêtée soit 39 personnes sur 140 présentent
comme principale attente le développement des routes. Ce fort
pourcentage qu'occupe le développement des routes parmi les attentes des
populations locales, est significatif et exprime les difficultés de
déplacement qu'elles rencontrent. Les routes sont le premier facteur de
développement selon elles. « Là où la route
passe, le développement suit » clament ces populations. Le
problème majeur des populations de l'interzone résulte de
l'enclavement. L'amélioration de l'offre des soins sanitaires quant
à elle regorge 24 % de la population soit 33 personnes sur 140
enquêtées. Comme le montre ce tableau, les populations de toutes
les localités sont également confrontées au
problème d'accès au soin de santé de qualité. Les
alternatives occupent la troisième place et représentent 17 % des
attentes de ces populations. Le pont sur la Dja occupe également une
place de choix. En effet, il représente 11 % de la population. On
constate que ce pont est très réclamé dans les
localités de l'arrondissement de Ngoyla. L'eau potable occupe une place
de choix, surtout chez les populations de Messok et de Djadom. Ceci traduit les
difficultés d'accès à l'eau potable dans ces
localités ; difficultés que nous allons aborder dans les
paragraphes à venir. Les autres attentes concernent surtout le
recrutement des jeunes de la localité comme des écogardes, le
respect des cahiers de charges par les différents promoteurs.
L'amélioration des infrastructures scolaires occupent 4 % des
attentes.
III.2.3. L'amélioration des conditions de vie
des populations locales.
D'après notre étude réalisée dans
l'interzone, les populations autochtones ont des conditions de vie très
déplorables. Leurs activités principales sont : l'agriculture
extensive, la chasse, la cueillette et la pêche. Leur milieu naturel est
très riche en ressources naturelles. La nature leur a doté de
nombreux gisements de minerais, de nombreux fauves et d'une forêt
luxuriante. Ces populations bénéficient peu des retombées
de cette forêt. Ceci résulte aussi de la cherté des
produits de première nécessité, de l'enclavement et du
manque d'expérience. Ces mauvaises conditions de vie se remarquent aussi
à travers leur habitat. Elles espèrent améliorer leur
habitat grâce aux retombées des projets. Les populations de
l'interzone vivent dans un paradis (qui sont les minerais et la forêt)
sans toutefois bénéficier des fruits de ceux-
122
ci. En outre cette notion de la vie au paradis sans
bénéficier de ses avantages peut s'illustrer à travers
contraste entre les lotissements des services de la conservation et ceux des
populations locales.
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Planche photo N°23: Contraste entre les
habitations dans l'interzone. L'image (A) montre le siège
du WWF, (B) est le poste de contrôle forestier et de chasse de Ngoyla en
construction, (C) montre la résidence du premier adjoint
préfectoral de Ngoyla et (D) l'habitat des Baka. Les maisons qui sont
sur les photos C et D sont faites de matériaux provisoires.
D'après cette planche, les lotissements abritant les
services intervenant dans la conservation se présentent
réellement comme un paradis car en comparant ces derniers à ceux
des autochtones Baka ou Djem on se retrouve dans deux mondes
diamétralement opposés. D'un côté, on perçoit
un aménagement chic doté de la modernité dans tous les
sens et de l'autre un habitat insalubre. Selon Mr Essoh hyacinthe, premier
adjoint préfectoral de Ngoyla son unité administrative devrait
refléter sa richesse naturelle. Cependant il y a un grand contraste car
selon lui, « c'est un milieu riche avec des hommes pauvres
»
III.2.4. Des populations engagées à
oeuvrer pour la conservation
La réalisation des différentes attentes sus
énumérées est un gage pour la participation à la
conservation et à l'atteinte des objectifs de conservation.
D'après notre étude faite sur la contribution et la participation
des populations locales à la conservation, on a dû constater
que
123
ces populations sont prêtes à bien participer
à la conservation. Ceci si et seulement si leurs attentes sont pris
compte. La plupart d'entre elles affirment qu'elles sont prêtes à
contribuer à l'atteinte des objectifs de conservation comme le montre le
graphique suivant.
140
Oui Non
120 100 80 60 40 20
0
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°21 : Point de vue des populations
enquêtées sur la participation à la
conservation.
