UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE
CENTRALE
INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDE
FACULTE DE SCIENCES SOCIALES ET GESTION
MASTER GOUVERNANCE ET ACTIONS PUBLIQUES
MEMOIRE
JUSTICE POLITIQUE ET PREVENTION DES CONFLITS DANS LES
SOCIETES PLURIETHNIQUES :
CAS DE LA POLITIQUE DE L' « EQUILIBRE REGIONAL
» AU CAMEROUN
Rédigé et soutenu en vue de
l'obtention du Master II en Sciences Sociales
Option Gouvernance et Actions
Publiques
Par
YODOU SIBEUDEU Alain Patrick
Licencié en Philosophie option
classique
Sous la Direction de
Professeur Ernest-Marie MBONDA
Année académique 2010- 2011
DÉDICACE
Je dédie ce modeste travail à vous tous qui
m'avez encouragé, soutenu et conseillé, plus
particulièrement :
F À mes parents Monsieur SIBENDEN Emmanuel et Madame
SIBENDEN Martine qui m'ont soutenu depuis ma tendre enfance jusqu'à ce
jour ;
F À Madame Françoise MADRAY LESIGNE pour sa
contribution décisive dès mes premier pas au niveau
supérieur ;
F À Monsieur Philippe MBARGA MBOA pour son important
apport dans mon cursus scolaire et estudiantin ;
F À mes frères et soeurs pour leur
disponibilité permanente ;
F A tous mes enseignants et formateurs,
REMERCIEMENTS
La rédaction de ce travail n'a été
possible que grâce au concours moral, intellectuel et logistique des
personnes à qui je voudrais ici rendre un hommage appuyé. Il
s'agit notamment :
Ø Du professeur MBONDA Ernest-Marie qui a
accepté de diriger cette recherche ;
Ø Des abbés Christian MOFOR et Richard FILAKOTA
pour leur grand soutien et leur grande contribution pour la poursuite de mes
études supérieures ;
Ø DE mes copains et amis ABENA Alain, YOUALE Yannick,
WETTE Eric, TONGA Arnaud, TODOM Jean-Duclair, MBAMI Romuald, Ange CHEKOU,
Stéphane FOKANA, MAISILA Emmanuel pour leur soutien moral et
logistique ;
Ø Des demoiselles BELLA Fleur, KENGNE Béatrice,
FOKANA Ingrid, ANIEMA Elisabeth, GASSIDA Emilienne, pour leur
disponibilité et contribution morale ;
Ø De Monsieur KIBAMBE Laurent qui a guidé mes
premiers pas dès l'école primaire et secondaire ;
Ø De mon grand frère et ami HOUTCHOU William
pour son assistance permanente ;
Ø Du grand frère ASSIENE Léopold pour ses
encouragements et son soutien moral ;
Ø Du Docteur David ILEBA pour son encadrement moral et
spirituel ;
SOMMAIRE
DÉDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
SOMMAIRE
III
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
1
INTRODUCTION
2
PREMIERE PARTIE : LE CAMEROUN ET LA POLITIQUE
DE L' « EQUILIBRE REGIONAL »
18
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS ETHNIQUES ET LA
MONTEE DES TENSIONS SOCIALES
19
SECTION I- La constitution des communautés
ethniques en groupes de revendications sociales
19
SECTION II- Revendications ethniques et risques de
conflits
23
CHAPITRE II- FONDEMENTS THEORIQUE ET NORMATIFS DE
LA POLITIQUE DE L' « EQUILIBRE REGIONAL »
30
SECTION I- La multiculturalité et le
traitement différentiel
30
SECTION II- Les fondements normatifs de la PER
37
DEUXIEME PARTIE : POLITIQUE DE
L' « EQUILIBRE REGIONAL » ET PREVENTION DES CONFLITS
AU CAMEROUN.
42
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS DES GROUPES
ETHNIQUES ET L'ENJEU SOCIAL DE LA PER
43
SECTION I- La pluriethnicité et la
Représentation politique
43
SECTION II- La représentation des
communautés ethniques et la justice politique
46
CHAPITRE II- L'EQUITE DE LA PER ET LA PREVENTION
DES CONFLITS INTERETHNIQUES
52
SECTION I- L'ethnicité et la redistribution
des biens et charges sociaux
52
SECTION II- L'efficacité de la PER
56
CONCLUSION
62
BIBLIOGRAPHIE
65
TABLE DES MATIERES
68
LISTE DES PRINCIPALES
ABREVIATIONS
AAC : = All Anglophone Congress
Al. : = Alinéa ;
ASC : = Anglophone Standing Committee;
A.N : = Assemblée Nationale ;
Art. : = Article ;
CAM : = Cameroon Anglophone Movement ;
CONSEU : = Conférence des Nations sans État
d'Europe ;
COSIBA : = Conseil Supérieur des
Intérêts Bamiléké ;
GF : = Guerre Froide ;
Ibidem : = au même endroit dans l'ouvrage
déjà cité
Idem : = Le même ;
MINFOPRA : = Ministère de la Fonction Publique et
de la Réforme Administrative ;
ONU : = Organisation des Nations Unies ;
Op.Cit. : = (Opéra - Citatae) = déjà
cité ;
PAN : = Président de l'Assemblée
Nationale ;
PER : = Politique de l'« équilibre
Régional » ;
PM : = Premier Ministre ;
PUF := Presses Universitaires de France ;
PUL : = Presses universitaires Laval ;
PRC : = Président de la République du
Cameroun ;
SCNC : = Southern Cameroon National Congres;
SCPC: = Southern Cameroun's People Conference
INTRODUCTION
L'homogénéisation du monde induite par le
mouvement d'internationalisation des économies et des
sociétés, s'accompagne parallèlement
d'éléments de différentiation et de revendication
identitaire et régionale. En Afrique, tout comme sur d'autres
continents, la pluralité ethnico-culturelle reste l'une des principales
sources des tensions intra étatiques. Et ce, suite à
l'émergence des revendications des communautés
ethnico-culturelles. Cette différenciation se manifeste par un
phénomène social général à
l'intérieur même des États : l'affirmation d'autonomie
de ces groupes sociaux. Ce qui est un indicateur particulièrement clair
de la segmentation croissante des sociétés modernes.
Il ne faut cependant pas feindre de ne pas voir la face
positive de cette évolution. Par de nombreux aspects, les universalismes
aujourd'hui en crise étaient de « faux
universalismes » au service d'intérêts
idéologiques ou géopolitiques très précis.
D'où la préoccupation qui est celle de savoir s'il
n'apparaît pas aujourd'hui légitime d'introduire parmi les droits
fondamentaux, la reconnaissance de la diversité qui protège
l'identité de chaque individu comme l'existence des diverses
« identités collectives ». Notre époque
étant aussi et surtout « l'âge des droits »,
on est en droit d'estimer qu'il est très positif de retrouver les voies
d'une autonomie plus respectueuse des aspirations du plus grand nombre de
peuples1(*). Les
sociétés pluriculturelles et pluriethniques posent ainsi des
problèmes qui débouchent sur des questions fondamentales de
l'organisation de nos civilisations. L'ampleur des enjeux actuels nous invite
à entreprendre une réflexion globale sur les causes de cette
évolution.
Notre attitude cependant, ne saurait sous peine de passer
à côté de l'essentiel, se borner à suspecter les
excès des revendications identitaires. Il s'agit bien de faire une
analyse de celles-ci en vue de comprendre comment éviter qu'elles
débouchent sur d'éventuels affrontements comme il en a
été ou est encore le cas dans certains États. C'est cette
tâche qui nous incombe dans l'analyse que nous faisons de la politique de
l' « équilibre régional » (PER) : une
forme d'organisation de la diversité ethnico-culturelle propre à
la société camerounaise.
I. CONTEXTE DE L'ÉTUDE
La répartition des ressources entre les
communautés, ainsi que l'indiquent l'ensemble des débats
politiques au sujet de la justice sociale, est un problème crucial de
nos jours. En Afrique, le problème est plus perceptible encore d'autant
plus que les ressources y sont non seulement rares, mais aussi à cause
de sa configuration démographique pluriethnique.
On a en effet affaire ici, dans la quasi-totalité des
cas, à des États pluriethnico-culturels. Étant
donné que les individus se réfèrent toujours à
leurs appartenances ethniques pour reprendre le philosophe canadien
Taylor2(*), Ces
sociétés sont particulièrement marquées par des
tensions sociales dues aux replis identitaires de leurs membres qui
élaborent toutes leurs stratégies politiques autour des
appartenances identitaires. D'où certainement, l'ébullition du
continent africain.
Le « vent d'Est », c'est-à-dire les
vagues de bouleversements sociopolitiques qui ont traversé les pays
d'Europe de l'Est et d'Europe centrale dans les années 1989-1990, et qui
ont vu de nombreux pays de l'ancien bloc communiste basculer vers une
économie de marché et vers des régimes politiques
libéraux et pluralistes, arrive au courant des mêmes années
sur le continent africain et provoque un déferlement de vagues de
manifestations très vives des populations revendiquant la fin de
l'autocratie et la mise en place de systèmes démocratiques
pluralistes. Ce pluralisme politique trouve au Cameroun un terrain fertile, du
fait que ce pays compte plus de 200 groupes ethniques, et est la
résultante d'une variété de colonisation3(*). De sorte qu'aux clivages
ethnoculturels, sont venus s'associer les clivages entre deux espaces
héritiers de la culture coloniale anglaise et de la culture coloniale
française.
Cette recherche s'inscrit aussi dans un contexte
marqué par la détérioration des rapports sociaux entre les
différentes communautés ethniques qui constituent le Cameroun. Le
retour au multipartisme laisse en effet éclater les sentiments ethniques
dans le vent de la liberté retrouvée au début des
années 1990. D'où l'ébullition de la société
camerounaise qui est traversée par de vives tensions entre les
principaux groupes ethniques originaires autant du nord que du sud, et
même de la zone anglophone.
II. DÉLIMITATION DU SUJET
Il s'agit ici de circonscrire à la fois les limites
spatiale, temporelle et matérielle de cette étude.
II. 1- Délimitation spatiale
Le champ spatial de cette recherche est celui de l'Etat du
Cameroun, pays de l'Afrique Centrale situé au fonds du Golfe de
Guinée, un peu au dessus de l'équateur. Il s'étend en
latitude entre 1°40 et 13° (nord) puis en longitude entre 8°80
et 16°10 (ouest). Les coordonnées géographiques indiquent
clairement que le Cameroun est un pays de l'hémisphère nord. Ce
pays partage ses frontières avec 6 pays africains que sont le Tchad au
nord - la République Centrafricaine à l'Est - le Nigeria à
l'ouest - le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale au sud.
II. 2- Délimitation temporelle
Le principe de l' « équilibre
régionale » est au centre de tous les systèmes de
redistribution des ressources nationales au Cameroun depuis 1960. On peut
l'observer dans la création des emplois, l'affectation des postes
ministériels et la direction des grandes entreprises parapubliques, la
répartition géographique des investissements sociaux ou
industriels, etc. Depuis l'époque d'Ahidjo, premier président de
l'Etat du Cameroun, elle a été l'une des armes qui ont permis
à l'État de freiner les tensions tribales.
Or, la question de la juste péréquation des
biens se pose réellement avec acuité dès l'organisation
des élections multipartistes motivées par le déferlement
du vent d'Est sur le continent africain dans les années 90 à nos
jours : intervalle dans lequel se situe principalement notre recherche.
Mais, afin de faire preuve de rigueur dans notre analyse, il s'avère
nécessaire de faire une incursion dans les années 60 en vue de
mieux cerner et comprendre notre objet d'étude.
II. 3- Délimitation
matérielle
La justice politique, en tant que notion complexe, fait
référence aux domaines du droit, de l'économie, de la
sociologie, de la science politique etc. Notre recherche étant davantage
orientée vers l'organisation de la « Cité »,
des disciplines susmentionnées, c'est la science politique qui nous sera
beaucoup plus importante ; en ce sens que notre tâche dans cet
exercice consiste à faire l'analyse de la structure et le fonctionnement
(méthodique, théorique et pratique) de la PER au sein de la
société camerounaise. Nous entendons également nous
référer à d'autres disciplines qui sont notamment
l'histoire pour fonder et mieux situer notre recherche, la philosophie en ce
sens que celle-ci nous aidera à mieux nous situer sur le nouvel apport
de notre travail en ce qui concerne les modes d'organisation des
sociétés pluriculturelles.
III. LA DÉFINITION DES
CONCEPTS
L'étude des sociétés pluriethniques
soulève des problèmes divers. Pour répondre au défi
lancé à la pensée au sujet de ces types de
société, il convient de ne limiter pour ce qui est du cas typique
de la PER, la réflexion à l'examen de problèmes
particuliers à cette analyse. C'est ce qui justifie l'effort de
définition de la terminologie propre à ce champ d'étude
que nous entreprenons ici pour cerner les réalités
juridico-politiques et anthropo-sociologiques qui sont en jeu dans la dimension
pluriethnique des tensions sociales au Cameroun. Ainsi allons-nous
définir tour à tour les concepts de la justice politique, de la
prévention des conflits, de la société pluriethnique et de
la politique de l'« équilibre régionale ».
III. 1- La justice politique
Le concept de justice politique renvoie à l'ensemble
des principes qui définissent et réglementent la redistribution
des ressources sociales au sein d'une collectivité. C'est le
résultat d'une série de choix collectifs sur ce que doivent
être les clefs de répartition équitable entre les membres
d'une société. Pour ce faire, il s'appuie sur des principes comme
l'égalité des droits ou l'équité des situations,
principes découlant des valeurs de la société, pour
déterminer les formes de solidarités collectives.
Ainsi comprise, la justice politique représente
l'ensemble des choix qui vont régir la définition des droits
d'accès aux ressources d'une collectivité. Autrement dit, elle
est une codification des règles sociales de répartition ou de
redistribution des biens et charges au sein de la société.
III. 2- La prévention des conflits
La prévention désigne l'action destinée
à empêcher le développement ou la réalisation d'un
mal, d'une chose fâcheuse. Le terme conflit pour sa part fait
référence à une vive opposition entre personnes, un
antagonisme, une lutte armée entre deux ou plusieurs entités. Sur
la base de la signification de ces deux termes, l'on peut concevoir le concept
de la prévention des conflits comme l'ensemble des mesures
adoptées pour éviter l'éclatement des antagonismes entre
des personnes ou des groupes. Autrement dit, il est une analyse de la situation
conflictogène du milieu auquel l'on s'intéresse4(*).
Ce concept s'oriente vers deux axes complémentaires
que sont la prévention opérationnelle directe et la
prévention structurelle. De ces deux axes, c'est-à-dire la
prévention opérationnelle directe ou prévention
immédiate qui vise à réduire les risques de violence en
résolvant une crise immédiate, et la prévention
structurelle qui, elle, s'attaque aux causes profondes des conflits
armés5(*), c'est la
seconde qui nous intéresse davantage. Car nos « efforts sont
actuellement centrés sur le moyen de progresser dans la mise en oeuvre
d'une stratégie de prévention structurelle, qui traiterait des
causes politiques, sociales, culturelles, économiques, environnementales
et autres causes structurelles qui sont souvent à la base des
symptômes immédiats de conflits armés ».
III. 3- La société pluriethnique
Les situations de contacts entre groupes ont le plus souvent
abouti à la coexistence, au sein d'une même structure politique,
l'État classique notamment, de groupes territorialisés ou non,
différenciés selon des clivages linguistiques, religieux,
socio-économiques et politiques. Les termes utilisés pour
désigner ces groupes différenciés par des
réalités culturelles propres sont très variés. Sans
prétendre à une quelconque exhaustivité, il faut rappeler
que l'on parle de minorités linguistico-culturelles, de minorités
ethnico-culturelles, de minorités nationales, d'ethnies, de
communautés ethnico-nationales, de mouvements régionaux,
autonomistes, indépendantistes etc. Les théories de la
dépendance, du colonialisme intérieur et le paradigme
centre-périphérie nous renseignent cependant que ces
réalités culturelles convergent toutes vers deux types de
sociétés que sont la société pluriethnique et la
société polyethnique.
La société pluriethnique fait
référence à une société dont la descendance
ancestrale plus ou moins connue des populations est différente. Elle est
une société dans laquelle coexistent à l'intérieur
d'un Etat donné, plusieurs nations. Dans ce cas, c'est l'incorporation,
volontaire ou non (par constitution d'une fédération ou par un
processus de conquête), de diverses nations au sein d'une entité
politique plus vaste qui est la source du pluralisme culturel. C'est l'exemple
du Canada avec le cas du Québec, et de l'Union européenne si elle
devenait une fédération dans le futur.
Une société polyethnique, en revanche, est une
société où la source de la diversité culturelle
renvoie à l'immigration. Le pluralisme culturel résulte ici du
fait qu'un pays a accepté ou accepte encore d'accueillir des immigrants.
Ceux-ci n'occupent en effet pas un territoire défini, mais sont plus ou
moins disséminés sur le territoire national.
Les aspirations de ces deux types de groupes culturels que
l'on retrouve au sein des sociétés polyethnique et pluriethnique,
sont foncièrement différentes. Dans la situation de la
société pluriethnique, nous avons affaire à des
« minorités nationales » dont le principal souci est
de se préserver comme des « sociétés
distinctes » à côté d'autres cultures. La
principale revendication de celles-ci serait alors l'autonomie. En ce qui
concerne le second cas qui est celui de la société polyethnique
par contre, on a plutôt affaire à des « minorités
culturelles » qui veulent s'intégrer dans la
société. Le cas qui nous intéresse dans le cadre de notre
analyse, est le premier, c'est-à-dire la société
pluriethnique ou multinationales dont un exemple typique est la
société camerounaise : État caractérisé
par sa multiplicité de groupes ethniques.
III. 4- La politique de
l'« équilibre régional »
La PER est une forme de justice politique propre à la
société Camerounaise. Elle est un ensemble de règles
juridiques et de mesures politiques qui consiste en la diversification
ethno-régionale du recrutement dans les instances politiques et dans les
administrations publiques, en la répartition territoriale
équitable des investissements publics et en l'octroi des avantages aux
ressortissants des régions défavorisées dans les domaines
tel que l'éducation.
En tant que telle, la PER consacre entre autres principes la
négociation comme principe d'action politique afin de concilier les
contraires, l'équité comme principe de régulation de la
représentation politique au sein des instances nationales, la division
territoriale du pouvoir (décentralisation) comme dimension
complémentaire de la séparation des pouvoirs et facteur de
l'épanouissement des groupes, la consécration de la
communauté ethnique et de l'individu comme fondement dual et
complémentaire de la démocratie6(*).
Les mécanismes institutionnels consacrés par la
PER, et ses structures spécifiques aident ainsi à mettre en place
un cadre approprié pour l'expression du pluralisme ethnique. Ce qui
revient en somme pour cette forme de justice politique (PER), à aller
dans le sens de la conciliation de la diversité et de
l'égalité dans la loi constitutionnelle, des législations
et des institutions, et à prendre en considération la
diversité dans les politiques de formation, de recrutement dans les
administrations, dans la représentation au sein des instances politiques
nationales et locales.
