Première partie : Cadre théorique et la
zone d'étude
![](Analyse-des-indicateurs-de-l-insecurite-alimentaire-et-strategies-paysannes-d-adaptation-dans-la16.png)
14
Chapitre I : Cadre théorique
Ce chapitre retrace la problématique de recherche, les
objectifs, les hypothèses et la revue de la littérature.
1.1 : Problématique
« Depuis la fin des années 1960, le Sahel connait
une crise climatique caractérisée par un déficit
pluviométrique persistant avec quelques années à
pluviométrie normale ou excédentaire » (Ouédrago,
et al. 2010). A l'instar des autres pays du Sahel, le Niger
n'échappe pas malheureusement à cette perturbation du
régime pluviométrique. En effet, la variabilité
spatio-temporelle des précipitations au Niger et leurs caractères
incertains, imprévisibles et irréguliers se sont traduits par de
profondes modifications dans les pratiques paysannes. Ces modifications
combinées à la dégradation des terres, à la
fragilité des systèmes agricoles et à la pauvreté
ont eu des incidences sur les écosystèmes agricoles. Ce qui a
provoqué la chute des rendements moyens et le déficit des
productions agricoles entrainant les populations rurales dans une situation
d'insécurité alimentaire, jadis conjoncturelle devenue
aujourd'hui chronique.
La commune rurale de Dogonkiria, qui se localise dans
l'extrême Nord du département de Dogondoutchi, n'a pas
été épargnée de cette situation. En effet, cette
zone, la plus désertique du département, avec une moyenne
pluviométrique annuelle variant de 250 à 450 mm (DDDA, 2008) est
caractérisée par une faible pluviométrie, la
dégradation et la pauvreté des sols, le manque de dynamisme des
producteurs (qui s'exprime par une faible diversification des espèces
cultivées) et un faible investissement dans les facteurs de production.
A cela s'ajoutent une faible pratique des cultures de rentes, une faible
présence des ONG et Projets opérant dans la zone et la faible
présence des réserves hydriques. Tous ces facteurs concourent
à maintenir la population de cette zone dans ce joug
d'insécurité alimentaire. En effet, depuis la fin des
années 80, la commune rurale de Dogonkiria est confrontée
à une récurrence de l'insécurité alimentaire et qui
s'est accentuée à partir des années 90.
L'insécurité alimentaire étant l'incapacité d'une
personne, d'un ménage ou d'une communauté à se procurer ou
accéder en quantité et/ou en qualité à une
nourriture saine et socialement acceptable pour mener une vie active normale,
peut être due à la pénurie d'aliments, à un pouvoir
d'achat insuffisant, à une répartition ou une utilisation
inadaptée des aliments (RNDH, 2009). Comment les paysans
perçoivent et interprètent cette question
d'insécurité alimentaire?
La vulnérabilité des populations de cette zone
fait qu'au moindre choc, elles sont affectées par une crise alimentaire.
En effet, de 1990 à 2010, elles ont fait face à sept (7) crises
alimentaires en l'espace de 20 ans: 1991, 1994, 1998, 2001, 2005, 2008 et 2010
(DNPGCA, 2007 et INS, SAP, 2008). L'analyse de ces données montre que la
commune est exposée au risque alimentaire fréquentiel tous les
trois (3) ans. Si les causes de l'insécurité alimentaire sont
plus ou moins identiques à l'échelle nationale, leurs
manifestation et sévérité sont au contraire variables en
fonction des capacités financières, techniques et
organisationnelles des groupes considérés. Elles sont donc
variables d'une zone géographique à une autre, d'une commune
à une autre et d'un village à un autre. Dès lors, les
paysans intègrent-ils la problématique de
l'insécurité alimentaire dans leurs activités
quotidiennes?
![](Analyse-des-indicateurs-de-l-insecurite-alimentaire-et-strategies-paysannes-d-adaptation-dans-la17.png)
15
La conjonction des facteurs physiques et
socio-économiques délimitant l'étendue des pratiques
agricoles ont eu des impacts négatifs sur les productions agricoles et
ont entrainé les populations dans une grande précarité. En
effet, le croit net fortement négatif des exploitations observé
depuis quelques temps, qui entraine une forte décapitalisation de
l'exploitation, accentue la fragilité des ménages et
soulève la question de l'adaptation. Quelles sont les stratégies
mises en oeuvre par les paysans face à l'insécurité
alimentaire? Ces stratégies se définissent comme étant
l'ensemble des mécanismes (préventifs et/ou curatifs)
déployés par les paysans pour atténuer les effets de la
crise. En effet, selon les expériences paysannes, les stratégies
les plus courantes sont celles de survie : la consommation de certaines
espèces végétales sauvages (feuilles, fleurs, graines), la
diminution de la nourriture en quantité et en qualité ainsi que
sa non diversification, la vente des biens de production, l'endettement, la
fouille des fourmilières et des aires de battage des
céréales, l'exode inhabituel, etc. Cependant, il est d'une grande
importance d'analyser ces stratégies et leur impact sur les risques
à l'érosion et à l'ébranlement des moyens de
subsistance. En effet, en milieu rural, les populations assurent l'essentiel de
leurs besoins alimentaires à travers les productions agricoles locales.
