La formation de la perception de la maison de placement chez les enfants en domesticité entre 9 et 15 ans dans les communautés de Turgeau et de Martissant à Port-au-Prince : approche matérialiste dialectique.( Télécharger le fichier original )par Ricarson DORCE Université d'état d'Haiti - Licence 2012 |
8- NOTRE CHOIX THEORIQUE : MATERIALISME HISTORIQUESelon le Matérialisme historique, les conditions sociales - et fondamentalement la manière dont les gens maintiennent et renouvellent leur existence, dont ils établissent entre eux un certain type de relations, parmi lesquelles les rapports de classe sont les plus importants - déterminent leur conduite sociale et historique40(*). Suivant ce paradigme, le psychisme est certes le produit de l'activité du cerveau, mais il est déterminé par les conditions extérieures, c'est-à-dire par le monde réel et par la façon dont l'individu entre en rapport avec lui. Le Matérialisme historique est littéralement une conception matérialiste de l' histoire, inspirée des écrits du philosophe Karl Marx. Contrairement au philosophe Hégel, les marxistes considèrent le mouvement de la pensée ou de la conscience comme un produit du cerveau humain et la personne humaine comme un produit de la nature, développée dans et avec son milieu. Les conditions concrètes de vie de l'individu façonnent son être biologique, politique, social, psychosocial... Elles commandent toutes ses stratégies de survie et définissent ou reproduisent les mêmes modes de vie. Le Matérialisme se propose de saisir l'homme concret comme produit de son activité, déterminée par les conditions économiques : Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie sociale, politique, psychologique, intellectuelle... La mise en place de nouveaux modes de production est l'un des principaux enjeux de la lutte des classes que Marx identifie à l'histoire de l'humanité. Le Matérialisme ainsi défini est ce qu'il appelle le Matérialisme historique. L'action consciente de la classe favorable à un nouveau rapport de production détermine le changement social en tant que phénomène durable. Les classes résultent d'un mécanisme très général de division du travail, qui s'est développé en même temps que l'appropriation privée des moyens de production. Le Marxisme, selon Lénine, né de trois sources qui sont la philosophie classique allemande, l'économie politique anglaise et le socialisme français, n'est réductible à aucune discipline universitaire existante41(*). [[]Il repose sur le principe que, dans la production sociale de leur existence, les gens entrent en des rapports déterminés qui correspondent à un degré de développement de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production, répétons-le, constitue la base concrète sur quoi s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. C'est l'être social qui détermine la conscience. À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants. Alors, s'ouvre une époque de révolution sociale. Etant donné que notre rapport de recherche concerne les enfants en service, c'est-à-dire ceux ou celles qui sont placés à la maison pour ``travailler'' ( sans rémunération ) et pour être exploités, il serait intéressant de faire le point sur la théorie marxiste du travail. Ceci nous permet d'explorer le mode de traitement auquel fait face l'enfant en domesticité dans la maison de placement. Selon Marx, le travail est, de prime abord, un acte qui se passe entre l'homme et la nature.42(*)L'être humain se réalise grâce à son travail. Ce dernier constitue l'élément essentiel de la lutte pour la survie dans la nature. Dans certaines circonstances, l'individu peut être aliéné tout aussi bien du produit de son travail que de son travail lui-même. Dans les produits du travail, l'individu devrait trouver une part de son identité, car le travail serait non seulement de l'avoir, mais également de l'être. Marx accuse le mode de production capitaliste d'aliéner les travailleurs. Dans son travail, l'ouvrier ne s'affirme pas, mais se nie. Plus l'ouvrier produit d'objets, moins il possède et plus il tombe sous la domination de son produit. L'organisation sociale du travail comprend deux aspects : les forces productives et les rapports sociaux de production. Les forces productives sont constituées de l'ensemble des moyens de production. Le développement des forces productives est indissociable de l'évolution de la division du travail et de la forme de la propriété. Les rapports sociaux sont à la base des grandes classes sociales qui forment les sociétés humaines. Ce sont des rapports établis