IV. L'INTÉRÊT DU
SUJET
L'apport des sciences sociales dans un domaine aussi sensible
que celui de la prévention des conflits en milieu pluriethnique devrait
être en mesure de contribuer à l'élaboration de solutions
susceptibles d'assurer la promotion de la démocratie et la
prévention des conflits induits par les affrontements inhérents
au renforcement du caractère pluriculturel de la plupart des
sociétés contemporaines. D'où l'importance de cette
recherche qui revêt un intérêt social et scientifique.
IV. 1- L'intérêt social
Le champ de réflexion de cette recherche s'inscrit
dans une perspective essentiellement socio politique. Et en particulier, de
l'élément justice sociale. La justice sociale concernant la
répartition des biens et profits, l'intérêt de cette
réflexion réside indubitablement dans le fait qu'elle
s'intéresse au bien être des populations, et par ricochet d'une
part à l'accès aux ressources sociales de l'ensemble des membres,
et d'autre part la réduction des injustices sociales, gage du maintien
de la paix dans la société.
En outre, cette recherche vise, au-delà de la
pacification des relations entre les groupes ethniques, la prise en
considération de la nécessité de l'épanouissement
des communautés qui constituent la société
camerounaise.
IV. 2- L'intérêt scientifique
La pensée multiculturelle qui oriente notre recherche
tente de situer le multiculturalisme et la politique de la différence
identitaire dans le cadre de la démocratie moderne. En effet, celle-ci
soutient que la reconnaissance des identités communautaires peut
favoriser la citoyenneté participative et la recherche de biens
communs ; et, avance en outre que la reconnaissance de droits «
différentiels » peut, dans certains cas, permettre d'appliquer
l'esprit des principes de base du libéralisme que sont l'autonomie et la
liberté des individus.
Au regard de ces travaux autour de la question de la
société multiculturelle, il est à noter que notre
réflexion qui s'intéresse à la Per s'inscrit dans la
logique multiculturaliste. Ainsi vise-t-elle, à appliquer cette logique
à la Per que nous visons à analyser sur la base des
données historiques, juridiques et politiques issues de la
société camerounaise.
D'où la combinaison des éléments
fondationnels et conséquencialistes que nous faisons dans le cadre de
cette recherche, afin de comprendre si la Per, telle qu'elle est
appliquée au Cameroun, est à même d'éviter à
cet état une éventuelle confrontation interethnique.
V. LA REVUE DE
LITTÉRATURE
Pour avoir quelques chances d'avancer dans notre recherche,
il est certainement indispensable de commencer par réexaminer les
positions dominantes dans le champ de la pensée au sujet de la
société pluriculturelle. Aujourd'hui, des communautés ou
des groupes se distinguant par des convictions philosophiques, religieuses ou
morales, ainsi que par des spécificités culturelles, des modes de
vie, vivent sur le même territoire. Suscitant de ce fait la
préoccupation qui est celle de savoir quels principes politiques vont
régir leur coexistence tout en reconnaissant leurs différentes
identités ? Plusieurs courants de pensée vont se
développer autour de cette question dont la théorie du
multiculturalisme,», la pensée communautarienne et la
théorie de l'égalité différenciée.
V. 1- Le courant multiculturaliste
C'est sur la base de la reconnaissance identitaire que les
revendications de reconnaissance se font de plus en plus présentes sur
la scène publique dans les sociétés contemporaines.
Répondre aux demandes de reconnaissance qui émanent des groupes
minoritaires des sociétés multiculturelles impose dans ces
espaces que l'on trouve des réponses aux revendications identitaires.
D'où la nécessité d'inventer des « politiques de
reconnaissance » adaptées à cet effet. C'est ce qui
amène le philosophe canadien Will Kymlicka à faire appel à
la notion de « justice ethnoculturelle » pour
défendre l'idée de la nécessité de faire droit aux
revendications identitaires qui s'expriment dans les espaces publics
nationaux.
Ces revendications identitaires exigent en effet en plus du
dispositif des droits individuels, un ensemble de droits spécifiques dus
à des groupes minoritaires dans un État. « Dans une
société qui reconnaît des droits spécifiques aux
groupes, les membres de ceux-ci participent à la communauté
politique non seulement en tant qu'individus, mais également par
l'entremise de leur groupe ; leurs droits dépendent donc en partie
de leur appartenance à un groupe7(*). »
Ils ont, à titre indicatif, besoin que leur soient
garantis entre autres droits, le droit à une certaine autonomie
politique, des droits de représentation politique, des droits
linguistiques, un droit de veto sur des questions concernant leur culture etc.
Ce qui rend nécessaire la redéfinition du paradigme traditionnel
de la citoyenneté pour y intégrer la notion de la
différence, des droits culturels et collectifs, et assurer ainsi, la
reconnaissance des droits spécifiques aux minorités afin de
préserver l'identité de celles-ci face à la culture
majoritaire.
Ces dispositions permettent par la même occasion de
lutter contre les inégalités. Étant entendu que certains
handicaps représentent en effet de véritables atteintes à
la liberté et à l'autonomie de soi. L'égalité de droit des êtres humains
étant, en allant dans le sens de Dworkin, en fait la condition implicite
de toutes les théories modernes de la justice.
Les droits collectifs dont il s'agit ici, pour aller dans le
sens de Kymlicka, font référence aux droits spéciaux de
représentation politique, aux droits linguistiques et aux droits
territoriaux particuliers à un groupe pour des besoins de protection
contre toute contrainte extérieure. Ils ne sont par ailleurs nullement
antinomiques aux droits individuels. Car faire droit à ceux-ci n'entre
pas pour autant en contradiction avec les droits des individus appartenant
à ces groupes. Les droits collectifs excluent d'office la violation des
droits des individus par le groupe dont ils font partie mais protège
à contrario ceux-ci contre toute contraintes interne et favorisent en
outre, l'équité dans les rapports entre groupes8(*). Le fait d'accorder des droits
spécifiques à un groupe ne vise donc pas à affirmer la
primauté de la communauté sur l'individu, mais plutôt
à répondre à un besoin de justice.
Par ailleurs, la création du lien social dans le cas
d'espèce n'émane pas de la référence à des
institutions politiques communes, mais plutôt de la reconnaissance, par
l'État des droits culturels spécifiques. Les individus sont
portés par cette reconnaissance, à cultiver une double
identité. L'identité par laquelle ils sont membres de leurs
communautés culturelles, et celle par laquelle ils sont citoyens d'un
État qui leur offre la possibilité de cultiver leurs
particularités. Ce qui facilite l'intégration et l'inclusion de
ceux-ci dans la communauté étatique. Cette reconnaissance des
particularités culturelles est fondée sur l'idée selon
laquelle le sujet humain est définit non pas seulement par son
identité individuelle distincte des autres, mais bien aussi par son
appartenance à une communauté qui donne en fait un contenu
à cette identité. Bien que cette théorie corresponde
à la réalité des sociétés contemporaines, il
faut noter que son application pose quelques difficultés.
C'est ce qui amène Sylvie Mesure et Alain Renaut, dans
leur analyse, à souligné les difficultés pratiques que
pourrait rencontrer la mise en oeuvre du programme d'intégration des
droits collectifs dans le patrimoine libéral tel qu'il est
élaboré par Will Kymlicka. Entre autres difficultés, il
s'arrête sur celle qui concerne la nature du lien social que pourrait
déterminer la prise en compte des droits collectifs.
Selon Kymlicka, les individus sont portés à
cultiver, en réalité, une double identité. Celle par
laquelle ils sont citoyens d'un État qui leur offre la
possibilité d'inclusion. Aux yeux de Mesure et de Renaut, cette position
est grosse de difficultés sérieuses. « Il est en effet
permis de se demander s'il y a véritablement place pour un schéma
où l'accès à une culture commune ne supposerait pas le
sacrifice des valeurs de la culture d'origine9(*). »
Ils relèvent également la difficulté qui
concerne le problème de l'articulation entre le principe de la
reconnaissance des droits collectifs et l'exigence de respect des
libertés individuelles à l'intérieur de chaque groupe. Les
crans d'arrêt imposés par Kymlicka aux droits collectifs
soulignent-ils, ne seraient pas suffisants sans un « accord explicite
et formel entre la société globale et les groupes
(...) »10(*),
accord dans lequel chaque groupe s'engagerait à combattre toute pratique
discriminatoire, à défaut de quoi tous ses droits spéciaux
seraient supprimés. Impliquer la reconnaissance des droits collectifs.
Dans cet exemple, On voit en effet que les droits collectifs ont
primauté sur les droits individuels, ce qui en rend le principe
plutôt redoutable. C'est ce qui les amène à la conclusion
selon laquelle la solution préconisée par Kymlicka, notamment en
termes de droits collectifs, serait plutôt
« suicidaire » pour le libéralisme. La
reconnaissance des identités culturelles doit, soutiennent-ils, servir
des intérêts individuels et non collectifs C'est parce que les
données culturelles font partie des réalités par
lesquelles les individus souhaitent se définir, se constituer et se
déterminer qu'ils peuvent être admis comme droits.
V. 2- Le courant communautarien
Développée aux Etats-Unis et au Canada depuis
la fin des années soixante-dix, le communautarisme propose, contre les
excès et les manifestations triviales de l'individualisme
libéral, la reconstruction du lien social sur le modèle du lien
intercommunautaire. La notion de dignité égale est comprise ici
comme respect des différences et des identités collectives qui
constituent un État. La reconnaissance ne renvoie pas à ce par
quoi tous les individus se ressemblent (identité de dignité
égale et universelle), mais au fait non moins universel d'avoir chacun
une identité propre et d'être situé dans une culture
particulière.
Ici, l'idéal de non discrimination est
interprété comme requérant la prise en compte des
distinctions ou des différences entre individus comme entre les groupes.
Rien n'empêche dès lors qu'une société
libérale intègre des desseins collectifs et promeuve certaines
formes de vie, sans devoir manquer de respect et de considération
à l'égard de ceux qui ne partagent pas les mêmes
desseins :
Une société dotée de puissants desseins
collectifs peut être libérale, pourvu qu'elle soit capable de
respecter la diversité - spécialement lorsqu'elle traite ceux qui
ne partagent pas ces visées communes - et pourvu aussi qu'elle puisse
offrir des sauvegardes adéquates pour les droits fondamentaux
C'est ce qui amène Taylor, l'un des principaux tenants
de ce courant, à retenir, autant que Kymlicka, les mêmes
restrictions : à condition de garantir les mêmes droits
fondamentaux pour tous (droit à la vie, à la liberté de
pensée et d'expression, à la liberté de religion...), une
société peut promouvoir des exigences collectives sans pour
autant cesser d'être libérale. C'est ce qui le conduit à
l'adoption d'un libéralisme dit « hospitalier » aux
différences, dans lequel les droits fondamentaux étant
préservés, des formes particulières de culture peuvent
avoir droit de cité en bénéficiant de garanties publiques.
« Reconnaître ces identités affirme-t-il, n'est pas une
politesse qu'on fait aux gens, mais un droit humain fondamental11(*). »
Ainsi que nous le renseignent les deux courants de
pensée ci-dessus mentionnés, c'est donc sans doute beaucoup plus
au niveau des stratégies politiques qu'au niveau des principes que
s'opposent les théoriciens de la société multiculturelle.
En fait, la notion de droits collectifs n'exprime pas forcément une
philosophie communautarienne, et rien n'empêche qu'une théorie qui
prend pour point de départ les intérêts individuels
intègre des droits collectifs comme étant impliqués par ce
principe du respect des droits individuels. Dans leur critique de la notion de
droits collectifs développée par Kymlicka, Mesure et Renaut
mettent bien l'accent sur ces difficultés pratiques.
V. 3- La théorie de l'égalité
différenciée
Notre préoccupation de départ est
abordée par cette théorie sous l'angle du devoir de l'État
vis-à-vis de l'individu. Le problème dominant ici est celui du
traitement différent des citoyens ou non par l'état. Ce
problème connaît dans la théorie politique contemporaine la
réflexion des auteurs tel le philosophe américain juriste Dworkin
qui, en se servant des éléments factuels de la
société multiraciale américaine, construit sa vision du
droit. Selon lui, au-delà des règles12(*), il existe un certain nombre
de principes qui possèdent eux aussi un caractère juridique.
C'est dire que le droit se compose non seulement de règles
précises, mais aussi de standards généraux qui permettent
au juge et au plaideur de remédier aux incertitudes et aux lacunes de la
loi proprement dite. D'où, estime-t-il, la nécessiter de
procéder par la voie de l'interprétation.
À ses yeux, tout problème concret auquel la loi
n'apporte pas de solution précise peut être tranché
grâce à une interprétation correcte, non seulement des mots
de la loi, mais aussi et surtout d'un ensemble de pratiques sociales, de
valeurs et de croyances qui sont à la base du système de
solutions juridiques. Cette interprétation réside en un principe
qui est le principe du droit de chaque citoyen à « être
traité comme un égal », qui est le droit non pas de
recevoir la même quantité d'une charge ou d'un profit, mais celui
d'être traité avec le même respect et la même
attention que qui que ce soit d'autre13(*).
C'est également ce devoir de l'État en vers les
individus qui intéresse Mbonda. En s'appuyant sur Dworkin, il soutient
que l'on peut admettre dans certaines situations qu'une politique
défavorise certains individus (ou groupes) pour en soutenir d'autres,
à condition qu'elle ait pour objectif de réaliser l'idéal
d'égale attention due à tous les citoyens (et à tous les
groupes). C'est pourquoi la conviction juridique, c'est-à-dire
« le droit à l'égalité », peut
être limitée au nom de l'équité, qui, elle, est
entendue ici comme le « droit de chaque citoyen d'être
traité comme un égal ». D'où la justesse,
dit-il, d'une politique qui fixe pour chaque région les pourcentages des
biens et charges sociaux devant leur revenir, et qui veut assurer une certaine
représentativité des régions ou même des ethnies
dans le gouvernement et les plus hautes fonctions de l'État14(*). C'est ce qu'il appelle la
« justice ethnique »; justice qui, dans le principe, est
une politique juste du point de vue du droit et efficace du point de vue de la
politique de la sauvegarde de la paix.
En somme, la théorie politique contemporaine laisse
entrevoir un espace de prise en charge politique des identités
culturelles. Cet espace fournit des références comme le respect
des droits individuels, la reconnaissance des droits culturels, la prise en
compte des différences pour le maintien d'un lien social et politique
solide entre les individus et entre les groupes coexistant dans la même
société. Il connaît trois approches dont le
multiculturalisme, le communautarisme et la pensée de
l'égalité différenciée.
La première approche atteint sa fin en prônant
la reconnaissance de l'identité culturelle des citoyens par
l'État, la seconde exige la reconnaissance publique des
communautés humaines pendant que la troisième opte pour un
traitement différent des groupes au sein de la société
politique. L'analyse des imbrications de ces différentes tendances dans
la production des représentations nationales constitue indubitablement
un effort intellectuel indispensable à la compréhension d'une
organisation des sociétés contemporaines orientée vers la
prévention des conflits de ce nouveau type. D'où la
considération de l'émergence de nouveaux nationalismes et des
minorités : grâce à l'arrivée de la
démocratie, et du rôle de l'État face à ces
réalités sociales, comme les grands axes de notre
problématique.
VI. PROBLÉMATIQUE
Le mouvement de l'histoire politique contemporaine du monde
permet de percevoir les enjeux fondamentaux de la problématique des
sociétés pluriethniques. L'universalisme libéral qui a
été longtemps perçu comme l'essence même du
progrès de la civilisation est en effet contredit par un second
phénomène d'une ampleur comparable : c'est le retour en
force des "valeurs" identitaires, perçues comme un recours contre le
désespoir engendré par l'état des rapports sociaux. C'est
ce qui motive cette recherche qui consiste à comprendre comment
prévenir les affrontements interethniques au sein des
sociétés pluriethniques. Et ce, en analysant les mesures
institutionnelles érigées à cet effet (La PER) au sein du
Cameroun qui représente un cas typique des sociétés
pluriethniques.
Au Cameroun, ainsi que partout ailleurs sur le continent
africain, la problématique de la répartition des ressources
sociales est d'une importance capitale. Ce pays d'Afrique centrale, est non
seulement traversé par des clivages d'ordres divers, mais fait
également face à un manque criard des ressources auxquelles
aspirent ses citoyens. Dans ce contexte où les circonstances de la
justice pour reprendre Hume, c'est-à-dire la rareté (circonstance
objective) et la pluralité (circonstance subjective)15(*) ne sont plus à
démontrer, la question de la justice se pose désormais en terme
de redistribution des ressources sociales entre les différentes
communautés ethniques qui peuplent cet État.
En outre, la diversité ethnique de la
société camerounaise impose des difficultés que sont
notamment la répartition des ressources sociales dans un contexte
politique marquée par la prépondérance des
allégeances ethnico-régionales, et celle de la garantie de la
paix sociale lors de la confrontation des idées nécessaire
à la redistribution des biens et charges sociaux à
quantité restreinte16(*) qui prend très souvent une dimension
identitaire et se transforme en des différents interethniques.
D'où l'exigence d'une investigation adéquate pour parvenir
à notre finalité qui est celle de comprendre la capacité
de la PER à prévenir les guerres interethniques au sein de la
société camerounaise.
La préoccupation dès lors est celle de
comprendre si la stratégie élaborée par l'autorité
politique camerounaise en vue de permettre l'accès aux ressources
sociales à l'ensemble des communautés ethniques peut contribuer
à éviter une implosion sociale ? Autrement dit, les mesures
politico-juridiques érigées par le système politique
camerounais afin de réaliser la juste répartition les ressources
sociales entre les différentes communautés ethniques peut-elle
concourir à maintenir la paix sociale au Cameroun ? Mieux encore,
la politique de l'« équilibre régional »
est-elle une justice politique à même d'éviter que les
velléités revendicatives qui émanent des groupes ethniques
aboutissent à un conflit interethnique au Cameroun ?
VII. HYPOTHÈSE
La politique de l'équilibre régional, tout en
s'inscrivant dans la perspective multiculturaliste, constitue un ensemble de
règles communes qui régissent la coexistence et
l'intégration des différentes communautés
ethniques dans la structure politique camerounaise. En tant que telle, elle
définit les modalités de répartition entre ces
différentes sensibilités ethniques, aussi bien dans
l'administration publique que dans les principales institutions du pouvoir du
pays : contribuant de ce fait à la prévention des conflits
interethniques au sein de l'État du Cameroun.
VIII. LE CADRE
MÉTHODOLOGIQUE
Notre exercice qui consiste à analyser la PER pour
comprendre si elle peut prévenir les conflits interethniques au Cameroun
nous exige d'une part à comprendre la genèse de la PER, et
d'autre part les enjeux de pouvoir et les motivations des acteurs sociaux au
sein de cette société. D'où le recours tour à tour
à la méthode génétique et à l'analyse
stratégique.
VIII. 1- La méthode
génétique
Dans l'optique de comprendre si la PER est à
même de prévenir les conflits interethniques au Cameroun, nous
faisons appel à la méthode génétique pour
comprendre l'évolution de la PER dans ce pays. Ainsi allons-nous faire
usage de cette méthode afin de comprendre l'origine de cette forme de
justice politique, c'est-à-dire les antécédents, les faits
générateur de celles-ci au sein de la société
camerounaise.
