La remise en cause des frontières africaines. Cas de la RDC( Télécharger le fichier original )par Olivier DIEMBY MALENGA Université technologique Bel Campus à Kinshasa en RDC - Licence en relations internationales option politique internationale 2012 |
2.2. De la constitution d'un Etat et tracé des frontièresDans son ouvrage intitulé " Histoire du ZAIRE, de l'héritage ancien à l'âge contemporain", publié aux éditions DUCULOT en 1997, le Professeur Isidore Ndaywel è Nziem situe la première description officielle ou semi-officielle des frontières de la RD Congo, ou zaïroises en date du 8 août 1884. Elle fut consignée dans la lettre que Léopold II fit parvenir au Prince Bismarck, chancelier de l'Empire allemand. Dans celle-ci, le futur Souverain de l'Etat Indépendant du Congo (EIC) donnait quelques précisions cartographiques sur le Congo, incluant grosso modo les deux tiers du futur Zaïre (RD Congo) : au nord, le quatrième parallèle ; à l'est, le lac Tanganyika ; à l'ouest, le fleuve Zaïre (Congo) et au sud, le sixième parallèle. Ce sont ces frontières, sans commune mesure avec l'occupation effective, que Bismarck reconnut à l'EIC, non sans hésitation, pour ne pas faire trop de peine à ce roi philanthrope (septembre 1884).18(*) Mais peu après, le 24 décembre de la même année exactement, le roi changea d'avis. Il établit un autre tracé de son Congo, allant jusqu'au 6ème degré de latitude sud, annexant le Katanga (Cfr. Annexe 2). Cette nouvelle carte, la première qui soit digne d'intérêt, fut annexée à la Déclaration de neutralité du 1er août 1885. La raison de cette modification du dessin de la frontière ne tient pas compte du Katanga. En effet, à l'époque, nul ne se doutait des richesses qu'il contenait. En fait, pour compenser la perte du Kwilu-Niari (à l'ouest), le roi trouva bon d'annexer ce territoire au sud. Il le choisit en fonction du fleuve qui y prend sa source. L'EIC étant chargé de la liberté de commerce sur le fleuve, Léopold II pensait avoir le fleuve dans sa totalité. Le nouveau tracé, supposé comprendre toute la rive du Tanganyika, atteignait les lacs méridionaux, Moëro et Bangwelo, et croisait la ligne de faîte Zaïre-Zambèze. Par un heureux hasard, ce nouveau tracé fut à nouveau accepté par l'Allemagne, peu préoccupée de ces questions ; la France n'insista pas, en tant qu'héritière potentielle de toutes ces possessions de l'EIC, et par méprise, n'y trouva aucun inconvénient. Mais les appétits annexionnistes de Léopold II ne s'apaisèrent pas pour autant. Après le tracé de 1885, son objectif fut d'atteindre le Haut-Zambèze, le lac Nyassa, le lac Victoria, le Haut-Nil. Il y travailla au cours des années 1888-89. Pour l'extension vers l'est, il pensa à des alliances avec eux. Mais on ne parvint pas à s'entendre avec les Arabes. Tous les efforts convergèrent alors vers le projet d'extension vers le Haut-Nil. On reconnaît à présent le détail des actions qui furent menées dans ce sens : l'expédition Van Kerkhoven en 1890 et l'occupation du Soudan méridional. En 1894, l'Angleterre, reconnaissant les faits, conclut un traité par lequel elle accordait à bail à l'EIC tout le bassin sud du Nil, dans le souci d'écarter la France de cette région. Mais cette dernière ne se laissa pas faire et fit pression pour que Léopold II renonce aux bénéfices de cet accord et ne garde que le droit d'occuper la partie la plus méridionale du bail, la fameuse enclave de Lado. Léopold II ne désarma pas. Il organisa en 1896 la fameuse expédition Dhanis. On sait maintenant qu'elle visait non seulement à atteindre l'enclave de Lado, mais surtout à aller au-delà, à dépasser la région où la France interdisait toute occupation, c'est-à-dire le parallèle de Fachoda en direction de Khartoum, et de planter le drapeau de l'EIC au bord du Nil. Ceci n'était d'ailleurs pas définitif puisque, au-delà de Khartoum, le roi pensait à l'Erythrée, qu'il avait déjà proposé à l'Italie de lui céder à bail. Parti des rives du Zaïre (Congo), cet empire aurait pu s'étendre jusqu'à la mer Rouge. On sait comment ce grand rêve s'acheva : l'expédition Dhanis fut anéantie par la révolte. L'occupation de Lado ne subsista que jusque 1906 : par un nouvel accord avec l'Angleterre, Léopold II acceptait que l'EIC se retire de l'enclave de Lado après sa mort.19(*) Les premières précisions cartographiques dignes d'intérêt, figuraient