Annexe 4. La lutte contre le Varroa destructor
Les méthodes de lutte contre le parasite sont
relativement limitées, notamment à cause de sa capacité
d'adaptation (résistance) aux différents pesticides. Donc dans
l'impossibilité de l'éradiquer totalement, l'objectif du
contrôle demeure alors de permettre aux colonies d'abeilles de cohabiter
avec une infestation de varroas minimale et supportable (une colonie
commencerait à ressentir un dommage pour une infestation comprise entre
3500 et 4000 varroas) (Delaplane et al. 2005).
Par ailleurs, dans la quête de moyens de contrôle,
plusieurs méthodes ont été développées avec
le temps. On en citera entre autres :
A. Le Piégeage
Les méthodes de piégeage suivantes visent
à concentrer les acariens sur un seul cadre de la ruche pour ensuite
éliminer ce cadre. Elles ne permettent que de limiter le taux
d'infestation. De plus, elles peuvent provoquer un affaiblissement de la
colonie (Hanley A. et Duval J.., 1993)
? L'utilisation de cellules à faux-bourdons:
Comme les varroas préfèrent pondre dans les cellules de
faux-bourdons, il est possible de les piéger en fournissant un cadre
avec de telles cellules. Lorsque ces dernières seront operculées,
le cadre sera retiré et la cire fondue ou brûlée.
? L'utilisation d'attractif: Pour attirer les acariens
sur un cadre de la ruche en particulier, on peut utiliser un attractif. Un
produit commercial fabriqué en Belgique, le Varroutest de la compagnie
Sanders Probel Biotechnology, consiste en de l'extrait de larves de
faux-bourdons et permet d'attirer les acariens une fois appliqué sur un
cadre. Le Varroutest attirerait plus de 75% des acariens selon de nombreux
tests faits en Belgique, en Italie, en Grèce et dans les pays de
l'Est.
? L'utilisation d'une nouvelle reine: En retirant et en
faisant fondre le premier cadre à la reprise de la ponte, on peut
enlever une grande partie des varroas présents. Des chercheurs russes
(Petrov et Khazbievich, 1980) ont observé que le couvain du premier
rayon où une nouvelle reine a pondu est infesté de varroa
à 46% tandis que les autres ne le sont qu'à 4%. En retirant ce
rayon, ils ont pu réduire grandement la population de parasites, la
colonie s'est par la suite bien développée et a pu hiverner de
façon satisfaisante.
102
? L'introduction de jeunes larves: On introduit des
jeunes larves d'abeilles dans les colonies au moment où elle n'en a pas.
Les parasites se précipitent sur ces larves pour y pondre. On retire le
cadre aussitôt que les cellules sont operculées. La méthode
a plusieurs avantages, notamment elle respecte le cycle reproducteur de
l'abeille et permet à la colonie de développer une
résistance graduelle au Varroa.
? Reine engagée: Cette méthode consiste
à enfermer la reine sur un cadre trois fois de suite à
intervalles de 10 jours. Au bout des 30 jours, le cadre est sorti et
brûlé. La reine peut être sacrifiée ou non. Environ
60% des varroas seraient éliminés de cette façon.
B. La thermothérapie
Plusieurs expériences ont été
menées sur l'utilisation de la chaleur contre le varroa et l'acarien de
l'abeille qui vit dans la trachée, certaines avec un certain
succès, d'autres pas. Les acariens sont très sensibles à
la chaleur. En ex-URSS, une technique de lutte contre le varroa consiste
à passer les colonies dans une chambre chauffée à 46-48C
pendant 15 minutes. La méthode est coûteuse et brutale pour les
abeilles. Des expériences réalisées en Louisianne par John
Harbo du Département américain de l'agriculture (USDA., 1993) ont
démontré qu'une température de 39°C pendant 48 heures
décimait les acariens de l'abeille.
C. L'usage de produits anti-adhésifs
Comme l'acarien dépend de l'abeille pour se
déplacer dans la ruche et d'une ruche à l'autre, les apiculteurs
et chercheurs ont pensé à utiliser des produits qui
empêchent l'acarien d'adhérer au corps de l'abeille, et donc de se
propager. On peut citer :
Farine: Des apiculteurs de l'Inde (Shah et Shah, 1988)
saupoudrent les abeilles de 10 à 15 grammes de farine de blé
dès l'apparition du varroa et répètent ce traitement trois
fois à une semaine d'intervalle. La farine empêche simplement les
acariens de s'accrocher à l'abeille et donc de voyager d'un rayon
à l'autre. Cette méthode ne pose de problème ni aux
abeilles, ni au miel.
