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Cô d?I
REPUBLIQUE DE GUINEE MINISTERE DE
L'ENSEIGNEMENT
TRAVAIL-JUSTICE-SOLIDARITE SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
PROGRAMME DE MASTER ESPACE-TEMPS-SOCIETE
MEMOIRE DE MASTER II
THEME : ETHNICITE ET POUVOIR POLITIQUE EN COTE
D'IVOIRE
Présenté par : Sib Harkité
Hippolyte
Sous la Direction de M. Alpha Amadou Bano Barry,
Professeur, Université Général Lansana
Conté (Guinée).
Et de M. Alain Bonnassieux, Professeur,
Université de Toulouse Jean Jaurès (France).
Membres du Jury
Président du Jury : Dr. Kéfing Condé
Vice Président : Pr. Ibrahima Diallo
Rapporteur : Pr Alpha Amadou Bano Barry
Mémoire soutenu le 27 juin 2015
Année Universitaire 2013-2015
Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES i
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .iii
REMERCIEMENTS .iv
DEDICACE v
RESUME vi
INTRODUCTION .8
PREMIERE PARTIE .10
CHAPITRE I. PROBLEMATIQUE .10
SECTION I : HYPOTHESES 17
SECTION II : OBJECTIFS 17
CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUELS ET THEORIQUES
18
SECTION I : ETHNIE - GROUPE ETHNIQUE ET ETHNICITE 18
SECTION II : LE POUVOIR 22
SECTION III : LA POLITIQUE ..25
SECTION IV: LA CRISE ECONOMIQUE 31
CHAPITRE III. REVUE DE LA LITTERATURE .35
SECTION I : L'APPROHE CLIENTELISTE 35
SECTION II : L'APPROHE ETHNOCRATIQUE 40
CHAPITRE IV. DEMARCHE DE LA RECHERCHE ..46
SECTION I : LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE ..46
SECTION II : L'ANALYSE DE CONTENU 48
DEUXIEME PARTIE .50
CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES GENERALES DU PAYS
50
SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE ET DEMOGRAPHIQUE 50
SECTION II : CONTEXTE HISTORIQUE 53
SECTION III : SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE 59
CHAPITRE VI. PRESENTATION DES RESULTATS
.62
SECTION I : LE REGNE DE FELIX HOUPHOUËT BOIGNY
(1960-1993) 62
2
Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.
SECTION II : HENRY KONAN BEDIE ET L'IVOIRITE (1993-1999) 64
SECTION III : LA TRANSITION DU GENERAL ROBERT GUEI (1999-2000)
68
SECTION IV: LAURENT GBAGBO LE REFONDATEUR (2000-2010) 72
CHAPITRE VII. INTERPRETATION DES RESULTATS 78
SECTION I : L'EVOLUTION DE L'INSTRUMENTALISATION ETHNIQUE DES
LEADERS
POLITIQUES DANS LA GESTION DE L'ETAT (1960-1999) 78
SOUS SECTION I : L' HOUPHOUETISME (1960-1993)
78
SOUS SECTION II : L'IVOIRITE (1993-1999) 82
SECTION II : L'ANALYSE DE LA CONQUETE DU POUVOIR PAR LES
LEADERS
POLITIQUES 85
SOUS SECTION I : LA CRISPATION ETHNIQUE
(1999-2000) 85 SOUS SECTION II : DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL
AUX ALLIANCES POLITIQUES (2000-
2010) .87
CONCLUSION 92
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 96
ANNEXES ..103
3
Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d?Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.
«Je dédie ce mémoire de master
à mon Professeur Alpha Amadou Bano Barry et à mes très
chers Parents. Mon père le Major Sansan Sib, ma mère Koné
Céline.»
A vous, toute ma gratitude et ma reconnaissance
!!!
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d?Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
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SIGLES ET ABREVIATIONS
ADO Alassane Dramane Ouattara
AOF Afrique de l'Occidentale
Française
CCCE Commission Consultative
Constitutionnelle et Electorale
CEDEAO Communauté Economique des
États de l'Afrique de l'Ouest
CEI Commission Electorale
Indépendante
CFA (franc) Franc de la Communauté
Financière Africaine
CNDH Commission Nationale des Droits de
l'Homme
CNE Commission Nationale Electorale
CNSP Comite National du Salut Public
CURDIPHE Cellule Universitaire de Recherche
et de Diffusion des Idées et des
actions du Président Henry Bédié
FAFN Forces Armées des Forces
Nouvelles
FANCI Forces Armées Nationales de
Côte d'Ivoire
FDS Forces de Défenses et de
Sécurité
FESCI Fédération Estudiantine
et Scolaire de Côte d'Ivoire
FMI Fonds Monétaire International
FPI Front Populaire Ivoirien
MJP Mouvement pour la Justice et la Paix
MPCI Mouvement Patriotique de Côte
d'Ivoire
MPIGO Mouvement Populaire Ivoirien du Grand
Ouest
ONI Office National de l'Identification
ONU Organisation des Nations Unies
PDCI-RDA Parti Démocratique de
Côte d'Ivoire- Rassemblement Démocratique
Africain
ORSTOM Office de la Recherche Scientifique et
Technique Outre-Mer
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
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REMERCIEMENTS
Ce mémoire de Master est l'aboutissement de plusieurs
années de travail académique qui n'aurait vu le jour sans
l'accompagnement, le suivi et les conseils de plusieurs personnes.
Je profite de ce fait remercier mon directeur de
mémoire Pr. Alpha Amadou Bano Barry, Recteur de l'Université
Winfrey Oprah, qui n'a ménagé aucun effort malgré ses
occupations professionnelles m'a guidé dans ce travail laborieux.
Aux Professeurs Alain Bonnassieux et Laurien Uwizéimana
de l'Université Toulouse Jean Jaurès qui m'ont apporté
leurs expériences en matière d'ethnicité sur les pays dont
ils ont une expérience directe à savoir la Côte d'Ivoire et
le Rwanda.
Nos remerciements vont à l'intention de tous nos
intervenants au programme de master pluridisciplinaire
Espace-Temps-Société qui, m'ont accueilli à tout moment et
n'ont cessé de me présenter leur gratitude par des conseils. Pr.
Sidafa Camara, Pr. Ibrahima Diallo, Dr. Kefing Condé, Pr. Bano Nadhel
Barry, Dr Mabetty Touré, Dr Camara Abdoulaye.
Un merci spécial au Pr. Siddy Malhado Baldé et
Dr. Kadiatou Lamarahna qui, au-delà des relations académiques ont
été de véritables père et mère.
Mes remerciements vont aussi à l'endroit du Père
Jean Ollo Kansié et à la Soeur Jocéline Kiénou qui
n'ont cessé de me motiver davantage au travail.
Je ne saurai finir ces remerciements sans penser à mes
frères et soeurs qui sont Marius, Flore , Alexis,
Sabine, Samuel et Elysée.
Enfin, mes remerciements vont à l'endroit de toutes
personnes qui de près ou de loin ont contribué d'une
manière ou d'une autre à la rédaction de ce
mémoire.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
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RESUME
Ce mémoire est intitulé "Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire". Avec pour question de recherche,
celle de savoir comment le sentiment d'appartenance ethnique a
été utilisé dans la vie politique de la Côte
d'Ivoire.
Cette recherche participe à la compréhension du
phénomène ethnique dans la vie politique en Côte d'Ivoire
d'une part et d'autre part, contribué, par le biais de la recherche,
à démontrer le recours à la dimension ethnique des leaders
politiques dans la vie politique en Côte d'Ivoire. Pour rendre notre
question de recherche opérationnelle, nous avons émis
l'hypothèse selon laquelle le
sentiment d'appartenance ethnique a été
régulièrement instrumentalisé et reconstruit à
partir d'une mobilisation qui prolonge, renforce et met en cause les
frontières ethniques ou régionales.
Du point de vue méthodologique, la démarche
adoptée est la recherche documentaire et l'analyse de contenu. Dans la
revue de la littérature, les différents points de vue ont
été regroupés en deux approches : L'approche
clientélisme et l'approche ethnocratique.
Il est apparu dans les résultats que l'introduction de
la culture du café-cacao a mis en place trois personnages qui ont
composé la scène politique ivoirienne dès le début
de la colonisation française. La puissance conquérante, les
ethnies et l'économie de plantation ont été des enjeux
pour légitimer l'action de la colonisation dans la nomination et la
hiérarchisation des ethnies. Le recours à la mobilisation
ethnique dans la compétition pour le pouvoir politique était
pratiqué par les acteurs de la scène politique ivoirienne lors
des élections présidentielles de 1995, 2000 et de 2010.
Cependant, il est apparu aussi que les stratégies de mobilisation
varient d'un candidat à un autre et d'une élection à une
autre. Si certains candidats le faisaient par des révisions
constitutionnelles, d'autres ont utilisé des conflits inter-ethniques,
la haine et la xénophobie.
Nous sommes arrivés à la conclusion que la
mobilisation ethnique, dans la perspective d'en faire une base
électorale, lors de ces élections, était réelle.
Cette réalité tient au fait que les acteurs politiques dans leur
lutte pour le contrôle du pouvoir d'État ont également
désignés les migrants étrangers comme responsables de la
crise économique ivoirienne.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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C'est exactement l'un des arguments que certains politiques
utilisent pour convaincre leur base électorale. Lors de
l'élection présidentielle de 1995, le candidat du PDCI a
systématiquement eu recours à cette pratique. Le candidat du FPI
a bénéficié du souvenir des événements du 26
Novembre et du soutien de l'administration publique, de l'armée et de
celui de plusieurs groupes ethniques minoritaires en 2000.
En 2010, le PDCI et le RDR qui avaient présenté
un candidat face au FPI ont signé des accords d'alliance dans la
perspective d'un second tour. Ces accords eurent des effets sur le contenu des
discours de la campagne. Aucun des candidats ne parlait au nom d'une ethnie
particulière mais au nom des deux candidats du RHDP (Rassemblement des
Houpouétistes Pour la Démocratie et le Progrès). Ceci a eu
pour conséquence de rendre les discours plus modérés et
réconciliateurs.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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INTRODUCTION
Les études effectuées sur l'ethnicité ont
permanemment avancées plusieurs mobiles pour comprendre et expliquer le
recours à l'ethnicité dans les luttes sociales, religieuses et
politiques. Les auteurs se sont le plus souvent intéressés aux
acteurs, aux enjeux et aux stratégies utilisés par les
politiciens pour mobiliser les ethnies. Cependant en Afrique, les
questionnements sur l'identité, l'appartenance ethnique et les
réseaux sociaux déterminent tant le milieu de vie que les choix
politiques dans la société africaine.
Cet état de fait d'instrumentalisation des
identités ethniques ou des origines sociales par les leaders politiques
pour accéder ou se maintenir au pouvoir date de très longtemps et
reste d'actualité en Afrique. Les guerres inter-ethniques, les crises
politiques, les rebellions, les scissions des territoires sont autant
évènements issus de l'instrumentalisation des ethnies qui ont
engendré des crises ethno-politiques sans précédents. Par
ailleurs, cette instrumentalisation des ethnies s'est produite à travers
une conservation systématique du pouvoir présidentiel par
certaines ethnies qui se sont institutionnalisées en partis politiques.
Ce mémoire intutilé « Ethnicité et Pouvoir Politique
en Côte d'ivoire », émet une série de
réflexions sur les facteurs qui concourent à la mobilisation des
entités ethniques en Côte d'ivoire autour des leaders
politiques.
Ce mémoire analyse les facteurs économiques, les
migrations étrangères, les enjeux sociopolitiques et les
pratiques clientélistes qu'usent les leaders politiques ivoiriens pour
accéder au pouvoir avec une perspective principale :
Comment expliquer l'instrumentalisation continuelle des
ethnies sur la vie politique ivoirienne ?
Ce présent mémoire se divise en deux parties
distinctes composés de sept chapitres. La première partie se
subdivise en quatre chapitres. Le premier chapitre présente la
problématique, le deuxième quant à lui traite du cadre
conceptuel et théorique. Le troisième chapitre aborde la revue de
la littérature et le quatrième chapitre porte sur la
méthodologie de recherche.
Au plan méthodologique, les techniques utilisées
sont la recherche documentaire et l'analyse de contenu. La recherche
documentaire concerne les documents comme les ouvrages, les revues, le journal
officiel de l'Etat, la presse écrite, les mémoires, et les
thèses portant sur la Côte d'Ivoire. Les pratiques politiques des
leaders de la Côte Ivoire dans la mobilisation des ethnies allant de 1960
en 2010 sont au centre de cette recherche.
La seconde partie du mémoire se subdivise quant
à elle en trois chapitres. Le premier présente le cadre
d'étude ; Le deuxième chapitre expose la présentation des
données et, le troisième
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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chapitre porte sur l'interprétation des
résultats. Enfin nous relatons dans la conclusion les principaux
résultats de cette recherche.
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE I. PROBLEMATIQUE
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A la suite de la conférence de Berlin 1884-1885, la
Côte d'Ivoire fut placée dans l'Afrique Occidentale
Française (AOF). Ce n'est qu'en 1903 que des frontières furent
définitivement tracées entre la Côte d'Ivoire et le Ghana.
La frontière avec la Guinée fut établit en 1906. Celle
avec le Libéria fut définitive en 1907, celle avec le Burkina
Faso le fut en 1932 et enfin la frontière avec le Mali fut tracée
en 1945.
Durant la période coloniale, la politique de
développement agricole du café et du cacao, mis en place par les
colonisateurs français, a mobilisé des capitaux étrangers
et a fini par faire de la Côte d'Ivoire un pôle économique
capital, attirant une main-d'oeuvre sous-régionale. Ainsi, des vagues
successives d'immigrations ont alimenté ce besoin croissant en
ressources humaines sur les différents chantiers de la Côte
d'Ivoire. De sorte qu'entre 1920 et 1940, le système d'approvisionnement
en main-d'oeuvre passa de la réquisition obligatoire au volontariat
(Zongo ; 2003).
Le Président Félix Houphouët Boigny
pérennisa cette politique agricole coloniale qui aboutit à une
politique d'ouverture économique de la Côte d'Ivoire sur
l'extérieur. Cet essor économique en forte expansion engendra une
politique qui favorisa à son tour une grande attractivité de
main-d'oeuvre qualifiée constituée de migrants en provenance de
l'Afrique de l'Ouest qui intervinrent non seulement dans le secteur primaire
mais aussi dans les secteurs secondaires et tertiaires ( Touré et al ;
1993). Cette migration de économique s'amplifia en raison du "miracle
ivoirien" des années 1970-1980, de l'instabilité politique dans
les pays limitrophes de la Côte d'Ivoire et surtout des incertitudes
agro-climatiques de certains pays de l'hinterland de l'Afrique de l'Ouest.
Ainsi, selon les statistiques du ministère de
l'aménagement territorial, on dénombrait dès 1950 que 50%
de la population ivoirienne était d'origine étrangère ;
17% en 1965, 22% en 1975, 28% en 1988 et 26% en 1998. Nombreux furent les
étrangers qui se sont naturalisés ivoiriens soit par alliance,
soit par la procédure judiciaire afin de participer activement à
l'édification du pouvoir du Président Félix Houphouët
Boigny qui, a dû nommer des ministres "étrangers" dans son
gouvernement lors de la première république.
Après l'indépendance, la Côte d'Ivoire
s'est inspirée des dispositions de la constitution Française de
1958. Cette constitution fut quant à elle adoptée en 1959 par
l'Assemblée Territoriale. A l'instar des autres constitutions, la
constitution ivoirienne prévoyait dès 1960 le multipartisme avec
une séparation des pouvoirs1. Mais vu la montée en
puissance du parti unique dans les autres pays de l'AOF, le pouvoir
exécutif de la première République a condamné
toutes tentatives de multipartisme. Pour éviter toute destitution du
Président par le parlement, il eut une révision de la
1 Loi n 59-1 du 26 mars 1959 portant loi
constitutionnelle
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constitution. Celle-ci favorisa la transition du régime
parlementaire au régime présidentielle accordant ainsi plus
d'autonomie politique dans la gestion du pouvoir au Président
Félix Houphouët Boigny.
En outre, cette nouvelle constitution lui accordait un mandat
illimité et un pouvoir plus étendue dans l'exercice de ses
fonctions. Ce pouvoir monolithique a engendré de ce fait une
Assemblée monocolore à la solde du pouvoir exécutif, ce
qui lui a valu le nom de chambre d'enregistrement (Wodié ; 1996). Les
procédures de révision de la constitution ont été
à plusieurs égards biaisées. L'étape de la prise en
considération d'un texte était confondue avec l'adoption
définitive du texte (Djedro ; 1992). D'où une imposition des lois
à la population. En vue de se maintenir ou maintenir le PDCI RDA au
pouvoir, en 1963 la constitution fut révisée en son article 11
concernant la vacance du pouvoir qui devra être assurée par le
Président de l'Assemblée ( Togba ;1983).
Dès l'accession de la Côte d'Ivoire à
l'indépendance, le Président Houphouët se fit entouré
de cadres restreints issus d'une bourgeoisie d'élites, comme
clientèles politiques, s'accaparant du café et du cacao et
occupant une place importante dans l'administration et des prises de
décisions. L'émergence de cette bourgeoisie se justifiait par la
mise en place d'investisseurs de substitution dans une économie
ivoirienne dominée par les étrangers. Houphouët-Boigny
raffermit ainsi son pouvoir sur le mythe du sens supérieur de
l'État propre à son groupe d'appartenance ethnique et de la
culture du café et du cacao. Selon Memel Fotê Harris, ce mythe
repose sur le double socle de « l'idéologie ethnocentrique de
l'État et l'idéologie aristocratique de l'ethnie »
(Fotê ; 1999).
Ce mythe légitimiste datant de la colonisation avait
hiérarchisé les ethnies sur la base de l'existence de
l'État, du développement de l'écriture et du livre. Ainsi,
les Mandé et assimilés furent au sommet de la hiérarchie,
ensuite les Akan au milieu et les Kru au bas de l'échelle. Ce mythe
aurait été réécrit par « une fraction Akan
de la classe politique ivoirienne » durant la décolonisation
et après les indépendances selon le mode Akan. Ce travail de
réécriture a repositionné le groupe Akan au sommet de la
nouvelle hiérarchie avec à sa tête les Agni et les
Baoulé, vient ensuite le groupe Mandé et au bas de
l'échelle, les Kru » (Fotê ; 1999).
Le 07 décembre 1993 après la mort du premier
Président de la Côte d'Ivoire Félix Houphouët Boigny,
conformément à l'article 11 de la constitution ivoirienne
promulguée par la loi n° 60-356 du 3 novembre 1960, le
Président de l'Assemblée Nationale Henry Konan
Bédié du groupe Akan, d'ethnie Baoulé et du Parti
Démocratique de Côte d' Ivoire (PDCI) accéda à la
magistrature suprême non sans violences inter-ethniques. Pour
écarter ses adversaires potentiels, en l'occurrence Alassane Ouattara du
Rassemblement Démocratique des Républicains (RDR), aux
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origines Burkinabè mais d'ethnie Dioula, il créa
selon la Revue Relations / Centre justice et foi, le concept
"d'ivoirité" qui fut utilisé pour la première fois le 26
aout 1995 par le Président Henry Konan Bédié.
L'article 6 de la constitution du 20 décembre 1961
stipule: « est ivoirien tout individu né en Côte d'Ivoire
sauf si ses deux parents sont étrangers ». Alors que, la loi
94-642 du 13 décembre 1994 portant sur le code électoral en son
article 49 stipule : « Nul ne peut être élu
Président de la République s'il n'est âgé d'au moins
quarante ans révolus et s'il n'est Ivoirien de naissance, né de
père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance. Il doit
n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne ...
». C'est sur de article qu'est né le concept
d'ivoirité, faisant ainsi la distinction entre les ivoiriens de souches
et les ivoiriens de circonstances ou d'origines "étrangères".
Apres l'instauration du concept d'ivoirité, Henry Konan
Bédié favorisera la continuité des pratiques politiques du
régime de Félix Houphouët Boigny en renforçant
davantage son pouvoir par des révisions constitutionnelles en 1998
(Basile; 1999). Ces révisions lui accordaient plein pouvoir en
période de crise et une augmentation du mandat présidentielle
à 7 ans. Ce que certains ont nommé de régime
présidentialiste autoritaire. On dénombre à cet effet huit
révisions de l'article 11 entre 1960 et 1998 et sur les 76 articles que
comptait la constitution de 1960, 53 furent révisés en 1998.
Le 24 décembre 1999, le chef d'Etat Major, le
Général Robert Gueï, Yacouba du groupe Kru, accède
à la présidence après un putsch contre le Président
Henry Konan Bédié. La Côte d'ivoire est entrée dans
la deuxième république. Pour légitimer sa gestion du
pouvoir politique, la junte a procédé d'une manière
autoritaire pour instituer une nouvelle constitution.2 Ainsi la
junte a deux fois de suite modifier le projet d'avant projet de constitution
avant de le publier dans le Journal officiel de la République tout en
occultant le caractère souverain de l'Assemblée Constituante. Si
la démocratie est la gestion selon la loi, cela sous entend que le
respect de la constitution est capital dans l'exercice du pouvoir politique
(Wodie ; 2007). Durant la crise militaro-politique, cette constitution fut
révisée de manière informelle à plusieurs reprises
afin de résoudre cette crise.
Le 23 juillet 2000, la nouvelle constitution favorisa un
referendum sur le concept d'ivoirité dans l'objectif d'évincer le
candidat du RDR, Alassane Ouattara de la course à la présidence.
Cette attitude politique fit ressurgir les conflits inter-ethniques entre les
militants des différents hommes politiques. C'est-à-dire les
ethnies du Nord pro- Alassane Ouattara contre les ethnies de l'Ouest pro-
Robert Gueï et les Ethnies du Sud pro-Laurent Gbagbo.
2 Décret n 2000-383 du 17 Juillet 2000
portant projet de modification de la constitution, JORCI, 2000 n 28 du 20
Juillet 2000
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Les élections du 22 octobre 2000, organisées par
le Général Robert Gueï, menèrent Laurent Gbagbo le
candidat du Front Populaire Ivoirien (FPI) au pouvoir. Le Général
Gueï demanda ainsi l'annulation du processus de cette élection.
Mais Laurent Gbagbo, après un soulèvement populaire dont il fut
l'initiateur le 24 octobre 2000 (AFP ; 2000), fut investi Président de
la République le 26 octobre 2000.
De violents affrontements politico-ethniques opposèrent
les militants de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Au lendemain du 26
octobre 2000, environ 57 corps (RFI ; 2000) sans vie des partisans du RDR
furent retrouvés dans le quartier de Yopougon à Abidjan
d'où le "Charnier de Yopougon". Le gouvernement en place avec des
représentants des partis politiques tentent de réconcilier les
populations ivoiriennes, mais en vain. Cette première tentative se solde
par un échec. Car deux ans après, le tissu inter-ethnique et
social sera une fois de plus remis en cause et fragilisé par les
politiques.
L'allure des conflits politico-ethniques va se traduire par
une rébellion subdivisée en trois branches principales sous
l'égide des partisans pro-Alassane Ouattara constituées
généralement des ethnies du Nord et du Centre appelé
Mouvement Patriotique de la Côte d'Ivoire (MPCI) et des partisans du
Général Robert Gueï à travers le Mouvement
Patriotique Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO). Puis au Centre-Est par les Ethnies
nordistes résidant dans cette zone. Ceux-ci créèrent le
Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP). Ces mouvements regroupés
plus tard en Force Armée des Forces Nouvelles (FAFN) se
coalisèrent contre le Président Laurent Gbagbo en exigeant sa
démission. Le camp présidentiel quand à lui fut à
l'origine des milices armées et des sections Paramilitaires comme
l'Escadron de la Mort et le Centre de Commandement des Opérations
Sécrètes (CECOS) en réponse à la rébellion.
Ces conflits politico-ethniques créèrent la guerre civile, suivie
de désolation et de ruine avec des exactions, assassinats et
meurtres.
Le conflit politico-ethnique s'est accru surtout dans la
partie Nord de le Côte d'Ivoire à travers la consolidation et la
fortification de la confrérie Dozo3 qui habite dans la partie
Nord de la Côte d'Ivoire, au Sud du Burkina, Sud- Est du Mali et au Nord-
Est de la Guinée. Ainsi, cette confrérie à travers des
membres et sa localisation géographique prêtent main forte en cas
de conflits dans l'un des pays ou l'on demande leur service. De ce fait, les
populations du Nord de la Côte d'Ivoire et les étrangers en
particulier Burkinabé et Malien furent stéréotypés
comme étant tous des étrangers qui concourent à
l'instabilité politique et socio-économique de la Côte
d'Ivoire.
Guillaume Soro fut nommé premier ministre après
les accords entre les belligérants de la crise. Il eut à cet
effet un bouleversement de l'ordre constitutionnel à travers une
imposition au pouvoir
4 Confrérie de Chasseurs.
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discrétionnaire du Président Laurent Gbagbo qui,
quand à lui usa, de son pouvoir en période de crise pour nommer
ses adversaires politiques pour sortir de la crise sans tenir compte des
dispositions de l'article 35 de la constitution qui stipule que:
Le Président de la République est élu
pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible
qu'une fois. Le candidat à l'élection présidentielle doit
être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans
au plus. Il doit être ivoirien d'origine, né de père et de
mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais
renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit
s'être jamais prévalu d'une autre nationalité. Il doit
avoir résidé en Côte d'Ivoire de façon continue
pendant cinq années précédant la date des élections
et avoir totalisé dix ans de présence effective.