La réalisation de ces différentes attentes comme
gage pour accepter ces projets avait été également
relevé par les représentants des populations autochtones lors du
dialogue Parlement-gouvernement sur les peuples autochtones des 1 et 2
septembre 2011 tenu à Yaoundé. En effet, ils ont
précisé que « (i) si leur droit au consentement libre,
préalable et éclairé n'est pas mis en place, (ii) si leurs
droits sur leurs forêts ne sont pas reconnus, et (iii) s'il n'y a pas de
mécanismes clairs pour les inclure de façon égale dans le
partage des bénéfices et avantages qui devraient découler
des projets REDD(Réduction des émissions issues de la
déforestation et de la dégradation des forets), alors ils
n'accepteront pas REDD »
L'engagement à participer à la conservation
s'observe déjà auprès des populations de l'interzone. En
effet, d'après notre étude faite sur le changement des techniques
de l'activité liée aux projets de conservation, nous avons
constaté que 37 % des populations qui chassent à Ngoyla ont
changé de technique de chasse pour utiliser celles qui sont
conseillées par les promoteurs des projets. De plus, avec le financement
des projets d'élevage qui deviennent une réalité dans leur
ville, ces populations sont fiers parce qu'elles auront des sources de
protéines animales autres que le gibier et pourront réduire leur
dépendance à ce dernier.
III.3. L'approvisionnement en eau potable dans
l'interzone.
L'interzone est très riche en ressource en eau, mais
l'eau potable nécessaire aux populations est rare. Dans cette zone,
l'accès à l'eau potable peut être considéré
comme un problème crucial. Comme certaines zones rurales du Cameroun,
l'interzone était alimentée
124
par un réseau de fontaines publiques du réseau
de Scanwater, remplacé après son échec par des dons de
forage des acteurs présents dans la zone ou ceux des particuliers. Dans
toutes les localités enquêtées les forages sont secs.
Source : Cliché Tatuebu, décembre 2011.
Planche photo N°24: Des forages
abandonnés. On observe ici des forages qui ont
été abandonnés dans les herbes parce l'eau n'y coule
pas.
Les populations utilisent généralement l'eau
puisée dans les rivières. Quelques particuliers ont creusé
des puits. Ces derniers ont une profondeur qui varie de 5à 15
mètres et ne sont pas toujours bien entretenus.En saison sèche
elles parcourent de très longues distances pour trouver de l'eau
potable. Ce problème varie en fonction des localités. Il est plus
prononcé à Messok que dans toutes les autres localités
enquêtées. Dans toute la ville il n'y a pas de point d'eau
potable. Les populations affirment que la Scanwater a fourni tous les efforts
pour leur creuser des forages mais l'eau ne coule dans aucun. La seule source
qui existe dans la ville (cf. photo ci-après) est l'unique endroit
où toutes les populations se ravitaillent.
Source : Cliché Tatuebu, décembre 2011.
Photo N°25: Le seul point d'eau potable qui
ravitaille les populations de la ville de Messok.
125
Les populations affirment que le rang commence à ce
point d'eau à 4 heures du matin (surtout en saison sèche). Les
disputes et les conflits sont récurrents à ce point d'eau. A
partir du mois de février cette source tarie souvent, les populations
doivent parcourir désormais en moyenne trois kilomètres pour
trouver de l'eau. Elles se rendent souvent dans le village voisin (Mbeng-Mbeng)
à deux kilomètres pour puiser de l'eau. Mais elles disent que le
chef de ce village les chasse parce que leur ravitaillement
génère des conflits. Pendant cette saison, les motos sont les
seuls moyens les plus commodes pour aller chercher de l'eau. Grace à ces
dernières les populations parcourent près de quatre
kilomètres afin de puiser l'eau.
A coté de ce phénomène qu'on pourrait
qualifier de naturel se posera un autre problème qui sera celui de la
pollution des cours d'eau par l'exploitation industrielle des minerais. Dans la
localité de Djadom, les populations sont déjà conscientes
de cette situation. Elles affirment qu'elles craignent l'avenir de leur village
en ce qui concerne l'accès à l'eau potable. Le seul cours d'eau
qui alimente leur village prend sa source à Mbalam, lieu où se
déroulera l'exploitation du fer.