VIII. 2- L'analyse stratégique
L'analyse stratégique s'avère elle aussi
indispensable à cette recherche. Car, parvenir à notre fin exige
que l'on analyse à la fois les motivations, les relations de pouvoir et
les intérêts des protagonistes représentés ici par
les différentes composantes ethniques du Cameroun.
L'analyse de la PER renvoie en définitive, à
faire recours à la méthode génétique et à
l'analyse stratégique qui nous aident d'une part à cerner la
genèse de la PER dans la société camerounaise, et d'autre
part les enjeux de pouvoir qui opposent les groupes ethniques au sein de cette
société.
IX. ARTICULATION ET JUSTIFICATION
DU PLAN
Faire au préalable une rétrospective des
tensions sociales qui ont jalonné l'histoire sociopolitique du Cameroun,
et des théories politiques et des normes juridiques
développées autour de la question de la multiculturalité
s'avère nécessaire, avant de souligner les enjeux de la PER dans
la société camerounaise et les conséquences palpables de
l'application de cette justice politique sur cette société
pluriethnique d'Afrique centrale.
C'est ce qui justifie la construction de notre recherche sur
deux principales parties. La première partie qui porte sur les
éléments fondationnels de la PER comporte deux chapitres qui
s'occupent l'un après l'autre, de l'analyse des faits sociaux
sous-jacents à la PER, et de la théorie politique et des normes
développées autour de la question de la justice politique. La
deuxième partie est elle aussi répartie en deux chapitres qui
eux, s'intéressent respectivement aux enjeux sociaux et aux
éléments conséquencialistes de la PER.
PREMIERE PARTIE : LE CAMEROUN ET LA POLITIQUE DE
L' « EQUILIBRE REGIONAL »
L'histoire politique du Cameroun est l'une des plus riches et
des plus originales en Afrique. Placé sous protectorat allemand, puis
sous mandat franco-britannique, cet état d'Afrique centrale compte
plusieurs groupes ethniques (plus de deux cents tribus), près de 236
langues vernaculaires, deux langues officielles (Français et Anglais) et
deux Etats fédérés jusqu'en 1972. On y observe trois
espèces de clivages identitaires d'origines différentes. La
première est occasionnée par la répartition du Cameroun en
deux zones géographiques issues du double héritage
anglo-français. Le second clivage quant à lui est dû
à l'opposition entre la partie septentrionale du pays en majorité
musulmane et le sud chrétien. Et la multiplicité des ethnies qui
peuplent le pays s'illustre comme la troisième espèce de ces
clivages. D'où les solutions des « microdosages
ethniques » qui prévaut au sein de ce pays en vue d'assurer la
représentation de toutes les composantes identitaires de la
société camerounaise et prévenir par la même
occasion tout éventuel conflit susceptible d'aboutir à une
conflagration sociale. Ces clivages sont d'ailleurs nettement perceptibles dans
(Chapitre I) la montée des tensions interethniques, pendant que les
fondements de leurs résolutions tiennent leur substance de (Chapitre
II.) de la théorie politique et des normes développées en
réponse à la problématique de la pluriethnicité des
sociétés contemporaines.
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS
ETHNIQUES ET LA MONTEE DES TENSIONS SOCIALES
Le Cameroun est traversé de l'ère du
monopartisme à l'époque de la libéralisation
démocratique par des tensions interethniques dont les manifestations se
donnent à voir dans les revendications des différents groupes
ethniques. Depuis l'avènement de la démocratie multipartite au
début de la décennie 90, les tensions ethniques ont gagné
en vitalité et en intensité. La démocratie a en effet
ouvert des espaces de liberté aux citoyens qui se sentaient
étouffés, et du coup, nombre d'entre eux ont trouvé plus
simple de s'exprimer à travers des regroupements reflétant leurs
régions ou leurs ethnies. Mieux saisir cette réalité
revient à analyser tour à tour (Section I.) la constitution des
ethnies en entités de revendications sociales, et (Section II.) les
revendications sociopolitiques qui émanent de ces groupes ethniques
ainsi constitués.
SECTION I- LA CONSTITUTION DES COMMUNAUTÉS ETHNIQUES EN
GROUPES DE REVENDICATIONS SOCIALES
La quasi-totalité des sociétés
contemporaines font de plus en plus face à la problématique du
multiculturalisme. Le sentiment d'appartenance des citoyens à une
communauté ethnico-culturelle y est très fort, dû
certainement à l'identification des individus en référence
à leurs appartenances identitaires ou à leurs sensibilités
ethnico-culturelles. Cerner (Paragraphe 1) les modes d'identification des
groupes ethniques, et analyser (Paragraphe 2) l'adaptation de ces groupes dans
leurs rapports sociopolitiques aidera à mieux comprendre cette
réalité sociale au Cameroun.
Paragraphe 1- L'identité ethnique des
individus
Dans l'espace sociopolitique camerounais, l'ethnie est
très déterminante en ce sens qu'elle sert de levier de
positionnement et de mode d'identification des individus. Elle
représente un matériau fonctionnel de l'identification des
groupes, leur intégration, leur opposition et leur distinction. Saisir
avec exactitude cette entité exige que l'on évoque au
préalable (1) les caractéristiques du groupes ethniques avant de
(2) repérer leur mode d'identification et d'adaptation dans les rapports
sociaux, culturels et politiques.
I. 1- Les
caractéristiques de l'ethnie
L'étymologie grecque « ethnos »
permet de comprendre que le terme ethnie renvoie à un peuple, une
nation, c'est-à-dire un groupement humain défini par son
appartenance génétique et sa culture. Elle se caractérise
« par son mode opératoire, dans ses relations avec le
temps, la territorialité, celles des individus qui la composent et leurs
interactions, sa définition du dedans et du dehors, du nous et des
autres. L'identité ethnique n'est pas de l'ordre du choix. Elle est
prédestination et se projette comme destin immuable. Sa valeur unique
tient à sa perpétuité, à sa durée
interminable dont les deux bouts plongent dans l'éternité .Son
espace est terre sainte, lieu sacré, situé qu'il est au centre du
monde. Plus concrètement et fonctionnellement, il est un lieu, un milieu
de vie, de pensée et d'action dans lequel un individu ou un groupe se
reconnaît, dote ce qui l'entoure de sens et se dote lui-même de
sens, met en route un processus identificatoire et identitaire17(*). »
Ainsi définie, l'ethnie fonctionne comme un
référent, un cadre formel dont la commodité
opératoire permet non seulement de l'isoler et de faire
référence à son « signifiant », mais
elle tient aussi la place d'un sujet auquel on reconnaît assez
d'existence pour pouvoir lui attribuer des énoncés, des
événements, des rapports sociaux. De ce fait, on fait le constat
d'un groupe repéré comme tel, constitué historiquement sur
un territoire déterminé, possédant des
particularités linguistiques, culturelles, ainsi que la conscience de
soi (par opposition à d'autres) et fixé dans
« l'auto-appellation »18(*). C'est ce qui explique le regroupement des individus
en des entités nettement repérables dans l'espace et dans le
temps.
I. 2- L'ethnie et la
participation au pouvoir politique
L'identité ethnique qui témoigne du sentiment
d'appartenance des individus, ajoutée à la multiplicité de
celle-ci, est au Cameroun une source de difficulté. Ici, la
quasi-totalité des revendications sociales apparaissent sous la
bannière du sentiment d'appartenance ou d'attachement à une
communauté ethnique distincte des autres. Ainsi, les luttes pour la
reconnaissance citoyenne sont-elles orientées vers l'obtention d'un
certain nombre de privilèges sociaux et économiques, en
général liés à la participation au pouvoir
politique19(*). C'est ce
qui justifie la politisation du sentiment identitaire par les acteurs
politiques. Ceux-ci actionnent le sentiment d'appartenance en temps opportun,
en s'identifiant sur la base d'une opposition entre groupes ethnique20(*). A cet effet, les limites de
l'ethnie ne sont pas immuables. Ils les produisent et les manipulent à
leur guise. Ils s'appuient sur un substrat culturel, historiquement construit
et transmis par la socialisation, dont certains traits sont
sélectionnés comme symbole de différenciation.
Tout ceci renseigne à souhait sur le mode de
conquête et de fonctionnement du pouvoir politique. Il est en grande
partie producteur du phénomène de l'ethno-tribalisme
marqué par la volonté d'un groupe ethnique qui ambitionne
d'accéder au pouvoir de développer des stratégies
s'appuyant sur la fibre du sentiment ethnique pour la conquête du
pouvoir. Pendant que celle du groupe ethnique au pouvoir pour sa part consiste
à contrôler tous les circuits de décisions,
d'exécution et de redistribution des ressources du pays21(*). Les groupes ethniques, du
fait de ce climat de discorde, deviennent alors séparés par des
distances sociales et psychologiques fondées sur des
préjugés et des traditions d'hostilité savamment
entretenues par les acteurs politiques22(*). L'ethnicité est dès lors,
utilisée comme un moyen de mobilisation dans les compétitions
pour l'accès aux ressources par les leaders politiques, et par ailleurs
par les populations qui la considèrent comme un bon moyen de
défendre leurs intérêts. D'où l'importance pour les
politiques d'intégration nationale D'opter pour une réflexion et
pour une organisation politique qui prennent à la fois en compte la
participation effective des peuples et les équilibres nécessaires
à une cohésion sociale durable.
Paragraphe 2- Communauté ethniques et justice
politique
Contre les excès de l'individualisme et
l'incapacité des politiques sociales issue de la théorie
politique libérale, de résoudre les problèmes de la
société multiculturelle, le courant multiculturaliste construit
le lien social sur les relations interculturelles. Cette politique tient ses
fondements principalement (1) des paramètres de la définition de
l'identité du sujet en milieu pluriethnique et de (2) la
considération des communautés ethniques comme entités
légitimes de revendication.
II. 1- L'identité de
l'individu en milieu pluriethnique
La définition de l'individu en milieu multiethnique,
pour reprendre Mbonda, s'opère en référence à trois
niveaux d'identité. Le premier niveau qui est le niveau individuel est
celui qui concerne le sujet dans sa singularité, c'est-à-dire
dans ce qui le définit en tant qu'être distinct des autres
êtres. La question « qui es-tu » appellerait à
ce niveau la réponse du type « Je suis x »
possédant tels traits physiques et psychiques particuliers. Pour ce qui
est du second niveau de l'identité, il renvoie à l'appartenance
de l'individu au groupe clanique, tribal ou ethnique dans lequel il est
né et socialisé. L'identité est déclinée ici
en référence au groupe ethnique dont fait partie l'individu. On
ajoute par ce fait à son hérédité biologique et
psychologique qui fait sa singularité, l'héritage culturel qui le
relie à une communauté particulière distincte d'autres
communautés ». Le troisième niveau de l'identité
quant à lui rattache l'individu à un ensemble encore plus vaste,
où le singulier se définit par son insertion dans l'espèce
humaine universelle23(*).
Si l'on s'arrête sur le second niveau de
définition de l'individu qui nous intéresse dans ce cas, on
comprend mieux pourquoi l'appartenance d'un individu à un groupe
ethnique compte pour lui autant que les deux autres paramètres de la
définition de l'identité : individuel et universel24(*). La définition de
l'individu camerounais en référence non seulement à ce qui
le caractérise comme personne distincte des autres, mais aussi par
rapport au groupe auquel il appartient, c'est-à-dire à sa
communauté culturelle, serait alors de ce fait justifié25(*). Et les revendications
sociales faites sous la bannière de l'appartenance identitaire
légitimées.
II. 2- La justice politique et
l'identité ethnique
Mieux comprendre la liaison entre justice politique et
identité ethnique en milieu pluriethnique, revient à comprendre
qu'ici, non seulement est pris en compte la qualité de sujet libre de
l'individu (sujet autonome, porteur d'une dignité et d'une
inviolabilité en tant que personne humaine), mais aussi son statut de
membre d'une communauté ethnique précise. C'est à ce titre
Que le principe cardinal du modèle libéral du sujet du droit qui
implique l'inviolabilité de l'individu qui fait son principal
mérite, est mieux interprété ici car il exige toujours en
vertu de ce principe de l'inviolabilité de l'être humain, que
toute politique de justice implique la reconnaissance des identités
ethniques.
Reléguer les identités ethniques dans la
sphère privée au nom de la promotion de la liberté et de
l'égalité comme le font les libéraux serait de ce fait
illégitime. En faire plutôt une reconnaissance publique et
politique correspondrait mieux aux aspirations de l'individu. Car c'est
également au nom des mêmes principes de liberté et
d'égalité que ces identités se manifestent
publiquement ; non pas au préjudice des valeurs de la
liberté individuelle, mais en vue de les promouvoir davantage26(*).
En plus de le singulariser et de le particulariser,
l'identité d'un individu le rattache à une communauté. Le
respect de cette communauté pour reprendre Charles Taylor,
« n'est pas simplement une politesse que l'on fait aux gens : c'est
un besoin humain vital27(*) ». D'où la nécessité
de considérer la communauté ethnique comme des entités
légitimes de revendication des avantages sociétaux en milieu
pluriethnique. C'est ce qui justifie le fait que les citoyens des
sociétés contemporaines (principalement
caractérisées par la pluriethnicité), bien qu'appartenant
à un pays commun, s'identifient toujours à leur groupe ethnique
pour défendre et faire valoir leurs revendications sociopolitiques.
SECTION II- REVENDICATIONS
ETHNIQUES ET RISQUES DE CONFLITS
Au Cameroun, les replis identitaires s'imposent à divers
niveaux de la scène nationale. Cerner ce phénomène exige
que l'on s'intéresse l'une après l'autre, (Paragraphe 1) aux
revendications ethniques qui trouvent un terreau fertile dans l'ère de
la libéralisation démocratique, et (Paragraphe 2) aux réclamations des populations
autochtones et des groupes ethniques minoritaires.
Paragraphe 1- Les clivages ethnico-politiques au
Cameroun
L'histoire politique du Cameroun renseigne qu'il est
traversé autant à l'ère du monopartisme qu'à
l'époque multipartiste par des tensions ethniques plus ou moins vives.
Mieux saisir ce phénomène impose que l'on évoque (1)
l'expression sociale de ce phénomène, et (2) l'ethnicisation de
l'arène politique camerounaise.
I. 1- L'expression sociale des
clivages ethniques au Cameroun
La réalité des clivages sociaux s'impose comme
une source de difficultés politiques. Elle apparaît dans la
majorité des cas, sous la bannière de l'identité ethnique.
Il s'agit des replis identitaires qui s'expriment de plus en plus sur la
scène publique camerounaise. Le sentiment tribal ou la conscience de
l'identité ethnique jouent en effet ici, un rôle important dans la
détermination des rapports entre les individus et l'État. Les
revendications adressées à l'État visent
généralement à obtenir des avantages pour des individus en
tant que membres ou représentants d'une ethnie particulière, ou
pour la localité où cette ethnie est installée ; et
non pas pour tous les citoyens comme l'aurait voulu la politique de
l'unité nationale inaugurée au début des années
d'indépendance en 196028(*).
Ces revendications portent entre autres sur la
réclamation d'une plus grande présence des membres des groupes
ethniques dans les plus hautes sphères de l'État, sur l'exigence
de l'état des dotations au profit de la région dont elles en
émanent. Elles connaissent une accentuation plus forte encore à
l'aube de la libéralisation démocratique avec la formation des
partis politiques toujours à forte coloration ethnique. Les
compétitions électorales sont en effet l'occasion offerte aux
tendances ethniques par l'intermédiaire des formations politiques de se
manifester de manière ostentatoire. Bien que ces formations politiques
aient pour ambition soit de prendre le pouvoir ou d'y participer tout au moins,
il n'en demeure pas moins que les compétitions politiques qui les
opposent soient l'espace par excellence des mobilisations ethniques. Les
slogans et concepts qui en émanent (« Pas de démocratie
sans protection des minorités et des autochtones »,
« Démocratie oui - hégémonie non »,
« La démocratie de la qualité contre l'ethnocratie de
la quantité ») révèlent d'ailleurs non seulement
la nécessité de prendre en compte les différentes
sensibilités ethniques, mais aussi de la protection d'une certaine
catégorie de groupement humain. C'est ce qui illustre l'ethnicisation de
l'arène politique au Cameroun.
I.
2- L'ethnicisation de l'arène politique au Cameroun
Suite à la libéralisation démocratique
au début des années 1990, tous les groupes ethniques nourrissent
l'ambition d'accéder au pouvoir, ou tout au moins d'y prendre part. Les
revendications concrétisées dans les manifestations politiques et
les lettres ouvertes et mémorandums de certains groupes ethniques au
chef de l'état justifient ce phénomène. C'est le cas du
mémorandum adressé au Président par les élites de
la région de l'Adamaoua le 4 octobre 1991, la lettre ouverte des
étudiants de la région de l'Est au président de la
république pour mentionner la sous représentation de leurs
ressortissants dans les hautes sphères décisionnelles de
l'État. Si les auteurs de ces correspondances font tous état de
la sous-représentassions des ressortissants de leur région dans
les postes politico-administratifs, ceux de la province de l'Est mettent
davantage le doigt sur la situation de délaissement et d'exclusion de
leurs populations sur le plan éducatif, économique, social,
infrastructurel etc.29(*)
A côté de ces revendications, il faut noter la
virulente confrontation qui oppose le groupe ethnique Bamiléké
à celui Béti, motivés tous deux par l'ambition de
contrôler le pouvoir politique. Ceux-ci font à cet effet, usage de
toute sorte de subterfuge pour atteindre leur fin. C'est ainsi que, dans le but
de mettre leurs populations en mouvement, les intellectuels et politiques
Bamiléké vont s'affairer à convaincre les citoyens issus
de l'ethnie Bamiléké qu'ils méritent mieux que leur
situation actuelle ; et que la non amélioration de cette situation
est due au blocage des autres groupes ethniques adverses. En outre, Ils
décrient les décisions administratives par les lettres ouvertes
aux autorités. Ils disent en effet que ces décisions
administratives sont antibamiléké et soutiennent qu'elles sont la
manifestation pure et simple de la haine de l'autorité politique
majoritairement représentée par l'ethnie Béti
exprimée à l'encontre des ressortissants de l'ouest Cameroun.
C'est ce qui justifie par exemple la lettre des « intellectuels
Bamiléké » rendue publique par le COSIBA, en 1990, pour attirer
l'attention du chef de l'État sur cette sorte d'apartheid
pratiqué contre les Bamiléké, et pour l'inviter à y
mettre fin30(*).
