1-1 : Objectifs de la redistribution des revenus
La politique de redistribution des revenus poursuit à
la fois des objectifs de réduction des inégalités, de
protection contre les risques sociaux et de stabilisation de la conjoncture
économique. Les principaux objectifs peuvent être expliqués
comme suit :
? La lutte contre les inégalités
(logique de solidarité) : la répartition primaire telle
qu'elle est réalisée par le marché comporte des
inégalités. Pour corriger ces inégalités,
l'État doit mettre en place un transfert des ressources des hauts
revenus vers les bas revenus pour organiser une solidarité entre les
riches et les pauvres. Cette redistribution verticale s'appuie sur une logique
d'assistance aux personnes dont les ressources sont insuffisantes. Les
financeurs sont les contribuables. Les bénéficiaires sont les
personnes dont les ressources sont insuffisantes.
? La protection contre les risques sociaux (logique
d'assurance) : le risque social est un événement qui
intervient indépendamment de la volonté des individus et qui
occasionne une perte de revenu (maladie, vieillesse, chômage...). Pour
assurer les individus victimes de risques sociaux, l'État et les autres
APU doivent mettre en place un transfert de ressources qui permet d'organiser
une solidarité entre les célibataires et les familles nombreuses,
les bien-portants et les malades, les actifs et les retraités, les
travailleurs et les chômeurs.
Cette redistribution horizontale s'appuie sur une logique
d'assurance dont les cotisations sont calculées en fonction des revenus
et non pas en fonction de l'exposition au risque. Les cotisants sont les
salariés, les employeurs et les travailleurs indépendants. Les
bénéficiaires sont les personnes touchées par les risques
assurés : chômeurs, malades et retraités.
? Le soutien à la croissance (logique de
régulation) : lorsque l'État diminue les
prélèvements obligatoires, il augmente d'autant le pouvoir
d'achat des ménages et donc leur consommation. Réciproquement, si
les prélèvements augmentent, le pouvoir d'achat diminue et la
consommation des ménages diminue. Ces variations du pouvoir d'achat
peuvent avoir une influence sur la demande globale adressée aux
entreprises et sur le niveau de la production et de l'emploi.
L'augmentation des prestations des ménages les plus
défavorisés a un impact positif sur la demande, car ce sont ces
ménages qui ont la propension marginale à consommer la plus
élevée.
1-2 : Les instruments de la politique de redistribution des
revenus
Les pouvoirs publics disposent trois instruments pour mener
une politique de redistribution des revenus : la fiscalité, les
transferts sociaux et les services publics.
Les transferts sociaux comprennent trois sortes de prestations
:
? Les prestations d'assurance qui sont versées en
fonction du risque social concerné (indemnités de chômage,
pensions de retraites...). Ces prestations dépendent des cotisations
passées.
? Les prestations d'assistance visent à lutter contre
la pauvreté et l'exclusion. La couverture médicale universelle
(CMU) permet aux plus pauvres d'accéder aux soins médicaux.
? Les prestations universelles sont indépendantes des
cotisations versées par les bénéficiaires. Exemples :
soins de santé, prestations familiales, aide au logement.
2 : Dans les dimensions autres que les
revenus
Les inégalités ne concernent pas uniquement les
revenus, elles concernent d'autres dimensions à prendre en compte pour
les politiques publiques. Les services publics assurés par des APU
regroupent un ensemble d'activités qui n'obéissent pas à
la logique marchande. Les services publics constituent un moyen important de
lutter contre les inégalités et la pauvreté en permettant
au plus grand nombre d'accéder à des services essentiels
(santé, éducation, logement, justice). Ces services publics
contribuent fortement à atténuer les inégalités.
Certains pays recourent davantage à ces services qu'aux transferts et
nous pouvons dire que l'existence de services publics et notamment d'un
enseignement de qualité représente en outre un investissement
à long terme de nature à favoriser l'ascension sociale, ainsi que
l'égalité des chances à long terme.