La loi No 98/005 du 14 avril 1998 portant régime de
l'eau stipule en son Article 6 alinéa 1 que « Toute personne
physique ou morale, propriétaire d'installation susceptible
d'entraîner la pollution des eaux doit prendre toutes les mesures
nécessaires pour limiter ou en supprimer les effets. Tout déchet
doit être éliminé ou recyclé. Il est tenu d'informer
le public sur les effets de la pollution et les mesures prises pour en
compenser les effets. [...] » Les populations du village Djadom
sollicitent à cet effet que les dirigeants de la société
Cam Iron leur créent des forages. Une amélioration des conditions
de vie des populations de cette localité doit passer par la
création des points d'eau potable.
IV IMPACTS POSSIBLES DES NOUVELLES INFRASTRUCTURES SUR
LA ZONE EN CONSERVATION.
Cette zone exceptionnel de par son étendue, ses
écosystèmes forestiers, sa biodiversité
protégée et ses nombreux gisements miniers est appelé
à accueillir de nombreux projets infrastructurels (mines, routes, chemin
de fer, barrages hydroélectriques, l'aménagement d'un
aérodrome pour les évacuations sanitaires....). L'impact
environnemental de telles infrastructures sur la zone sera de grande
ampleur.
126
Source : fond de carte L'atlas du Cameroun, 2010 et
enquêtes de terrain 2011 Figure N°22 : Localisation des nouveaux
moyens de transport et industries minières dans l'interzone.
IV.1. La route et le chemin de fer.
Dans le cadre des projets d'exploitation des minerais il est
prévu :
? La construction d'une ligne de chemin de fer long de 450 km
qui relie Mbalam à Kribi pour faciliter l'exportation des minerais
extraits ;
? Le bitumage de l'axe Souanké
(Congo)-Mbalam-Mintom-Sangmelima (Cameroun) qui relirait le Nord du Congo au
Cameroun en vue du désenclavement des sites d'exploitation
minière et de faciliter l'exportation du bois du Congo vers le port de
Douala.
La réalisation de ces différents projets
nécessite le recrutement de plusieurs employés. A coté de
ces employés il y aura des immigrants qui bénéficient des
effets induits par ces chantiers. Pendant le déroulement de ces projets
les populations devront intensifier la chasse, l'agriculture et l'exploitation
de certains PFNL pour satisfaire les besoins de ces ouvriers ressources
alimentaires. Sur l'itinéraire de ces chantiers on devra enlever la
végétation, la faune et les populations sont appelées
à migrer. Ce sera ainsi plusieurs mètres cube de bois qui doivent
pourrir en forêt. Ces projets auront d'importants impacts sur la faune
de
127
l'interzone. L'un des objectifs de la conservation de
l'interzone est de maintenir le couloir de migration des pachydermes entre les
différentes aires protégées de la TRIDOM. La
réalisation de ces deux projets se présente comme un obstacle au
maintien du couloir qui relie le parc national de Minkébé (Gabon)
à ceux du Cameroun. Les animaux ne pourront plus emprunter leur couloir
traditionnel à cause des bruits et des risques de chasse. Biedermann P.
(2010) note que « Pendant la phase de construction, l'augmentation de
la population (travailleurs et opportunistes) va causer un
déséquilibre socio-économique, avec une pression plus
forte sur les ressources naturelles, les infrastructures et les petits
commerces.» Cette route et le chemin de fer doivent aussi faciliter
le transport des produits du braconnage si les moyens de contrôle ne sont
pas renforcés. Toutes ces infrastructures de transport doivent avoir des
impacts sur la faune dans le Sud de l'interzone.
Ces chantiers auront aussi des aspects positifs sur la zone. A
coté des aspects négatifs induits par ces derniers il faut
ajouter le désenclavement de cette zone. Pour se développer il
faut des routes et des infrastructures de base. Il y aura une
amélioration des conditions de transport et des conditions de vie des
populations dans la région. Ce qu'on parcourait de longues distances
pour acheter pourra acheter à coté. Certes ces voies de transport
devront désenclaver la région mais il faudra renforcer
contrôle des produits forestiers sur ces axes.
IV.2. Les projets d'exploitation minière.
