Les conséquences de la desinformation médiatique sur la population kinoise( Télécharger le fichier original )par bahati kasindi institut facultaire des sciences de l'information et de la communication - Gradué en journalisme 2014 |
Chapitre 8 SECTION 2: ANALYSE APROFONDIE DES INFORMATIONS DELIVREE PAR LA PRESSE ECRITE SUR JP BEMBA2.1.1. JOURNAL LA REPUBLIQUE (Groupe de presse Nyota)2.1.1.1. NUMERO 802 DU 14 MAI 2015Dans son numéro 802 du jeudi 14 mai 2015, le journal « la République » quotidien d'information générale du groupe de presse Nyota paraissant à Kinshasa a titré à sa Une « Bemba fait sa Valise pour Kinshasa38(*) ». Un titre très incitatif, attractif et très accrocheur. A la lecture de ce titre, le lecteur intéressé sera poussé à se poser mille et une questions du genre : quand est-ce qu'il y a eu procès ? A-t-il été acquitté ? Et si tel est le cas, quand atterrira-t-il à Kinshasa ? Un tas de questionnements surgira suite à la lecture de ce titre. Les effets que produira ce titre seront diverses suivant qu'on se place du côté des partisans de Bemba, du côté de ses opposants et du coté des simples citoyens. Placé du côté des partisans, ce titre aura un effet de soulagement total à ces gens qui sont, si on peut le dire, fatiguer d'attendre un procès qu'ils qualifient d'injuste. Par les opposants de Bemba, ça sera une surprise désagréable. De l'étonnement pour les simples citoyens. En général, les journaux ou groupes de presses sont des entreprises enquête des bénéfices. Pour ce faire, les journalistes font tout leur possible pour écouler leur produit qu'est l'information. C'est sans nul ombre de doute que s'explique le fait qu'on y trouve trop souvent des titres sur les « Une » qui affirment une information qu'on ne sait pourtant pas vrai ou impossible. De plus ahurissant encore, le corps de l'article vient dire le contraire ou avec un peu plus de chance de ne pas contredire catégoriquement le titre, mais plutôt d'atténuer l'ampleur, la densité évènementielle qu'on pourra de prime à bord comprendre du titre. Le problème est pour le lecteur du journal qui n'aura pas le temps de lire tout l'article et qui ne se contentera que de contempler l'attrait du titre. Si l'article est intitulé « Bemba fait sa valise pour Kinshasa », cela veut dire que J-P Bemba quitte déjà les geôles de la cour pénale internationale. Pour celui qui ne lira que ce titre accrocheur, sans chercher à lire le contenu; ira sans ambages répandre de la fausse information et des rumeurs qui peuvent être à l'origine d'une désorientation populaire. Avant de répandre les informations sur un titre donné, il est important de lire d'abord son article ensuite remonter à ses origines dans la personne du journaliste concepteur. Tout comme à l'origine de chaque oeuvre il y a l'artiste, de même à l'origine de chaque article il y a un journaliste. C'est ce dernier qui conçoit un titre à partir des éléments qu'il a collecté et parfois selon son interprétation propre. Il est assez intelligent de savoir que pour tel ou tel évènement, il faut tel ou tel titre pour ses lecteurs. Pour un journaliste, il sait que l'intérêt de son article dépend du titre qu'il lui donne car le titre résume l'article, c'est l'essentiel de l'essentiel. Il incite à la lecture et, à la rigueur, doit pouvoir en dispenser. Le titre donnera donc l'essentiel du texte, ni plus ni moins39(*). Cela peut être justifié par le caractère subjectif que possède tout être humain qui n'épargne pas non plus le journaliste. Sentiment qui s'accompagne des motivations comme la concurrence, la course à l'audimat, la politique éditoriale et le scoop. Etre le premier à publier sur tel ou tel évènement. Posséder l'exclusivité de l'actualité. Le journaliste le sait très bien que son action peut être vectrice de désinformation et de manipulation. Alors que le titre visible sur le « ventre » du journal La République de jeudi 14 mai affirme sans détour que « Bemba fait ses valises pour Kinshasa », information qui sous-entend qu'il y a eu procès à la Haye et qu'il a été acquitté raison pour laquelle il fait sa valise pour regagner Kinshasa et redémarrer ses activités, le corps de l'article comme nous l'avons mentionner plus haut emploie le conditionnel pour atténuer la densité soit le poids de l'information qu'affirme le titre pourtant tous du même article. Ici le corps de l'article utilise un jeu de langage capable de dissiper toute interprétation et toute tentative de la dépréciation du rédacteur. Dans les notes du cours de la méthodologie de l'information I (Presse Ecrite) publié en 2011 par le professeur NtondaKileuka à l'université pédagogique nationale de Kinshasa, nous pouvons lire ce qui suit : tous les éléments qui sont utilisés dans le titre doivent se trouver explicitement figurer dans le texte. Il ne faut jamais considérer que le titre supplée au texte. Le titre doit cependant être conçu comme strictement indépendant, du corps même de l'article. Il annonce l'article et en condense les faits essentiels mais n'en constitue ni le début ni même une sorte de préface : le titre est une chose, l'article en est une autre40(*). Dans le titre le journaliste emploie le présent contrairement dans le corps ou il use du conditionnel. Voici ce qu'on pouvait lire dans le corps du même article : « A en croire des sources, le sénateur Jean-Pierre Bemba serait plus que jamais proche de la sortie des geôles de la Cour pénale internationale de la Haye où il vit depuis 7 ans. Selon ses proches, une bonne partie de ses effets personnels ont déjà été évacués de sa cellule de la CPI ». Déjà cette formulation détourne l'attention du lecteur de l'affirmation catégorique du titre. Elle s'appuie sur des rumeurs s'il faut dire ainsi, des soupçons qui selon le journaliste aurait été émis par des proches anonymes du détenu. En employant le conditionnel, le journaliste traite, informe d'une manière incertaine. Il responsabilise les proches du chairman. A contrario avec le titre, l'article se veut les éloges des signes annonciateurs de la libération au lieu de la libération pure et simple évoqué dans le titre. En ce qui concerne le public visé, le journaliste vise une multitude de direction et répond aux préoccupations des uns et des autres: les partisans du chairman par exemple, attendent à ce que les journalistes les informent au sujet de leur intérêt : la libération de Jean-Pierre Bemba qui tarde à venir. Une façon d'informer qui oriente à son gré l'opinion de son public, en la poussant à agir selon le vouloir de l'informateur qui dit que Bemba fait sa valise alors que ce n'est pas le cas. De la manipulation pure et simple. On peut aussi dire que cette information est une pure désinformation car fausse qu'elle est, elle vise à atteindre des objectifs. A tout considérer, le moment pendant lequel cette nouvelle est diffusée est aussi un atout pour bien désinformer, manipuler ou orienter l'opinion selon ses intérêt. Nous nous trouvons à une période ou le pays se prépare à organiser les échéances électorales. Période pendant laquelle toutes les classes politiques se mobilisent pour pouvoir espérer un poste au prochain quinquennat du gouvernement. La plus part des partisans du mouvement de Libération du Congo (MLC) avaient depuis l'incarcération de leur leader, déserté si pas quitter leur parti cher. Une telle nouvelle va sans contrainte alerté toutes ces brebis égarées à regagner et mener ensemble la conquête du pouvoir. Donc pour cette catégorie de public, cette information bien que fausse, a une fonction récupératrice et mobilisatrice pour le Mouvement de libération du Congo. Cette même nouvelle est une arme que ce parti utilise pour déstabiliser leurs conquérants. Du moins avec cette mobilisation dont la fausse information est responsable, les autres partis bien qu'ayant oeuvrés dans la quiétude absolue pendant l'absence de leur belligérant fragilisé par l'arrestation du Chairman. Pour bien illustrer cette mobilisation du à cette nouvelle au sein du parti et atténuer le surpoids que le titre donne à cette information, le même article poursuit : « Un autre signe qui annonce l'imminence de la libération du patron du MLC, c'est la forte délégation des cadres de son parti et des proches qui s'apprêtent à effectuer le voyage pour la Haye. Proches parmi lesquels, le député Fidèle Babala, sera du voyage. Son vol est booké pour la semaine prochaine. Un autre proche, Jacques Lungwana, doit lui s'envoler pour la Haye déjà le dimanche prochain. La secrétaire générale Eve Bazaiba, nous apprend-t-on des sources proches du MLC, s'y rendra aussi. Personne ne veut donc rater la sortie de Bemba de taule41(*) ». Comme nous l'avons signalé un peu plus haut, le fond est destiné aux signes annonciateurs de la sortie de bemba de la prison qu'à ce que le journaliste a voulu faire croire à son public a priori avec son titre. C'est pour autant dire que pour manipuler à son gré l'opinion publique il a préféré oser en évoquant la libération dans le titre pour captiver l'attention de son public parce qu'il connait ses centres d'intérêts et ses attentes. Dans le corps