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La qualification d'investissement au regard de la jurisprudence arbitrale internationale: entre conceptions subjectives et objectives.

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par Elie-Joël ILONGA MONDELE
Université de Kinshasa (UNIKIN) - Licence en droit économique et social 2015
  

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IN MEMORIAM

Une pensée pieuse à mes regrettés grand-père maternel, Mondele Etumbe Paul, et parrain, Yango Willy qui, n'ont pas eu la chance d'assister au couronnement de mes études. Eux qui m'ont toujours enseigné le bon exemple, et insisté sur la réussite dans mes études ;

À Glodie Wasalusu Walandila, qui nous a quittés à fleur d'âge. Autrefois un ami, mais aussi un petit frère, tu as toujours su trouver en moi une marque d'admiration. Quelle immense tristesse de te perdre.

Sit vobis terra levis.

iv

PRINCIPALES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

AGNU : Assemblée général des Nations-Unies

AII : Accord international d'investissement

ALE : Accord de Libre-échange

AMI : Accord multilatéral d'investissement

AMGI : Agence Multilatérale pour la Garantie des Investissements

APE : Accord de Partenariat Economique

CCI : Chambre du Commerce Internationale

CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

CIJ : Cour Internationale de Justice

CDI : Commission de Droit International

CIRDI : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
CNUCDI : Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international CNUCED : Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement COMESA : Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe

CPA : Cour Permanente d'Arbitrage

CPJI : Cour Permanente de Justice internationale

JO : Journal officiel

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

PUF : Presses universitaires de France

RDC : République démocratique du Congo

TBI : Traité bilatéral d'investissement

1

INTRODUCTION

« La fortune d'une expression s'explique par la pauvreté de son contenu : la notion d'investissement n'échappe à cette règle ».1

Bien qu'ayant fait l'objet des commentaires abondants - surtout en droit international -, la notion d'investissement demeure malgré tout très controversée et énigmatique, vu la complexité et les incertitudes qui l'entourent. Tel est le cas de nombreuses contradictions entre traités bilatéraux et multilatéraux d'investissement ; dans la doctrine ; et surtout de la jurisprudence arbitrale internationale lesquels, jusqu'à ce jour, n'ont réussi à en déterminer les contours.

Conscients de la difficulté de cette tâche dont l'examen ressemble aux travaux d'Hercules, nous nous sommes décidé malgré tout d'apporter notre contribution, par la rédaction d'un travail de fin d'étude intitulé : « La qualification d'investissement au regard de la jurisprudence arbitrale internationale : entre conceptions subjective et objective ». Pour y arriver, la présente étude mérite que soit posée sa problématique (I), formulées ses hypothèses (II), ressorti son intérêt (III), délimité son champ d'investigation (IV), données les différentes méthodes et techniques de recherche (V), et annoncé son plan (VI).

1 GAILLARD Y., et THUILLIER G., « Qu'est-ce qu'un investissement», s.l, in revue économique, p.607, 1968.

2

1. PROBLEMATIQUE

Certes, considéré de nos jours comme la pierre angulaire de relations économiques internationales, l'investissement apporte des avantages substantiels à tous les pays du monde - surtout ceux en voie de développement -, notamment en terme de transferts de compétences, de capitaux et de technologie, de contribution au développement et à la croissance économiques, ainsi qu'en terme d'expansion du commerce international. Cependant, son contenu reste fuyant et imprécis.

En effet, une première difficulté résulte du fait que le terme investissement change de signification selon que l'on se situe dans un contexte économique (tout acte résultant de l'addition du capital productif)2,comptable (il est constitué de tout bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel acquis ou crées par la même forme d'entreprise)3 ou financier (l'ensemble des dépenses générant sur une longue période de revenus, de sorte que les remboursements de la dépense initiale soient assurée)4etc. Ce qui n'est pas facile de l'appréhender sous toutes ses formes.