Corps gras: Selon le même principe, Sammataro
(1994) conseille de placer une galette faite d'un mélange de 150g de
farine végétale et 300g de sucre en poudre sur les barres du haut
de la ruche où se trouve un couvain. Les abeilles pensent qu'il s'agit
de déchets
103
et petit à petit vont l'évacuer de la ruche.
Pendant ce temps, la farine empêche les acariens de s'accrocher aux
abeilles.
D. L'électricité
Dans la province du Ryazan en ex-URSS, un chercheur a mis au
point une méthode de lutte efficace à 100% contre les varroas
accrochés aux abeilles et qui utilise l'électricité (Egin,
1988).Il s'agit d'une plaque percée de trous tout juste assez grands
pour laisser passer les abeilles et qui est placée à
l'entrée de la ruche. Le bord de chaque trou est frangé de
façon à créer une espèce de brosse. La plaque est
trempée dans un électrolyte. Lorsqu'un courant de 12 volts passe
par la plaque, les varroas qui sont attachés aux abeilles sont
paralysés et tombent tandis que les abeilles ne sont pas
affectées.
E. Sélection d'abeilles tolérantes ou
résistantes à Varroa jacobsoni
En 1984, plusieurs années après la
découverte de Varroa jacobsoni en Yougoslavie et trois ans
avant que cet acarien soit identifié aux Etats-Unis, un projet de
recherche conjoint avait été établi. Le but de ce projet
était d'essayer de sélectionner des souches d'abeilles
mellifères tolérantes ou résistantes à ce parasite.
Quatre générations provenant de deux lignées d'abeilles
mellifères (Apis mellifera carnica) furent propagées
sélectivement à partir de ces reines. Les deux lignées
étaient sélectionnées pour une infestation
élevée et faible du couvain par les acariens. Des
différences
significatives dans toutes les générations de
sélection montraient que cette caractéristique était
héritable, car une proportion significative de cette variation
génétique était additive. L'amélioration par
sélection, à condition d'être organisée sur une base
génétique plus large, peut offrir les solutions à long
terme espérées concernant le problème de la Varroase. (De
Guzman et al. 1997; Al Ghamdi, 2002)
F. La lutte biologique
Peu de recherches sur le contrôle biologique du
Varroa ont été réalisées. L'utilisation de
toxines de Bacillus thuringiensis et de virus a été
envisagée mais aucune application pratique n'est prévue à
court terme. Des isolats de champignons (Verticillium lecanii, Hirsutella
spp., Paecilomyces spp., Beauveria bassiana, Metarhizium spp., Tolypocladium
spp.) testés expérimentalement ont permis d'infecter et de
tuer V. destructor (Kanga et al. 2002 ).
104
G. L'utilisation de la roténone
La roténone est un insecticide végétal
toléré par les cahiers de charge d'agriculture biologique pour la
protection des productions végétales. Son utilisation contre le
Varroa a été développée en France par des
apiculteurs biologiques. Pour être efficace, la roténone doit
être appliquée pendant un cycle de vie complet du Varroa,
soit 30 jours. Il faut l'utiliser avec une grande prudence car elle peut tuer
les reines.
H. L'aromathérapie
Beaucoup d'acides organiques sont répandus dans la
nature et certains d'entre eux (notamment l'acide formique) se produisent
naturellement dans le miel et ne laissent pas de résidus toxiques
(Imdorf et al. 2003).
Certaines des essences de plantes sont efficaces sur les
Varroas qui infestent le couvain et d'autres ne le sont pas. L'acide
oxalique, par exemple, n'est pas efficace contre les acariens qui infestent le
couvain, et n'est donc utilisé que chez les colonies sans couvain, comme
ceux qui se produisent en novembre. L'acide formique, est efficace aussi bien
contre les Varroas qui infestent le couvain que ceux
phorétiques. Les acides organiques sont utilisés pour
réduire les populations d'acariens à un niveau qui permet
à la colonie de se développer, mais des traitements annuels (et
parfois biannuels) sont nécessaires pour limiter l'infestation (Burlew,
2009). Aucun acide organique ne s'est révélé être
à 100% efficace pour tuer les acariens.
Les biopesticides à base d'huiles essentielles (HE)
forment une classe de pesticides intéressante puisqu'étant
constituées de plusieurs composés à mécanismes
d'action multiples, elles ont des modes d'application variés
(fumigation, répulsion, contact). Comme tous les extraits de plantes,
elles mettent en action simultanément plusieurs mécanismes
physiologiques (par opposition à des pesticides n'ayant qu'une seule
cible moléculaire), et de ce fait, l'apparition de populations
résistantes d'insectes se retrouve retardée (Chiasson et Beloin,
2007).
