Introduction
Au cours de mes études, et par les observations que
j'ai pu faire sur différents lieux de stage (les points rencontres, les
services de médiation familiale, mais aussi dans l'accompagnement des
personnes à mobilité à réduite), je me suis rendu
compte de la difficulté pour les parents séparés de
maintenir une communication suffisante pour le bien-être de leurs
enfants, lorsqu'un conflit, souvent lié à la séparation,
les oppose. J'ai aussi fait le constat que chaque famille est
particulière, et que son accompagnement mérite de prendre en
compte cette donnée. Je me suis alors demandée quelle pouvait
être la profession qui permettrait d'accompagner ces familles dans la
résolution de leur conflit, tout en prenant en compte chaque individu et
chaque problématique de manière singulière.
C'est donc en quête de réponses face à ce
questionnement que mon intérêt s'est porté vers la
médiation familiale.
1. Problématique
Dans le cadre du stage inscrit dans le cursus de formation au
Diplôme d'Etat de médiateur familial, j'ai suivi et
accompagné plusieurs processus de médiation familiale. J'ai aussi
été associée à un certain nombre de rencontres,
sans en suivre la totalité du processus.
Les observations pratiques qui ont nourri cette recherche
sont extraites de cette expérience.
De part le monde et le temps, le concept de famille a
toujours trouvé sa place. Les liens unissant ses membres sont
variés : biologiques, d'adoption, ou encore choisis. Leurs
structures sont aussi différentes, et ne cessent d'évoluer au
gré des sociétés dans lesquelles elles vivent. En France,
il existe plusieurs modalités d'union pour les couples conjugaux :
mariage, PACS1(*), union
libre.
Les structures originelles de la familles sont très
différentes les unes des autres : les familles dites
« traditionnelles », les familles monoparentales et
homoparentale, les familles recomposées. Malgré des traits
communs à tous les types de familles, elles sont uniques. Les
désaccords et les conflits qu'elle rencontrent au cours de leurs
existences sont nombreux.
Les médiateurs familiaux sont des professionnels qui
accompagnent ces familles dans le rétablissement de lien entre leurs
membres, lorsque ceux-ci ont été altéré ou rompu,
lorsque la communication est difficile ou qu'elle est devenue impossible.
La médiation familiale se trouve à la
croisée des champs sociologiques, psychologiques et juridiques. Elle
offre un espace d'accueil, d'écoute et de communication, où
l'altérité, la reconnaissance et le respect de l'autre sont les
maîtres mots.
Elle s'adresse essentiellement aux familles en situation de
conflit ou de rupture de communication. Chaque participant est unique de part
son histoire et sa personnalité. Les médiateurs familiaux sont
aussi particuliers par leurs formations et leur manière d'exercer leur
profession.
La médiation familiale se pratique dans un cadre fixe,
avec des règles strictes, permettant de créer un environnement
sécurisant et différent de celui dans lequel les personnes
évoluent au quotidien.
Confrontée à cette diversité, les
questionnements suivants ont émergé :
Comment prendre en compte chacun des individus dans sa
singularité, tout en amenant chacun d'entre eux à
réfléchir conjointement?
Comment travailler avec ce cadre fixe, tout en accueillant des
familles aussi différentes les unes des autres ?
Comment répondre à la complexité de
chaque demande ?
Comment travailler avec les familles à
l'accomplissement de leurs volontés, et comment les aider à
trouver ensemble des solutions à leurs problèmes ?
Comment le médiateur peut -il adapter le processus de
médiation familiale à chaque famille ?
Aussi, ma problématique pourrait être
énoncée de la façon suivante :
Comment la médiation familiale peut-elle accueillir,
accompagner, et s'adapter à la singularité de chaque famille?
2. Hypothèse
Je formule l'hypothèse suivante :
C'est grâce à la garantie, par le
médiateur, d'un cadre fixe structurant les demandes et les
échanges, à l'animation d'un processus s'adaptant aux besoins
spécifiques de chacun, couplée à la volonté des
participants de trouver ensemble des solutions mutuellement acceptables, que la
médiation familiale peut accueillir les demandes de chaque famille dans
sa singularité.
3. Méthodologie
Le cadre, l'adaptabilité et la singularité
seront les thèmes dominants de ma réflexion. Ils seront
utilisés afin de comprendre et d'analyser ce qui permet aux personnes
d'être accueillies et accompagnées en médiation
familiale.
L'objectif de ce mémoire est de démontrer que
la médiation familiale peut accueillir toutes sortes de
problématiques familiales, et entendre chaque personne dans ses
difficultés et ce, grâce à un cadre fixe et structurant,
ainsi qu'à une grande part d'adaptabilité du processus de
médiation familiale.
