Elle désigne la politique de multiplication des points
d'eau et de modernisation de l'abreuvage qui fut mise en oeuvre au Sahel
à partir des années 195029. Son objectif était
de développer et d'intensifier l'élevage extensif en jouant sur
un facteur essentiel, l'accès à l'eau. Dans le code de l'eau du
Niger, l'hydraulique pastorale est définie comme étant le volet
de l'hydraulique rurale qui concerne les points d'eau réalisés en
zone pastorale ou équipés de superstructures spécifiques
à l'alimentation en eau du cheptel. La consommation en eau par le
cheptel est difficile à évaluer, le besoin en eau varie au cours
de l'année en fonction de la disponibilité fourragère, du
temps de déplacement des troupeaux, globalement en fonction des
conditions environnementales. En milieu sahélien, les normes en
matière d'accès à l'eau du cheptel sont estimées
à 25 litres par jour et par tête de gros bétail
(UBT=Unité Bétail Tropical)30 Mais
généralement, on adopte 40 litres par UBT et par jour comme norme
indicative.31 Au Niger, Le Ministère des Ressources Animales,
fixe cette norme à 30 litres par UBT et par jour.
27 Code de l'eau du Niger, version finale, 2010.
28 Atlas National du Niger, 2002.
29 Catherine Baroin, 2007, ethnologue,
spécialiste de Toubou et chercheuse à CNRS depuis 1997.
30 UBT est une de référence correspond
à un bovin de 250 kg de poids vif.
31 GADELLE François, 1989.
La recherche documentaire nous a permis de savoir
l'intérêt accordé à la question de l'eau par la
communauté internationale et cela malgré l'émergence des
problématiques globales comme le réchauffement climatique ou la
biodiversité. La question de l'eau reste ainsi au centre des politiques
de développement du 21eme siècle. Le thème de
l'accès à l'eau pour tous est donc une problématique
internationale à laquelle participent les institutions
financières internationales, les opérateurs privés
internationaux, les ONG et les pouvoirs publics des Etats, ce qui justifie
certainement les multiples tables rondes, conférences et forums de ces
trente dernières années sur la question de l'eau. Au centre de
ces rencontres étaient toujours les questions liées à sa
mobilisation, sa maîtrise, sa gestion, son accessibilité, etc.
C'est dans ce contexte qu'en 1977, au sommet des Nations Unies tenu à
Mar Del Plata, la décennie (1981-1990), a été
consacrée « décennie internationale de l'eau potable et
l'assainissement ». Le but était de procurer de l'eau potable et un
assainissement convenable pour tous en 1990. Mais à la fin de la
décennie, on a constaté que les objectifs assignés
étaient loin d'être atteints car les problèmes
d'assainissement se sont intensifiés et l'écrasante
majorité de la population africaine n'a pas encore accès à
l'eau potable. Deux ans après la fin de cette décennie, le 22
mars de chaque année est proclamé journée mondiale de
l'eau par la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement lors du sommet de la planète terre tenu à
Rio de Janeiro en 1992. Et 15 ans après la DIEPA, Les Nations unies ont
déclaré encore la période 2005-2015, «
décennie internationale d'action, l'eau source de vie » et se fixe
un programme mondial accordant davantage d'importance aux problèmes
relatifs à l'eau. Cette action est inscrite dans les OMD pour la
réduction de moitié d'ici 2015, du pourcentage de la population
qui n'a pas accès de façon durable à un approvisionnement
en eau. Ainsi pour atteindre ces Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), faudrait-il investir 180 milliards de dollars US
par an au lieu de 80 actuellement.32 Ainsi, vue le rythme actuel des
investissements dans le secteur, l'Afrique subsaharienne n'atteindra pas les
OMD en 201533. Aujourd'hui, la réussite du combat de l'eau
potable et de l'assainissement est une garantie pour réussir un
développement humain durable, c'est certainement pourquoi docteur Lee
Joog34 avait dit que « L'eau et l'assainissement sont
indispensables à la santé publique. Je dis souvent qu'ils en
constituent la base, car lorsqu'on aura garanti à tout un chacun quelle
que soient ses conditions de vie, l'accès à une eau salubre et
à un assainissement correct, la lutte contre un grand nombre de maladies
aura fait un bond énorme » Dans ce même ordre
d'idée, l'ancien secrétaire de l'ONU, Kofi Annan disait : «
nous ne vaincrons ni le sida, ni la
32 AlAIN Mathys est le directeur du programme
« Eau pour Tous » de Suez Environnement depuis 1999.
33www.btcctb.org:
Enjeux et perspectives de la gestion de l'eau potable en milieu rural,
expériences de la coopération belge dans le domaine de
l'hydraulique rurale et périurbaine en Afrique.
34 Dr LEE JOOG-Wook directeur général
de l'organisation mondiale de la santé.