Les huiles essentielles sont souvent utilisées pour la
lutte contre le Varroa. Péguin (1991) a proposé un
traitement à base d'huiles essentielles en mélangeant l'huile de
thym de sariette, de lavande et de génévrier additionnée
de sauge, de menthe et de girofle. Miguel Neira et al. (2004) au chili
ont étudié l'effet des huiles essentielles de lavande et de
laurier sur Varroa destructor. Les deux HE ont été
diluée à 30% avec de
Outre la fumigation, d'autres méthodes d'application
ont été essayées, y compris l'utilisation de la
fumée (Ghomari et al. 2013). En Turquie, les feuilles de
différentes
105
l'acétone avant les traitements. Au terme de leur
expérience, 100% des Varroas ont chuté des abeilles mais
avec une mortalité du parasite de 41,67% pour le traitement à
l'HE de lavande et 35% de mortalité pour le traitement à l'HE de
laurier.
Muhammad Asif et al. (2013) au Pakistan ont
effectués contre le Varroa des tests d'efficacité de
traitement à base d'HE de Neem, à base d'un mélange (HE de
Neem, HE d'ail et de l'HE de tabac) et à base d'HE de tabac. La plus
importante chute d'acariens a été observée après 15
jours pour le traitement par le mélange (huile de Neem , huile d'ail et
huile tabac). Il y a eu, en effet, en moyenne 91,46 varroas
décrochés au niveau du traitement par le mélange d'HE
contre 61,34 pour le traitement à base d'HE de Neem et 71,33 pour le
traitement par l'HE du Tabac.
Onze huiles volatiles ont été testées
contre Varroa destructor in vitro en Egypte (Abd E., et al.
2006). Il s'agit des HE de menthe, de Thymus vulgaris,
d'Eucalyptus, de marjolaine, de cumin, de l'ail, du basilic, de l'orange, du
Géranium, de menthol et de l'Eugénol. Les résultats ont
montré que tous les traitements ont été efficaces contre
le Varroa (réduction de 66% de varroa en moyenne) et une
différence significative a été observée dans les
colonies traitées par rapport à ceux non traités.
Néanmoins quelques mortalités d'abeilles ont été
observées.
Les acides organiques et des huiles essentielles fonctionnent
de façons différentes pour contrôler le Varroa.
L'effet acaricide essentiel des acides organiques est d'abaisser le pH dans la
ruche, un phénomène toléré par les abeilles, mais
au détriment des acariens (Wallner, 2003). Les huiles essentielles ont
quant à elles, deux modes d'action dans la lutte contre le
Varroa. Elles peuvent tuer les acariens par contact (Armine et al.
1996). Comme les abeilles se déplacent dans la ruche, elles
s'imprègnent d'huile essentielle et la dispersent. Par ailleurs, si
l'huile est mélangée au sirop liquide de nourrissage, les
abeilles nourricières s'en alimentent (effet par ingestion) et la
nourrissent aux larves.
L'un des problèmes rencontrés avec les huiles
essentielles et les acides organiques est leur extrême volatilité.
Ebert et al. (2007) ont cherché à réduire les
problèmes liés à la volatilité en incorporant un
certain nombre de composés végétaux directement dans le
sirop de nourrissage destiné aux abeilles
106
plantes sont séchées et brûlées ;
la fumée est dirigée dans les ruches. Les fumées de tabac,
de cèdre, thym, pin, et le pyrèthre (chrysanthème) se sont
tous été révélés efficaces contre le
Varroa (Cakmak et al. 2006), mais jusqu'à
présent, aucun avantage particulier n'a été trouvé
dans l'utilisation de la fumée, par opposition à une autre
méthode d'application.
I. L'utilisation de répulsifs
Des apiculteurs biologiques allemands considèrent que
la présence à proximité des ruches de certaines plantes
à forte odeur explique que leurs ruches soient exemptes de
Varroa. Les plantes en question seraient l'ail des ours et la
fougère-mâle (Dryopteris filix-mas). Cette
dernière étant reconnue pour ses propriétés
acarifuges. Des fumigations de mélisse et de menthe ont aussi produit de
bons résultats en Allemagne (Rademacher, 1983).