Ce conflit politico-ethnique perdurera durant le mandat de
Laurent Gbagbo jusqu'à l'accession d'Alassane Ouattara à la
présidence le 6 Mai 2011. On dénombra ainsi, suite à la
crise post électorale de 2011, 3000 morts (ONU ; 2011) sur toute
l'étendue du territoire ivoirien.
Cependant, le 13 juillet 2011, la Commission Dialogue
Vérité et Réconciliation (CDVR) tente de
réconcilier les Ivoiriens. Malgré ces efforts, d'autres conflits
politico-ethniques ont eu une recrudescence dans l'Ouest ivoirien
principalement dans les villes de Man et de Duékoué. Dans cette
zone de l'Ouest principalement à Duékoué, on assista
à un massacre entre les ethnies du Nord pro-Alassane et les autochtones
de l'Ouest pro-Gbagbo, faisant ainsi 800 morts (CICR ; 2011). De ce fait, 60
à 75 % des Wê eurent à fuir leurs localités
d'origine (Laurent ; 2011). La diversité ethnique est un enjeu politique
capital dans la structuration de ce pays. Ce qui rend fragile d'une part la
coexistence inter-ethnique pacifique et d'autre part le maintien et la
stabilité de la paix durable. Au regard de toutes ces données,
comment le sentiment d'appartenance ethnique a été utilisé
dans la vie politique de la Cote d'Ivoire ?
Sur la question de l'instrumentalisation des ethnies par les
politiciens, un certain nombre de théories sont concurrentes. Pour les
tenants du clientélisme comme Amselle Jean-Loup (1992), Jean-Louis
Briquet (1995) et Virginie Martin (1999), le clientélisme est une
attitude des politiciens qui consiste à accroitre leur influence, en se
créant une clientèle par des procédés
démagogiques. Pour ces auteurs, le clientélisme est une pratique
politique officieuse qui tire ses origines des sociétés
traditionnelles africaines. Ainsi, cette pratique s'oppose à la
politique moderne surtout en démocratie. Les politiciens utilisent
généralement des réseaux de solidarité ou de
référence sociale qui peuvent être entre autres, des
groupes d'appartenance ethnique, des groupes d'amis, des groupements
d'intérêts économiques. L'instrumentalisation de ces
groupes de référence et
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institutions sociales traditionnelles passe le plus souvent
par des obligations réciproques vis à vis des politiciens.
De la sorte, on constate une homogénéité
entre le politicien et ses clients, une symbiose entre eux. Ce
clientélisme favorise la corruption de la part des clients après
élection de leur leader à la présidence. Dès lors,
le Président leur accorde après son élection, un statut
privilégié afin de compter sur leur mobilisation effective dans
d'éventuelles élections futures. Une fois élu, le
Président dans l'obligation de tenir ses promesses promulgue des
décrets ou des lois privilégiant son groupe ethnique.
Généralement, ceux-ci occupent les principaux postes
administratifs, politiques et économiques.
Il s'ensuit une exclusion des autres groupes ethniques qui ne
sont pas de l'ethnie du président. Le paroxysme de l'une des
conséquences du clientélisme est la restriction des
libertés des membres d'autres groupes ethniques.
Les clients présents dans l'appareil administratif
s'accaparent des postes stratégiques. En utilisant leur statut à
travers des manoeuvres tactiques, ils excluent quelques fois les partisans
d'autres concurrents politiques dans la gestion de la chose publique. Parfois,
les clients intègrent des partisans de l'opposition à condition
que ceux-ci fassent défection de leur parti d'origine en adhérant
au camp présidentiel.
Comme le pensent, Mayer Pierre (1990), Alain Pages (2001) et
le CPJMO (2013), l'ethnocratie est la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir
au détriment des autres ethnies du pays. L'ethnie étant un
construit social. Cette théorie admet que les politiciens s'appuient sur
leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes. Ainsi, les
membres d'une parenté voir d'un groupe ethnique prêtent
allégeance au politicien de leur contrée ethnique. Les promesses
faites aux membres de son ethnie favorisent ceux-ci à voter massivement
pour le politicien qui doit accéder à la présidence.
Le clientélisme et l'ethnocratie sont des pratiques
utilisées par les politiciens afin de mobiliser leur électorat.
Ces deux théories semblent être similaires dans la pratique. Car
elles utilisent les ethnies pour susciter un électorat, elles utilisent
les membres de leurs références sociales d'appartenances lors des
nominations. La corruption est le fait emblématique de ces deux
théories.
Mais la singularité du clientélisme est qu'il
n'utilise pas seulement le groupe ethnique d'appartenance. Donc le leader
politique s'entoure de plusieurs groupes ethniques, mais pourrait lors de sa
succession à la présidence avoir son dauphin dans son groupe
ethnique.
La quintessence de la dissemblance de l'ethnocratie face au
clientélisme est que le premier n'utilise pas que les liens de la
parenté voir exclusivement l'ethnie pour gérer le pays. Ainsi,
presque toutes les institutions et organes de gestion du pays sont entretenus
par les membres du groupe ethnique du
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Président. L'exclusion et la restriction des
libertés des autres groupes ethniques peuvent engendrer la haine,
l'ethnocentrisme qui à leur tour sont susceptibles de
générer des conflits et des génocides.
SECTION I: HYPOTHESES
Hypothèse 1
Dans la vie politique de la Côte d'Ivoire, le sentiment
d'appartenance ethnique a été régulièrement
instrumentalisé et reconstruit à partir d'une mobilisation qui
prolonge, renforce et met en cause les frontières ethniques ou
régionales.
Hypothèse 2
L'arrivée massive des migrants-étrangers et la
crise économique ont contribué à une crispation des
ethnies qui ont été instrumentalisées par les politiciens
dans leur conquête du pouvoir.
SECTION II : OBJECTIFS
Objectif général
Cette étude a pour objectif général de
cerner les facteurs qui influent l'instrumentalisation des ethnies par les
politiciens dans leur quête du pouvoir.
Objectifs spécifiques
- Décrire le mouvement migratoire des populations de la
Côte d'Ivoire;
- Expliquer comment la crise économique a créer
des frustrations entre autochtones et allochtones en Côte d'Ivoire;
-Analyser comment les politiciens mobilisent leurs
entités ethniques d'appartenance et clientèles à des fins
politiques en Côte d'Ivoire.
CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUELS ET THEORIQUES
SECTION I : L'ETHNIE - GROUPE ETHNIQUE ET ETHNICITE
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L'ethnie provient étymologiquement du grec
ethnos' qui désignait pendant l'antiquité tous les
peuples qui ne se conformaient pas à l'organisation politique et sociale
des Cités-Etat de la Grèce antique. Les grecques
considéraient les « ethnè » pluriel d'ethnos
comme des tribus. D'où la signification de ethnè,
Etat-tribus. Chez les Grecques, ce mot ayant une connotation réductrice
rapprochait les ethnè des hommes primitifs. Plus tard, ce mot
sera emprunté par les Pères de l'église en l'occurrence,
les ecclésiastes pour désigner les peuples païens (Gaulme ;
1997). Ensuite, les anthropologues européens utiliseront l?ethnos
ou ethnie pour désigner les peuples africains dits sauvages. Ces
critères anthropologiques négatifs expliquaient la perception de
la domination européenne sur les populations africaines jugées
comme non civilisées. En outre, certains
anthropologues trouvaient les ethnies africaines mal
structurées. Par contre parmi ces anthropologues, d'autres voyaient
en l'ethnie une entité sociale homogène
caractérisée par des critères comme la culture, la langue
et les noms de famille.
Le mot ethnicité ou "ethnicity" trouve quand à
lui son origine en Amérique chez les Anglo-saxons. Les
caractéristiques de l'ethnicité ont été
défini plus tard comme étant dynamiques et interactionnelles. Un
groupe ethnique de ce fait peut être décrit à
l'intérieur et à l'extérieur. L'ethnie n'est pas fictive
et se rapporte toujours à une histoire. C'est au XIX ème
siècle, selon Martiniello (1995) que l'ethnicité eut une
portée raciale suites aux débats scientifiques et politiques
concernant l'unification et la séparation des groupes ethniques.
Désormais les politiques et les scientifiques pour identifier les
ethnies, ajouter les critères raciaux. Lapouge (1983) qui introduisit le
mot ethnie dans les sciences naturelles réfute ces propos en
définissant l'ethnie comme étant un phénomène
naturel et factice. A ce propos, Poutignat et Streiff (1995 ;21), affirment
que:
Ces groupes sociaux, qu'il définit comme à
la fois naturels et factices ne peuvent, selon lui, se confondre avec la race,
et même ils en sont à peu près l'opposé, puisqu'il
s'agit de groupements résultant de la réunion
d'éléments de races distinctes qui se trouvent soumis, sous
l'effet d'événements historiques, à des institutions, une
organisation politique, des moeurs ou des idées communes.
Webber et Breton (1992) soulignent aussi qu'il existe une
distinction entre ethnie, race et nation. Car, l'appartenance raciale est
fondée sur une communauté d'origine alors que l'appartenance
ethnique se fonde sur la croyance subjective à la communauté
d'origine. Quant à la nation, elle est basée sur la croyance de
la vie en commun. Pour eux, l'ethnie se distingue nettement de la population et
du peuple qui sont des entités qui englobent l'ethnie. L'ethnie se
distingue
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profondément d'eux par des réalités
sociologiques plus restreintes et délimitées comme la
parenté mythique ou réelle, la religion et les fonctions
sociopolitiques et économiques.
En Afrique, pour Amselle (1985 ;32), l'ethnie durant la
colonisation consistait à différencier les peuples dits
civilisés des peuples non civilisés. Il existe de ce fait pour
lui un lien très étroit entre ethnie et tribus malgré les
changements d'espaces géographiques. Ainsi, il affirme que:
Rien ne distingue en fait le tribalisme ou
l'ethnicité africaine de la renaissance du régionalisme à
laquelle on assiste en Europe. Dans les deux cas, ces mouvements de retour aux
sources, d'authenticité s'enracinent dans la réalité
urbaine, ils sont une projection citadine sur une réalité rurale
et passée purement imaginaire. C'est bien l'éloignement social et
géographique qui, aussi bien en Europe qu'en Afrique, permet de donner
pureté et homogénéité à un milieu
hétérogène et hiérarchisé.
Pour appréhender la définition de
l'ethnicité comme identité collective en Afrique et en
particulier en Côte d'Ivoire, la définition de l'ethnicité
de F. Barth semble être la plus pertinente. A savoir que le terme groupe
ethnique sert en général dans la littérature
anthropologique à désigner une population qui a une grande
autonomie de reproduction biologique, de partage les valeurs culturelles
fondamentales qui s'actualisent dans des formes culturelles possédant
une entité patente, qui constitue un champ de communication et
d'interaction et un mode d'appartenance qui le distingue lui-même et qui
est distingué par des autres en tant qu'il constitue une
catégorie distincte d'autres catégories de même sorte.
Comme le précisent Poutignat et Streiff (1969 ;19 ):
Ce qui différencie en dernier ressort
l'identité ethnique d'autres formes d'identité collective, c'est
qu'elle est orientée vers le passé (...). Mais ce passé
n'est pas celui de la science historienne ; c'est celui que se
représente la mémoire collective. C'est une histoire mythique ou
du moins légendaire dans laquelle certains souvenirs deviennent des
symboles de ces significations imaginaires sociales.
Pour étudier les groupes ethniques, il faut tenir
compte des frontières qu'occupent ces groupes ethniques. Pour Pierre
Bourdieu dans sa théorie de l'ethnie comme représentation
sociale, les critères comme la langue, les dialectes ne sont que des
représentations mentales qui ne sont que des actes de perception,
d'appréciation de reconnaissance des membres du groupe ethnique. En
outre, pour comprendre la lutte des groupe ethnique, Bourdieu (1980 ; 22)
affirme que:
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Les luttes à propos de l'identité ethnique
ou régionale c'est-à-dire à propos de
propriétés stigmates ou emblèmes liés à
l'origine à travers le lieu d'origine et les marques durables qui en
sont corrélatives, comme l'accent, sont un cas particulier des luttes
des classements, luttes pour le monopole du pouvoir de particulier des luttes
de classements, luttes pour le monopole du pouvoir de voir et de faire croire,
de faire connaître et de faire reconnaître, d'imposer la
définition légitime des divisions du monde social et,
par-là, de faire et de défaire les groupes: elles ont en effet
pour enjeu le pouvoir d'imposer une vision du monde social à travers des
principes de division qui, lorsqu'ils s'imposent à l'ensemble d'un
groupe, font le sens et le consensus sur le sens, et en particulier sur
l'identité et l'unité du groupe, qui fait la
réalité de l'unité et de l'identité du
groupe.
Ainsi, le discours ethnique régional tente de
véhiculer une idéologie qui sert à prouver la
légitimité du groupe ethnique et le monopole du pouvoir
politique. Le groupe ethnique étant un lieu de refuge pour ses membres
répond aux attentes de ceux-ci au besoin de conquérir le pouvoir
pour atteindre ses objectifs.
Le groupe ethnique adapte son identité au fur et
à mesure tout en assurant sa pérennité et recours à
la mobilisation de ses membres en cas de conflits ou de revendication. La
solidarité au groupe ethnique passe par l'usage de la
subjectivité culturelle qui différencie les groupes ethniques.
C'est dans cette perspective que Poutignat (1995) pour
comprendre les causes de l'interaction conflictuelle ethnique trouve capital de
connaître les frontières des différents groupes ethniques
et leurs conditions économiques, environnementales et sociopolitiques.
Pourtant l'organisation sociale des groupes ethniques, les alliances et la
parenté rendent la délimitation de ces frontières
ethniques assez complexes.
Vidal (2000) quant à lui, utilise l'approche de passion
instituée pour comprendre l'ethnicité de la Côte d'ivoire.
Selon lui, les passions sont un ensemble de valeurs que les membres d'un groupe
ethnique intègrent dans leur corps, leurs perceptions et imagination
pouvant caractériser des sentiments d'honneur, d'amour de la
propriété foncière et du village. En effet l'occupation
foncière des autochtones par les allochtones constitués en
majorité de migrants Burkinabés et Maliens ont contribué
à la crispation de certains groupes ethniques qui avec les
différentes crises économiques comme le PAS et la
dévaluation du Franc CFA, ont eu difficilement accès à
leurs terres qui étaient déjà occupées par les
migrants étrangers. C'est ainsi que Martiniello (1995 ;35)
préfère quant à elle étudier l'ethnie au niveau
macro, méso et micro sociale et définit l'ethnicité
comme:
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Une des formes majeures de différenciation sociale
et politique, d'une part et d'inégalités structurelles dans la
plupart de sociétés contemporaines d'autre part. Elle repose sur
la production et la reproduction de définitions sociales et politiques
de la différence physique, psychologique et culturelle entre des groupes
ethniques. Ceux-ci développent entre eux des relations de
différents types (coopération, conflits, compétition,
domination, reconnaissance).
En définitif, nous pouvons affirmer que
l'ethnicité en Côte d'Ivoire est une construction historique qui a
pris de l'envergure suite à la transformation des situations
socio-économiques qu'a connu la Côte d'Ivoire et à
l'orientation politique de chaque Président ivoirien. Ainsi,
l'ethnicité sous Houphouët Boigny ne fut pas la même sous
Henry Konan Bédié ni sous Gueï Robert, Gbagbo Laurent et
encore moins sous Alassane Ouattara.
SECTION II : LE POUVOIR
Etymologiquement du latin « Potentia et potenta »
qui signifie respectivement pouvoir, puissance et permission. Ce mot
polysémique utilisé dans toutes les différentes
sphères de la société désigne en économie
l'individu qui s'est affranchi de toutes concurrences sur le marché.
Quant au pouvoir religieux, il exerce une puissance sur les fidèles dans
la pratique des prescriptions divines. Le pouvoir s'exerce même à
l'intérieur de la parenté. Dans la famille, le pouvoir symbolise
l'autorité parentale. Pourtant, le pouvoir dans la Rome antique
étudiait la fonction exercée ou les attributs d'organes centraux
de la société ou les gouverneurs (Leroux ; 1989). C'est dans
cette perspective que s'inscrit le pouvoir exécutif, judiciaire et
parlementaire. Faut-il à cet effet ajouter que le pouvoir désigne
aussi le gouvernement et l'Etat. De l'antiquité à la
période contemporaine, nombreux sont les philosophes comme Platon,
Aristote, Cicéron, Augustin, Thomas d'Aquin, Francis Bacon, Thomas
Hobbes, Hegel, Marx, Nietzsche et Bertrand Russell qui ont tous définis
le pouvoir comme étant la manière de régir la dite
"cité idéale". Ceux-ci relient le pouvoir à l'action.
Thomas Hobbes (1651 ; 15) quand à lui admet comme les autres
philosophes, que:
Le pouvoir d'un homme consiste dans les moyens
présents d'obtenir quelque bien apparent futur.
Thomas Hobbes montre que le pouvoir est l'aptitude à
produire des résultats durables. Ainsi, le pouvoir résulte de
l'interaction entre les hommes. Le détenteur de pouvoir pour parvenir
à l'obéissance d'autrui à son égard peut passer par
la contrainte lorsque le dominé n'est pas satisfait par la
redistribution des ressources. Ainsi Selon Chazel (1983 ;10):
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Le pouvoir n'opère que sur la base des
asymétries de ressources inhérentes aux structures de
domination.
Si dans la définition du lexique français le
verbe pouvoir désigne la faculté d'agir propre aux hommes, le
pouvoir devient politique pour M Weber lorsque ce pouvoir s'exerce sur des
hommes dans un territoire bien déterminé avec des contraintes
physiques et administratives. Cela explique l'imbrication du pouvoir politique
au pouvoir militaire qui détient la force coercitive. Ainsi, le
Sociologue Weber (1919 ; 23) définit le pouvoir comme :
Toute chance de faire triompher au sein d'une relation
sociale sa propre volonté, même contre des résistances,
quelle que soit la base sur laquelle repose cette chance.
Bourricaud (1982 ;9 ) à l'instar de F. Chazel et M
Weber, démontre que dans une société ou l'exercice du
pouvoir est fonction de la redistribution des ressources et dans une
société ou l'adhésion n'est possible que par un contrat
sociale, il affirme de ce fait que :
Le pouvoir n'est pas réductible à la force
même si la force est le dernier recours du pouvoir.
Dans cette même perspective M Weber montre le
caractère légal, légitime et juridique du contrat social,
qui n'est que la forme institutionnalisée du pouvoir politique
qu'acceptent les hommes pour vivre ensemble. Ainsi les gouverneurs et les
gouvernés sont soumis au droit. L'exercice du pouvoir et le droit
deviennent interdépendants pour régir la société en
excluant que partiellement la domination économique. D'où les
trois instruments du pouvoir énumérer par M Weber qui sont la
dissuasion, la rétribution et la persuasion. Danièle Loschak
(1986 ; 30) poursuit en démontrant le caractère indissociable du
droit et du pouvoir politique en ces termes :
Le droit est un discours de pouvoir parce qu'il est
accepté comme « une parole autorisée », « une
parole vraie » et « une parole efficace ». C'est à
travers des symboles que le détenteur de pouvoir, le dominateur
rappellent leur statut, leur autorité, leur commandement.
Cependant les symboles que s'entoure le droit comme la
constitution, les lois, le tribunal sont aussi les symboles du pouvoir
politique. Dès lors, la démocratie n'est possible dans un Etat de
droit qu'avec une interdépendance entre pouvoir politique et droit.
Le pouvoir politique peut être appréhendé
comme un facteur de régulation sociale, à travers les liens
sociaux qu'il génère dans l'Etat contemporain démocratique
qui présente une communauté
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humaine qui, dans les limites de son territoire
déterminé revendique avec succès pour son propre compte le
monopole de la violence physique légitime. En outre M Weber
détermine trois critères qui expliquent la domination du pouvoir
par le politique à savoir le « Pouvoir traditionnelle » qui
explique le respect d'antan accordé au chef par ses sujets, ensuite le
« Charisme » qui caractérise la compétence et
l'héroïsme du chef et le « serviteur de l'Etat »
caractérisant un critère dispensable au chef au sein de sa
société.
Le pouvoir traditionnel en Afrique repose sur le sacré.
Car l'origine du pouvoir et sa nature sont sacrées. Ainsi, dans la
plupart des sociétés africaines, le pouvoir tire sa genèse
des mythes, de la magie et des rites. Les aspects cosmogoniques et
cosmologiques paraissent importants pour appréhender le pouvoir
politique du chef. Dans les perceptions africaines, le chef représente
le prolongement des forces de la nature et est le dépositaire des forces
mystiques. Le modèle de la conception de l'Etat politique des pays du
Nord qui devait rendre les Etats traditionnels africains modernes fut
rebuté lors de son processus. Les élites africaines furent
confrontées à de nombreuses difficultés de cohésion
nationale et ont développé une autre perception du pouvoir
politique à travers un syncrétisme politique
caractérisé par une confusion des pouvoirs politiques
traditionnels et modernes.
En Afrique, les Etats africains restés longtemps
à l'état traditionnel se sont vus imposés des formes de
gestion politique moderne en inadéquation avec la gestion politique des
sociétés africaines en majorité fortement
hiérarchisées. Le pouvoir politique moderne ou la
démocratie n'est qu'un « pur produit d'importation » comme le
précise Bernard Badié. De ce fait, Bayart (1996 ; 24) poursuit en
affirmant que :
Son édification sous cette forme
particulière est le fruit de l'expression impérialiste de
l'occident et du processus communément qualifié de «
mondialisation » ou de « globalisation », même lorsqu'elle
est survenue dans des sociétés politiquement centralisées
en royaume ou en empire. Le constat est clair, la greffe de l'Etat s'est
soldée par un échec.
Ainsi pour favoriser la gestion de leurs Etats, nombreux sont
les chefs d'Etat en Afrique qui se sont non seulement imprégnés
des ethnies et utilisés le mode de gestion politique propre à
leur ethnie afin de gouverner leur Etat, d'où l'ethnicité.
Dès lors, on assiste depuis l'accession aux indépendances
à une ethnicité croissante dans les pays à
pluralité ethniques, une instabilité politique et
démocratique se caractérisant par des guerres interethniques,
à la mauvaise gouvernance, au clientélisme, à
l'illégalité, la corruption, au régime patrimonial et
présidentialiste... suite à la
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démocratie à l'africaine qui ne semble pas se
conformer à celle des pays du Nord (Médard ; 1982). C'est dans
cette perspective que le Président Malien Amadou Toumani Touré
déclarait que:
Le pouvoir politique en Afrique, c'est comme un avion qui
entre dans une zone de turbulences. Il bouge dans tous les sens et personne ne
peut en prévoir l'issue.
SECTION III : LA POLITIQUE
Le mot politique provient étymologiquement du grec
« Politikon » qui désignait premièrement, la
connaissance des principes de la gouvernance collective et deuxièmement,
la pratique du gouvernement ou l'art de diriger les affaires publiques. Ainsi,
à l'origine, la théorie et la pratique politique n'étaient
pas dissociées. La Polis quant à elle renvoie à l'ensemble
des citoyens qui habitaient la Cité-État. La Grèce
étant considérée en cette période comme une
société hiérarchisée, Seuls les citoyens grecs
avaient le droit de participer aux décisions politiques. Il faut enfin
souligner que la philosophie grecque se caractérisait par de fortes
préoccupations éthiques, car la politique se définissait
comme l'activité qui devait réaliser le bien. La connaissance
devait conduire à l'établissement du meilleur gouvernement
possible.
Ainsi durant l'antiquité, pour les philosophes comme
Platon et Aristote la connaissance politique visait à établir les
moyens à prendre pour conquérir le pouvoir. Ils
définissent de ce fait la politique comme la science maîtresse des
autres formes de savoir. Pour Aristote (1950 ; 27), la politique est
présentée comme un phénomène naturel et
nécessaire:
Il est donc évident que toute Cité est dans
la nature, et que l'homme est naturellement fait pour la société
politique. Celui qui par sa nature, et non par l'effet du hasard, existerait
sans aucune patrie, serait un individu détestable, très au-dessus
ou très au-dessous de l'homme (...) Aussi, l'homme est-il un animal
civique (...)
C'est dans cette perspective qu'il affirmait aussi que l'homme
est un « Zoon Politikon » ou un animal politique. Car c'est de sa
nature de vivre avec ses semblables dans le cadre d'une société
bien hiérarchisée. C'est aussi durant cette période que
les comparaisons entre les régimes politiques (démocratie,
aristocratie et tyrannie) se produisaient.
Dans la Rome antique, Cicéron (1954 ; 25) prolonge
l'oeuvre des penseurs grecs tout en liant le droit à la politique. A
Rome, le droit privé, le droit public, les bases constitutionnelles de
la vie politique
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vont occuper presque tout l'espace de la politique à
travers la loi. Les Romains utilisaient le terme « Res Publica » ou
chose politique pour désigner la vie politique.