En retour, les intellectuels et acteurs politiques
Béti vont quant à eux, installer dans l'esprit des membres de
l'ethnie Béti, l'idée selon laquelle ils sont en danger
perpétuel. D'où leur ambition de les en éloigner. Le
danger indiqué ici est représenté par les
Bamiléké qui sont identifiés comme des envahisseurs
hégémoniques qui pratiquent un tribalisme à outrance
contre les Béti. C'est ce qui les amène à soutenir que le
bamiléké ne connaît que son frère ; et que S'il
arrive au pouvoir, rien ne sera laissé aux autres, les béti en
particulier. C'est ce qui justifie les menaces d'embrasement total qu'ils
brandissent en vu de mettre en garde tous ceux qui s'attaqueraient aux
Béti. L'arme de la sécession est également mise en avant
ici. Et ce, sous le prétexte que la partition du territoire camerounais
profiterait largement aux Béti qui possèdent plus de 40% de
l'espace géographique de ce territoire contre seulement 10% pour les
Bamiléké. Et, ce sont les Bamiléké,
soutiennent-ils, qui ont besoin de ce territoire riche en ressource naturelles
pour développer l'économie dont ils disent avoir le monopole. En
fin de compte, l'ethnicisation de l'arène politique par les politiques
laisse nettement entrevoir la menace d'affrontements ethniques qui pèse
sur le Cameroun. L'expression des groupes ethniques autochtones et de la
minorité anglophone n'en est pas moins un danger à ce sujet.
Paragraphe 2- La constitution des populations
autochtones et de la minorité anglophone en entité politique de
revendication
L'anthropologie des sociétés africaines montre
qu'elles sont composées de groupes ethniques aux consciences
identitaires très fortes. Face aux revendications permanentes de ces
groupes ethniques, le problème du passage de la démocratie
quantitative, c'est-à-dire un Homme une voix, à la
démocratie qualitative, autrement dit la prise en compte de ces groupes
comme des unités politiques élémentaires du système
politique s'impose avec acuité. Pour ce qui est du cas du Cameroun, on
observe deux types d'expressions qui émanent de ces types de groupes.
Ainsi peut-on identifier (1) les populations autochtones qui réclament
beaucoup plus de représentation au niveau local, et (2) la
minorité anglophone qui manipule l'arme de la sécession.
II. 1- L'autochtonie et la
revendication locale
Le phénomène de la naissance des lobbies
ethniques à l'ouverture de l'ère démocratique au Cameroun
va toucher l'ensemble de cet État d'Afrique centrale dont les
populations autochtones des grandes villes. Comme le cas du mouvement
sawa pour la défense des intérêts des populations
originaires de la région du littoral du Cameroun. En effet, la sous
représentation des populations autochtones dans leurs localités
d'origine amène celles-ci à faire des revendications en
s'appuyant sur les dispositions constitutionnelles au sujet de la protection
des populations autochtones31(*). C'est ce qui motive par exemple la manifestation des
peuples Sawa de la localité de Douala baptisées " Marches sawa ",
au lendemain des élections municipales du 21 janvier 1996 à
Douala. Marche au cours de laquelle les politiciens issus de l'ethnie Sawa
visaient à protester contre une présumée
hégémonie politique des « Allogènes
bamiléké » sur les « Autochtones
sawa » dans la ville de Douala qu'ils considèrent comme leur
terroir ancestral32(*).
Ces manifestations des populations autochtones de la société
camerounaise est un type particulier de revendications qui s'ajoute aux
tensions sociales qui minent ce pays.
Bien que les revendications politiques émanent de la
quasi-totalité des communautés ethniques au Cameroun, il faut
noter qu'elles connaissent certaines différences. Si quelques unes font
grief de la situation de délaissement et d'exclusion de certaines
communautés ethniques (sur le plan éducatif, économique,
social, infrastructurel), les réclamations issues des populations
autochtones originaires des métropoles mettent davantage le doigt sur
leur sous-représentassions aux postes de responsabilité dans les
représentations communales et régionales de leurs
localités respectives. Il n'y a qu'à s'arrêter sur les
réclamations des populations autochtones des villes de Yaoundé et
de Douala pour s'en convaincre.
Du fait des migrations des autres peuples suite aux
attractions de la ville en effet, les originaires de ces localités sont
en effet mises en situation « d'étouffement » sur
leur propre territoire d'où les revendications de représentation
accrue des natifs des villes de Yaoundé et de Douala respectivement
capitales politique et économique aux postes communaux et
régionaux de leur localité. Les revendications provenant de la
minorité anglophones du Cameroun constituent elles aussi une autre sorte
des tensions sociales qui minent le pays.
II. 2- La menace
sécessionniste
Au Cameroun, la menace sécessionniste concerne la
question de la minorité anglophone qui remonte à 1961, date de la
naissance du condominium franco-anglais. Les élites politiques des deux
territoires avec des legs coloniaux différents : l'un
français et l'autre britannique s'accordent en effet à cette date
pour la formation d'un Etat fédéral. Cependant, le
fédéralisme, estiment la partie anglophone, n'a pas permis une
parité stricte pour ce qui concerne leur héritage culturel et ce
qu'ils considèrent comme leur identité d'anglophone33(*).
Les responsables des mouvements anglophones décrient
la francophonisation de leurs peuples qui se manifeste sur les plans
économique et politique. Au plan économique, ils soulignent
l'imposition à la zone anglophone du franc CFA comme monnaie nationale
au détriment de la livre sterling ; l'attribution de l'exploitation
des gisements du rio del Rey et de Lokele et Mundi à la
société française Elf y est également
relevée dans le but de faire comprendre que la politique
économique est menée en dehors des Etats
fédérés34(*). Sur le plan politique, ils font grief de la
suppression en février 1984 de l'adjectif « unie »
accolé au nom du pays qui devint, dès lors, la
« République du Cameroun ». Ce qui constitue,
considèrent-ils, l'acte final du processus d'annihilation historique de
leur identité particulière. D'où la montée des
revendications sécessionnistes qui mettent au point des scénarios
catastrophe leur permettant de se faire entendre35(*). Ils se réfèrent
alors à l'appellation Southern Cameroon en prétendant que l'Union
entre les deux parties du Cameroun ne repose sur aucune base constitutionnelle,
la procédure de révision de la Constitution
fédérale n'ayant pas été respectée par
Ahidjo, si bien que le Cameroun anglophone se trouverait toujours sous
tutelle36(*).
Avec l'ouverture du débat national sur la
réforme constitutionnelle annoncée le 25 mars 1993, les
élites et associations anglophones se mettent tous ensemble en avril de
la même année au sein d'un même groupe de pression :
l'AAC. Ce groupe politique
avait pour but d'adopter une position anglophone commune au sujet de la
réforme constitutionnelle et d'étudier des questions relatives
à leur développement social. Il va en ressortir la Ière
Déclaration de Buéa qui expose les nombreuses doléances
des anglophones au, sujet de la domination francophone et en appelle à
un retour de l'état fédéral37(*). L'ASC et le SCPC, regroupements nés des cendres de
l'AAC, se lancent communément, pour cette cause du retour à
l'état fédéral ou de la création du Southern
Cameroon indépendant, dans une offensive diplomatique avec la
participation de John Ngu Foncha et de Salomon Tandeng Muna afin de pouvoir
bénéficier de soutiens internationaux au sein de l'ONU et du
Commonwealth. C'est ce qui va aboutir suite au refus de Yaoundé de
discuter de leurs propositions, à la proclamation de
l'indépendance du Southern Cameroon le 3 décembre 1993 par le CAM. Position
entérinée par la deuxième conférence anglophone
organisée à Bamenda du 29 avril au 2 mai 1994. Ils brandissent
à cet effet, la résolution 224-III de l'ONU, en date du 18
novembre 1948 selon laquelle : « Aucun Etat voisin ne peut
annexer le Cameroun méridional. »
C'est dans ce contexte que vont alors suivre les
activités politiques de ceux qui se réclament de l'état du
Cameroun méridional. État virtuel présidé par M.
Justice Frederick Ebong Alobwede sous la bannière du mouvement
autonomiste SCNC qui exige
dans sa bataille, au moins le retour à l'état
fédéral38(*). La répression du gouvernement aboutit le 1er
octobre 2000, date de la réunification du Cameroun, aux violents
affrontements entre l'armée et les sécessionnistes anglophones du
nord-ouest Cameroun qui avaient envahi les rues des villes de Bamenda et de
Kumbo pour célébrer l'indépendance d'une
hypothétique République fédérale du Southern
Cameroon ou république Mbazonie. Le même motif avait
déjà amené le 30 décembre 1999 des
séparatistes à s'emparer des locaux de la
télévision nationale à Buéa, capitale provinciale
du sud ouest Cameroun, pour proclamer sur les ondes l'indépendance de
leur région. C'est toujours dans cet ordre que le 08 janvier 2000, le
drapeau indépendantiste fut symboliquement hissé à
Limbé, sur le littoral de la région du Sud-Ouest
Cameroun39(*). Ce qui fait
comprendre que la pression de la minorité anglophone constituée
en séparatistes, croît de plus en plus au Cameroun.
Tous ces faits sociaux démontrent à souhait que
le Cameroun est traversé par des tensions ethniques d'ordres divers.
Gouverner cet état exige nécessairement la mise sur pied des
mécanismes de satisfaction des demandes légitimes de toutes les
sensibilités ethniques représentées ici. Faute de quoi le
pays risque une implosion sociale. D'où l'intérêt
porté dans cette analyse aux éléments fondationnels,
c'est-à-dire à la théorie politique et normative
développées autour du pluralisme socioculturel.
CHAPITRE II- FONDEMENTS THEORIQUE ET NORMATIFS DE LA POLITIQUE
DE L' « EQUILIBRE REGIONAL »
La question de la gestion de la diversité ethnique
trouve ses éléments fondationnels dans la théorie
politique et les normes juridiques développées à cet
effet. La typologie des options de réponses sur cette question aide
à comprendre que les théories et les modèles juridiques
élaborés à ce sujet se cristallisent autour de deux points
focaux. Ces points sont la multiculturalité des sociétés
contemporaines et l'enjeu des tâches de l'Etat vis-à-vis des
différents groupes culturels qui constituent ces sociétés.
D'où l'exigence pour une bonne compréhension, de l'analyse l'une
après l'autre, (Section I.) de la théorie du multiculturalisme,
et (section II.) des dispositions juridiques érigées en
réponse à la montées des revendications des
communautés culturelles.
SECTION I- LA MULTICULTURALITÉ ET LE TRAITEMENT
DIFFÉRENTIEL
La montée des revendications identitaires au sein des
sociétés contemporaines fait appel à une
redéfinition du concept de la citoyenneté autant qu'à une
attention égale de l'Etat vis-à-vis de toutes les
communautés qui composent la société. Cela suppose
à la base la redéfinition du modèle classique du droit et
une justice institutionnelle discriminative. D'où la convocation
(Paragraphe 1) de la théorie du multiculturalisme défendue par
les philosophes canadiens Taylor et Kymlicka, et (Paragraphe 2) de la notion du
droit institutionnel développé par Dworkin.
Paragraphe 1- La question de la
multiculturalité et les fondements du droit collectif
La théorie politique multiculturelle est la
construction d'un modèle de citoyenneté multiculturelle, qui se
présente comme une solution de rechange au modèle, dit jacobin ou
républicain, basé sur le principe de citoyenneté uniforme.
Elle tente de situer le multiculturalisme et la politique de la
différence identitaire dans le cadre de la démocratie moderne. Et
ce, (1) en prônant la reconnaissance de l'identité communautaire,
et (2) en redéfinissant le concept du droit au sein des
sociétés contemporaines.
I. 1- L'identité
communautaire et la citoyenneté
Taylor vise à promouvoir un modèle de
citoyenneté qui peut rendre justice à la diversité
culturelle des sociétés. D'où son ambition qui est celle
de voir si le traitement « différentiel » qu'exige
la situation particulière des groupes identitaires est conciliable avec
les principes fondateurs à portée universelle de la
modernité, laquelle s'appuie sur l'égalité et l'absence de
discrimination. C'est ce qui l'amène à parler du concept
d'égalité complexe. Ce concept implique que, dans certains cas,
des populations ou des individus, du fait de leurs besoins spécifiques,
doivent recevoir un traitement particulier voire même
privilégié pour survivre ou pour éviter la discrimination.
Pour que l'égalité de principe se concrétise,
l'inégalité de traitement entre citoyens inégaux de fait
s'avère nécessaire40(*).
Suite à la mondialisation de la modernité
(l'extension de l'État bureaucratique et de l'économie de
marché) et la persistance des cultures (la « diversité
profonde » demeure) face à celle-ci, Taylor pense que la
modernité doit s'adapter au contexte de la diversité. Et ce, en
reformulant de nouveaux concepts pour faire face au pluralisme. C'est ce qui
justifie la nécessité de « produire une
compréhension plus souple de la modernité afin de favoriser
l'expression d'autres conceptions de celle-ci ».
Le concept de reconnaissance lui apparaît comme l'une
des notions centrales qui doit constituer le nouveau langage devant lui
permettre de penser une modernité de remplacement. Les revendications
contemporaines des groupes minoritaires, pense-t-il, s'inscrivent dans l'esprit
et la continuité du projet démocratique moderne :
« la démocratie a inauguré une politique de
reconnaissance égalitaire qui a pris différentes formes à
travers les années, avant de revenir sous forme d'exigence pour
l'égalité de statut des cultures et des sexes41(*) ». Il veut
dépasser de ce fait, le monologisme libéral en le confrontant
avec le caractère intrinsèquement dialogique de l'identité
humaine. Il rappelle que la pensée humaine se constitue non pas dans
l'isolement et dans l'introspection transcendantale, comme le laisse croire
l'approche monologique, mais à partir des autres et par le dialogue :
La pensée libérale sous-estime l'importance des
autres et du dialogue dans la constitution de toute identité morale.
C'est sur cette base philosophique que Taylor critique le libéralisme
individualiste dont le principe de neutralité limite la reconnaissance
de la dignité humaine en la ramenant aux droits individuels
fondamentaux. La morale libérale limite ainsi grandement l'intervention
de l'Etat, car toute société qui a un but collectif -- qui
propose une action en fonction d'un bien commun -- devra violer ce
modèle de neutralité42(*).
Taylor trouve que le libéralisme met trop l'accent sur
la primauté des droits et qu'il néglige les autres notions
morales, telles que les devoirs moraux du citoyen et le bien collectif. Il
critique donc la version procédurale du libéralisme, axée
sur les droits, pour lui opposer un humanisme civique qui favorise les vertus
civiques et les responsabilités du citoyen. Étant donné
que les citoyens ont besoin d'une communauté pour se donner une
identité morale, Taylor croit qu'il faut protéger contre
l'atomisation libérale les groupes qui proposent des desseins
collectifs. Le problème de la fragmentation est un problème
d'identité, pense Taylor, car les citoyens sont incapables de
s'identifier à la collectivité comme communauté politique.
Et cela « (...) amène les gens à considérer la
société d'un point de vue purement instrumental43(*) ».
Sur le plan philosophique, selon Taylor, la politique de
reconnaissance permet de surmonter la tendance homogénéisante du
libéralisme procédural. Le libéralisme neutre qui confine
l'expression de la variété culturelle et identitaire au domaine
privé favorise davantage leur coexistence que leur rencontre. C'est ce
qui l'amène à proposer, afin d'éviter l'atomisation et
l'éclatement de la société moderne, de revoir la
philosophie libérale en fonction du concept de reconnaissance. La
politique de reconnaissance des identités permettrait donc de lutter
contre l'atomisation et la fragmentation que provoque le libéralisme
bureaucratique : les citoyens pourraient mieux se reconnaître dans un
État qui respecte les différences. Taylor est convaincu que la
reconnaissance des identités par la communauté politique est la
seule façon de lutter contre un retranchement des groupes identitaires
dans une politique des intérêts particuliers. D'où sa
volonté de récupérer la politique identitaire de la
différence pour la rendre compatible avec une philosophie de la
citoyenneté s'inspirant de l'humanisme civique.
Le libéralisme moderne qui définit la
citoyenneté essentiellement à travers le paradigme des droits
conduit à une conception négative de la liberté : les
droits inscrits dans les chartes imposent des limites aux actions de
l'État. Taylor veut redonner à la citoyenneté sa dimension
politique et participative dont la prive l'individualisme juridique. Il oppose
donc à la liberté négative des libéraux la
liberté positive qui se réalise dans la participation active aux
prises de décision de la cité. Pour Taylor, la liberté
constitue un bien commun, c'est-à-dire un bien dont les membres d'une
communauté jouissent non seulement collectivement, mais surtout dans un
rapport dialogique44(*).
Taylor croit que la reconnaissance des communautés
culturelles peut rendre légitime une participation politique
basée sur l'identité et peut ainsi contribuer à la
formation d'une nouvelle communauté politique élargie et plus
ouverte grâce à une fusion des horizons identitaires. Cette
reconnaissance doit être « authentique » et conduire
de ce fait à une fusion d'horizons qui résulte de l'ouverture
à l'autre.
En somme, Taylor vise à recomposer la
communauté politique sur la reconnaissance des différentes
communautés, car il pense que la citoyenneté redéfinie de
façon communautaire permettra de faire revivre une citoyenneté
participative par l'identification à un bien commun. Par ailleurs, le
dialogue entre les différentes communautés recréera une
communauté politique élargie et permettra à chacun de
s'identifier dans un État devenu plus
« hospitalier ».
I. 2- Le pluralisme identitaire
et les droits « différentiels »
En suivant la logique de l'individualisme
démocratique, Kymlicka réinterprète l'éthique et le
projet politique libéral à la lumière du nouveau contexte
pluraliste contemporain. Comme dans les approches d'inspiration
communautarienne, il considère l'appartenance culturelle comme un bien
fondamental que la théorie libérale ne peut ignorer. C'est ce qui
l'amène à orienter son argumentation en faveur de la
reconnaissance de droits collectifs à l'intérieur du paradigme
libéral des droits.
La reconnaissance du pluralisme identitaire, pense-t-il, ne
remet pas en question le libéralisme. Les droits
différentialistes des groupes, correspondent plutôt parfaitement
à la logique libérale. D'où son projet de renverser ce
paradigme dominant selon lequel les droits individuels sont incompatibles avec
les droits culturels45(*).
Selon lui, si les droits individuels ne sont pas
complétés par des mesures différentialistes, ils peuvent
devenir discriminatoires, car ils ne tiennent pas compte du fait que des
individus qui n'appartiennent pas à la culture dominante pourraient
subir un traitement inégal. Assurer l'épanouissement des
individus revient pour le libéralisme, à tenir compte
également de leur appartenance culturelle. Kymlicka opte pour les droits
collectifs parce qu'ils sont essentielles à la liberté et
à l'autonomie du sujet libéral : « Longtemps, j'ai
proposé que les penseurs libéraux devraient se sentir
concernés par la question de la viabilité des cultures
sociétales. D'une part, parce que celles-ci contribuent à assurer
l'autonomie des personnes et, d'autre part, parce que les gens se sentent
profondément attachés à leur propre culture46(*) ».
Kymlicka estime donc, contrairement à la pensée
libérale, que l'appartenance culturelle joue un rôle fondamental
dans l'acquisition de l'autonomie individuelle. Priver d'autonomie les
communautés d'individus revient également à priver ceux-ci
de la même autonomie. D'où l'obligation de l'État
libéral de reconnaître certains « droits
différentiels de groupe » pour réaliser les principes
fondamentaux du libéralisme.