Pour cela, je me suis appuyée, d'une part sur les
approches pratiques et théoriques de médiateurs familiaux
formés à différents modèles théoriques, et
d'autre part sur les analyses de certains professionnels des champs
sociologiques et psychologiques.
Ce mémoire s'appuiera, dans la majorité des cas
présentés, sur des problématiques tournant autour de la
séparation conjugale ,car c'est là la grande partie du travail
des médiateurs familiaux.
La première partie de mon travail traitera du cadre de
la médiation familiale. Une définition étymologique
tentera d'en donner une représentation plus symbolique et
imagée.
Je décrirai dans un deuxième temps, les
caractéristiques du cadre de la médiation familiale, c'est
à dire les éléments matériels et humains le
constituant.
Seront ensuite déclinées les fonctions de ce
cadre, qui sont limitatives, contenantes et symboliques.
Puis viendra la déclinaison des compétences des
garants de ce cadre que sont les médiateurs familiaux.
Il s'en suivra une partie décrivant les familles
rencontrées en médiation familiale, leurs structures, leurs
problématiques, tout en mettant en avant le caractère singulier
de chacune d'entre elle, notamment à travers le processus de
séparation.
La deuxième partie traitera du processus
théorique de médiation familiale avec un développement
particulier pour chacune des étapes qui le composent. Ensuite,
j'exposerai les différents modèles théoriques auxquels les
médiateurs peuvent être formés, afin de mettre en avant les
points qui leurs sont communs.
La troisième et dernière partie traitera de la
spécificité de chaque processus, en mettant l'accent sur le fait
qu'il existe une trame commune, mais qu'il existe également une grande
part d'adaptabilité de ce processus au regard des familles
rencontrées, de leurs problématiques et des médiateurs
familiaux accompagnant celui-ci. Cette adaptabilité sera mise en exergue
par le biais de différentes pratiques sur des thèmes tels
que : les entretiens gratuits d'informations, les entretiens individuels,
la notion de temps, la place de la belle famille et des enfants lors des
entretiens de médiation familiale etc...
La dernière section de ce travail tentera de confirmer
ou d'infirmer l'hypothèse de départ, en confrontant le concept
théorique de cadre fixe de la médiation familiale à des
situations extraites de la pratique, mettant en avant l'adaptabilité et
la singularité de chaque processus.
Première partie
Présentation de la médiation familiale et
des familles rencontrées en médiation familiale
Dans cette première partie, je présenterai la
médiation familiale en général, puis les familles
rencontrées en médiation familiale.
I. Présentation de la médiation
familiale
Mon but ici est de décrire la médiation
familiale à travers la notion de cadre. Qu'est ce que le cadre de
manière générale ? Comment définit-il la
médiation familiale, et quelles sont ses fonctions ? Je
développerai aussi la médiation familiale à travers les
médiateurs familiaux. Quelle est leur formation ? Quelle place
tiennent-ils dans la médiation familiale ? Et quelles sont les
règles auxquelles ils répondent ? Ceci permettra un premier
encrage dans la théorie.
1. Le cadre de la médiation familiale
A) Généralités sur le cadre
D'un point de vue étymologique, et selon le
dictionnaire Larousse, la notion de « cadre » prend
plusieurs sens. Un cadre peut signifier une bordure entourant un objet
matériel ; une glace, un tableau, un panneau. Ici, nous pouvons
dire que le cadre délimite et circonscrit un objet, une action, un
espace. Il différencie l'intérieur de l'extérieur.
Le cadre, en tant que support, réunit et soutient
différents éléments d'un ensemble. Si l'on prend l'exemple
du cadre de vélo, il permet aussi la fonctionnalité du
système, en mettant en lien les différentes parties, la roue et
le pédalier par exemple. Le verbe « cadrer » renvoie
à la notion d'accordage et d'adaptation entre l'objet cadre et son
contenu.
Dans un registre plus abstrait, le cadre structure la
pensée. C'est un ensemble de constantes et d'invariants
constitués d'éléments fixes, de règles et de
limites.
