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L'impact psychique du stress chez l'infirmier.

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par Faustine Dhaneus
IFsanté - Dipôme dà¢â‚¬â„¢Etat Infirmier 2016
  

Disponible en mode multipage

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DHANEUS Faustine Promotion 2013-2016

Mémoire

L'IMPACT PSYCHIQUE DU STRESS CHEZ L'INFIRMIER

IF santé - Institut de Formation en Soins Infirmiers

Introduction 4

I. Constat 5

II. Du constat à la question de recherche 7

Cadre conceptuel 9

I. Le stress 9

II. La souffrance au travail 21

Cadre contextuel 24

Méthodologie d'enquête 26

Analyse des résultats 30

I. Le soignant face au stress 31

II. Le stress dans la pratique des soins infirmiers 38

III. Le stress et la souffrance au travail 40

IV. Synthèse 43

V. Discussion 45

Conclusion 47

Annexes

I. Grille d'entretien

II. Entretien

Bibliographie

Résumé

4

Introduction

Ce mémoire représente l'accomplissement de ces trois années de formation et il en est à l'image : très enrichissant. Durant ces trois années, ce métier m'a effectivement appris énormément de choses sur les autres et sur moi-même.

Mais comme tous les métiers, il possède ses avantages et ses inconvénients. Et face à certaines situations, je me suis parfois demandée comment ce métier, que l'on a, je suppose, tous choisi parce qu'il nous plaisait, pouvait être générateur de souffrance.

A travers ce travail de fin d'études, j'ai choisi d'aborder un sujet dans lequel je souhaiterais évoluer à la suite de l'obtention de mon diplôme d'état d'infirmier : celui de la santé au travail. Durant mon parcours, je me suis à de nombreuses reprises interrogée sur le rôle préventif de l'infirmier en santé au travail, sur la qualité de vie au travail et sur les risques psycho-sociaux.

Tout au long de mon mémoire, j'ai souhaité mettre en exergue l'impact du stress sur le soignant. Pour ce faire, je suis partie de deux situations vécues lors de mes stages qui m'ont fait m'interroger davantage encore sur les conséquences du stress.

Dans une première partie, j'exposerai le fruit de mes recherches théoriques. Je décrirai tout d'abord le cadre contextuel qui entoure le stress professionnel et plus globalement la santé au travail. Puis j'évoquerai les caractéristiques du stress et le concept de la souffrance au travail en lien avec mon hypothèse de recherche.

Dans une deuxième partie, je m'attarderai à répondre à ma question de recherche à travers divers entretiens que je suis allée réaliser sur le terrain. Pour cela, j'expliquerai ma méthodologie d'entretien puis j'analyserai les résultats. Ces analyses me permettront de valider ou non mon hypothèse de recherche.

Dans une dernière partie je réaliserai la synthèse de mon enquête exploratoire puis je conclurai ce mémoire.

5

I. Constat

Première situation

Durant mes trois années de formation, il me semble avoir perçu de la souffrance chez certains soignants. En témoigne ce jour où je me trouvais en service de chirurgie ; une infirmière, en arrêt maladie, manquait à l'effectif. Une seconde infirmière, rattachée au service de réanimation fût donc appelé en renfort. Il y avait ce jour-là peu de patients dans son service. Cette décision de remplacement avait été prise par la direction, ne laissant pas le choix à l'infirmière. Celle-ci, diplômée depuis 6 mois, se retrouva donc seule auprès d'une dizaine de patients. A un moment de la matinée, l'infirmière eût à gérer une situation d'urgence auprès d'un des patients de son secteur. Je ne connais pas la nature de cette urgence. Une fois les soins d'urgences effectuées, j'ai retrouvé l'infirmière en salle de soins avec une aide-soignante et je l'ai vu en larmes.

Plus tard, j'ai compris que cette situation avait été difficile à gérer pour elle seule d'autant plus que par manque de temps et de personnel, elle avait dû réaliser l'ensemble de ses tâches hâtivement, et qu'elle culpabilisait puisque les pansements des patients n'avaient pas pu tous être réalisés. L'ensemble de ces facteurs avaient provoqué chez elle un surplus d'émotions se traduisant par des larmes de tristesse.

Deuxième situation

Un des constats les plus marquants que j'ai pu faire durant ma formation s'est fait en clinique psychiatrique. Cette clinique est une clinique psychiatrique privée d'hospitalisation libre. Mon service accueillait environ 30 patients. Parmi les différentes pathologies traitées (majoritairement des syndromes dépressifs), une me touchait plus particulièrement : le burn-out chez les soignants. En effet, j'ai pu constater que de nombreuses personnes sont hospitalisées pour cette pathologie. En discutant de ce sujet avec les soignants du service, j'ai compris que le burn-out apparaissait de plus en plus dans les services psychiatriques depuis quelques années.

6

La patiente que j'ai prise en soins lors de sa synthèse d'entrée était infirmière en hôpital (je n'ai plus la notion du service), et me racontait s'être investie dans son travail sans jamais avoir de reconnaissance de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Elle attendait notamment de leur part une valorisation de son travail. Cette situation l'avait amené à se sur investir davantage encore jusqu'à en arriver à l'épuisement. De plus, cette personne avait une situation personnelle particulière puisqu'elle était en instance de divorce et que ses enfants (2 garçons) étaient en échec scolaire. Il me semble important de préciser cet élément, car selon moi, cela représente un facteur aggravant de l'épuisement professionnel.

7

II. Du constat à la question de recherche

Dans la première situation, évoquée page 5, l'infirmière s'est retrouvée face à une situation stressante. J'ai relevé plusieurs sources de stress à travers cette situation ; certaines sont contingentes au soignant, d'autres à l'organisation du service. Tout d'abord, l'adaptation à un nouveau service. Je ne sais pas quand l'infirmière a été prévenue de son changement de service, mais il m'a semblé qu'il y avait eu peu de temps entre ces deux moments et donc l'adaptation au nouveau service a dû se faire rapidement. Autre source de stress, la situation d'urgence a obligé l'infirmière à réagir rapidement. De plus, l»infirmière n'ayant été que récemment diplômée, certaines situations (d'urgences notamment) peuvent être appréhendées différemment. En effet, on peut ne pas avoir connaissance de l'emplacement de certains dispositifs, ou encore ne pas savoir comment réagir à certaines situations nouvelles pour nous. Enfin, la dernière source de stress est pour moi la charge de travail. Les infirmières n'étaient que deux ce matin-là pour une vingtaine de patients. Dans un service où les soins apportés au patient sont nombreux, il me semble que les infirmières avaient dû supporter une charge de travail importante.

L'ensemble de ces facteurs de stress cumulés a donc provoqué chez l'infirmière de la tristesse et de la culpabilité, qui s'apparente, selon moi, à de la souffrance morale.

Dans la deuxième situation, c'est le manque de reconnaissance de ses supérieurs hiérarchiques qui constitue un des facteurs stressants, et qui a probablement amené l'infirmière à souffrir. Et c'est de manière insidieuse que semble être apparu le Burn-out, puisque l'infirmière s'est épuisée à la tâche en se surinvestissant davantage encore jusqu'à en arriver à l'épuisement. Je me souviens d'ailleurs des propos de cette patiente : elle me racontait que c'est à la demande de ses proches qu'elle s'était faite hospitalisée faute de quoi elle aurait certainement continué à travailler, elle ne semblait pas s'être rendu compte de son état. Ses proches avaient en effet remarqué qu'elle présentait des troubles du sommeil et avaient ressenti chez elle un très grand épuisement physique et émotionnel.

8

Le stress professionnel et la souffrance au travail, tel est le lien entre mes deux situations. En effet, alors que j'ai ressenti de la souffrance au travail chez l'infirmière remplaçante en chirurgie, dans la deuxième situation celle-ci est avérée puisqu'elle a amené une infirmière à entrer dans le Burn-out. Dans chacune de ces situations, une ou plusieurs sources de stress étaient présentes à la naissance de la souffrance.

De ce constat naît donc une question de recherche :

« Quel est l'impact du stress professionnel sur le soignant ? »

Suite à l'analyse de mes deux situations de départ, je peux émettre comme hypothèse :

« Un stress chronique chez le soignant peut générer chez lui une souffrance

au travail. »

J'ai choisi d'aborder le thème du stress professionnel et de la souffrance au travail car ce sont deux thèmes qui me tiennent à coeur. En effet, dans certains services hospitaliers dans lesquels je suis allée, j'ai été confrontée à des soignants qui se plaignent, qui n'ont pas d'entrain pour aller au travail et dont certains disaient être « à bout ». « Le métier d'infirmier, c'est plus que c'était », « on nous en demande toujours plus mais avec de moins en moins de temps » sont des phrases qui me laissent penser que certains soignants sont en souffrance.

Etant prochainement jeune diplômée, je me suis demandée ce qui avait bien pu amener les soignants à perdre leur motivation et leur entrain de jeunes diplômés.

L'objet de ce travail est donc de croiser stress professionnel et souffrance au travail afin de comprendre comment l'un peut amener l'autre.

9

Cadre conceptuel

Afin de répondre à ma question de recherche, il me faut tout d'abord développer certains concepts tels que le stress et la souffrance au travail.

I. Le stress

1. Qu'est-ce que le stress ?

C'est en 1936, après avoir confronté des animaux à différents facteurs stressants comme le froid, la maladie ou les frustrations, que la première théorie du stress est énoncée par Hans SELYE, physiologiste canadien. Les réactions de ses animaux étaient semblables les unes aux autres : atrophie des glandes surrénales, apparition de ganglions, ulcères gastro-intestinaux1. Hans SELYE est un pionnier dans la recherche sur le stress, il est également le premier à avoir démontré que le stress avait un effet sur la santé.

La première définition fût donnée par l'élève de Hans SELYE, Soly BENSABAT, qui décrit le stress comme étant « le résultat spécifique de toute demande imposée au corps, que l'effet soit mental ou somatique », c'est donc une réponse de l'organisme à un stimulus afin de lutter contre une perturbation. Le stimulus peut être de différentes natures : physique, psychologique, émotionnelle et sensorielle.

Lorsqu'une personne perçoit un évènement stressant, il en découle plusieurs évènements biologiques tels que la sécrétion d'hormones du stress tels que l'adrénaline et le cortisol2.

D'une part, le système nerveux sympathique va être à l'origine de deux types de réactions, une excitation des organes innervés grâce à la noradrénaline et la sécrétion de l'adrénaline via les glandes surrénales. Combinées, ces deux hormones vont provoquer plusieurs réactions corporelles : augmentation de la fréquence cardiaque et respiratoire, dilatation des vaisseaux des muscles, analgésie et mobilisation d'énergie via les muscles et le foie.

1 BOISSIERES Françoise. Les soignants face au stress. Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2008. 201 pages. ISBN : 275730626x

2 CESH. Le stress. 2014 [En ligne] Disponible sur : http://www.stresshumain.ca/le-stress.html. Consulté le 8 Avril 2016.

10

D'autre part, par une cascade de réactions, l'hypothalamus demande aux glandes surrénales de sécréter du cortisol. Le cortisol va permettre d'activer le métabolisme des sucres et des protéines.

