La réhabilitation de la CEPGL comme solution à la crise sécuritaire dans la région des grands lacs africains.( Télécharger le fichier original )par Giresse NGOIE KALOMBO Université de Likasi - Licence en Relations Internationales 2014 |
2.2. Causes et conséquences des guerres d'invasion en RDCLes conditions pour le prolongement du drame rwandais en territoire congolais sont de suite réunies par l'installation sur la frontière entre la RDC et le Rwanda d'un million et demi de réfugiés hutus encadrés par des éléments génocidaires de l'ancienne armée Rwandaise. Ces militaires n'ont pas été désarmés à leur entrée en territoire Congolais. Ils ne tardent pas à lancer des expéditions meurtrières en direction du Rwanda et sur le territoire Congolais, parfois de connivence avec des populations autochtones, contre des éleveurs tutsis (Dans Masisi au Nord Kivu ou encore contre les banyamulenge au Sud Kivu). Ces attaques déclenchent l'exode d'une partie de ces populations vers le Rwanda. Les résidus de ces groupes de réfugiés armés sèment encore aujourd'hui la terreur au Kivu sous des dénominations diverses : FDLR, Rastas, Interahamwé, etc. Dans la foulée du génocide, la présence dans les camps d'éléments armés de l'ancienne armée Rwandaise représente un danger direct et permanent pour les régimes tutsis et alliés de la région (Rwanda d'abord mais aussi Ouganda et Burundi). Elle va donc constituer, couplée avec les exactions dont sont victimes les populations tutsies au Congo, l'essentiel de l'alibi d'une guerre en territoire Congolais. Un jeu d'intérêt complexe va en dessiner le contour. La guerre qui éclate en 1996 sur fond de revendications ethniques des Banyamulenge ne cache pas ses dessous de cartes longtemps. Ses principaux leviers sont la volonté du Rwanda de mettre un terme à l'insécurité que cause des camps de réfugiés hutus militarisés situés à sa frontière et venger, si possible, les victimes du génocide en disposant des bourreaux, et le désir de l'Ouganda d'en finir avec les bases arrière des rebelles de la Lord Resistance Army (LRA) et le souci d'accéder au rang de puissance régionale face à un Zaïre s'écroulant. Un rôle pour l'Ouganda de leader régional que l'administration Clinton ne cessera d'affirmer et d'appuyer. En guise de couverture politique, d'anciens maquisards Congolais, dont Laurent Désiré Kabila, sont vite recrutés afin de masquer une guerre d'agression en lui conférant le caractère plus noble de lutte pour la libération du peuple Congolais, opprimé sous la dictature trentenaire du maréchal Mobutu. C'est sur cette trame qu'une armée d'enfants soldats dits `Kadogos', soutenue militairement par les armées Ougandaise et Rwandaise et plus tard par l'armée Angolaise (décidée d'en finir une fois pour toute avec les bases arrières des rebelles de l'UNITA (Union Nationale d'Indépendance Totale d'Angola) en territoire Congolais et de se débarrasser de son ennemi de toujours :Mobutu) va procéder au démantèlement, teinté de massacres, des camps de réfugiés hutus, prendre le contrôle des ressources du Nord Est et de l'Est du Congo et progresser lentement vers Kinshasa afin d'y prendre le pouvoir. Cette armée regroupe en son sein les cadres de « l'armée sans frontière » ayant combattu en Ouganda et au Rwanda ainsi que des renforts d'Erythréens, des Somaliens, d'Ethiopiens, et selon certains observateurs même des combattants Libériens de l'ethnie Khran. Dès 1996, l'africanisation du conflit que l'on qualifiera plus tard de première guerre mondiale africaine a déjà pris racine.16(*) Devant une armée de déserteurs qui abandonnent positions et munitions sans résister, l'armée hétéroclite qui porte désormais le nom d'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) avance très rapidement. Les renforts apportés au régime de Mobutu par