Afin d'appliquer la notion de cadre à la
médiation familiale, je citerai quelques auteurs. Claire Denis,
médiatrice familiale, dans son ouvrage « la médiatrice
et le conflit dans la famille »2(*) dit « la notion de cadre est essentielle en
médiation comme dans toute démarche scientifique : le cadre
est, en effet, le contenant stable, neutre, fait d'éléments
constants, de présupposés fixes, qui permet d'explorer un contenu
variable et l'expérience en mouvement. »3(*)
Le psychologue Paul FUSTIER, s'appuyant sur les travaux du
psychanalyste José BLEGER, définit la notion de cadre à
partir de son rapport avec le processus. «Un processus (un changement, un
effet de maturation ou de soin) est une variable qui ne peut se manifester
qu'à l'intérieur d'un cadre, qui est, quant à lui, une
constante. Ce cadre, qui représente les règles invariables dans
lequel se joue le processus, est maintenu par le thérapeute de
façon stable. »4(*)
Je vais maintenant aborder le cadre tel qu'il est
défini par la circulaire du 30 juillet 2004 publié par le
CNCMF.
B) Un cadre défini par la circulaire du 30
juillet 2004
Cette circulaire à été publiée par
le CNCMF5(*) :
« La médiation familiale est un processus de
construction et de reconstruction du lien familial, axé sur l'autonomie
des personnes et la responsabilité des personnes concernées par
des situations de rupture ou de séparation.
Fondée sur l'engagement volontaire des personnes et la
reconnaissance de l'altérité, la médiation familiale est
confidentielle.
Son champ d'intervention recouvre :
ñ Toutes les modalités de l'union, et
notamment : le mariage, le concubinage, le PACS6(*)
ñ La situation des liens
intergénérationnels dans leur diversité
ñ Toutes les situations de ruptures telles que :
décès, séparations, questions patrimoniales,
incommunications
ñ Les situations à dimension internationale
ñ Les situations familiales concernées par la
protection de l'enfance
Dans une démarche éthique et dans le cadre
d'entretiens confidentiels, le médiateur familial, tiers impartial et
indépendant, sans pouvoir de décision, garant du cadre et du
déroulement du processus, favorise l'accompagnement du projet des
personnes à travers l'organisation de leur rencontre, la restauration
d'un dialogue, la gestion de leurs conflits dans le domaine familial, entendu
dans sa diversité et dans son évolution.
Le médiateur familial accompagne à la recherche
de solutions concrètes amenant les personnes à trouver
elles-mêmes les bases d'un accord mutuellement acceptable, tenant compte,
en l'état du droit, des besoins de chacun des membres de la famille et
particulièrement de ceux des enfants, dans un esprit de
co-responsabilité parentale. »7(*)
Cette définition vient baliser de façon assez
précise la pratique de la médiation familiale. Elle
détermine son champ d'intervention (toutes les modalités de
l'union, la situation de liens intergénérationnels, toutes les
situations de rupture, les situations à dimension internationale, et les
situations familiales concernées par la protection de l'enfance), ses
objectifs (reconstruction du lien familial, restauration du dialogue, gestion
des conflits) et sa finalité (la construction d'un accord qui s'appuie
sur la coparentalité et qui recherche l'intérêt de
l'enfant). Elle caractérise le cadre (confidentialité) et les
postures du médiateur familial (impartial, indépendant et sans
pouvoir de décision), ainsi que sa pratique (processus axé sur
l'autonomie et la responsabilité des personnes concernées. Le
médiateur accompagne la recherche de solutions concrètes amenant
ces personnes à trouver elles-mêmes les bases d'un accord).
Cette définition représente les fondations sur
lesquelles le médiateur construira son cadre de travail à
l'intérieur duquel le processus s'organisera. Il me semble important de
préciser qu'il existe d'autres codes de déontologie et d'autres
définitions auxquels les médiateurs familiaux peuvent se
référer.
Voici maintenant la description des fonctions du cadre, dans
la pratique de la médiation familiale.
C) Le cadre et ses fonctions
? Le cadre spatio-temporel
Le lieu constitue un élément du cadre. Il est
important qu'il garantisse la continuité du processus. Le lieu d'accueil
est le reflet de ce que le médiateur est en mesure d'apporter à
la famille. Il se doit d'être rassurant, agréable et contenant.
Les personnes doivent s'y sentir à l'aise. Afin de respecter la
confidentialité des entretiens, il est nécessaire que l'espace de
médiation soit insonorisé, sans quoi les personnes pourraient
penser que l'espace de médiation n'est pas en mesure de contenir ce
qu'elles expriment.
La configuration de la salle et le mobilier sont des
éléments changeants que le médiateur peut organiser
à sa manière. Cependant, il semble important que chacun puisse
être confortablement installé sur des fauteuils ou des chaises. Il
me semble important que la distance entre les participants puisse s'adapter,
car même si en début de la médiation les participants ne
souhaitent pas être proche les uns des autres, il est important qu'ils
puissent faire évoluer cette distance au cours des entretiens s'ils le
désirent. Afin que le médiateur puisse observer les personnes
physiquement et dans leur ensemble, pour une meilleure lecture du langage non
verbal, on peut privilégier une table basse ou l'absence totale de
mobilier entre les personnes.