Tout au long de la réaction au stress, ces hormones travaillent ensemble afin de protéger notre organisme. Mais ce système de sécrétion d'hormones reste non-spécifique aux situations vécues, et la réaction de notre organisme sera identique que nous ayons gagné à la loterie ou qu'on ait appris une mauvaise nouvelle. Bien évidemment, ressentir du stress de manière répétitive n'est pas sans conséquence, il peut être à l'origine de pathologies telle que la dépression. Ceci rappelle ma situation de départ, l'accumulation de facteurs stressants avait en effet amené l'infirmière à se faire hospitaliser.

Peu importe donc que le stimulus soit positif ou négatif, la réponse de notre organisme sera toujours la même. L'ensemble des réponses de notre organisme aux stimulus est appelé « Syndrome Général d'Adaptation » ou SGA. Hans SELYE distingue trois phases dans le Syndrome Général d'Adaptation.

La première phase de ce processus est la "phase d'alarme", il s'agit de l'exposition aux agents stressants. L'organisme va mettre en place des moyens pour faire face à l'agression. La respiration est courte, les pulsations cardiaques augmentent, l'anxiété et l'angoisse apparaissent, tout cela étant dû à la libération d'hormones, telle que l'adrénaline.

La deuxième phase est la phase de résistance. Il s'agit d'un mécanisme de défense de l'organisme afin de se préserver de l'épuisement. Toutes les ressources sont mises en place par l'organisme afin de combattre l'agression. Si le stress perdure, nous nous adaptons au stress mais notre corps continue à enregistrer les agressions et à lutter contre. Peuvent donc apparaître des symptômes comme la baisse des défenses immunitaires ou l'apparition de problèmes articulaires.

La troisième phase est la phase d'épuisement, elle apparait lorsque les réactions de l'organisme ont échoué à faire revenir l'organisme dans son état d'équilibre initial. L'organisme "craque", ne réussissant plus à faire face à toutes ces agressions.

Alors que le stress ponctuel peut avoir des effets bénéfiques pour la santé, un stress chronique peut lui altérer notre capacité à réagir, notre organisme s'épuise et apparaissent diverses conséquences pathologiques. Selon l'Institut National de Recherche et de Sécurité, on trouvera tout d'abord des symptômes physiques tels que les troubles du sommeil, de l'alimentation ou encore des troubles musculo-squelettiques. Puis des symptômes émotionnels tels que de l'angoisse, de l'irritabilité ou un mal-être. Enfin, un stress chronique pourra également entraîner des symptômes intellectuels tels que des troubles de la concentration ou des difficultés à prendre des décisions.

2. Le bon et le mauvais stress

« L'absence de stress, c'est la mort3. » Le stress est en effet indispensable à la vie, à condition qu'il soit bien dosé.

D'après les études d'Hans SELYE, il existerait un « bon » et un « mauvais » stress. Le « bon » stress, est la réponse de notre organisme à un stimulus qui nous permet de survivre ou de bien vivre. Grâce à ce stress, notre énergie est accrue, ce qui nous permet de pousser nos capacités au maximum. Le « mauvais » stress est la réponse de notre organisme à une stimulation qui fait souffrir. C'est ce « mauvais » stress qui peut donc provoquer des symptômes néfastes pour la santé.

Dans mes deux situations, le stress est perçu comme mauvais pour les deux infirmières puisqu'il les amène à être en souffrance.

11

3 SELYE Hans. Stress sans détresse. Montréal : Editions La Presse, 1974. 175 pages. ISBN : 9780777700952

12

3- Les différents facteurs de stress

Il existe différents facteurs de stress regroupés en plusieurs catégories. Tout d'abord, le stress physique : il concerne le bruit (le bruit des scopes par exemple), la lumière artificielle ou l'ergonomie inappropriée. Ensuite, le stress social qui contient la solitude ou encore l'absence de soutien social. Autre catégorie de facteurs de stress, le stress émotionnel, il concerne l'anxiété, l'angoisse ou la nervosité. Une mauvaise hygiène de vie constitue elle aussi un facteur de stress, on parle ici des excitants (tabac, alcool), de l'alimentation (pause déjeuner trop courte), ou encore la dette de sommeil. Enfin la maladie est également un facteur de stress.

Quant à la dernière catégorie de facteurs de stress que je souhaite aborder plus en détails, il s'agit du stress professionnel que je développe dans la partie suivante « 4 - Stress professionnel ».

3. Le stress professionnel

Sur le plan professionnel le stress apparait quand une personne ressent un déséquilibre entre ce qui lui est demandé de faire et ses propres ressources. Sur le plan psychologique, le stress est " un déséquilibre substantiel (perçu) entre les exigences et les capacités de réponses4".

Dans les établissements de soins, il est à noter que les problèmes de stress (mais aussi d'anxiété et de dépression) sont deux fois supérieurs parmi les soignants travaillant en hôpitaux que dans le reste de la population salariée5. Les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques sont d'ailleurs en forte augmentation parmi ces professionnels.

4 MCGRATH Joseph. Social and Psychological Factors in Stress. Angleterre: Holt McDougall, 1970. 363 pages. Anglais. ISBN : 0030802806

5 INRS, Etablissements de soins, Prendre en compte l'organisation du travail. 14 Septembre 2015, [En ligne], disponible sur : http://www.inrs.fr/metiers/sante/etablissement-soins.html, Consulté le 12 Avril 2016

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Les sources de stress au travail sont nombreuses. Pour répondre à la question des sources de stress au travail et plus généralement des risques psychosociaux, un collège d'expertise a été mis en place par l'INSEE en 2008, permettant de les regrouper en 6 catégories que je développe ci-dessous.

Les risques psychosociaux (RPS) correspondent à des situations de travail où sont présents, combinés ou non : du stress, des violences internes commises au sein de l'entreprise par des salariés (harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre des personnes ou entre des équipes), et des violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l'entreprise (insultes, menaces, agressions...).

Ce sont des risques qui peuvent être induits par l'activité elle-même ou générés par l'organisation et les relations de travail6. En voici les différents indicateurs :

Les exigences de travail

A travers ce thème sont abordés la surcharge de travail, la pression temporelle et la complexité du travail ainsi que les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Pour approfondir la notion de "surcharge de travail", j'ai choisi de citer Yves CLOT, psychologue du travail :

Le plus dur dans l'exercice professionnel, c'est ce qu'on pourrait faire, qu'on voudrait faire, qu'on aurait dû faire, et qu'on ne peut pas vraiment faire, ainsi que tout ce dont on sait qu'il faudra le refaire ... Car le stress, ce n'est pas seulement l'intensification de ce qu'on fait, c'est l'accumulation de tout ce qu'on ne peut pas faire ... C'est ce que j'appelle l'amputation du pouvoir d'agir, amputation du pouvoir faire.

6 INRS. Risques psychosociaux. 2015 [En ligne] Disponible sur : http://www.inrs.fr/risques/psychosociaux/ce-qu-il-faut-retenir.html. Consulté le 15 Mars 2015

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De cette surcharge de travail découle premièrement un facteur de stress face à l'ampleur des tâches à accomplir, deuxièmement une impression de bâcler son travail, puisque nous sommes conscients de ne pouvoir réaliser ce pourquoi on a été formé. C'est ce qu'avait eu comme impression l'infirmière dans la première situation. De par sa surcharge de travail, elle n'avait pu effectuer les soins comme elle le voulait.

Le surcroît d'activité est conjointement lié au manque de personnel. Il apparait comme la principale source de stress des salariés selon un sondage OpinionWay publié en Septembre 20127. En cause, la réduction des effectifs mais aussi l'intensification des tâches.

D'après une étude réalisée par la revue The Lancet dans neuf pays européens, deux constats ressortent : la formation des infirmiers et leur charge de travail trop élevée ont un impact sur la mortalité des patients8. Selon leurs résultats, « augmenter la charge de travail d'un infirmier d'un patient fait progresser de 7% le risque de mortalité dans les 30 jours suivant une admission pour chirurgie9 ». Au-delà de l'impact sur le soignant, la surcharge de travail semble rebondir sur le patient.

Les horaires de travail entrent aussi dans cet indicateur. Le métier d'infirmier nous impose des contraintes horaires avec des horaires postés et variables. En effet, il peut arriver que l'infirmier soit appelé durant son jour de repos afin de remplacer un arrêt maladie, ces changements pouvant parfois se faire du jour au lendemain. Aussi, ce métier étant principalement exercé par des femmes - 87% au 1er avril 2015 selon la Direction de la Recherche, des Etudes et de l'Evaluation des Statistiques - il peut être difficile de concilier une vie de mère avec ces horaires de travail. Dans ma seconde situation, j'avais ajouté le fait que l'infirmière était divorcée avec deux enfants puisqu'il peut s'agir d'un facteur de stress supplémentaire.

7 OPINION WAY. Baromètres stress, conditions de travail et « qualité de vie au travail ». 2012. [en ligne] Disponible sur : http://www.opinion-way.com/pdf/bj8747_-_presentation_-_cfe-cgc__barometre_stress_conditions_de_travail_et_qualite_de_vie_au_travail.pdf. Consulté le 25 mars 2016.

8 The Lancet, Nurse staffing and education and hospital mortality, 25 février 2014, [en ligne], disponible sur : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)62631-8/fulltext, consulté le 11 Avril 2016.

9 Infirmiers, Plus les infirmiers sont surchargés, plus il y a de mortalité, 27 février 2014, [en ligne], disponible sur : www.infirmiers.com, consulté le 11 Avril 2016.

15

Les exigences émotionnelles

Tout d'abord, on entend par "exigences émotionnelles", le fait de devoir maitriser, façonner ses émotions. En effet, l'infirmier doit savoir rester serein face aux patients et apprendre à intérioriser certaines de ses émotions.

Le métier de soignant peut également nous amener à rencontrer des situations éprouvantes émotionnellement : des patients agressifs, violents, en souffrance ou en fin de vie. Alors que la relation avec les patients peut être gratifiante, elle peut également exposer à des risques d'agressions verbales ou physiques.

Enfin, la peur au travail fait également partie des exigences émotionnelles. Il peut ici s'agir de la peur de ne pas savoir gérer une situation, peur de commettre une erreur médicale, peur de devoir faire face à un patient violent ou agressif ou encore peur du décès d'un patient. Si je reprends l'exemple de ma première situation de départ, le fait que l'infirmière se retrouve seule face à une situation d'urgence a pu générer chez elle une certaine peur.

Le manque d'autonomie et de marge de manoeuvre

Le manque d'autonomie représente un autre facteur de risques favorisant la souffrance au travail. On parle ici de la faible autonomie procédurale, du manque de marges de manoeuvre. Selon les psychologues Edward L. DECI et Richard M. RYAN de l'université de Rochester, l'autonomie fait partie des trois facteurs importants pour le maintien de la motivation au travail avec le respect de ses propres valeurs et le sentiment d'efficacité personnelle.