Suite au débat sur les droits collectifs et les droits
individuels, Kymlicka propose de remplacer le concept de droits collectifs par
celui de « droits différentiels de groupe » ou
« droits des minorités ». Cette nouvelle
terminologie permettrait d'éviter l'ambiguïté
engendrée par le concept de droits collectifs. Elle contribue à
mettre l'accent sur les protections dont peut se prévaloir un groupe
minoritaire contre les décisions d'un groupe majoritaire47(*). L'opposition ainsi
conceptualisée se situe donc entre groupes et non entre individus et
groupes. Des droits collectifs pourraient donc être reconnus à
certaines minorités culturelles dans les cas où il est
démontré que l'appartenance à un groupe culturel engendre
pour les individus une injustice et une inégalité basée
sur leur identité.
Il apporte par ailleurs une autre précision
conceptuelle susceptible de résoudre le conflit théorique
libéral entre les droits collectifs et les droits individuels. Il s'agit
des notions de « restrictions internes » et de
« protections externes ».
Les droits collectifs deviennent de ce fait acceptables du
point de vue de l'éthique libérale seulement s'ils permettent
à une communauté de se défendre contre
l'hégémonie d'une culture dominante (« restrictions
internes »). Toutefois, ils ne peuvent être invoqués
pour supprimer l'expression des dissidents à l'intérieur de la
communauté (« protections externes »)48(*). En définitive,
Kymlicka ne sacrifie pas les principes sacrés d'autonomie et de
liberté individuelle que prônent les libéraux. En plus de
définir le citoyen d'un point de vue politico-juridique ainsi que le
fait le modèle jacobin, il intègre l'identité
psycho-sociologique à sa définition de la citoyenneté.
Paragraphe 2- La discrimination et la protection des
groupes sociaux défavorisés
Il s'agit ici du devoir de la protection des citoyens
dévolu à l'Etat, et particulièrement ceux issus des
groupes défavorisés. L'exécution de ce devoir est
susceptible d'entrer cependant en contradiction avec le principe de
l'égalité de tous les citoyens devant la loi. D'où
l'importance d'analyser sous la lumière de la pensée du
philosophe juriste américain Ronald Dworkin (1) la notion du
« droit à l'égalité », et (2)
l'opposition entre le but juridique et le but politique.
II. 1- Les garanties
institutionnelles
La question des garanties du droit institutionnel est la
préoccupation du philosophe juriste américain Ronald Dworkin.
Selon lui, les individus sont tenus à céder les droits moraux
à l'Etat. C'est sur cette base qu'il reformule la notion de droit. Dans
cette reformulation, il privilégie la notion de l'égalité
à celle de la liberté. La notion de l'égalité,
soutient-il, constitue le baromètre du niveau de justice des
institutions49(*). Il s'en
réfère d'ailleurs pour analyser les cas pratiques et difficiles
de justice qui se présentent dans la société
américaine. Dans cet exercice, il définit premièrement le
premier type de droit qui est le droit à un traitement égal. Ce
type de droit concerne concrètement le droit à une
répartition égale des chances, des ressources ou des charges. Il
s'agit par exemple Dans ce cadre, du droit de vote dans une
société démocratique qui est égal pour tous les
citoyens. Le second type de droit qu'il définit est le droit à
l'égal respect, à l'égale attention de tout
individu50(*).
Pour ce qui est de ce second type de droit, il le
conçoit en s'appesantissant sur le problème de l'affirmative
action qui concerne les mesures prises par les Etats-Unis en vue de corriger
les effets consécutifs aux inégalités et aux injustices du
fonctionnement de la société américaine depuis le temps de
l'esclavage. La notion de droit ainsi conçue apporte certes
l'égalité entre tous les citoyens. Elle sacrifie cependant le
droit de la liberté sur l'autel du droit de l'égalité.
D'où l'interrogation de savoir si le but politique, c'est-à-dire
la satisfaction de l'égale attention due à chaque individu
doit-il être réalisé en dérogeant du droit à
la liberté.
II. 2- Le dilemme entre but
juridique et but politique
Face au dilemme du sacrifice ou non du droit à la
liberté au profit du droit à l'égalité, Dworkin
propose le concept du droit de tout individu d'« être
traité comme un égal ». Pour ce faire, il opère
une distinction entre l'égalité en tant que droit, et
l'égalité en tant que politique51(*). L'égalité en tant que droit est le
droit à un traitement égal. L'égalité en tant que
politique quant à lui renvoie au principe de l'argument politique qui,
lui, concerne le but politique. Le droit à l'égalité peut
donc être décliné comme « droit à un
traitement égal qui est le droit à une répartition
égale de chance, de ressources ou de charges » et aussi comme
« droit d'être traité comme un égal qui est le
droit non pas de recevoir la même quantité de charge ou d'un
profit, mais celui d'être traité avec le même respect et la
même attention que qui que ce soit d'autre52(*) ».
La première application de ce concept est le droit de
recevoir la même quantité de ressource, de charge : c'est une
égalité arithmétique : c'est le domaine des
libertés de base comme la liberté de pensée, la
liberté d'association, la liberté de conscience etc. La seconde
quant à elle revient à être traité avec la
même attention : chaque citoyen a droit au même respect et
à la même attention. C'est une égalité
géométrique. Elle concerne le domaine des droits
économiques et sociaux. Elle est prioritaire sur la première.
Car il est juste que les arguments de principe cèdent le pas aux buts
politiques, surtout si ceux-ci s'occupent à effacer les
inégalités. Il s'agit de prendre en effet en considération
les situations particulières de chaque groupe social dans la
réalisation des actions publiques. Dans le premier domaine, la
première forme d'égalité est non négociable. Par
contre, dans le second domaine, le premier principe doit céder au
principe d'être traité comme un égal : recevoir un
minimum de ressource, d'opportunité. D'où la
nécessité de prendre en considération un certains nombres
de circonstances dans l'application de la justice institutionnelle. Le droit ne
prévoit pas toutes les situations, il y a toujours un déficit
dans le droit, d'où l'espace dans le droit d'un jugement pratique, c'est
celui du gouvernement, du juge etc.
La théorie politique ainsi développée
grâce aux notions de multiculturalisme et de justice institutionnelle
discriminative développées respectivement par les philosophes
canadiens politique Taylor et Kymlicka, et le philosophe américain
juriste Dworkin, sous-tend effectivement la PER. En ce sens qu'autant que ces
notions, cette forme de justice politique s'inscrit elle aussi dans le sillage
de la pensée multiculturaliste et de l'attention égale de l'Etat
vis-à-vis de tous les groupes ethniques de la société.
Reste cependant encore à analyser les normes juridiques
élaborées à ce sujet de l'égalité des
communautés culturelles dans la société politique pour
mieux saisir les fondements de la PER.
SECTION II- LES FONDEMENTS NORMATIFS DE LA PER
En plus des éléments fondationnels issus de la
théorie politique contemporaine, la PER est sous-tendue par les normes
qui trouvent leurs fondements dans la préservation des droits des
peuples. Alors que l'espace juridique international s'enrichit de nouveaux
textes suite à ce phénomène, la constitution camerounaise
quant à elle innove par de nouvelles dispositions à ce sujet.
Mieux saisir cette réalité nous renvoie à parcourir
(Paragraphe 1) quelques textes internationaux qui consacrent la
pluralité ethnico-culturelle et (Paragraphe 2) les
éléments juridiques qui protègent l'ethnicité au
Cameroun.
Paragraphe 1- Le droit
international et le droit des peuples
Faire droit aux revendications ethnico-culturelles qui
s'imposent de plus en plus sur la scène internationale amène les
instances telle l'ONU (1) à donner un statut juridique aux groupes
ethnico-culturels et (2) à reconsidérer le sujet titulaire du
droit.
I. 1- Le droit international et la reconnaissance des
groupes ethnico-culturels
La reconnaissance des groupes ethnico-culturels fait une
entrée remarquable dans la juridiction internationale. Plusieurs textes
juridiques rédigés à cet effet voient en effet le jour
suite aux revendications de reconnaissance identitaire qui se font de plus en
plus présentes sur la scène publique.
C'est par exemple le cas de la Déclaration
Universelle des Droits Collectifs des Peuples proposée par
l'Assemblée Générale du CONSEU et proclamée le 24 avril 1999 qui
définit les droits collectifs des peuples et précise le concept
de peuple. Toute collectivité humaine, dispose-t-elle, ayant une
référence commune à une culture et à une tradition
historique propre, développées sur un territoire
géographiquement déterminé, ou dans d'autres domaines,
constitue un peuple53(*).
D'où la nécessité de reconnaître à tout
groupement humain qui présente ces caractéristiques, des droits
propres à celui-ci.
La Déclaration sur les droits des peuples autochtones
adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 13 septembre 2007 s'inscrit
elle aussi dans cette logique. Elle affirme que les peuples autochtones peuvent
jouir pleinement, collectivement ou individuellement, de l'ensemble des droits
de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des
Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et la
législation internationale relative aux droits de l'homme. Les
autochtones, peuples ou individus, sont libres et égaux à tous
les autres et ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination dans
l'exercice de leurs droits, en particulier si celle-ci est fondée sur
leur origine ou leur identité. Ainsi les peuples autochtones ont-ils le
droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel. Ils ont le droit de
maintenir et de renforcer leurs spécificités d'ordre politique,
économique, social et culturel, ainsi que leurs systèmes
juridiques, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer
pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle
de l'État54(*). En
faisant droit aux revendications identitaires, ces textes posent ainsi la
question du sujet du droit.
I. 2- Le sujet du droit
Quand elle affirme que tous les peuples sont égaux,
qu'ils jouissent de la même dignité et ont les mêmes
droits, la charte africaine des droits de l'homme et des peuples désigne
le peuple comme le destinataire d'un certain nombre de droits55(*). La Déclaration
universelle des droits collectifs des peuples va elle aussi lui emboîter
le pas en considérant dans son préambule que les droits
individuels à l'égalité et à la différence
ne peuvent s'épanouir que dans le cadre du peuple auquel chacun
s'identifie ; et que chaque peuple est le détenteur exclusif de ses
droits collectifs et inaliénables à l'égalité et
à la différence.
En se référant en effet à la conception
de la personne telle qu'elle se dégage dans les textes juridiques
internationaux comme la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones etc., On constate qu'au sujet du droit individuel tel que
défini autrefois s'ajoute le sujet collectif. Et ce, afin d'apporter une
réponse juridique à la résurgence des revendications
ethniques à l'intérieur des États.
Paragraphe 2- La
constitutionnalisation de l'ethnicité au Cameroun
Les réalités sociales du Cameroun
transparaissent nettement dans la version révisée de la
constitution de 1996 qui prend un encrage plus important dans la construction
du droit collectif. Évoquer (1) la reconnaissance juridique de la
diversité ethnique qui fait son apparition dans ce nouveau texte et (2)
les dispositions constitutionnelles érigées en faveur des groupes
ethniques spécifiques facilitera l'appréhension de la
juridicisation de la notion de l'ethnicité au Cameroun.
II. 1- La reconnaissance
juridique de la diversité ethnique du Cameroun
La question de la représentation et de la
participation politique des groupes ethniques prend un encrage important dans
la constitution reformée de 1996. Celle-ci manifeste plus que la
précédente, l'attachement du peuple camerounais à la
reconnaissance de la diversité ethnique : caractéristique
qui lui est propre. L'une des dispositions concrètes à ce sujet
est l'apparition dans l'énumération préambulaire de la
protection des minorités et la préservation des droits des
populations autochtones56(*) conformément à la loi. Cette
idée est mieux exprimée dans la politique de l'administration du
territoire camerounais. L'autonomie administrative qui est reconnue ici aux
collectivités décentralisées se rapporte en fait à
la représentation et à la participation politique des
communautés ethniques de la société camerounaise. Car
l'autonomie dans ce contexte est circonscrite aux limites géographiques
des entités décentralisées que sont les régions,
c'est-à-dire les grands groupes ethniques, et non à celles du
territoire de l'Etat camerounais, à laquelle renverrait la notion de
« Peuple camerounais » inscrite dans le préambule de
la constitution.
II. 2- Les collectivités
décentralisées et la protection du droit des groupes ethniques
minoritaires et autochtones
Le souci de la protection des minorités
transparaît à la lecture de l'exposé des motifs du projet
de loi n° 590/PLJ/AN, portant révision de la Constitution du 2 juin
1972. Le texte constitutionnel reformé suite à cette loi apporte
dès son préambule, une innovation majeure en ce qui concerne la
protection des droits des minorités et des autochtones57(*). Il s'agit de l'engagement de
l'état à préserver les droits des groupes ethniques qui
présentent ces caractéristiques. Toujours dans cette logique de
la protection des communautés ethniques minoritaires ou autochtones,
cette loi va plus loin encore quand elle dispose que « Le Conseil
régional doit refléter les différentes composantes
sociologiques de la région58(*) » et que « le conseil
régional est présidé par une personnalité
autochtone de la région élue en son sein pour la durée du
mandat du Conseil59(*). »
Les applications dans l'administration publique des mesures
réglementaires du système des quotas aux concours d'accès
aux différents corps administratifs, et les
« microdosages » dans les nominations aux fonctions
administratives qui visait à prévenir la société
contre les ruptures d'équilibre entre les différentes composantes
ethniques de la population prennent un encrage véritablement juridique
avec l'inscription dans le préambule et dans le corpus constitutionnel
de la « protection des minorités et la préservation des
droits des autochtones ». En somme, la constitutionnalisation de la
reconnaissance de la diversité ethnique se concrétise,
conformément aux droits fondamentaux développés en droit
international, par la favorisation de la diversité culturelle, la
promotion de la richesse des valeurs appartenant aux groupes ethniques, le
combat de l'exclusion sociale, économique et politique et au respect des
droits de tous les groupes ethniques en matière de
développement60(*).
Ce qui justifie certainement la politique de la décentralisation dont le
but pour l'état est de transférer aux « régions,
dans les conditions fixées par la loi constitutionnelle, les
compétences dans les matières nécessaires à leur
développement économique, social, sanitaire, éducatif,
culturel et sportif. »
En définitive, notre recherche au cours de cette
première partie visait à analyser les raisons qui justifient
l'adoption de la PER et ses éléments fondationnels. C'est ce qui
nous a amené à parcourir primo, Les revendications ethniques et
la montée des tensions sociales au Cameroun. Et ce, grâce à
l'analyse tour à tour du phénomène de la constitution des
communautés ethniques en groupes de revendications sociales, et les
Revendications ethniques et les risques de conflits que ces revendications
entrainent. Secundo, notre intérêt était porté sur
les fondements théoriques et normatifs de la PER. Raison pour laquelle
on s'est arrêté d'abord sur la notion du multiculturalisme et de
celle du traitement différentiel. Où on a abordé la
question de la multiculturalité et les fondements du droit collectif, et
la question de la discrimination et de la protection des groupes
défavorisées. Ensuite, nous ont intéressés, les fondements normatifs de la
PER. D'où l'analyse du droit international et de la reconnaissance des
groupes ethnico-culturels, et de La constitutionnalisation de
l'ethnicité au Cameroun.
DEUXIEME PARTIE : POLITIQUE DE
L' « EQUILIBRE REGIONAL » ET PREVENTION DES CONFLITS
AU CAMEROUN.
L'action préventive des conflits renvoie à un
certain nombre de mesures instituées en vue d'éviter
l'éclatement des conflits. Elle sous-entend la nécessité
d'avoir une bonne connaissance du terrain, des faits et des tendances sociaux
à ce sujet pour pouvoir anticiper sur les évènements
susceptibles de provoquer des affrontements. Ceci exige d'agir
précocement, afin d'éviter l'éruption des
différends entre les partis ou la transformation d'un désaccord
en un conflit ouvert, ou encore, si un conflit éclate, de faire en sorte
qu'il s'étende le moins possible. Comprendre cette action pour ce qui
est du cas de la société multiethnique du Cameroun revient
à s'intéresser (Chapitre III.) aux réponses sociales de la
PER issues des revendications ethniques susmentionnées et (Chapitre IV.)
à l'équité des critères mis en exergue par la
PER.
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS DES GROUPES ETHNIQUES ET L'ENJEU
SOCIAL DE LA PER
La
recherche d'institutions correspondantes à la réalité
multiethnique de la société camerounaise amène les acteurs
politiques de ce pays à prendre de nouvelles dispositions en
matière d'administration et de représentation politique. Analyser
ces nouvelles mesures et comprendre leurs modes d'expression au sein de cette
société revient à évoquer d'une part (Section I.)
les mécanismes institutionnels conçus pour la participation
effective de toutes les communautés ethniques à l'administration
publique, et d'autre part (Section II) la représentation de toutes ces
tendances ethniques dans les sphères décisionnelles du
Cameroun.
SECTION I- La pluriethnicité et la Représentation
politique
En plus du
multipartisme, des libertés publiques et de l'alternance entre autres,
la démocratisation de la société camerounaise
intègre la question locale étayée par
l'hétérogénéité de la nationalité
camerounaise. Mieux appréhender cette réalité exige que
l'on s'appesantisse l'une après l'autre, (1) sur le
phénomène ethno-démocratique au Cameroun, et (2) sur la
répartition ethnico-régionale du pouvoir politique.
I. 1- La démocratisation
et la pluriethnicité du Cameroun
Le débat autour de la démocratisation de la
société camerounaise à l'aube du multipartisme
intègre principalement la question de la multiethnicité de cet
État. Les entreprises de représentation des ethnies,
c'est-à-dire les initiatives de prise de parole pour le compte de
celles-ci, trouvent une terre fertile ici. Ce débat se
révèle comme l'occasion offerte aux différentes
sensibilités ethniques de l'Etat du Cameroun de s'exprimer. Celles-ci
dans leur quasi-totalité, font entendre leur voix dans ce cadre.
L'ethnie et la région apparaissent dès lors, comme des lieux de
prise de parole au sujet de la réforme constitutionnelle
envisagée au cours du débat national organisé à cet
effet en 1993. Car c'est la « marque
ethno-régionale » qui, ici, donne droit à
l'accès dans le champ politique61(*). À PREUVE, les groupes ethnico-politique que
sont entre autres les Kirdi, le conseil supérieur des
Bamiléké, le front national de libération du peuple
Béti : issus des représentations nées de
l'intensité des revendications ethniques font tous une ascension
fulgurante suite à l'ouverture de ce débat.
Ce débat révèle également la
remise en cause au Cameroun, du modèle de l'État jacobin, et la
promotion d'un Cameroun multinational. Car tous les groupes ethniques
s'accordent en fait sur la pluri nationalité du Cameroun à
travers la création des régions constituées de territoires
regroupant les populations ayant une même souche ethnographique et
linguistique62(*). Le
travail de construction sociale d'une nationalité
hétéroclite rompt par ce fait avec la tradition monolithique
officielle inaugurée en 1960 sous l'ancien régime.
La promulgation de la loi N° 96/06 du 18 Janvier 1996
portant révision de la constitution du 2 Juin 1972, s'inscrit elle aussi
dans cette logique. Celle-ci renvoie à l'organisation de
l'hétérogénéité de la nationalité
Camerounaise63(*). Ainsi,
la constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui arrive à sa suite, reprend non
seulement la disposition du préambule introduite en juin 1972 relative
à la « diversité linguistique et culturelle »
du peuple camerounais, mais innove également à travers les
catégories de « minorités »,
d'« autochtones » et de « citoyens camerounais
d'origine »64(*). La genèse de ces évènements
ethno-démocratiques illustre en somme, la nouvelle vision
politico-administrative du territoire camerounais qui, désormais,
intègre les règles de représentation et de participation
politique. D'où certainement la politique de la
décentralisation.