Le cadre délimite aussi le temps. La notion de
temporalité n'est pas à négliger dans un processus de
médiation familiale. En effet, pour que le changement puisse être
possible, les échanges entre les personnes doivent être
structurés dans le temps. C'est pourquoi la durée du processus
est limitée : il possède un début et une fin, il est
rythmé par les entretiens, étant eux aussi d'une durée
limitée. Cette notion de temps balise les moments de parole.
L'intervalle entre les entretiens est un
élément négociable du cadre. Il n'est pas
déterminé à l'avance, et fait l'objet d'une
négociation entre les protagonistes et le médiateur. Il est
important que le médiateur soit vigilant sur le fait que la
rythmicité soit cohérente avec les besoins de la famille.
L'espace temps entre les entretiens doit permettre aux personnes de
réfléchir à la séance passée, et
d'élaborer la suivante, tout en gardant à l'esprit ce qui a
été dit précédemment. Je développerai plus
largement cette notion dans la troisième partie.
? Un cadre constitue des règles
Des règles viennent caractériser le dispositif
de médiation : il s'agit du financement de la médiation, du
langage comme mode de communication, de la place des acteurs, de la
confidentialité. Certaines définissent aussi le positionnement du
médiateur, impartial et neutre. Ces règles permettent aux
participants de se trouver dans un espace de parole différent de celui
qu'ils rencontrent au quotidien, et c'est en partie la structuration de ce
nouvel espace qui leur permettra d'amorcer des changements. L'espace de
médiation est un espace protégé où les personnes
doivent se sentir en sécurité.
? Les fonctions du cadre
Comme le dit le psychanalyste Didier ANZIEU8(*) quand il compare les fonctions
psychiques du cadre et celles biologiques de la peau, « à
l'instar de la peau, le cadre délimite un intérieur d'un
extérieur, contient le dedans, protège le dehors et permet les
échanges entre les deux ».
En médiation familiale, le cadre permet aux personnes
de trouver un espace de communication différent de celui dans lequel
leur conflit les enferme. Le cadre permet la mise en place de comportements
différents, où l'agressivité et la violence vont pouvoir
se transformer en reconnaissance de l'autre et en respect, où les
participants vont pouvoir collaborer au lieu de s'affronter.
? La fonction limitative du cadre
Le cadre de la médiation, en tant qu'espace de parole,
fonctionne avec ses propres règles venant différencier ce qui est
possible à l'intérieur de l'espace de médiation, de ce qui
ne l'est pas à l'extérieur. La règle principale
étant que, dans l'espace de médiation, les participants ont la
possibilité, et la liberté, de dire ce qu'ils estiment important,
ce qu'ils ressentent, ce qu'ils pensent car ils ont des choses à se dire
et à se transmettre, notamment au sujet de leurs enfants. Ils ont aussi
le droit à la protection de leur espace privé, et ainsi, le droit
de « ne pas dire ». En effet, seules les personnes
présente en médiation familiale (les parents, les familles) sont
celles qui vont décider des points a discuter et des choses à ce
dire. Dans cette espace de médiation familiale, l'existence des
règles telles que le temps de parole pour chacun, l'écoute, le
respect qui est toute fois une règle fondamentale également en
dehors de la médiation, constitue un « espace
protégé ». dans cet espace, les parents vont pouvoir
échanger sur des thèmes tel que leur colère, leur
déception, leur émotions... Ici, les participants vont pouvoir
aborder les points difficiles et sources de conflits avec certaines limites qui
n'existent pas à l'extérieur. Ces limites permettront des
échanges plus constructifs.
C'est par l'énonciation de ces règles que le
cadre exerce sa fonction limitative. Ces règles se trouvent
renforcées par la règle de confidentialité. Les acteurs
s'engagent à ne pas exporter à l'extérieur ce qui est
échangé à l'intérieur de la médiation,
notamment au cours d'une procédure ultérieure ou
parallèle.
? La fonction contenante du cadre
Le cadre va servir de réceptacle à tout ce qui
peut faire obstacle à la mise en place du processus. Il va être le
lieu de dépôt des haines, des rancoeurs, des blessures, des
souffrances et des violences, mais aussi des fragilités encombrant la
pensée des individus venant en médiation. Il permet aux personnes
d'extérioriser leur ressenti, ce qui est une étape primordiale
dans le déroulement du processus. Le médiateur offre un contenant
permettant de classer, de trier, voire de réorienter les
éléments qui ont été déposés dans le
cadre, et cela avec la garantie pour la personne, que ce qui a
été exprimé ne sera pas perdu et ne tombera pas dans
l'oubli. Le médiateur recueille ainsi les émotions sans les
traiter de manière thérapeutique, mais en permettant d'y mettre
des mots.