Dans les différents sites d'exploitation
minière, on va assister à la déforestation, à la
pollution de l'eau de surface et de l'eau souterraine. L'exploitation
entrainera le déplacement de la faune. Ces animaux seront exposés
à la chasse et au braconnage. Il y aura une affluence massive des
populations dans ces sites. Par exemple pour le site de Mbalam, les
spéculations prévoient la création de 1000 emplois
permanents et 3000 temporaires. Il y aura un afflux de plus de 20 000
immigrants qui bénéficient des effets induits par le
développement de ce secteur. Tout ceci entrainera une croissance
exponentielle de la population autour de ce site industriel. Toutes ces
populations auront besoin de la nourriture et la viande. Selon Defo (2007a)
depuis que la société Géovic a commencé la mise
place de ses installations d'exploitation à Nkamouna, « on
observe un afflux de la population dans la localité et une
multiplication des points de vente du gibier préparé ».
Toutes ces populations auront besoin des espaces pour pratiquer l'agriculture
et mettront ainsi de vastes étendus de forêt en culture. A
coté de ces populations attirées par l'industrie minière,
les populations autochtones doivent augmenter aussi leurs superficies des
espaces cultivés. Il y aura développement du vivrier
128
marchand. Le risque de recrudescence du braconnage susceptible
d'être encouragé par les employés de ces différents
projets sera élevé.
Actuellement les animaux qui fuient les bruits des engins
d'exploration minière iront s'installer ailleurs au risque d'être
abattus par les populations locales. Dans les villages proches du site du
gisement de fer (Yanebot, Bareko, Menkouom et Eta chefferie), les animaux
(éléphant, gorille, chimpanzé, singe...) causent des
dégâts sur les cultures vivrières des populations. Les
chantiers miniers auront donc trop d'impacts sur ces différents sites :
déforestation, risque de braconnage, développement du vivrier
marchand, augmentation de la surface agricole...
IV.3. Les immigrants et la croissance naturelle de la
population.
Avec le développement des différents projets
évoqués plus haut, il y aura comme nous l'avons montré une
importante immigration de la population dans la zone. Ceci favorisera
l'augmentation de la population. Ajouté à la croissance naturelle
de la population, les populations de ces sites feront face à plusieurs
besoins supplémentaires. Les besoins en produits agricoles, fauniques,
en bois de chauffe seront de plus en plus importants. Il y aura
développement des activités commerciales, augmentation de la
chasse et des champs. D'importantes quantités de bois seront
coupées pour la cuisson des aliments. Dans l'ensemble, les nouveaux
venus auront assez d'impacts négatifs sur cette forêt par rapport
à sa gestion traditionnelle. Notre enquête réalisée
auprès des populations des localités étudiées nous
a permis d'avoir une idée sur le jugement qu'elles portent sur les
immigrants dans leur village. Ces points de vue sont représentés
à travers le graphique suivant.
22%
2%
76%
Oui Non
Sans avis
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°23: Point de vue des populations
enquêtées sur l'impact des immigrants sur la conservation de
l'interzone.
129
D'après ce graphique,76 % des personnes
enquêtées pensent que les nouveaux venus constituent une menace
pour la conservation de l'interzone. Elles disent que ces nouveaux viennent
exploiter et piller leurs ressources et rentrent dans leurs villages. Elles
ajoutent que ce sont ces derniers qui fournissent armes et munitions aux
populations locales pour le braconnage en contrepartie de l'argent, et parfois
eux même font la chasse. Ceux qui pensent que ces immigrants ne
constituent pas une menace représentent 22 %. Selon eux une bonne
sensibilisation et la punition de ces étrangers peuvent changer leur
comportement.
Dans ce milieu rural, la croissance démographique aura
une pression de plus en plus accrue sur les ressources naturelles. PA'AH P. A.
(2010) note qu' « on enregistre jusqu'à présent une
forte affluence des chercheurs d'emplois dans la zone minière de Mbalam.
Cette affluence des personnes a entrainé la promiscuité dans
toutes les chefferies ainsi qu'une forte pression sur la faune sauvage qui est
la seule source des protéines animales »20. Selon
Durkheim, l'augmentation de la population n'est pas sans effets dommageables
à l'environnement naturel. En effet, pour Durkheim, « tout
accroissement dans le volume et dans la densité dynamique des
sociétés, en rendant la vie sociale plus intense, en
étendant l'horizon que chaque individu embrasse par sa pensée et
emplit de son action, modifie profondément les conditions fondamentales
de l'existence collective ».21
CONCLUSION
Les populations qui vivent dans l'interzone Dja-parc national
de Nki sont déjà assez informées du projet de conservation
de leur zone. Cependant, elles craignent encore parce que au regard des autres
projets visant la conservation des ressources naturelles, elles pensent
qu'elles ne tireront pas profit de cet initiative de conservation. Les
différents promoteurs de ce projet ont mis en place plusieurs moyens qui
leur permettront de réussir la conservation. Certains de ces moyens
à l'instar de la sensibilisation et du financement des projets incitent
les populations locales à oeuvrer pour la conservation. Cette zone en
conservation est entrain d'accueillir de nouvelles infrastructures et une
immigration des populations à la recherche du travail qui entrainent une
nouvelle dynamique pour ce massif forestier.