I. 2- La décentralisation
et la justice politique
La question locale est l'un des points focaux de la
construction des antagonismes politiques suite à l'ouverture du
débat national portant sur la réforme constitutionnelle. La
distribution territoriale du pouvoir, et des rapports entre le pouvoir central
et la périphérie dont il est question ici, intègre la relecture
extensive et politiquement intéressée de la théorie de la
répartition du pouvoir. En incitant les populations à prendre des
initiatives dans leur localité et à s'investir dans la recherche
des solutions idoines aux problèmes locaux, la politique de la
décentralisation contribue à la mise en exergue de la PER. Elle
franchit de ce fait le pas décisif en ce qui concerne la
responsabilisation des populations locales.
La loi
N°96/06 du 18 janvier 1996 (titre 10) portant révision de la
constitution du 02 Juin 1972 emboîte le pas à cette
réalité. Et ce, en donnant un contenu concret à la gestion
de proximité, une réelle autonomie et en reconnaissant
à la base, aux collectivités décentralisées :
qui ne sont rien d'autre que les circonscriptions administratives
découpées selon le critère de localisation des grands
groupes ethniques sur le territoire camerounais, le pouvoir de partager
l'initiative des projets et des décisions engageant la vie de leur
localité.
Ainsi les groupes ethniques, sous la bannière des
collectivités décentralisés en tant que personnes
morales de droit Public, obtiennent-ils du pouvoir central des
compétences sur le plan administratif et même politique65(*) : les
collectivités disposent en fait des privilèges comme l'autonomie
administrative et financière pour la gestion des intérêts
régionaux et locaux. La constitution apporte des précisions plus
claires encore à ce sujet quand elle confie le monopole de la
présidence des collectivités décentralisées
à une personnalité autochtones de ces circonscriptions66(*).
La loi d'orientation de la décentralisation (Loi N°2004/017 du 22
Juillet 2004) qui entre en vigueur ensuite, va elle également dans le
sens de l'attribution d'une partie du pouvoir central aux collectivités
décentralisées. A preuve, elle définit autant que la
précédente, la décentralisation toujours comme un
transfert par l'Etat aux collectivités territoriales
décentralisées des compétences particulières et
des moyens appropriés67(*) dans les divers domaines où des
compétences leur sont dévolues.
La conception de la politique de la décentralisation
par les autorités politiques ainsi mise en exergue l'une après
l'autre par les lois de la révision constitutionnelle (la loi
N°96/06 du 18 janvier 1996) et la loi D'orientation de la
décentralisation (Loi N°2004/017 du 22 Juillet 2004) Explique de
fond en comble que cette politique est au Cameroun, un mécanisme pour la
représentation et la participation politique des différents
groupes ethniques qui constituent le pays. Tant on sait que le découpage
politico-administratif respecte les frontières ethniques plus ou moins
précises68(*), Et
que le Conseil régional est présidé par une
personnalité autochtone des collectivités
décentralisées. La réalité multinationale de
l'État du Cameroun, et la politique de la décentralisation qui
accompagne celle-ci contribuent à la reconnaissance publique des
différentes tendances ethniques de la société
camerounaise, et à la redistribution des biens et charges dont regorge
le pays à l'ensemble de ces communautés ethniques. La politique
de la représentation politico-administrative s'inscrit elle aussi dans
cette logique de justice politique.
SECTION II- LA REPRÉSENTATION DES COMMUNAUTÉS
ETHNIQUES ET LA JUSTICE POLITIQUE
La
représentation des groupes ethniques au sein de l'administration
publique constitue l'une des réponses sociales de la PER. En effet,
celle-ci assure la représentation de toutes les communautés
ethniques à la fois au niveau des instances (Paragraphe 1)
administratives et (Paragraphe 2) politiques de la société.
Paragraphe 1- L'administration publique et la représentation
ethnique
Au
Cameroun, l'accès à l'administration publique respecte des
critères visant à assurer la représentation des
composantes ethniques. La légalité de ces critères
réside dans la (1) politique des quotas qui y prévaut suivant (2)
la répartition des places entre régions et une certaine
catégorie de citoyens.
1- La politique des quotas
Au Cameroun, le recrutement aux fonctions de l'administration
publique est fait selon la politique des quotas. A ce sujet, il existe des mesures réglementaires
élaborées par le gouvernement. Ces mesures consacrent cette
politique de redistribution des places réservées aux
ressortissants des différentes régions admis aux concours
administratifs. Ce qui permet de comprendre que les concours ouvrant aux
fonctions de l'administration publique sont des concours régionaux et
non nationaux. Le
décret présidentiel, en l'occurrence le décret n°
82/407 du 7 septembre 1982, modifiant et complétant celui du n°
75/496 du 3 juillet 1975 prévoie en fait que la répartition des
places pour les concours de la fonction publique tienne compte de la
« région d'origine » des parents69(*).
On croirait à première vue qu'il ne s'agit dans
ce texte qu'une simple répartition des places selon un critère
purement territorial ou géographique. Car ni la notion de région,
ni celle de groupe ethnique n'apparaissent nulle part dans le décret.
Mais à vrai dire, il ne s'agit là de rien d'autre qu'une
politique de redistribution ethnique élaborée par
l'autorité politique pour la satisfaction de la demande à
l'accès des différents groupes ethniques qui composent la
société camerounaise. À preuve, les circonscriptions
administratives du Cameroun sont délimitées selon les
frontières ethniques plus ou moins précises. « La
référence à la province pour reprendre MBONDA, revient en
fait à une référence à l'appartenance ethnique du
candidat70(*) ».
Cette disposition est renforcée dans la précision de la province
d'origine d'un candidat. Est donc considéré ici comme province
d'origine du candidat, non pas la province de résidence de celui-ci,
encore moins de sa province d'origine : au risque de confondre cette
origine avec le lieu de sa naissance, mais la province dont ses parents
légitimes sont originaires71(*). C'est d'ailleurs cette loi qui astreint le ministre
chargé de la fonction publique à redistribuer les places
disponibles à l'administration publique aux différentes
communautés ethniques du pays.
I. 2- L'administration publique
et la redistribution ethnique
Chaque concours administratif d'entrée dans les
différentes catégories de la Fonction Publique est soumis
à une réglementation stricte de répartition des places
entre les candidats par le ministre chargé de la fonction publique et de
la réforme administrative en fonction des provinces d'origine de ces
derniers et du statut d'ancien militaire. C'est ainsi que l'article 56 du
décret de 82 précise que le Ministre chargé de la Fonction
Publique doit procéder à la répartition des places entre
les candidats, suivant leurs provinces d'origine, dans le cadre de
l'arrêté portant ouverture de chaque concours administratif d'entrée dans les
différentes catégories de la Fonction Publique, et qu'il peut
également dans ce cadre, réserver des places aux anciens
militaires.
Il fixe donc à ce titre, par un texte particulier, les
quotas de places réservées aux candidats de chaque province,
compte tenu de l'importance démographique et du taux de scolarisation de
leurs provinces d'origine et aux anciens militaires, sans distinction
d'origine. C'est ce qui a donné lieu à quelques
arrêtés d'application, dont le dernier remonte à 1992. Il
s'agit en fait de la décision n° 0015/MINFOPRA/ CAB d'août
1992. Cette décision établit les quotas entre les
différents groupes ethniques et les anciens militaires selon le tableau
ci-après :
Province du Centre
|
15 %
|
Province du Sud
|
4 %
|
Province de l'Adamaoua
|
5 %
|
Province de l'Extrême-Nord
|
18 %
|
Province du Nord
|
7 %
|
Province de l'Est
|
4 %
|
Province du Littoral
|
12 %
|
Province du Nord-Ouest
|
12 %
|
Province de l'Ouest
|
13 %
|
Province du sud-Ouest
|
8 %
|
Anciens militaires
|
2 %
|
La politique des quotas consacré par l'autorité
politique au Cameroun consiste donc en la répartition des places dans
l'administration publique entre les ressortissants des différentes
provinces. Elle est établie sur la base de la population par province.
Les règles qui consacrent cette politique ont pour prétention de
transcender les tribus, la province étant une unité
administrative transethnique72(*). Cette représentation n'ayant pas pour
fonction d'assurer seulement la simple présence symbolique d'un groupe
ethnique sur la scène publique, mais garantir surtout sa capacité
effective à prendre part à des décisions qui engagent ses
intérêts comme ceux des autres groupes, elle va s'étendre
également dans les sphères décisionnelles que sont
l'exécutif, le législatif et même le judiciaire.
Paragraphe 2- Le pouvoir décisionnel et la
représentation des communautés ethniques
Le
critère de la représentation des groupes ethniques concerne au
Cameroun autant les pouvoirs exécutif et judiciaire que le pouvoir
législatif. Les procédés d'applicabilité de cette
représentation sont cependant différents selon qu'il s'agit du
pouvoir législatif ou des pouvoir exécutif et judiciaire. On peut
alors noter (1) la technique représentative codifiée qui concerne
le législatif et (2) la technique relevant de l'exercice du pouvoir
régalien du chef de l'Etat qui, elle, s'applique à
l'exécutif et au judiciaire.
II. 1- Le pouvoir
législatif et la représentation ethnique
Au niveau du pouvoir législatif et du pouvoir local,
c'est-à-dire du parlement (Assemblée nationale et sénat)
et des collectivités territoriales décentralisées (Les
communes et les régions), l'occupation respectivement des sièges
et des postes clés est conditionnées par le critère de
l'appartenance ethnique. La constitution du 2 juin 1972 révisée
par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 prévoit en ce qui
concerne le pouvoir législatif, deux chambres que sont
l'assemblée nationale et le sénat qui jouent tous deux le
rôle de la législation. Les règles pour la
représentation de l'ensemble des groupes ethniques au sein de
l'assemblée nationale, instance politique par excellence de
l'orientation de la vie politique et économique d'un pays,
prévoient à cet effet deux types de mécanismes.
Le premier mécanisme concerne le découpage des
circonscriptions électorales. Ainsi, pour garantir la
représentation de tous les groupes ethniques au sein de cette chambre
législative, le département est considéré comme
circonscription électorale73(*). Toujours dans le but de la représentation de
la totalité sans exception de toutes les sensibilités ethniques,
ce procédé sera poussé plus loin encore. Et ce, en
réalisant un découpage spécial pour ce qui est des
départements aux contours ethniques moins précis74(*). Le second mécanisme
quant à lui consiste à imposer aux partis politiques
désireux de participer aux élections législatives, la
constitution des listes reflétant la diversité sociologique des
populations de la circonscription électorale75(*) sollicitée76(*).
Le retour au bicaméralisme n'en est pas à ce
sujet un motif non moins valable. Car avec la mise sur pied du sénat qui
vient accompagner l'A.N qui jusqu'à là jouait le rôle de la
production des lois toute seule, la représentation des grands groupes
ethniques répertoriés selon un découpage de dit espaces
géographique77(*)
est assurée de manière équilibrée. Le sénat
s'avère être dans l'appareil législatif, l'organe par
excellence de la représentation des composantes ethniques du Cameroun.
C'est lui qui « représente les collectivités
territoriales décentralisées78(*) » qui ne sont rien d'autres que les
différentes régions ou provinces, découpées comme
nous l'avons montrés plus haut, selon les contours des frontières
des grands groupes ethniques. Ces collectivités sont
représentées en effet selon le critère de
l'égalité arithmétique : « Chaque
région étant représentée au Sénat par dix
(10) sénateurs ». Ces mesures réglementaires laissent
comprendre qu'au Cameroun, les normes visent à assurer l'implication de
toutes les tribus sans exception dans les décisions qui concernent leur
destinée respective, et partant, de la nation toute entière.
Cependant, les instances de décisions, comme le parlement et le
sénat, ne sont pas les seules sphères décisionnelles
concernées par la PER.
II. 2- Le pouvoir
régalien du chef de l'État et la représentation
ethnique
Depuis l'indépendance, le président du Cameroun
autant Amadou AHIDJO que Paul Biya associe à la gestion du pouvoir,
toutes les composantes sociologiques de la nation tant au plan de
l'exécutif dont il est le chef constitutionnel, qu'au plan du pouvoir
judiciaire dont il est le garant de l'indépendance. L'exécutif
qui est complété notamment par le gouvernement et les
administrations publiques et parapubliques, offre la possibilité de
constater que le Pm, chef du gouvernement, le président du conseil
économique et social, le chancelier des ordres nationaux, les membres du
gouvernement et assimilés, les chefs des missions diplomatiques, les
hauts responsables des sociétés d'état et
établissements, publiques, Universités, hôpitaux,
généraux et hôpitaux de référence, instances
de régulation, commissions nationales etc., sont nommés par le
chef de l'état qui prend effectivement en compte la diversité
sociologique du pays79(*).
Au niveau du pouvoir judiciaire, on peut relever que le
président de la cour suprême, le procureur général
auprès de la cour suprême, les conseillés à la cour
suprême ainsi que les autres chefs de juridiction et des parquets
nommés par le chef de l'état sont eux aussi issus de plusieurs
ethnies du Cameroun. La scène politico-administrative camerounaise
laisse constater en somme, la répartition effective des postes
politiques et administratifs entre les groupes ethnique qui la constituent.
Mais reste encore à analyser l'importance de la reconnaissance publique
des appartenances identitaires, et les conséquences palpables de la PER
dans la société camerounaise pour mieux cerner la capacité
conciliatrice et préventive des tensions interethniques de cette forme
de justice politique propre à la société camerounaise.
CHAPITRE II- L'EQUITE DE LA PER ET LA
PREVENTION DES CONFLITS INTERETHNIQUES
Comprendre le caractère équitable de la PER et par
conséquence sa capacité à prévenir les conflits
interethniques exige que l'on s'intéresse (Section I.) à
l'importance de la reconnaissance publiques de l'identité ethnique, et
(Section II.) aux conséquences sociales de cette politique identitaire
en ce qui concerne la pacification de la société camerounaise.
SECTION I- L'ETHNICITÉ ET LA
REDISTRIBUTION DES BIENS ET CHARGES SOCIAUX
La
pluriethnicité de la société camerounaise impose, pour une
gestion harmonieuse de celle-ci, que l'on reconnaisse les communautés
ethniques qui y existent publiquement, et que l'on procède à une
juste répartition des biens et des charges sociaux entre celles-ci.
Analyser l'une après l'autre (paragraphe 1) la nécessité
de reconnaître publiquement les appartenances ethniques, et (paragraphe
2) l'exigence de la répartition des ressources sociales entre ces
différentes tendances contribuera à mieux saisir la
méthode de prévention des conflits mise en exergue par la PER.
Paragraphe 1- La représentation politique et la
prévention des conflits interethniques
Les
tensions interethniques sont en grande partie dues à la sous
représentation ou à la non représentation de certains
groupes ethniques dans les sphères politico-administratifs de
l'État. Prévenir ces tensions revient à comprendre (1)
l'importance de la représentation identitaire, et (2) l'implication de
la reconnaissance publique des groupes ethnique dans la société
camerounaise.
I. 1- L'ethnie et la
représentation publique
La représentation des groupes ethniques au Cameroun
concerne les sphères publiques comme le parlement, le gouvernement, les
administrations publiques. Les groupes ethniques se sentent
représentés ici ou pas du tout à travers les membres de
leur communauté ethnique qui sont présents ou pas au sein de ces
institutions.
L'importance de la présence de toutes les
sensibilités ethniques ici n'est pas seulement due au fait que celles-ci
veulent faire entendre leur voix ou défendre ses intérêts.
Car rien n'empêche en fait que les intérêts ou la voix de
chaque groupe ethnique puissent être exprimée par une tierce
personne. La présence d'un groupe ici en revanche est justifiée
par des raisons symboliques de reconnaissance. La reconnaissance fait en effet
appel ici aux traits identitaires des représentants.
Le seul fait de voter pour une personne selon Mbonda qui
reprend Carl Schmitt, Ne suffit pas pour se considérer comme
représenté par elle. Importe que « cette personne soit
comme nous, soit des nôtres », de par son identité
ethnique pour le cas du Cameroun. Il faut donc que l'ethnie Béti soit
représenté par un Béti, l'ethnie Bamiléké
par un Bamiléké, la communauté Kirdi par un Kirdi, les
Sawa par un Sawa, etc.80(*) D'où l'importance pour l'État,
d'assurer la représentation de l'ensemble de ses communautés
ethnique dans les sphères les plus représentatives de la
société.
I. 2- L'implication de la
reconnaissance des groupes ethniques dans la société
camerounaise
La reconnaissance des groupes ethniques exige que
l'état assure leur représentation dans les hautes sphères
politico-administratives. Cette représentation, pour reprendre Mbonda,
est la condition transcendantale sans laquelle des buts communs ne peuvent
véritablement pas être réalisés.
La notion de « but commun » en ce qui
nous concerne, renvoie au devoir de l'État du Cameroun d'assurer la
coexistence pacifique des groupes ethniques qui le constituent. Atteindre cet
objectif commun passe nécessairement par une procédure de
délibération effective des partenaires sociaux
représentés ici par les groupes ethniques qui constituent le
Cameroun81(*).
Répondre à la demande légitime des
groupes ethniques de prendre part aux mécanismes qui fixent les droits
et les devoirs, les charges et les avantages de la vie sociale au Cameroun,
revient à faire participer tous ceux-ci à la procédure de
validation politique des décisions dans la société
camerounaise. Et par conséquent, réaliser l'objectif de la
prévention des tensions interethniques qui incombe à la PER.
La prévention des conflits interethniques passe donc,
par la reconnaissance publique des groupes ethniques, et la
représentation de toutes ces tendances ethniques dans les sphères
les plus représentatives de la société. Comprendre si la
répartition des biens et charges sociaux entre ces différents
groupes contribue elle aussi à ce but fait l'objet de la suite de notre
recherche.
Paragraphe 2- L'égale répartition des biens et charges
sociaux entre les différentes communautés ethniques et la
prévention des conflits ethniques
Si la
distribution égalitaire des biens et des charges entre les
différents groupes ethniques du Cameroun est a priori impossible vu leur
grand nombre, l'arbitrage des revendications concurrentes entre ces groupe doit
en revanche permettre l'accès de tous ceux-ci au même titre aux
avantages sollicités pour prévenir les confrontations entre eux.
D'où l'analyse que nous faisons ici de (1) l'égalité de
chances offert à tous les groupes ethniques, et (2) de la juste
redistribution des biens et des charges sociaux à ces différents
groupes.