Le fonctionnement des services publics repose sur 3 principes
:
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? L'égalité : tous les citoyens
bénéficient des mêmes services au même coût.
74
? La continuité : les services publics
fonctionnent sans interruption.
? L'adaptabilité : les
services publics doivent s'adapter aux besoins des citoyens.
II : Promouvoir l'emploi décent et de
qualité
Aujourd'hui, la réduction de la pauvreté est
devenue le fil conducteur des politiques nationales. Il est impératif
d'appréhender avec plus d'envergure, plus de détermination et
plus de cohésion le problème de l'emploi en formulant une
politique globale et active de l'emploi qui réponde, au mieux des
possibilités du pays, aux exigences d'occupation et de revenus
auxquelles il est confronté, et qui s'inscrit dans une perspective de
développement durable.
Une politique nationale de l'emploi pouvant conduire au plein
emploi ne saurait se limiter uniquement à des programmes ponctuels et
sectoriels d'action. L'emploi concernant de nombreux domaines, une PNE
(Politique Nationale pour l'Emploi) doit refléter cette globalité
et gagnerait à enrichir la politique économique globale et le
cadre macroéconomique, par des dispositions adéquates et
volontaristes pour accroître la productivité des ressources
nationales humaines et naturelles.
Les politiques de l'emploi comprennent l'ensemble des
interventions publiques sur le marché du travail qui visent à en
corriger les déséquilibres et les effets néfastes qui
peuvent en résulter. Cette définition au sens strict exclut a
priori les politiques macroéconomiques de relance qui lutte contre le
chômage conjoncturel, car elles ne concernent qu'indirectement le
marché du travail. La politique de l'emploi est une politique
structurelle. En revanche, la politique pour l'emploi comprend l'ensemble des
interventions publiques sur les différents marchés (marché
des biens et services, marché des capitaux, marché du travail)
qui cherchent à agir sur le niveau de l'emploi et le niveau du
chômage.
Les politiques de l'emploi comprennent des mesures très
diverses : réglementation du marché du travail (Salaire minimum,
règles de licenciement, durée légale du travail) ;
incitations à l'activité (prime pour l'emploi, impôt
négatif) ; indemnisation du chômage ; incitation à
l'inactivité (Préretraite, salaire de la mère au foyer) ;
mesures ciblées sur les chômeurs (Formation, aide à la
recherche d'un emploi ; stages ou emplois publics temporaires).
75
Nous distinguons deux types de dépenses pour agir sur
l'emploi : les dépenses actives et les dépenses passives. Les
dépenses actives ont pour objectif de remettre les chômeurs en
emploi et d'augmenter le niveau d'emploi, soit de manière directe
(création d'emplois publics temporaires, subventions à
l'embauche), soit de manière indirecte (formation, service public
à l'emploi). Nous parlons de traitement économique du
chômage. Tandis que les mesures passives comprennent l'indemnisation du
chômage et les dispositifs de cessation anticipée
d'activité dont l'objectif est d'atténuer les conséquences
du chômage. Nous parlons, dans ce cas, de traitement social du
chômage.
La réduction de la pauvreté ne se
décrète pas et il en est de même pour l'emploi. La
croissance est le fruit d'un processus long et complexe demandant la
contribution active des forces économiques et sociales du pays dans tous
les domaines.
Pour avoir une politique pour l'emploi efficace, cinq grands
objectifs sont à envisager :
1 : Favoriser un environnement propice à la
croissance, à l'investissement et à l'emploi
Il revient aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux de
mettre en oeuvre les actions pour un nécessaire climat de
sérénité des affaires et de sécurité des
biens et des personnes, encourageant les acteurs du développement dans
leurs initiatives de la manière suivante :
? mettre en confiance les opérateurs économiques
en instaurant un climat de sécurité des personnes, des affaires
et des biens dans le cadre de la stabilité politique, l'équilibre
des pouvoirs, l'application de la démocratie, le respect des textes et
la bonne gouvernance. Il s'agit des conditions fondamentales et
préalables au développement de l'emploi productif.