Ici, ils vont « pouvoir se dire », le
médiateur va écouter et entendre chacun dans un premier temps,
pour ensuite pouvoir restituer ces paroles de façon positive et
constructive.
Pour exemple lors d'un entretien individuel de
médiation familiale auquel j'ai assisté lors de mon
stage :
La médiatrice reçoit Madame pour un entretien
individuel, celle-ci arrive dans un état de souffrance morale
très marqué. Elle pleure beaucoup et tente de mettre des mots sur
l'altercation intervenue la veille au soir avec son mari.
La médiatrice l'invite à expliquer la
situation. Dans un premier temps, la médiatrice écoute le
déversement de déception, de souffrance et de peur, vécu
par Madame, elle l'encourage à faire le récit de son histoire.
D'une écoute empathique, la médiatrice prend note des
éléments significatifs de la conversation.
Dans un second temps, la médiatrice va aider Madame
à mettre des mots sur son ressenti, elle restitue à Madame ce
qu'elle a compris.
Puis dans un troisième temps, la médiatrice va
utiliser les dires de Madame de façon positive en la rassurant sur ses
compétences de parent vis à vis de son enfant. La
médiatrice reconnaît les difficultés de Madame tout en
amorçant une nouvelle façon de percevoir les
événements.
A la fin de cet entretien, Madame part sereine et
apaisée par le fait d'avoir pu trouver un endroit où
déposer ses angoisses. Elle sait que ses paroles ont été
entendues et comprises par la médiatrice. Elle quitte le service de
médiation avec un regard un peu différent sur son histoire,
regard qui petit à petit se tournera vers l'autre.
Je veux montrer à travers cet exemple, que le cadre
permet de recevoir la parole tout en la travaillant, en l'organisant.
Après avoir pu formuler leur ressenti, les personnes sont plus à
même d'engager un processus de médiation familiale, quelques
barrières se sont levées, signe que le changement est prêt
à s'amorcer.
Le rôle du médiateur familial, comme conteneur
du cadre, suppose de sa part, à la fois une empathie, et en même
temps, il se doit de poser des mots sur ces ressentis souvent violents et
angoissants, tout en sécurisant les membres de la famille.
? La fonction symbolique du cadre
L'aspect symbolique du cadre repose sur le fait qu'il
respecte un ensemble de règles sur lesquelles il s'appuie ;
celles-ci sont partagées par chacun, et leurs fonctions essentielles
sont de permettre la vie en société et la communication entre les
individus. Ces règles sont celles de l'extérieur, et sont
à mettre en lien avec les interdits fondamentaux que sont l'interdit de
tuer et l'interdit de l'inceste.
L'interdit de tuer détermine les comportements et les
modes de relation entre les individus, en excluant le recours à la
violence, et en privilégiant la parole comme mode de communication.
L'interdit de l'inceste marque les différences
générationnelles, et inscrit les individus à des places
identifiées d'homme, de femme, d'enfant, de père et de
mère.
Alice De LARA, conseillère conjugale et Pierre DE
LARA, psychiatre et psychanalyste, écrivent dans un article paru dans la
revue DIALOGUE : « La médiation familiale permet à
chacun des membres du groupe de s'inscrire dans l'ordre symbolique et la loi
humaine, celle de la place dans la suite des générations, dans sa
lignée respective, paternelle ou maternelle, assumant son
identité sexuée.»9(*)
La fonction symbolique du cadre introduit donc la loi au sein
de l'espace de médiation, loi qui contraint chacun à renoncer
à certains de ses désirs pour construire un lien avec l'autre.
Le médiateur est garant du cadre. Je vous propose
donc, maintenant, de voir plus en détail qui il est, quelle est sa
place, et quel est son rôle dans la médiation familiale.
2. Les médiateurs familiaux
Les médiateurs familiaux sont des praticiens en
capacité d'évaluer l'opportunité de la mise en oeuvre de
la médiation familiale, et d'utiliser la technicité qu'ils
estiment la plus appropriée aux médiations qu'ils conduisent.
A) La formation
La formation des médiateurs familiaux permet
l'obtention d'un diplôme d'état de médiateur familial. Elle
est d'une durée de 2 à 3 ans selon les établissements. Son
accès est réservé à :
ñ des professionnels titulaires d'un diplôme des
champs psychosociaux, juridiques, de l'éducation et de la santé,
pouvant justifier d'une expérience dans le champ de la famille de plus
de trois années.