27
tuberculose, ni le paludisme, ni aucune autre maladie
infectieuse qui frappe les pays en développement avant d'avoir
gagné le combat de l'eau potable, de l'assainissement et des soins de
santé de base ». L'accès à l'eau est
considéré comme un droit universel, un droit de
l'homme35. Et « le droit à l'eau consiste en un
approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût
abordable, d'une eau salubre et de qualité acceptable pour des usages
personnels et domestiques »36 « Le droit à l'eau est
indispensable pour mener une vie descente. Il est une condition
préalable à la réalisation des autres droits de l'homme
».37 Certains Etats, comme l' Uruguay, garantissent le
droit à l'accès à une eau salubre en quantité et en
qualité suffisante comme un droit constitutionnel. Au Niger aussi
l'accès à l'eau, et autres services sociaux de base sont des
droits fondamentaux, même si la réalité est toute autre.
C'est certainement pourquoi Ricardo Petrella38 disait que «
24 pays d'Afrique (au sud du Sahara et du Maghreb), sont incapables de
fournir de l'eau potable à l'ensemble de la population. Outre des
questions de volonté politique, se pose par conséquent la
question du financement des infrastructures ».
En dépit, de tous ces engagements de la
communauté internationale, la question de l'accès à l'eau
pour les populations est une préoccupation essentielle pour les
populations surtout des pays pauvres. Face à cette situation, il est
raisonnable de s'interroger sur l'efficacité des politiques
internationales en matière d'accès à l'eau potable.
Du point de vue production scientifique la question de l'eau
est au centre des recherches à travers le monde. Des chercheurs l'ont
abordée dans leurs travaux sous plusieurs angles. En effet, depuis 1985,
MICHEL R. dans une étude sur l'eau, relève que les maladies
hydriques sont responsables dans le monde de la moitié des
décès infantiles. Elles sont aussi responsables de l'occupation
d'un lit d'hôpital sur deux, de l'affaiblissement des personnes pour
travailler. En 1991, GOTTER. A et al, soulignent à travers des
études réalisées au Nicaragua que les enfants qui habitent
dans des maisons où la disponibilité en eau est faible, ont un
taux plus élevé (34%) de diarrhée par rapport à
ceux d'un meilleur approvisionnement.
Au Sahel, les études sur l'eau ne sont pas
récentes. Elles sont d'ailleurs jusqu'à une date récente
orientées vers le monde rural où la situation semblait plus
préoccupante. En se penchant sur la qualité de l'eau en milieu
rural, GUILLEMIN. F en 1984, a montré à travers des analyses sur
218 points d'eau au Burkina Faso que des forages sources d'eau supposées
potables sont bien souvent pollués. Il constate par ailleurs que les
points d`eau traditionnels sont les plus pollués et que cette pollution
est imputable à des facteurs physiques (structure géologique,
topographique), technique
35 Forum sur l'eau, Istanbul, 2009.
36 Observatoire général n°15, 2002
: Le droit à l'eau.
37 FABIEN Dupuis, diplômé de l'IPRIS,
doctorant spécialisé sur la Géographie de l'eau, partie
introductive de l'observation générale, réalisation de
l'Objectif du Millénaire pour le Développement n°7.
38 FABIEN Dupuis, diplômé de l'IPRIS,
doctorant spécialisé sur la Géographie de l'eau.
28
(absence de margelle et parois non aménagés) et
humains (comportement et mentalité). Donc considérés
potable peuvent être pollués. En 1985, DEYEUX, (D), dans son
ouvrage intitulé : l'eau, quels enjeux pour les sociétés
rurales, disait que « la qualité de l'eau de boisson fait davantage
à la santé publique que n'importe quel vaccin ou
médicament. ». Cela veut dire que l'eau de bonne qualité est
une arme redoutable pour combattre beaucoup des maladies. JEAN LUC Richard
quant à lui, en 1990, a abordé l'accès à l'eau dans
le cadre de l'hydraulique villageoise dans le canton de Gabi (Niger). DIOMA K,
en 1990, s'est intéressé à l'analyse des aspects
sanitaires liés à l'approvisionnement en eau en milieu
périurbain Boromo (Burkina Faso). Il relève que la consommation
d'eau issue du réseau de l'Office National de l'eau et de
l'Assainissement (ONEA) est faible et que cette situation est imputable
à des contraintes économiques (coût du service), et au
nombre élevé des puits que les populations
préfèrent utiliser. Or en zone urbaine l'eau des puits
traditionnels est généralement impropre à la consommation.
