II.2. Les femmes dans le secteur informel
Bien que le phénomène ait débuté en
ville, nous assistons dans les villages au développement
d'activités commerciales (revente de produits manufacturés,
ouverture de cabines téléphoniques...), domaines
jusque-là accaparés par les hommes.
D'autres ont des activités de bana-bana (marchand
ambulant) : en jouant sur le mouvement ville-campagne, elles achètent
des produits du terroir qu'elles revendent dans les marchés urbains.
Avec les gains, elles rapportent des produits industriels qu'on
ne peut trouver à la campagne. Ce commerce "pendulaire" leur
confère un statut et des revenus tout à fait différents.
Certaines parmi elles ont pu atteindre un niveau exceptionnel
jusqu'à exporter du riz dans la sous région et concurrencer les
grands monopoles du sucre (par les importations frauduleuses en
provenance de la Gambie) et de l'huile d'arachide (par
la trituration artisanale).
Certaines ONG et organisations internationales les appuient dans
ces activités avec le développement des tontines et la mise en
place des micro-crédits. L'esprit de groupement, fondé sur
l'appartenance à des associations traditionnelles, met ces femmes en
situation de "créatique" comme on le verra dans le cas des femmes
d'affaires.
II.3. Les femmes, homme d'affaires
Ce titre choisi à propos montre que les femmes, au
même titre que les hommes et en dehors des circuits étatique et
bancaire, se sont lancées massivement dan le monde des affaires. Les
statistiques font défaut pour juger du poids des femmes dans cette
nouvelle activité. Le seul indicateur utilisé ici est la crise
qui s'accompagne d'un changement de mentalité et qui pousse tout le
monde à accumuler. En effet, l'application des mécanismes de
prix a exclu un bon nombre de chefs de famille de l'exploitation agricole,
pour défaut d'intrants qu'il faut maintenant payer au prix
coûtant. Cette situation aurait accentué le besoin des femmes de
travailler. Celles qui étaient déjà présentes dans
le secteur informel, ont agrandi et diversifié leurs activités.
C'est ainsi que, profitant de la dévaluation qui rend les
produits sénégalais plus compétitifs sur le
marché international (elle renchérit par contre les coûts
à l'importation), on les trouve de plus en plus nombreuses dans
les activités d'import-export, le syndicalisme agricole... A titre
d'exemple, c'est un groupement féminin qui assure les exportations de
produits agricoles frais (poisson, légumes, fruits) sur le marché
européen. C'est aussi une femme qui se trouve à la tête de
la plus grande fédération des ONG du Sénégal et sa
tâche consiste à régler collectivement les problèmes
des agriculteurs qui ne pourraient le faire de façon individuelle.
Certaines femmes ont si bien réussi dans le monde des
affaires (bâtiment, couture, assainissement urbain...) que la
littérature populaire sénégalaise sur le genre parle
de "domination économique des hommes par les femmes". La question
n'est pas d'établir une domination économique des femmes mais de
savoir comment elles utilisent leur pouvoir pour gagner leur vie et
améliorer leurs rapports avec les hommes. Certaines femmes
interrogées sur la question préfèrent ne pas parler de
domination, mais plutôt d'autonomie. Ce concept d'autonomie est
perçu non pas comme plus de pouvoir, mais comme la
possibilité de se prendre en charge en cas d'indisponibilité du
conjoint, ce qui fait référence à une division
complémentaire du travail qui existait dans la tradition.
Cette division du travail est "révolutionnaire" car, dans
un contexte où les mutations ont remis en cause la distribution du
pouvoir entre sexes dans la famille et la société, il
faut faire accepter cette autonomie féminine sans froisser les maris.
Cette mutation économique et sociale que traverse le
Sénégal donne la preuve de la nécessité de
libérer l'initiative féminine pour amorcer le
développement économique et social du pays. Cela suppose que les
femmes participent à l'économie comme entrepreneuses au
même titre que les hommes et qu'aucune politique de
développement durable ne se fasse à leur
détriment.
Pour aider les femmes à s'acquitter de ces nouveaux
rôles et responsabilités, plusieurs types d'action
prioritaires ont été établis par le
Sénégal et les organisations internationales. On pourrait
les résumer en une politique de santé et d'éducation, en
une formulation plus précise du droit en ce qui concerne les femmes pour
ce qui est de l'accès aux ressources financières, technologiques
et naturelles.
Vu le rôle prépondérant de la femme dan la
nutrition (production agricole, transformation, commercialisation), vu sa
créativité (diversification et initiation d'activités
génératrices de revenus) dans un contexte d'incertitude et
d'instabilité créé parle PAS, on ne peut faire
l'économie d'une digression sur le
sommet mondial de l'alimentation qui s'est tenu à
Rome en novembre 1996. Sans se soucier des impacts du PAS sur la
dégradation des conditions de vie des populations, le sommet a voulu
poser les bases de la réduction du chiffre alarmant de 800millions de
personnes qui souffrent de la faim dans le monde.
En guise de recommandation, il conseille aux différents
Etats de mettre en place la stratégie de la "double révolution
verte", qui doit être décentralisée, participative,
éthique et écologique.
Par contre, les débats ont évité la question
- pourtant urgente -de la création de fonds pour financer cette "double
révolution verte", qui nul ne l'ignore, n'est pas à la
portée des pays pauvres.
Si la F.A.O. ne veut pas que le sommet mondial de
l'alimentation soit une conférence de plus à l'image de Rio, de
Pékin, du Caire ou de Copenhague, si comme elle le prétend, la
nutrition est une pré condition pour le développement, si
manger à sa faim est un principe fondamental des droits de
l'homme, des projets valables en nutrition communautaire,
donnant une place stratégique à la femme,
existent déjà en Afrique, mais souffrent de manque de
financement. Si la F.A.O. a relevé le défi de la
sécurité alimentaire mondiale pour les décennies
à venir, il faudra en même temps qu'elle relève celui
relatif à la mobilisation des fonds nécessaires au niveau
international, national et local, pour financer cette "double
révolution agricole et culturelle" et qui ne se fera pas sans les
femmes.
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