A travers le concept d'autonomie on peut entendre « l'autonomie procédurale » : pouvons-nous choisir notre façon de travailler ? Avons-nous le pouvoir de décider d'interrompre nos tâches ? Dans la pratique, cela peut s'exprimer par le fait de pouvoir prendre son temps de pause au moment voulu ou non.

Une autre dimension de l'autonomie est la prévisibilité du travail et la possibilité d'anticiper. Un trop peu d'autonomie entraînera une insécurité, un stress voire un absentéisme. Au contraire, une trop grande prévisibilité du travail entraînera une absence d'autonomie, une monotonie dans le travail ou un ennui.

16

Dans ma première situation de départ, l'infirmière n'avait pas pu anticiper et prévoir son travail du lendemain puisqu'entre le moment de l'annonce du changement de service et le changement lui-même il n'y avait eu que peu de temps.

Mais entre également dans cette catégorie le fait de ne pas exploiter l'ensemble de ses compétences, l'incapacité à pouvoir donner son avis ou exprimer ses attentes ainsi que la monotonie du travail. Celle-ci se rapporte au concept de « Bore-out » ou « Syndrome d'épuisement professionnel par l'ennui », apparu pour la première fois dans un ouvrage de Peter WERDER et Philippe ROTHLIN, deux consultants d'affaires suisses, dans « Diagnosis Boreout » et encore peu reconnu de nos jours. Selon ces auteurs, c'est l'absence de tâches signifiantes, plutôt que le stress, qui constitue le principal problème d'un grand nombre de travailleur.

Le Bore-out se caractérise par trois éléments : l'ennui, l'absence de défis et le désintérêt. Ce concept n'étant connu que depuis peu, nous ne savons pas encore si les professionnels de santé sont touchés par cette pathologie. Cependant, il me rappelle diverses plaintes des soignants, évoquées lors du constat, concernant leur « travail routinier ».

Le manque de soutien social et de reconnaissance au travail

A travers ce thème, sont abordées les relations avec les supérieurs hiérarchiques mais également avec les collègues. D'après SOTILE et SOTILE10, le travail perd de son sens et la souffrance devient absurde et insupportable lorsque nous ne sommes pas reconnus.

Cette catégorie comprend 4 dimensions. Pour commencer, la coopération et le soutien social de la part des collègues et de la part de la hiérarchie. Il semblerait que le lieu de travail soit plutôt un lieu d'entraide entre collègues, néanmoins, un salarié sur cinq estime que son supérieur « ne prête pas attention à ce qu'il dit »11.

10 MANOUKIAN Alexandre. La souffrance au travail, Les soignants face au burn-out. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2009. 209p. ISBN : 978-2-7573-0278-1

11 DARES Analyses. Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs possibles. 2012. [en ligne] Disponible sur : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2010-081-2-2.pdf. Consulté le 15 Février 2016.

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De la part de ses collègues, l'infirmier peut attendre de la coopération dans le travail, une bonne intégration au sein de l'équipe mais aussi une reconnaissance de la qualité de son travail. Pour ce qui est de la relation avec sa hiérarchie, l'infirmier attend un soutien technique ou une valorisation de son travail.

Dans le cadre hospitalier, le manque de reconnaissance peut venir de la part des cadres de santé, des médecins et des collègues de travail mais également des patients. A ce sujet, j'ai souvent entendu de la part des infirmiers des plaintes concernant les exigences des patients et également un questionnement sur le « patient devenu client ».

Est également abordé dans ce thème la notion de violence au travail qui comprend le harcèlement moral et physique. Le harcèlement au travail correspond aux actes qui entraînent une dégradation des conditions de travail du salarié susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou, de compromettre son avenir professionnel12.

La troisième dimension de cette catégorie est la reconnaissance et le sentiment d'utilité au travail effectué. Selon l'enquête Santé et Itinéraire Professionnel13 (SIP) de 2007, un travailleur sur trois estime que son travail est parfois ou jamais reconnu à sa juste valeur.

Enfin, la dernière dimension de ce thème « manque de soutien social et de reconnaissance au travail » est la qualité du management. On entend par là le fait de donner des ordres ou indications contradictoires ou encore le manque de clarté dans les ordres donnés aux salariés.

12 GIRARD-OPPICI Carole. Le harcèlement moral au travail en 12 exemples. 2016. [en ligne] Disponible sur : http://www.juritravail.com/Actualite/harcelement-moral-sexuel-discrimination/Id/192591. Consulté le 25 Mars 2016.

13DREES, DARES. Santé et Itinéraire Professionnel (SIP). 2016 [En ligne] Disponible sur : http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/enquetes-de-a-a-z/article/sante-et-itineraire-professionnel-sip. Consulté le 25 mars 2016.

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Les conflits de valeurs

Ce concept renvoie aux situations où les valeurs (personnelles ou professionnelles) ne sont pas en accord avec la tâche qu'on lui demande d'effectuer.

Selon l'article du DARES sur les Risques Psycho-sociaux, « l'obligation de travailler d'une façon qui heurte sa conscience professionnelle peut se révéler néfaste pour la santé mentale ».

Le conflit de valeurs peut être un conflit éthique. Parfois, l'infirmier peut tricher ou mentir face au patient, et par cela il peut trahir ses valeurs, sa conscience professionnelle.

Une autre forme de conflit de valeurs est la "qualité empêchée", on aimerait avoir les moyens d'effectuer un travail de qualité mais des raisons de productivité nous en empêchent.

Durant les stages que j'ai effectués, j'ai souvent entendu de la part des infirmiers que les soins réalisés sur le terrain n'étaient pas tels que nous l'apprenions à l'école et que parfois les soignants aimeraient pouvoir prendre leur temps avec les patients mais que, par manque de celui-ci, cela n'est pas toujours possible. Ce décalage entre l'idéal de soins et la réalité des tâches à accomplir correspond à ce qui est appelé le conflit de valeurs.

L'insécurité de l'emploi et du travail

On parle ici de la crainte de perdre son emploi, la crainte d'être changé de service brutalement ou encore du retard dans le versement du salaire. Chez les infirmiers, 45% des jeunes diplômés disent avoir eu comme premier contrat un contrat à durée déterminée non renouvelable14.

14 FNESI, Enquête auprès des jeunes diplômés, 2014, [en ligne] Disponible sur : http://www.infirmiers.com/emploi/emploi/chomage-infirmier-et-precarisation-la-verite-par-les-chiffres.html, Consulté le 15 Avril 2016

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La « soutenabilité » du travail entre également dans cet indicateur : est-ce que je me vois exercer ce travail sur le long terme et dans les mêmes conditions ?

Aussi, les changements mal anticipés tels que les changements de service dans notre profession ou les changements de postes correspondent à la catégorie « insécurité de la situation de travail ».

Ces changements demandent une nouvelle adaptation, un nouveau réapprentissage et peuvent être problématique si le changement n'est pas expliqué au principal intéressé. Cela rappelle à nouveau ma première situation de travail, le changement avait été rapide et l'infirmière n'avait sûrement pas eu le temps de se réadapter au nouveau service.

6. Le stress dans la pratique des soins infirmiers

Quelques lignes auparavant, j'évoquais les conséquences du stress sur la personne. A celles-ci peuvent aussi se rajouter les conséquences particulières au métier d'infirmier ; ce sont celles qui influencent la relation soignant-soigné ...

Le stress a donc des conséquences émotionnelles sur le soignant. Dans un métier où le relationnel est au coeur de celui-ci, nous pouvons en déduire que les relations avec le patient peuvent être modifiées et que le stress professionnel peut avoir des effets délétères sur celles-ci. Face à une situation de stress, nous savons que le soignant met en oeuvre des mécanismes de défense15.

Le premier mécanisme de défense en lien avec le comportement du soignant est la panique. L'infirmier va perdre le contrôle, il peut alors bâcler des tâches à effectuer, ce qui aura un impact direct sur le patient. En situation d'urgence, le soignant peut par exemple se retrouver submerger par ses émotions et donc ne plus savoir comment gérer la situation.

Le deuxième mécanisme de défense mis en place par le soignant est l'apathie. Il n'a plus goût à rien, se déconcentre facilement et c'est cette déconcentration qui peut devenir source d'erreurs (erreur dans les traitements).

15 BOISSIERES Françoise. Les soignants face au stress. Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2008. 201 pages. ISBN : 275730626x

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Troisième mécanisme de défense ; la banalisation. Celle-ci entraîne un renfermement de la part du soignant qui ne va se préoccuper que des « soins vitaux » et que de la « sphère technique » du métier. Cette vision du patient lui permettra de traiter plus facilement la maladie d'une personne plutôt que la personne elle-même. Concrètement, cela va se caractériser par des paroles telles que : « Le traitement de la 121 », ou « l'insuffisant cardiaque au bout du couloir ».

Enfin, la dernière stratégie mise en place par le soignant pour se protéger peut être la fuite. Le soignant ne regarde plus le patient dans les yeux, parle de « la pluie et du beau temps » afin de ne pas entendre les plaintes de celui-ci.

Mais, comme il l'a été mentionné préalablement, il existe également un « bon stress » qui pourrait aussi pousser le soignant à donner le meilleur de lui-même.

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II. La souffrance au travail

Bien qu'elle ne date pas d'aujourd'hui, c'est seulement depuis quelques années que la souffrance au travail est prise en charge. En voici la définition de Christophe DEJOURS, spécialiste en psychodynamique du travail :

La souffrance au travail, c'est le vécu qui surgit lorsque le sujet se heurte à des obstacles insurmontables et durables, après avoir épuisé toutes ses ressources pour améliorer l'organisation réelle de son travail vis-à-vis de la qualité et de la sécurité. En d'autres termes la souffrance pathogène commence lorsque le rapport du sujet à l'organisation du travail est bloqué.

Tout commence généralement par de la fatigue, des troubles du sommeil ou des cauchemars, et parfois la peur d'aller au travail (Aller au travail « la boule au ventre »). Suite à cela apparaissent d'autres signaux d'alertes16 répartis en 4 familles : émotionnels (irritabilité, anxiété, excitation, tristesse), physiques (douleurs musculaires ou abdominales, asthénie, trouble du sommeil ou de l'appétit), intellectuels (trouble de la concentration et/ou de la mémoire, difficulté à prendre des décisions) et comportementaux (agressivité ou violence, trouble du comportement alimentaire, repli sur soi). Pour rappeler ma seconde situation de départ, l'infirmière présentait des symptômes physiques, des troubles du sommeil, mais aussi émotionnels avec une grande tristesse.

Sur le long terme d'autres pathologies peuvent apparaître telles que les Troubles Musculo-squelettiques (TMS), un syndrome anxio-dépressif, un Burn-out ou encore des maladies cardio-vasculaires.

En lien avec ma situation de départ, j'ai choisi de développer davantage le concept de Burn-out.

16 Souffrance et Travail. Souffrance et travail. 2015 [En ligne] Disponible sur : http://www.souffrance-et-travail.com/. Consulté le 15 Février 2016.