La république (...) est la chose du peuple
, · et par peuple, il faut entendre non tout assemblage d'hommes
groupés en troupeau d'une manière quelconque, mais un groupe
nombreux d'hommes associés les uns aux autres par leur adhésion
à une même loi et par une certaine communauté
d'intérêts. Quant à la cause première de ce
groupement, ce n'est pas tant la faiblesse qu'une sorte d'instinct
grégaire naturel, car le genre humain n?est point fait pour l'isolement
et la vie errante.
Dans son livre, La Cité de Dieu, datant de la
période médiévale, Saint Augustin (1976 ; 24), tout en
recherchant la perfection, introduit une distinction qui modifie le sens de la
politique. Cette mutation s'explique par la décadence de l'Empire romain
sous les invasions barbares. L'Église prend la relève de Rome et
devient une puissance temporelle. Elle impose son autorité à
l'ensemble de l'Europe et établit sa suprématie politique. Pour
justifier ce nouveau pouvoir, Saint Augustin propose de distinguer la
cité de Dieu et la cité des hommes et démontre que, le
peuple selon la cité de Dieu est défini comme un agrégat
humain, une multitude raisonnable, mais elle est unie par la paisible et
commune possession de ce qu'elle aime et non par le droit et
l'intérêt. Il affirmait que :
Deux amours ont bâti deux cités : l'amour de
soi jusqu'au mépris de Dieu fit la cité terrestre , ·
l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi fit la cité
céleste.
Après lui, Saint Thomas d'Aquin innovera la relation
entre la politique divine et la monarchie terrestre.
A la Renaissance, à partir du « Prince » de
Machiavel, les politiciens cherchent davantage à comprendre la politique
réelle au détriment des obligations morales ou religieuses.
Machiavel considère que le but de la politique n'est pas la recherche du
bon gouvernement qui assure la justice aux citoyens. Il soutient que la
politique ou l'État n'a pas comme finalité de faire le bonheur de
ses sujets, mais de découvrir les moyens pour obtenir
l'obéissance des citoyens. Machiavel ne cherche pas à expliquer
ou justifier l'origine de la souveraineté dans la mesure où la
légitimité du Prince réside dans le fait de prendre le
pouvoir et de le conserver par tous les moyens. Althusius, pour sa part,
affirme que la souveraineté est fondée sur un contrat liant un
ensemble de groupes.
Au XVII ème siècle Les régimes
monarchiques anglais et français sont ébranlés par la
Fronde en France et par la révolution de Cromwell en Angleterre.
L'absolutisme royal est confronté par la montée d'une nouvelle
force sociale. C'est en cette période que Thomas Hobbes élabore
aussi le concept de contrat de soumission ou d'obligation dans la politique.
Mais ce contrat a la particularité
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de lier tous les membres de la société entre eux
sans lier la puissance souveraine qui concentre tous les pouvoirs. En
échange de ces restrictions à leurs libertés, le souverain
doit assurer à tous ses sujets la sécurité,
l'égalité devant la loi et la prospérité
matérielle. Hobbes n'admet pas que l'homme soit par nature un animal
politique comme le pense Aristote. Pour lui, l'État ou le pouvoir
politique est un produit artificiel qui résulte d'un acte volontaire. Il
est le fruit de la recherche de l'intérêt de l'individu qui veut
être protégé afin de vivre en paix et de travailler
à son propre bien-être. Au XVIIIe siècle, le
système anglais servira de modèle aux partisans des
réformes politiques.
En France, Montesquieu (1950) et Rousseau (1963 ; 30)
élaboreront les principes de la démocratie politique. Dans
L'esprit des lois, Montesquieu est à la recherche d'une explication
rationnelle des différents types de régimes politiques. Il veut
connaître les lois du gouvernement de la société. Il
écrit :
Les lois, sont les rapports nécessaires qui
dérivent de la nature des choses et dans ce sens, tous les êtres
ont leurs lois Pour comprendre et expliquer l'ordre politique.
Montesquieu différencie trois types de gouvernements,
à savoir le républicain, le monarchique et le despotique qui se
distinguent par leur nature et leur principe d'action. Il estime que la
république, comme mode de gouvernement, convient particulièrement
aux petits États. Rousseau (1963 ; 32) complétera cette
évolution intellectuelle avec sa théorie de la volonté
générale qui inverse le principe d'autorité en
définissant le contrat social comme fondement de la souveraineté.
Il affirmait que:
Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de
tous les autres prenait dans l'Antiquité le nom de Cité et prend
maintenant celui de République ou de corps politique lequel est
appelé par ses membres État quand il est passif, souverain quand
il est actif, puissance en le comparant à ses semblables.
Chez Rousseau, le souverain n'est plus une personne mais c'est
la nation qui est souveraine, c'est-à-dire le peuple tout entier. Il
exerce son autorité sur lui-même par la loi qu'il se donne. Le
gouvernement n'est pas le souverain, Il est au service du souverain et il doit
incarner la volonté générale.
Cependant, le XIXe siècle, Dans la
foulée de la révolution industrielle et de la montée de la
bourgeoisie, l'orientation scientifique et technique l'emporte partout. La
division du travail intellectuel se produit également entre la
réflexion philosophique et la réflexion politique.
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La politique se rattachera à l'étude du Droit.
Cette domination du droit est bien illustrée en Europe et tout
particulièrement en France. Aux États-Unis, l'approche juridique
dominera aussi la politique. Cette conception juridique de l'analyse politique
s'explique par la nature même du système politique
américain défini comme un gouvernement des lois et non des hommes
et fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, ce qui
justifiait les études sur les institutions législatives,
exécutives et judiciaires.
Marx par contre conteste la prétendue séparation
entre la société civile et la société politique.
L'État, pour sa part, est défini comme le lieu où se
réalise l'intérêt général, comme un centre
d'intégration et d'unification de la société. Le
rôle de la politique est alors d'assurer la cohésion et l'ordre,
ce qui implique qu'il est neutre et au-dessus des conflits entre
intérêts particuliers. Sa fonction est de garantir
l'égalité de tous les citoyens devant la loi tout en
évitant de s'ingérer dans la sphère du privé
où chaque individu reste libre de promouvoir ses intérêts
à la condition de ne pas restreindre la liberté d'autrui.
Cette nouvelle situation idéologique de la politique
imposait un développement des connaissances et une extension
considérable pour soumettre à l'analyse politique de nouveaux
phénomènes comme les partis politiques, les groupes de pression,
le comportement électoral, l'opinion publique. Les partisans de cette
nouvelle approche dénoncent les limites de l'approche juridique qui
n'était pas en mesure d'apporter des réponses efficaces aux
problèmes posés par le développement des
sociétés occidentales. Ils critiquent les tenants de l'approche
juridique. Pour corriger ces lacunes, les behavioristes proposent de modeler la
politique sur les sciences de la nature afin d'en faire une science objective.
Ainsi, pour eux, la science politique, de science de l'État qu'elle
était, devint science du pouvoir.
Par contre selon Coquery-Vidrovitch (1990), avant la
colonisation, l'Afrique avait une forme politique propre à elle. Mais
cette forme se différenciait selon la nature de la
société. Soit matrilinéaire ou patrilinéaire,
même si leur politique était intimement redevable à leur
environnement religieux, écologique.
Pour Coquery-Vidrovitch, si la politique est née avec
la démocratie dans la Grèce antique, celle-ci fut cependant
transplantée de l'Europe occidentale en Afrique. Cette
politique-démocratie n'a pas pris formes dans le gouvernement original
et traditionnel africain, même durant la période coloniale. La
phase coloniale qui aurait favorisée une percée
démocratique a transformé le milieu, bouleverser les
mentalités, et fut inducteur de pratiques politiques et sociales
spécifiques qui développent encore aujourd'hui leurs effets.
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Pour Coquery-Vidrovitch, le mot démocratie en Afrique
possède un sens double d'une part il se réfère à
une idée politique, d'autre part à un processus historique qui,
constamment en devenir, ne parvient jamais à son achèvement. De
ce double point de vue, la démocratie demeure un idéal, parce
qu'elle repose sur une contradiction fondamentale. Les
inégalités, la corruption, les manipulations inter-ethniques sont
des caractères démocratiques en Afrique.
De ce fait en Afrique, la connaissance de la politique doit
s'inscrire dans un ensemble plus vaste comme celui de l'économie, des
conflits d'intérêts, l'étude de la vie politique ne peut
donc se limiter à celle des textes constitutionnels. Au contraire,
puisque les constitutions sont le produit de rapports de force. L'analyse
économique de la vie politique est le plus souvent associée
à la théorie marxiste. Mais cette relation supposée entre
comportement économique et comportement politique se retrouve aussi dans
d'autres courants de pensée, notamment chez les partisans de
l'économie libérale.
Pour Anthony Downs (1981), il faut s'inspirer de la science
économique pour construire la politique parce que, l'économie
dispose d'une théorie scientifique. Downs définit la politique
comme un phénomène d'échange qui n'est pas
différent de l'échange économique. Selon cette logique,
l'activité politique en Afrique n'est pas plus noble ou morale que
l'activité économique. Pour Downs (1981 ; 27), les leaders
politiques qu'ils soient individuels ou collectifs obéissent à la
même rationalité, ils cherchent à maximiser leur
intérêt, à obtenir le plus d'avantages pour
eux-mêmes.
Il définit un parti politique en Afrique comme une
équipe d'hommes qui cherchent à prendre le pouvoir par
l'élection et lorsqu'ils sont au pouvoir, ils cherchent à se
faire réélire. Des fins égoïstes motivent leur action
:
Ils prennent le pouvoir afin de profiter des revenus, du
prestige et de la puissance que procure la direction de l'appareil
gouvernemental.
Dans les démocraties africaines, les partis politiques
élaborent un programme politique non pas parce qu'ils sont
motivés par la recherche de la justice ou du bien commun, mais
plutôt comme moyen pour gagner des votes. La formulation et l'application
d'une politique ne sont, pour les partis, que des sous-produits de
l'intérêt personnel des politiciens qui est d'obtenir les revenus,
la puissance et le prestige liés à l'accession au pouvoir. En
d'autres termes, les hommes politiques ne recherchent pas le pouvoir pour
réaliser un programme politique ou pour défendre les
intérêts des groupes sociaux. Ils proposent des politiques et
cherchent le soutien des groupes pour prendre le pouvoir. Cette
hypothèse implique qu'en démocratie, un gouvernement agit
toujours de façon à maximiser le nombre de voix qu'il obtiendra
à la prochaine élection. A la suite de Downs, Attali (1981 ; 12)
définit ainsi la fiabilité d'un parti :
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Un parti est fiable si les affirmations qu'il a faites
pendant la période peuvent servir à prédire son
comportement pour la période plus 1.
Downs estime pour sa part que la concurrence entre les partis
les oblige à être fiables, car pour gagner, ils savent qu'ils
doivent offrir à l'électeur la possibilité de voter
rationnellement en réduisant l'incertitude causée par une
information imparfaite. Si un parti déroge à la règle,
l'autre en profitera pour élargir sa clientèle.
SECTION IV : LA CRISE ECONOMIQUE
L'économie provient de l'association des termes grecs
« oikos » qui désigne la maison, le domaine agricole et «
nomos » qui fait référence aux règles,
l'administration. L'économie signifie donc littéralement «
conduite d`une maison, ou d'un domaine ». L'économie est la science
de l'allocation optimale de ressources rares à la satisfaction de
besoins potentiellement infinis (Smith ; 1996). Cette définition fait de
l'économie une science normative qui, se fixe comme objectif de dire
comment on peut, avec des moyens limités, obtenir le maximum de
satisfaction des besoins. L'économie utilise plusieurs concepts en
interactions permanant comme les objets économiques qui constituent la
richesse matérielle et les moyens qui favorisent la circulation des
marchandises, biens, travail, monnaies, titres, informations. Ensuite, les
actes économiques qui déterminent les productions,
échanges, consommations, épargnes, par lesquels se créent,
circulent et sont détruits les objets économiques. Enfin, les
acteurs économiques désignent les individus ou collectifs, qui
commettent les actes économiques en manipulant les objets
économiques. Les acteurs se caractérisent par leur comportement
à l'égard des objets économiques. En outre, les facteurs
comme les ressources, la monnaie, les biens, les services et la force de
travail qui sont inhérents voir capital dans l'économie, sont
aussi indispensables dans la gestion politique de tout Etat. C'est ainsi que
Weber (2005 ; 23), économiste et sociologue disait :
Nous savons tous que la science qui est la nôtre
(l'économie), de même que - à l'exception peut-être
de l'histoire politique - toutes les sciences qui ont pour objet des
institutions et des événements culturels humains, sont
issues
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historiquement de considérations pratiques.
Elaborer des jugements de valeur sur certaines mesures de politiques
économiques, tel fut le but immédiat et, au départ, unique
de notre discipline.
Pour M Weber, dans l'économie, les pouvoirs publics ne
sont pas comme les autres acteurs. Ils exercent une influence
considérable sur l'économie nationale en imposant des normes
économiques par les contrats juridiques, ils fournissent des services
publics comme le transport, la santé, l'enseignement...Enfin, ils
influencent le budget de l'Etat.
Force est de souligner que l'on ne peut dissocier l'existence
de la microéconomie qui est l'étude des comportements
individuels, en particulier ceux des consommateurs, des producteurs ou des
détenteurs de ressources, et l'analyse de leur interaction, qui est
liée à la macroéconomie qui examine, quant à elle,
l'économie dans son ensemble en essayant de comprendre les relations
entre les différents agrégats que sont le revenu, l'emploi,
l'investissement et l'épargne (Giraud ; 2005).
Bien vraie qu'il existe plusieurs types de crises, mais toute
crise fait référence à une situation personnelle ou
sociale, traumatique ou stressant qui implique un changement brusque, inattendu
de l'équilibre d'une personne ou d'un groupe et une perturbation de
l'existence quotidienne suivant les mécanismes d'adaptations (Cozman ;
2008). La crise peut se manifester de manières politique, militaire,
sociale...La crise est limitée dans le temps, l'individu est incapable
de résoudre tous seul avec ses ressources, la résolution ne
dévient possible qu'avec la découverte d'une nouvelle
ressource.
A l'instar d'autres crises, la crise économique
présente une particularité complexe à appréhender.
Pour le FMI, la crise économique présente un revers conjoncturel
et structurel de ce fait, il définit la crise conjoncturelle comme toute
période consécutive de trois trimestres à croissance
négative ou décroissance du produit intérieur brut. La
crise structurelle est une longue période de croissance lente, où
l'on ne parvient pas à faire redémarrer le « moteur »
économique.
Faut-il signaler à cet effet que par cette
première définition de la crise économique, nous pouvons
affirmer l'existence de plusieurs crises économiques dans l'histoire de
l'humanité. Ainsi nous pouvons énumérer quelques crises
économiques. 1637 La Tulipomania, 1720 Crise de la Compagnie des mers du
Sud au Royaume-Uni et du système de John Law en France, 1797 Panique
bancaire au Royaume-Uni, 1810 Crise bancaire au Royaume-Uni, 1819 Crise
bancaire aux Etats-Unis, 1825 Crise boursière au Royaume-Uni, 1836 Krach
boursier au Royaume-Uni puis difficultés bancaires aux Etats-Unis, 1847
Effondrement boursier en France et au Royaume-Uni après un engouement
pour les chemins de fer. 1873 Krach boursier à Vienne après une
spéculation liée à
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l'Exposition universelle, 1882 Krach de l'Union
Générale de France. 1907 Panique des banques aux Etats-Unis,
1929, le « jeudi noir » aux Etats Unis, 2007 la crise de la bourse de
Wall Street au Etats unis qui a impacté l'Union Européenne.
Avec l'exposition des crises économiques dues à
la raréfaction des ressources que constituent la richesse des Etat,
l'économie dévient l'étude de la manière dont la
société gère ses ressources rares (Mankiw ; 2004). Elle
s'intéresse aussi aux opérations essentielles que sont la
production, la distribution et la consommation des biens, d'autre part aux
institutions et aux activités ayant pour objet de faciliter ces
opérations. De ce fait nous pouvons affirmer que toute crise
économique est fonction du temps et des ressources de son territoire.
Dans de nombreuses perceptions sous régionales, vivre
en Côte d'Ivoire est un signe de réussite, de prestige ou
d'ascension sociale. Ensuite, pour des raisons politiques et les guerres
interethniques, de nombreuses populations de certains pays limitrophes de la
Côte d'Ivoire ont été accueillis comme
réfugiés politiques. En Guinée Conakry, les
persécutions sous le régime de Sékou Touré de 1958
à 1984 ont entraîné le départ de près de 2
millions d'habitants vers le Sénégal et la Côte
d'Ivoire.
En Outre pour des raisons socio-économiques, des
migrants sont venus en masse de la Haute Volta, actuel Burkina Faso, du Mali,
de la Guinée, du Libéria et du Ghana. Ces migrations vers la
Côte d'ivoire sont en partie dues à la pauvreté des zones
sahéliennes et désertiques, aux aléas climatiques et la
fragilité de l'écosystème qui engendre la famine. Cette
situation à poussé des populations étrangères
à migrer vers les zones favorables de la Côte d'Ivoire ayant des
potentialités pouvant répondre à leurs besoins. C'est le
cas des éleveurs Peulhs Malien aux nord de la Côte d'Ivoire. En
plus, l'orographie, le pétrole, les gisements de minerais et autres
métaux précieux, ont mobilisé les populations à
migrer vers ces zones pour l'extraction des minerais.
L'une des causes migratoire la plus importante est le
développement des cultures de rentes en Côte d'Ivoire qui, a
favorisé la migration de la main-d'oeuvre étrangère en
provenance des pays sahéliens et désertiques vers les plantations
de café, cacao, hévéa, palmier à huile et des
activités portuaires s'y trouvant. Il faut signifier que la venue de ces
migrants ouvriers fut possible au début par des politiques autoritaires
de la colonisation et plus tard de manières volontariste par les
migrants eux même. Exemple : l'arrivée des Mossi en Côte
d'Ivoire dans les plantations de café et cacao. Entre 1976 et 1980, on
estimait environ 1, 3 millions étrangers venus en Côte d'Ivoire.
C'est dans cette perspective qu'Alain Bonnassieux (2009 ; 24) affirmait :
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Bien qu'un nombre croissant de jeunes africains cherchent
à quitter le continent, les flux migratoires en Afrique de l'Ouest
restent nettement plus importants.
CHAPITRE III. REVUE DE LA LITTERATURE
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La revue de la littérature ne concerne que quelques
études effectuées en Afrique avant et après la
colonisation. Ces études portent sur la manipulation des ethnies par les
leaders politiques dans leurs quêtes au pouvoir et dans l'exercice de
leur pouvoir présidentiel.
Après les indépendances en Afrique, la
majorité des leaders politiques africains de nombreux pays, ont eu
recours à des enjeux ethniques afin de favoriser la stabilité de
leur pouvoir et aussi de se maintenir eux même au pouvoir. Ainsi, divers
stratégies et alibis furent utilisés par les leaders politiques
suivants différentes circonstances afin de politiser les ethnies
(Kolemagah ; 2005).
Si le nationalisme africain qui représentait une
unité politico-ethnique, avait contribué en large partie au
départ du colon et à l'accession à l'indépendance,
ce nationalisme, s'est vu réduit à sa plus petite unité
d'antan qui est l'ethnie. Et ces ethnies se trouvent aujourd'hui
instrumentalisées par les leaders politiques dans les jeunes Etats
africains. Nous utiliserons dans ce travail, une "analyse de cause à
effet" pour cerner les causes et les conséquences de la manipulation des
ethnies par les leaders politiques.
SECTION I : L'APPROHE CLIENTELISTE
Nombreux sont les enjeux ethniques utilisés par les
leaders politiques afin d'obtenir un électorat important permettant leur
accession à la présidence. Les causes de l'instrumentalisation
ethnique par les politiciens sont diverses. Les politiciens instrumentalisent
les ethnies de manière croissante jusqu'à créer entre
celles-ci des conflits violents, voir génocidaires comme au Rwanda en
1994.
Le but de cette manipulation, est la conquête des
ressources qui motive les leaders politiques. D'autres facteurs sociaux pouvant
conduire aux conflits politico-ethniques. De ce fait, lorsque les individus
d'une société n'ont aucune ressource et se sentent exclus de la
politique, ceux-ci ont recours à leurs ethnies pour résoudre les
différents, se protéger et faire valoir leur perception de la
justice. Ce comportement des ethnies instrumentalisées à pour
fond le clientélisme.
Le clientélisme est une attitude politique qui,
consiste à augmenter son influence en ce créant une
clientèle par des procédés démagogiques au sens
péjoratif. Ce mot est synonyme du népotisme qui est aussi un
favoritisme exercé par un haut placé à l'égard de
sa famille, ses amis, ses électeurs (Encarta ; 2009). Ce
clientélisme à un double revers. Il peut utiliser à la
fois l'ethnicité et d'autres appartenances telles qu'un réseau
d'amis, un groupement d'intérêt économique. Il utilise
enfin plusieurs ethnies lorsque celles-ci sont potentiellement aptes à
conduire le leader à la présidence.
Pengnuo Muwengaa, au Kenya dénonça le
clientélisme dans les années 1970, ou les Kikuyu avaient
l'apanage des terres sous le régime de Kényatta. Kazanga, dans
son article ethnicité en Afrique
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entre Etat et tradition paru en 1993, décrit
le clientélisme comme une réponse politique à travers des
intérêts économiques octroyés à
l'électorat ethnique du Président, à des fins de
récompenses pour leurs soutiens à son élection et leur
mobilisation permanente face aux éventuels conflits.
Certains auteurs élucident la genèse du
clientélisme comme étant antérieure à la
colonisation. A Brazzaville au Congo, le conflit nordiste et sudiste de 1992,
s'explique par des tentions ethniques datant de la période
précoloniale. Cette manipulation des ethnies à Brazzaville par
les leaders politiques fut favorisée à travers la
répartition géographique des ethnies dans la ville de Brazza. Les
conséquences de cette instrumentalisation ethniques ont
généré aux recrutements de milices et bandes armées
des différents groupes ethniques qui ont aboutit à des
affrontements sanglants (Dorier et al ; 1989). En cette même
période à Madagascar, principalement à Antanarivo, l'effet
de l'ethno-géographie, les facteurs d'intérêts
économiques, religieux et du rôle du père de famille furent
des enjeux cruciaux instrumentalisés par les leaders politiques de 1992
à 1996 (Roubaud ; 1997).
Cette situation à Brazzaville et Madagascar fut la
même qu'en République Centrafricaine de 1996 à 2001. La
division géo-spatiale qui fut remarquable à travers une
urbanisation ségréguée. En plus, la valorisation des
milices armées favorables aux Président au détriment de
l'armée régulière, ont engendré des conflits
politico-ethniques. Les jeunes se laissant séduire par le
clientélisme acceptent de s'enrôlés dans les
différentes milices pour des biens matériels et
économiques (Chauvin ; 2009). Le clientélisme revêt un fond
racial comme au Rwanda ou, les leaders politiques Hutu durant le
génocide scandaient des slogans racistes qui consistaient à une
épuration raciale du peuple Tutsi.
En outre, le clientélisme sur fond d'ethnicité
comme l'affirmait Ousmane Diallo (2013), « L'ethnicité ne peut
qu'être politique ». En Guinée, le présidentialisme
exacerbé engendré par le néo-paternalisme à
entrainé la politisation des ethnies. Ainsi, les enjeux de
compétition économique favorisent l'instrumentalisation des
ethnies par les leaders politiques.
Cependant, les thèses d'ethnicité, de
népotisme, de corruption, d'intérêt économique et de
racisme utilisés par le clientélisme et par certains auteurs
cités ci haut ne sont pas unanimement partagées par d'autres
auteurs. Car à l'opposé de ces thèses, il existe les
thèses dépendantistes et celles de systèmes
électoraux, qui sont aussi utilisées par le
clientélisme.
Le clientélisme est aussi utilisé par des
auteurs pour expliquer la dépendance exclusive des leaders politiques
à leurs appartenances ethniques, tribales et voir régionales.
Cette dépendance ou ancrage des leaders politiques dans
leurs ethnies est due à la colonisation. Le découpage du
congrès de Berlin 1884-1885, a concouru à l'avènement des
conflits politico-ethniques, confessionnelle et à la marginalisation des
minorités ethniques lors de ces dernières décennies en
AOF.
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Au Burundi, les ethnies avant la colonisation vivaient
relativement ensemble et possédaient des moyens traditionnels, soit pour
éviter les conflits ou soit pour les atténuer. La classification
ethno-raciale engendrée par la colonisation, a favorisé
l'institutionnalisation des groupes ethniques en partis politiques qui ont
été entérinés par les leaders politiques qui, fut
à l'origine de la dérive ethno-raciale et du génocide.
L'un des enjeux de l'instrumentalisation ethniques au Burundi fut le foncier.