Dans le langage juridique, cette notion est marquée d'une ambigüité manifeste. On retrouve d'une part, des catégories diverses de définitions, et d'autre part des définitions au contenu différent dans toutes les normes la régissant, qu'ils s'agissent des accords internationaux d'investissement (traités multilatéraux et bilatéraux d'investissement, accords de commerce et d'investissement préférentiels, accords de libre-échange ou d'intégration économique portant des dispositions relatives à l'investissement, les accords fiscaux internationaux de double imposition) ou des lois nationales de protection des investissements (codes des investissements). Cela confirme ce qu'affirme SCHAUFELBERGER : « cette notion est entrée dans le langage juridique sans qu'une définition n'ait pu [lui] être établie de façon globale à ce jour ».5

Ces incohérences normatives ne permettent pas de bien qualifier un investissement. La qualification en droit est un terme polysémique, c'est-à-dire sa signification varie selon le domaine dans lequel on se trouve, notamment en droit international privé, en droit pénal, en

2 KEYNES J-M., et HAYEK, cités par LAVIEC J-P., Protection et Promotion des investissements : étude de droit international économique, Paris, Presses universitaires de France, 1985, p.13.

3 MOULOUD MAMMERI TIZI, Etude analytique d'un financement bancaire crédit - investissement, cas du CNEP/ Banque, disponible sur : http/ www. Mémoire online.com, (page consultée le 21 mai 2016).

4Ibidem.

5 SCHAUFELBERGER P., La Protection des investissements internationaux dans les pays en développement : étude de la garantie contre les risques de l'investissement et en particulier de l'agence multilatérale des investissements, Lausanne, Proefschrift, 1993, pp. 34 et s.

3

procédures civile et pénale, ou en théorie générale de droit etc. Cette dernière approche nous concerne le plus, car en théorie générale de droit :

« La qualification est toute opération intellectuelle d'analyse juridique, un

outil essentiel à la pensée juridique, consistant à prendre en considération
l'élément qu'il s'agit de qualifier (fait, acte, activité, règle etc.) le faire entrer

dans une catégorie juridique préexistante [c'est-à-dire en déterminant son

régime juridique], et en reconnaissant en lui les caractéristiques de rattachement »6.

Autrement dit, qualifier signifie en ce sens rattacher un élément à une catégorie juridique, pour en déterminer le régime applicable.

De ce qui précède, nous pensons que l'opération de qualification d'investissement consiste à définir un investissement, à en déterminer les éléments constitutifs ou les conditions d'existence, ainsi que le régime juridique applicable.

Par ailleurs, la jurisprudence arbitrale internationale, source de détermination notamment des règles non écrites du droit international, coutumes et surtout des principes généraux de droit 7 a tenté à son tour de donner un sens au concept « investissement » mais tout en restant contradictoire. En dépit de son caractère impressionnant eu égard à sa quantité et à sa pertinence, celle-ci n'a pu prévoir avec certitude l'issue d'une opération de qualification d'investissement.8

Celle- ci est de prime à bord affectée d'une contradiction méthodologique9, opposant les tenants d'une conception subjective ou volontariste de l'investissement (tous les tribunaux autres que le CIRDI et certains tribunaux CIRDI10) aux tenants d'une conception objective ou autonome de l'investissement (essentiellement les tribunaux CIRDI).Comme le souligne MALIK, « if states opt for arbitration, they should bear in mind that some tribunals

6 CORNU G., Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2005, p.667, s.v. Qualification.

7 CARREAU D., et MARELLA P., Droit international, Paris, Pédone, p.536.

8ONGUENE ONANA D-E., « Qualification d'investissement et compétence en arbitrage international relatif aux investissements : théorie du contrôle séparée devant le CIRDI », inrevue générale de droit, vol 42, n°1, Erudit, Montréal, 2012, p.61.

9 CLAVEL S., et DERAINS Y., La définition de l'investissement, dossier d'orientation, Paris, conventions réguler la mondialisation, 2013, p.13.

10 Voir affaires Antoine Goetz et consorts c/ la République du Burundi, CIRDI n° ARB/95/3, sentence du 10 février 1999 ; Middle East Cement Shipping and Handling co. S.A. c/ République d' Egypte, CIRDI n°ARB/99/6, sentence du 12 Avril 2002 ; Alpha Projekholding Gmbh c/ Ukraine, CIRDI n° ARB 05/22, sentence du 8 Novembre 2010 etc.