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Le Burn-out

La première définition du syndrome d'épuisement professionnel fût donnée par le psychiatre FREUDENBERGER en 1971.

A ce jour, le concept de Burn-out reste très discuté et donne lieu à plusieurs définitions. Je retiendrai celle de Christina MASLACH, psychologue : c'est "un syndrome qui se caractérise par un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation et une diminution de l'accomplissement personnel pouvant se développer chez des personnes travaillant dans le secteur de l'aide aux personnes."

Dans cette définition se retrouvent

- la notion de syndrome, soit plusieurs symptômes liés à un vécu professionnel stressant

- la notion d'épuisement émotionnel. Pour Arie SHIROM, psychologue américain, il s'agit de la difficulté à être en relation tant avec les patients qu'avec les collègues, et donc à éprouver de l'empathie. L'épuisement émotionnel est autant physique que psychique. La personne ressent une fatigue au travail, un sentiment d'être vidé et une difficulté à être en relation avec les émotions de l'autre. C'est dans cette phase qu'apparaissent des crises d'énervement et de colère, mais aussi des troubles cognitifs (difficultés de concentration, ...). Le soignant devient impassible et nie tout problème.

- la dépersonnalisation de la relation ou déshumanisation de la relation à l'autre. Elle va souvent de pair avec une attitude cynique et négative. Le patient devient un objet, un cas, un numéro de chambre.

- la diminution de l'accomplissement personnel. Il s'agit de la conséquence de l'épuisement émotionnel et de la dépersonnalisation. Le soignant perd tout espoir, se sent inutile, frustré. Apparaissent donc la dévalorisation de soi, la culpabilité, la démotivation. Alaya PINES, psychologue, développe cette notion en y ajoutant la notion de motivation et d'idéal. Plus le soignant a un grand idéal, plus la déception sera fréquente.

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Néanmoins nous n'y trouvons pas la notion de stress secondaire chronique lié à un vécu professionnel. Cette notion apparaît dans cette définition de 1998 : " L'épuisement professionnel est une expérience psychique négative vécue par un individu, qui est liée au stress émotionnel et chronique causé par un travail ayant pour but d'aider les gens17."

17 D. BEDARD, A. DUQUETTE. L'épuisement professionnel, un concept à préciser. 1998. Québec : L'Infirmière du Québec. ISBN : 1195-2695

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Cadre contextuel

Afin d'approfondir mon questionnement sur mes deux situations de départ, j'ai choisi de les situer dans le contexte hospitalier actuel.

Depuis quelques années l'hôpital est en pleine mutation. Diverses réformes ont été mises en places et en ressortent trois différents axes :

Tout d'abord le financement et la planification avec la tarification à l'acte ou T2A à travers la nouvelle gouvernance de 2005. La T2A est la base du budget de fonctionnement des établissements qui est désormais calculé sur la base des actes produits. Aussi, l'organisation des soins est désormais régionalisée sous tutelle des Agences Régionales de Santé (ARS) depuis la loi Hôpital Patients Santé Territoires (HPST). Pour certains, la T2A peut présenter un risque pour la qualité de soins puisqu'elle crée une pression sur les établissements de soins pour réduire la durée et le coût des séjours hospitaliers18.

Ensuite, une réforme au niveau des instances de l'hôpital a également eu lieu. Elles sont désormais basées sur une gestion paritaire entre administration et corps médical, le directeur de l'établissement ayant un pouvoir décisionnaire renforcé. Les activités médicales sont regroupées par pôle d'activité depuis le plan Hôpital 2007 instaurant la nouvelle gouvernance hospitalière.

Enfin, le dernier axe de ces réformes hospitalières est le développement d'une culture du résultat et de l'évaluation pour faire face aux exigences de sécurité et de qualité des soins19.

Ces réformes bouleversent l'organisation hospitalière et réoriente l'hôpital vers une gestion plus marchande, il a d'ailleurs été décrit que cela peut être à l'origine de conflits éthiques chez les soignants au sein des établissements de soins.

18 IRDES, Activité, productivité et qualité des soins des hôpitaux avant et après la T2A, Avril 2013, [en ligne], disponible sur http://www.departement-information-medicale.com/wp-content/uploads/2013/04/DT56SoinsHospitaliersT2A.pdf, consulté le 25 Avril 2016

19 Michel GOLLAC, Les facteurs psychosociaux de risque au travail, 2011, [en ligne], disponible sur : http://www.intefpsstfp.travail.gouv.fr/datas/files/SSTFP/FO%20Les%20facteurs%20psychosociaux%20de%20 risque%20au%20travail%20FO.pdf, consulté le 25 Avril 2016

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Ces récentes réformes hospitalières « sont autant d'éléments qui ont un impact direct sur les conditions de travail du personnel du secteur et qui renforcent l'exposition aux RPS20. » Certains professionnels de santé et de la santé au travail s'accordent en effet à dire que ces changements au sein du milieu hospitalier renforceraient l'émergence des risques psychosociaux.

20 SECAFI, Malaises dans les hôpitaux et cliniques, 2009, [en ligne], disponible sur : http://www.secafi.com/data/document/analyse-secteursanitaire.pdf, consulté le 24 avril 2016

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Méthodologie d'enquête

Objectifs de la recherche

Afin de compléter mes recherches théoriques, je vais procéder à une enquête sur le terrain. Le but de cette enquête est d'échanger avec les professionnels de terrain et de recueillir plusieurs informations. Cette méthode va me permettre de répondre à ma problématique.

Pour rappel, ma question de recherche s'articulait de la manière suivante :

« Quel est l'impact du stress professionnel sur le soignant ? »

Afin de répondre à cette question j'avais émis une hypothèse de recherche qui était :

Un stress chronique chez le soignant peut générer chez lui une souffrance

au travail.

Aussi, afin de tenter d'y répondre, voici mes objectifs :

- Obtenir les ressentis des soignants sur le stress professionnel,

- Savoir si les soignants ont déjà ressenti de la souffrance au travail et suite à quelle(s) situation(s),

- Savoir si le stress professionnel a un impact sur la pratique des soins infirmiers et connaître le vécu du soignant à ce sujet,

- Remarquer si les soignants font un lien entre le stress et la souffrance au travail,

- Valider ou invalider mon hypothèse de recherche.

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Choix de l'outil d'enquête

Afin de pouvoir répondre à cette question de recherche, j'ai choisi de réaliser une étude qualitative car le stress et la souffrance au travail sont difficilement mesurables par écrit puisqu'il s'agit d'un ressenti subjectif.

Cette étude sera réalisée via des entretiens individuels semi-directifs. « L'entretien semi-directif est une technique qualitative de recueil d'informations permettant de centrer le discours des personnes interrogées autour de thèmes définis préalablement et consignés dans un guide d'entretien. »21 L'entretien semi-directif va me permettre d'orienter la personne sur les thèmes du stress professionnel et de la souffrance au travail tout en gardant une possibilité d'adaptation et d'exploration.

L'échantillon

Critères d'inclusion

Critères d'exclusion

- Les soignants travaillent en tant

qu'infirmier,

- Les soignants n'ont pas été

victime de Burn-out,

- Les soignants travaillent à temps

complet,

- Les soignants ont plus de deux

ans d'expérience professionnelle,

- Les soignants acceptent de

participer à l'étude.

 

L'échantillon de cette recherche comprend cinq soignants. De façon à avoir plusieurs avis et aussi afin de pouvoir comparer les lieux de travail, j'ai choisi des infirmiers venant de services différents, je pense que cela sera plus enrichissant et apportera plus d'éléments de réponses à ma question de départ. Pour un service particulier, j'interrogerai plusieurs infirmiers afin de pouvoir effectuer une comparaison au sein de ce service, mais aussi pour avoir des visions différentes selon les personnes.

21 Réaliser un entretien semi-directif. [En ligne] Disponible sur :

https://eureval.files.wordpress.com/2014/12/ft_entretien.pdf. Consulté le 8 Avril 2016.

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Néanmoins, ces soignants auront entre autres comme critère commun, une expérience professionnelle d'au moins deux ans. Voulant aborder le thème du stress, je ne voudrais pas qu'il soit confondu avec des difficultés d'adaptation.

L'entretien

J'ai choisi de poser une série de sept questions. Ces questions permettront au soignant de développer son expérience professionnelle et son ressenti sur le thème du stress professionnel.

Tout d'abord, j'explorerai l'environnement dans lequel travaille le soignant, c'est-à-dire s'il est souvent confronté à des facteurs stressants, et si oui, à quelle fréquence (cf. première question). Je chercherai ensuite à connaître le vécu du soignant face au stress (cf. deuxième et troisième questions).

En plus des conséquences que le stress peut avoir sur le soignant lui-même, j'ai choisi de poser une question sur les conséquences du stress dans la pratique des soins infimiers (cf. quatrième question). Cette question m'amènera à avoir le ressenti des soignants quant à la qualité de leurs soins face à certains facteurs stressants.

Enfin, je chercherai à faire le rapprochement entre stress professionnel et souffrance au travail en passant par plusieurs questions qui me permettront de savoir ; si le vécu d'évènements stressants peut entraîner une souffrance chez le soignant (cf. cinquième question), ce que la souffrance au travail évoque chez eux (cf. sixième question), et enfin si cette personne a déjà souffert au travail et si un lien est fait avec les situations évoquées précédemment. Cette deuxième partie de l'entretien me permettra de répondre à ma première hypothèse.

Déroulement de l'entretien

Mes premiers entretiens ont été réalisés auprès d'infirmiers d'un service de cardiologie d'un hôpital privé à but non-lucratif. J'y ai alors rencontré trois infirmiers que je nommerai IDE 1, IDE 2 et IDE 3.

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L'IDE 1 est un homme de 25 ans, diplômé depuis deux ans et demi et travaillant dans le service depuis deux ans L'IDE 2 est une femme de 27 ans, diplômée depuis trois ans et travaillant dans ce service depuis deux ans et demi. Enfin, l'IDE 3 est une femme de 24 ans, diplômée depuis trois ans et travaillant dans ce service depuis trois ans également. Ce premier service est un ancien lieu de stage ce qui déjà, a facilité la prise de rendez-vous, mais aussi, les échanges entre les infirmiers et moi-même.

Mon quatrième entretien a été réalisé auprès d'une infirmière, que je nommerais IDE 4, âgée de 27 ans, diplômée depuis trois ans et travaillant en EHPAD depuis plus d'un mois.

C'est une infirmière libérale, l'IDE 5, qui a répondu à mon cinquième entretien. Elle a 33 ans, est diplômée depuis 11 ans et travaille en libéral depuis 6 ans environ.

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Analyse des résultats

Afin d'analyser mes résultats, j'ai choisi de ressortir trois grands thèmes à partir de mes questions d'entretiens. Ces trois thèmes sont :

- Le soignant face au stress,

- Le stress dans la pratique des soins infirmiers, - Le stress et la souffrance au travail.