l'entremise de mercenaires recrutés par la France dans les Balkans sous le commandement de Christian Tavernier, la résolution 1080 du Conseil de sécurité de l'ONU, fortement poussée par la France, prévoyant l'envoi au Kivu d'une force internationale (qui ne verra jamais le jour), l'intervention des soldats Togolais envoyés par Eyadema et le soutien des rebelles Angolais de l'UNITA n'y feront rien. L'AFDL entre dans Kinshasa et sonne le glas de la plus vieille dictature d'Afrique noire. Paul Kagamé a réussi son pari comme il le confiera plus tard au Washington Post. Il s'était donné pour but de démanteler les camps de réfugiés hutus, de détruire la structure de l'ancienne armée Rwandaise et des milices Interahamwés basées autour de ses camps et au final en finir avec Mobutu. Plusieurs autre pays se seront joints à l'effort, la Zambie de manière discrète, le Zimbabwe et la Namibie en envoyant l'un des fonds et des grains, l'autre des cargaisons de poissons séchés pour les troupes de l'AFDL, l'Afrique du Sud en prenant le volant diplomatique. L'Afrique entière semble s'être mise en mouvement pour un Congo qu'elle espère voir devenir un des moteurs de son développement. Une année seulement après leur « joint venture » politico-militaire, Laurent Désiré Kabila décide de rompre avec la tutelle politique, économique, diplomatique et militaire que lui imposent le Rwanda et l'Ouganda. Pendant près d'une année, l'armée Congolaise est dirigée par des officiers Rwandais. Un certains James Kabarebe, proche de Kagamé, occupe même la fonction de chef d'Etat major. La diplomatie Congolaise est elle aussi dirigée par un Congolais Rwandophone le docteur en médecine au nom de BIZIMA KARAHA à la solde de Kigali et de nombreux biens quittent la RDC pour le Rwanda et l'Ouganda qui consolident leur positionnement économique dans l'Est de la RDC. Cette situation réveille le vieux démon nationaliste Congolais, L.D. Kabila en devient le nouveau porte étendard. Hervé CHEUZEVILLE17(*) exprime bien ce retournement de veste dans son livre Chroniques Africaines de Guerre et d'espérance : « Une fois au pouvoir, Kabila, l'ex-rebelle à la solde de ses voisins de l'Est, tenta de se transformer en authentique homme d'Etat Congolais, faisant passer ce qu'il considérait comme étant l'intérêt national avant les intérêts du Rwanda et de l'Ouganda ». La décision unilatérale de Kabila d'interrompre sa coopération militaire avec les Rwandais et les Ougandais qui mettent le feu aux poudres. Le 2 août 1998, soit seulement 15 mois après la chute de Mobutu, le Congo, et toute la région des Grands Lacs, sombre à nouveau dans une guerre qui durera 4 ans, fera environ plus de 4 millions de mort et coutera au Congo plus de 18 milliards de dollars Américains. C'est une guerre au développement multiforme: si dans ses débuts elle n'est rien d'autre qu'une agression à peine voilée d'une coalition d'Etats voisins (Rwanda, Ouganda et Burundi), elle prend lentement le visage d'un, puis de plusieurs mouvements rebelles soutenus par ces mêmes États. Elle débute par une tentative de putsch militaire menée par le Rwanda (opération aéroportée sur la base militaire de Kitona située à une centaines de kilomètre de Kinshasa) qui est stoppée nette grâce à l'intervention de l'armée Angolaise en soutien à L.D Kabila. L'Angola sera suivi plus tard dans son appui à la RDC par le Zimbabwe et la Namibie. Le Burundi, miné par des problèmes interne se désolidarise assez tôt de l'action du Rwanda et de l'Ouganda en RDC. * 16 John POMFRET, «Rwanda's led revolt in Congo », in the Washington post, 9 juillet, 1997, P.P. 19-20. * 17 Herve CHEUZEVILLE, chroniques Africaines de guerre et d'espérance RD Congo, Ouganda, Rwanda, Burundi et Soudan, Paris, éd. Percée, 2006, P.93. |
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