? instaurer un environnement macro-économique qui
encourage l'investissement productif, la création d'entreprises
performantes et porteuses d'emplois et le renforcement de celles qui existent
dans des conditions de sécurité et de stabilité
expressément garanties.
? créer les conditions les plus favorables, tant pour
la croissance des activités dans les différents secteurs que pour
la multiplication des différents types d'emploi, par
76
l'amélioration des infrastructures de
désenclavement, la simplification des démarches foncières
et l'allégement des formalités administratives.
> promouvoir et préserver les ressources humaines en
faisant respecter l'application de la législation du travail, en
créant des initiatives d'accès des travailleurs à la
formation continue, à la polyvalence et à la formation
permanente, en terme d'évolution de plan de carrière en vue de
mieux faire face au marché du travail et faciliter la réinsertion
professionnelle et en soutenant l'amélioration des pouvoirs d'achat et
de la motivation des travailleurs.
> réduire les inégalités et les
marginalisations nées des dynamiques territoriales en prenant en compte
et en impliquant les régions économiques dans la mise en oeuvre
de la politique de promotion de l'emploi. La création de pôles de
développement régionaux constitue une avancée
décisive en ce domaine.
> prévoir des mécanismes et dispositifs
élargis de protection sociale devant aussi concerner le monde rural.
2 : Appuyer le secteur privé, principal acteur de
la réduction du chômage
La création d'emplois, reposant pour beaucoup sur le
dynamisme des opérateurs privés, est principalement le fruit des
actions du secteur privé, en tant que moteur de la croissance. Dans ce
cadre, il faut :
> protéger l'emploi existant en soutenant les
entreprises déjà opérationnelles aussi bien par des
mesures incitatives que des mesures d'accompagnement comme la réduction
du coût des facteurs en général et de l'énergie en
particulier.
> adopter des démarches sectorielles ciblées
pour améliorer les conditions de la création d'emploi, telles que
la facilitation du circuit de financement et renforcement du soutien financier
aux entreprises.
> encourager le renforcement institutionnel et
organisationnel du secteur privé en vue de la promotion de l'emploi par
un appui aux organisations professionnelles.
> soutenir la politique de l'emploi par des mesures actives
d'accompagnement à la création de nouvelles entreprises.
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3 : Améliorer l'accès pour les
travailleurs du secteur informel et du secteur rural à
l'éducation et à la formation professionnelle
L'acquisition de savoir-faire moderne et adapté permet
aux informels et ruraux d'agir avec efficacité et d'augmenter leurs
chances d'accéder à des activités et emplois viables et
durables, du fait d'une productivité accrue. Pour cela, il est
envisagé de :
> ancrer durablement la croissance dans le monde rural et
informel en leur accordant la priorité qui leur revient aussi bien au
niveau des concepts que dans les solutions aux problèmes
soulevés, et reconnaître le caractère vital de
l'éducation.
> accorder la priorité à l'éducation
et à la formation professionnelle pour donner aux couches
défavorisées le savoir-faire qui leur permettra d'augmenter leur
productivité, gage d'une croissance pérenne et profitable, et
renforcer la professionnalisation des métiers ruraux par la formation en
faveur des groupements ruraux en vue de rehausser le niveau d'éducation
et de qualification pour les organisations de base.
> adapter l'offre de formation aux réalités
du milieu pour être en adéquation avec le contexte local, les
besoins ressentis par la population et les débouchés tout en les
inscrivant dans le cadre des actions de développement
intégrées débouchant sur des activités stables.
> consolider et élargir la base existante par la
création de structures éducatives ou de formation de
proximité, la réouverture des lycées agricoles, la
multiplication des centres de formation professionnelle.
> appliquer effectivement la décentralisation en
améliorant les centres et structures de formation existant
déjà au niveau local et en procédant à une
répartition équitable des formateurs qualifiés dans les
régions.
> coordonner les actions de formation pour intégrer
davantage l'ensemble des partenaires et bénéficiaires
concernés en vue d'une plus grande efficacité afin
d'éviter le saupoudrage.