dans le travail entre des individus ayant des intérêts objectivement contradictoires. Ces rapports débouchent sur la lutte des classes. Cette dernière est l'affrontement qui se produit entre deux classes antagoniques lorsque celles-ci luttent pour leurs intérêts de classe.43(*) Selon l'analyse marxiste, la classe dominante organise la société en protégeant du mieux possible ses privilèges. Pour cela, elle instaure l'instrument politique de sa domination. Elle est porteuse de l'idéologie dominante. Ces idées dominantes imprègnent les esprits, et ainsi les exploités ont souvent une vision du monde allant contre leurs intérêts réels. « Ce fut Karl Marx qui découvrit le premier la loi d'après laquelle toutes les luttes historiques, qu'elles soient menées sur le terrain politique, religieux, philosophique ou dans tout autre domaine idéologique, ne sont en fait que l'expression plus ou moins nette des luttes des classes sociales ».44(*) La position de l'individu dans les rapports de production (travailleur ou exploiteur) est, selon lui, le principal élément qui permet la définition de la classe sociale. En même temps, Marx considère que, pour qu'il y ait véritablement une classe, il doit y avoir une conscience de classe : la conscience d'avoir en commun une place dans la société. La lutte de classe est fusionnée en des luttes économique, idéologique et politique... Ces luttes peuvent être légales ou illégales, pacifiques ou violentes. Il faut que le terrain soit stratégiquement préparé pour réaliser les intérêts de classe et que les masses soient mobilisées. Toute révolution sociale résulte d'un ensemble de facteurs objectifs et subjectifs. Ceci dit, à la situation révolutionnaire, admet-on, doit s'ajouter un changement qualitatif. Revenons à Lénine qui a fait un travail intéressant sur le capitalisme moderne. Selon lui, ce dernier établit entre les groupements capitalistes certains rapports basés sur le partage économique du monde et, parallèlement et conséquemment, il s'établit entre les groupements politiques, entre les Etats, des rapports basés sur le partage territorial du monde, sur la lutte pour les colonies, la « lutte pour les territoires économiques »45(*). Les impérialistes, pour solutionner les problèmes de leurs sociétés, conquièrent des terres nouvelles afin de trouver de nouveaux débouchés. Maintenant, comment parvenir à une société libre et égalitaire, débarrassée des rapports de hiérarchie, des États, des frontières et de toute forme d'aliénation ? Dans le manifeste du parti communiste, Marx prévoit deux grandes étapes : le socialisme naîtra du renversement révolutionnaire de la bourgeoisie par le prolétariat ; le communisme consacrera la fin des sociétés divisées en classes en créant une Société sans Etat qui comblera les besoins de tous les individus.46(*) Donc, le Matérialisme historique est un instrument d'analyse de la société ou des rapports humains... Ces derniers sont des rapports déterminés, nécessaires, définis en dehors des individus et de leur conscience... Ce déterminisme des rapports humains prend racine dans « les conditions matérielles de la vie ». Le déterminisme social est donc à base matérielle, à base économique.47(*) Ce paradigme nous est très utile dans le cadre de ce travail de recherche. Il nous permet de cerner le psychisme en rapport avec les conditions concrètes d'existence. Ceci dit, le Matérialisme historique exige qu'on prenne en considération la manière dont les conditions économiques, politiques, psychosociales, culturelles, idéologiques ... interviennent pour amener un individu ou un groupe à agir, à penser ou à percevoir de telle ou telle manière. * 40 Cf. Jean-François LE NY, Matérialisme dialectique et Psychologie scientifique, Ed. le pavillon-Roger Maria, Paris, 1970, p.23 * 41 Cf. Pierre Fougeyrollas, Sciences sociales et Marxisme, Editions l'harmattan, 1990, paris, p.175 * 42 Cf. Karl Marx, Economie et Philosophie, Tome II, Gallimard, Paris, 1972, p.727 * 43 Cf. Marta Harnecker, Les concepts élémentaires du matérialisme historique, Contradictions Bruxelles ,1974, p184 * 44 Cf. Engels, Préface au 18 brumaire de Louis Bonaparte, in Marx-Engels, OEuvres choisies, tome 1, p.413 * 45 Cf. Lénine, l'impérialisme, Stade suprême du capitalisme, Editions du progrès, Moscou, 1979, p.123 * 46 Cf. Pierre Després & Jean-Luc Guilbert, L'être humain, conceptions et débats, Ed. CEC Inc., Québec, 1997, p.46 * 47 Cf. Pierre Bréchon, les grands courants de la sociologie, presses universitaires de Grenoble,2000, p.27 |
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