20 PA'AH P. A.(2010) Droits des communautés
confrontées aux zones minières exclusives
transfrontalières : cas des communautés riveraines des mines de
fer et d'or de mbalam au Cameroun. P9
21 DURKHEIM, E., Les règles de la méthode
sociologique, 13ème édition, Paris, PUF,
2007, p. 112.
130
CONCLUSION GENERALE
La présente étude qui est intitulée
« les moyens d'existence des populations dans l'interzone
Réserve de Biosphère du Dja-parc national de Nki :
compatibilité ou incompatibilité avec les objectifs de
conservation », visait à identifier les différentes
activités des populations de cette zone et de montrer leurs impacts sur
la conservation. Pour cela nous avons posé la question de savoir si les
activités menées par les populations dans l'interzone
Réserve du Dja-parc national de Nki pour trouver leurs moyens
d'existence sont compatibles avec les objectifs de conservation. L'objectif
visé ici était d' « établir le niveau/degré de
compatibilité-incompatibilité entre les activités humaines
menées dans l'interzone Réserve du Dja -Parc national de Nki et
les objectifs de conservation ». De manière particulière
s'agissait pour nous de :
- Relever les facteurs naturels et socio-économiques
qui favorisent le développement des activités dans l'interzone
;
- Caractériser les moyens d'existence des populations ;
- Analyser les différentes techniques avec lesquelles sont
menées ces activités ;
- Mettre en perspective les activités menées et les
stratégies de conservation.
Pour atteindre ces objectifs de recherche, nous avons
formulé une hypothèse principale
qui stipule que « les activités menées dans
l'interzone sont compatibles pour l'heure avec les objectifs de conservation
étant donné que les densités humaines sont faibles ».
Mais de façon spécifique nous avons considéré que
:
- Le milieu naturel et les composantes
socio-économiques actuels sont à l'origine de la richesse de
cette zone dont la valorisation dépend des perspectives de l'acteur ou
des acteurs concernés ;
- La chasse sous toutes ses formes y est prédominante
et constitue la principale source de revenus ;
- Les différentes activités sont
développées avec des outils rudimentaires et des techniques
traditionnelles qui réduisent la pression sur la forêt ;
- L'accroissement démographique et la création de
nouvelles infrastructures
stimulent une dynamique qui à long terme pourrait
être néfaste pour la conservation.
Pour vérifier cette hypothèse nous avons
adopté une démarche hypothético-déductive. La
recherche documentaire et la collecte des donnés primaires sur le
terrain nous ont permis d'obtenir les résultats suivants qui ressortent
dans les différents chapitres.
131
Le milieu physique offre des conditions favorables au
développement de nombreuses activités humaines parmi lesquelles
les activités agricoles qui constituent la principale occupation des
enquêtés. Il regorge aussi des potentialités importantes
pour le développement de la chasse, la collecte des PFNL et la
pêche. Le petit commerce et l'artisanat y sont aussi pratiqués
mais de façon négligeable. L'exploitation minière est en
plein essor dans cette zone. Dans cette zone enclavée et peu
peuplée, il existe donc de nombreux types de ressources (forêt,
mines, PFNL, faune...) qui intéressent de nombreux acteurs avec des
objectifs différents. Ces différents acteurs n'ont pas la
même perception sur la valorisation des ressources de ce massif
forestier. Pour les populations locales il faut exploiter ces ressources pour
se nourrir et pour se développer ; pour les exploitants légaux et
clandestins, il faut tirer profit de ces ressources et pour l'État et
les ONG de conservation cette exploitation doit être faite de
façon durable. Tout ceci contribue à confirmer notre
hypothèse selon laquelle « le milieu naturel et les composantes
socioéconomiques actuels sont à l'origine de la richesse de cette
zone dont la valorisation dépend des perspectives de l'acteur ou des
acteurs concernés.»