d'une part dans la Déclaration de neutralité notifiée le 1er août 1885 aux puissances signataires de l'Acte général de Berlin et d'autre part, dans la Déclaration complémentaire du 18 décembre 1894. En reportant sur une même carte les frontières indiquées par les deux Déclarations, on ne peut s'empêcher de faire les constats suivants : depuis 1894 jusqu'à nos jours, les limites du pays sont demeurées stables, excepté quelques rectifications dues aux opérations de bornage. Par contre, entre 1885 et 1894, elles ont connu des modifications énormes : le Zaïre (RD Congo) a perdu, à l'ouest, au profit du Congo, le triangle rectangle dont la pointe repose sur Lukolela au 1er degré de latitude sud, l'un des côtés étant représenté par le 17ème méridien Est de Greenwich et l'autre par le 4ème parallèle de latitude nord, et dont l'hypoténuse est constituée par le cours du Congo-Ubangi. En revanche, il avait gagné plusieurs autres territoires. Au nord, il reprenait à la République centrafricaine actuelle la large bande d'Ubangi et de l'Uélé, s'étendant entre le 4ème parallèle de latitude nord, le cours de l'Ubangi-Bomu et la crête du Congo-Nil ; à l'Est, il gagnait la région aurifère de Kibali-Ituri comprise entre le 30ème méridien Est et la crête de partage des eaux du Congo-Nil ; au sud, il s'était enrichi des territoires immenses des Lunda-Cokwe, formés par la partie méridionale du Kwango, du Kasaï et du Lualaba-ouest, descendant en dessous du 6ème degré de latitude sud.21(*) Les changements ultérieurs furent minimes ; ils firent l'objet de quelques autres conventions conclues entre l'EIC ou la Belgique et les puissances voisines. Voici du reste un aperçu de toutes les Conventions qui ont eu lieu depuis le début, c'est-à-dire depuis celle conclue avec l'Allemagne le 8 novembre 1884 jusqu'à la dernière, avec le Portugal le 22 juillet 1927. La frontière avec les pays de l'Afrique équatoriale française (Congo, Centrafricaine) a été déterminée par la Convention de Paris du 5 février 1885 à laquelle participait Jules Ferry mais elle dut subir quelques rectifications lors des Protocoles de Bruxelles du 29 avril 1887, et de Paris du 14 août 1894, ainsi qu'au cours des Déclarations échangées entre les deux gouvernements à Bruxelles le 23 décembre 1908. Celle avec le Cabinda a fait l'objet de la Convention du 14 février 1885 ; S'agissant de la frontière orientale, il en a été question pour la première fois dans la Convention du 8 novembre 1884 par laquelle l'Allemagne reconnaissait le pavillon de l'Association Internationale du Congo (AIC) ; mais celle-ci a connu, elle aussi, des modifications d'abord par la Déclaration de neutralité du 1er avril 1885, ensuite par la Déclaration de Bruxelles du 18 décembre 1894 et enfin par les Conventions conclues avec chacune des puissances voisines. Vis-à-vis du Rwanda-Urundi, possession allemande qui deviendra territoire sous mandat belge, la fixation de la frontière datait déjà de la Convention du 8 novembre 1884. Elle n'a connu que des explications, des mises au point de détails, par exemple lors de la Convention de Bruxelles du 11 août 1910, approuvée par la loi belge du 4 juin 1911. Avec l'ancienne possession allemande de Tanganyika, devenue depuis lors la Tanzanie, le tracé frontalier, facilité par la présence du lac Tanganyika, n'a pas eu besoin d'être déterminé de manière plus précise par une Convention internationale. Celui-ci doit donc être considéré comme la ligne médiane du lac. En revanche, pour le territoire britannique de la Rhodésie du Nord, qui deviendra plus tard la Zambie, le tracé frontalier fort sinueux a fait l'objet d'une Convention signée à Bruxelles le 12 mai 1894. Avec le Portugal, la situation n'a pas été facile : le litige frontalier a fait l'objet d'une succession de dispositions ; d'abord la Convention de Berlin du 14 février 1885, ensuite celle de Bruxelles du 25 mai 1891 déterminant les délimitations dans la région Lunda, puis surtout celle de Saint-Paul-de-Luanda, du 22 juillet 1927, approuvée par la loi du 12 janvier 1928 où l'on procéda par échange de terres.22(*) * 18 NDAYWEL,I., Histoire du Zaïre, de l'héritage ancien à l'âge contemporain,éd.Duculot,Louvain-la-Neuve,1997,p.312. * 1920 NDAYWEL, I., Op. cit., p.313. * 21 JENTGEN, cité par NDAYWEL, I., Op. cit., p.314. * 22 JENTGEN, cité par NDAYWEL, I., Op. cit., p.314. |
|