ñ des professionnels titulaires d'un diplôme de
niveau bac + 2, justifiant d'une expérience professionnelle et/ou
associative de cinq années dans le champ de la famille.
ñ des personnes ne justifiant pas des diplômes
précités ou de l'expérience professionnelle exigée,
et dont la candidature est acceptée après validation de leurs
acquis, conformément à la loi de 1971.
B) La posture de tiers
L'une des spécificités de la médiation
familiale est la présence, tout au long du processus, d'un tiers
impartial, neutre et indépendant, au sein du conflit familial. Comment
ce tiers favorise-t-il les négociations ? Comment permet-il de
rétablir la communication entre les personnes ?
Comme le précise Michèle GUILLAUME-HOFNUNG,
Professeur des Facultés de droit, dans son ouvrage « La
médiation » : « Tout troisième n'est pas
un tiers »10(*).
Le tiers, médiateur, doit cumuler des qualités précises,
telle que la neutralité, l'indépendance, ayant pour objectif d'en
faire un tiers mettant en oeuvre un processus vraiment ternaire, sans pouvoir
de décision. Le tiers brise la dualité où sont
enfermées les personnes ; il leur signifie qu'ils existent et qu'il
est pour eux un point de repère commun. Le tiers doit connaître
les positions de chacun, connaître la vérité de chacun
d'entre eux, pour pouvoir en comprendre le sens, et de cette manière,
être dans la capacité d'ouvrir les champs des possibilités
en amenant les personnes à prendre en compte la vérité et
le vécu de l'autre. Lorsque les participants comprennent que pour sortir
de leur conflit, il est nécessaire de prendre en compte l'autre et soi,
alors ils peuvent rechercher des solutions satisfaisantes pour chacun en
prenant soin de respecter les besoins de chacun.
Le médiateur est comme une passerelle qui rejoindrait
deux rives : il découvre les paysages de l'un et de l'autre,
reconnaît leur singularité et leur complexité
réciproques et les amène petit à petit à se
découvrir l'un l'autre afin, qu'à leur tour, ils puissent se
reconnaître mutuellement et créer un paysage commun.
Le tiers se doit d'être impartial et neutre, car sans
cela les personnes se sentiraient jugées et n'exprimeraient pas
honnêtement leur ressenti. Il ne prend parti ni pour l'un ni pour
l'autre, afin de favoriser les échanges entre les personnes
elles-mêmes.
Le tiers est garant du cadre. Pour ouvrir un espace de parole
entre deux personnes, le médiateur doit savoir poser et maintenir sa
position de tiers. Il doit assurer la sécurité des personnes, et
s'engage, comme les participants, à respecter les règles de la
médiation. Il est le gardien du bon déroulement de la
médiation. Il gère le temps des entretiens, l'aspect financier
etc.
Le tiers anime le processus de médiation, c'est lui
qui va hiérarchiser les thématiques abordées au cours de
celle-ci, selon son appréciation, il veille au bon déroulement du
processus et à son adaptation à la situation.
C) L'absence de pouvoir décisionnel
Le médiateur familial est sans pouvoir de
décision, c'est-à-dire qu'il ne lui appartient pas de
décider des solutions à adopter. Ceci est à mettre en lien
avec « la compétence des familles », en effet, c'est
à elles-mêmes qu'il appartient de prendre les décisions
qu'elles jugent les plus adaptées à leur propre famille, seul les
parents sont les décideurs.
Le médiateur n'est ni juge ni arbitre ; en ce
sens, il accompagne les personnes dans leur prise de décision, car ce
n'est que de cette façon que les parents pourront reprendre confiance en
eux, en leurs compétences. C'est parce que ce sont leurs solutions,
celles qu'ils ont imaginées, choisies, que « l'équipe
parentale » se trouvera renforcée et prêt à
avancer, ensemble, pour leurs enfants. En leur restituant leur place de parent,
de décideur, le médiateur les responsabilise, les valorise sur
leur compétences de parents ; en leur rappelant les choix qu'ils
ont pu faire dans le passé, ensemble, par exemple..
Le médiateur encourage les parents à
communiquer dans le respect de l'autre, de ses idées. Il les
amène à s'écouter, s'entendre afin qu'ils puissent
ensemble développer leur créativité dans la recherche de
solutions amiables les mieux adaptées à leur famille.
D) Les recommandations éthiques et
déontologiques
Je vais détailler quelques unes de ces recommandations,
qui selon moi sont particulièrement importantes.
