6.5 DEVENIR DU COUPLE MERE-ENFANT : D'APRES UNE ETUDE
DE L'AFRDG [17]
Lors du 3e colloque français sur le
déni de grossesse, Isabelle Jordana, cadre de santé officiant
pour l'Association Française pour la Reconnaissance du Déni de
Grossesse, a présenté une étude menée sur les dix
dernières années, basée sur une centaine de questionnaires
remplis par des patientes ayant fait un déni, partiel ou total.
L'enquête visait en particulier à évaluer leur vécu
à long terme de leur déni, de leur prise en charge par le
système de santé, et de leur situation actuelle vis-à-vis
de leur entourage ou de l'enfant concerné.
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 83/89
6.5.1 Les dénis levés avant 6 mois, «
moins traumatiques »
D'après les données recueillies, les
dénis de grossesse levés avant 6 mois sont apparus comme les
« moins traumatiques » : la révélation, source de choc
et de panique, est cependant plutôt bien acceptée par la suite par
la patiente comme par sa famille, dont la présence et le soutien
permettraient une récupération plus facile. La relation
mère-enfant s'établit de manière le plus souvent
spontanée, dans les heures voire les jours qui viennent.
6.5.2 Les dénis levés après 6
mois
Les dénis de plus de 6 mois s'avèrent plus
difficiles à accepter, et plus il est levé tard, plus le choc est
grand : les cris et les pleurs sont majorés, la peur d'être
quittée, traitée de folle ou de menteuse est plus marquée.
Huit patientes sur dix acceptent pourtant la fin de la grossesse comme la
majorité de leurs familles. Plus de la moitié de ces femmes
tissent une relation mère-enfant dans les jours qui suivent la
naissance. Une patiente sur dix avoue ne pas s'être remise de leur
déni même des années après, et 20 à 30%
d'entre elles cumulent les moyens de contraception dans la crainte de revivre
pareille situation. Quelques-unes ont préféré « ne
plus se souvenir de tout ça » et ont même coupé les
ponts avec leur entourage.
6.5.3 Le déni total levé à
l'accouchement
Il est synonyme d'après les réponses d'une
très grande souffrance psychique, parfois encore d'actualité si
la femme est livrée à elle-même dans sa reconstruction.
Aucun abandon n'a été répertorié, même si un
quart des interrogées confie qu'elles l'avaient envisagé. Le
père, se sentant trahi et trompé, a parfois quitté le
foyer familial. Une thérapie familiale peut être envisagée,
et plus tard les explications données aux enfants du déni
permettent souvent une croissance satisfaisante.
Dans les cas de déni total avec mort du
nouveau-né, les questionnaires sont souvent revenus vierges, comme en
signe d'une incapacité à se souvenir ou à en parler. Le
déni semble être levé jusqu'à des mois voire des
années après le drame, et l'intervention judiciaire ainsi que
l'incarcération paraissent aggraver encore le traumatisme, contrairement
à Blanche Massari qui avait observé l'intervention judiciaire
comme ayant un rôle expiatoire et psychothérapeutique pour la
patiente néonaticide.[28]
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 84/89
|