4

may apply an objective test approach (...) however, some tribunals apply a subjective approach (...) ».11

L'approche subjective évidemment majoritaire, n'a d'autre base que la volonté des parties exprimée dans le traité bilatéral d'investissement (TBI) ou leurs contrats pour définir l'objet du différend à porter devant le tribunal arbitral.12

L'approche objective par contre pose un certain nombre des critères autonomes et objectifs ne dépendant pas de la volonté des parties ou de leur consentement à l'arbitrage13, lesquels sont pris comme les éléments constitutifs de l'investissement. Ceux-ci ont été déterminés pour la première fois dans l'affaire Salini construtorri S.p.A c/ Maroc de 2001, qui a estimé que l'existence d'un différend relatif aux investissements selon la convention de Washington du 18 Mars 1965 instituant le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats, ne se réduit pas au consentement des parties contractantes, mais plutôt à un apport, une certaine durée, une participation aux risques et une contribution au développement économique de l'Etat d'accueil.14 Ces critères « salini » ont été repris par la suite dans les affaires R.F.C.C c/ Egypte, et Jando Nul NV et Dredging international c/ Egypte.15

En plus de ces deux approches, une autre approche dualiste (essentiellement pour les tribunaux CIRDI) connue sous les expressions de « double barrelled test »16 ou « two- fold test »17 ou encore « double keyhole approach »18 selon les différentes sentences arbitrales, « seems to use a subjective consent criterion, in addition to objective elements (...) ». L'application de ce test à deux coups a commencé pour la première fois dans l'affaire CSOB

v. The Slovak Republic.

11 ONGUENE ONANA D-E ., La qualification d'investissement étranger : contribution à la notion juridique d'investissement et à la définition d'extranéité, thèse de doctorat, Université de Laval, Québec, 2011, p.12.

12 CLAVEL S., et DERAINS Y., op.cit. p.12.

13Ibidem.

14Salini construttori S.p.A et Italstrade S.p.A c/ Royaume du Maroc, affaire CIRDI n° ARB/00/4, décision sur la compétence du 23 Juillet 2001.

15 BEN HAMIDA W., la notion d'investissement et d'investisseur dans la jurisprudence arbitrale récente, séminaire sur les accords internationaux et le règlement des différends investisseurs - Etats, Rabat 5-7 Juin 2013, p.3.

16Malaysian Historical Salvors, SDN, BHD c/ la Malaisie, Affaire CIRDI n° ARB/05/10, décision sur la compétence, (17 mai 2007) §. 55.

17Ceskoslovenska Obchodni Banka c/ République Slovaque, affaire CIRDI n° ARB/97/4, décision sur la compétence du 24 Mai 1999.supra note 755 au para 68.

18Aguas del Tunari SA c/ Bolivie, Affaire CIRDI n° ARB/02/3, Décision sur la compétence, 21 octobre 2005, §.278.

5

Dans ce conflit, la méthodologie du tribunal dans la définition du concept investissement était la suivante:

« a two-fold test must therefore be applied in determining whether this Tribunal has the competence to consider the merits of the claim: whether the dispute arises out of an investment within the meaning of the Convention and, if so, whether the dispute relates to an investment has defined in the parties' consent to ICSID arbitration, in their reference to the BIT and the pertinent definitions contained in article 1 of the BIT ».19

A cette contradiction de méthode, s'ajoutent des contradictions substantielles

particulièrement nettes en cas d'application de la conception objective de l'investissement. Il y a une contrariété des sentences arbitrales du CIRDI sur l'appréciation des critères

objectifs prévus à l'origine par l'affaire salini c/ Maroc.

En 2008, dans l'affaire L.e.s.i. S.p.A et Astald S.p.A. v. Algérie, on passe à 3

critères, écartant en ce temps celui de contribution au développement économique. Il a été ainsi indiqué :

« ... il parait conforme à l'objectif auquel répond la convention, qu'un contrat, pour constituer un investissement au sens de la disposition, remplisse les trois conditions suivantes ; il faut, a) que le cocontractant ait effectué un apport dans le pays concerné, b) que cet apport porte sur une certaine durée, et c) qu'il comporte pour celui qui le fait un certain risque. Il ne parait en revanche pas nécessaire qu'il réponde en plus spécialement à la promotion économique du pays, une condition de toute façon difficile à établir et implicitement couverte par les 3 éléments retenus »20.

Ces critères ont été réaffirmés plutard dans les affaire Bayindir c/Pakistan21, Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c/

19Ceskoslovenska Obchodni Banka c/ République Slovaque, op.cit.

