Annexe 3 : notes de transcription des entretiens avec
les participants
Entretien n°1 : Salima (questionnaire n°5)
et Fatima (questionnaire n°7), réalisé le 01/03/2012
Situation : Elèves mahoraises en classe de première
STG gestion, élèves du rédacteur de l'étude.
Conditions de recueil des informations écrites : contact
direct enseignant-élèves au lycée, questionnaire rempli
sur place en présence de l'enquêteur, précisions et
commentaires au fil du questionnaire.
Entretien réalisé sur rendez-vous, dans une salle
réservée, lors de la pause méridienne, enregistrement
vocal.
Notes d'entretien :
Contacts avec le pays d'origine :
Appels au pays : téléphone fixe avec des
cartes
Abonnement Mayotte h24 illimité médiaserv, moins
cher, c'est une question de prix
Comores : carte prépayée
Webcam, Skype : implique possession d'un ordi : modernes plus
qu'anciens jeunes plutôt
que parents
Les deux : plutôt fixe car les gens appelés (France
par Internet, Mayotte par téléphone) ne
sont pas habitués à la technologie, plutôt
téléphone
S et F : cousines, cousins en France, Mayotte :
téléphone
Mayotte : équipés, mais très bas
débit, connexion très lente « bas de gamme » :
« 1 heure
pour afficher la page gmail là bas », pas de
haut débit
Pratiquantes de Facebook, Google (recherches), email
Site « Mayotte online » (S ne connaissait pas) comme un
tchat : Entre Mahorais se
rencontrer, faire connaissance, savoir comment eux vivent, si
c'est différent, pouvoir
discuter,
Les groupes (mahorais) sur facebook t'invitent, on peut en faire
partie
S : « Je connais pas le numéro du
département français » (signe de faible attachement
à l'île
qui est devenue département français en mars 2011,
avec le numéro 976, devenu un signe
identitaire pour de nombreux jeunes mahorais)
Mahorais solidaires entre eux : naturel et nécessaire
207
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
S : « Comme à la Réunion, ici c'est
dur, je ne sais pas, si tu ne connais pas déjà un groupe de
mahorais, tu ne vas pas aller vers eux » « pas de contact
rapproché, pas avec des gens (mahorais) qu'on ne connaît pas
», « Si c'est de la famille oui, à la Réunion, cela
marche comme cela »
F : « C'est comme à Mayotte : famille et
connaissances "c'est compliqué " »
Contacts avec la famille restée au pays
« C'est les réunionnais qui appellent tous les
jours »
« S'ils ont un problème, ils envoient un message,
on les rappelle de suite »
« On appelle « à la maison », ceux qui
n'y habitent pas y viennent pour discuter av les
réunionnais »
Appels sur les mobiles à Mayotte : « ça
dépend des réseaux, des perturbations, du climat »
Sms illimités Only de Mayotte vers Réunion Only
(pas SFR)
Le mobile : « On paye de notre poche, c'est cher
», sinon quand ils le peuvent « les parents
payent, sauf les grands qui payent eux-mêmes
»
Pas abonnement pour les jeunes : cartes suivant situation
familiale, qu'ils payent eux-mêmes ou
les parents
« Les abonnements des parents c'est pour eux
»
S : « Quand on est nombreux, c'est difficile de payer un
abonnement pour chacun » « si on a
besoin on utilise le téléphone des parents
(même le mobile) » « pour payer les jeunes font des
petits boulots (tressage de cheveux), ou s'ils ont une bourse
(BTS), ils payent eux-mêmes »
F : « Si parents sont aisés ils payent, il y en a
pas mal dans la communauté mahoraise »
S : « On est nombreux (famille étendue) on les a
récupérés ici -2 cousines et leur frère-
leur
mère à Mayotte paralysée (donc 5+3=8) et
ma mère ne travaille pas » « si on avait un grand
frère ce ne serait pas la même chose à la
maison » (pas de père)
F : « Cela change beaucoup : s'il n'y a pas de mari, le
grand frère assure le rôle de papa et
grand frère »
208
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
S : « On a des conflits fréquents avec ma
mère, serait différent s'il y avait un frère »
Identité culturelle
Langues : mahoraise, comorienne, malgache (correspondant aux
origines)
« On n'est pas si différents avec les malgaches
bof, pas trop »
S : « J'aime pas les Comoriens » (rires) mon
père c'est un Comorien, je ne connais pas la famille de mon père
» « on s'entend moins bien avec eux »
F : « Les Comoriens en général n'aiment
pas trop les Mahorais » « Comoriens et Mahorais ne s'entendent pas
vraiment » « la culture est proche mais il n'y a pas toujours entente
»
S : « Les Comoriens sont toujours là à
faire leurs petites manies, les Mahorais sont tranquilles » « ils se
font remarquer »
F : « Ca dépend des gens concernés
» « l'Association à la fac c'est des mahorais seuls »,
« chacun est de son côté, a sa propre culture, il y a
beaucoup de cultures différentes » « Mayotte avant la
décolonisation (1975 donc bien avant leur naissance) avait
déjà une culture différente »
S : « Les mahorais n'aiment pas les « petits
» comoriens « petits voleurs » c'est leur image à
Mayotte, ça vient ici » « les Comoriens sont des
immigrés à Mayotte »
F : « Les Comoriens ne sont pas français au
départ, ils le deviennent par mariage » S : «
Pourtant ils sont plus bruyants »
Stéréotypes : les immigrés sont des
« sous »citoyens (« petits »), moins valables que la
population du pays d'accueil, et ont intérêt à se faire
oublier. Chacun semble reproduire ce schéma pour celui qui est «
plus immigré que lui ».
TIC et médias
F : « TIC entre jeunes, phone avec Mayotte
»
S : La Tv « c'est "obligatoire", allumée tout
le temps : séries, journal » (elle regarde le journal
réunionnais et celui de Mayotte « comme la plupart des familles
» « c'est un moyen de communiquer pour les familles » et de
conflit « ma soeur faisait la gueule parce qu'elle voulait regarder une
série, ma mère le JT» « ma mère a une
télé dans sa chambre » « pour le Jt Mayotte il faut un
abonnement à canal Sat, l'abonnement c'est au salon, pas dans sa chambre
»
209
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
F : « Parfois le journal réunionnais parle de
Mayotte, ça fait plaisir » « ils en parlent bien, en
général les reportages sont faits par les journalistes de Mayotte
» « j'aime bien "100% Mayotte" (émission sur
l'île)
S : « Les Mahorais n'écoutent jamais la radio,
plus la tv : si une personne met une chaîne, tu es obligée de
regarder »
F : « On regarde le journal ensemble »
SF : Pas d'interactivité en tv, ni radio «
arnaque » « ils prennent tout ton crédit » SF :
Journal papier : « non, ni réunionnais, ni mahorais
»
F : « Ils suivent peu le journal sur le net puisqu'il y
a la tv : à 6h le matin, à 20h (après jt
réunionnais)"
S'il y a des chevauchements S : « on enregistre avec le
décodeur »
Internet : « Les jeunes n'ont pas leur propre page
(site ou blog), simplement ils tchattent » pas de
web 2
« C'est plutôt des échanges directs entre
connaissances »
F : « Il n'y a pas d'organisation pour l'immigration
à la Réunion, c'est de l'info directe, affinitaire par les
"Réunionnais" en vacances là bas »
S : « C'est entre jeunes »
Les contacts ne sont « Pas claniques : c'est la famille
»
Pas de magazines, jamais, S : « j'en ai
déjà vu un », F : « moi c'est quand je vais
chez le médecin » « Pas chez la coiffeuse, on se coiffe seul
ou en famille, entre copines »
Mouvements sociaux à la Réunion : pas
concernés, « ça ne changera rien » (plus
intéressées quand cela se passait à Mayotte)
Religion S : « normalement c'est important mais les
jeunes d'aujourd'hui ne respectent plus rien quoi »
F : « Cela dépend des jeunes, certains plus
d'autres moins, même à Mayotte » « Quand les jeunes
arrivent ils ne respectent plus les coutumes », « Mais les parents
sont toujours là, hein »
210
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
S : Malgré cela « les jeunes s'en foutent, ils
veulent faire comme les autres » « Pas par pression sociale, par
choix »
F : « Même le ramadan, il y a des gens qui ne
le font pas, même à Mayotte, certains jeunes ne le font pas »
S : Choquée
Les pratiques sont parfois différentes entre musulmans
mais ce n'est pas sensible Le choix de rester ou repartir
S : Arrivée petite, elle préfère rester
ici ou aller en Métropole « pas habituée au mode de vie
de Mayotte », elle est allée « deux fois là
bas seulement, là bas c'est la campagne, les bananes... » «
Mayotte c'est mon origine, mais pas mon projet, là bas je me sens dans
un autre pays "chez moi, c'est ici", ma mère veut y retourner, moi je
n'irai pas »
F: « Là bas, je connais, c'est
différent, c'est dur mais je vais m'en sortir, ça va aller, on
vit très bien là bas. » « Pas de problème avec
le mode de vie réunionnais, c'est plutôt mes racines, là
bas aussi, je suis chez moi, ma famille bien établie, non, ça va
»
211
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Entretien n°2 avec Ida (questionnaire
n°2) et Izati (questionnaire n°3), réalisé le 9/03/2012
Situation : Etudiantes mahoraises, en BTS, anciennes
élèves du rédacteur de la recherche.
Conditions de recueil des informations : contact pris via
facebook, envoi des questionnaires par courriel, retour par courriel et
complément d'informations lors de l'entretien, pour Ida, questionnaire
complété par l'enquêteur au cours de l'entretien pour
Izati.
Entretien réalisé dans l'appartement familial de
l'une des participantes, en présence de la famille dans un premier
temps, puis seulement en compagnie des plus jeunes enfants à la garde
des participantes. Pas d'enregistrement vocal.
Notes d'entretien avec Ida
Origine : Mahoraise, malgachophone (voir
préambule) Appels téléphoniques :
Fixe, appels sortants, abonnement illimité, tous les
soirs au même numéro (maison familiale, ceux qui souhaitent leur
parler viennent à la maison)
Téléphone portable, fréquemment,
abonnement illimité sur le poste personnel. Sms plus rarement
Pas d'appel Internet, la connexion est mauvaise,
problèmes de réseau
Envoi de colis par voie affinitaire. Pas de courrier ou colis
postaux, ni d'enregistrements.
Différence perçue entre mahorais et comoriens
à la Réunion : « oui, mais trop importante. La
différence est dans le comportement des jeunes. »
Elle n'a pas trop de relations avec les jeunes comoriens,
plutôt avec les mahorais Mode de vie à la fois créole et
mahorais
Perception ressentie des créoles envers les mahorais
: « ils nous voient d'un mauvais oeil, la plupart sont
réticents envers nous », « franchement, je ne sais pas »
ce qu'ils attendent de nous.
Attentes des jeunes mahorais de la Réunion : «
qu'ils soient mieux accueillis, qu'ils aient leur place dans cette
société »
212
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Attentes des adultes mahorais de la Réunion : «
qu'ils soient plus respectés, que les créoles reconnaissent
enfin leur nationalité, qui est française, qu'ils arrêtent
leurs préjugés ».
Pour favoriser l'intégration des jeunes mahorais «
par la langue (créole) ». Dans l'autre sens, « il faudrait
faire découvrir la culture (mahoraise) aux créoles »
Ses ami(e)s sont des mahorais et des créoles, à
égalité
La langue de communication avec ses amis est le créole.
Avec ses parents, le malgache (utilisé à Mayotte), le
créole avec ses frères et soeurs
Activités partagées avec ses ami(e)s : danser,
sortir entre copines, shopping
Activités associatives : Association culturelle LAYMIA
(créée par sa mère), pratique de danses traditionnelles
(Ida a expliqué ensuite qu'elle inventait, proposait et dirigeait les
chorégraphies pour les autres jeunes danseuses)
Les activités des associations permettent de maintenir
la culture et les traditions d'origine.
Ses choix vestimentaires ne sont pas influencés par la
culture d'origine, tenues similaires à celles des jeunes créoles
(mais son iconographie Facebook est majoritairement en costume traditionnel)
Notes d'entretien avec Izati
Origines : Comorienne, mahoraise, un peu malgache.
Née à la Réunion où elle a toujours vécu.
Père Anjouanais (Comores), mère biologique comorienne,
mère adoptive mahoraise et comorienne.
Nadia se considère d'abord mahoraise.
Relations avec Mayotte : S'y rend
régulièrement. Pas encore allée aux Comores. Appels
téléphoniques :
Fixe, appels sortants, abonnement illimité, tous les
jours, plusieurs appels ; parfois appel vers des cabines
téléphoniques.
Téléphone portable, fréquemment,
abonnement illimité sur le poste personnel, les parents ont le leur
213
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Skype parfois (rarement), avec ses oncles, la connexion est
mauvaise (bas débit à Mayotte)
Différence perçue entre mahorais et comoriens
à la Réunion : oui, la culture et la langue. Les mahorais et
les comoriens s'entendent mais restent chacun dans son groupe.
Les comoriens (non français) voudraient venir pour
obtenir de meilleures conditions de vie, les mahorais viennent pour faire des
études et repartir.
Mode de vie à la fois créole et
mahorais
Perception ressentie des créoles envers les mahorais
: cela dépend des gens.
En fin d'entretien, elle cite des réactions de
discrimination à l'emploi et pour la recherche de stages :
- Votre nom ?
- Myriam. (prénom « neutre »)
- Ah oui, très bien, Myriam comment ?
- D'Jaffar.
- Pas de stage actuellement.
Même cas évoqué pour son père lors
d'une recherche d'emploi : à la consonance du nom, il n'y avait plus
d'emploi disponible. (noms changés pour conserver l'anonymat)
Les langues de communication avec ses amis sont le
mahorais, le créole, ainsi que le français. (ces langues sont
pratiquées en famille également)
Activités associatives (Association culturelle
ALFALLAH, mahoro-comorienne) organisation d'événements culturels
mahorais, pratique de danses traditionnelles.
Pour elle les activités des associations permettent de
mieux se retrouver entre jeunes mahorais et maintenir la culture et les
traditions d'origine.
Ses choix vestimentaires ne sont pas influencés par la
culture d'origine (elle porte le foulard traditionnel, un jean, et
généralement une tenue toujours très « correcte
»).
Les autres éléments qui lui permettent de garder
sa culture d'origine sont la religion et la nourriture (plats traditionnels)
214
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Suivre la culture d'origine est un choix personnel,
très important
Son choix est plutôt de s'intégrer à la
Réunion tout en gardant son identité d'origine
Projets d'études, et projets professionnels : BTS, puis
retour à Mayotte pour travailler. Car elle « se sent plutôt
mahoraise »
Son entourage familial influence un peu ses projets mais ce
sont d'abord ses projets personnels
La communication entre jeunes :
Les moyens utilisés : contact direct, appel
téléphonique, sms-mms, réseaux sociaux -facebook-(pas de
messagerie Internet)
L'accès à Internet se fait par son ordinateur
portable personnel, le PC fixe de la maison, les PC du lycée seulement
pour le travail (pas de connexion avec son téléphone mobile).
L'utilisation d'Internet : Messagerie, réseaux sociaux
(facebook), pas trop pour le travail scolaire, pas de tchat ou de recherches
« fun »
Les réseaux sociaux (facebook) sont un moyen de
communiquer entre jeunes mahorais et aussi de s'intégrer avec les jeunes
créoles. Elle n'est pas une grande utilisatrice, son compte n'est pas
toujours actif.
Téléphone portable personnel de type «
smartphone » (écran tactile) plus un poste classique à
touches : appel téléphonique, sms-mms.
Le téléphone portable ne lui permet pas de mieux
s'intégrer à la Réunion, mais plutôt de garder ses
racines et sa culture d'origine en pratiquant la langue.
Médias :
Elle ne regarde « pas » la
télévision, sauf le JT Réunion, le JT
mahorais chaque jour, le JT français parfois, et une telenovela
Ne participe pas aux émissions « une fois la
petite a épuisé tout son crédit en une seule fois
» Elle écoute peu la radio : Freedom
dans la voiture
215
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Ne lit pas les journaux, ni locaux, ni mahorais Lit le
magazine télé Star-Top chaque semaine
Participation aux relais de Saint Denis (course
populaire dans le centre ville, au mois d'octobre 2010, par équipes de
10 relayeurs parcourant un total de 5 km) : Izati était capitaine d'une
équipe composée de mahorais(e)s et de jeunes créoles.
« J'ai d'abord contacté des jeunes mahorais, mais ce n'est pas
toujours facile de se répartir les tâches. Ibrahim (jeune mahorais
du même lycée, participant à la recherche) a recruté
ses amis du Bas de la Rivière, des créoles, pour compléter
l'équipe »
216
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Notes d'entretien n°3 : Kaycha (questionnaire
n°12, complété par l'enquêteur), le 10/03/2012
Situation : Etudiante en droit à l'Université de
la Réunion, résidente en cité universitaire, famille
à Saint Pierre.
Conditions de recueil des informations : Abordée
à la sortie de la bibliothèque universitaire, sans contact
préalable, Kaycha a aimablement accepté de participer à la
recherche et de répondre aux questions.
Entretien réalisé dans les locaux de la
bibliothèque universitaire, sans recours à l'enregistrement
(tombé en panne)
Origines :
Née à Mayotte, arrivée à la
Réunion à l'âge de 3 ans (actuellement 21 ans, donc 18 ans
à la Réunion), se considère d'abord Mahoraise.
Relations avec Mayotte : N'y va pas
régulièrement, son père habite Mayotte et fait de
fréquents allers-retours. Appels téléphoniques
fréquents (entrants et sortants), par le téléphone
portable.
Différence perçue entre Mahorais et Comoriens
à la Réunion : « pas très importante,
principalement la langue ». « Les activités associatives
sont pratiquées séparément, même si l'association
des jeunes mahorais peut accepter des membres de toutes origines, par exemple,
un Congolais »
Perception ressentie : « les Créoles
considèrent les Mahorais comme des étrangers, ils ne comprennent
pas notre langue, cela les ennuie, ils préféreraient qu'on ne
parle que créole. »
Ce que les jeunes mahorais-comoriens attendent de la
Réunion en général, c'est d'être mieux
intégrés, plus acceptés.
Ce que les adultes mahorais-comoriens attendent de la
Réunion, c'est de meilleures conditions de vie pour eux et de meilleures
chances d'études pour leurs enfants. A Mayotte, il y a moins de
possibilités.
Ses ami(e)s sont plutôt des Mahorais, mais aussi des
Créoles, ainsi que des Malgaches
217
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Les langues de communication avec ses amis sont le mahorais,
le créole, ainsi que le français, en fonction de l'origine de
chacun
Activités partagées avec ses ami(e)s :
activités associatives (UEEMR, Union des étudiants et
élèves mahorais de la Réunion) organisation de
soirées et de la semaine culturelle mahoraise, pratique de danses
traditionnelles et soirées type discothèque.
Les activités des associations permettent de mieux se
retrouver entre jeunes mahorais, maintenir la culture et les traditions
d'origine, et dans une moindre mesure de mieux s'intégrer à la
Réunion
Les choix vestimentaires sont un peu influencés par la
culture d'origine : foulard traditionnel sur une tenue plus « jeune
créole » (chemisier col ouvert)
Les autres éléments qui lui permettent de garder
sa culture d'origine sont la musique et les danses traditionnelles
mahoraises.
Suivre la culture d'origine est un choix personnel
Son choix est de s'intégrer à la Réunion
tout en gardant son identité d'origine
Projets d'études, et projets professionnels : licence
de droit puis une carrière de juriste d'entreprise à Mayotte.
Ce choix géographique constitue un retour aux sources.
Sa famille en métropole aussi rêve d'un retour à Mayotte
« Ce sera très enrichissant pour nous et nous avons tant de
choses à construire à Mayotte »
Sa mère a influencé son projet en lui
conseillant le droit plutôt que l'architecture qui l'attirait dans un
premier temps.
La communication entre jeunes :
Les moyens utilisés : contact direct, appel
téléphonique, sms-mms, messagerie Internet Réseaux sociaux
(facebook).
L'accès à Internet se fait par son ordinateur
portable personnel, le téléphone portable, les postes de
l'Université. Il y a un PC fixe à la maison, mais elle ne
l'utilise pas, résidant en cité universitaire la semaine.
218
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
L'utilisation d'Internet : Messagerie, réseaux sociaux
(facebook), travail universitaire, recherches « fun ». Abonnement
à un e-journal mahorais « Zaleo ». Pas de fréquentation
de sites diasporiques « on s'entend bien avec tous les mahorais,
quelle que soit leur origine familiale ou géographique » ; «
pas nécessaire de communiquer avec des mahorais ailleurs dans le monde
»
Les réseaux sociaux (facebook) sont plutôt un moyen
de communiquer entre jeunes mahorais
Téléphone portable personnel de type «
smartphone » (écran tactile) : appel téléphonique,
sms-mms, téléchargements Internet (jeux)
Le téléphone portable ne lui permet pas de mieux
s'intégrer à la Réunion, mais plutôt de garder ses
racines et sa culture d'origine en gardant le contact.
Les moyens de communication avec la famille et les amis
restés à Mayotte : Téléphone portable
fréquemment en appels sortants et entrants, envoi de colis par voie
affinitaire. Pas de courrier ou colis postaux, ni d'enregistrements. Pas de
contacts via Internet ou skype.
Médias :
Elle ne regarde pas la
télévision, non disponible à la cité-U ;
parfois le JT réunionnais à la maison. Ne participe pas aux
émissions locales.
Elle écoute la radio en cas
d'évènements, particulièrement s'ils concernent Mayotte
(mouvements contre la vie chère). Dans ce cas, elle écoute les
informations sur Freedom. La radio est pour elle un moyen d'information
uniquement, ce qu'elle perçoit comme un moyen de partager des choses
avec les autres jeunes mahorais.
Ne lit pas les journaux, ni les magazines, ni locaux, ni
mahorais
Ce qu'il conviendrait d'améliorer : plus d'ouverture de
la part des mahorais, que les créoles acceptent les mahorais comme ils
sont.
Endogamie : sa famille en métropole a fait sa vie avec
des gens de métropole. Sa mère préfèrerait qu'elle
soit avec un mahorais « on aura plus de choses à partager
». A commencer par la religion, importante, mais plus pour les
parents que pour les jeunes. Eux sont plus partagés : certains pensent
que « faire sa vie avec un créole, pourquoi pas, mais il devra
faire la démarche de s'intégrer avec les mahorais » (se
convertir). Finalement « les créoles et les mahorais ne sont
pas si différents ».
219
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Notes d'entretien n°4 - Ali, étudiant
comorien (Grande Comore) le 10/03/2012
Abordé à la sortie de la bibliothèque
universitaire, Ali a aimablement accepté de participer à la
recherche et de répondre aux questions.
Ali est hors population étudiée, cet entretien
permet de préciser certains points de dissemblance
mahorais-comoriens.
Etudiant en Master de géographie, venu pour la
durée de ses études
Entretien réalisé dans les locaux de la
bibliothèque universitaire, sans recours à l'enregistrement
(tombé en panne)
Notes :
La différence entre Mahorais et Comoriens n'est
pas très importante, les cultures et notamment les langues sont
différentes.
La pratique religieuse est plus forte chez les comoriens que
chez les mahorais qui ne la respectent pas toujours « certains
mahorais mangent du jambon »
De la part de la population réunionnaise, il ressent un
racisme global envers mahorais et comoriens « ils ne font pas la
différence » ; « ils nous identifient par notre apparence
physique et se comportent de manière raciste et discriminatoire
»
Beaucoup de comoriens viennent à la Réunion pour
leurs études. Aux Comores le choix est moindre et il est avantageux
d'avoir un diplôme français, c'est valorisé.
Pour les comoriens les équivalences de diplôme ne
sont pas automatiques ni totales, il faut souvent repasser des matières
pour intégrer le cursus. Les étudiants comoriens se retrouvent
souvent en difficulté scolaire.
Leur objectif est d'éviter l'échec ; s'ils n'y
arrivent pas à la Réunion, ils vont tenter de réussir en
métropole. « Ils ne peuvent pas revenir en situation
d'échec, le retour doit se faire avec des éléments de
réussite ».
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Notes d'entretien n°5 - Samia (questionnaire
n°14) et Mariama (questionnaire 15) le 29/03/2012
Situation : Samia est une ancienne élève,
actuellement en classe de BTS au lycée de Bellepierre, Mariama est
élève en classe de terminale STG gestion, sans contact
préalable avec le rédacteur de la recherche, s'est jointe
à l'entretien pour accompagner son amie (situation plus rassurante et
« politiquement correcte » que de la laisser seule avec
l'enquêteur). Après 40 minutes d'entretien, les deux filles
(Comoriennes) ont été rejointes par une troisième
camarade (Mahoraise) partie au don du sang (le CTS était
présent au lycée ce jour).
Conditions de recueil des informations écrites :
questionnaires remplis par l'enquêteur, précisions et commentaires
au fil du questionnaire.
Entretien réalisé sur rendez-vous, dans une
salle réservée, lors de la pause méridienne, sans
enregistrement vocal.
Notes :
Les relations avec la famille restée au pays :
Samia : « Je suis partie aux Comores trois fois en 18
ans »
Mariama : « Moi deux fois aux Comores et trois à
Mada (dans la famille) »
S : « Les parents appellent souvent, tous les jours
ou presque. Ils sont toujours en contact, s'il se passe quelque chose »
« on appelle avec le fixe, le plus souvent, avec une carte »
»sinon avec le gsm Only » « ma mère appelle sa famille,
mon père appelle sa famille » « les cousins se
déplacent sur la maison de famille »
M : « Une fois on a envoyé des cartes postales
», « ma mère ne s'entend pas trop avec ses soeurs »,
« on appelle Mada de temps en temps, avec le gsm pas avec le fixe
»
Les appels sont généralement sortants, rarement
entrants « ils nous bippent pour qu'on les rappelle »
« On envoie des colis par les amis ou la famille, par la
poste non »
220
Différence entre Comoriens et Mahorais
221
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
M : « Il y a Mahorais et "Mahorais" » (fait les
guillements avec ses doigts aux côtés de sa tête) « on
ne s'entend pas trop à part deux, trois » « ils ne respectent
pas trop la religion »
S : « Depuis petite dans mon éducation, on me
dit que les Mahorais ne sont pas bien, heureusement que je ne suis pas
Mahoraise » »personne ne le dit mais on ne s'entend pas depuis
longtemps » « ils se la pètent depuis qu'ils sont
français »
M : « Ils sont vantards, ils se moquent » «
tout le monde n'est pas pareil, c'est la plupart » « tout le monde
dit que tout va bien » « c'est leur attitude » (accord
marqué par S) « c'est la même langue à peu
près, le mode de vie aussi »
Relations avec les Créoles
S : « En général, ça va, c'est
normal, parfois ils (les Créoles) sont racistes », « ça
dépend du quartier, il y a beaucoup de Mahorais dans le bas de la ville
(où elle habite), alors ça va »
M : « Moi je suis dans un quartier créole
(Moufia), c'est moins sympa, on a des réflexions "retourne ton pays"
» « pour les racistes, pas de noirs dans leur "nation", sur leur
territoire »
Ces derniers commentaires indiquent qu'au delà des
préjugés sur les Comoriens (et vice-versa), ils trouvent
préférable de faire partie du même quartier plutôt
que d'être « isolés » dans un quartier presque
exclusivement Créole.
Laymia (Mahoraise) qui vient juste d'arriver (et n'a pas
entendu les commentaires sur les Mahorais), a proposé de participer
également et complète son questionnaire. Elle intervient alors :
« parce que eux (les Créoles), ils ne sont pas noirs ; ils sont
cafres, mais pas noirs, je me marre, c'est n'importe quoi ! »
Attentes par rapport à la Réunion
S : « Attentes ? je suis née là !
»
M : « Qu'ils soient plus sympas, plus accueillants
»
S : La Réunion « c'est le rêve
américain, quitter la misère. Ceux qui viennent doivent aider la
famille restée là-bas » « l'attente pour les jeunes
c'est que l'école est une chance (de réussite) pour les
aider ensuite là-bas »
222
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
M : « Ils veulent qu'on réussisse parce qu'eux
n'ont pas pu » « eux ont du arrêter l'école tôt
pour aider la famille » « pour éviter aux filles de devoir se
marier par intérêt, ça arrive encore, même ici »
« nous on n'a pas de "fréquentations" : (on est) trop jeunes
»
TIC et pratiques médiatiques
Il n'y a pas de sites diasporiques à leur connaissance,
mais il y a une page Facebook de la Grande Comore : « seléani
».
S : « La
télé, beaucoup, une télé est
allumée en permanence » « on regarde des dessins
animés, et le JT national » « ni le JT réunionnais, ni
le comorien ; les parents oui » « on ne participe pas aux
émissions »
M : « Des séries, pas le JT, le week-end c'est
plutôt l'ordi, les réseaux sociaux » « une fois, j'ai
été interviewée par TV Comores avec mon association
»
La radio « parfois, si on n'a rien à
faire, mais c'est rare », « pour se distraire, pas pour participer
», pas de PQR réunionnaise, ni comorienne « y'en a ?
», pas non plus de magazines.
Leurs conclusions :
Laymia : « On ne calcule plus leurs critiques, peu
importe. Les Créoles sont comme ça, ils ont des arrières
pensées »
S: « En gros ça va, mais ils ont des jugements
trop rapides, pour eux on sera toujours des Comores ou des Mahorais, pas des
créoles », M : « et nos enfant le seront aussi.»
Et en cas de mariage avec un créole ? S : «
Mes parents trouvent que je suis trop jeune pour avoir un mec »,
et « quand ce sera le moment (ouuh, dans longtemps...) ils
n'imagineraient pas autre chose qu'un Comorien !»
M : « Mais entre Comoriens et Mahorais, la
différente est plus forte chez les anciens, beaucoup moins chez les
jeunes »
On a pu noter que dans de nombreuses familles, les origines
étaient mêlées, mais que le choix identitaire était
unique. Effet de la créolisation où chacun doit s'accommoder des
différences des autres dans un « vivre ensemble », ou
fréquentation (scolaire notamment) de l'autre groupe qu'on apprend
à connaître et démystifier, les divergences semblent moins
graves à la jeune génération migrante.
223
Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
Notes d'entretien n°6 : Ibrahim (questionnaire
n°10, complété auparavant), le 05/04/2012
Situation : ancien élève, Mahorais, actuellement en
classe de BTS. Le questionnaire lui avait été remis directement
en février, auto-administration à domicile. Il l'avait
retourné complété, rendu en main propre quelques jours
après.
Conditions de recueil des informations écrites : contact
direct au lycée, entretien complémentaire au questionnaire.
Entretien réalisé sur rendez-vous, dans une salle
réservée, lors de la pause méridienne, sans enregistrement
vocal.
Notes d'entretien :
Pratique des langues :
Ses ami(e)s sont mahorais et créoles, à
égalité. Les langues de communication avec ses amis « la
langue qu'ils parlent », « créole, avec mes amis
réunionnais, mahorais avec mes parents » (français non
mentionné) « Dans ma classe (de BTS) il n'y a que des
créoles, je parle donc créole, dans la cour je retrouve parfois
des amis avec qui je parle mahorais » « le créole est de plus
en plus présent, on le parle à la maison entre frères
» « les parents aiment bien qu'on parle français, cela leur
permet de pratiquer (eux parlent plutôt le mahorais) » « quand
on regarde les feuilletons avec ma mère, si elle ne comprend pas quelque
chose, on traduit » il pratique aussi « l'arabe pour la
religion »
Les relations avec Mayotte :
« Ma mère appelle souvent, tous les deux,
trois jours, sur le fixe comme sur le portable (elle a un abonnement pour
chacun) » « en général c'est nous qui appelons,
quelques fois c'est eux, surtout s'ils ont un problème : santé de
la grand-mère, ou besoin d'envoyer de l'argent »
« Les jeunes ont aussi un portable (commun) pour
appeler Mayotte, celui qui en a besoin le prend », « avec Internet,
c'est difficile pour Mayotte, avec Skype on appelle plutôt la famille en
France » « Skype ou Facebook, c'est plutôt les jeunes
»
« Avec la génération des parents, c'est
plus difficile, ils nous font la morale, ils nous disent de travailler à
l'école pour l'avenir » « entre jeunes on communique
plutôt par blagues »
« Un cousin (de Mayotte) fait ses études à
la fac, il habite chez nous »
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Les jeunes mahorais et comoriens à la Réunion :
Stratégies d'adaptation et moyens de communication
« Quelques fois, on envoie des petits colis, comme du
linge pour les petits, par la famille ou les amis, pas par la poste
»
Différence perçue entre Mahorais et Comoriens
à la Réunion : non, pas vraiment, à part la langue.
« Depuis petit, j'ai des copains Comoriens, je vais chez eux, ils
viennent à la maison, pour nous ça ne fait pas de
différence »
Activités pratiquées avec les amis :
football, ciné, jeux vidéo. Il fait partie d'une association
sportive de son quartier (Bas de la Rivière). Quand il a fallu recruter
des coureurs pour les relais de Saint Denis, « j'ai demandé
à mes amis, de n'importe quelle origine » leur équipe,
mixte, motivée a remporté une coupe.
Pratiques médiatiques
«La télé n'est pas allumée en
permanence, on l'allume quand on veut voir quelque chose » (en plus
des JT regardés en famille) « ma mère c'est plutôt
les feuilletons, les telenovelas. Elle regarde aussi Bollywood : elle aime bien
le comportement des jeunes, toujours corrects, le respect des anciens, elle
retrouve certaines références musulmanes »
« Mon père regarde le foot, ou des films
»
Ce qu'il faudrait améliorer : « Quand il faut
demander des papiers, par exemple un extrait de naissance, c'est long et
compliqué, j'espère que ça va s'améliorer (avec la
départementalisation) » une autre dimension des relations
Réunion-Mayotte. Cela semble indiquer en tout cas qu'il trouve sa vie
à la Réunion tout à fait satisfaisante.
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