Par ailleurs, cette abondance des ressources est à
l'origine du développement de nombreuses activités comme
l'agriculture, la chasse, la récolte des PFNL, la pêche,
l'artisanat,... Les populations tirent de ces activités des revenus
assez considérables qui leur permettent d'assurer leur survie.
L'enclavement, les faibles densités des populations et les
difficultés de stockage des produits agricoles rendent difficile la
commercialisation des produits agricoles. Cependant les produits de la chasse
constituent la seule source de protéines animales des populations de
notre zone d'étude. Ces produits sont sollicités aussi bien par
les populations autochtones que celles venues des autres localités et
des villes. Les revenus mensuels tirés de cette activité ont
été estimées à 83 730 Fcfa. Comparé à
ceux de l'agriculture qui s'élèvent à 75 910 Fcfa, la
vente des produits de la chasse constitue la première source de revenus
des populations de l'interzone. A travers cette dimension de la
réalité sociale, se vérifie notre hypothèse selon
laquelle « la chasse sous toutes ses formes y est prédominante et
constitue la principale source de revenus.»
Sur la base des principaux critères de
compatibilité et d'incompatibilité que nous avons établis,
nous pouvons dire que ces différentes activités ne constituent
pas pour le moment un handicap à la conservation de cette zone. En
effet, 96 % des enquêtés conservent les arbres dans leurs champs,
74% ont une durée de jachère supérieur à 4 ans. 84%
des chasseurs déclarent qu'ils utilisent le piège comme outil de
chasse. Bien que certaines techniques comme le fusil, le câble d'acier et
la pêche par empoisonnement ne soient pas compatibles avec la
conservation, les techniques les plus utilisées sont de type
traditionnel et
132
le matériel est rudimentaire et primitif. Les faibles
densités des populations, l'abondance des ressources et ces techniques
traditionnelles réduisent les impacts de ces activités sur
l'environnement. C'est là aussi que le troisième aspect de notre
hypothèse se trouve confirmé, en ce sens que « les
différentes activités sont développées avec des
outils rudimentaires et des techniques traditionnelles qui réduisent la
pression sur la forêt.»
Cette zone n'abrite pas seulement les projets de conservation.
Elle est en train d'accueillir de nouveaux projets comme ceux miniers et des
infrastructures de transport. Ces différents projets drainent vers cette
localité de nombreuses populations. De nouveaux besoins comme ceux en
terres agricoles, en bois de chauffe, en protéines animales etc se font
de plus en plus sentir dans cette zone. Tous ces idées confirment
l'hypothèse qui stipulait que «l'accroissement démographique
et la création de nouvelles infrastructures stimulent une dynamique qui
à long terme pourrait être néfaste pour la
conservation.»
À la fin de cette étude, nous pouvons dire que
les activités menées par les populations dans l'interzone sont de
type traditionnel et de ce fait, elles ont des impacts peu significatifs sur la
conservation. Cette recherche nous a permis de comprendre que dans un contexte
de faibles densités humaines (dans l'interzone les densités sont
de 1,04 hbts/km2) et sans facteurs extérieurs qui doivent
pousser les populations à augmenter la production, les populations
développent des techniques d'exploitation des ressources qui leur
permettent de conserver leur milieu. Ces activités combinées aux
différentes techniques et aux faibles densités des populations
nous permettent de confirmer notre hypothèse principale.
Au cours de cette recherche, nous avons fait face à
l'hostilité de certaines populations de cette zone. Nous avons eu
également des difficultés pour communiquer avec certaines
personnes enquêtées. Nous avons souvent fait recours à un
traducteur pour aider dans nos échanges. Les pistes suivantes pourraient
être explorées dans les études ultérieures,
notamment une étude approfondie sur l'impact des retombées de la
conservation dans la lutte contre la pauvreté dans l'interzone.
