Chapitre 1 - Séquelles neurologiques
(Système nerveux central)
Titre A. Syndrome post-commotionnel des
traumatisés crâniens.
Ce terme est préférable à celui de
«syndrome subjectif» dans la mesure où le tableau syndromique
est d'une assez remarquable constance, quels que soient la durée de la
perte de connaissance et le contexte psycho-sociologique : fatigabilité
intellectuelle avec des troubles de l'attention et de la concentration,
troubles de la mémoire des faits récents, troubles du
caractère avec irritabilité, troubles du sommeil,
fatigabilité visuelle, intolérance aux bruits. Les
céphalées sont plus inconstantes, elles sont même peu
fréquentes après les comas. Il s'y ajoute souvent des sensations
vertigineuses sans caractère giratoire, lors de changements de
position.
Les caractères sémiologiques de ces symptômes
fonctionnels et leurs modalités évolutives doivent être
précisés par un interrogatoire minutieux, qui complète et
affine leur description spontanée, et qui seul permet de les
authentifier et donc d'affirmer le diagnostic.
Les examens paracliniques (E.E.G., scanner, examens
ophtalmologiques et vestibulaires) sont généralement normaux; ils
ne sont donc le plus souvent d'aucune utilité pour le diagnostic. Il est
parfois utile cependant de demander l'avis d'un ophtalmologiste ou d'un ORL
pour faire la part de ce qui revient au syndrome post-commotionnel et de ce qui
peut présenter éventuellement des séquelles sensorielles
propres, constitutives par elles-mêmes d'une incapacité
permanente.
De la même façon, une composante névrotique
peut s'ajouter au syndrome post-commotionnel (cf névroses
post-traumatiques).
L'évolution du syndrome post-commotionnel isolé est
souvent régressive, totalement ou partiellement, avec de grandes
variations dans la durée d'évolution.
Un délai de dix-huit mois à deux ans est parfois
nécessaire avant une évaluation des séquelles
permanentes.
Le taux d'incapacité est évalué en fonction
du nombre et de l'intensité des symptômes constitutifs dans chaque
cas particulier :
- Cas légers : légers troubles mnésiques,
difficultés de concentration intellectuelle, intolérance aux
bruits, instabilité de l'humeur, céphalées
intermittentes
moins de 5%
- Cas modérés : mêmes signes fonctionnels,
auxquels s'ajoutent des troubles
mnésiques permanents, fatigabilité intellectuelle,
irritabilité, trouble du sommeil
5 à 10%
Les cas les plus sévères sortent du cadre du
syndrome post-commotionnel et relèvent soit d'une pathologie
psychiatrique, soit de lésions neurologiques ou labyrinthiques.
Le barême indicatif différencie de façon
nette les troubles psychiariques des troubles post-commotionnels dans le
chapitre V - Séquelles psychiatriques.
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Le diagnostic des séquelles purement psychiatriques impose
l'examen par un spécialiste confirmé. Cet examen doit comporter
non seulement une analyse sémiologique précise des symptomes
présentés par le blessé, mais aussi une étude
longitudinale soigneuse de la biographie. Il est en effet essentiel de discuter
dans tous les cas les rôles respectifs de l'état antérieur,
du traumatisme et d'autres facteurs pathogènes éventuels.
Névroses post-traumatiques
Elles peuvent apparaitre après un traumatisme cranien
où toute autre lésion traumatique (du rachis, des membres)
mettant en cause une fonction particulièrement investie par le sujet.
Le tableau clinique est polymorphe, associant en proportion
variable des manifestations anxio-dépressives, des conduites phobiques,
des plaintes hypochondriaques, des comportements théatraux pouvant
même s'accompagner de phénomènes hystériques de
conversion ou d'une sthénie revendicatrice à tonalité
paranoïaque. Il doit être distingué des névroses
d'effroi (ou névroses traumatiques) et du syndrome post-commotionnel des
traumatisés crâniens.
Les névroses post-traumatiques s'améliorent sous
l'effet d'un traitement précoce et adéquat; l'évolution
est progressive, ce qui conduit à n'apprécier les
séquelles définitives qu'après un délai minimal de
dix-huit mois à deux ans.
Si au contraire les symptômes paraissent fixés et
peu accessibles à la thérapeutique, le règlement devra
être plus précoce pour constituer une «névrose de
rente», qui fait du blessé un insatisfait procédurier.