Il n'existe actuellement pas de code de déontologie
reconnu par l'ensemble des médiateurs familiaux. Cependant, plusieurs
association en ont rédigés un. J'ai choisi celui de
l'APMF11(*), qui est une
association nationale, et voici quelques principes fondateurs :
ñ « La médiation familiale est une
démarche volontaire et choisie qui ne peut se mettre en place qu'en
présence de tous les protagonistes » ;
Ce premier point est l'une des spécificités de
la médiation familiale. En effet, pour que le processus puisse se mettre
en place, il faut que les personnes concernées par le conflit aspirent
réellement à ce que la situation change. Cela commence par une
volonté commune de communiquer autrement avec l'autre, et
d'améliorer la relation qui les unit. Cet élément est
très important, car il y a, chez les participants, une réelle
envie de faire autrement, de sortir du conflit dans lequel ils sont
enfermés. C'est parce qu'à un moment donné ceux-ci
décident qu'il faut des changements, que ceux-ci sont alors
possibles.
Le médiateur devra donc s'assurer de l'engagement
réel des protagonistes avant la mise en place du processus. Je
détaillerai plus loin comment cet engagement peut se
concrétiser.
Dans ce principe déontologique, nous retrouvons aussi
le fait que la médiation ne puisse se mettre en place qu'en
présence des personnes concernées. Je décrirai plus
largement cet élément dans une autre partie abordant la
problématique de « Comment faire venir l'autre en
médiation », car il est évident que, sans l'ensemble
des participants la médiation ne peut se mettre en place.
ñ « Le médiateur est impartial et
neutre vis-à-vis des personnes qu'il rencontre » ;
Je disais plus haut que le médiateur n'était ni
un juge, ni un avocat ; en effet, c'est parce qu'il n'émet aucun
jugement que les personnes peuvent librement s'expliquer, sans craindre le
regard porté par le médiateur sur leur histoire.
L'impartialité du médiateur permet la spontanéité,
la franchise et l'honnêteté entre les participants. C'est
grâce à cela que le médiateur pourra avoir une connaissance
réelle du problème dans sa globalité et une meilleure
compréhension de celui-ci.
La médiation familiale doit permettre la restitution
de l'équilibre du pouvoir entre les participants, car ce n'est que de
cette manière que les négociations pourront être
menées à bien. Hors, si le médiateur soutenait d'avantage
les dires de l'une des personnes, cet équilibre serait en
péril.
Les parents vivant dans le conflit sont entourés de
personnes ayant un avis sur leur situation ; leurs amis et leurs familles
les soutiennent, et dans cette démarche de soutien, l'autre est souvent
perçu comme « le mauvais », « celui qui ne
fait pas bien ». Cette position peut renforcer le conflit, voire
l'aggraver, mais surtout elle ne permet pas le changement.
C'est parce que le médiateur est neutre et sans avis
sur la situation, que les personnes peuvent enfin se reconnaître dans des
visions plus positives.
ñ Le médiateur familial doit respecter et
préserver la confidentialité des entretiens et de tous les
documents produits dans le cadre du processus de médiation familiale.
Ce principe sera plus largement détaillé dans
une autre partie concernant la rédaction d'écrits que les
médiateurs familiaux rédigent parfois, et dans lesquels la
confidentialité du contenu des entretiens doit être
respectée.
Après avoir défini le cadre et ses fonctions
dans la médiation familiale ainsi que quelques principes fondateurs
auxquels sont soumis les médiateurs familiaux, je vais maintenant vous
présenter les participants à la médiation, à
travers la singularité qui les caractérise.
II. Présentation générale et
singularité des familles rencontrées en médiation
familiale
Cette partie concerne les familles rencontrées en
médiation familiale. Qui sont-elles ? Comment se
forment-elles ? Et quelles sont les problématiques les amenant
à franchir le pas vers la médiation familiale ?
1. L'évolution des familles des années 50
à nos jours, d'un point de vue sociologique
Dans cette partie, je m'appuierai sur un document remis par
François GARAU, Psychologue, lors d'un cours de sociologie à
l'Ecole des Parents et des Educateurs de Moselle. Celui-ci s'intitule :
« Futuribles/ Etude rétrospective et prospective des
évolutions de la société française
(1950-2030) »12(*)
Il semble nécessaire de faire un tour d'horizon de
l'évolution des structures familiales d'hier, afin de mettre en avant la
diversité des familles rencontrées en médiation familiale
aujourd'hui.
D'un point de vue statistique, « la famille
correspond à un groupe comprenant au moins deux personnes et
constitué d'un couple (qu'il soit légitime ou non) et le cas
échéant de ses enfants célibataires de moins de 25
ans ».