133
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138
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
RESUME ii
ABSTRACT iii
REMERCIEMENTS iv
SOMMAIRE . v
LISTE DES TABLEAUX vi
LISTE DES FIGURES vii
LISTE DES PHOTOS viii
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES ix
LISTE DES ANNEXES x
INTRODUCTION GENERALE 1
I DELIMITATION DU SUJET 2
1 - Délimitation sur le plan thématique du sujet
. 2
2 - Délimitation sur le plan spatial 2
II INTERET DE L'ETUDE 5
1 - Au plan scientifique et théorique 5
2 - sur le plan pratique 5
III PROBLEMATIQUE 5
IV QUESTIONS DE RECHERCHE 8
A - Question principale... 8
B - Questions spécifiques .. 8
V CONTEXTE SCIENTIFIQUE 8
1) Les approches ayant traité des activités qui
dégradent la forêt . 8
A - L'agriculture 9
B - La chasse 10
C - L'exploitation forestière 11
2) Quelques approches conservationnistes 12
A - L'agriculture et la conservation de l'espace 13
B - Développement durable et conservation 13
VI CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE DU SUJET . 14
A - Cadre conceptuel 14
B - Théories de référence 17
1 - La théorie des besoins de base de MASLOW 17
2 - La tragédie des communaux de GARRETT HARDIN (1968)
.. 19
3 - L'approche participative 20
3 - 1 L'approche « zone tampon » et MAB . 21
3 - 2 Les Programmes Intégrés de Conservation et
Développement (PICD) 22
VII OBJECTIFS DE L'ETUDE 25
A - Objectif principal 25
B - Objectifs spécifiques . 25
VIII LES HYPOTHESES DE L'ETUDE 25
139
A - Hypothèse principale 25
B - Hypothèses spécifiques 25
IX METHODOLOGIE 25
1 - Collecte des données ..... 26
a) Les sources secondaires 26
b) Les sources primaires 26
2 - Traitement des données et analyse 28
CHAPITRE I : PRESENTATION DES CARACTERISTIQUES DE
L'INTERZONE
RESERVE DE BIOSPHERE DU DJA -PARC NATIONAL DE NKI
30
I SITUATION GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE 30
II LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DE L'INTERZONE RESERVE DU
DJA-
|
PARC NATIONAL DE NKI
|
.. 32
|
II.1. LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES
|
.. 32
|
II.1.1. Le relief peu accidenté
|
32
|
II.1.2. Des sols épais et pauvres
|
... 33
|
II.1.3. Hydrographie
|
... 33
|
II.1.4. Un climat équatorial chaud et humide
|
.33
|
II.1.5. La végétation
|
34
|
II.1.5.1. La forêt dite primaire
|
34
|
II.1.5.2. Les forêts secondaires
|
35
|
II.1.5.3. Les forêts marécageuses
|
36
|
II.1.5.4. Les jachères
|
36
|
II.1.5.5. Les zones de cultures
|
... 37
|
II.2. LES TYPES DE RESSOURCES.
|
37
|
II.2.1. Les minerais
|
37
|
II.2.2. Le bois
|
38
|
II.2.2.1. Bois d'oeuvre
|
38
|
II.2.2.2. Bois-énergie et bois de service
|
. 39
|
II.2.3. LA FAUNE
|
. 39
|
II.2.3.1. Les mammifères
|
39
|
II.2.3.2. Les oiseaux
|
40
|
II.2.3.3. Poissons, reptiles et amphibiens
|
40
|
II.2.4. Les produits forestiers non ligneux
|
. 40
|
III. ENVIRONNEMENT SOCIOECONOMIQUE
|
. 41
|
III.1. Un peuplement cosmopolite
|
41
|
III.2. Organisation sociale
|
43
|
III.3. Importance et répartition des populations
|
45
|
III.4. Un niveau d'étude très bas
|
. 47
|
IV. SITUATION JURIDIQUE DES FORETS ET ACCES AUX RESSOURCES
DANS
L'INTERZONE 48
IV.1. Situation juridique des forêts dans l'interzone
48
IV.1.1. Domaines forestiers permanents . 49
IV.1.2. Des domaines forestiers non permanents 49
140
IV.1.3. La vocation des terres forestières dans
l'interzone 50
IV.2. Droit d'accès aux ressources et son chevauchement
dans la zone 50
CHAPITRE II : CARACTERISATION DES MOYENS D'EXISTENCE
DES
POPULATIONS DE L'INTERZONE 54
I. L'AGRICULTURE : LE PILER DE L'ECONOMIE DE LA ZONE 54
I.1.Une propriété foncière accessible et
abondante qui multiplie les possibilités agricoles 55
I.2. Les types de cultures 58
I. 2.1. Les cultures de rentes 59
1.2.2. Une agriculture vivrière extensive de type
itinérante sur brulis 60
1.2.2.1. Les types de cultures ..... 60
1.2.2.2. Les types de champs vivriers 62
1.2.2.3. La commercialisation des produits vivriers 64
II. LA CHASSE 65
II.1. La chasse traditionnelle . 65
II.2. Une chasse de plus en plus moderne ou commerciale
66
II.3. Une chasse dont ses produits sont destinés de
plus en pus à la commercialisation 67
III. L'ELEVAGE ET LA PECHE 70
III.1.Un élevage de type traditionnel . 70
III.1.1. Activités traditionnelles d'élevage .