Ainsi, C Braekman (1996) explicite la mauvaise gouvernance Burundaise sous la
trame du clientélisme. Cette mauvaise gouvernance s'explique par un
mauvais départ des indépendances, la distribution
inéquitable de la rente nationale et les systèmes politiques. Le
Président, privilégie les membres de son ethnie ou de sa
région au détriment des autres ethnies. Ce qui poussent les
autres ethnies à se démaquer de manière ethniques ou
confessionnelles.
Cette situation est aussi perceptible au Bénin.
Là, les partis politiques sont formés à partir du
découpage colonial. Pour Friedrich (2008 ; 28), il redéfinit les
partis politiques béninois comme : « Les partis politiques sont des
groupements de citoyens, formés en vue de promouvoir et de
défendre des projets de sociétés et Militantisme et
l'identification ethnique». Le séjour au village et l'appartenance
à une association de développement constituent des facteurs
explicatifs du patriotisme et la manipulation des ethnies par un leader de
l'ethnie. Les leaders politiques béninois achètent des
électeurs par de l'argent et du matériels. Dans l'ensemble,
depuis la fin des années 1990, les réformes constitutionnelles et
électorales ont abouti à certains résultats. Dans le
premier cas, en raison des conflits parmi les élites et des divisions
ethniques, certains pays n'ont pas réalisé de progrès
notables dans la modification des règles régissant la
compétition électorale (IPI ; 2012). Dans un article
évoquant les avantages et les inconvénients des divers
systèmes de votes, l'on trouve dans la cause de la mobilisation des
régions, des ethnies, le système majoritaire uninominal. Dans ce
système on ne vote pas pour le parti mais pour l'individu. Car ce
système engendre la notion de fief électoral. Pour gagner des
voies, les leaders tiennent des discours inflammatoires incitant à la
violence. Certains stigmatisent le mode actuel de désignation des chefs
d'Etat africains, comme instrumentalisé par les puissances
étrangères dominatrices, sujette au vieux principe colonial
« diviser pour régner ».4 Comme l'affirmait John
Lonsdale (SD) : « L'ethnicité peut exprimer le triomphe du
local sur les échecs de l'Etat ».
Les thèses clientélistes et des systèmes
électoraux évoqués par certains auteurs du
clientélisme, démontrent clairement que les leaders politiques ne
dépendent que de leurs groupes ethniques d'origines. De ce fait, la
notion de fief électorale ou régions ethniques du leader
politique deviennent aussitôt des enjeux électoraux. Ceux-ci,
manipulent de ce fait leurs groupes ethniques d'appartenances pour obtenir
massivement des voies électorales. Cette thèse
dépendantiste est entérinée par les systèmes
électoraux surtout le scrutin uninominal ou les individus ne
choisissent
4 Actes du colloque de Bamako, 2007, Entre tradition et
modernité, quelle gouvernance pour l'Afrique ?, 23, 24 et 25 janvier.
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que les individus de leurs propres groupes ethniques. S'ensuit
le népotisme, lorsque le leader occupe la présidence. Cette
thèse du clientélisme favorise l'instrumentalisation des ethnies
par les politiciens.
L'Afrique traditionnelle aurait eu sa propre forme de
gouvernance "primitive" vers des formes despotiques et népotiques qui
aurait marqué son histoire. Cette pratique traditionnelle marquée
dans les esprits, empêcherait toute forme de démocratie. Car le
choix des chefs, exigeait des procédures, des discussions et des
consultations. Cette attitude des systèmes politiques a perduré
tout au long de la colonisation, associé le plus souvent avec des
logiques claniques et des considérations religieuses. Ainsi, faute de
choisir des personnes ou des programmes, les électeurs africains ont
souvent été capturés par des entreprises de mobilisations
ethno-régionales. Celles-ci s'appuient au départ sur des
mécanismes clientélistes et se renforcent grâce à
l'instrumentalisation, par les politiciens, des identités locales et
claniques (Quentin ; 2000).
En conséquence, toutes les autres ethnies sont
systématiquement marginalisées, exclues et frustrées par
le pouvoir en place. De cette marginalisation naissent des foyers de tension et
de révolte des unités ethniques qui en sont victimes. Ici, le
vote devient sentimental, une expression d'identification. Le candidat mise sur
les affinités qu'il a avec son électorat pour accéder
à une responsabilité élective. Pour solliciter la
confiance des électeurs qui sont des « frères », le
candidat se présente comme le porte-parole de sa communauté
ethnique, de sa région pour représenter la communauté au
sein des instances nationales de direction. L'électeur a son tour, vote
pour le candidat originaire de son ethnie ou de sa région (Kitsinbou ;
2001).
Cependant, force est de croire que le clientélisme
revêt plusieurs aspects lorsqu'il est utilisé par les leaders
politiques. Les différentes thèses ou aspects que sont
l'ethnicité, le népotisme, la corruption, l'intérêt
économique, le racisme, le dépendantisme et les systèmes
électoraux sont complémentaires dans l'utilisation du
clientélisme par les leaders politiques. C'est dans cette perspective
qu'Arsène Mankou (2007 ; 40) affirmait:
La manipulation de la jeunesse par les politiques, le
manque d'éducation et l'ignorance de la quasi totalité des
populations, la pauvreté, la mauvaise gouvernance et l'échec des
politiques qui, devant l'impuissance politique, veulent trouver des
réponses dans leur ethnie, leur tribu. Le sentiment de
supériorité d'une ethnie sur une autre, le non respect des droits
humains, l'intolérance, la peur de la différence, la soif du
Pouvoir avec des désirs de conquête et de conservation du Pouvoir,
le manque de démocratie à la base, Les sentiments d'injustice...
Devant toutes ces causes énumérées, le tribalisme
apparaît comme arme du politique africain ». De la sorte qu'en
Afrique, lorsqu'un leader politique conteste les résultats d'une
élection, il se
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réfugie dans la tribu et l'ethnie. Ainsi, sont
formées des milices qui revendiquent les résultats. Et lorsqu'il
sollicite les suffrages de son peuple, il corrompt les membres de l'ethnie dont
il est originaire. Il s'entoure alors de personnalités de son
appartenance ethnique. Dans le discours politique, certains leaders africains
n'hésitent pas à appeler à une haine tribale et à
une dévalorisation des membres d'une autre ethnie.
SECTION II : L'APPROCHE ETHNOCRATIQUE
L'ethnocratie est la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir
au détriment des autres ethnies du pays. L'ethnie étant un
construit social. Cette théorie admet que les politiciens s'appuient sur
leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes.
L'ethnocratie peut être assimilé à une dérive de la
monarchie dans la mesure ou le pouvoir est transmis de père en fils ou
encor à l'intérieure d'une même ethnie. Parlant des causes
des violences ethniques contemporaines dans l'Afrique des Grands Lacs, suivant
une analyse historique et sociopolitique Joseph Gahama (2006 ; 25)
perçoit la chute de Mobutu au Congo en 1996 comme un mobile
d'ethnocratie contrairement aux idées largement propagées par les
médias à sensation. Pour lui :
L'ethnocratie ne relève pas simplement des
antagonismes ancestraux qui surgissent périodiquement. Elle est une
cause facilement identifiables qui s'enracine dans un passé relativement
récent. Cependant, elle conduit à un constat amer : les
élites successives qui ont dirigé la région des Grands
Lacs depuis les indépendances ont choisi
délibérément d'accentuer les clivages ethniques des pays
concernés, de marginaliser et d'exclure après avoir
déshumanisé ceux qui n'étaient pas au pouvoir en
légitiment le recours à la violence ethnique.
En s'appuyant sur l'ethnocratie du Rwanda, du Burundi et de
l'Est de la République Démocratique du Congo, Joseph Gahama
attribut la hiérarchisation des ethnies à la colonisation qui a,
par la suite aboutit à l'ethnocratie. Pour lui, les ethnies de l'Afrique
centrale vivaient en parfaite cohésion dans des entités
monarchiques stables avant l'arrivée des colons Allemands et Belges.
C'est face à la marginalisation et la répression de certaines
ethnies que s'est développée l'ethnocratie qui a engendré
des départs en exil de milliers de personnes, une
insécurité généralisée, un marasme
économique et un mauvais environnement sous-régional.
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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Ainsi, l'oeuvre de L. Seligman, Races of Africa, paru à
Londres en 1930 et réédité jusque récemment pour
l'Afrique britannique, les écrits de A. Moeller pour l'Est de la
République Démocratique du Congo ou ceux de P. Ryckmans, de Mgr
L. Classe, de L. De Lacger, démontrent aussi que les causes lointaines
de l'ethnocratie contemporaine sont à chercher davantage dans la
politique de manipulation des ethnies par le pouvoir colonial, qu'il soit
allemand, belge ou britannique. Selon la théorie des invasions
successives préconisées par l'explorateur John Speke en 1863 dans
le cadre du mythe hamitique, les administrateurs coloniaux, appuyés
fortement par les missionnaires en majorité catholiques,
classèrent les populations de manière très
hiérarchisées en Hamites, en Bantous et en Pygmées.
Les populations furent décrites sur le plan physique de
manière caricaturale. Les Hamites dont les représentants seraient
les Tutsi du Rwanda et du Burundi, ainsi que les Hima du Nkore, du Karagwe et
du Buhaya furent perçus comme une race de géants aux allures
aristocratiques, tandis que les Hutu, les Bairu, les Baganda, les Bashi et les
Bahavu, d'appartenance au groupe Bantu étaient décrits comme des
gens trapus, aux cheveux crépus, aux nez épatés.
Les Twa pygmoïdes étaient qualifiés de
« grotesques petites créatures », faisant partie d'une race
vieille et fatiguée, vouée à la disparition. Ces
descriptions furent à l'origine des études scientifiques
anthropomorphiques effectuées par G. Gerkens et J. Hiernaux dans les
années 1930 au Rwanda et au Burundi. Ils procédèrent aux
mensurations des « échantillons » des diverses composantes
ethniques que l'administration coloniale avait eu le soin de leur
présenter. Il en résulta des stéréotypes
centrés sur la beauté avec la mise en exergue de la prestance, de
la finesse des traits et de l'élégance des uns par rapport aux
autres.
Cela fut repris systématiquement par tous les travaux
ultérieurs. Pi encore, le regard colonial et missionnaire porta sur les
ethnies des jugements moraux globalisants. Aussi, par exemple, les Tutsi
étaient-ils considérés comme intelligents, doués
d'aptitude au commandement, dès lors que les Hutu étaient moins
malins, ils s'étaient laissés naturellement asservir. De ce fait,
la nouvelle élite grandit, en se nourrissant du mythe hamitique qui
créa chez les uns un complexe de supériorité et chez les
autres un complexe d'infériorité.
À partir de la deuxième moitié des
années 1950, le discours colonial opéra un extraordinaire
retournement. Les Tutsi n'étaient plus les « bons auxiliaires
» dont pouvait se passer le pouvoir colonial, mais devenaient des «
envahisseurs hamites » venus coloniser les Hutu. Lorsque le vent du
nationalisme commença à souffler à la veille des
années 1960, la Belgique en étroite collaboration avec
l'Église catholique changea de stratégie. Elle prit l'option de
s'appuyer cette fois-ci sur « le brave peuple hutu », victime, selon
elle, des exactions des « Tutsi féodaux ».
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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Ces derniers devaient ainsi endosser les
responsabilités des erreurs commises par l'administration coloniale.
L'action des élites politiques africaines Les violences actuelles sont
également imputables aux élites politiques qui se sont
succédé à la tête des États postcoloniaux de
la région des Grands Lacs. Cette ethnocratie a engendré des
politiques divisionnistes basées sur l'idéologie du
génocide, de la haine et de l'exclusion.
Dans la pratique de l'ethnocratie, les grands services, la
direction du pays sont répartis selon des considérations
ethniques et régionales. Pour Barancira (1994 ; 38), l'instauration du
Parti unique, des régimes militaires autoritaires dès
l'indépendance constituent des facteurs qui ont favorisés
l'ethnocratie. Il énumère le pouvoir ethnocratique de Mobutu au
Congo, Habyarimana au Rwanda, Micombero et Bagaza au Burundi, Amin en Ouganda.
Il affirme ainsi que : « Les dictatures durant lesquelles
l'ethnocratie prit une très grande ampleur ».
Outre la dictature et le mauvais leadership. Les grandes
décisions politiques sont toujours prises par une poignée de
personnes du même groupe ethnique qui s'approprient tous les pouvoirs,
qui les gardent jalousement et qui excluent les autres citoyens de la
participation dans la direction du pays. Lorsque le pouvoir politique est la
source essentielle des revenus, la lutte pour y accéder peut devenir une
question de vie ou de mort.
Ainsi, l'ethnocratie est une pratique politique qui exclue
d'autres ethnies. C'est le cas des ressortissants des anciennes
préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri sous Habyarimana au Rwanda ou des
élites Tutsi des provinces du sud du Burundi sous Micombero, Bagaza et
Buyoya on refuser la citoyenneté à des groupes ethniques
considérés comme étrangers dans leur propre pays. Un bel
exemple nous est offert par les Banyamulenge dont on dit qu'ils ont une «
nationalité congolaise douteuse ».
Chrétien, (1991 ; 37) montre dans son oeuvre « les
racines de la violence contemporaine en Afrique » que :
dans l'ethnocratie les facteurs psychologiques des causes
politiques et économiques qu'on peut qualifier d'« objectives
» s'entremêlent d'autres facteurs dits « subjectifs »
jouent sur le registre psychologique de la manipulation, de la passion, de
l'émotion, de la peur, des mécanismes de défense, etc. De
ce fait, ils mobilisent des populations entières, alimentent les crises
et mènent vers les violences ethniques.
Pourtant chaque violence rappelle la précédente
et chaque ethnie ou chaque région reste persuadée qu'elle a le
monopole de la souffrance et se voit menacée dans sa survie physique et
dans son
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épanouissement. Comme les concepteurs des crimes ne
sont jamais identifiés individuellement, c'est tout le groupe qui
s'identifie comme victime des violences ou de la répression.
Ainsi une même conduite répréhensible est
tantôt acceptée, voire encouragée, tantôt
réprimée non pas selon les conséquences de toute la
société, mais selon l'ethnie ou la région de la personne
qui commet le forfait ou celle de celui qui juge l'acte. Enfin, lorsqu'une des
ethnies ou des régions croit avoir mis les autres hors d'état de
nuire par leur exclusion ou le massacre d'une partie de leur groupe, quand elle
les a sérieusement terrorisées, elle pense ainsi les dominer et
jouir d'une paix durable.
Cette illusion de domination va se traduire notamment dans les
périodes électorales à travers une propagande raciste et
une mobilisation qui confond sciemment compétition électorale et
affrontement ethnique ou régional. Ainsi, l'unité nationale, qui
est un concept pratique matérialisé par des manifestations
concrètes de la vie quotidienne, notamment par des gestes de
solidarité, à travers les relations de parenté et de bon
voisinage perd tout son sens, dans la mesure où l'ethnocratie a
été l'occasion de s'entretuer sur base ethnique et
régionale.
Pour Classe L, (1930) il y a dans l'ethnocratie une crise
d'identité qui se traduit par l'effritement de la conscience historique
d'appartenir à une même nation et par l'ébranlement de la
confiance entre les différentes composantes de la société.
Actuellement, nombreux sont, particulièrement dans la classe politique,
qui prônent et privilégient l'appartenance ethnique ou
régionale au dépens de la citoyenneté nationale. Ainsi,
l'idéologie de la haine, du génocide et de l'exclusion s'enracine
partout.
Dans la région des Grands Lacs, les leaders politiques
instrumentalisent les réfugiés à des fins ethnocratiques.
Ils utilisent les réfugiés comme une arme redoutable pour
déstabiliser leurs pays d'origine. Des rébellions prennent
naissance dans d'autres pays et ont parfois réussi à s'emparer du
pouvoir après de meurtrières guerres de libération sous
fond ethnocratique.
Par contre Bazin et Amselle (1995) rappellent que même
si la colonisation a favorisé l'ethnocratie, les leaders politiques ont
aussi joué un rôle capital dans son application et son expansion.
C. Vidal ajoute qu'i1 n'y avait jamais eu en Afrique une ethnie en soi, mais
l'ethnocratie est une production institutionnelle récente qui
s'érige dans le nouveau langage du pouvoir. Lonsdale (1964 ; 50) quand
à lui affirme que :
L?ethnocratie est une forme de revendication des ethnies
africaines(...) de contrôle de leur relation au monde, et même si
nécessaire en se renfermant.
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Avec l'indépendance, le calcul électoral, vient
aussi récompenser la politisation de l'ethnicité. En entretenant
la politique avec les ethnies, avec tous les rites et rituels de la coutume,
l'ethnocratie c'est développée. Elle a cristallisé et
consacré la légalisation des traditions ethniques. Ntumba (1993 ;
31) dans cette même lancée affirme que :
Le multipartisme aurait eu tendance à s'articuler
autour des ethnies et à cristalliser les divisions ethniques. Le
pluralisme ethnique ou tribal constituerait ainsi un obstacle aux efforts en
vue d'instaurer la paix et de réaliser l'unité nationale. Mais ni
le monopartisme, ni le multipartisme n'ont su expurger le fait ethnique de la
vie politique africaine. La raison en est simple: l'instrumentalisation des
ethnies et tribus pour l'accession au pouvoir et sa conservation. Ainsi, le
monopartisme tourne à l'ethnocratie et le multipartisme au
multi-ethnisme politique.
Les transitions vers le multipartisme et la démocratie
en Afrique s'accompagnent d'une transposition et d'un investissement des forces
ethniques dans la fonction partisane et sur l'échiquier
électoral. Les élites politiques africaines apparaissent comme
"les premiers usagers des ressources ethniques à des fins
politiciennes", y recourant pour consolider le statu quo ou pour la
conquête du pouvoir.
En République Démocratique du Congo, la loi
fondamentale de 1960 et la constitution de 1964 ne consacrent pas un titre
spécial au pouvoir traditionnel ou coutumier (Gonidec ; 1996).
Cependant, les chefs coutumiers se retrouvent dans la composition du
Sénat. Sous la loi fondamentale, les membres du Sénat,
élus par les Assemblées Provinciales à raison de quatorze
par provinces, doivent comprendre au moins trois chefs coutumiers ou notables
(art. 87). La constitution de 1967 disposait que l'un des six sénateurs,
représentant chaque province, est un chef coutumier ou un notable
élu en cette qualité (art. 75). Une telle disposition sera
absente de la Constitution de 1977, mais des chefs coutumiers se retrouveront
dans les instances du parti unique (comité central, bureau politique),
coiffant ainsi les organes de l'Etat.
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CHAPITRE IV. DEMARCHE DE LA RECHERCHE
La méthodologie joue un rôle important en science
sociale car, elle est le fruit d'une longue tradition de recherche et
définit la procédure, la manière scientifique
d'étudier les phénomènes. En outre, Elle se définit
comme étant l'étude du bon usage des méthodes et
techniques que le chercheur doit adapter le plus rigoureusement possible, d'une
part à l'objet précis de la recherche ou de l'étude
envisagée, et d'autre part aux objectifs poursuivis (Tremblay et al
2006).
SECTION I : LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE
Dans le présent mémoire, la recherche
documentaire parait importante. Utilisée par les anthropologues, les
ethnologues, les historiens, les géographes et bien plus tard par les
sociologues. La recherche documentaire consiste à lire des ouvrages,
classifier et expliquer les phénomènes sociaux à travers
le comportement des sujets sans les influencer, en vue d'obtenir une vue
d'ensemble des faits. En outre, la recherche documentaire décrit,
dépeint une situation dans le but de transmettre une information
précise, complète et exacte. Elle vérifie de ce fait
l'existence de relations causales entre les phénomènes afin de
correspondre à la réalité de façon à ce
qu'elle puisse se concevoir (Ponty ; 1975). En tant que méthode
scientifique, la description doit déboucher à une explication
rationnelle et tangible du phénomène social décrit.
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Les sociologues, comme Engels, Tocqueville et Durkheim l'ont
utilisé en reconnaissant en elle une méthode valide en tant que
précurseur des études de type quantitatif et qualitatif pour
rechercher sur des sujets spécifiques.
En effet, la description de la recherche documentaire a pour
but de représenter la réalité en réunissant les
caractéristiques des phénomènes étudiés. La
mise en oeuvre d'une bonne description permet au chercheur de reconstituer le
phénomène social étudié en rapprochant les
données disponibles de manière à restituer l'image la plus
complète que possible du phénomène. Au XIXe siècle,
cette méthode à permis au sociologue français Le Play de
comprendre les problèmes sociaux à travers l'analyse de familles
ouvrières originaires de différents pays européens.
Une recherche documentaire a sa quintessence à travers
la classification et l'explication des phénomènes et est
opératoire avec l'utilisation d'analyse mathématiques
constituée d'un maximum de données chiffrées. La
classification qui découle de la méthode descriptive passe par
les typologies institutionnelles ou structurelles, psychologiques et
fonctionnelles (Aktouf ; 1987).
En sciences sociales, l'explication de la description tente de
mettre à jour le processus ayant entraîné tel
phénomène social. En d'autres termes, l'explication est la
découverte des rapports que le phénomène social
étudié entretient avec d'autres phénomènes sociaux
et qui permettent de comprendre pourquoi le phénomène en question
s'est produit.
Enfin, l'explication des faits sociaux passent par des
analyses diachroniques, synchroniques et dialectiques qui recherchent la
genèse des situations étudiées. L'explication prend en
compte les antécédents et leur succession temporelle pour
expliciter la situation actuelle.
Pour utiliser cette démarche dans le présent
mémoire, la recherche documentaire paraît la plus importante.
Comme son nom l'indique, cette technique consiste à répertorier
et à consulter des documents, les plus spécifiques et les plus
spécialisés possibles sur l'ethnicité et le pouvoir en
Côte d'Ivoire.
Dans ce présent mémoire, les documents
utilisés sont des ouvrages d'ethnologues et d'anthropologues Africains
et Européens qui ont expliqué le processus de construction des
ethnies en Afrique, décrit leur mode de gestion et expliquer les causes
et les conséquences de l'instrumentalisation de ces ethnies par les
leaders politiques.
Outres les ouvrages sur l'ethnicité la lecture des
articles de la constitution de 1960, 1995 et 2000 ont été
nécessaire pour mettre en évidence les révisons
constitutionnelles de chaque Présidents Ivoiriens. L'apport des
rapports, des séries statistiques, des mémoires et thèses
sur l'ethnicité obtenu
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à l'ambassade de la Côte d'Ivoire à
Conakry ainsi que par des téléchargements (pdf) effectuer dans
des bibliothèques virtuelles sur le net à favoriser
l'élaboration de l'histoire générale de la Côte
d'Ivoire à travers ses migrations, son économie et les enjeux
politiques de ses fronts pionner et diverses stratèges utilisés
par les politiciens pour conserver le pouvoir.
SECTION II : L'ANALYSE DE CONTENU
Le chercheur est la personne qui tente de répondre
à une question de recherche. Il peut à la fois coder le corpus et
analyser les résultats qui en découlent. En conséquence,
bien que l'analyse de contenu soit un outil indispensable au chercheur, elle ne
doit pas constituer une fin, mais un instrument de travail pour étayer
une argumentation et dégager des conclusions (Bonville ; 2000).
L'analyse de contenu est une technique de recherche servant à la
description objective et systématique du contenu manifeste des
communications de discours et d'image servant à l'exploitation de
documents.
Elle sert à décrire et à
déchiffrer tout passage de signification d'un émetteur à
un récepteur. Ces techniques sont destinées à
établir la signification et à permettre une compréhension
éclairée des documents analysés. En d'autres mots,
l'analyse de contenu permet de retracer, de quantifier, voire d'évaluer,
les idées ou les sujets présents dans un ensemble de documents ou
le corpus. Le premier aspect fondamental de l'analyse de contenu est la
compréhension du sens explicite de la communication. Le second est le
dévoilement d'une signification implicite du message. L'analyse de
contenu a une fonction heuristique, c'est-à-dire qu'elle contribue
à supporter des intentions de découvertes. Elle peut avoir aussi
une fonction d'administration de la preuve, c'est-à-dire qu'elle peut
apparaître comme un mode de vérification des hypothèses,
des questionnements ou d'affirmations provisoires. Elle a pour but
d'étayer des impressions, des jugements intuitifs à
l'égard de certaines communications afin d'obtenir, par des
opérations structurées, des résultats fiables.
L'analyse de contenu est une méthode utilisée
dans la recherche en sociologie qu'en anthropologie sociale et culturelle.
Cette méthode de recherche sera utilisée dans ce présent
mémoire. Selon L'Ecuyer (1987), l'analyse de contenu consiste à
analyser. Les données présentées dans le chapitre VI
portent sur les contenu de la presse écrites à travers les
articles de journaux, le journal officiel, les transcriptions
d'émissions radiotélévisées, les articles des
différentes constitutions qui ont été
évoqués par les leaders politiques, les ouvrages et rapports
internationaux relatant des évènements écoulés en
rapport avec l'instrumentalisation des ethnies et des sites Internet de
nouvelles.