il atténue au lieu d'affirmer sa sortie, il évoque les signes annonciateurs de sa libération qui n'est pas encore effective comme le fait entendre le titre. Pour bien dévoiler les objectifs visés par le journaliste en livrant cette information sur la libération du chairman, nous examinerons la chute de cette article qui présente en termes claires et prouve à suffisance que l'article vise la mobilisation des partisans et la déstabilisation des partis adverses. « Au MLC c'est déjà presque l'euphorie avec la perspective de la sortie de Jean-Pierre Bemba. Au cours d'un meeting le mois passé, à l'occasion du lancement de la campagne MLC aux provinciales dans la commune de Limete avec le cadre Yves Bapa comme tête de la liste, Babala avait dit qu'au plus tard, le 30 juin 2015, Bemba alias Igwe sera parmi nous. C'était la date butoir qu'avait avancée son ancien directeur de cabinet. Cela avait provoqué la joie des milliers des militants MLC venus soutenir Yves Bapa ». Ici se dévoile le pourquoi de cette information. C'est une perspective de libération plutôt qu'une libération comme l'a fait savoir le journaliste dans son titre. Cette présentation touche la déontologie journalistique qui se voit négligée. A l'image d'une compagnie d'assurance qui va se rendre sur le lieu d'un accident pour en déterminer les causes et en dégager les responsabilités éventuelles, la mainmise sur la presse se montre au grand jour. Le mensonge, qu'il soit conditionné ou délibéré, n'est jamais une opération de bonne foi. Plusieurs causes entre en connivence pour expliquer une situation dommageable. Le drame du journalisme est d'être trop souvent un métier aux deux visages : celui que l'on présente au public, idéalisé, presque idyllique, et celui que l'on cache ou que l'on omet par peur de contrer les objectifs des manipulateurs et maintenir leur influence sur le public car l'influence c'est le pouvoir. Pourtant c'est incontestablement ce dernier qui est à l'origine des multiples exemples présentés aux cours de cette analyse. Manque de formation, manque de culture, conformisme intellectuel, volonté de céder aux modes, autant de raisons qu'il faut avoir à l'esprit lorsque l'on essaie de comprendre le fonctionnement de la presse, pour ne pas dire son dysfonctionnement. Le pluralisme que l'on s'accorde à souligner dans notre pays depuis le début de la troisième république n'est trop souvent que de façade. Evidemment, la République démocratique du Congo n'est pas un pays à régime totalitaire. Mais la source à ce que l'on sache est toujours unique. Ce sont les sources officielles qui disent la vérité. Le journalisme d'investigation tel qu'il a pu être popularisé aux débuts du journalisme par certains grands noms dont on ne sera pas obligé de citer ici, a pratiquement disparu, ne serait-ce que pour des raisons financière. Avoir un tel traitement d'information en faveur d'une catégorie privilégié des gens, et au détriment d'une autre que le premier manipule, désinforme, nous voyons la mainmise sur la presse fait des ravages. 2.1.1.2 NUMERO 792 DU 04 AVRIL 2015« Le verdict renvoyé au 1 avril : Jean-Pierre Bemba à la porte de sortie »42(*), titre à sa Une ce numéro de la république à propos de cette affaire de libération de Bemba qui tarde à venir. Déjà à ce que l'on sache pourquoi le journaliste tient à ce titre, c'est parce que c'est un titre qui pour lui, va faire booster ses ventes. A priori celui-ci laisse sous-entendre que l'éventualité de la libération du chairman à contrario avec le premier article dont on a évoqué dans ce travaille. Pour plus de précision ces journalistes qui font tout pour vendre, savent pourquoi ils mettent du poids dans leurs articles. Tout le monde sait que Bemba est prêt à être libéré mais que c'est la cour qui n'est pas prête. Pour ce journaliste qui est à l'origine de cette nouvelle qu'il édulcore de son gré, il veut nous faire croire qu'avant son information, il y aura eu une nouvelle qui serait répandu dont il s'est proposé de démentir grâce à son article paru dans ce numéro 792. Concernant cet article paru dans le numéro précité, nous pouvons lire ce qui suit : « contrairement à ce qui a été dernièrement, plusieurs sources concordantes annoncent que le verdict de Jean-Pierre Bemba, président du MLC, incarcéré depuis plus de 7 ans à la CPI à la Haye aux Pays-Bas pourrait être prononcé le 16 Avril prochain alors qu'il était programmé à partir du 15 Mars »43(*). Comme l'on vient de le lire dans cette attaque, nous comprenons que c'est une information destinée à contrer