Pour chacun des thèmes, j'ai réalisé des tableaux reprenant les propos des soignants pour en faciliter l'analyse.

A la suite des analyses des différents thèmes se trouvera une synthèse de l'ensemble de ces éléments. Lors de cette synthèse je pourrai répondre à ma question de recherche et voir si mon hypothèse est validée ou non.

Enfin, j'approfondirai mon questionnement lors d'une discussion présente à la suite de la synthèse de mes entretiens.

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I. Le soignant face au stress

1. Les sources de stress

Pour faciliter l'analyse des facteurs de stress j'ai choisi de les répartir selon les six indicateurs des risques psychosociaux évoqués dans ma partie « Cadre conceptuel ».

Indicateurs

Facteurs de risque

Propos des infirmiers

Exigences du travail

Quantité

« Quand je sais que j'ai une charge de travail qui est trop importante, enfin, que j'estime moi trop importante pour moi sur un poste il m'arrive d'être stressé. »

Complexité

« Si je suis avec quelqu'un [...] qui me donne beaucoup d'ordres en même temps, là ça me met en stress. »

Pression temporelle

« Si je suis avec quelqu'un qui me presse et qui attend de moi de la rapidité et [...], là ça me met en stress. »

Exigences
émotionnelles

Devoir cacher ses émotions

« Il faut justement montrer au patient qu'on n'est pas stressé. En fait, avec le patient, il faut lui montrer qu'il est en sécurité. »

Peur au travail

« Il m'arrive d'être stressé parce que peur d'oublier quelque chose, de passer à côté de quelque chose. »

Contact avec la souffrance

« Quand il y a un enjeu particulier pour la vie du patient on est forcément stressé »

Manque d'autonomie et
marge de manoeuvre

Autonomie procédurale

Pas de propos de soignants.

Manque de soutien
social et de
reconnaissance au
travail

Conflits

« Quand tu travailles en binôme avec une infirmière et quand tu sens que tu as une mauvaise relation avec ta collègue. »

Reconnaissance

« Au niveau de tes cadres [...] elle ne valorise pas vraiment ton travail et, au contraire, remarque que les points négatifs et te valorise pas spécialement. »

Management

Pas de propos de soignants.

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Conflits de valeurs

 

Conflits éthiques

« [...] je rentre chez moi en me disant que je n'ai pas forcément soigné les gens comme ce que j'imagine soigner les gens, comme ce que mon idéal me dit. »

Qualité empêchée

« On essaie de parler vite avec le résident mais malheureusement on est obligé d'écourter la relation »

Insécurité de l'emploi et
du travail

Sécurité de l'emploi

« Après le fait aussi d'avoir du mal à trouver du boulot ... »

Soutenabilité du travail

Pas de propos de soignants.

Voici les résultats à propos des sources de stress :

- Cinq infirmiers sur cinq évoquent la surcharge de travail.

- Cinq infirmiers sur cinq parlent des exigences émotionnelles du métier d'infirmier.

- Cinq infirmiers sur cinq parlent de la « qualité empêchée ».

- Quatre infirmiers sur cinq évoquent le manque de reconnaissance de la part des supérieurs hiérarchiques.

- Quatre infirmiers sur cinq parlent de l'insécurité de la situation de travail. - Trois infirmiers sur cinq parlent des relations difficiles avec les médecins.

- Un infirmier sur cinq exprime une relation conflictuelle avec sa collègue de travail.

Lorsque je confronte les résultats concernant les sources de stress, je constate que premièrement la surcharge de travail se retrouve dans chacun des lieux de travail. Ce premier résultat est en corrélation avec les recherches menées précédemment. Celles-ci indiquaient que la surcharge de travail constituait l'un des premiers facteurs stressants en milieu de travail.

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Concernant la quantité de travail, un infirmier utilise l'expression « ne pas se sentir capable ». Cette expression correspond parfaitement à la définition même du stress psychologique au travail énoncée ci-dessus qui je le rappelle est « une réponse de l'individu devant les exigences d'une situation pour laquelle il doute de disposer des ressources nécessaires afin d'y faire face. »

D'après les propos des infirmiers, la surcharge de travail semble engendrer le phénomène de « qualité empêchée ». En effet, celle-ci peut amener le soignant à effectuer ses tâches plus rapidement alors qu'il aimerait prendre davantage son temps.

Deuxièmement, les infirmiers ont tous aborder les exigences émotionnelles de leur métier, à commencer par l'agressivité des patients. En cas de mal-être chez le patient, celui peut s'exprimer par de l'agressivité renvoyée sur le soignant, il se doit alors de garder son calme et contrôler ses émotions. Le devoir de cacher ses émotions fait partie des principaux risques psychosociaux du métier. En contact permanent avec le patient, le soignant ne peut libérer les émotions que peuvent parfois provoquer la souffrance du patient ou son agressivité, pourtant il les ressent et il n'est pas toujours évident de les contenir.

Ensuite, le manque de reconnaissance est un thème abordé par quatre infirmiers sur cinq. Alors que pour certains il s'agit du manque de reconnaissance de la part des supérieurs hiérarchiques, pour l'IDE 5, il s`agit du manque de reconnaissance de la part des patients. Par manque de reconnaissance, les infirmiers parlent du manque de valorisation de leur travail ou du peu d'écoute de la part des supérieurs hiérarchiques.

Le manque de reconnaissance est un thème qui est à de nombreuses reprises évoqué dans mon travail à commencer dans ma seconde situation de départ. L'infirmière ressentait en effet un manque de valorisation de son travail tel qu'il l'est évoqué dans mes différents entretiens.

Pour quatre infirmiers sur cinq, on retrouve également comme facteurs stressants, la situation instable de certains patients. Ce facteur semble générer une tension chez les infirmiers, une certaine crainte de ce que peut leur réserver leur poste de travail. Ce facteur est associé aux situations d'urgences qui peuvent générer du stress et qui demande de la rapidité et de la réactivité chez les soignants.

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Pour rappel, ce facteur entre dans la catégorie « Insécurité de l'emploi » selon les six indicateurs des risques psychosociaux. Sur le terrain, j'avais en effet pu constater ce que le stress des situations d'urgences pouvait générer chez le soignant et notamment lors de ma situation de départ où cela l'avait amené à pleurer.

Le thème de l'insécurité de la situation de travail peut également renvoyer au sujet de la précarité de l'emploi. Les propos de l'IDE 4 illustre bien les chiffres qui étaient donnés dans ma partie « Cadre conceptuel ». Pour rappel, il était écrit que « 45% des jeunes diplômés disent avoir eu comme premier contrat un contrat à durée déterminée non renouvelable. » Cette infirmière diplômée depuis trois ans m'expliquait qu'elle avait enchaîné les contrats de courtes durées en service d'urgences, en crèche puis maintenant en EHPAD.

Trois infirmiers sur cinq, évoquent la relation, parfois compliquée, avec les médecins. Ils évoquent surtout les difficultés de communication avec les médecins : trop d'ordres donnés en même temps, un haussement de ton, un caractère autoritaire, ou le fait de ne pas avoir le droit à l'erreur. Ces propos relèvent des conflits internes au service qui correspondent à un des six indicateurs des risques psychosociaux. Les infirmiers m'ont parlé des relations parfois conflictuelles avec les médecins avec leurs supérieurs hiérarchiques et parfois aussi avec leur collègue de travail. En revanche, quand ces relations se passent bien, elles peuvent être d'un véritable appui pour le soignant et peuvent lui permettre de travailler dans un climat plus apaisant.

Lors de mes entretiens le sujet de la fréquence du stress a également été abordé. Je présente ci-dessous le tableau récapitulatif des propos des soignants.

Le soignant face au stress

La fréquence du
stress

IDE 1 : « Peu fréquent » - « une fois par semaine »

IDE 2 : « Continuellement » - « souvent stressé » -

« stress énorme » - « Fort stressé » - « toujours stressé » - « toujours présent »

IDE 3 : « tout le temps »

IDE 4 : « parfois »

IDE 5 : « Week-end » - « Aléatoire » - « Au cas par cas »

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Voici les résultats concernant la fréquence du stress :

- Deux infirmiers sur cinq affirment que le stress est continuellement présent.

- Trois infirmiers sur cinq estiment que le stress n'est présent que parfois.

- Deux infirmiers sur trois en service de cardiologie estiment que le stress est continuellement présent.

Lors de mes entretiens le sujet de la fréquence du stress a également été abordé. Alors que pour trois infirmiers sur cinq, le stress est peu fréquent, pour deux autres infirmiers celui-ci semble être présent continuellement. Je remarque alors qu'au sein d'un même service (service de cardiologie), les sources de stress peuvent être perçues différemment et pas toujours vécues avec la même intensité de stress.

2. Le ressenti du soignant

Le ressenti du
soignant

IDE 1 : « gérer au mieux » - « peur d'oublier quelque chose » - « prioriser » - « peur de passer à côté de quelque chose » - « anxiété » - « en colère » - « Fatigué » - « énervé » - « pas compris »

IDE 2 : « Pas évident à gérer » - « Adrénaline qui monte » - « perds tout tes moyens » - « quand il t'arrive une situation telle, t'es stressé toute la journée » - Remise en question

IDE 3 : « Je m'énerve » - « ça m'agace » - « Craquer » - « Fatigant »

IDE 4 : « Tu fais avec » - « pression élevée » -

« Complètement vidée » - « Très fatiguée » - « Lessivée »

IDE 5 : « Pleurer en rentrant chez moi » - « Etre en colère »

Gérer son stress

IDE 1 : - « on délègue » - « formations » - transmissions de savoir entre collègues - « Prendre du recul » -

« Organisation ».

IDE 2 : « Collègues » - « en partageant un peu notre savoir » - « Prendre du recul » - Gérer ses émotions pour le bien-être du patient.

IDE 3 : Expérience professionnelle - « Me poser cinq minutes » - « Collègues »

IDE 4 : « Prendre l'air » - « Fumer »

IDE 5 : « Faut rester calme » - « Faut pas montrer du tout qu'on est stressé » - « Faut prendre le temps de réfléchir »

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Concernant le ressenti du soignant face au stress, voici mes résultats :

- Trois infirmiers sur cinq expriment que le stress a des conséquences sur leur travail : énervement, perte de contrôle, etc.

- Trois infirmiers sur cinq estiment que le stress atteint leur vie privée ; certains expriment le fait d'être épuisés quand ils rentrent chez eux.

- Deux infirmiers sur toi confient avoir déjà pleurer en rentrant à leur domicile.

Lorsque j'ai abordé le ressenti des soignants sur le stress, les réponses étaient très diversifiées. Tout d'abord, certains m'ont parlé d'énervement. La plupart du temps, ce sentiment est lié à la surcharge de travail ; énervement quant au fait de ne pas avoir le temps de faire ce que l'on veut avec les patients. Cette surcharge de travail génère également le sentiment d'être incompris par les supérieurs ou peu entendu sur certaines situations.