II. 1- La PER et l'égale
attention à tous les groupes ethniques
Le rôle de l'égalité des chances est de
neutraliser les effets des origines sociales afin de rétablir une
véritable égalité des chances dans la distribution des
positions sociales. Cette conception rawlsienne exige en effet que les
institutions agissent sur les causes structurelles de l'inégalité
pour rétablir des conditions plus égalitaires. L'intervention par
exemple de celles-ci dans le domaine éducatif, en plus d'assurer le
rattrapage scolaire, doit surtout concerner le contenu même du savoir
scolaire transmis. Le traitement différentiel quant à lui stipule
que les distributions, sont justes si elles se font au plus grand
bénéfice des plus défavorisés. Quant aux limites
imposées prenant en compte la contrainte économique
vis-à-vis d'une orientation de réduction des
inégalités. De ce point de vue, toute nouvelle répartition
des bénéfices d'une création de richesse est juste, si
elle n'entraîne pas une régression de la situation des plus mal
lotis. Même si les mieux lotis régressent. Cette
répartition est injuste en revanche, si les plus mal lotis
régressent, quand bien même on enregistrerait une progression du
revenu moyen de l'ensemble des individus. La situation la plus juste serait
dans ce cas celle qui provoque la plus grande progression des plus
défavorisés.
À la lumière des principes de justice de Rawls,
la stabilité d'une société s'apprécie, non pas
à partir de la progression de l'ensemble de la population
appréhendée collectivement, ni à celle de la
moyenne ; mais à l'aune de l'attention faite aux plus
défavorisés de ses membre82(*). Ce qui justifie la régulation
différentielle des groupes ethniques par l'état du Cameroun.
Ainsi, les groupes ethniques de l'état camerounais, qui, de par leur
« nation » sont différents, s'accordent-ils sur les
points communs de leur vivre ensemble, notamment sur ceux de ces points qui
rendent possible la coexistence pacifique de toutes les communautés
ethniques, et la stabilité politique83(*).
II. 2- La juste
répartition des ressources sociales entre les communautés
ethniques
La pluriethnicité qui a pour corollaire la divergence
des intérêts, exige, pour la stabilité d'un État qui
présente cette caractéristique, la mise sur pied d'un
mécanisme de péréquation des ressources auxquelles
aspirent ces différents groupes ethniques. Pour le cas de la PER, les
ressources sont essentiellement comprises en termes de biens
politico-administratifs. Raison pour laquelle ce mécanisme repose sur la
procédure de redistribution de ces biens aux individus sous la
bannière de leur tribu.
C'est ainsi que, l'accession aux hautes fonctions, et
même à l'administration publiques se fait selon l'appartenance
ethnique des candidats. En effet, les postes électifs,
c'est-à-dire le parlement, le sénat et la collectivité ne
sont accessibles que selon une mesure de redistribution
ethnico-territoriale84(*).
L'exigence de la diversité sociologique et même de l'appartenance
de la tête de liste à la circonscription territoriale
sollicitée est à ce sujet, un impératif
constitutionnel.
Le procédé d'accès aux fonctions
administratives respecte lui aussi cette réalité. Il
découle en effet des dispositions constitutionnelles et organise la
répartition des places à la fonction publique selon des
critères ethnico-régionaux. Le Minfopra est d'ailleurs tenu de
procéder à ce sujet, à la répartition des places
entre les candidats, suivant leurs provinces d'origine85(*) dans le cadre de
l'arrêté portant ouverture de chaque concours administratif
d'entrée dans les différentes catégories de la Fonction
Publique.
En somme, la justice politique inaugurée au Cameroun
sous l'appellation PER repose sur
l'hétérogénéité de la nationalité
camerounaise, et fonctionne, selon le modèle de la représentation
et de la participation politique des différents groupes ethniques qui
constituent la société camerounaise.
SECTION II- L'EFFICACITÉ DE LA
PER
La
finalité principale de la PER réside dans sa capacité
à prévenir les affrontements interethniques dans la
société camerounaise. Comprendre si cette finalité est
effective ici, revient à analyser (Paragraphe1) les mesures de cette
politique, et (Paragraphe 2) ses implications concrètes dans la
communauté politique camerounaise.
Paragraphe I- Les mesures préventives des conflits
interethniques de la PER
La prévention des conflits interethniques qui incombe
à la PER, exige, pour cette réalisation, qu'elle intègre
(1) les critères nécessaires à cette finalité et
(2) des mesures discriminatives en faveur de certains groupes ethniques.
I. 1- Les conditions
d'une prévention des affrontements interethniques
La PER, dans son but premier qui est celui de la
prévention des affrontements entre les groupes ethniques du Cameroun,
fonctionne selon un certain nombre de critères nécessaires
à la réalisation de cette finalité. Chacun de ces
critères est justifié par la poursuite d'un but indispensable
à la prévention des tensions interethniques. C'est ainsi que l'on
peut remarquer que la finalité de la démocratie est conçu
ici davantage comme une technique de la régulation et de la protection
de la pluriethnicité de la société camerounaise.
D'où son premier critère qui est celui de la protection de la
socio-diversité86(*). Le but de l'entretien de la diversité de la
communauté politique à travers la reconnaissance des groupes
ethniques, la protection de leurs droits, etc., consacre quant à lui, le
deuxième critère qui est celui du droit à la
différence. La visée de la régulation de la
représentation politique au sein des instances étatiques et
locales afin d'assurer la représentation et la participation politique
de tous les groupes ethniques de son côté repose sur l'exigence de
l'équité qui en est le troisième critère. La
dimension complémentaire de la séparation des pouvoirs et le
facteur de l'épanouissement des groupes ethniques constitue quant
à eux le quatrième critère qui est celui de la division
territoriale du pouvoir (décentralisation,
régionalisation)87(*).
L'existence juridique de ces critères fondamentaux
à la pacification de la société pluriethnique
démontre le respect effectif par la PER, des critères
indispensables à la réalisation de sa fin ultime qui est celle de
la prévention des conflits interethniques au Cameroun. Et ce,
grâce aux paramètres comme l'existence des garanties du droit
à la différence aussi bien au niveau de la constitution que de
l'administration88(*), la
diversité ethnique du recrutement dans les instances
politico-administratives ET dans la représentation au sein des instances
politiques nationales et locales, les politiques de discrimination positive en
faveur des minorités, etc. Reste cependant à comprendre si la
réalisation de ces finalités politiques de la PER indispensables
à la prévention des conflits entre les groupes ethniques du
Cameroun n'entre pas en contradiction avec les dispositions juridiques de ce
pays.
II. 2- Le but politique de la
PER et la prévention des conflits interethniques
Le traitement différencié des
communautés ethniques constitue l'un des principaux arguments de la PER
dans sa lutte pour la prévention des tensions interethniques. Ainsi
comprise, cette forme de justice politique fonctionne dans son système
des quotas par exemple, selon le principe de la discrimination positive.
Autrement dit, elle intègre, des mesures destinées à
permettre le rattrapage de certaines inégalités en favorisant
certains groupes ethniques par rapport aux autres. Ce qui est cependant
susceptible d'engendrer des frustrations du type de l'inadmissibilité
des membres d'un groupe ethnique à une institution ou à des
postes administratifs même s'ils possèdes des qualifications
académiques meilleures pour des raisons de la prévention des
revendications qui peuvent aboutir à un affrontement entre les groupes
ethniques. D'où le conflit entre le droit qui veut que toutes les
communautés ethniques puissent avoir accès à toutes les
institutions ou postes administratifs de leur choix, et la PER qui veut, elle,
réaliser son but qui est celui de la représentation de tous ces
groupes ethniques au sein des institutions administratives, et par ricochet, de
la prévention des conflits entre les différents groupes ethniques
de l'État du Cameroun.
La préoccupation dès lors est de savoir s'il
est légitime de sacrifier les dispositions légales sur l'autel
des buts politiques. À ce sujet, la réponse est celle de pouvoir
distinguer les situations où la justice doit être
appliquée arithmétiquement (but juridique) et celles où
elle doit être simplement géométrique (but politique). Ce
qui stipule que l'on peut, dans certaines situations, pour aller dans le
même sens que Mbonda qui reprend le philosophe juriste américain
Ronald Dworkin, admettre qu'une politique défavorise certains groupes
pour en soutenir d'autres, à condition qu'elle ait pour objectif de
réaliser l'idéal d'égale attention due à tous les
groupes. Donc l'égalité, c'est-à-dire « le droit
à un traitement égal », (qui est le droit à
une répartition égale de chances), peut être
limité au nom de l'égalité : le droit
« d'être traité comme un égal89(*) » (qui est le droit
d'être traité avec le même respect et la même
attention que qui que ce soit d'autre). Une politique qui fixe pour chaque
région les pourcentages de candidats pouvant être admis aux
concours de la fonction publique, et qui s'efforce d'assurer une certaine
représentativité des régions ou même des ethnies
dans le gouvernement et les plus hautes fonctions de l'État comme
à la PER au Cameroun, est, dans le principe, une politique juste du
point de vue du droit et efficace du point de vue de la politique de la
sauvegarde de la paix. Reste à indiquer les éléments
factuels de cette efficacité dans la prévention des conflits
entre communautés ethniques au Cameroun.
Paragraphe 2- L'efficacité de la PER
Étant donné que toute politique publique
ambitionne « d'atteindre des objectifs, de mettre en oeuvre des
valeurs, de satisfaire des intérêts », analyser
l'efficacité de la PER revient à se rendre compte si elle produit
le résultat escompté. D'où l'intérêt
porté tour à tour (1) sur sa pertinence et (2) sur son impact
social afin de mieux comprendre si effectivement les résultats attendus
sont satisfaits.
II. 1- La pertinence de la
PER
La justification ultime d'une politique réside dans le
traitement "d'un problème de société auquel les pouvoirs
publics se sentent tenus de faire face. Une politique sera dite pertinente si
ses objectifs explicites sont adaptés à la nature du
problème qu'elle est censée résoudre. Apprécier la
pertinence d'une action publique revient donc à s'interroger sur sa
raison d'être. S'agissant de la PER, elle intervient dans un contexte non
seulement de pluriethnicité, mais aussi de clivages identitaires de
plusieurs origines. En cette circonstances, sa raison d'être est de
créer un lien social, c'est-à-dire rendre possible le
vivre-ensemble en entretenant la solidarité et en neutralisant les
forces de désintégration de cette solidarité. Le lien
social étant compris « comme ce qui maintient, entretient une
solidarité entre les membres d'une même communauté, comme
ce qui permet la vie en commun, comme ce qui lutte en permanence contre les
forces de dissolution toujours à l'oeuvre dans une communauté
humaine90(*). »
Le concept de justice politique qui sous-tend la politique
publique de la PER fonde le lien social sur la justice. En ce sens que la
coopération sociale est bâtie sur une théorie politique
fondée sur la justice et sur l'égalité entre les
individus. Elle fait par ce fait de la justice le principe du politique au
même titre que la vérité l'est pour ce qui est du
théorique91(*)
selon les termes de Rawls. À preuve, les objectifs de cette action
publique exposés dans les textes législatifs et
réglementaires. Ceux-ci concernent en effet deux grandes
catégories d'objectifs que sont l'objectif politico-social qui se
répercute à la fois sur la judicieuse garantie à toute
les sensibilités ethniques, l'accès à l'administration
publique et la représentation de l'ensemble des groupes ethniques
faisant partie de la société camerounaise dans les sphères
décisionnelles ; et l'objectif d'efficacité finale qui a
pour conséquence la pacification des relations interethniques entre les
communautés ethniques.
II. 2- L'impact social de la PER
au Cameroun
Analyser l'efficacité de la PER revient à se
poser la question de savoir si elle réalise sont but ultime qui est la
prévention des conflits entre les groupes ethniques qui constituent la
société camerounaise. Et ce, grâce à la
redistribution des biens et charges dont regorge la société
camerounaise. Pour ce faire, il importe de s'intéresser aux indicateurs
de performance de cette politique pour juger si les objectifs du programme de
la PER ont été atteints. Ainsi peut-on constater de par ces
indicateurs de performance la répartition des postes
politico-administratifs entre les communautés ethniques du Cameroun
comme le démontre le tableau ci-après :
Tableau indiquant la Répartition des postes
ministériels entre les communautés ethniques au
Cameroun
No
|
Ethnie et/ou région d'origine
|
Nombre de postes
|
Pourcentage
|
1
|
Anglophone (nord-Ouest)
|
4
|
6,78
|
2
|
Anglophone (Sud-Ouest)
|
4
|
6,78
|
3
|
Bamiléké + Bamoun (Ouest)
|
4
|
6,78
|
4
|
Bassa (ancienne Sanaga Maritime
|
2
|
3,39
|
5
|
Béti (Centre [sauf Bassa], Sud, Est)
|
26
|
44,07
|
6
|
Grand Nord
|
15
|
25,42
|
7
|
Sawa (Douala, Mbo, et assimilés)
|
4
|
6,78
|
|
|
TOTAUX
|
59 100
|
Bien que ce tableau présente un
déséquilibre de répartition entre les différents
groupes ethniques qui y sont répertoriés, il faut noter qu'il
répond précisément aux préoccupations des
appartenances identitaires qui, ici, se posent en terme de la présence
d'au moins un de leur ressortissant dans les hautes sphères de
l'État. D'où la considération de celui-ci comme un
indicateur de performance en ce qui concerne les résultats palpables de
la PER dans la société camerounaise.
Evaluer en outre, l'impact de la politique publique de la PER
consiste à en mesurer les conséquences pour la
société et à s'interroger sur leurs caractères
bénéfiques. Dans ce sillage, s'inscrit la garantie du lien social
et de la stabilité politique de l'état du Cameroun. Alors que le
lien social repose sur la justice, la stabilité quant à elle fait
référence à l'équilibre social. En somme, l'impact
de la politique publique de la PER dans la société camerounaise
peut être résumé en termes d'harmonie dans les relations
interethniques, et de stabilité politique de la société
camerounaise. En effet, bien que ce pays d'Afrique centrale peut-être
considéré à juste titre, de par ses multiples clivages
ethniques, comme un véritable laboratoire des tensions interethniques
qui minent l'Afrique, ces tensions n'ont jusqu'ici pas encore
débouché sur une escalade de la violence à l'échelle
nationale comme cela est observé partout ailleurs dans les pays qui ont
la même trajectoire sociopolitique que le Cameroun.
Notre analyse visait au cours de cette seconde partie
à comprendre si la PER réunit tous les arguments
nécessaires à même de prévenir une implosion de la
société Camerounaise. C'est ce qui nous a amené tour
à tour à évoquer les réponses sociales de la PER
suite aux revendications ethniques et la capacité de cette justice
politique a atteindre sa finalité qui est celle de prévenir les
conflits interethniques au Cameroun. Il en ressort que la pluriethnicité
de la société camerounaise impose, pour une gestion harmonieuse
de celle-ci, que l'on reconnaisse les communautés ethniques qui y
existent publiquement, et que l'on procède à une juste
répartition des biens et des charges sociaux entre celles-ci. Les
tensions interethniques étant en grande partie dues à la sous
représentation ou à la non représentation de certains
groupes ethniques dans les sphères politico-administratifs de
l'État. Si la distribution égalitaire des biens et des charges
entre les différents groupes ethniques du Cameroun est a priori
impossible vu leur grand nombre, l'arbitrage des revendications concurrentes
entre ces groupe doit en revanche permettre l'accès de tous ceux-ci au
même titre aux avantages sollicités pour prévenir les
confrontations entre eux : condition sine qua non de la pacification des
relations interethniques au sein des sociétés pluriethniques.
CONCLUSION
En somme, le caractère multiculturel des
sociétés contemporaines pose de nos jours, le problème de
la pacification des relations intercommunautaires entre les différents
groupes ethniques qui constituent ces sociétés. En Afrique, tout
comme sur d'autres continents, la pluralité ethnico culturelle reste
l'une des principales sources des tensions intra étatiques. Bien
qu'elles constituent de par leur environnement multiculturel des espaces
riches, les sociétés pluriethniques sont cependant sur le plan
social très tumultueuses et surtout porteuses de conflits. En effet, la
redistribution des ressources sociales entre ces différents groupes
ethniques revêt une grande délicatesse : en ce sens qu'une
mauvaise répartition peut entraîner des tensions interethniques
susceptibles d'aboutir à une implosion sociale. L'accession à une
société pacifiée reposerait alors sur l'attention qu'a
l'autorité politique pour chacune des communautés ethniques qui
constituent le pays. Et ce, En reconnaissant d'une part les identités
communautaires qui favorisent la citoyenneté participative et la
recherche de biens communs, et en appliquant d'autre part l'autonomie et la
liberté des individus en reconnaissant à leur communauté
ethnique, des droits « différentiels ». C'est cette
quête de la pacification des relations interethniques au sein de la
société pluriethnique qui a motivé cette recherche qui
visait à analyser l'intégration de la dimension identitaire dans
l'organisation sociopolitique de l'état du Cameroun, notamment la
politique de l'« équilibre régional », qui
est un ensemble de règles juridiques et de mesures politiques
érigés en vue d'assurer entre autres la représentation et
la participation des groupes ethniques dans les sphères
politico-administratives de l'État du Cameroun pour comprendre si la
construction des mécanismes de péréquation des biens, des
charges et des avantages sociaux entre les groupes ethniques telle que
réalisée par la PER est à même d'éviter que
les clivages identitaires observés au sein de cette
société se transforment en affrontements meurtrières.
L'accomplissement de cette tâche nous a amené
à faire parallèlement (Première partie) une analyse de
l'interpénétration des phénomènes sociologiques
sous-jacents à la justice politique au Cameroun, et de la théorie
politique développée au sujet de la société
multiculturelle et des dispositions normatives qui en découlent. Avant
de procéder en dernier ressort (Deuxième partie) d'une part
à une analyse des enjeux sociaux de cette politique publique, et d'autre
part des conséquences de celle-ci dans la société
Camerounaise en ce qui concerne les escalades de violences sociales. En effet, l'un des phénomènes marquant de
la société camerounaise à l'ère de la
démocratisation est la constitution des communautés ethniques en
groupes de revendications sociales. C'est ce phénomène qui
contribue à la mise sur pied d'une politique publique
érigée en vue d'assurer la représentation et la
participation des groupes ethniques au Cameroun et par ricochet des conflits
interethniques au sein de cette société. Elle fait suite aux
revendications ethniques et les risques de conflits que ces revendications
entrainent. Cette politique tient ses éléments fondationnels
à la fois de la pensée multiculturaliste et des normes issues des
textes juridiques internationaux et nationaux. De ce fait, elle fonctionne
selon le modèle du traitement différentiel des groupes ethniques
auxquels elle reconnaît des droits collectifs, et se conforme
également aux normes internationales au sujet de la protection des
minorités en constitutionnalisant l'ethnicité. La
pluriethnicité de la société camerounaise est
concrètement exprimée à l'aube de la
démocratisation de cette société. L'instauration du
multipartisme contribue en effet à la montée des revendications
identitaires qui aboutissent à la configuration ethno-régionale
de la société camerounaise. La gestion harmonieuse de celle-ci
revient nécessairement à faire une reconnaissance publique des
différentes tendances ethniques qui y existent. Et ce, en
procédant à une juste répartition des biens et des charges
sociaux entre ces différentes tendances ethniques. La sous
représentation ou la non représentation de certains groupes
ethniques dans les sphères politico-administratifs de l'état est
en effet, en grande partie la cause des tensions interethniques. Parvenir au
but de la PER qui consiste à prévenir les affrontements
interethniques dans la société camerounaise, nécessite un
arbitrage des revendications concurrentes entre ces groupes à même
de permettre à chacun d'eux d'avoir accès au même titre,
aux biens, aux charges et aux avantages sollicités. La distribution
égalitaire de ces ressources sociales entre ces différents
groupes ethniques étant a priori impossible vu leur grand nombre.
