I.3.
Conclusion
Notre premier chapitre a eu le mérite de faire un
parcours succinct des conceptions de la théorie physique, pour nous
faire clairement l'idée de ce qu'est réellement une
théorie physique. D'une part, nous avons montré que selon la
conception métaphysique, la théorie est comprise comme une
explication réaliste et hypothétique du réel, partant du
fait qu'une théorie nous révèle la réalité
telle qu'elle est dans sa perméabilité. Cette théorie
saisit la nature de ce qui est caché derrière les apparences. Et
puisque la théorie dépend, en fait, du système
métaphysique qui la construit, la physique théorique reste
subordonnée à la métaphysique. D'autre part,
réfutant l'opinion précédente - la conception
métaphysique -, parce que la théorie ne devine pas ce qui se
cache sous les données sensibles, nous avons démontré avec
P. Duhem que la théorie est une représentation des lois
expérimentales et une classification naturelle.
Une théorie physique se présente donc sous
la forme d'un énoncé universel portant sur la totalité des
événements d'un type particulier. Elle représente le
réel et prédit ce qui va arriver grâce à
la classification naturelle, puisqu'on ne connaît pas seulement pour
connaître mais aussi pour agir. La théorie scientifique n'est donc
pas une connaissance désintéressée contrairement à
la philosophie et au sens le plus ancien de théorie ; car,
l'interprétation théorique dans le processus expérimental
dépend de la théorie admise par le physicien.
Certes, P. Duhem ne nie pas que la théorie entretienne
un certain rapport avec le réel ; il soutient seulement que cela ne
se fait pas en cherchant à découvrir la réalité qui
se cache derrière les apparences sensibles, mais plutôt en
montrant un reflet de l'ordre réel par le biais de l'ordre logique que
la théorie insère entre les lois expérimentales. Pour lui,
chaque théorie scientifique est essentiellement
hypothético-déductive. La théorie ainsi conçue est
donc d'une empiricité secondaire. Ce qui compte est d'abord le
côté théorique et symbolique. C'est pourquoi, rejetant
l'idée empiriste selon laquelle les notions au moyen desquelles se
construisent les théories sont très directement fournies par
l'expérience, il est possible de dire que la théorie
s'établit d'une manière autonome dans une sphère toute
formelle et mathématique, absolument indépendante de toute
opinion métaphysique et de toute expérience. Ce n'est
qu'après son achèvement qu'interviendra la confrontation avec
l'expérience, de sorte que la réalité semble se
déduire des formules de la théorie et non l'inverse.
Ainsi, nous pensons que la théorie devance
l'expérience, afin qu'elle serve de guide à l'expérience
dans son interprétation théorique des phénomènes
observés minutieusement au laboratoire. Cette conception de
l'expérience comme construction théorique sera
développée amplement dans le chapitre qui suit.
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