une autre information déjà répandu et enraciné dans l'opinion. Une information qui est devenue mieux connu des Kinois influençant selon le vouloir des manipulateurs ses agissements. A vrai dire, c'est une information destinée à entraver, à couper court à une rumeur dont sont responsables les médias. Au moment où l'opinion public Kinoise y compris ceux dont cette nouvelle concerne le plus, (les partisans du MLC) était saturé des informations au sujet de la libération de J-P Bemba. Il s'agit s'il faut dire ainsi, d'une sorte de désinformation qui n'est autre que Bemba est libre ; Bemba est acquitté et toutes sorte d'informations qui sous-entend qu'il est libéré. « Mais quelques accrocs seraient signalés à la suite d'une discordance entre l'avocat de Jean-Pierre Bemba qui devrait recouvrer sa liberté et le procureur de la CPI. En effet, Jean-Pierre Bemba refuserait de signer l'accord lui proposer par la CPI à ne pas poursuivre le procureur et renoncer à des avantages ou dommages-intérêts qu'il exigerait auprès du procureur. Ce dont le leader du MLC refuserait. Initialement prévu le 15 mars 2015, la liberté tendue à Jean-Pierre Bemba tarde à se concrétiser au grand dam des membres du MLC »44(*). En grosso mo do, cet article se propose un objectif noble pour son auteur. Il vise un public bien précis. C'est une sorte de manipulation qui va dans le sens contraire d'une autre qui serait intervenue avant elle. Pour cet auteur, il s'agit de nettoyer s'il faut ainsi dire, dans les têtes des gens que Bemba est déjà libre. Et lui ne veut pas s'écarter de ce que la rédaction entière se veut de défendre. Il passe l'éponge sur une rumeur forte répandue. Chose qui s'était déjà planté dans les têtes, laquelle le journaliste constate que s'il s'en charge, il fera le best-seller. En se faisant passer pour un sauveur et dire la vérité à propos de ce qui aurait été déjà dit. La santé de la presse dans notre pays n'est pas particulièrement florissante. Et c'est un euphémisme si on peut le qualifier ainsi. Ce qui soutient cet euphémisme c'est aussi les finances, parce qu'envoyer des journalistes couvrir le procès de Bemba a la Haye aussi longtemps que cela pourra durer, enquêter à ce sujet, dire réellement aux gens ce qui se trame là-bas, est un tout autre pion complétant l'échiquier de la désinformation. C'est un luxe que non seulement le quotidien La république mais la quasi-totalité des organes de presse chargés d'informer la population Kinoise ne peuvent pas se permettre. Raison pour laquelle nous nous retrouvons devant une information dont le journaliste nie toute responsabilité et rejette tout sur des sources anonymes. Dans cet article il fait mention des amis proches de Jean-Pierre Bemba par manque de moyen de déployer ses journalistes à la Haye pour pouvoir collecter la vraie information au lieu de se contenter à interpréter ce que les médias et organes de presse étrangère collectent et traitent selon leur vouloir. Cherchant ainsi à gagner la confiance de son publique qui pense que les seules vraies informations proviendraient des proches du « chairman ». Ce qui est sure et vrai pour la presse écrite, l'est en grande partie pour l'audiovisuel, en particulier la télévision. De très nombreuses images et informations diffusées chaque jour sur le petit écran congolais et qui paraissent dans les journaux locaux sont en réalité achetées et si je ne m'abuse pas prisent d'autres medias étrangers, sans autorisation. Ces informations sont principalement traitées dans les rédactions des chaines comme RFI, la BBC, OKAPI, etc. Et d'ailleurs ce sont principalement ces organes de presse qui ont été les premiers à diffuser les exactions de Bemba en République Centrafricaine aux yeux du monde ainsi de la presse locale, aidant le public à comprendre l'importance du problème. Même si cette façon de travailler ne correspond pas au stéréotype de la profession, le journaliste congolais attend trop souvent que l'information lui parvienne à la place de se rendre lui au-devant elle. * 38 La République, quotidien d'information générale-Série III numéro 802 du 14 mai 2015 * 39 P. NTONDA KILEUKA ; Notes de cours sur la Méthodologie de l'information I (Presse Ecrite), Kinshasa ; Université pédagogique nationale ; 2011-2012, p. 28 * 40 Idem * 41 La République, quotidien d'information générale-Série III numéro 802 du 14 mai 2015 ; p. 12 * 42 La République, quotidien d'information générale-Série III numéro 792 du 04 avril 2015 ; p. 12 * 43 Idem * 44 Idem |
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