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Dans cette étude, les données portent sur quatre
facteurs dont l'économie du café-cacao, les pratiques
clientélistes des leaders politiques, les migrations
étrangères et la mobilisation des ethnies ivoiriennes autour des
leaders. Pour disposer d'une quantité d'informations
représentative pour une analyse dans ce mémoire, trois types de
discours permettent de cadrer l'analyse de contenu en distinguant les
éléments à prendre en considération:
Le premier type regroupe les discours qui appellent les
étrangers à favoriser le développement économique
de la Côte d'Ivoire depuis la période coloniale;
Le deuxième type regroupe les discours prononcés
par les leaders politiques en vue d'une mobilisation des ethnies autour de soi
afin d'accéder ou de se maintenir au pouvoir;
Le troisième type regroupe les discours qui fustigent
la présence étrangère comme étant la cause des
crises socio-économiques et politique de la Côte d'Ivoire.
Les trois différents discours ont été
tirés des archives audio de Radio France Internationale (RFI), des
rapports du CURDIPH et du CES télécharger sur internet. En outre,
les articles publiés dans le journal officiel de l'Etat a permis de
mettre en relief ces différents discours.
L'utilisation de la recherche documentaire et l'analyse de
contenu dans ce présent mémoire s'explique par le manque de
mobilité du chercheur, compte tenu des mesures sanitaires mises en place
par les gouvernements Guinéen et Ivoirien dans la lutte contre la
maladie à virus Ebla. La stratégie de riposte contre cette
épidémie a rendu difficile les déplacements de la
Guinée vers la Côte d'Ivoire. Ces mesures se sont pendant
l'élaboration de ce mémoire caractérisées entre
septembre 2014 et Février 2015, par la fermeture des frontières
terrestres et aériennes. Ce qui a rendu pénible la collecte des
données.
Le présent chapitre termine la première partie
de ce mémoire. Cette partie avait pour objectif de camper la
problématique, de discuter des concepts au centre de ce mémoire,
d'exposer la revue de la littérature et d'indiquer la démarche la
démarche de recherche.
La seconde partie du mémoire, qui suit le
présent chapitre, est structurée en trois chapitres. Le chapitre
V présente quelques caractéristiques générales du
cadre d'étude, le chapitre VI expose les résultats des
données collectées et le chapitre VII présente l'analyse
des données collectées.
DEUXIEME PARTIE
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La seconde partie de ce mémoire est composée de
trois chapitres. Le premier chapitre a pour but de présenter les
caractéristiques générales de la Côte d'Ivoire dans
quatre sections distinctes. Le deuxième chapitre est consacré
à l'exposé des résultats proprement parlés. Le
troisième et dernier chapitre du présent mémoire porte sur
l'interprétation théorique des données.
CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES GENERALES DU PAYS
Ce chapitre consacré à la présentation de
quelques caractéristiques générales du pays s'articule
autour de trois sections. Chacune d'elle s'occupe d'une de ces
caractéristiques : la situation géographique et
démographique, le contexte historique et la situation
socio-économique.
SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE ET DEMOGRAPHIQUE
La Côte d'Ivoire est située en Afrique de l'Ouest
entre les 4°30' et 10°30' de latitude Nord. Sa superficie est de 322
462 km2. Elle fait frontière avec le Mali et le Burkina Faso
au Nord, le Golfe de Guinée au Sud, le Ghana à l'Est, le
Libéria et la Guinée à l'Ouest (OROSTOM ; 1974).
La Côte d'Ivoire présente un relief peu
accidenté, composé de plaines au Sud, de plateaux
étagés au Centre et au Nord et des montagnes à l'Ouest
dont le point culminant est le Mont Nimba (1753 mètres). Deux masses
d'air importantes traversent le pays dont une masse d'air en provenance du
Nord, caractérisée par un vent sec et chaud et chargé de
fines poussières de l'harmattan, entre décembre et janvier, puis
une masse d'air venant de l'Océan Atlantique au Sud, constituée
d'air humide. Le contact de ces deux masses d'air forme le Front Inter-Tropical
(FIT) qui provoque des précipitations de type mousson.
Les mouvements saisonniers du FIT, au-dessus du territoire
national, permettent de distinguer quatre principales zones climatiques. En
Côte d'Ivoire les pluviométries annuelles moyennes de ces
différentes zones climatiques varient entre 900 mm (au Nord) et 2 300 mm
(au Sud) de la Côte d'Ivoire.
Les changements climatiques qui affectent le monde entier
n'ont pas épargné la Côte d'Ivoire. Ils entrainent une
perturbation de l'alternance des saisons. On distingue à cet effet
quatre types de climats en Côte d'Ivoire dont le climat soudanais, le
climat baouléen, le climat attiéen et celui de montagne.
Quant au réseau hydrographique de la Côte
d'Ivoire, il comprend aussi quatre principaux bassins dont le Cavally à
l'Ouest ayant une longueur de 700 km avec un bassin versant de 28800
km2. Ensuite, le Sassandra qui mesure 650 km avec un bassin de 75000
km2. Le Bandama formé du Bandama blanc et du Bandama rouge
mesure 1050 km avec un bassin versant de 97 000 km2 . Enfin, la
Comoé à l'Est prend sa source au Burkina Faso, Il a une longueur
de 1160 km et draine
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un bassin versant de 78 000 2. Faut-il ajouter
d'autres petits fleuves, des lagunes des lacs et Mares.
La Côte d'Ivoire a une population d'environ 20152894
habitants selon des statiques5. Les jeunes de moins 15 ans
représentent 43% de la population. Selon l'Institut National de
Statistique en 2013, le taux de fécondité est de 5,2 enfants par
femme en 1998. La population étrangère est estimée
à 26% en 1998. Le taux d'urbanisation est de 43% en 1998. Sur le plan
administratif, le pays est divisé en 14 districts dont deux autonomes,
Abidjan et Yamoussoukro qui sont respectivement la capitale économique
et politique. Il existe en Côte d'ivoire 31 régions, 108
départements, 510 sous-préfectures et 197 communes. Au niveau
déconcentré, la région est dirigée par un
Préfet de région, le département par un Préfet de
département et la sous-préfecture par un Sous-préfet. Au
niveau décentralisé, le District est dirigé par un
Gouverneur, la région par un Président de Conseil Régional
et la Commune par un Maire.
Du point de vue du peuplement, les études
archéologiques, historiques et les traditions orales relatent que le
peuplement de la Côte d'Ivoire débuta entre le XVème et le
XVIème siècle après le déclin de l'empire du Mali.
Les premiers peuples à immigrer furent les Sénoufo, suivis des
Mandé qui s'installèrent au Centre et à l'Ouest en
repoussant les populations Bété et Dida plus anciens furent
repoussées alors au Sud-Ouest. Entre le XVème et le XIXème
siècle, une première vague du peuple Ashanti de l'actuel Ghana,
nommée Akan, immigra à l'Est de la Côte d'Ivoire dans la
région de Bondoukou. La Seconde vague des Akan dirigée par la
reine Abla Pokou6 immigra au centre de la Côte d'Ivoire en
repoussant les peuples Sénoufo et Mandé vers le Nord (Merabet ;
2006).
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6 Re
Carte administrative de la Côte
d'Ivoire
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Sur le plan linguistique, le pays offre une grande
diversité de langues. On y dénombre quelque 70 langues dont la
quasi-totalité appartient à la grande famille nigéro -
congolaise. Les groupes ethno-linguistiques en présence sont les groupes
Akan, Gour, Krou et Mandé. Dix- sept des soixante dix langues sont
parlées par au moins 100 000 personnes. Le dioula occupe une position
privilégiée, car il sert de langue véhiculaire
commerçante entre les Ivoiriens. Il serait parlé comme langue
seconde (à des degrés divers) par sept millions de personnes. La
vitalité des langues ivoiriennes ne fait pas de doute puisque 88 % des
conversations relevées dans les marchés se font dans l'une de ces
langues. De plus, la moitié des enfants parleraient au moins deux
langues.
SECTION II : CONTEXTE HISTORIQUE
A la suite de la conférence de Berlin entre 1884-1885
qui consacra le partage de l'Afrique entre puissances européennes, la
France organisa une expédition décisive sur la Côte
d'Ivoire entre 1887 et 1889. Le capitaine Binger qui dirigea cette
expédition réorganisa la structure administrative et commerciale
de la Côte d'Ivoire dès son arrivée. Ce qui fit de lui le
gouverneur officielle de la colonie de Côte d'Ivoire en 1893. Il fit en
outre intégrer le pays en 1902 à l'AOF. Les expéditions de
pacifications entre 1898 et 1913 à l'intérieur de la Côte
d'ivoire et les conquêtes contre la
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résistance de Samory Touré furent l'oeuvre du
capitaine Marchand, du lieutenant-colonel Monteil et d'Angoulvant.
C'est l'illustre savant ethnographe de la colonisation
française en Afrique M. Delafosse, qui accomplit ce travail d'inventaire
d'identification ethnique de l'ensemble du territoire ivoirien sur des bases
asymétriques entre anthropologie et linguistique. Il subdivisa
l'ensemble du territoire par la reconnaissance de six grandes familles
ethniques dont les Krou, les Lagunaires, les Agni, les Mandé, les Dioula
et les Sénoufo. Chacune étant le regroupement des plusieurs
ethnies ayant des origines et des traits socioculturels dont la langue en
commun.
Ainsi, le groupe Mandé à la tête de la
pyramide avec les Dioulas étaient considérés comme des
agents économiques du progrès, dépositaire d'une tradition
de commerce à longue distance. Car les Dioula s'installaient dans les
divers postes administratifs créés par les autorités. Ils
participaient de la sorte à l'urbanisation. Le Sénoufo est
également valorisé et réputé être un bon
agriculteur et travailleur. Il incarnait la figure idéale d'une
main-d'oeuvre forte et docile. Ce groupe Mandé représente un
élément indispensable au passage d'une économie
côtière à une économie de traite touchant l'ensemble
de la colonie.
Ensuite, vinrent les Agni et les Baoulé dont l'anarchie
patriarcale était considérée comme tempérée
par l'importance des souverains, du protocole et par une économie
tournée vers les échanges. Les Agni étaient parmi les
peuples forestiers les mieux considérés parce qu'ils
participaient déjà à la mise en valeur coloniale, en
exploitant notamment l'huile de palme et le caoutchouc. En revanche, les colons
soulignèrent simplement la faible organisation politique du groupe
ethno-linguistique Akan.
De leur côté, les Krou identifiés comme
résolument anarchiques occupent le bas de la hiérarchie ethnique
avec quelques nuances qui permettent d'alléger les jugements
négatifs comme chez les Bakoué réputés être
intelligents et vigoureux. Par contre, les Bété paraissaient les
moins colonisés dans la mesure où ils se sont d'abord
farouchement opposé aux colons jusqu'en 1913. Ce fait accumulé
ensuite à leur mode de vie, leur ont valu les disqualifications
d'êtres primitifs, fourbes et paresseux.
Cette subdivision ethno-linguistique a contribué
à l'établissement de la colonie ivoirienne et même aux
tracés des frontières. C'est dans ce sens que les administrateurs
coloniaux, d'après M Delafosse, ont entériné les lacunes
de celui-ci à travers un système initial d'appellations et de
représentations territoriales. Les grandes familles ethno-linguistiques
et les identités ethniques ont été immédiatement
stéréotypées et hiérarchisées face à
leur aptitude à être colonisés. Cette
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distinction ethnographique se repérait aussi bien de
manière fonctionnelle en mettant en évidence certains groupes
ethniques et en rendant presque invisibles d'autres. Ce qui a engendré
de nos jours un paysage ethno-linguistique subdivisé en 4 groupes
composés d'une soixantaine d'ethnies.
Le groupe Mandé localisé dans le Nord-Ouest du
pays, appelé aussi mandingue, compte les Malinké, les Bambara,
les Dioula, les Foula, etc. Au centre-ouest, l'ethnie des Dan réside
dans la zone montagneuse du pays, principalement autour de Man. Ensuite, Le
groupe Krou se localise au Centre-Sud et au Sud-Ouest. Les principales
populations de cet ensemble ethnique sont les Bété. En plus, Le
groupe Gour ou Voltaïque se situe au Nord-Est, ce groupe est
composé de Lobi et Sénoufo. Enfin, Le groupe Akan se localise
à l'Est, au centre et au Sud-Est se trouvent les Akan que l'on divise en
Akan du Centre principalement les Baoulé, en Akan frontaliers dont les
Agni, Abron, etc. Et les Akan lagunaires composées des Ebrié,
Abouré, Adioukrou, Appolloniens, etc.
En 1998 l'Institut Nationale des statistiques, classifiait
linguistiquement les quatre groupes ethnolinguistiques, à la tête
du classement les Akan 39,3 %, ensuite, les Mandé 28,1%, après
les Krou 23,0% et enfin les Voltaïque (9,6 %) (Research Rapport N3 ;
2008).
Quant aux limites des frontières de la Côte
d'ivoire, elles furent sujettes à de nombreuses discussions et critiques
entre les colons Britanniques et Français et entre la Côte
d'Ivoire et ses pays limitrophes. Ces frontières furent tracés en
fonctions des intérêts économiques (Nassa ; 2006),
ethniques et de défense de la France. Ces tracées de
frontières ont ténu compte de l'hydrographie, orographie et de la
fertilité des terres cultivables. De la sorte que, ce n'est qu'en 1903
que des frontières artificielles furent définitivement
tracés entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. La frontière
avec la Guinée fut établie en 1906. Celle avec le Libéria
fut définitive en 1907 et avec le Burkina Faso en 1932. La plus
récente fut celle avec le Mali fut tracée en 1945.
Carte de la répartition des groupes
ethno-linguistique de la Côte d'Ivoire
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Source : MNSA ; 2007
Jusqu'en 1920 la culture du café-cacao a
été l'apanage du groupe Akan. Force est de préciser que
les Kru en l'occurrence les Bété en 1940 pratiquaient
individuellement cette culture. En 1944, Félix Houphouët Boigny,
jeune médecin issu d'une famille d'agriculteur fonde le Syndicat
Agricole Africain en vue de défendre les intérêts des
agriculteurs ivoiriens. Ensuite, le 19 octobre 1946 à Bamako, il fonde
le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement
Démocratique Africain (PDCI/ RDA), qui recouvre l'ensemble des pays de
l'AOF.
Pour favoriser un développement harmonieux de cette
culture, Félix Houphouët Boigny a demandé aux colons
d'instaurer des lois visant à sanctionner tout agriculteur de
café-cacao dont l'exploitation agraire est inférieure à 3
hectares. C'est ainsi que les Bété travaillants individuellement
(non coopérative) ont arrêté la production de la culture de
café-cacao qui n'atteignait pas la superficie des 3 hectares.
Pour mettre en valeur cette colonie selon la logique de la
colonisation, la France mis a profit l'exploitation des terres fertiles de la
Côte d'Ivoire. Ce travail exigeait de ce fait un maximum de
main-d'oeuvre, d'ouvriers agricoles pour produire gratuitement une
quantité importante de café, de cacao, de bananes, de palmier
à huile et de caoutchouc.
Ainsi, les paysans voltaïques habitués aux travaux
champêtres sur des terres arides et pauvres, paraissaient importants aux
yeux des colons et des exploitants agricoles français. C'est ainsi que
commence la déportation des hommes valides composés en
majorité de jeunes célibataires vigoureux de la Haute Volta
actuel Burkina Faso vers les plantations en Côte d'Ivoire. Ces
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acheminements de main-d'oeuvre s'effectuaient dans le cadre
d'un système des travaux forcés. Les administrateurs coloniaux
recrutèrent gratuitement en Haute Volta des travailleurs pour les
chantiers comme les routes, les bâtiments, le chemin de fer, les ponts et
les exploitations agricoles en Côte d'ivoire.
En 1932, la colonie de la Haute Volta ne servait qu'à
fournir de la main-d'oeuvre à la Côte d'Ivoire. En 1932, les
colons français de Côte d'Ivoire se plaignaient des tracasseries
de l'administration militaire de la colonie de la Haute Volta pour acheminer la
main-d'oeuvre dans leurs plantations. Après une forte pression des
colons de Côte d'Ivoire sur Paris, ceux-ci obtiennent la dissolution de
la colonie de la Haute Volta en rattachant ses parties les plus peuplées
comme le Centre, l'Ouest et le Sud à la colonie de Côte d'Ivoire
qui constitua un seul territoire. On parlera désormais de la Haute
Côte d'Ivoire et de la Basse Côte d'Ivoire.
En 1946 la nouvelle constitution française accorda le
droit de créer des syndicats, des associations, des partis aux
colonisés. C'est alors que le premier parti politique en Haute-Volta,
l'Union pour la Défense des Intérêts de la Haute-Volta
(UDIHV) fut crée sous l'instigation de l'Empereur des Mossis en 1946.
Son programme se limitait à la revendication de la reconstitution du
territoire de la Haute-Volta. Ainsi, aux toutes premières
élections législatives du 21 octobre 1945, le Moogo- Naaba Saaga
II oppose son candidat le Baloum Naaba Touga au candidat de la basse Côte
d'Ivoire, Félix Houphouët Boigny. Félix
Houphouët-Boigny, le Baloum Naaba et Ouezzin Coulibaly étaient tous
des candidats au premier tour. Au second tour de l'élection
législative, Houphouët-Boigny réussit à obtenir le
désistement de Ouezzin Coulibaly en sa faveur. Ce fut avec 13 750 voix
contre 12 900 que Félix Houphouët-Boigny obtient l'unique
siège de député de la Côte d'Ivoire. Mais, le 4
septembre 1947, le député sénateur Lallerêma Henri
Marcel Guissou obtient le vote à Paris, par l'Assemblée Nationale
française, de la loi rétablissant la colonie de Haute-Volta dans
ses limites de 1932.
Entre 1947 et 1957, le RDA le parti transnational
créé par Félix Houphouët Boigny se rapproche des
autres partis locaux comme l'ex-UDIHV devenu le PSEMA. Il fait des alliances
électorales pour pouvoir reconquérir du terrain.
Houphouët-Boigny signa de ce fait un accord secret le 29 avril 1957
à Abidjan avec le capitaine-député français vivant
en Haute Volta, Michel Dorange, pour constituer le premier gouvernement du
territoire de la Haute Volta. Par des manoeuvres politiques, Félix
Houphouët Boigny nomma le chef du premier gouvernement Ouezzin Coulibaly
qui sera remplacé après son décès par Maurice
Yaméogo qui, à son tour deviendra le Président de la
République de la Haute Volta en 1960.
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Cependant, en 1958, le Générale De Gaulle lance
un référendum pour une "Communauté franco-africaine",
accordant plus d'autonomie aux États africains pour éviter
l'indépendance. Félix Houphouët Boigny mène campagne
en ce sens et entraîne avec lui tout les pays du RDA, à
l'exception de la Guinée d'Ahmed Sékou Touré. Félix
Houphouët Boigny devient alors le Premier Ministre de la Côte
d'Ivoire en avril 1959. Suite à la pression de la
Fédération du Mali, le mouvement de décolonisation touche
aussi la Côte d'Ivoire. Ainsi, Félix Houphouët Boigny
proclame l'indépendance de la Côte d'Ivoire le 7 août 1960
et devient le Président.
Mais dans les années 60 la Côte d'Ivoire devient
un pays attirant une importante main-d'oeuvre agricole. Les statistiques
officielles des services de la main d'oeuvre de Ouagadougou
révèlent l'importance des ouvriers agricoles Burkinabè en
Côte d'Ivoire. Ainsi en 1956, 60 000 travailleurs sont enregistrés
au départ pour les plantations ivoiriennes. Entre 1957 et 1962, 16 000
travailleurs en moyenne par an. Selon les statistiques de Bilon et Breloupe
(1997), entre 1957 et 1962, on dénombrait au total 156 000 travailleurs
enregistrés.
Autres que les Voltaïques, nombreux sont pour des raisons
politiques et les guerres interethniques, de nombreuses populations qui ont
migré du Libéria, du Bénin de la Sierra Léone en
destination de la Côte d'ivoire. En Guinée Conakry, les
persécutions sous le régime de Sékou Touré de 1958
à 1984 ont entraîné le départ de près de 2
millions d'habitants vers la Côte d'Ivoire. Plus tard la
révolution du Capitaine Thomas Sankara a aussi poussé des cadres
Burkinabé à s'installer en Côte d'Ivoire. En outre, La
pauvreté des zones sahéliennes et désertiques due aux
aléas climatiques et à la fragilité de
l'écosystème qui engendrent la famine ont poussé de
nombreux Maliens et Nigériens à migrer vers la Côte
d'ivoire. De plus, L'attraction économique que procure la culture du
café-cacao a favorisé, le développement de nouveaux fronts
pionniers au Centre-Est, Centre-Ouest et Sud-Ouest chez le groupe Kru à
l'occurrence les Bété. Ces nouveaux fronts pionniers vont aussi
attitrés la main d'oeuvre Voltaïque.
Enfin, pour des raisons économiques, nombreux sont les
populations d'autres nationalités qui exercent dans l'informel et dans
l'agriculture en Côte d'Ivoire. De nos jours, le flux migratoire en
destination de la Côte d'ivoire reste assez important. C'est dans cette
perspective que Alain Bonnassieux (2009 ; 27) affirmait que:
Bien qu'un nombre croissant de jeunes africains cherchent
à quitter le continent, les flux migratoires en Afrique de l'Ouest
restent nettement plus importants.
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Selon l'Institut National de Statistiques, en 1998, la
Côte d'Ivoire comptait 4.000.047 étrangers en provenance du monde.
Mais la présence des populations en provenance de l'AOF en l'occurrence
du Burkina paraît la plus importante. Depuis l'indépendance du
pays, le taux de croissance annuelle du stock des immigrants varie entre 1,8 %
et 4,4 % (Bouquet ; 2003).
Dès 1960 jusqu'en 1978, la Côte d'Ivoire a connu
une croissance essentiellement liée au boom des exportations de
café, cacao et du bois. Mais entre 1978 et 1986, la filière
café-cacao sombre. La crise s'amorce en 1979 avec l'effondrement des
cours du café et du cacao qui chutent. Les termes de change se
détériorent (Eric ; 1999). Pour palier à toutes ces
difficultés financières, l'Etat Ivoirien fit appel à
l'endettement extérieur avec les institutions de Bretton-Woods. La
Côte d'Ivoire s'engage ainsi, dans une longue période de
programmes de stabilisation et de réformes structurelles,
jalonnés par des chocs extérieurs.
Cette crise va favoriser l'éveil du multipartisme en
1990 pour dénoncer la gestion économique de l'Etat. Le 07
décembre 1993 après 33 ans de règne, Félix
Houphouët Boigny Meurt. Henry Konan Bédié le
Président de l'Assemblé lui.
SECTION III : SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE
L'agriculture reste le secteur clé de l'économie
ivoirienne et occupe 60% de la population et représente 34% du PIB et
2/3 des ressources d'exportations. Les produits traditionnels d'exportations
que sont le café et le cacao occupent toujours la première place
des cultures de rentes en Côte d'Ivoire qui occupent le 1er rang au plan
mondial pour le cacao et le 4ème pour le café. L'industrie
représente 20% du PIB et occupe 13% de la population. Le secteur des
services représente 46% du PIB et occupe 26% de la population active
(BAD ; 2003). La Côte d'Ivoire compte trois aéroports
internationaux. Le réseau routier s'étend sur 70 000km dont 5
500km de routes bitumées et 150 km d'autoroute.
En deux décennies de croissance consacrant le miracle
ivoirien, l'économie ivoirienne fut caractérisée par une
forte croissance. Celle-ci fut assurée par une très grande
ouverture économique sur l'ensemble des facteurs de production comme les
capitaux étrangers, la main-d'oeuvre extérieure et à la
disponibilité de ressources internes. Pour suppléer cette
économie basée sur les cultures de café et de cacao,
l'Etat s'est investit dans un vaste programme de diversification agricole en
1970, de la sorte que d'autres cultures comme celles de la banane, l'ananas, le
palmier à huile, le cocotier, l'hévéa et le coton virent
le jour.
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L'économie ivoirienne connaîtra cependant au
début des années 80 une crise profonde et persistante. Les
rééchelonnements réguliers de la dette extérieure,
les arriérés des paiements de 1'Etat à l'égard des
entreprises, la diminution des prix d'achat au producteurs de café et de
cacao, la croissance démographique estimée à plus de 3%
l'an ont obligé l'Etat a mettre en place des politiques dites
d'ajustement dans le double but de rétablir d'une part l'
équilibre financier en ajustant les dépenses aux ressources et
d'autre part d' assurer une reprise de la croissance par des restructurations
de l'appareil de production (Durufle ;1988). Cependant, certains
économistes affirment que cette crise a en réalité
débuté depuis les années 70.
Mais ce programme n'a pas répondu aux attentes de
l'Etat. La crise qu'a connue le café et le cacao resta sans
précédent. Les 266 milliards de recette dû au café
avec ses 500000 tonnes en 1980 régressèrent
considérablement à 46,5 milliards avec 825000 tonnes en 1989. Les
excédents de la caisse de péréquation et celle de
stabilisation issues du budget de l'Etat pour favoriser le redémarrage
de l'économie était de zéro, puisque les finances issues
de ses caisses furent utilisées à d'autres fins entre 1965 et
1975. L'Etat préleva des taxes et impôts pour rehausser ce solde
budgétaire afin de non seulement faire face à la relance de
l'économie de café et de cacao mais aussi à la dette
extérieure entre 1980 et 1985. Cette situation eut pour
conséquence le Programme d'Ajustement Structurel (PAS).