Parfois, il arrive à certains des infirmiers de « craquer » nerveusement, cela se traduisant généralement par des pleurs évoquant un surplus d'émotions, une accumulation de facteurs stressants. Même si cela semble rare, c'est arrivé au moins une fois à chacun des infirmiers que j'ai interrogés. Les propos des infirmiers interviewés rappellent ici ceux de l'infirmière de ma première situation de départ qui s'était retrouvée à pleurer dans la salle de pause suite à un surplus d'émotions dû à l'accumulation de facteurs stressants.

Pour deux infirmiers sur cinq, lorsqu'une situation stressante se présente, celle-ci entraîne une remise en question, notamment lorsqu'a lieu une situation d'urgences ou le décès d'une personne. Ces infirmiers ont tendance alors à se demander s'ils auraient pu faire mieux, s'ils n'ont pas oublié quelque chose. L'ensemble de ces évènements générant pour chacun des infirmiers que j'ai interrogé une très grande fatigue. Les termes « lessivée », « fatiguée », « vidée », sont revenus chez chacun des infirmiers. Afin de mieux comprendre ce qu'était la fatigue due au stress, j'ai à nouveau effectué quelques recherches.

Cette fatigue est dite « nerveuse ». Elle se manifeste souvent par un changement d'humeur, un état de tristesse et de découragement, des troubles de l'appétit ou du sommeil. Ce type de fatigue affectant le moral, elle peut parfois provoquer l'apparition d'un trouble dépressif22.

L'ensemble de ces signes sont autant de signaux d'alertes d'une souffrance au travail de certains soignants. Au sein de mon cadre conceptuel j'avais évoqué les quatre familles de symptômes d'une souffrance au travail. Parmi les symptômes émotionnels, on pouvait y trouver de l'irritabilité, de l'anxiété, de l'excitation ou encore de la tristesse.

Face à ces situations de stress, les infirmiers ont abordé la manière dont ils géraient le stress, thème que je n'avais pas prévu de traiter lors de ces entretiens. En ressort tout de même l'importance d'une bonne ambiance de travail, qui semble essentielle à la réalisation d'un travail de bonne qualité.

Le stress nécessite également un fort travail sur eux-mêmes : « prendre du recul », « apprendre à rester calme », « gérer ses émotions ». Pour l'aider à mieux gérer ses émotions, l'IDE 4 se tourne vers le tabac, ce qui lui permet, selon elle, de mieux appréhender le reste de sa journée.

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22 Université de Moncton, Comment maîtriser son stress, 2014 [en ligne], disponible sur :

http://www.umoncton.ca/umcm-saee/files/saee/wf/wf/pdf/PC4_Commentma__triselaFatigue.pdf , consulté le 13 Avril 2016

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II. Le stress dans la pratique des soins infirmiers

Le stress dans la pratique des soins infirmiers

L'impact sur la relation avec le
patient

IDE 1 : « C'est évident » - « moins de patience » - « plus directif » - « moins sympathique » - « plus sec dans la façon de parler »

IDE 2 : Il n'y pas d'impact sur le patient,

« parce qu'il faut justement pas montrer au patient qu'on n'est pas stressé »

IDE 3 : « ça se ressent » - « on fait tomber des choses » - « on est pressé »

IDE 4 : « bâcler le travail » - « Ils ressentent le stress » - « On n'a pas le temps de leur parler » - « On est obligé d'écourter la relation »

IDE 5 : « ils le ressentent » - « trembler » - « rougir » « C'est physique, c'est pas tant dans les paroles » - « Le stress, ça ressort physiquement »

Le ressenti du soignant

IDE 1 : « déçu de ce que je fais » - « pas satisfait »

IDE 2 : « tu te remets en question »

IDE 3 : « t'as pas le temps de faire ce que tu veux »

IDE 4 : « C'est stressant » - « C'est frustrant »

IDE 5 : « Faut le temps de digérer tout » - « Fatigué » - « Irritable »

Voici les résultats concernant l'impact du stress dans la pratique des soins infirmiers :

- Quatre infirmiers sur cinq estiment le stress a un impact sur la relation avec la personne soignée.

- Quatre infirmiers sur cinq disent faire les tâches plus rapidement.

- Un infirmier sur cinq dit qu'il essaie de ne pas montrer au patient qu'il est stressé.

Face à ce stress, voici le ressenti du soignant :

- Trois infirmiers sur cinq ressentent un sentiment négatif : frustration ou déception par exemple.

- Une infirmière sur cinq dit se remettre en question.

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Pour compléter mon analyse, j'avais choisi d'interroger les soignants sur les conséquences du stress des soignants sur leur travail et plus précisément sur le patient afin de savoir ce que ces conséquences pouvaient entraîner sur le soignant.

Pour quatre infirmiers sur cinq, le patient ressent indéniablement notre stress. Il peut le ressentir par nos gestes, qui sont effectués plus rapidement, mais également par nos paroles. Dans ce cas, le stress du soignant est essentiellement dû à la surcharge de travail qui engendre un moindre temps passé avec les patients.

Ce stress ressenti par les soignants génère souvent une déception ainsi qu'une insatisfaction au travail des soignants.

La frustration de certains infirmiers est quant à elle due au fait qu'ils ne respectent pas forcément leur idéal de soins et leurs valeurs en faisant les soins rapidement. Le conflit de valeurs dans les soins est une partie que j'avais notamment abordé dans mon cadre conceptuel. Il avait été dit que le conflit de valeurs était facteur de démotivation au travail mais était également néfaste pour la santé mentale des soignants.

Selon eux, leur stress impacterait donc la qualité des soins et générerait donc un mal-être au travail. Les paroles des soignants sont donc en accord avec ce que j'ai étudié dans la partie « le stress dans la pratique des soins infirmiers » de mon cadre conceptuel.

Cette question m'amène à connaître le ressenti des soignants quant à leurs soins mais il en ressort aussi que lorsque le soignant est stressé il y a de fortes chances pour que le stress soit également ressenti par la personne soignée.

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III. Le stress et la souffrance au travail

Le stress et la souffrance au travail

Ce qu'en pense le soignant

IDE 1 : « surcharge de travail » - idéal de soins - « faire de l'abattage » -

IDE 2 : Manque de reconnaissance de la part des cadres de santé - Pression de la part des cadres - « elle valorise pas ton travail » - « remarque que les points négatifs » - « souffrance » - « sur le moral, ça peut jouer » - « elles nous écoutent pas vraiment »

IDE 3 : « Manque de personnel » -

« Manque de moyens » -

« Communication avec les supérieurs pas toujours adaptée »

IDE 4 : « Mauvaise relation avec ta collègue » - « Frustration » - « Charge de travail » - « Transfert sur mes parents » - « Du mal à trouver du boulot » - « Tu prends le boulot qui te vient » - Idéal de soins

IDE 5 : « Souffrance psychologique » - « Pas tant dans l'aspect technique du métier » - « Le larbin de service » - « Il faut être disponible à tout bout de champ »

Le vécu du soignant

IDE 1 : « il m'arrive de ne pas me sentir bien » - « je me sens pas efficace » - Idéal de soins - « ça me tient à coeur » - « déçu de ce que je fais » -

IDE 2 : « pleurer » - « rare »

IDE 3 : « Ça m'est déjà arrivé » - « On stresse quand même » - « Craquer »

IDE 4 : « Frustrant » - « Ça m'est déjà arrivé » - « Très grosse frustration »

IDE 5 : « On n'est pas surhumain » - « On peut pas sauver tout le monde » -

« impuissant » - « On n'a pas le bon rôle »

Au sujet de la souffrance au travail, voici ce qui en ressort :

- Cinq infirmiers sur cinq évoquent un contexte de travail difficile : surcharge de travail, manque de moyens humains et techniques.

- Deux infirmiers sur cinq évoquent des difficultés avec leurs supérieurs hiérarchiques : manque de reconnaissance, manque de valorisation du travail.

- Cinq infirmiers sur cinq estiment avoir déjà ressentis de la souffrance au travail.

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Pour aborder le thème de la souffrance au travail, j'ai demandé aux soignants ce que ce terme évoquait chez eux et c'est alors qu'on retrouve les sources de stress évoquées précédemment.

Premièrement, on entend à nouveau parler de la surcharge de travail. Ce facteur semble être un poids important dans le quotidien des soignants puisqu'il revient tout au long de chacun des entretiens. Certains des interviewés font également le lien avec le manque de personnel. Même si le terme « souffrance » ne semble pas adapté pour tous les soignants, ils parlent alors de mal-être, ou de déception.

Aussi, le manque de reconnaissance des supérieurs hiérarchiques, et notamment des cadres et des médecins, a déjà été générateur de souffrance chez quatre soignants sur cinq. Par manque de reconnaissance, les soignants entendent aussi manque de valorisation du travail et manque de communication, ils ne se sentent pas toujours écoutés. Dans ma situation de départ, c'est le manque de reconnaissance principalement qui avait d'ailleurs amené l'infirmière à se retrouver en situation d'épuisement professionnel.

Pour l'IDE 4, la souffrance au travail évoque pour elle le thème de la précarité de l'emploi : difficulté à trouver un emploi ou travailler dans un secteur qu'on n'apprécie pas forcément. Ce thème avait été abordé à travers les risques psychosociaux dans la partie « Cadre conceptuel ».

Enfin, tous les infirmiers m'ont parlé de la confrontation entre leur idéal de soins et la réalité du terrain. J'ai ressenti chez les soignants une envie de faire de leur mieux, une envie de donner le meilleur d'eux-mêmes mais le fait que cela ne semble pas être possible dans la réalité semble générer une grande frustration voire une souffrance.

Bien que certains infirmiers arrivent à se détacher de leur travail et se dire que quoi qu'il arrive ils n'y peuvent rien (« on n'est pas surhumain »), certains soignants se remettent en question continuellement. Alors que la remise en question peut entraîner une amélioration des pratiques professionnelles, utilisée en excès elle peut être responsable d'une pression psychologique trop importante pouvant causer des risques psychosomatiques.

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Pour faire le lien avec les recherches précédemment menées, le stress dont m'ont parlé les soignants durant les entretiens ne semblent pas être du « bon stress ». Pour rappel, un bon stress pousse à donner le meilleur de soi-même. Ici, le stress semble au contraire être générateur de souffrance.

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IV. Synthèse

A travers les entretiens que j'ai pu mener au sein de ces différents lieux de travail, j'ai tout d'abord pu me rendre compte qu'un facteur de stress était prédominant chez les soignants ; il s'agit de la surcharge de travail.

En effet, la surcharge de travail semble engendrer plusieurs conséquences chez le soignant. Les soignants ressentent une insatisfaction au travail, une déception face à la différence entre les soins qu'ils voudraient effectuer et ceux qu'ils effectuent. Certains d'entre eux évoquent même un lien avec la souffrance au travail qu'ils peuvent ressentir par moment.

Même si la surcharge de travail prédomine parmi les sources de stress, on peut aussi retrouver le manque de reconnaissance, l'insécurité de l'emploi, les conflits de valeurs, les situations d'urgences et l'agressivité des patients. Les données recueillies lors de mes entretiens corroborent avec mes recherches menées dans le « Cadre conceptuel ».