Suite à cette analyse, on peut envisager une
synthèse des éléments qui peuvent permettre d'enrichir le
débat et l'expérience des sociétés pluriethniques.
Ces éléments reposent entre autres, sur des pratiques relatives
à la régulation démocratique des sociétés
plurielles, l'administration publique dans les sociétés
plurielles et le droit à la différence. Il s'agit
concrètement, de la considération de la PER comme règle de
recrutement aussi bien dans l'administration publique que dans les principales
institutions du pouvoir de l'État : ce qui permet à la
plupart des composantes ethniques d'être représentées au
sein de l'État ; - de l'affirmation de la diversité
culturelle à travers la constitutionnalisation des localités
décentralisées : ce qui permet aux diverses composantes
ethniques de promouvoir dans le cadre du respect des lois de la
République, les modes endogènes de gouvernement ; - du droit
à la différence comme droit fondamental; ce qui permet
d'entretenir l'existence dynamique de la diversité constitutive de la
communauté politique à travers la reconnaissance des groupes, la
protection du droit des groupes ; - de l'exigence légale de la
représentation des diverses composantes sociales des circonscriptions
électorales sur les listes de candidatures aux élections
municipales, régionales et législatives etc. L'expérience
camerounaise est intéressante en ce sens qu'il s'agit d'un exemple de
régulation de la diversité ethnique. La politique de
l'« équilibre régional » qui est en vigueur
ici, autant que des procédures comme la discrimination positive aux
États-Unis et en Afrique du Sud (la pratique des quotas dans les
représentations des groupes), peut, à cet égard, si elle
est appliquée en toute équité, constituer une solution
efficace pour la prévention d'éventuelles revendications
identitaire susceptibles d'aboutir à une implosion sociale. Cette
analyse révèle également un pan important de la
problématique des sociétés contemporaines. Il s'agit de
L'organisation politique de ces sociétés qui sont pour la plupart
pluriethnico-culturelles. S'il n'est pas du tout évident que la notion
d'État perde actuellement ou doive perdre de son importance, il est, en
revanche, assuré que l'État doit nécessairement se
transformer sous peine d'échouer à gérer l'explosion
actuelle des identités. La question est de plus en plus clairement
posée d'une transformation de l'État dans le sens d'une
sensibilisation de ses élites technocratiques aux cultures ethniques
locales.
BIBLIOGRAPHIE
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1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
La charte africaine des droits de l'homme
et des peuples du 27 juin 1981.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits
des peuples autochtones du 13 septembre 2007.
La Déclaration Universelle des Droits Collectifs des
Peuples, du 24 avril 1999.
Loi
électorale du Cameroun du 16 décembre 1991
Conférences
SINDJOUN Luc, Synthèse de l'ensemble des travaux du
colloque Francophonie-Commonwealth - Cameroun «
Démocraties et sociétés plurielles »,
democratie.francophonie.org/IMG/pdf/1589.pdf, (Consulté le 28 mars
2011)
TABLE DES MATIERES
DÉDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
SOMMAIRE
III
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
1
INTRODUCTION
2
I. Contexte de l'étude
3
II. Délimitation du sujet
4
II. 1- Délimitation spatiale
4
II. 2- Délimitation temporelle
4
II. 3- Délimitation matérielle
4
III. La définition des concepts
5
III. 1- La justice politique
5
III. 2- La prévention des conflits
6
III. 3- La société pluriethnique
6
III. 4- La politique de
l'« équilibre régional »
7
IV. L'intérêt du sujet
8
IV. 1- L'intérêt social
8
IV. 2- L'intérêt scientifique
9
V. La revue de littérature
9
V. 1- Le courant multiculturaliste
9
V. 2- Le courant communautarien
12
V. 3- La théorie de l'égalité
différenciée
13
VI. Problématique
14
VII. Hypothèse
16
VIII. Le cadre méthodologique
16
VIII. 1- La méthode
génétique
16
VIII. 2- L'analyse stratégique
16
IX. Articulation et justification du plan
17
PREMIERE PARTIE : LE CAMEROUN ET LA POLITIQUE
DE L' « EQUILIBRE REGIONAL »
18
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS ETHNIQUES ET LA
MONTEE DES TENSIONS SOCIALES
19
SECTION I- La constitution des communautés
ethniques en groupes de revendications sociales
19
Paragraphe 1- L'identité ethnique des
individus
19
I. 1- Les caractéristiques de l'ethnie
20
I. 2- L'ethnie et la participation au pouvoir
politique
20
Paragraphe 2- Communauté ethniques et
justice politique
21
II. 1- L'identité de l'individu en milieu
pluriethnique
22
II. 2- La justice politique et l'identité
ethnique
22
SECTION II- Revendications ethniques et risques de
conflits
23
Paragraphe 1- Les clivages ethnico-politiques au
Cameroun
23
I. 1- L'expression sociale des clivages ethniques
au Cameroun
24
I. 2- L'ethnicisation de l'arène politique
au Cameroun
24
Paragraphe 2- La constitution des populations
autochtones et de la minorité anglophone en entité politique de
revendication
26
II. 1- L'autochtonie et la revendication locale
26
II. 2- La menace sécessionniste
27
CHAPITRE II- FONDEMENTS THEORIQUE ET NORMATIFS DE
LA POLITIQUE DE L' « EQUILIBRE REGIONAL »
30
SECTION I- La multiculturalité et le
traitement différentiel
30
Paragraphe 1- La question de la
multiculturalité et les fondements du droit collectif
30
I. 1- L'identité communautaire et la
citoyenneté
31
I. 2- Le pluralisme identitaire et les droits
« différentiels »
33
Paragraphe 2- La discrimination et la protection
des groupes sociaux défavorisés
35
II. 1- Les garanties institutionnelles
35
II. 2- Le dilemme entre but juridique et but
politique
36
SECTION II- Les fondements normatifs de la PER
37
Paragraphe 1- Le droit international et le droit
des peuples
37
I. 1- Le droit international et la reconnaissance
des groupes ethnico-culturels
37
I. 2- Le sujet du droit
38
Paragraphe 2- La constitutionnalisation de
l'ethnicité au Cameroun
39
II. 1- La reconnaissance juridique de la
diversité ethnique du Cameroun
39
II. 2- Les collectivités
décentralisées et la protection du droit des groupes ethniques
minoritaires et autochtones
40
DEUXIEME PARTIE : POLITIQUE DE
L' « EQUILIBRE REGIONAL » ET PREVENTION DES CONFLITS
AU CAMEROUN.
42
CHAPITRE I- LES REVENDICATIONS DES GROUPES
ETHNIQUES ET L'ENJEU SOCIAL DE LA PER
43
SECTION I- La pluriethnicité et la
Représentation politique
43
I. 1- La démocratisation et la
pluriethnicité du Cameroun
43
I. 2- La décentralisation et la justice
politique
44
SECTION II- La représentation des
communautés ethniques et la justice politique
46
Paragraphe 1- L'administration publique et la
représentation ethnique
46
1- La politique des quotas
46
I. 2- L'administration publique et la
redistribution ethnique
47
Paragraphe 2- Le pouvoir décisionnel et la
représentation des communautés ethniques
49
II. 1- Le pouvoir législatif et la
représentation ethnique
49
II. 2- Le pouvoir régalien du chef de
l'État et la représentation ethnique
50
CHAPITRE II- L'EQUITE DE LA PER ET LA PREVENTION
DES CONFLITS INTERETHNIQUES
52
SECTION I- L'ethnicité et la redistribution
des biens et charges sociaux
52
Paragraphe 1- La représentation politique et
la prévention des conflits interethniques
52
I. 1- L'ethnie et la représentation
publique
52
I. 2- L'implication de la reconnaissance des
groupes ethniques dans la société camerounaise
53
Paragraphe 2- L'égale répartition des
biens et charges sociaux entre les différentes communautés
ethniques et la prévention des conflits ethniques
54
II. 1- La PER et l'égale attention à
tous les groupes ethniques
54
II. 2- La juste répartition des ressources
sociales entre les communautés ethniques
55
SECTION II- L'efficacité de la PER
56
Paragraphe I- Les mesures préventives des
conflits interethniques de la PER
56
I. 1- Les conditions d'une prévention des
affrontements interethniques
56
II. 2- Le but politique de la PER et la
prévention des conflits interethniques
57
Paragraphe 2- L'efficacité de la PER
58
II. 1- La pertinence de la PER
59
II. 2- L'impact social de la PER au Cameroun
59
CONCLUSION
62
BIBLIOGRAPHIE
65
TABLE DES MATIERES
68
* 1 (Cf.) Giordan Henri,
« Les sociétés pluriculturelles et
pluriethniques »,
www.unesco.org/most/giordfra.htm,
(Consulté le 12 mars 2011).
* 2 (Cf.) Taylor,
Multiculturalisme : différence et démocratie,
Aubier, France, 1994, p. 51.
* 3 La colonisation de
l'Allemagne, de 1884 à 1914, Puis la mise sous tutelle de la France et
de l'Angleterre de 1914 à 1960.
* 4 (Cf.) Le Rapport Brahimi,
adopté lors du Sommet du Millénaire en septembre 2000.
* 5 (Cf.) Les conclusions de
la Commission Carnegie.
* 6 (Cf.) Sindjoun,
Synthèse de l'ensemble des travaux du colloque
Francophonie-Commonwealth - Cameroun « Démocraties et
sociétés plurielles »,
democratie.francophonie.org/IMG/pdf/1589.pdf, (Consulté le 28 mars
2011).
* 7 (Cf.) Kymlicka, La
citoyenneté multiculturelle, Une théorie libérale du droit
des minorités, éditions La découverte, 2001, p.
148.
* 8 (Cf.) Kymlicka,
Idem, p. 61.
* 9 (Cf.) Mesure et Renaut,
Alter ego : Les paradoxes de l'identité
démocratique, Paris, Aubier, 1999, p. 246.
* 10 (Cf.) Mesure et Renaut,
Idem, p. 248.
* 11 (Cf.) Taylor, Idem, p.
42.
* 12 Qui se résument
au droit à un traitement égal qui est le droit à une
répartition égale de chances, de ressources ou charges.
* 13 Ronald Dworkin,
Prendre les Droits au sérieux, Paris, PUF, 1995, P. 332.
* 14 (Cf. Mbonda, Justice
ethnique Identités ethniques, reconnaissance et représentation
politique, PUL, Collection Mercure du Nord/Verbatim, 2010, p. 80.
* 15 (Cf.) Walzer,
Traité sur la tolérance, 2, 2, Paris, Gallimard, 1998,
p. 87.
* 16 Selon Mbonda,
Même quand, grâce à la science et à la technique, il
y a une certaine démultiplication des biens consommables, il restera
toujours des formes de biens dont la quantité ne peut qu'être
restreinte. C'est par exemple le domaine du pouvoir où certaines
positions sont condamnées à être rares (un seul fauteuil
présidentiel, quelques postes pour les ministres et autres hautes
personnalités de l'État, un nombre limité de sièges
à l'assemblée nationale et dans les parlements, quelques places
seulement pour l'accès à la fonction publique, etc.).
* 17 (Cf.) Eboussi Boulaga,
préface du livre Constructions identitaires en Afrique : enjeux
et stratégies et conséquences, Simo, David éd., Yaoundé, Éds.
Clé, 2006, p. 21.
* 18 (Cf.) Coly,
« L'ethnie, une histoire complexe »,
www.lhoumeau.com/w/Intura/www/fonds/jm-coly/lethnie-une-histoire.htm,
(Consulté le 18 avril 2011).
* 19 (Cf.) Mbonda,
Idem, p. 11.
* 20 (Cf.) ONANA ONOMO,
« DÉMOCRATISATION ET RIVALITÉS ETHNIQUES AU
CAMEROUN »,
www.ethnonet-africa.org/pubs/p95cir4.htm,
(consulté le 29 avril 2011).
* 21 (Cf.) Coly,
Idem.
* 22 (Cf.) Coly,
Ibid
* 23 (Cf.) Mesure et Renaut,
Op.cit., p. 9.
* 24 (Cf.) Mbonda,
Op.Cit., p. 31.
* 25 (Cf.) Mesure et Renaut,
Idem, p. 12.
* 26 (Cf.) Kymlicka,
Idem, pp. 148-149.
* 27 (Cf.) Taylor,
Op.Cit., p. 42.
* 28 (Cf.) Mbonda, Op.Cit., pp.
27-28.
* 29 (Cf.) Monda,
Idem, pp. 27-28.
* 30 (Cf.) Mbonda,
Ibidem, p. 29.
* 31 (Cf.) Préambule de
la constitution du Cameroun du
2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996.
* 32 Au lendemain des
élections municipales du 21 janvier 1996, quatre maires élus se
trouvèrent être des Bamiléké contre un maire
autochtone sawa.
* 33 (Cf.) Konings, « Le problème
anglophone au Cameroun dans les années 1990 »,
https://openaccess.leidenuniv.nl/.../1996_le_probleme.pdf, (Consulté le
10-février 2011), p. 3.
* 34 (Cf.) KONINGS,
Idem, p. 5.
* 35 (Cf.) Aboya,
« Menaces sécessionnistes sur l'État
camerounais », www.monde-diplomatique.fr/...MANASSE/17281,
(Consulté le 29-février 2011).
* 36 (Cf.) Konings, Op.Cit.,
p. 7.
* 37 (Cf.) ABOYA,
Idem.
* 38 (Cf.) Konings,
Op.Cit., p. 7.
* 39 (Cf.) ABOYA,
Ibid.
* 40 (Cf.) Taylor,
Op.Cit., pp. 61-84.
* 41 5Cf.) Taylor,
Idem, p. 50.
* 42 (Cf.) Taylor,
Ibid, p. 44.
* 43 (Cf.) Taylor,
Ibid, pp. 84-85.
* 44 (Cf.) Taylor, Ibid, p.
87.
* 45 (Cf.) Kymlicka,
Op.Cit., pp. 128-129.
* 46 (Cf.) Kymlicka,
Idem, p. 94.
* 47 (Cf.) Kymlicka,
Ibid, pp. 45-48.
* 48 (Cf.) Kymlicka,
Ibid, pp. 35-44.
* 49 (Cf.) Dworkin,
Idem, p. 331.
* 50 (Cf.) Dworkin,
Ibid, p. 332.
* 51 (Cf.) Dworkin,
Ibid.
* 52 (Cf.) Dworkin,
Ibid, p. 332.
* 53 (Cf.) Déclaration Universelle
des Droits Collectifs des Peuples, art. 1.
* 54 (Cf.) La
Déclaration sur les droits des peuples autochtones, arts. 1-6.
* 55 (Cf.) La charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, arts. 19-24.
* 56 La notion d'autochtonie
se rapporte aux communautés ethniques originaires de la région
où de la ville où elles résident et celle de
minorité renvoie à un groupe humain spécifique ou
considéré comme tel, faisant partie d'une collectivité
plus importante et auquel on attribue parfois un statut discriminatoire.
* 57 (Cf.) Préambule
de la Constitution du Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
* 58 (Cf.) Constitution du
Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, art. 57, al. 2.
* 59 (Cf.) Constitution du
Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, art. 57, al. 3.
* 60 (Cf.) Constitution du
Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, art. 56, al. 1.
* 61 (Cf.) Sindjoun,
« IDENTITE NATIONALE ET « REVISION
CONSTITUTIONNELLE » DU 18 JANVIER 1996: COMMENT
CONSTITUTIONNALISE-T-ON LE « NOUS » AU CAMEROUN DANS L'ETAT
POST- UNITAIRE ? »,
ww.polis.sciencespobordeaux.fr/vol1ns/sindjoun.rtf, (consulté le
14-03-11), p. 4.
* 62 (Cf.) SINDJOUN,
Idem, p. 5.
* 63 (Cf.) SINDJOUN,
Ibid, p. 10.
* 64 (Cf.) SINDJOUN,
Ibid.
* 65 (Cf.) Lemieux,
Décentralisation, politiques publiques et relations de pouvoir,
Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 2001,
p. 48.
* 66 (Cf.) constitution du Cameroun du 2 juin 1972
révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, art. 57
alinéas 3.
* 67 (Cf.) PRC, « LA
DECENTRALISATION AU CAMEROUN (Atouts et Enjeux) »,
www.prc.cm/index_fr.php?link...cameroun, (Consulté le 29-03-2011).
* 68 (Cf.) MONDA,
Op.Cit., p. 72
* 69 (Cf.) BOYOMO
ASSALA, « Nation, Etat : discours
intégrationnistes et pratiques
ségrégationnistes », in Simo, David éd.,
Constructions identitaires en Afrique, Yaoundé, Editions
Clé, 2006, p. 123.
* 70 (Cf.) MBONDA,
Idem, p. 72.
* 71 (Cf.), MBONDA,
Ibid, p. 73.
* 72 (Cf.) BOYOMO ASSALA,
Idem, p. 133.
* 73 Le découpage
administratif des départements respecte des contours ethniques plus
précis encore que les régions.
* 74 (Cf.) La loi
électorale du Cameroun du 16 décembre 1991, Art. 3.
* 75 Une circonscription
électorale correspond en fait à un département.
* 76 (Cf.) La loi
électorale du Cameroun du 16 décembre 1991, Art. 5, al. 4.
* 77 C'est-à-dire les
dix (10) régions définies par la constitution du 2 juin 1972
révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, art. 61,
al. 1.
* 78 (Cf.) Constitution du
Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, art. 20, al. 1.
* 79 Certains de ces hautes
fonctions comme la primature sont réservées à des groupes
ethniques bien précis.
* 80 (Cf.) Mbonda,
Op.Cit., pp. 46-48.
* 81 (Cf.) Mbonda,
Idem, p. 48.
* 82 (Cf.) Rawls,
Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, p. 106.
* 83 (Cf.) Rawls,
Libéralisme politique, Paris, PUF, 1995, p. 172.
* 84 L'art. 20 al. 2 et
l'art. 57 al. 3 de la constitution disposent respectivement que Chaque
région est représentée au Sénat par dix (10)
sénateurs ; et que Le Conseil régional est
présidé par une personnalité autochtone de la
région élue.
* 85 Le décret (No
75/496) du 3 juillet 1975, modifié et complété par un
autre en 1982 (No 82/407 du 7 septembre) fixe les quotas de places par «
province d'origine » des parents des candidats dans toutes les
écoles de l'administration civile et militaire.
* 86 (Cf.) La constitution
du Cameroun, art. 20, au sujet de la répartition des postes
sénatoriaux.
* 87 (Cf.) La loi
D'orientation de la décentralisation (Loi N°2004/017 du 22 Juillet
2004).
* 88 (Cf.) Le décret
de la PRC, n° 82/407 du 7 septembre 1982, modifiant et complétant
celui du n° 75/496 du 3 juillet 1975.
* 89 (Cf.) Monda,
Op.Cit., p. 80.
* 90 (Cf.) Mbonda,
« Crises politiques et refondation du lien social : quelques
pistes philosophiques », http
classiques.uqac.ca/...ernest.../crises_pol_lien_social.doc, (Consulté le
10 avril 2011) p. 5.
* 91 (Cf.) Rawls,
Théorie de la justice, Op.Cit., p. 29.
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