Avec la crise du PAS qu'a connu la Côte d'ivoire, les
dettes extérieures de la Côte d'Ivoire ont poussé les
institutions de Brettons Wood à dévaluer le Franc CFA suivants
deux hypothèses. A savoir, l'assainissement de l'économie
ivoirienne en passant par son équilibre budgétaire et rembourser
la dette extérieure en favorisant des opérations
monétaires sur les produits d'exportations que d'importations.
En réalité ces mesures de récessions
économiques avec une monnaie moins compétitive ne pouvaient que
rendre la Côte d'Ivoire vulnérable aux problèmes
socio-économiques. Souvent avec des mesures difficiles comme la
suspension du recrutement des fonctionnaires, le blocage et l'alignement des
salaires, la fermeture de certaines industries. La crise économique due
au Programme d'Ajustement Structurel et à la dévaluation du Franc
CFA ont été sources de conflits et de crispation ethnique entre
les fonctionnaires qui ont perdu leur emploi et reconvertis dans des
activités informelles ou à l'agriculture et les étrangers
qui exploitaient déjà ces terres. On assiste désormais aux
conflits fonciers entre autochtones et allochtones (Bonnassieux ; 2009). En
effet, alors que la pauvreté frappait 10% de la population en 1985, elle
touche 32,3% de la population en 1993. Malgré la reprise
économique qui a eu lieu après la dévaluation de 1994, les
conditions de vie des populations ne se sont pas améliorées.
L'incidence de la pauvreté atteint 36,8% en 1995, 33,6%
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en 1998 puis 38,4% en 2002. La crise sociopolitique qu'a
connue le pays a plongé des milliers de personnes supplémentaires
en dessous du seuil de pauvreté, portant ainsi le taux de
pauvreté à 48,9% en 2008. Dans toutes les régions, le
milieu rural est durement frappé par la pauvreté avec des taux de
pauvreté variant de 50,9% à 85,1% (Kého ; 2009). Les
régions du Nord, l'Ouest et du Centre-Ouest sont particulièrement
les plus touchées par la dégradation du niveau de vie. Enfin les
crises ethno-politiques et post électorales de 1995, 1999, 2000 et celle
de 2010 ont rendu les investisseurs économiques retissant aux
investissements en Côte d'Ivoire. Ceux-ci se sont retournés vers
des pays stables comme le Bénin, le Ghana et le
Sénégal.
En somme, l'économie Ivoirienne reste dans son ensemble
tributaire de l'agriculture d'exportation. Elle est surtout orientée
vers les cultures de rentes comme le café, le cacao. Mais le secteur
tertiaire reste le plus important en termes de valeur ajoutée. Il est
suivi de loin par le secteur primaire et secondaire.
CHAPITRE VI. PRESENTATION DES RESULTATS
Le présent Chapitre est celui qui présente les
résultats. Il s'articule autour de quatre sections. La section I
intitulée "Le règne de Félix Houphouët Boigny" expose
les révisions de la constitution entre 1960 et 1993, les discours
prononcés par le Président dans le but de légitimer la
gestion du pays par les Akan et la crise économique ivoirienne pendant
la première république. La section II
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" Henry Konan Bédié et l'ivoirité"
regroupe les révisions constitutionnelles, les discours prononcés
dans le but apparent de stigmatiser certaines ethnies et partis politiques
comme étant sources des difficultés économiques de la
Côte d'Ivoire. La troisième section expose sur la transition du
Général Robert Gueï. Et enfin la quatrième expose sur
les pratiques dites de refondations de Laurent Gbagbo, l'ordre constitutionnel
et le rapprochement d'Henry Konan Bédié et d'Alassane
Ouattara.
SECTION I : LE REGNE DE FELIX HOUPHOUËT BOIGNY
(1960-1993)
L'Art 7 de la constitution de 1960 stipule « Les partis
politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et
exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie et des
lois de la République ». L'art 76 de la même constitution
précise aussi que : « La législation actuellement en
vigueur en Côte d'Ivoire reste applicable, sauf l'intervention de textes
nouveaux en ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente
Constitution ».
Le titre III de cette même constitution intitulé Du
Président de la République et du Gouvernement stipule en son art
9: « Le Président de la
République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il
est rééligible ».
C'est en 1963 qu'intervient un nouveau art 11 qui stipule
« En cas de vacance de la Présidence de la République
par décès, démission ou empêchement absolu, les
fonctions de Président de la République sont dévolues de
plein droit au Président de l'Assemblée Nationale ».
La terre appartient à celui qui la met en valeur (Eric
; 1999).
Depuis 1960, le secteur du café-cacao constitue le
premier poste de l'économie ivoirienne. Les productions de café
et de cacao ont représenté jusqu'à 55 % des exportations
et 25 % du PIB total du pays. Jusqu'en 1978, la Côte d'Ivoire a connu une
croissance essentiellement liée au boom des exportations du café-
cacao et du bois. Le PIB était de 7% par an en moyenne. La Caisse de
stabilisation des prix nommée « CAISTAB » remplit abondamment
les caisses de l'Etat, grâce à la différence qu'elle
perçoit entre les prix aux producteurs et les prix à
l'exportation du café et du cacao.
La hausse marquée des cours du café et du cacao
en 1970 a permis d'entreprendre une politique de recrutement d'environ 12000
fonctionnaires ainsi qu'un programme d'investissement soutenu. En 1975 survient
une flambée des prix internationaux du café et du cacao d'une
ampleur considérable. "Le boom économique" dû au
café et au cacao tourne à l'euphorie entre 1975 et 1977. Les
cours
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mondiaux du cacao triplent et ceux du café quadruplent.
C'est le "Miracle Ivoirien", le PIB augmente à un rythme proche de 8%
par an en moyenne. Ainsi, la Côte d'Ivoire devient durant cette
période un pays à revenu intermédiaire, avec un PIB de
2237 dollars par habitant.
Cependant, entre 1978 et 1986, la filière
café-cacao sombre. La crise s'amorce en 1979 avec l'effondrement des
cours du café et du cacao qui chutent de 40%. Le solde commercial
national devient déficitaire à partir de 1979. Pour
redémarrer son économie, la Côte d'Ivoire a appliqué
plusieurs réformes économiques qui se sont soldées par un
échec. L'Etat quant à lui a augmenté ses dépenses
qui atteignent 25,2% du PIB en 1981. La Côte d'Ivoire s'engage ainsi de
1981 et 1994 dans le Programme d'Ajustement Structurel.
Ce PAS comportait 3 phases. La première allait de 1981
à 1983, la deuxième entre 1984 et 1986 enfin la troisième
allait de 1987 à 1993. Durant cette crise économique la politique
d'embauche dans la fonction publique a été restreinte avec
l'arrêt du recrutement automatique des jeunes diplômés dans
la fonction publique qui, recensait déjà 15000 licenciés.
En outre, 10 entreprises publiques ont été
démantelées, 4 privatisées et 11 placées sous
surveillance de l'Etat. Enfin, quelques prix de services publics comme le
transport, l'électricité sont augmentés. Les taxes
indirectes telles que le taux de taxe sur la valeur ajoutée sont aussi
augmentés. A ce contexte, s'ajoute une sécheresse qui diminue de
plus de 30% les récoltes agricoles (Christian ; 1992).
L'agitation sociale et politique était montée du
fait de la récession économique. L'Assemblée Nationale
adopte une modification de la constitution en vue des réformes
politiques et économiques. L'article 24 (loi n° 90 - 1529 du 6 novembre
1990) stipule : « Le Président de la République peut
déléguer certains de ses pouvoirs au Premier Ministre, chef du
gouvernement ». Ainsi, le Premier Ministre, Alassane Ouattara issu de
la BCEAO et du FMI est nommé. Faut-il ajouter que cette agitation
socio-économique était suivie du retour au multipartisme avec
l'Article 7 de la constitution de 1960. Le 28 octobre 1990, la première
élection présidentielle est organisée. Félix
Houphouët Boigny l'emporte avec 81,68 % des voix contre 18,32 % pour
Laurent Gbagbo.
Face à l'évolution de cette crise
économique, le gouvernement a réduit les salaires des
fonctionnaires. De ce fait, le chômage en ville s'est aggravé avec
la baisse de l'emploi dans le secteur formel et informel. A cela s'ajoute la
pression démographique. Ainsi, 65% de la population ivoirienne vie sous
le seuil de pauvreté. Les zones de savane et de montagne sont les plus
touchées. C'est dans ces conditions socio-économique et
politiques que meurt le 07 Décembre 1993 le Président
Félix Houphouët Boigny.
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SECTION II : HENRY KONAN BEDIE ET L'IVOIRITE
(1993-1999)
L'art 40 de la constitution de 1960 stipule: « En cas
de vacance de la Présidence de la République par
décès, démission, empêchement absolu,
l'intérim du Président de la République est assuré
par le Président de l'Assemblée Nationale. Pour une
période de quarante cinq jours à quatre vingt dix jours au cours
de laquelle il fait procéder à l'élection du nouveau
Président de la République ». C'est sur cet article que
le Président Henry Konan Bédié accède à la
présidence après la mort de Félix Houphouët Boigny.
Le nouveau Président mis fin à la fonction d'Alassane
Ouattara.
Le 12 janvier 1994 intervient la dévaluation de 50 % du
FCFA face au Franc Français. Pour se porter candidat à la
présidence en 1995, le Président Henry Konan Bédié
révisa le titre III de la constitution de 1960 portant Du
Président de la République et du Gouvernement. Le nouvel article
35 stipule : « Le Président de la République est
élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est
rééligible qu'une fois. Le candidat à l'élection
présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins
et de soixante quinze ans au plus. Il doit être ivoirien d'origine,
né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine.
Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité
ivoirienne...». C'est ainsi que le concept d'ivoirité
politique voit le jour sous l'investigation du Président
Bédié.
Le 27 septembre 1994, de nombreux partisans d'Alassane
Ouattara du PDCI fondent un nouveau parti le Rassemblement Des
Républicains (RDR), sous l'impulsion de Djéni Kobina. Laurent
Gbagbo accorda son soutient au RDR d'Alassane Ouattara qui appela les partisans
du FPI et du RDR a boycotté les élections. Ainsi les
élections du 22 Octobre 1995 opposèrent Henry Konan
Bédié du PDCI et Francis Wodié du Parti Ivoirien des
Travailleurs (PIT). Henry Konan Bédié est élu à la
Président avec 96,16 % des voix contre 3,84 % des voix pour Francis
Wodié.
Après les élections, le concept
d'ivoirité utilisé en 1945 pour valoriser la culture ivoirienne,
prend de l'ampleur avec une dérive politique. Pour la Cellule
Universitaire de Recherche et de Diffusion des Idées et actions
Politiques du Président Henry Konan Bédié (CURDIPHE),
l'ivoirité définit des critères de participation interne
à la répartition des ressources rares comme l'emploi, le foncier
et le pouvoir. Ainsi, pour le CURDIPHE (1998 ; 30) :
L'ivoirité est l'ensemble des données
socio-historiques, géographiques et linguistiques qui permettent de dire
qu'un individu est citoyen de Côte d'Ivoire ou Ivoirien. L'individu qui
revendique son ivoirité est supposé avoir pour pays la Côte
d'Ivoire, né de parents ivoiriens appartenant à l'une des ethnies
autochtones de la Côte d'Ivoire.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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En effet, alors que la pauvreté frappait 10% de la
population en 1985, elle touche 32,3% de la population en 1993. L'incidence de
la pauvreté atteint 36,8% en 1995 et se stabilise à 33,6% en
1998.
Dans toutes les régions, le milieu rural est durement
frappé par la pauvreté avec des taux de pauvreté variant
de 50,9% à 85,1% (Yaya ; 2009). Les régions du Nord, l'Ouest et
du Centre-Ouest ont été particulièrement les plus
touchées par la dégradation du niveau de vie. Or, le recensement
démographique de 1998 indiquait que les régions ivoiriennes de
forte immigration étaient le Sud-Comoé (25%), le Bas-Sassandra
(24,7%), le Moyen-Cavally (22,4%), le Moyen-Comoé (22,1%) et le
Haut-Sassandra (17,6%) (RGPH ; 1998). Quatre de ces cinq régions avaient
plus d'un cinquième de leurs populations constituées d'immigrants
internationaux. Selon le recensement de 1998, la population ivoirienne qui est
de 15 366 672 habitants compte 26,03% d'immigrés.
Cette construction intellectuelle de l'ivoirité a
trouvé une projection dans le champ politique. Deux ans après la
parution du manifeste d'un rapport du Conseil Economique et Social (CES) (1998
; 25), faisant le bilan des conséquences de l'immigration sur
l'équilibre démographique, politique, et économique de la
Côte d'ivoire, le Conseil Economique et social affirmait que:
Les étrangers occupent une place
prépondérante parfois hégémonique dans
l'économie ivoirienne. Cette présence étrangère
massive menace donc de rompre l'équilibre socio-économique du
pays. En effet, malgré leur [les immigrés] faible niveau
d'instruction en général, ils (Libano-Syriens, Mauritaniens,
Maliens) ont la mainmise sur le commerce dans ce pays, occupant ainsi la
majorité des emplois du secteur informel. Il en résulte que les
Ivoiriens de souche sont plus frappés par le chômage (6,4%) que
ces immigrés (3,6%). [...] La mainmise de ces immigrés sur les
emplois dans certains secteurs d'activité nationale (commerce, transport
routier, entreprises agro-industrielles, boucherie, etc.) est telle qu'ils
empêchent les Ivoiriens de leur faire concurrence. [...] L'immigration
devient de plus en plus une des causes structurelles de l'accroissement de la
pauvreté des Ivoiriens [...].
Dans ce même contexte, les idéologues du CURDIPHE
(1998 ; 31) affirment:
Les Dioula sont fauxÇ
c'est-à-dire imprévisibles dans leurs réactions, peu ou
pas sûrs et impropres à assurer le succès de la domination
des Akan. En
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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deuxième lieu, sous le rapport éthique,
d'importants traits d'immoralité sont associés à cette
psychologie. ....les Dioula sont 'sans foi ni loi' et les Bété
'violents et coureurs de femmes'; selon l'autre, les Dioula ont la malveillance
des esclaves; selon un troisième, 'l'éducation de classe' qui
caractérise 'le civilisé akan' manque aux deux ethnies et
à leurs pareilles. En troisième lieu, sous le rapport politique,
Dioula et Bété constituent par leur prétention un danger
pour l'État et la nation: les Bété, pour leur
incompatibilité culturelle avec la fonction présidentielle, les
Dioula, pour une raison stratégique, du fait qu'ils oeuvreraient en
définitive à propager et 'asseoir' l'islam.
Après ces manifestes du Conseil Economiques et Social
(CES) et du CURDIPHE, Les populations des groupes Mandé, Voltaïque
et Kru se plaignaient des tracasseries policières aux frontières,
à cause de leur rapprochement culturel des ressortissants Maliens,
Guinéens et Burkinabè.
En 1998, intervient une révision constitutionnelle qui
prévoie, un pouvoir présidentiel illimité au
Président en cas de crise par un assouplissement des procédures
de révision constitutionnelle et l'augmentation du mandat
présidentiel à 7 ans.
Entre 1996 et 1999, on assiste à la multiplication des
conflits fonciers intercommunautaires dans les zones rurales sur fond
ethno-politique des identités des communautés protagonistes.
Après avoir conquis les masses urbaines, les partis politiques ont
envahi les campagnes avec des discours populistes :
Avant la terre appartenait à celui qui la mettait
en valeur, maintenant elle va appartenir à son propriétaire.
(CURDIPHE ; 2000).
En 1998, cette situation foncière entraina un conflit
dans la zone Ouest, à Fengolo, entre autochtones Guéré et
allogène Baoulé. Une loi est donc adoptée en
décembre 1998 à l'unanimité par l'Assemblée
Nationale. Cette loi reconnaît la primauté des droits coutumiers
autochtones sur le foncier et affirme la détention exclusive des droits
de propriété par les seuls nationaux.
En octobre 1999, des affrontements meurtriers interviennent
entre communauté autochtone kroumen et allogènes Burkinabè
(Zongo ; 2001). Ces affrontements ont provoqué des déplacements
forcés dans le Sud-Ouest et dans la zone de Tabou. Ainsi, 20 000
manoeuvres burkinabè ont été chassés de Tabou,
ville frontalière du Libéria. C'est dans ce contexte
sociopolitique et économique que survient le 24 Décembre 1999 un
coup d'Etat militaire qui mène le Général Robert Gueï
à la tête de l'Etat.
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SECTION III : LA TRANSITION DU GENERAL ROBERT GUEI
(1999-2000)
Le 24 décembre 1999, le mandat d'Henri Konan
Bédié a été interrompu par un coup d'État
militaire perpétré par des soldats des groupes
ethno-linguistiques Mandé, Gour et Kru. Le Général
Gueï du groupe Kru, d'ethnie Yacouba est porté à la
tête de la junte militaire et crée le Conseil National du Salut
Public (CNSP). C'est le Journaliste Gui André Kieffer (2000 ; 37)
faisait remarquer que :
Ceux qui se sont rebellés contre le pouvoir de
Konan Bédié appartenaient tous à d'autres groupes
ethniques (Bété, Guéré, Yacouba, Sénoufo et
Dioula) de la société ivoirienne que le groupe Akan qui avait
largement dominé la vie politique durant trente- neuf ans.
Le Général Robert Gueï choisit le
Général intendant Lassana Palenfo et le Général de
brigade Abdoulaye Coulibaly tous deux du Nord de la Côte d'Ivoire comme
conseillers. Le Général Robert Gueï dénonce
dès son arrivée au pouvoir, les dérives politiques de son
prédécesseur. A savoir, la corruption, l'excessive privatisation
des attributs de l'État au groupe Akan et la facilité avec
laquelle la loi fondamentale était manipulée pour servir des
intérêts politiques particuliers.
Justifiant le coup d'État des « jeunes soldats
» par la crise sociale induite par ces deux fléaux sociaux que sont
l'ivoirité et la corruption, il tenta de mobiliser la mémoire
collective autour de l'oeuvre d'Houphouët-Boigny qui garantissait à
tous la prospérité et sécurité dans la
différence. Le Général à restaurer les droits de M.
Alassane Ouattara revenu d'exil en annulant la poursuite judiciaire contre
celui-ci. En outre il a promis de « balayer la maison » et de
restituer le pouvoir aux civils avant la fin de l'année 2000.
A partir du mois de mars 2000, cette phrase était
couramment prononcée par le Général dans ses discours
à la nation:
L'intérêt des vrais nationaux contre les
agitations politiques des fils d'immigrés assimilés aux
étrangers (Berruet ; 2001).
A la fin du mois de mars, le Général Robert
Gueï annonce sa candidature aux élections 2000. Il emploie des
propos xénophobes et durcit le ton contre Alassane Ouattara en se
réappropriant la rhétorique de l'ivoirité sans jamais la
nommer. Il abandonne aussi « l'opération main propre » et
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recrute dans son cabinet comme conseillers, d'anciens
dignitaires du PDCI- RDA et met ses généraux du Nord en
résidence surveillée.
Certains, parmi ses soldats qui l'on porté au pouvoir,
ont été torturés voir éliminés physiquement.
Ce concept d'ivoirité s'est concrètement
matérialisée dans les relations inter-communautaires et dans les
relations entre les forces de l'ordre et les groupes ethno-linguistiques du
Nord qui se plaignaient, de tracasseries diverses lors des opérations de
contrôles ou de délivrances de pièces d'identité
nationales (Coulibaly ; 2000).
Dans un discours livré à Aboisso, ville symbole
pour les Akan, le Général a mis l'accent sur la loyauté
dont il avait fait en 1993 après la mort du Président
Félix Houphouët-Boigny. Il affirmait que :
J'avais fait bloc pour permettre au président Henri
Konan Bédié, lui-même baoulé, d'accéder au
pouvoir. Étant donné qu'il n'y a qu'un seul fauteuil qu'occupe
aujourd'hui quelqu'un choisi pour conduire le destin de la Côte d'Ivoire,
il serait souhaitable que, oubliant toutes spécificités ethniques
ou régionales, les Ivoiriens se fassent violence pour accepter la loi de
la réciprocité.
La révision constitutionnelle approuvée par le
référendum du 23 juillet 2000 en son art 35 fonde la
deuxième République et stipule « Le président de la
République doit être ivoirien d'origine, né de père
et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais
renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit
s'être jamais prévalu d'une autre nationalité... ».
Alassane Ouattara a lui-même appelé à l'adoption de cette
constitution en ces termes:
La présente constitution ne me pose pas
problème au plan du droit. C'est parce que la Cour Suprême
était aux ordres (de la junte, ndlr.) qu'une telle interprétation
en a été faite pour m'exclure. Je suis persuadé que si
nous avions un système judiciaire indépendant, ma candidature ne
ferait l'objet d'aucun doute, d'aucune ombre.
Les mois qui ont précédé l'adoption de la
l'art 35 de la nouvelle constitution 2000 étaient
caractérisés par une atmosphère politique lourde et
tendue. Un mandat d'arrêt international était lancé contre
Alassane Ouattara, le leader du RDR, accusé pour faux et usage de faux
sur les bases des doutes sur son identité « composée et
incertaine ». Certains militants de son parti ont été
arrêtés et emprisonnés.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
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La junte au pouvoir a révisé 2 fois de suite le
projet de constitution avant son apparition dans le journal officiel sans
intervention de l'Assemblée Constituante. Dans la foulée de la
révision des listes électorales, les ressortissants du Nord
dénonçaient les humiliations dues aussi bien aux tracasseries
policières dont ils étaient l'objet qu'à la remise en
cause insidieuse de leur appartenance à la Nation Ivoirienne. Pour
justifier sa nationalité ivoirienne, Alassane Ouattara s'explique lors
d'une conférence :
Mon père s'appelait Dramane Ouattara et ma
mère s'appelle Nabintou Ouattara née Cissé. Mon
père Dramane Ouattara est ivoirien. Il est de Kong en Côte d'Ivoi
(...) Pour preuve sa carte nationale d'identité établie le 20
mars 1963 à Dimbokro par le commissaire de police. Quant à ma
mère, elle est originaire de Gbéléban dans le
département d'Odienné. Elle est née à Dabou. Le
test ADN est formel. En conclusion, mon père est Ivoirien de naissance,
ma mère est Ivoirienne de naissance, Voici l'original de la CNI de ma
mère. Mes grands-parents sont Ivoiriens de naissance, mes frères
et soeurs sont tous Ivoiriens de naissance. Tous ont leur certificat de
nationalité ivoirienne, sauf moi. J'ai commencé l'école
primaire à Dimbokro et ensuite, l'école primaire, collège,
lycée plus tard à Bobo Dioulasso, Après mes études
secondaires sanctionnées par le Baccalauréat en 1962 à
Ouagadougou, j'ai bénéficié d'une bourse américaine
dans le contingent du pays de départ. (...) Comme économiste,
j'ai commencé ma carrière professionnelle au FMI, où j'ai
assumé les fonctions de Directeur des Études et de Conseiller
Spécial du Gouverneur Abdoulaye Fadiga. De ce passage à la BCEAO,
que par le Président Félix Houphouët-Boigny, j'ai
été nommé en 1982 vice-gouverneur de la BCEAO, poste
normalement dévolu au Burkina Faso. Dans l'exercice de mes fonctions
à la BCEAO, un passeport diplomatique m'a été
délivré par la Haute-Volta. Tout le monde sait que le passeport
diplomatique n'est pas un acte d'identité. Il peut être
délivré par un État souverain à des
étrangers dans l'exercice d'une fonction. Ainsi, en Côte d'Ivoire,
de très nombreux étrangers, Français, Angolais, Sud
Africains, Maliens, ... en bénéficient légalement. Mon
retour dans cette institution s'est fait après consultation du
Président Félix Houphouët-Boigny qui m'a encouragé
à accepter cette proposition parce que, pour lui, c'était une
fierté qu'un Ivoirien soit promu à ce niveau dans une institution
financière aussi prestigieuse. Au décès du Gouverneur
Abdoulaye Fadiga, à
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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qui je dois beaucoup dans ma carrière, le
Président Félix Houphouët-Boigny m'a fait le grand honneur
de me rappeler pour assumer, cette fois, les fonctions de Gouverneur de la
BCEAO, poste réservé à la Côte d'Ivoire (Fotê
; 2000).
Le 22 octobre 2000, les 5,5 millions d'électeurs
inscrits sur les listes électorales avaient été
appelés à se rendre aux urnes. Cette élection
présidentielle fut marquée par un taux d'abstention de 62,6 % des
inscrits. Le 25 octobre, la Commission Nationale Electorale (CNE) annonce
l'élection du candidat FPI Laurent Gbagbo avec 59,36 % des voix.
Après les élections, Laurent Gbagbo dissous la CNE le 24 Octobre
2000. Le ministère de l'intérieur réagit en
annonçant quant à lui la victoire de Robert Gueï avec 52,72%
des voix (Champin ; 2000).