4 : Promouvoir des activités
rémunératrices et génératrices d'emploi
Dans un avenir prévisible, la création
d'entreprises modernes ne saurait résorber à elle seule l'afflux
de main-d'oeuvre nouvelle sur le marché.
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Le développement du travail indépendant, de la
MPE (Micro et Petite Entreprise) au sein du réseau associatif peut
apporter une contribution appréciable à la création
d'emplois. Il est ainsi primordial de :
? promouvoir l'auto-emploi et la MPE par l'accès au
crédit, au marché structuré et aux services
d'accompagnement et d'encadrement, et la multiplication des structures d'appui
pour une plus grande proximité, et réduire les formalités
de création de la MPE en vue d'une formalisation progressive, tout en
encourageant la constitution de groupements paysans et urbains et le
renforcement des coopératives de production et de commerce.
? faciliter l'accès aux ressources productives, telles
que la terre pour les ruraux et favoriser l'émergence d'activités
nouvelles de service.
? mettre en place des dispositifs d'accès aux
crédits et promouvoir des AGR (Activités
Génératrices de Revenus) par la redynamisation de la micro
finance, le desserrement des contraintes bancaires et le développement
de services financiers adaptés aux besoins et aux capacités des
opérateurs du secteur informel.
? s'affranchir des faiblesses institutionnelles en mettant en
place un tissu d'associations de base fortes, bien structurées et aux
membres bien formés et initier de nouveaux modes d'organisation en
matière d'emploi par la promotion des groupements professionnels dans
les régions.
5 : Faciliter l'accès des groupes sociaux
sensibles au marché de l'emploi
Une partie importante de la population se trouve
marginalisée et exclue partiellement ou totalement de la
société, et partant, du monde du travail.
Il est de ce fait nécessaire d'adopter une attitude
proactive pour mettre en place des programmes en faveur de ces groupes
sensibles, tels que :
? rechercher et valoriser l'égalité des chances
pour combattre la pauvreté par le relèvement du niveau
d'instruction des femmes, la mise en place d'un cadre dynamique favorable au
développement d'un système d'éducation permanente et
intégrée, notamment dans le domaine de l'éducation non
formelle contribuant à améliorer les conditions
socio-économiques des femmes, le renforcement de la capacité
organisationnelle des femmes par des actions de formation et de
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mobilisation permettant l'application effective des droits de
la femme, le respect des textes et la libre jouissance des droits
établis et la participation féminine à toutes les
instances de décision.
> créer des opportunités d'éducation
pour que la femme puisse accéder à la formation et à
l'information, y compris par la promotion de l'alphabétisation
fonctionnelle en milieu rural et informel, et par la mise en place d'un cadre
favorable à une éducation permanente et intégrée
face à la rupture de la scolarisation des filles-mères.
> développer des infrastructures incitant à
une meilleure insertion dans le milieu scolaire, telles que cantines scolaires,
internat de jeunes filles, en vue d'améliorer le taux de scolarisation,
développer les structures d'accueil d'enfants de bas âge pour la
libération de la femme au travail par l'adéquation du travail
productif aux tâches domestiques.
> favoriser la création et la multiplication des
dispositifs d'accès au crédit en faveur des femmes.
> promouvoir l'emploi des jeunes par l'éducation et
la formation professionnelle adaptée à l'emploi et au milieu
professionnel suivant des programmes répondant au mieux à la
demande au niveau local, régional et national, et la
généralisation du système d'apprentissage offrant des
opportunités de s'insérer facilement dans le monde du travail.
> établir des synergies avec les secteurs productifs
pour une contribution des acteurs économiques sous forme d'allocations
ou de bourses de stages en entreprises pour le renforcement de
l'éducation non formelle.
> élaborer une politique nationale de la jeunesse
qui sera un instrument privilégié pour combattre le
chômage, la pauvreté et la vulnérabilité au niveau
des jeunes et qui inclura des programmes en faveur de l'insertion responsable
dans le monde du travail et de l'auto-prise en charge.
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