Cet auteur veut dire que la situation socio-économique des population
joue fortement dans l'accès aux sources d'eau potable. En 1993,
OUEDRAOGO M. qui a travaillé sur le milieu périurbain de
Ouagadougou, a évalué le degré de responsabilité de
l'eau dans l'émergence ou la persistance de certaines maladies. Abordant
essentiellement la question de la qualité de l'eau, il souligne que
seulement 6% des points d'eau échantillonnés peuvent être
considérés comme potable si l'on se réfère aux
normes de l'OMS en matière d'eau de boisson. En 1996, BALMER F. et al
ont posé la nécessité de la bonne gestion de l'eau du
sahel vue les conditions géographiques de la région. Cela est
indispensable quand on sait que le développement socio-économique
des pays sahéliens passent par a maîtrise de l'eau. En 1997,
PHILIPE Gombert a étudié la variabilité spatiale de la
productivité aquifère du socle sahélien en hydraulique
rurale, il relève ainsi que la productivité des forages
d'hydraulique rurale en zone sahélienne est difficilement
prévisible, dans les aquifères discontinus du socle les taux
d'échecs dépassent localement 50%. Ce même constat a
été fait par la direction départementale de l'hydraulique
de Téra et le taux d'échec lors des constructions des points
d'eau modernes peut atteindre 60% en certains endroits. En 2000, OLIVIER DE
SANDAN J-P et ELHADJ DAGOBI se sont intéressés à la
gestion communautaire des points d'eau en hydraulique villageoise en se
demandant à qui ce mode de gestion profite ? Sert-il
l'intérêt public ou bien d'autres opérateurs tels que les
comités villageois? Cette étude met en exergue le doute du
système de gestion des points d'eau ce qui abouti souvent aux
détournements et dysfonctionnement des points d'eau une fois que ceux-ci
tombent en panne. MENARD Claude en 2001, dans son article intitulé
enjeux d'eau : la dimension institutionnelle, a abordé trois aspects du
problème de l'eau ; les caractéristiques très
spécifiques du secteur, l'approche classique et les limites qu'elle
rencontre et enfin la dimension institutionnelle qui apparait incontournable
pour comprendre les très nombreux échecs dans les reformes des
systèmes d'approvisionnement en eau dans les pays en
développement. Pour MENARD donc la réussite des politiques en eau
passe par une bonne approche institutionnelle. En 2004, LISE Breuil dans sa
thèse de doctorat intitulé : renouveler
29
le partenariat public-privé pour le service d'eau dans
les pays en développement, il propose ainsi la conjugaison des dimension
contractuelle, institutionnelle et participative pour une bonne gouvernance de
l'eau. MAHAMAN T-A en 2005, dans son article intitulé : Le partenariat
public-privé dans le secteur de l'eau au Niger, a fait l'autopsie de la
reforme du secteur de l'eau au Niger. LAWALI Dambo, en 2007, dans sa
thèse de doctorat intitulé : usage de l'eau à Gaya (Niger)
: entre fortes potentialités et contraintes majeures, a centré
son étude sur l'estimation et la répartition spatiale des
ressources en eau, le cadre juridique et institutionnel régulant leur
mise en valeur, les différents secteurs d'utilisation de l'eau ainsi que
les contraintes affectant cette utilisation. APPOLINNAIRE K. quant à lui
en 2007, a abordé le problème de l'accès à l'eau
potable et les risques diarrhéiques dans les zones
périphériques de Ouagadougou à travers l'exemple de
Yamtenga. BOUREIMA Ousmane professeur en hydrogéologie mène
depuis quelques années des recherches sur la qualité de l'eau et
la vulnérabilité à la pollution des nappes souterraines
(dites de socle) dans le département de Téra. Ainsi, selon ses
travaux les teneurs des eaux en nitrates, nitrites ou sulfates et/ou en
chlorures dépassent parfois largement les normes fixées par
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les rendant inaptes à
la consommation humaine. Ainsi donc, dans le département de Téra
près de 31% des eaux des points d'eau modernes (forages, puits
cimentés) considérés comme potables sont pollués
alors que les populations sont entrain de consommer ces eaux en s'exposant
à des risques sanitaires.
Au vue de tout ce qui précède, on constate que
la question de l'eau a été abordée sous plusieurs angles
et par divers acteurs, chacun selon la problématique qu'il veut traiter.
On constate aussi que loin d'être épuisé ou
dépassé, les questions liées à l'eau continuent
à nourrir les réflexions scientifiques et les programmes
politiques des Etats (exemple le Niger) où l'eau est l'une des
ressources fondamentales les plus rares et les moins maitrisées. C'est
pourquoi aujourd'hui encore une étude axée sur l'eau, quelque
soit l'angle sous lequel elle est abordée trouvera toute son importance,
surtout quand elle est orientée vers le milieu rural. En effet, comme
nous l'avons signalé un peu plus haut les recherches en matière
de l'eau sont aujourd'hui plus orientées vers les centres urbains et
périurbains que les zones rurales. C'est pourquoi, pour notre part, nous
avons abordé dans ce mémoire l'accès à l'eau en
milieu rural à travers l'exemple de Fonéko en examinant les
difficultés liées à l'accessibilité de l'eau et les
risques sanitaires majeurs auxquels les populations sont exposées en
consommant les eaux insalubres