Je rappelle la définition de la souffrance au travail par Christophe DEJOURS :

La souffrance au travail, c'est le vécu qui surgit lorsque le sujet se heurte à des obstacles insurmontables et durables, après avoir épuisé toutes ses ressources pour améliorer l'organisation réelle de son travail vis-à-vis de la qualité et de la sécurité. En d'autres termes la souffrance pathogène commence lorsque le rapport du sujet à l'organisation du travail est bloqué.

Devant certaines situations, j'ai bien ressenti que certains soignants avaient l'impression d'être face à des obstacles qui leur semblaient « insurmontables », comme par exemple la surcharge de travail. Mais au sein d'un même service, le vécu de ces situations sera différent pour chacune des personnes. Cependant, les sentiments exprimés par chacun des soignants tels que la tristesse ou l'agacement sont autant de signaux d'alerte à la souffrance au travail - tels qu'ils étaient décrits dans mes recherches - qu'il faut prendre en compte.

Pour compléter mon analyse il aurait aussi été intéressant d'ajouter une question sur les symptômes du stress puisqu'ils étaient évoqués dans mes recherches. J'entends par là les troubles du sommeil ou troubles de l'appétit par exemple.

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Finalement, si je fais le lien entre ce qui a été abordé dans mon cadre conceptuel et les propos des infirmiers lors de mes entretiens, je constate qu'ils vont dans le même sens. Alors qu'un stress ponctuel peut permettre d'améliorer sa pratique et donner le meilleur de soi-même, un stress professionnel chronique peut parfois être à l'origine de souffrance chez le soignant. Mais il est important de préciser que ce n'est pas le travail qui rend malade, ce sont certaines contraintes dans lesquelles il est exercé qui peuvent être délétères pour la santé.

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V. Discussion

A travers mon travail de fin d'études j'ai aussi pu constater qu'un soignant motivé, qui aime son travail et qui gère correctement son stress est moins susceptible de souffrir au travail. Ces trois données entrent dans le domaine du « bien-être » ou de la « qualité de vie au travail ».

Dans mon travail, il était inéluctable de parler de la relation soignant-soigné étant donné que le soignant est indissociable de la personne soignée et que la relation au patient représente le coeur du métier d'infirmier. Pour connaître le ressenti des soignants sur la qualité de leurs soins, j'ai d'abord dû poser une question sur l'impact du stress sur la relation soignant-soigné bien que cela ne représentait pas ma question principale de recherche. A travers mes entretiens infirmiers j'ai donc pu me rendre compte qu'un soignant stressé donnera plus facilement des soins de moins bonne qualité. Ces données rappellent une phrase que j'avais pu lire lors de mes recherches : « Le bien-être de l'infirmière est le pré requis de la qualité des soins ».

Mais l'absence de stress chez le soignant passe entre autres par une bonne prévention car qui dit risque, dit automatiquement axes de prévention. Dans mes situations une et deux, il me semble que la prévention a malheureusement manqué. Trois axes de préventions peuvent être associés à la prise en charge du stress.

Tout d'abord, la prévention primaire qui consiste à réduire ou annuler les sources de stress évoquées précédemment. Dans cette prévention, les établissements se doivent également d'éliminer ou contrôler les facteurs de risques déjà présents, comme les moyens humains insuffisants par exemple, en les diagnostiquant et en les évaluant.

Ensuite, la prévention secondaire qui consiste principalement à développer des capacités à faire face au stress telles que des formations pour apprendre à gérer ses émotions ou de la relaxation sur le lieu de travail. Dans ma première situation, elle aurait pu consister en un entretien avec un supérieur ou un collègue de travail pour discuter de la situation vécue et une formation pour apprendre à mieux gérer une situation d'urgence.

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Enfin, la prévention tertiaire consiste en la prise en charge des personnes atteintes par le stress avec par exemple la possible mise en place d'un traitement ainsi que d'une assistance psychologique. Dans ma situation n°2, nous nous trouvons dans de la prévention tertiaire puisque la patiente est traitée pour son Burn-out. Dans cette prévention tertiaire peut également être mis en place un accompagnement de retour à l'emploi tel qu'il l'était souhaité pour cette patiente.

Le bien-être au travail est un thème qui est ressorti tout au long de mes entretiens et notamment le thème de la motivation au travail. A la question « Vous est-il déjà arrivé de ressentir de la souffrance au travail ? », un des infirmiers a d'ailleurs répondu : « Ah oui, ça ne m'arrive pas souvent mais je pense que ça m'arrive. Et je pense que c'est parce que j'aime mon travail et ce que je fais et que je suis consciencieux dans ce que je fais et que ça me tient à coeur. » Derrière chacun des entretiens que j'ai menés, j'ai toujours ressenti que c'est parce que les infirmiers prennent leur métier à coeur et qu'ils aiment ce qu'ils font, que ce travail peut les toucher.

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Conclusion

Le thème que j'ai choisi m'aura permis de mener ce travail avec une grande énergie par le fait qu'il m'intéressait pleinement et que je souhaitais l'approfondir depuis ma deuxième année de formation. Malgré quelques difficultés, je suis parvenue à mener ce travail comme je le voulais et y intégrer beaucoup d'idées bien que, le sujet étant vaste, j'ai parfois dû me limiter.

A travers ce travail j'ai pu répondre à mon questionnement de départ. Tout d'abord par la réalisation de recherches qui m'ont permis de mieux analyser mes deux situations de départ. A travers ces recherches j'ai pu approfondir mes connaissances sur les mécanismes du stress et sur la souffrance au travail qui m'était presque inconnue à ce jour. Ensuite, j'ai eu la chance de pouvoir aller interroger plusieurs infirmiers. Ces infirmiers ont abordé des sujets qui ne m'étaient pas nouveaux puisque j'avais pu les souligner à travers mon expérience sur le terrain mais aussi parce qu'ils correspondaient aux recherches menées précédemment. Mes recherches conceptuelles et mon enquête exploratoire m'auront donc permis de répondre à ma problématique et de valider mon hypothèse de recherche.

Finalement, ce travail m'aura été très enrichissant sur plusieurs points de vue. D'un point de vue personnel, ce travail m'aura été très profitable notamment grâce aux personnes que j'ai pu rencontrer mais il m'aura surtout appris à avoir l'esprit plus ouvert et à travailler ma curiosité. D'un point de vue professionnel, ce travail m'aura permis de me rendre compte que le métier d'infirmier comporte des risques et qu'il est important de les connaître afin de mieux les appréhender en tant que future infirmière.

Si je devais poursuivre ce travail j'élargirais mes recherches au bien-être au travail. Comme ont pu m'apprendre mes recherches, la qualité de vie au travail semble être essentielle à une bonne réalisation des tâches mais surtout à la mise en place d'une relation soignant-soigné de qualité.

Au final, ce travail est à l'image de mes trois années de formation : intense mais surtout très enrichissant.

Annexes

I. Grille d'entretien

Quel âge avez-vous ?

Depuis quand êtes-vous diplômé infirmier ? Depuis quand travaillez-vous dans ce service ?

1. Rencontrez-vous des situations de stress dans votre service ? - Si oui, à quels moments ? A quelle fréquence ?

2. Face à une situation de stress, comment réagissez-vous ?

- Face à une situation de stress, diriez-vous que vous savez gérer votre stress et le canaliser ?

3. Vous est-il déjà arrivé de ressentir des émotions face à une situation de stress ?

- Si oui, quelle était cette situation ?

4. Diriez-vous que le stress que vous pouvez ressentir au travail peut avoir un impact sur votre relation avec les patients ?

- Donnez-moi des exemples.

5. Comment vous sentez-vous à la suite d'une journée où vous avez-eu à vivre de nombreux évènements stressants ?

6. Si je vous parle de souffrance au travail, que cela vous évoque-t-il ? - Qu'est-ce que pour vous la souffrance au travail ?

- Donnez-moi des exemples.

7. Vous est-il déjà arrivé de ressentir de la souffrance au travail ? - Vous êtes-vous déjà senti à cours de ressources face à certaines

situations ?

- Pouvez-vous me donner un exemple de situation ?

C'est pas particulièrement fréquent. Je dirais, peut être euh, une fois par semaine.

II. Entretien

Entretien n°1

Quel âge avez-vous ?

J'ai 25 ans.

Depuis quand êtes-vous diplômé infirmier ?

Je suis diplômé depuis le mois de juillet 2014 donc ça fait un petit peu plus d'un an et demi que je travaille en tant qu'infirmier.

Depuis quand travaillez-vous dans ce service ?

Depuis janvier 2015 donc ça va bientôt faire un an et demi.

1. Rencontrez-vous des situations de stress dans votre service ?

Euh oui, euh mais du coup est-ce que je dois te dire les différents types de stress ? Est-ce que tu veux que je décrive les différents euh ? Bah déjà un stress, euh, lié par exemple aux situations d'urgences mais qui est un petit peu propre au métier. C'est-à-dire que quand il y a un enjeu particulier pour la vie du patient on est forcément stressé, mais je pense que c'est vrai pour beaucoup de personnes et, euh, dans tous les services.

Et après, euh, en lien souvent la plupart du temps avec la charge de travail. Quand je sais que j'ai une charge de travail qui est trop importante, enfin, que j'estime moi trop important, euh, pour moi sur un poste, euh, il m'arrive d'être stressé parce que peur d'oublier quelque chose, de passer à côté de quelque chose, du fait d'avoir, à mon sens, une charge de travail trop élevée par rapport à ce que moi je peux donner sur un poste.

- Si oui, à quels moments ? A quelle fréquence ?

2. Face à une situation de stress, comment réagissez-vous ?

Je vais décrire en fonction des situations. Quand il s'agit d'une situation d'urgence, ben c'est un petit peu aléatoire. C'est-à-dire que euh, c'est euh, on fait ce qu'on peut pour maîtriser la situation, ça fonctionne, ça fonctionne pas toujours. L'objectif c'est par exemple de, ben euh de, récupérer la santé de quelqu'un qui s'arrête et du coup on fait de son mieux, on gère de son mieux. Je pense que c'est un petit peu dépendant aussi, euh, des personnes qui m'entourent, est-ce que je suis avec un binôme, qui, que ce soit infirmier ou soignant qui maitrise la situation comme moi, qui, qui me rassure et souvent c'est aussi lié au médecin qui est avec nous. C'est-à-dire qu'on peut avoir des situations d'urgences où on est avec un médecin qui, de mon point de vue hein, est pour moi calme et dirige un petit peu un soin d'urgences ou de réanimation où il est calme, où il est détendu. Moi ça me met dans une position où du coup il ne me communique pas son stress et j'arrive à me maîtriser.

Au contraire si je suis avec quelqu'un qui me presse et qui attend de moi de la rapidité et euh, un petit trop ou qui hausse le ton, qui parle fort, qui me donne beaucoup d'ordres en même temps, là ça me met en stress.

