CHAPITRE VI
CADRE EMPIRIQUE
C'est le dernier chapitre du travail. Nous ferons, dans les
lignes qui suivent, la présentation de quelques données
recueillies sur le terrain. Puis, nous procéderons à des
analyses.
1- RECHERCHE DE TERRAIN
ETUDE DE CAS
L'individu est un être pluridimensionnel. Il faut le
comprendre comme une réalité vivante. L'enfant en service comme
tout individu ne doit pas être séparé de son histoire, de
la situation de sa communauté ou de sa famille, de ses
représentations du monde social qui l'entoure... Nous allons, à
partir d'étude de cas, laisser l'enfant en domesticité parler de
son histoire et, du même coup, tenter de comprendre en quoi la formation
de sa perception de la maison de placement est liée à ses
conditions concrètes d'existence.
Nous présenterons ici l'histoire de quatre enfants
domestiques (2 filles au bas de Turgeau et 2 garçons à Martissant
23). Cela suffit à faire ressortir une compréhension globale de
notre objet d'étude, car la réalité des autres cas
rencontrés n'est pas trop différente de celle des autres que nous
choisissons de faire connaitre. À noter que, par souci d'anonymat, les
prénoms des sujets ont été modifiés.
a) - Cas # 1
Je suis Natacha, née à Jérémie en
2001 dans une famille paysanne de sept enfants : trois (3) garçons
et quatre (4) filles. Je suis la troisième de la famille. Ma
mère, en proie à des difficultés économiques, a
décidé de m'envoyer en 2009 à P-au-P en compagnie d'une
amie de sa voisine. Je vis dans cette maison à Turgeau depuis. C'est moi
qui prends en charge tous les travaux domestiques, fais le marché,
prépare la nourriture, cherche de l'eau, lave les vêtements,
baigne les autres enfants de la maison, les emmène à
l'école... Moi, je ne suis plus à l'école et
j'étais arrivée à la deuxième année
fondamentale.
À la maison, je n'ai pas le droit de m'impliquer dans
les conversations des autres. Quand les autres enfants regardent la
télévision, j'ai toujours des travaux à faire. Souvent,
les gens m'offensent gravement et ils ne me donnent jamais raison. Cela me fait
honte lorsque même les autres enfants de la maison me traitent de
``restavèk'' et se moquent de mes vêtements troués.
La tristesse, les pleurs et les souffrances m'accompagnent
presque chaque jour à cette maison de placement, mais il y a, dans peu
de cas, des moments de réjouissance. C'est ainsi la vie !
Je n'aime pas les conditions dans lesquelles je vis (cette
maison de placement est comme un enfer pour moi), mais je suis obligée,
car mes parents n'ont pas les moyens pour prendre soin de moi et des autres
enfants. Nous sommes trois dans la famille placés en domesticité
à P-au-P. Mon rêve, c'est d'arriver à aider ma famille,
à exercer une profession. Jamais je ne souhaiterai que mes enfants, si
j'en aurai, mènent une vie pareille.
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