Au cas où le rôle causal de l'accident a
été démontré, la détermination de
l'incapacité permanente, ventilant les divers facteurs, en particulier
un état antérieur ou intermittent, pourra se faire en fonction
des propositions suivantes :
- Névrose post-traumatique sans caractère de
réelle gravité, où domine l'anxiété
diffuse 5 à 10%
- Névrose post-traumatique de gravité moyenne,
restreignant l'activité générale, associant un état
anxio-dépressif chronique, des troubles somatiques de
caractère
hystérique, des plaintes hypochondriaques
épisodiques 15 à 20%
- Névrose post-traumatique sévère, avec
angoisse permanente, désintéret majeur, repli
sur soi, rumination hypochondriaque incessante 25 à 35%
- Les formes majeurs, rares, avec état de
régression affective et de dépendance, peuvent
justifier une incapacité permanente plus
élevée , jusqu'à 60%
Le taux global d'incapacité prendra en compte par ailleurs
les éventuelles séquelles organiques du traumatisme, s'ajoutant
à la névrose post-traumatique.
Névroses traumatiques (ou névroses
d'effroi)
Ce sont des manifestations névrotiques provoquées
par un évènement soudain et violent, débordant les
capacités de défense de l'individu.
Elles ont été observées lors des conflits
armés (névroses de guerre) et peuvent survenir à
l'occasion d'accidents dont le déroulement a été
particulièrement dramatique, ou a povoqué un choc
émotionnel violent.
La symptomatologie spécifique est
représentée par le «syndrome de
répétition», dont la manifestation la plus fréquente
est la persistance de cauchemars au cours desquels le
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blessé revit la scène de l'accident.
Traités précocement de façon
adéquate, ces états névrotiques guérissent avec
retour à l'état psychologique initial, sans laisser de
séquelles constitutives d'une incapacité. Non traités, ils
peuvent évoluer vers la persistance de troubles névrotiques dont
l'évaluation rejoint celle des séquelles des névroses
post-traumatiques.
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Le syndrome post-commotionnel au travers du code des pensions
militaires d'invalidité :
Une troisième définition en est donnée dans
les textes officiels relatifs à l'indemnisation des anciens combattants
et victimes de guerre (Art 115), mise à jour du 1er Août 1976.
Chapitre relatif aux traumatismes crâniens :
2° Troubles neuropsychiques post-traumatiques
Le problème des troubles neuropsychiques après
traumatismes crâniens s'est en partie transformé depuis 1920. A
cette date, régnait une conception étiopathogénique qui
distinguait «commotions» et «émotions»
consécutives aux traumatismes. Si la conception de Pierre Marie du
«syndrome subjectif des traumatisés du crâne» avait le
mérite de tente de réhabiliter le «subjectif» aux yeux
du corps médical, l'évolution de la psychiatrie et de la
neurologie du triple point de vue théorique, méthodologique et
thérapeutique rendait cependant nécessaire une
réévaluation des catégories pathologiques
rencontrées après les traumatismes.
De la précision et des modalités de l'expertise
dépendront non seulement une juste réparation, mais aussi
l'évolution des troubles dont on sait combien ils sont intriqués
avec les représentations sociales et parfois aggravés par les
erreurs psychologiques commises par l'environnement social, familial ou
médical. C'est dans cette optique qu'une méthodologie rigoureuse
comportant même un protocole précis est indispensable. Cette
démarche devrait s'étaler sur un laps de temps suffisant pour que
les examens soient effectués sur un sujet détendu, dans des
conditions psycho-biologiques optimales.
L'examen du sujet comprendra :
- Des investigations sur les circonstances précises de
l'accident ou de la blessure, sur la perte de connaissance, sur l'existence
d'une amnésie rétrograde.
- Un entretien peu directif de durée suffisante.
- Un examen clinique neurologique poussé.
- Eventuellement, des explorations paracliniques
complémentaires : électroencéphalogramme, examens
radiologiques, examens cochléo-vestibulaires, examens
ophtalmologiques.
- Un examen psychologique approfondi systématique avec,
dans la mesure du possible, mise en oeuvre de tests ( test d'efficience, tests
projectifs, questionnaires de personnalité).
Dans la démarche séméiologique et la
réflexion clinique, il importe de ne pas s'enfermer dans une distinction
du «subjectif» et de «l'objectif» qui peut être
génératrice de malentendus et d'approximation,
«subjectif» n'entrainant pas forcément l'hypothèse
d'une éthiopathogénie psychogène.
Les états pathologiques rencontrés dans la pratique
courante constituent le plus souvent des groupements complexes où
s'intriquent sur le plan pathogénique, le pôle
psychonévrotique, l'aspect réactionnel ou lésionnel
organique.