J. Lutte par traitements acaricides
Le Hort. Research Client Report No. 2001/249 présente
une revue complète des produits acaricides utilisés contre le
Varroa ainsi que leur principe actif et leur dose et mode
d'application
107
Tableau a. Liste de produits ayant montré une
efficacité significative dans le contrôle de la
varroase
Nom commerciale des Produits
|
Principe actif
|
Classe chimique
|
Apiguard
|
Thymol
|
Huile Essentielle
|
Apilife VAR
|
Thymol,eucalyptol, menthol, camphor
|
Huile Essentielle
|
Apistan
|
Fluvalinate
|
Pyrethroid Synthétique
|
Apitol
|
Cymiazol
|
Dérivé Iminophenyl thiazolidine
|
Apivar
|
Amitraz
|
Amadine
|
Bayvarol
|
Flumethrin
|
Pyrethroid Synthetique
|
Check-Mite+,Perizin
|
Coumaphos
|
Organophosphate
|
Folbex
|
Bromopropylate
|
hydrocarbure Chlorinaté
|
Generic
|
Acide Formique
|
Acide organique
|
Generic
|
Acide Lactique
|
Acide organique
|
Generic
|
Acide Oxalique
|
Acide organique
|
(Anonyme, 2001)
Faucon et al. (2007) relatent d'autres
spécialités d'acaricides utilisés (Tableau 2)
Tableau b. Nature de traitements mis en oeuvre pour le contrôle
la mise en évidence du Varroa
Matière active
|
Specialité commerciale
|
Dosage
|
Acide oxalique
|
Acide oxalique dihydrate
(Merch)
|
35 g/l de sirop de
saccharose
50/50
|
Coumarphos
|
Asuntol ND (Bayer)
|
15 g d'Asuntol ND pour 11 litres d'eau
|
Fluvalinate
|
Apistan ND (Swarm)
|
Lanière contenant 0,5 de fluvalinate
|
(Faucon et al. 2007)
108
En France, afin de minimiser la charge parasitaire, cinq
médicaments disposant d'une Autorisation de Mise sur le Marché
(AMM) pour la varroose de l'abeille sont actuellement disponibles: l'Apistan,
l'Apivar, l'Apiguard,le Thymovar et l'Apilife Var. Au Maroc les produits
disponibles et proposés actuellement par les services
vétérinaires pour la lutte contre le Varroa sont:
l'Apiguard, l'Apistan, l'Apitol, le Fumidil B., l'Apilife Var, le Bayvarol et
le Perizin.
Par ailleurs, d'autres molécules sont autorisées
en Europe mais qui ont montrées avec le temps des problèmes de
résistance et d'inefficacité vis du Varroa infestant le
couvain (Elzen et al. 2000): le coumafos (Autriche, Belgique, Chypre,
Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Portugal, Roumanie, Slovénie,
Bulgarie), l'acrinathine (République Tchèque, Lituanie), la
fluméthrine (pyréthrinoïde) (Estonie, Allemagne,
Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal,
Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Royaume-Uni, Bulgarie).
Il faut signaler qu'une des molécules les plus
utilisées en France, considérée comme la plus efficace:
l'amitraze, n'est pas autorisée dans d'autres pays européens
(Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, Islande,
Norvège, Suède, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande,
Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Bulgarie, Royaume-Uni) (Nicolas
Vidal-Naquet, 2008).
K. Mise en oeuvre de la lutte
Les conditions climatiques, les périodes de
miellées, le développement de la population de V.
destructor doivent être pris en compte lorsque l'on met en place une
stratégie de lutte. Après une forte miellée, le couvain
est réduit par manque de place, donc le pourcentage d'alvéoles du
couvain infestées augmente (Imdorf et al. 2003).
Les traitements habituels pour réduire la population de
V. destructor se font en fin d'été (août et
septembre) dès la dernière récolte de miel, le but
étant de réduire au maximum l'infestation du couvain, afin
d'obtenir un développement normal des abeilles destinées à
passer l'hiver (Colin, 1989). L'objectif est d'obtenir une population de moins
de 50 V. destructor à l'intérieur des ruches pour passer
l'hiver .On peut vérifier que cet objectif est bien atteint si moins de
1 chute naturelle d'acarien est observée quotidiennement à
l'issue de la période d'efficacité du traitement de fin
d'été (Imdorf et al. 1996; 1999; The Food and
Environment Research Agency, UK, 2010).
109
Si cet objectif n'est pas atteint, deux solutions:
- un traitement complémentaire peut être
envisagé.
- la mise en place de moyens de lutte biotechnologique en
début de saison apicole; le plus facile à mettre en place
étant le retrait de cadres de couvain de faux-bourdons operculés
(avril-mai).Un traitement de `secours' pourra être aussi
réalisé pendant la période apicole (mars à
août) si le niveau d'infestation par V. destructor
dépasse les seuils critiques (Charrière et al. 1998).
|