20Consortium Lesi -Dipenta c/ République populaire démocratique algérienne, affaire CIRDI n°ARB/03/8, sentence du 10 Janvier 2005.

21 BEN HAMIDA W., op.cit, p.4.

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République démocratique du Congo22 et Victor Pey Casado c/ République du Chili.23

Ensuite, survient l'affaire République démocratique du Congo c/

Patrick Mitchell qui a remis en cause l'affaire Lesi, en estimant que le critère du développement économique était un critère nécessaire pour la qualification

de la notion d'investissement, repassant ainsi à 4 critères objectifs comme l'exprime le comité ad hoc d'annulation :

« Les caractéristiques de l'investissement mises en évidence par le CIRDI et commentées par la doctrine sont au nombre de quatre mais elles sont en réalité interdépendantes et dès lors examinées de manière globale. La première caractéristique de l'investissement est l'apport de l'investisseur(...). D'autres sont la durée du projet et le risque économique qu'il représente, au sens de l'incertitude qui pèse sur sa réussite. La quatrième caractéristique de l'investissement est la contribution au développement économique de l'Etat d'accueil ».24

En 2009, l'affaire Phoenix action Ltd c/ République tchèque est passé plus loin dans l'affirmation que :

« Dans l'arbitrage CIRDI, il n'est pas suffisant de s'en tenir à la définition de la définition de l'investissement donné par le traité bilatéral applicable mais que 6 critères doivent être réunis, passant de la notion d'investissement à celle d'investissement protégé : un apport en nature ou autre, une certaine durée, un élément de risque, une opération tendant au développement économique de l'Etat hôte, un apport investi dans le respect des lois de l'Etat hôte, un apport investi de bonne foi ».25

De même, et en toute rigueur, la contradiction substantielle peut également concerner la conception subjective de la notion d'investissement : rien ne garantit en effet que

les tribunaux arbitraux appliquant cette conception retiennent d'une affaire à une autre, la même approche de la volonté des parties. Certains TBI ont une approche large fondée sur les

22Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c/ République démocratique du Congo, affaire CIRDI n° ARB/10/4, sentence du 29 Janvier 2014.

23 Victor Pey Casado c/ Chili, affaire CIRDI n° ARB/98/2, décision sur la compétence du 8 Mai 2002.

24Patrick Mitchell c/ République démocratique du Congo, affaire CIRDI n°ARB/99/7, décision d'annulation du comité ad hoc du 1er Novembre 2006.

25 Affaire Phoenix action Ltd c/ République Tchèque, CIRDI n°ARB/06/6, sentence du 15 Avril 2009, commenté par CLAVEL S., et DERAINS Y., loc.cit.

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actifs, d'autres fondée sur les entreprises ou font allusion à la présence commerciale, d'autres encore ont une approche réductive des types spécifiques d'actifs c'est-à-dire utilisant une définition fermée ou limitative.26

A ce titre, les divergences d'approches créées par les tribunaux arbitraux empêchent le consensus sur la notion d'investissement. Elles ressemblent à « un mouvement pendulaire qui va sans cesse de la thèse à l'antithèse, suivi de l'antithèse à la thèse, sans jamais trouver la synthèse ».27Cela démontre donc le caractère « élastique »28 de la notion d'investissement.

En outre, ces tiraillements ne permettent pas d'établir la portée claire et exacte d'un investissement, en ce sens qu'elles empêchent de distinguer les opérations devant être reconnues comme des investissements, de celles qui ne le sont pas.

De ce fait, une rationalisation de ces définitions multiples et au contenu différent reste encore à parfaire aujourd'hui, dans le but de mettre fin à l'insécurité juridique qui règne jusqu'à ce jour.

Face à ces problèmes soulevés, il nous est judicieux de savoir : quel est l'intérêt à qualifier un investissement ? Comment y procéder et quelles en sont les conséquences à défaut ? Quelle en est la meilleure approche possible ? Quels critères faut-il retenir ? Auront-ils la même teneur ? Se fonderont ils sur des critères objectifs du type Salini entant que des conditions de l'existence de l'investissement ? Ou vont se contenter, sans plus de la liste figurant dans le traité ou la loi de protection applicable ? Ou encore de la combinaison de ceux deux conceptions ? Nous tenterons d'y répondre dans les lignes suivantes.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius