Les rites d'investiture d'un chef coutumier comme espace communicationnel chez les Lega du territoire de Shabunda en RDC( Télécharger le fichier original )par Junior KYANGALUKA LUMPEMPE Université pédagogique nationale de Kinshasa RDC - Graduat 2012 |
TROISIEME CHAPITRE : L'INVESTITURE DU CHEF COUTUMIER COMME ESPACE COMMUNICATIONNEL CHEZ LES LEGA DU TERRITOIRE DE SHABUNDASection 1 : Avant l'investiture1.1. DésignationPour accéder au pouvoir dans la société Lega traditionnelle, il n'y avait ni élection, ni désignation ou nomination. La communauté elle-même se soumettait progressivement à un individu au regard de ses qualités telles qu'observées dans sa vie quotidienne. Il s'agit des qualités ci-après : - La capacité de bien accueillir et de nourrir les membres de la famille ; - Un sens de partage éprouvé ; - Un esprit d'équité et un sens social bien développé ; - Le respect de la personne humaine, de tous les membres de la famille sans exception et l'obéissance aux personnes âgées et la classe dirigeante ; - La connaissance de la tradition et le respect des règles de la coutume dans son ensemble, - Les qualités morales, parfois physiques, - L'initiation au « Bwali », (= Circoncision) au « Mpunzu » (épreuves de souffrances multiples qu'on peut rencontrer dans la vie) et parfois au Bwami. L'initiation au Bwali amène à quitter le monde des non initiés appelés « basuli » jouissant de peu de considération en société et contient des enseignements primaires indispensables à l'accession au bwami qui est l'école de la sagesse lega. Toutes ces qualités traduisent le sens de responsabilité et ses exigences dont le chef doit avoir conscience dans l'exercice de ses fonctions((*)40). 1.2. Rythme de sa vie vis-à-vis des autres membres de la tribu. Les Lega considèrent un Mwami comme un homme parfait de par son comportement exemplaire et son respect strict des règles sociales. C`est ainsi qu'un homme qui s'illustre par des actes indécents, sera obligé à devenir Mwami afin de subir une transformation l'amenant ainsi à devenir un modèle dans la société. « Les Lega peuvent contraindre (kwa magala=par force) certains hommes, coupables de transgressions à se faire initier pour les transformer en personnes nobles et bonnes »((*)41). On distingue deux types de transgressions :
- L'adultère avec la femme d'un kindi ; - Le meurtre, accidentel ou non, d'un mwami, - Le vol ou destruction d'objets du bwami. b) actes immoraux considérés comme péché mortel « Katubu » parmi lesquels nous citons : - Parler des interdits; - Les injures ; - Le fait se soulager en public ; - se déshabiller et exhiber sa nudité en public ; - Porter atteinte à l'intégrité physique des parents; - L'inceste. L'accession au pouvoir au sein de la communauté lega dépendait des mérites personnels d'un chacun et seule, la personne qui se distinguait quelle que soit son origine clanique pouvait accéder au pouvoir politique ou succéder au Chef décédé. Le successeur du chef décédé devrait être un rassembleur, condamné à ne faire que du bien. Telle est la tradition, la coutume lega en matière de la gestion du pouvoir politique. Il n'avait pas ni droits ni avantages particuliers sous forme de tribut. Bref, sa vie doit être au service de la communauté, et non l'inverse. Il importe à ce niveau de souligner que le mode d'accession au pouvoir et celui de succession ont subi une profonde modification à la suite de l'occupation arabe et européenne des territoires lega comme résumé ci-dessous : Pour l'occupation arabe, la pénétration des Arabes dans la région des « Balega » a été marquée par une cruauté sans pareille accompagnée de pillages de richesses et causant des pertes en vies humaines. A ce sujet, Willame écrit : « La conquête arabe ravagea l'Urega qui versa un tribut particulièrement lourd aux trafiquants »((*)42). Cet événement amena les chefs traditionnels et coutumiers protecteurs de leurs clans respectifs de s'abstenir de collaborer avec les conquérants, non seulement par crainte de perdre leur vie, mais aussi parce que le comportement de ces derniers venait perturber la culture de paix prônée et pratiquée par le peuple lega. Profitant de cette abstinence des chefs traditionnels, des personnes sans scrupule, mandatées ou pas par leurs clans respectifs, décidèrent à leur risque et péril de rencontrer les Arabisés et de collaborer avec eux dans leur sale besogne. Fort malheureusement, c'est parmi cette catégorie des personnes que l'autorité arabe désignait et investissait les chefs des clans appelés « Banyampara » ou islamisés pour diriger leurs clans respectifs. On assiste alors à un véritable inversement du rôle du chef envers sa communauté. Le titre de « Sultani » dérivé du mot arabe « sultan » (= pouvoir), porté par l'Empereur turc et certains princes musulmans est conféré au chef du village. Dès lors, on lui doit des cadeaux sous forme de tributs. Désormais, le chef n'est plus un homme au service de la communauté, mais c'est l'inverse qui se produit. Concernant l'occupation européenne, après avoir chassé les Arabes, les autorités de l'Etat Indépendant du Congo, se sont référées à cette catégorie des chefs dits coutumiers pour organiser les toutes premières chefferies et désigner les chefs à la tête de celles-ci. Toutefois, c'est pendant l'époque coloniale que toutes les structures ancestrales seront détruites suite à la répartition et au regroupement des populations en chefferies et ce, de façon arbitraire et de manière superficielle. A ce sujet, Benoit Verhaegen écrit : « C'est surtout à partir des années 1930 que l'administration coloniale procédera en Urega au regroupement des villages et des clans et à des nouvelles répartitions territoriales en vue de former des unités politico-administratives plus grandes et facilement contrôlables. Il en résulte un profond bouleversement des structures et des relations claniques et familiales »((*)43). * (40) B. KAFUMBA, Op.cit, P.88 * (41) Idem. * (42) WILLAME J.C., les provinces du Congo, structure et fonctionnement : Kivu Central et Lomami, dans les cahiers Economiques et sociaux. * (43) Verhaegen B, Op.cit. |
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