Comment est-ce que je le gère ? Dans ce genre de situations d'urgences je n'ai pas trop le temps de réfléchir donc c'est un petit peu instinctif et je crois que ça dépend de la situation, je fais de mon mieux. Je priorise comme je peux. Et puis après on délègue aussi hein ! Dans une situation d'urgences le mieux c'est d'être par exemple deux infirmiers un aide-soignant et de pouvoir compter sur son binôme pour pouvoir gérer le, son temps et les soins.

Après euh, comme est-ce que je gère une situation de stress quand il s'agit de la charge de travail, ce que j'appelle une surcharge, je dirais que euh, je fais les choses les unes après les autres en priorisant, je fais de mon mieux. Si je dépasse le temps imparti soit je passe à la relève et voilà, là je prends un peu de recul et je me dis que de toute façon je ne peux pas être à cinq endroits en même temps. Donc je me pose trois petites minutes pour essayer de m'organiser, par exemple je prends un papier, je discute avec mon binôme et voilà je lui dis « voilà ce qu'on peut faire et dans tel ordre, comment est-ce qu'on peut se diviser le

travail » et là, ben de toute façon je prends du recul et je me dis « y'à pas à stresser, chaque chose en son temps, je ne peux pas ... » Voilà, je m'organise.

3. Vous est-il déjà arrivé de ressentir des émotions face à une situation de stress ?

Ah oui, évidemment ! Encore une fois euh, quelles émotions je peux ressentir ... Je dirais, parfois, euh, un petit peu de peur. Parce que, bah je reviens encore une fois sur cette situation d'urgences ou de réanimation euh. Euh forcément il y un enjeu donc je ressens un petit peu de peur ... Et encore ... Je pense que ça, honnêtement, ça, ça s'atténue avec le temps parce que forcément avec le temps tu revis ces situations que tu gères de mieux en mieux, puisque tu te formes. On a des formations euh, au sein de l'établissement, on se forme aussi entre nous euh, j'ai des collègues plus expérimentés qui m'expliquent leur façon de faire. J'ai aussi été formé, par exemple, aux différents appareils qu'on peut trouver au sein des soins intensifs cardio, cardiologiques, du coup que j'arrive plus facilement à utiliser sur une situation d'urgences. En étant formé, et ben je diminue mon stress et je diminue ma peur au fur et à mesure que les situations se reproduisent.

Et après, euh, qu'est-ce que je ressens comme émotions ... Non je dirais peut-être un petit peu d'anxiété euh, ouais quand il y a trop de travail, j'aimerais pouvoir me diviser et parfois c'est pas possible. Mais c'est principalement les émotions que je ressens ... Après euh, je prends du recul et je te dis euh, je sais que je peux pas être à différents endroits au même moment donc euh, voilà.

4. Diriez-vous que le stress que vous pouvez ressentir au travail peut avoir un impact sur votre relation avec les patients ?

Ça c'est évident. C'est-à-dire que, bah par exemple, dans l'émotion dans laquelle je me situe parfois je peux être aussi un petit peu, euh, je reviens sur la question précédente euh, en colère, dans le sens où je me sens peut être pas compris parfois ... Quand j'explique que j'ai trop de travail et qu'honnêtement, j'ai pas forcément d'aide supplémentaire, on me rajoute pas forcément un collègue pour pouvoir m'aider. Peut-être que parfois je suis en colère parce que je me sens incompris et du coup euh, tu peux me répéter la question ?

Donc oui complétement dans le sens où, bah si j'ai peur ou si j'ai, je suis en colère. Encore que si j'ai peur j'arrive à, euh je pense, à le gérer en, encore une fois, en prenant un peu de recul, en me disant, comment je peux gérer euh ... J'estime qu'il y a une solution à mon problème et du coup comment est-ce que je peux gérer cette situation. Un petit peu en arrière, je regarde cette situation et je me dis voilà comme je vais faire ...

Maintenant, euh, quand, j'ai l'impression d'être interpellé dix fois dans une après-midi, dans une matinée, que je suis constamment perturbé dans mon travail et que je dois répondre à chacun des intervenants, chacune des personnes qui gravitent autour de moi, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, la diététicienne, machin, ... Quand j'ai l'impression d'être constamment perturbé, oui parfois j'ai peut-être moins de patience et je suis peut-être, euh, plus directif, euh, peut-être moins sympathique avec les patients. Euh il peut m'arriver, je sais pas, d'être plus sec dans la façon de parler avec mes collègues, mes patients ...

5. Comment vous sentez-vous à la suite d'une journée où vous avez-eu à vivre de nombreux évènements stressants ?

Fatigué, énervé, pas compris. Euh, du coup, j'ai la chance d'avoir des collègues euh, enfin, on s'écoute beaucoup. Du coup, je me sens compris par d'autres personnes mais pas forcément pas les personnes les plus concernées. Par exemple, ma direction, quand j'explique à ma cadre que j'ai le sentiment d'avoir besoin, euh, d'un coup de main mais que l'effectif ne le permet pas. Ou je sais pas, on a un quota de patients par personne mais j'estime que même que le nombre de patient que j'ai me donne trop de travail. Je me sens pas compris par ma chef au, comment dire, au moment où elle me répond de façon négative du coup justement je suis peut être déçu ou en colère, ou incompris ou je trouve que la situation est injuste. Et euh, bah oui, parfois je sors du boulot, je suis parfois pas satisfait de mon travail, j'en ai tellement fait qu'il m'arrive de me poser la question alors que, la plupart du temps pas du tout, est-ce que j'ai rempli toutes mes missions, est-ce que j'ai rien oublié, est-ce que je suis pas passé à côté d'une surveillance, à côté d'un problème, euh ... Parce que j'ai eu l'impression d'avoir

divisé mon cerveau en tellement de portions qu'il arrive que je me demande si dans l'une des cases je n'ai pas oublié quelque chose. Et voilà ...

6. Si je vous parle de souffrance au travail, que cela vous évoque-t-il ?

Bah pas du quotidien, parce que j'estime qu'on devrait pas souffrir au travail, au contraire. Je pense que pour bien faire son travail on doit être épanoui dans sa vie personnelle et professionnelle. Le personnel c'est une chose, donc ça ne regarde que moi, le professionnel, bah comme je t'ai dit j'ai la chance d'avoir euh, des collègues euh, à tous les niveaux, avec qui je collabore bien ; les aides-soignants, les infirmiers, les médecins et d'autres personnes qui gravitent autour. Et euh, mais, il m'arrive de ne pas me sentir bien dans mon travail et je dirais que le principal problème c'est la surcharge de travail, parce que je me sens pas efficace, parce que j'ai fait mes études d'école d'infirmier avec un idéal : soigner de gens, en prenant du temps, leur parler, les regarder, écouter, essayer d'analyser leurs émotions, voilà, prendre du temps. Et j'ai parfois l'impression, de oui, faire un petit peu euh, d'abattage parce que euh, j'ai beaucoup trop de travail par rapport à ce que je peux donner.

7. Vous est-il déjà arrivé de ressentir de la souffrance au travail ?

Ah oui, ça m'arrive pas souvent mais je pense que ça m'arrive. Et je pense que c'est parce que j'aime mon travail et ce que je fais et que je suis consciencieux dans ce que je fais et que ça me tient à coeur.

Et parfois, forcément, je rentre chez moi en me disant que j'ai pas forcément soigner les gens comme ce que j'imagine soigner les gens, comme ce que mon idéal me dit. J'aimerais euh, tu vois, en faisant mes études, j'ai imaginé ce que c'était de soigner la personne et je me rends compte dans la réalité du travail que c'est tous les jours pas applicables ou que c'est pas appliqué du tout. Et donc forcément je suis déçu de ce que je fais.

Bibliographie

Livres

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· SELYE Hans. Stress sans détresse. Montréal : Editions La Presse, 1974. 175 pages. ISBN : 9780777700952

· LAZARUS Richard, FOLKMAN Suzanne. Stress, Appraisal and Coping. Angleterre: Springer Publishing Co Inc, 1985. 456 pages. Anglais. ISBN : 0826141919

· MCGRATH Joseph. Social and Psychological Factors in Stress. Angleterre: Holt McDougall, 1970. 363 pages. Anglais. ISBN : 0030802806

· D. BEDARD, A. DUQUETTE. L'épuisement professionnel, un concept à préciser. 1998. Québec : L'Infirmière du Québec. ISBN : 1195-2695

· CLOT Yves. Le travail à coeur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. Paris : Editions La Découverte, 2015. 189 pages. ISBN : 2707164836

· MANOUKIAN Alexandre. La souffrance au travail, Les soignants face au burnout. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2009. 209p. ISBN : 978-2-7573-0278-1

Sources internet

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Résumé

L'IMPACT PSYCHIQUE DU STRESS CHEZ L'INFIRMIER

THE PSYCHIC IMPACT OF WORK-RELATED STRESS ON NURSES

Auteur : Faustine Dhaneus Année : 2016

Nombre de pages : 47 pages

Résumé

Mots-clés : Santé au travail, Stress Professionnel, Souffrance au travail, Infirmier.

Mon travail débute par le récit de deux situations vécues en stage qui m'ont amené à me questionner sur l'impact du stress professionnel sur le soignant. Au vue de mes situations j'ai pu émettre comme hypothèse qu'un stress chronique chez le soignant peut générer chez lui une souffrance au travail. Suite à des recherches menées sur les thèmes du stress et de la souffrance au travail, je me suis rendue sur le terrain afin de réaliser des entretiens auprès d'infirmiers de différents services. Ces entretiens m'ont permis de mesurer le stress professionnel chez le soignant et de comprendre si ce stress pouvait les amener à souffrir. J'ai pu ensuite analyser ces résultats et les confronter à mes recherches précédemment menées. Les résultats de ce travail montrent en effet que le stress peut générer de la souffrance au travail. Mais ils montrent également l'importance du bien-être au travail des infirmiers. En conclusion, ce travail m'aura permis de mener une réflexion sur le thème de la santé au travail. Il m'a aussi permis de me rendre compte à quel point le métier d'infirmier est un métier riche mais surtout très prenant émotionnellement et que pour le faire bien, il faut surtout aimer l'exercer.

Abstract

Key words: Occupational Health, Work-related stress, Suffering at work, Nurse.

This work begins with the retelling of two situations that I have experienced first-hand during my traineeships. These two situations made me wonder about the impact of work-related stress on medical staff. Given the cases I have dealt with, I have formulated the following hypothesis: chronicle stress on a members of the medical staff can cause suffering at work. Following my theoretical research on the themes of work-related stress and suffering at work, I interviewed members of the nursing staff in different health services. These interviews enabled me to measure the nurses' level work-related stress and understand if this stress could cause them suffering. I then analysed these results and compared them to this previously conducted theoretical investigation. The results of this work show that stress can indeed generate suffering at work. But they also show the importance of nurses' wellbeing at work. To conclude, this work allowed me to reflect on the theme of occupational health. It also made me realise that the work of nurses is very enriching but also very soliciting emotionally, and that to carry it out properly, one needs to love doing it.






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