Cette crise post-électorale a opposé les
militants du FPI et ceux du RDR. Le bilan de cet affrontement fut lourd. Des
milliers de blessés, environ 120 morts, mais surtout un charnier de 57
cadavres découverts à Yopougon, une commune d'Abidjan
située au nord de la ville. Laurent Gbagbo est investi le 26 octobre
2000 mais son investiture fut contestée pendant de nombreuses
semaines.
SECTION IV: LAURENT GBAGBO LE REFONDATEUR
(2000-2010)
La politique, dite de "refondation", est fortement
teintée de socialisme, de nationalisme identitaire et
d'anticolonialisme, particulièrement à l'égard de la
France. Venu à la présidence en Novembre 2000, D'après
Human Rights Watch:
Laurent Gbagbo a, pendant son mandat,
considérablement favorisé les groupes ethniques lui étant
loyaux, au détriment des autres groupes ethniques du pays. Il use des
concepts d'ethnicité et de citoyenneté dans le but de stigmatiser
les Ivoiriens du Nord ou les immigrés d'Afrique de l'Ouest, qui sont
alors considérés comme des « étrangers »
dangereux par les partisans de Laurent Gbagbo, alors même que ces
personnes ont passé
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toute leur vie en Côte d'Ivoire, souvent dans des
villes du Sud comme Abidjan, très éloignées de leur
région ethnique d'origine.
La corruption, implantée depuis longtemps dans le pays,
s'amplifie sensiblement notamment dans la filière café-cacao,
dont la libéralisation profite finalement aux « barons » et
à leur entourage et non aux producteurs. De nombreuses actions sont
entreprises sans aucun contrôle de la part de l'Etat Ivoirien, les
pots-de-vin sont également devenus monnaie courante au sein des services
publics ivoiriens.
C'est sous les Refondateurs idéologues du
changement sous l'administration Gbagbo, entre 2000 et 2010 que les planteurs
de café et cacao ont été dépouillés de tous
leurs revenus au profit d'aigrefins, que la corruption a totalement
gangréné notre tissu social. (Slate Afrique ; 2012).
C'est dans ce contexte socio-économique que le 19
septembre 2002 des soldats se rebellent, contre le Président Laurent
Gbagbo et attaquent des villes. La situation tourne rapidement à un
conflit entre le Sud tenu par les militaires Kru et Akan favorables au
gouvernement et le Nord tenu par les rebelles issus des groupes Mandé,
Voltaïque et une minorité Akan. Les trois rebellions, MPCI, MJP et
MPIGO coalisent en FAFN portant à sa tête Guillaume Soro
(2005).
C'est ainsi que les FAFN lancent une offensive sur les
principales villes du pays. Malgré leur échec aux portes
d'Abidjan après d'intenses combats, les FAFN sont parvenues à
prendre la moitié du territoire. Les positions se figent. Les FAFN
occupent ainsi le Nord, le Centre et l'Ouest de la Côte d'ivoire et les
Force de Défense et de Sécurité (FDS) restés
fidèles au Président Laurent Gbagbo occupent quant à eux
le Sud et l'Est du pays.
Cette violence politico-militaire sur fond ethnique engendre
dans les universités publiques ivoiriennes des violences et des
exactions, en particulier de la part de la Fédération
estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), devenue une milice
« galaxie patriotique » au service du pouvoir en place avec à
sa tête Charles Blé Goudé.
Les populations du Nord se sont ralliées au mouvement
de rébellion parti du Nord. L'insurrection armée va
générée d'énormes troubles dans la population. Les
populations étrangères en Côte d'Ivoire et celles du Nord
en sont les premières victimes. Près d'1.300.000 personnes dont
600.000 à 700.000 ont été déplacées suites
aux troubles.
Le ressentiment envers la population émigrée
s'exprime de nouveau au grand jour. Les FDS, l'armée loyaliste, se sont
rendus coupables d'exactions répétées, tant contre les
rebelles capturés
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que contre la population civile, notamment lorsque cette
dernière est accusée d'être étrangère. Au
moins 150.000 Burkinabés, 60.000 Guinéens, 45.000
Libériens et 40.000 Maliens ont été contraints de quitter
le territoire.
Après la médiation régionale sous
l'égide de la Communauté économique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO), la France s'est retrouvée de nouveau aux
avant-postes. Une table ronde à Linas-Marcoussis réunit du 15 au
24 janvier 2003 les principaux partis en conflit. Les deux points clivant de la
société ivoirienne ont été bien sur au centre des
débats avec la question de la nationalité, la mise en place d'un
recensement des populations et la fin des pratiques administratives
discriminatoires à l'encontre des populations du Nord.
Le 6 Novembre 2004 Président Laurent Gbagbo lance
l'opération dignité. Des avions de type Soukhoï 25 et les
hélicoptères MI-24 bombardent les villes de Man et Bouaké
sous le commandement des FDS. Ces bombardements font état de neuf morts
parmi les soldats français. En riposte, l'armée française
détruit la flotte aérienne des FDS. Le mandat du Président
Laurent Gbagbo prenant théoriquement fin en 2005 sera repoussé
d'année en année jusqu'en 2010.
Cependant de nombreux accords ont été
signés pour résoudre cette crise. Ce sont les accords d'Accra I,
II et III, l'accord de Pretoria, la résolution 1633 du Conseil de
sécurité des Nations Unies adoptée le 21 octobre 2005, la
résolution 1721 du Conseil de sécurité des Nations Unies
adoptée le 1er novembre 2006 et l'Accord de Ouagadougou.
C'est à l'issue de l'accord de Ouagadougou le 29 Mars
2007, que le Président Laurent Gbagbo nomme Guillaume Soro comme premier
Ministre. Cet accord stipulait que :
Le Premier ministre, pour l'exécution du mandat,
doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires, de toutes les ressources
financières, matérielles et humaines requises et d'une
autorité totale et sans entraves, conformément aux
recommandations de la CEDEAO en date du 6 octobre 2006, et qu'il doit pouvoir
prendre toutes les décisions nécessaires, en toutes
matières, en Conseil des ministres ou en Conseil de gouvernement, par
ordonnance ou décret-loi.
Le Président Laurent Gbagbo a favorisé les
élections de 2010. Ses décrets ont permis de valider les
candidatures d'Alassane Ouattara, d'Henry Konan Bédié du
comédien Adama Dolo. Ainsi, le 4 août 2010, bien que
n'étant pas officiellement lancée, la campagne électorale
avait commencé.
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Le PDCI-RDA d'Henry Konan Bédié, après sa
tournée dans la région des lacs, a envisagé une
tournée dans l'ouest. Le parti a appelé les électeurs
à voter massivement en vue d'une victoire de leur candidat dès le
premier tour. Le candidat Laurent Gbagbo, occupé par ses
activités présidentielles, n'entame que tardivement sa campagne.
Il profite de ses visites présidentielles pour avancer ses idées.
Lors d'une visite à Bongouanou le 6 août, Laurent Gbagbo a
affirmé ceci à propos du report de l'élection :
Il y en a qui veulent aujourd'hui travestir la
vérité. On n'a pas eu les élections avant 2010 parce que
ceux qui voulaient réduire mon mandat ont fait la guerre. (..)Mais j'ai
l'appui des chefs traditionnels.
Quant à Alassane Ouattara, candidat du RDR, il boucle
sa grande tournée qui l'a amené à Bouaké. Lors d'un
meeting le 25 septembre à Ferkessédougou, Alassane Ouattara
affirme :
Trop c'est trop, nous ne pouvons pas accepter la
pauvreté [...] je suis candidat pour relever la Côte d'Ivoire
(...) je suis un digne fils du Grand Nord.
Après la campagne électorale d'Août 2010,
le premier tour voit s'affronter quatorze candidats. Laurent Gbagbo,
Président sortant et Alassane Ouattara, ancien premier ministre arrivent
en tête du premier tour avec respectivement 38,04 % et 32,07 % des voix.
Ils distancent Henry Konan Bédié (25,24 %).
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Carte de la répartition ethnique des voies des
élections du 31 Octobre 2010
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Source : CEI ; 2010
Au second tour des élections, Henry Konan
Bédié appelle alors ses électeurs à voter pour
Alassane Ouattara. Le PDCI et le RDR fusionnent en Rassemblement des
Houphoutétistes pour le Développement et le Progrès
(RHDP). A l'issue du second tour des élections, la Commission Electorale
Indépendante (CEI) annonce la victoire d'Alassane Ouattara avec 54,1 %
des voix contre 45, 90% des voix pour Laurent Gbagbo.
Carte de la répartition
ethno-stratégique des élections du 28 Novembre
2010
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Source : CEI ; 2010
Après des affrontements entre les pro-Ouattara et les
pro-Gbagbo des témoignages font état de 50 morts et plus de 200
blessés dénombrés au 19 décembre 2010, ainsi que
des enlèvements effectués par des bandes armées
accompagnées par des éléments des forces de
sécurité. La Haute Commissaire adjointe aux droits de l'homme de
l'ONU estime que :
173 meurtres, 90 cas de tortures et de mauvais
traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées ou
involontaires sont attribuables aux partisans de Laurent Gbagbo en cinq jours
seulement.
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Le 18 août 2011, Laurent Gbagbo est inculpé et
placé en détention préventive pour « crimes
économiques », « vol aggravé, détournement de
deniers publics, concussion, pillage et atteinte à l'économie
nationale » (Nouvelobs ; 2011).
CHAPITRE VII. INTERPRETATION DES RESULTATS
Le présent chapitre porte sur l'interprétation
des résultats et met en évidence les données
présentées dans le chapitre VI dans une perspective d'analyse et
de discussion. Ce chapitre se compose de deux sections: La section I met en
relation les leaders politiques et l'instrumentalisation ethnique dans la
première République. Elle est composée de deux sous
section, que sont l'Houphouétisme et l'Ivoirité. La section II
quant à elle fait l'analyse des discours systématiquement
ethniques des leaders politiques dans la conquête du pouvoir. Elle est
constituée de deux sous sections qui traitent de la crispation ethnique,
des révisions constitutionnelles et des alliances ethno-politiques
durant les deux dernières élections en Côte d'Ivoire.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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SECTION I : L'EVOLUTION DE L'INSTRUMENTALISATION
ETHNIQUE DES LEADERS POLITIQUES DANS LA GESTION DE L'ETAT (1960-1999)
SOUS SECTION I : L? HOUPHOUETISME (1960-1993)
Sur la base des résultats, la constitution de la
Côte d'Ivoire en 1960 prévoyait dès l'indépendance
le multipartisme. Or, sans modification de cette constitution, le PDCI a
été instauré comme un parti unique. Cette situation
s'explique par le fait que le Président Félix Houphouët
Boigny a rejeté toute idée de multipartisme. En outre, On peut
dire que ce pouvoir exécutif à dominance Akan s'est
institutionnalisé en parti unique (PDCI), portant à sa tête
son leader, Félix Houphouët Boigny.
Cette même constitution de 1960 en son titre III ne
faisait ni mention de la nationalité du Président ni du nombre de
mandats que celui-ci devraient effectuer. C'est ce qui explique les
dispositions qui ont permis au Président Félix Houphouët
Boigny d'être réélu entre 1960 et 1990. Ainsi, ce pouvoir
"monocephal" de 1960 a eu pour conséquence une Assemblée
Constituante monocamérale à la solde du Président. C'est
certainement pour conserver le pouvoir aux Akan qu'a été
adopté en 1963 l'art 11 de la constitution, qui permettait au
Président de l'Assemblée Nationale de remplacer le
Président en cas de vacance du pouvoir.
Ce pouvoir monolithique du PDCI ne pouvait engendrer de ce
fait qu'une Assemblée monocolore. D'où un jeu ethno-politique
à la solde du pouvoir exécutif sous fond ethnocratique. Ce qui
lui a valu, le nom de "chambre d'enregistrement" (Wodié ; 1996). Car les
lois votées par cette Assemblée composée que des
députés du PDCI ne pouvaient refléter que les visions du
Président.
L'ethnocratie pourrait justifier cette confiscation du pouvoir
par le seul groupe ethnique Akan, qui a eu une prééminence
grâce à la hiérarchisation ethnique faite par les colons.
Car, l'ethnocratie est la gestion de l'Etat par une ethnie au pouvoir au
détriment des autres ethnies du pays. Cette théorie peut
être assimilée à une dérive de la monarchie dans la
mesure où le pouvoir est transmis de père en fils ou encor
à l'intérieure d'une même ethnie (Joseph ; 2006).
C'est probablement ces jeux institutionnels sous clivage
ethnocratique qui expliquent le fait que le Président Félix
Houphouët Boigny a eu recours systématiquement à des lois,
des répressions contre les Bété de Gagnoa afin d'exclure
ceux-ci de la production du café-cacao. Plus tard après
l'indépendance, l'application de cette politique ethnocratique a de ce
fait interdit les partis de l'opposition et des organes d'expressions
plurielles. C'est probablement dans ce contexte que le FPI s'est formé
dans la clandestinité.
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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En tant qu'architecture politique, l'"Houphouétisme"
peut être défini comme une construction sociale et politique qui a
trouvé son édification aussi bien dans une certaine ethnologie
coloniale que dans le procès d'invention de la politique en Côte
d'Ivoire. En tant que réalité objective, il se serait
matérialisé dans un complexe politico-économique et dans
la gestion du pouvoir politique.
Le clientélisme désigne la diversité
ethnique de ceux qui appartenaient au cercle politique restreint du
Président Félix Houphouët Boigny qui
bénéficiait, des avantages socio-économiques et
légitimaient leur positionnement et leur haute fonction administrative
dans l'appareil de l'Etat. En réalité, cette clientèle
prônait les valeurs du PDCI voir l'ethnocratie Akan et constituait un
bouclier pour le pouvoir du Président. C'est pour cela que Kolemagah
(2005 ; 45 ) disait :
Le but du clientélisme, est la conquête des
ressources qui motive les leaders politiques. D'autres facteurs sociaux pouvant
conduire aux conflits politico-ethniques tels l'injustice, le manque de
reconnaissance et l'exclusion.
La philosophie du grilleur d'arachide s'explique par le fait
que le Président a créé une bourgeoisie nationale dans les
sphères civiles, militaires et politiques qui défendaient le
pouvoir de celui-ci. Cette clientèle politique a été
maintenue par les opportunités d'enrichissement régulées
par le Président, lui-même adossé à un «
présidentialisme à parti unique ».
Entre 1960 et 1978, la production du café-cacao a
favorisé la croissance économique de la Côte d'Ivoire
d'où le "miracle ivoirien". Ce "boom économique" explique la
création de la CAISTAB dont le rôle était d'encaisser
l'excédent financier de la vente du café-cacao. On peut
logiquement dire que l'essor de l'économie de plantation a aussi
favorisé la multiplication des organismes paraétatiques qui,
auraient été un puissant instrument de promotion de cette
bourgeoisie qui était dans un contexte de confusion entre l'Etat, la
nation et le parti unique et entre le bien public et le bien privé. En
outre, L'adhésion des membres des groupes Mandé, Voltaïque
et Kru au PDCI s'explique par le fait que le Président s'est
appuyé sur une gestion clientéliste de la diversité
sociale afin de réunir ceux-ci autour de lui, dans la mesure ou ils
acceptaient de se subordonner au PDCI, voire se laisser dominer par les Akan
afin de bénéficier des avantages socio-économiques.
Cette situation était perceptible même dans
l'armée. Car les officiers supérieurs étaient en
majorité des Akan et les sous officiers étaient quant à
eux issus des groupes Mandé, Voltaïque et Kru. Ce qui, au plan
interne, est plutôt perçu comme une « géopolitique
» locale. Le climat général d'enrichissement et de recherche
d'opportunités de satisfaction personnelle, soutenues par les
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performances de la croissance économique ont permis au
Président Félix Houphouët Boigny de taire les tensions
sociopolitiques. C'est dans ce contexte que Barancira (1994 ; 27 ) affirmait
:
Dans la pratique de l?ethnocratie, les grands services, la
direction du pays sont répartis selon des considérations
ethniques et régionales.
Cette idéologie clientéliste reposant sur le
mythe de la légitimité à diriger l'Etat par des personnes
issues du groupe Akan prônée par le Président s'explique
par le fait de la hiérarchisation ethnique coloniale, qui a placé
son groupe ethnique en tête de la hiérarchisation ethnique et la
capacité du Président à manipuler des hommes. C'est dans
ce contexte qu'il a instauré une politique clientéliste sur
clivage ethnique. Ce clientélisme lui a permis ainsi d'asseoir
durablement son pouvoir en 1960.
La terre appartient à celui qui la met en
valeur.
Cette phrase du Président légitimait et
conférait l'appel à une importante main-d'oeuvre
étrangère et au déplacement du Front pionnier du
café-cacao vers le Centre-Est et le Centre-Ouest. C'est ce qui explique
d'une part, le fait que les Bété ont repris la culture du
café-cacao et d'autre part d'attirer une importante main-d'oeuvre
étrangère en Côte d'Ivoire. C'est probablement ce qui a
permis aussi de positionner le café et le cacao à l'avant-garde
de l'économie ivoirienne à travers l'accès facile à
la terre par les migrants étrangers.
A la fin de l'année 1978, les cours du
café-cacao sombrent. La CAISTAB qui aurait dû parer aux
difficultés économiques ne parvient pas. Cette situation
s'explique par le fait que l'excédant financier qui devait être
émis à la CAISTAB fut utilisé à d'autres fins. Ce
qui a logiquement contribué au déficit commercial du budget
national et a entrainé la Côte d'Ivoire dans un long Programme
d'Ajustement Structurel. Cette crise économique a été
à l'origine des troubles socio-économiques. On peut donc dire que
l'évolution de cette récession économique au début
des années 1990 a cautionné l'agitation sociale et politique, qui
à son tour a contraint le Président à démocratiser
le pays avec le retour au multipartisme.
Le retour au multipartisme s'explique par l'ouverture de
l'espace politique. Ainsi, un parti politique comme le FPI qui
dénonçait le pouvoir ethnocratique a émergé
après des années de clandestinité. En même temps
qu'il capitalisait politiquement les voix des exclus de la redistribution des
fruits de la croissance et de la clientèle du Président, Laurent
Gbagbo a fait de son parti, le FPI, le principal foyer de rassemblement des
Bété qui vivaient mal les effets politiques exclusifs du mythe de
l'ethnocratie Akan. De même que le PIT, pour ne citer que les principaux,
ont ainsi légalisé leur participation à la
compétition politique.
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La victoire de Félix Houphouët Boigny aux
élections présidentielles du 28 octobre 1990 s'explique par le
fait de l'importance de la clientèle politique de celui-ci et par la
minorité des électeurs de ses opposants. Le Président
Félix Houphouët Boigny ayant remporté les élections
et voulant résoudre cette crise économique nomma Alassane
Ouattara Premier Ministre dans le cadre du clientélisme.
La nomination du Premier Ministre Alassane Ouattara,
s'explique par le fait que celui-ci étant un économiste pouvait
résoudre la crise socio-économique. Or Alassane Ouattara
étant du groupe Mandé a usé de sa position et de ses
aptitudes pour tenter de résoudre la crise. Mais ses efforts n'ont pas
empêché la crise socio-économique de s'accentuer.
En Outre l'arrivée d'Alassane Ouattara comme Premier
Ministre aurait été mal perçu par les dignitaires et les
cadres Akan qui lui imputaient à lui et aux groupes ethniques en
l'occurrence les Mandé et les Voltaïque d'être à
l'origine de cette crise socio-économique. Au vu de ce qui
précède, Alassane Ouattara représentait pour les Akan une
menace potentielle contre le maintien de l'Hégémonie Akan
à la tête de l'Etat. Ainsi, il fallait tout pour l'écarter
de son poste voire de la clientèle du Président. C'est dans ces
conditions que le Président Félix Houphouët Boigny meurt le
07 décembre 1993.
SOUS SECTION II : L?IVOIRITE (1993-1999)
Sur la base des informations collectées, on peut dire
qu'Henry Konan Bédié est devenu Président en
bénéficiant d'un article qui a été
rédigé depuis 1963. Cet article était en fait
destiné à assurer la succession d'un Akan à un autre Akan.
On peut logiquement dire que Félix Houphouët Boigny a
préparé la place de son dauphin présidentiel. Et que
l'arrivée au pouvoir du Président Henry Konan Bédié
justifiait l'ethnocratie Akan. Puisque le Président Henry Konan
Bédié est un Baoulé et est issu du groupe Akan comme son
prédécesseur.
La dévaluation du FCFA survenue en 1994 explique le
fait du rééquilibre du budget de l'Etat et la stabilisation de la
crise socio-économique. Cette situation a permis au Président
Henry Konan Bédié de se présenter dans l'imaginaire
collectif Akan comme étant un héro, dont l'arrivé à
la présidence a favorisé la résolution de cette longue
crise économique.
Dès son accession à la Présidence, Henry
Konan Bédié fait modifier le titre III de la constitution de 1960
et fait introduire deux nouveaux éléments. Un
élément de modernisme qui concerne un mandat de 5 ans
renouvelable une fois et un autre élément qui met un
système de verrous qui empêche les membres des groupes
Mandé, Voltaïque et Kru d'accéder à la
présidence. C'est "l'ivoirité". Ce concept explique le fait qu'il
existe deux catégories d'ivoiriens qui sont les ivoiriens
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de souches et les ivoiriens d'origines
étrangères. C'est dans ce contexte que le Président Henry
Konan Bédié a assis son pouvoir en mettant fin à la
fonction du Premier Ministre Alassane Ouattara. Ce qui lui a permis
d'éviter toute concurrence politique avec celui-ci et légitimer
l'ethnocratie Akan.
La création du RDR s'explique par le fait que certains
partisans du PDCI se sentant exclus et souffrants l'ethnocratie
exacerbée du Président Henry Konan Bédié ont fait
défection du parti. Ainsi l'adhésion au RDR d'Alassane Ouattara a
probablement influencé les membres des groupes Mandé et
Voltaïque dont il est originaire, à rejoindre aussi le RDR. Cette
situation aurait considérablement diminué le nombre des partisans
du PDCI. C'est ce qu'affirme Braekman (1996 ; 32) en ces termes :
Cette mauvaise gouvernance s?explique par un mauvais
départ des indépendances, la distribution inéquitable de
la rente nationale et les systèmes politiques. Le Président,
privilégie les membres de son ethnie ou de sa région au
détriment des autres ethnies. Ce qui poussent les autres ethnies
à se démaquer de manière ethniques ou confessionnelles et
politiques.
La victoire du Président Henry Konan
Bédié aux élections de 1995 tient au fait que celui-ci a
disqualifié Alassane Ouattara de la course à la présidence
en évoquant le concept d'ivoirité et a usé du
clientélisme en rassemblant autour de lui les groupes Akan et Kru pour
désigner la présence étrangère, en l'occurrence les
Burkinabè, les groupes Mandé et les Voltaïque comme
étant à l'origine de la crise socio-économique. On
pourrait aussi attribuer la victoire du Président Henry Konan
Bédié au désistement d'Alassane Ouattara et de Laurent
Gbagbo qui ont, d'un commun accord refusé de se présenter aux
élections présidentielles de 1995.
Ce rapprochement des deux leaders de l'opposition aux
élections de 1995 s'explique par le fait qu'ils auraient voulu
fragiliser le résultat des élections présidentielles par
leur retrait. Puisqu'ils avaient un intérêt commun, dans la mesure
où Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara avaient tous deux
été exclus de la clientèle du Président Henry Konan
Bédié. En plus, eux et leurs groupes en l'occurrence les
Mandé, les Voltaïque et les Kru étaient victimes de la
politique ethnocratique du Président.
Les rapports xénophobes du CURDIPHE et du CES en 1998
s'expliquent par le fait de l'accroissement des difficultés
économiques et de la présence étrangère
estimée à 26,03%. Ces rapports ont contribué à
stéréotyper négativement les groupes Mandé,
Voltaïque et Kru. Cette
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situation a défini en creux les qualités
positives considérées aux seuls Akan, comme dignes de la classe
politique idéale de la nation ivoirienne (Akindès ; 2003).
La révision constitutionnelle de 1998 s'explique par le
fait que le Président avait senti vacillé son pouvoir à
travers l'exaspération croissante des autres groupes ethniques qui se
sentaient frustrés. Ainsi, l'augmentation du mandat présidentiel,
le pouvoir illimité et l'assouplissement des prises de décision
lui auraient permis d'une part d'assoir son pouvoir en montrant la
prééminence Akan et d'autre part à faire face à
toute révolte éventuelle des autres groupes dominés. C'est
dans cette optique que Chrétien (1991 ; 28) affirmait :
Dans l'ethnocratie les facteurs psychologiques des causes
politiques et économiques qu'on peut qualifier d'« objectives
» s'entremêlent d'autres facteurs dits « subjectifs »
jouent sur le registre psychologique de la manipulation, de la passion, de
l'émotion, de la peur, des mécanismes de défense, etc. De
ce fait, ils mobilisent des populations entières, alimentent les crises
et mènent vers les violences ethniques.