70
III.1.2. Modernisation de l'élevage 71
III.2. Une pêche artisanale 72
IV. AUTRES ACTIVITES 73
IV. 1. Le petit commerce 73
IV.2. Une région riche en produits forestiers non
ligneux (PFNL) 77
IV.3. Un artisanat peu développé au vu de la
matière première . 79
IV.4. Une exploitation minière en plein essor 81
V. ENCLAVEMENT DE L'INTERZONE COMME FREIN AU DEVELOPPEMENT ET
A
LA DIVERSISFICATION DES ACTIVITES DES POPULATIONS 82
V.1. Un enclavement est lié à un mauvais
état des routes 82
V.2. Absence du pont sur la Dja comme une barrière
pour le développement de
l'arrondissement de Ngoyla 83
CHAPITRE III : ANALYSE DES PRINCIPALES ACTIVITES DES
POPULATIONS
SOUS LE PRISME DE LA COMPATIBILITE 87 I
INTERZONE RESERVE DU DJA-PARC DE NKI : UN ESPACE QUI ABRITE DE
NOMBREUX PROJETS DE CONSERVATION 87
I.1. La mise en place de l'interzone lié à
l'initiative TRIDOM 87
I.2. Les projets de conservation développés sur
l'interzone Réserve du Dja-parc national de
Nki. 88
II. AGRICULTURE . 89
II.1. Une agriculture qui s'étend progressivement sur
la forêt 89
II.2.
141
Une agriculture soucieuse de la conservation de l'environnement
93
II.3. Une agriculture dominée par la pratique de la
jachère 95
II.4. Une agriculture confrontée à de nombreux
problèmes 97
III LA PRATIQUE DE LA CHASSE DANS L'INTERZONE 99
III.1. Quelques moyens de prélèvement interdits par
la législation camerounaise 99
III.2. Une chasse avec des techniques dominées par le
piégeage 100
III.3. Une chasse donc les espèces les plus chassés
sont les animaux de la classe C et les
rongeurs 103
III.4. Une chasse étendue sur toute l'année 105
IV AUTRES ACTIVITES .. 106
1. L'exploitation minière .. 106
2. La pêche .. 108
CHAPITRE IV : PROJETS DE CONSERVATION, ATTENTES
DES
POPULATIONS LOCALES ET PERSPECTIVES . 109
I BREF APERCU DE L'ADHESION AUX PROJETS DE CONSERVATION DANS
LA
ZONE ...109 I.1. Projets de conservation de l'interzone
Dja-parc national de Nki et les populations
locales . 110
I. 2. Une conservation au bénéfice des populations
locales . 112
II LES MOYENS MIS EN PLACE PAR LES PROMOTEURS DE
CONSERVATION 112
II.1. La sensibilisation . 113
II.2. La répression 114
II.3. Le MINFOF dans la zone en conservation . 115
II.4. Le financement des projets . 116 III. REACTION DES
POPULATIONS FACE AUX PROJETS DE CONSERVATION.... 117
III.1. Une population sceptique à l'égard des
retombées des projets ... 117 III.2. Les principales attentes des
populations locales vis-à-vis des projets de conservation de
l'interzone Dja-parc national de Nki 119
III.2.1. Une région pauvre en infrastructures 119
III.2.2. Les attentes des populations 120
III.2.3. L'amélioration des conditions de vie des
populations locales 121
III.2.4. Des populations engagées à oeuvrer pour
la conservation 122
III.3. L'approvisionnement en eau potable dans l'interzone .
123 IV IMPACTS POSSIBLES DES NOUVELLES INFRASTRUCTURES SUR LA ZONE EN
CONSERVATION 125
IV.1. La route et le chemin de fer 126
IV.2. Les projets d'exploitation minière . 127
IV.3. Les immigrants et la croissance naturelle de la population
128
CONCLUSION GENERALE 130
BIBLIOGRAPHIE 133
TABLE DES MATIERES 138
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