Or, les récentes crises alimentaires répétitives qui
imposent aux paysans des comportements se traduisant parfois par la vente du
capital productif et au cas extrême à se passer des services
sanitaires, entrainent les populations dans un cercle vicieux du
déséquilibre alimentaire quasi-permanent. Car lorsque, le paysan
ne dispose pas ou perd son potentiel productif, l'insécurité
alimentaire devient pour lui la règle. C'est pourquoi, il est important
d'engager des réflexions sur le suivi des paysans en période de
crise alimentaire. Il ne s'agit nullement pour nous de faire oeuvre originale
(car de nombreux travaux existent) ou d'aborder les multiples aspects d'un
phénomène aussi complexe et multidimensionnel qu'est
l'insécurité alimentaire. Il s'agit de contribuer à mieux
comprendre la question à travers ses principaux indicateurs et les
comportements paysans face à ce phénomène à
l'échelle communale et des ménages.
La problématique de l'insécurité
alimentaire a fait l'objet de plusieurs approches (physique et
socio-économique) au Niger. Les approches physiques (Care International,
FEWS-NET, etc.) mettent l'accent sur la prédominance
d'élément biophysiques notamment les conditions climatiques, les
zones agro-écologiques homogènes et surtout les zones
géographiques vulnérables. Les approches socio-économiques
(SICIAV, VAM, etc.) privilégient le contexte politique et
socio-économique, le degré de fonctionnalité de
l'économie alimentaire, les pratiques de soins, la santé et
l'hygiène. L'insécurité alimentaire étant
définie comme la non satisfaction des besoins alimentaires de base ne se
résume pas donc à une seule variable, mais représente
plutôt un ensemble multidimensionnel de comportements et de perceptions.
Les conséquences potentielles de l'insécurité alimentaire
sont également multiples et multidimensionnelles (Tarasuk, 2001). La
perception donc de l'insécurité alimentaire en tant que processus
géré évoque une suite d'expériences et
d'évènements concrets. Cependant, il est nécessaire de
comprendre la fréquence, la périodicité et la durée
d'expériences ou de stades particuliers de ce phénomène
pour en mesurer la gravité.
Dans ce contexte, la définition d'un certain nombre
d'indicateurs de mesure de l'insécurité alimentaire ainsi que
leur analyse permettant de mieux aider à prendre des réponses
![](Analyse-des-indicateurs-de-l-insecurite-alimentaire-et-strategies-paysannes-d-adaptation-dans-la18.png)
16
appropriées pour un meilleur suivi de ce
phénomène présentent un intérêt capital. En
effet, les indicateurs permettent de produire une sorte de résumé
d'informations complexes et offrant la possibilité à des
différents acteurs intervenant dans ce domaine de dialoguer entre eux,
par conséquent de mieux coordonner leurs actions pour un meilleur suivi
de ce phénomène.
C'est face à cette préoccupation que se
présente cette réflexion sur l'analyse des indicateurs de
l'insécurité alimentaire et les stratégies paysannes
d'adaptation en prenant le cas de la commune rurale de Dogonkiria. Il s'agit
d'une géoanalyse qui nous permettra de mettre en évidence les
principaux indicateurs de l'insécurité alimentaire ainsi que le
comportement paysan face à ce phénomène. Elle permettra
également à mieux cerner les menaces qu'encourent les populations
de cette zone. Ce qui aidera sans doute les décideurs à mieux
élaborer des stratégies compatibles à cette zone, à
mieux orienter les ressources mais aussi à un meilleur ciblage des
interventions.
Cette recherche s'articule autour des questions principales
suivantes: Quelle est l'efficacité de système de production
paysan par rapport à la fréquence de l'insécurité
alimentaire? Quels sont les indicateurs de ce phénomène ? De
quelles manières les paysans s'adaptent à
l'insécurité alimentaire qui perturbe leur système de
production ?
|