Les conflits fonciers entre autochtones et allochtones et
entre les autochtones s'expliquent par la recrudescence de la crise
socio-économique et la pénétration du concept
d'ivoirité dans les zones rurales. Dans ces zones, la
récupération des terres par les "ivoiriens" n'est pas totale,
dans la mesure où les terres retirées à des migrants sont
rétrocédées à d'autres migrants. Il s'agissait donc
d'un clientélisme local où les jeunes autochtones veulent
restaurer le contrôle de « leurs » étrangers pour
continuer de profiter du fruit de la mise en valeur de « leurs »
terres par la perception d'une rente autochtone. C'était la seule voie
qui aurait été crédible, nous semble-t-il, pour
sécuriser les migrants sur les fronts pionniers de la Côte
d'Ivoire. Finalement, la loi sur le foncier rural votée en 1998, a
interdit la transmission par héritage de la terre à un «
étranger ».
Les éléments de la fracture sociale
étaient donc réunis et les politiciens n'ont fait que profiter
par leur clientèle en tirant sur toutes les ficelles qui s'offraient
à eux. Cependant, toutes ces dispositions constitutionnelles n'ont pas
empêché des jeunes soldats issus des groupes Mandé,
Voltaïque et Kru, excédés par cette politique ethnocratique
de perpétrer un coup d'Etat Militaire contre le Président Henry
Konan Bédié le 24 Décembre 1999.
SECTION II : L'ANALYSE DE LA CONQUETE DU POUVOIR PAR
LES LEADERS POLITIQUES
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SOUS SECTION I : LA CRISPATION ETHNIQUE (1999-2000)
L'arrivée du Général Robert Gueï
à la présidence s'explique par le faible nombre de
Généraux issus des groupes Mandé et Voltaïque. C'est
ce qui explique pourquoi ces soldats qui vivaient mal l'ethnocratie Akan ont
rendu le pouvoir au Général Robert Gueï. En outre, la
nomination des conseillers nordistes du nouvel homme fort explique le fait que
celui-ci voulait récompenser les jeunes soldats, qui constituaient sa
nouvelle clientèle.
Le procès de l'ivoirité, l'ethnocratie Akan et
la nouvelle politique clientéliste du nouveau Président
s'expliquent par le fait que celui-ci voulait d'une part prouver l'échec
de l'ethnocratie Akan en leur démontrant que d'autres groupes ethniques
possédaient des valeurs et qualité leurs permettant aussi de
diriger le pays et d'autre part gagner la confiance des groupes Mandé,
Voltaïque et Kru en leur montrant qu'ils ont été longtemps
opprimés par les Akan. C'est ainsi que le Général Robert
Gueï a décrispé l'atmosphère ethno-politique.
On peut logiquement dire que ce clientélisme a
été moins Akan mais favorable à une inclusion plus large
en regroupant les groupes ethniques du Sud, du Centre, du Nord et de l'Ouest.
C'est dans cette perspective que Pengnuo (1970 ; 35) affirmait:
Le clientélisme est une réponse politique
à travers des intérêts octroyés
[....] au Président, à des fins de
récompenses pour leurs soutiens à son élection et leur
mobilisation permanente face aux éventuels conflits. Il [....] utilise
enfin plusieurs ethnies lorsque celles-ci sont potentiellement aptes à
conduire le leader à la présidence.
Le revirement politique du Général Robert
Gueï au mois de Mars 2000 à l'encontre des populations du Nord et
son discours tenu à Aboisso s'explique par le fait que celui-ci voulait
briguer la magistrature suprême. Or pour y arriver, le
Général devaient non seulement exclure ses adversaires potentiels
en l'occurrence Alassane Ouattara qui à le soutient des groupes
Mandé et Voltaïque tout en capitalisant des voix pour ne pas
fragiliser les résultats des élections.
Le rapprochement du Président des dignitaires Akan
explique le seul moyen qui lui aurait permis d'assurer une victoire
éclatante aux élections. C'est dans ce contexte que le
Général s'est lui-même porté candidat, alors qu'il
était censé juste assurer la transition. Les populations du Nord
ont vécus ces comportements d'exclusion ethnique à leur
égard comme des frustrations qui sont des sources de crispations
ethniques.
Le référendum du 23 Juillet 2000 qui a
favorisé l'adoption de l'art 35 et les nouvelles charges judiciaires
à l'encontre d'Alassane Ouattara s'explique par le fait que le
Général Robert Gueï ait
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mis à jour son ambition d'accéder à la
présidence. Pour ce faire, cet art 35 a permis d'écarter
définitivement Alassane Ouattara de la course à la
présidence.
En effet pour le Général, la non participation
d'Alassane Ouattara à la présidence favoriserait l'abstention de
ses militants en cas de vote. Ainsi, le Général Robert Gueï
pensait capitaliser à lui seul les voix des groupes Kru et Akan ce qui
lui aurait permis d'évincer Laurent Gbagbo qui ne peut obtenir que le
soutien d'une minorité Kru aux élections. Ce qui a
été considéré comme un « hold-up
électoral » canalisé, par l'art 35 de la constitution issu
du referendum.
La justification de la nationalité ivoirienne
d'Alassane Ouattara s'explique par le fait qu'il a prouvé qu'il est
ivoirien et montrer son ambition d'accéder à la présidence
en se portant candidat. Mais par des jeux clientélistes il a
été disqualifié de la course à la présidence
pour la deuxième fois en 2000.
La défaite du Général Robert Gueï
aux élections du 22 Octobre 2000 face à Laurent Gbagbo,
s'explique par le fait que les Akan ayant mal vécus le déclin de
l'ethnocratie Akan par un membre du groupe Kru, aurait probablement voulu
venger cette défaite humiliante en accordant leurs voies à
Laurent Gbagbo et non au Général qui selon eux a
occasionné la destitution de leur prééminence
ethnocratique.
La victoire de Laurent Gbagbo tient au fait, qu'il a
bénéficié du soutient d'une minorité Kru et Akan
pour accéder à la Présidence. On peut logiquement dire que
le Général Robert Gueï et Laurent Gbagbo ont mobilisé
le vote de leurs entités ethniques et de leurs clientèles
politiques pour faire barrage à Alassane Ouattara avant les
élections présidentielles.
Le conflit post électoral s'explique par le fait que
certains militants du RDR vivant mal les effets de ce clientélisme
électoral auraient voulu en découdre avec le chef de la junte qui
a éliminé leur candidat par des manoeuvres clientélistes
et décrier la victoire de Laurent Gbagbo. Les autres militants du FPI
auraient quant à eux estimé que les militants du
Général Robert Gueï et d'Alassane Ouattara revendiquaient la
victoire à leur candidat Laurent Gbagbo, qui aurait appelé
à son tour, ses militants à une « résistance par tous
les moyens ». C'est ce conflit ethno-politique qui explique le "charnier
de Yopougon" qui fit 57 morts parmi les partisans du RDR.
SOUS SECTION II : DE L?ORDRE CONSTITUTIONNEL AUX ALLIANCES
POLITIQUES (20002010)
La politique de refondation du FPI s'explique par le fait que
le Président Laurent Gbagbo n'a jamais caché son aversion pour
l'"Houphouétisme" et la France qui ont tous deux contribué
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d'une part à exclure les Bété de la
production du café-cacao jusque dans les année 80 et d'autre part
favorisé l'ethnocratie Akan. C'est ainsi que dès son
arrivé à la présidence, le Président Laurent Gbagbo
renoue avec un nouveau système clientélisme inclusif,
composée d'une minorité Kru et Akan. Pour assoir son pouvoir, le
Président et sa clientèle ont monopolisé les
sphères militaires, politiques et économiques en l'occurrence la
filière café-cacao. C'est dans cette perspective qu'Arsène
Mankou (2007 ; 52) affirmait:
Le clientélisme revêt plusieurs aspects
lorsqu'il est utilisé par les leaders politiques. Les différentes
thèses ou aspects que sont l'ethnicité, le népotisme, la
corruption, l'intérêt économique, le racisme et le
dépendantisme sont complémentaires dans l'utilisation du
clientélisme.
La rébellion du 19 septembre 2002 s'explique par le
fait que les soldats qui ont mené le Général au pouvoir
ont été plus tard exclus de sa clientèle. Ceux-ci se
sentant trahis dans leur projet, sont revenus à la charge en
décriant l'ivoirité, l'illégalité des
élections 2000 qui ont porté le Président Laurent Gbagbo
au pouvoir et la nouvelle politique clientéliste de celui-ci qui exclu
les groupes Mandé, Voltaïque et une majorité Kru. C'est dans
ce contexte qu'est survenue la division du pays en deux. Les zones Centre, Nord
et Ouest habités par les groupes Mandé, Voltaïque et Kru
occupées par les FAFN et les zones Sud et Est composées de
minorités Akan et Kru, contrôlées par les FDS.
On peut logiquement dire que cette division militaire du pays
est devenue civile dans la mesure où les habitants des territoires
occupés soutenaient la politique du leader qui influençait ce
territoire. De la sorte que les populations en provenance d'un territoire
adverse étaient mal perçues voire discriminer. C'est ce qui
explique les représailles contre les migrants étrangers et entre
les populations des différents groupes ethniques.
Les médiations de la CEDEAO et de la France
s'expliquent par le fait que la communauté internationale s'est
engagée à résoudre la crise, en proposant le débat
sur la nationalité, l'instauration d'un gouvernement de transition et la
nomination d'un Premier ministre de consensus. Le Président Laurent
Gbagbo n'aurait probablement pas voulu se soumettre aux accords issus de la
médiation de la France pour qui, il a toujours eu des réserves.
Il s'est donc employé à résoudre la crise à sa
manière. C'est dans ce contexte que "l'opération dignité"
a été lancée par le Président Laurent Gbagbo dont
l'objectif était de bombarder les positions rebelles en Novembre
2004.
La France quant à elle, voulant soumettre le
Président aux accords signés à profiter de cette situation
pour détruire la flotte aérienne des FDS, qu'elle a accusé
d'avoir bombardé une position des militaires français lors de
"l'opération dignité". On peut dire que la France a imposé
ses vues au
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Président Laurent Gbagbo pour sortir de la crise, en
lui montrant sa suprématie en tant que puissance coloniale.
Dans la même foulé en 2005, Henry Konan
Bédié et Alassane Ouattara scellent leur rapprochement politique
par le Rassemblement des Houpouétistes pour le Progrès et la
Démocratie (RHPD). Indubitablement, ce rapprochement sonne comme le
réveil de l'alliance historique des populations Mandé,
Voltaïque et Akan qui représentent ensemble la majorité de
la population. Ainsi, chacun a promis à l'autre d'aller seul à la
prochaine présidentielle mais s'engageait à se désister en
faveur du gagnant à l'issue du premier tour.
Les nombreux accords signés s'expliquent par le fait
que les belligérants de cette crise ne trouvaient pas des points de
convergences pour la résoudre. C'est dans ce contexte que 4 ans plus
tard à Ouagadougou, après le premier accord de 2003, que le
Président Laurent Gbagbo à nommé Guillaume Soro comme
Premier Ministre. Pour sortir de la crise le Président Laurent Gbagbo a
aussi usé de son pouvoir illimité en période de crise afin
de permettre à la CEI d'organiser des élections
démocratiques libres et non controversées.
C'est ainsi que le problème des origines
discutées du candidat Alassane Ouattara a été contourner,
ce qui a permis au Conseil Constitutionnel de valider la candidature de ce
dernier (CERAP ; 2004). En Outre, Le candidat Henry Konan Bédié a
lui aussi bénéficié de cette « faveur
présidentielle ». Car l'art 35 de la Constitution limite à
soixante-quinze ans l'âge des candidats à la présidence.
Or, Konan Bédié, né en 1934, avait 76 ans depuis le 5 mai
2010. On a réalisé ainsi et provisoirement un changement dans les
dispositions de la constitution sans révision de celle-ci.
Enfin, la candidature du comédien Adama Dolo,
s'explique par le fait que le Président Laurent Gbagbo aurait
probablement voulu démontrer sa sympathie à l'égard des
étrangers résidants en Côte d'Ivoire. En effet, le candidat
d'origine malienne a été naturalisé ivoirien en 2004. Or,
il ne peut être éligible que dix ans après sa date de
naturalisation conformément à la loi no 61-415 14 de
décembre 1961 portant « Code de la Nationalité Ivoirienne
», modifiée par la loi no 72-852 du 21 décembre
1972, en son article 43.
La campagne électorale d'Henry Konan
Bédié à l'Est et à l'Ouest de la Côte
d'Ivoire, s'explique par le fait que celui-ci voulait renouer avec son
électorat Akan qui a été désabusé suite au
coup d'Etat de décembre 1999 et récupérer
l'électorat du Général Robert Gueï dans le groupe
Kru. Quant au Président Laurent Gbagbo, son discours tenu à
Bongouanou s'explique par le fait que, le Président comptait sur les
chefs traditionnels pour capitaliser les voies des territoires maintenus par
les FDS après la division du pays. C'est ce qui expliquerait son retard
dans la campagne électorale.
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
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Puisqu'il aurait eu la certitude d'avoir gagné la
confiance des chefs traditionnels tout en fustigeant ses adversaires politiques
d'être à l'origine de la crise.
Quant à Alassane Ouattara, son discours de
Ferkessédougou explique clairement qu'il se réclame du Nord et
mobilise ainsi les groupes Mandé et Voltaïque dont il est issu
à voter en sa faveur. C'est ce qui explique pourquoi les
résultats de la carte géographique électorale du premier
tour des élections du 31 Octobre 2010, était marquée d'une
part par la division militaire du pays en 2002 et d'autre part par le vote des
groupes ethniques des leaders politiques. C'est ce que Quentin (2000 ; 30) fait
remarquer en ses termes :
Ainsi, faute de choisir des programmes, les
électeurs africains ont souvent
été capturés par des entreprises de
mobilisations ethno-régionales en
choisissant des personnes. Celles-ci s'appuient au
départ sur des
mécanismes clientélistes et se renforcent
grâce à l'instrumentalisation, par
les politiciens, des identités locales et claniques
[...].Ici, le vote devient
sentimental, une expression d'identification. Le candidat
mise sur les
affinités qu'il a avec son électorat pour
accéder à une responsabilité
élective.
Les résultats du premier tour des élections le
31 octobre 2010, s'expliquent par le fait que Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara
et Henry Konan Bédié ont tous bénéficié du
vote de leurs entités ethniques. En plus de La répartition
ethnique des votes, la division militaire a aussi imprimé sa marque
à la carte des résultats. Ainsi, les Mandé et les
Voltaïque constituant la quasi-totalité des électeurs du
Nord-Ouest, occupés par les FAFN ont tous accordé leurs suffrages
à Alassane Ouattara, tandis que le Centre et le Sud-Est du pays,
peuplé essentiellement d'Akan, ont accordé une nette
majorité à Henry Konan Bédié. En revanche, l'Ouest,
le Sud-Est et l'Est du pays marqués par la présence des FDS,
livrent un vote massif en faveur du président sortant Laurent Gbagbo.
Les résultats du second tour des élections du 7
novembre s'expliquent quant à eux du fait que d'Henri Konan
Bédié, du PDCI décident à travers le RHDP, de voter
massivement pour Alassane Ouattara afin d'assurer au RHDP une victoire
éclatante. Ce rapprochement du RDR et du PDCI, explique
l'ethno-stratégie entre les deux partis pour faire front contre Laurent
Gbagbo. C'est ce qui explique les résultats de la carte
géographique électorale du second tour des élections du 28
Novembre 2010.
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
Hippolyte.
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Ainsi le Centre, l'Est, le Sud-Ouest et le Nord qui
représentent respectivement les groupes ethnolinguistiques Akan,
Mandé et Voltaïque ont voté pour Alassane Ouattara. Le Sud
et l'Ouest constitués de Kru et de minorité Akan ont quant
à eux portés leur choix sur Laurent Gbagbo.
Les affrontements sanglants de la crise post-électorale
du second tour des élections, s'expliquent par le fait que les
résultats proclamés par la Commission Electorale
Indépendante (CEI) furent contestés par les partisans du FPI et
la Cours Constitutionnelle. Ceux-ci accordaient la victoire à Laurent
Gbagbo après invalidation des votes dans sept départements du
Nord (soit 13 % des votants). L'opposition dénonçait un «
putsch électoral », tandis que la représentante de la
diplomatie de l'UE et le secrétaire général de l'ONU, puis
l'ensemble de la communauté internationale considéraient que le
vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara (Novelobs ; 2011).
C'est ainsi que les résultats du vote ont finalement
été « certifiés » par le représentant
spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, qui affirme que
ses services ont recomptés trois fois les procès-verbaux des
votes dans les régions contestées et que :
Même si toutes les réclamations
déposées par la majorité présidentielle
auprès du Conseil Constitutionnel étaient prises en compte, (...)
le résultat du second tour tel que proclamé par le
président de la CEI le 2 décembre ne changerait pas (Figaro ;
2010).
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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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CONCLUSION
Le but de ce mémoire était de comprendre la
place de l'ethnicité et du pouvoir politique ivoirien et d'en faire une
analyse. Pour y arriver, nous nous sommes demandé si le sentiment
d'appartenance ethnique a été utilisé dans la vie
politique de la Cote d'Ivoire. Nous avons par la suite émis
l'hypothèse que la vie politique de la Côte d'Ivoire, le sentiment
d'appartenance ethnique a été régulièrement
instrumentalisé et reconstruit à partir d'une mobilisation qui
prolonge, renforce et met en cause les frontières ethniques ou
régionales. Nous avons donc présumé que l'arrivée
massive des migrants-étrangers et la crise économique ont
contribué à une crispation des ethnies qui ont été
instrumentalisées par les politiciens dans leur conquête du
pouvoir.
Au cours de cette étude, nous avons été
amenés à faire une revue de la littérature pour permettre
une meilleure compréhension de notre travail. Nous avons ainsi fait la
recension de quelques études effectuées à travers le monde
sur les relations ethniques puis nous avons regroupé les
différentes positions en deux approches: l'approche clientéliste
et l'approche ethnocratique.
L'approche clientéliste est sous-tendue par le postulat
que le clientélisme est une pratique politique officieuse qui tire ses
origines des sociétés traditionnelles africaines. Amselle
Jean-Loup (1992), Jean-Louis Briquet (1995) et Virginie Martin (1999), le
définisse comme une attitude des politiciens qui consiste à
accroitre leur influence en se créant une clientèle par des
procédés démagogiques.
L'approche ethnocratique est considérée par
Mayer Pierre (1990), Alain Pages (2001) et le CPJMO (2013) comme la gestion de
l'Etat par l'ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays.
Cette approche admet que les politiciens s'appuient sur leur appartenance
culturelle voir ethnique pour obtenir des votes.
Au plan méthodologique, la démarche
adoptée est la recherche documentaire ou bibliographique et l'analyse de
contenu, notamment ceux des discours publiés dans les journaux ivoiriens
et internationaux. La recherche documentaire concernait les documents comme les
ouvrages, les revues, le journal officiel, les révisions
constitutionnelles les mémoires, les monographies et les thèses
sur la Côte d'Ivoire. Les résultats des élections
présidentielles de 1995, 2000 et de 2010 sont au centre de la
présente recherche. Les données utilisées dans ce
mémoire ont été tirées des articles de la
constitution de 1960 et 2000, les hebdomadaires Novelobs, Jeune Afrique, Revue
Africaine, des rapports d'institutions et des archives de RFI.
La composition ethnique de la Côte d'Ivoire fait
apparaître quatre groupes ethnolinguistiques (Akan, Kru, Mandé et
Voltaïque) dont chacun correspond à une aire géographique
très précise. Cette situation rend, à nos yeux, le recours
à la mobilisation ethnique facile. De façon
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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générale, celle-ci intervient le plus souvent
pendant les moments d'intenses mouvements au sommet de l'État.
Dans l'ensemble, il apparaît que la colonisation a
joué un rôle capital dans la hiérarchisation des ethnies.
Cette hiérarchisation fut possible par l'introduction du
café-cacao. Le recours à la mobilisation ethnique quant à
elle à deux trajectoires: la légitimation de l'accès au
pouvoir des membres de son groupe et la contestation de l'origine familiale de
ses adversaires.
Pour l'essentiel, il apparaît que le recours à la
dimension ethnique a été plus fréquent en 1995 et en 2000
qu'en 2010. Sur la foi des données collectées, les candidats du
PDCI et du FPI ont semblé les plus actifs dans ce domaine lors des
élections présidentielles de 1995 et 2000.
Sur la base des données collectées, il
apparaît aussi que les candidats aux élections
présidentielles de 1995, 2000 et 2010 ont à plusieurs occasions
tenue des discours ambigus de dénonciation de la démarche de
leurs concurrents pendant les campagnes électorales pour les
présidentielles. Cette dénonciation ressemble étrangement
à un appel à la solidarité ethnique. Les résultats
obtenus par les candidats retenus dans notre étude à l'issus des
élections de 2010 montrent qu'à l'exception d'Alassane Ouattara,
les deux autres candidats l'ont emporté dans leur région
d'origine où d'ailleurs leur ethnie est majoritaire.
Les données de la campagne électorale en vue des
élections présidentielles de 2010 suggèrent un profond
changement des discours par rapport à ceux prononcés lors de la
campagne électorale de 2000 et 1995. Il se dégage de ces
données que tous les partis politiques utilisent les mêmes
arguments même s'ils l'expriment différemment.
La leçon tirée des deux dernières
élections présidentielles de 2010 et de 2000 est sans
équivoque. Les candidats à la Présidence doivent prendre
le risque de faire des alliances régionales et ethniques s'ils veulent
obtenir le soutien de la nation. Il se dégage d'expérience que
les candidats qui sont apparus comme les défenseurs des
intérêts de leurs communautés ne peuvent espérer
conquérir le pouvoir par les urnes qu'avec leur soutient ethnique. On ne
saurait pour autant en conclure que le candidat victorieux des
présidentielles de 2010 et son parti ont eu une démarche non
ethnique, ni que leurs soutiens sont neutres du point de vue ethnique. Aussi,
la performance de certains candidats dans des zones qui leur sont ethniquement
défavorables ne signifie pas que le vote y fut moins ethnique
qu'ailleurs. Pour expliquer ce phénomène, il est plus pertinent
de noter que les grandes villes ivoiriennes sont demeurées ethniquement
hétérogènes.
Après l'interprétation et l'analyse des
données, nous arrivons à la conclusion que cette
réalité tient au fait que les acteurs politiques, dans leurs
luttes pour le contrôle du pouvoir d'État appellent à la
solidarité ethnique des membres de leurs groupes ethniques. Il se
dégage cependant des données que les démarches
diffèrent. Quelques-uns des acteurs de la scène politique
ivoirienne
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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l'on fait eux-mêmes alors que d'autres ont eu recours
à la mobilisation de solidarités ethniques
hétéroclites avec l'appui des fonctionnaires qui apparaissent
comme des élites locales représentant leurs communautés.
Il apparaît de manière générale que la
stratégie adoptée était celle qui mettait en avant le
clientélisme tout en mettant en cause la crise économique due
à la forte présence des "migrants étrangers" afin de
placer à la tête de l'État un membre de leur groupe
ethnique.
Par cette recherche, nous avons voulu participer à la
compréhension du phénomène ethnique et du pouvoir
politique en Côte d'Ivoire en identifiant les différents
éléments qui favorisent cet état de fait. Ce travail
devrait permettre d'entreprendre d'autres études dans ce domaine pour
mieux saisir les différents canaux qui mènent à
l'ethnicisassions de la vie politique en Côte d'Ivoire et d'en saisir
toutes les implications. Il y a en effet plusieurs autres aspects de cette
réalité politique qui n'ont pas été
considérés dans ce mémoire. Une étude de la
mobilisation ethnique dans un processus électoral devrait, par exemple,
aborder la question de la relation entre l'élite et la
communauté, mener un entretien auprès de la population en
âge de vote d'une part, et auprès des acteurs de la vie politique
et de quelques membres de société civile d'autre part ou encore
intégrer dans la recherche une étude de la composition du bureau
politique national des partis ayant présenté des candidats aux
différentes élections. Une étude complémentaire qui
prendrait en compte ces éléments serait pertinente. Si nous
avions la possibilité d'entreprendre des études approfondies,
nous poursuivrons ce travail avec plus de détermination. Un financement
de la part d'une institution qui s'y intéresserait serait
également la bienvenue.
La réflexion que nous faisons du pouvoir politique en
Côte d'Ivoire, est des candidats indépendants de gagner des
élections. Sur la base d'une analyse qui extrapole nos données
est que si, celui-ci change de démarche en ne cherchant pas à
édifier des alliances avec des groupes et des individus, c'est qu'il
bénéficie d'un soutien local et extérieur assez
important.
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Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. SIB Harkité
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Statistique perspective monde de l'Université
Sherbooke.
ANNEXES
Annexe A : Carte administrative de la Côte d'Ivoire
P52
Annexe B : Carte de la répartition des groupes
ethno-linguistiques de la Côte d'Ivoire P55
Annexe C : Carte de la répartition ethnique et militaire
des élections du 31 Octobre 2010 P75
Annexe D : Carte de la répartition
ethno-stratégique des élections du 28 Novembre 2010
.P76
93
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