Ce qu'on appelle couramment «syndrome subjectif»
s'avère souvent un tableau permettant un certain démembrement
clinique et pathogénique. Un symptome simple en apparence peut ressortir
de déterminations multiples, parfois chez le même patient : il
peut en être ainsi de la «céphalée» qui peut
répondre, non seulement aux mécanismes somatiques habituels, mais
aussi à des processus psychofonctionnels, ou encore à une
fixation hypochondriaque. Les pseudo-vertiges peuvent, de même,
être rapportés à des réalités psychiques
complexes.
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Les aspects essentiels des troubles neuropsychiques
post-traumatiques comprennent :
- Le syndrome subjectif post-traumatique proprement dit avec :
céphalées ou sensations céphaliques très
variées - étourdissements et impressions d'instabilité,
parfois de caractère vertigineux - troubles visuels et auditifs.
Il s'y rattache souvent des symptômes évoquant plus
précisément un pôle psychique tel que : asthénie
physique et psychique, troubles sexuels, insomnie, troubles de la concentration
intellectuelle, aspects dépressifs souvent marqués, plaintes
hypochondriaques, modifications du caractère (irritabilité,
agressivité), labilité émotionnelle,
éléments de dépersonnalisation avec angoisse.
La durée moyenne de ces troubles va de trois mois
(après le traumatisme ou la fin du coma initial éventuel)
à deux ans, mais il existe des exceptions à cette
règle.
On ne prendra en considération que le syndrome subjectif
dont les premières manifestations sont apparues dans les suites proches
du traumatisme et les plus grandes réserves seront faites lorsque ce
syndrome apparaîtra après un délai de dix-huit mois.
A coté de ce tableau de syndrome post-traumatique
classique, des évolutions névrotiques ou psychotiques peuvent se
rencontrer :
- Névroses traumatiques proprement dites
- Symptomatologie hystérique ou phobique
- Réorganisation pathologique de la personnalité
(états de dépendance affective, régressions massives,
états limites, évolution psychopathique).
- Organisations psychotiques : délire hypochondriaque,
délire paranoïaque (type délire de revendication).
Le terme de sinistrose devra être abandonné parce
que trop imprécis et souvent dénaturé par l'usage.
Les attitudes de revendication pathologique, de même que
l'hystérisation, sont des symptomes qui doivent être
considérés comme faisant partie des tableaux cliniques.
Les troubles déficitaires touchant des fonctions
neuropsychologiques supérieures doivent être diagnostiqués
et évalués au moyen de la clinique et des examens
psychométriques susceptibles de les objectiver : ces troubles peuvent
être des syndromes focaux (syndrome frontal même fruste, aphasie
même latente) ou toucher la mémoire ou l'efficience intellectuelle
du sujet (détérioration, états démentiels).
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INDEMNISATION
DESIGNATION DES INFIRMITES
|
POUR- CEN- TAGE d'invali-
dité
|
POURCENTAGE
réservé aux bénéficiaires
des articles L12 et L13bis du Code lorsque ce pourcentage est
plus avantageux
|
1887
|
1915
|
Syndrome dit «subjectif post-traumatique»
a. Caractérisé par une symptomatologie
modérée essentiellement céphalique et
psycho-sensorielle
b. Caractérisé par une symptomatologie dans
laquelle sont surajoutés en plus des éléments
isolés décrits dans les catégories ci-dessous :
|
10
|
|
|
Troubles névrotiques et psychotiques post-traumatiques,
états déficitaires neurologiques et psychiatriques
|
20
|
|
|
Troubles névrotiques et psychotiques post-traumatiques
:
|
|
|
|
1°Etats névrotiques post-traumatiques :
|
|
|
|
Névroses traumatiques, manifestations phobiques,
hystériques
|
10 à 40
|
|
|
2°Troubles de la personnalité :
|
|
|
|
Régression affective
|
|
|
|
Etat «frontière»
|
|
|
|
Psychopathies
|
10 à 60
|
|
|
3°Organisations psychotiques :
|
|
|
|
Hypochondrie délirante, délire paranoïaque
|
40 à 100
|
|
|
Etats déficitaires neurologiques et psychiatriques
|
|
|
|
Syndrome frontal
|
30 à 100
|
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39
Evaluation des conséquences globales du syndrome post-
commotionnel. Barême C.O.T.O.R.E.P.
En dernier lieu, les troubles fonctionnels identifiés
comme entrant dans le cadre du syndrome post-commotionnel peuvent être
à l'origine d'une déficience ayant des conséquences dans
le cadre de la vie professionnelle. Ces troubles sont identifiés et font
l'objet d'une quantification dans le barème officiel de la
C.O.T.O.R.E.P. (décret n°93-1216 relatif au guide barème
pour l'évaluation des déficiences et incapacités des
personnes handicapées JO, 6 Novembre 1993).
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