La famille est universelle. Toutes les sociétés
humaines ont imaginé et construit des liens familiaux. Elle commence par
l'union entre des individus, et se poursuit généralement par
l'arrivée d'un ou plusieurs enfants. Dans toutes les
sociétés, il existe des liens de parenté. La
parenté est un système de repérage social. Qui sont nos
parents ? nos ancêtres ? Quels liens ont-ils avec nous ?
La parenté s'effectue par la terminologie et le vocabulaire. Elle
désigne l'univers des parents au sens large. La parentalité est
la mise en oeuvre du lien.
Selon Nicolas JONAS, agrégé de sciences
sociales,« Si la famille n'est pas une institution stable dans
l'espace, elle ne l'est pas non plus dans le temps, ce qui montre bien que
c'est une construction sociale et non pas une donnée de la nature. Son
visage évolue au gré des bouleversements que traverse la
société dans laquelle elle se déploie.»13(*) C'est ce que je vous propose
de voir dans nos sociétés occidentales :
D'un point de vue démographique, la famille a beaucoup
évolué à travers l'histoire et plus
particulièrement depuis la révolution industrielle. Les
années 50 et 60 ont été une période de
nuptialité intense et de précocité des unions. Le taux de
nuptialité va croissant jusqu'en 1972, l'âge moyen du premier
mariage atteint son niveau le plus bas au vingtième siècle ;
24,5 ans pour les hommes et 22,5 ans pour les femmes. Dans les années 60
le divorce était encore un phénomène minoritaire, l'union
libre ne concernait que 3% des couples, et les naissances
« illégitimes » étaient peu
fréquentes.
La période 1965-1975 apparaît comme une grande
cassure dans la formation familiale, avec l'évolution des idées
sur le mariage, la sexualité, les rapports parents-enfants. Face
à ces changements de valeurs, mais aussi aux transformations
économiques et démographiques, la loi s'est adaptée: droit
à la contraception, l'adoption du divorce par consentement mutuel, le
droit à l'avortement, la reconnaissance de l'autorité parentale
et non plus paternelle. Ces évolutions sociologiques et
législatives se manifestent dans les faits, par une diminution à
la fois du nombre des mariages, ainsi que du nombre d'enfants par femme, une
augmentation des divorces et des unions libres. Globalement,
les français se marient donc moins souvent, plus tard, et de
façon de moins en moins définitive. Le modèle familial
traditionnel (composé du couple parental marié et des enfants)
est donc remis en question. Inversement, de nouvelles formes de vie familiale
se mettent en place.
Les foyers abritant des enfants avec un seul de leurs
parents, divorcé, veuf ou célibataire, ont cessé
d'être stigmatisés et ont été classifiés sous
l'appellation de « famille monoparentale ». De 1968
à 1990, la monoparentalité a progressé de 63%. Elle
concerne principalement les femmes.
Les familles recomposées compensent en partie la
dissolution des couples. Au recensement de 1990, parmi l'ensemble des couples
avec enfants, on comptait 8,5% de familles recomposées, soit une
augmentation de 20% au cours des années 1980.
Après avoir mis en avant les changements politiques et
idéologiques qui ont bouleversé la famille dite
« traditionnelle », et qui ont pour conséquence
l'émergence de nouvelles compositions familiales, je vais, à
partir de ces évolutions, détailler les éléments
essentiels qui font que chaque famille est différente et
singulière.
2. La singularité des familles
La singularité du latin singularitas signifie
« fait d'être unique ». Il peut s'agir du
caractère singulier, ce qui rend une chose ou une personne
singulière, mais cela peut aussi être en lien avec la
manière d'agir, de penser, de parler etc... hors de l'ordinaire,
différentes de celle de tous les autres14(*).
La singularité a à voir avec les personnes, ce
qu'elles font, ce qu'elles vivent, à travers différents
comportements. A travers l'émergence de nouvelles structures familiales,
et des problématiques qu'elles rencontrent, je démontrerai que
chaque personne est différente, et combien il est nécessaire de
prendre en compte chaque individu et chaque groupe en médiation
familiale afin de rassembler les participants dans des représentations
communes.
A) Les structures familiales
La famille composée du couple parental marié et
des enfants prévaut toujours actuellement, cependant quelques variantes
sont à noter. Les modalités de l'union sont variées,
parfois il s'agit d'union libre, sans contrat liant le couple, parfois le PACS
peut être le mode d'union choisi. Les variations se trouvent aussi dans
la naissance des enfants, car de plus en plus naissent hors mariage.
Du fait du nombre de plus en plus important de divorces, il
n'est plus rare de voir des enfants élevés par un seul parent, il
s'agit des familles monoparentales.
Mais parce que la « vie de famille » se
doit de perdurer malgré l'échec d'union antérieure, nous
voyons émerger de plus en plus de familles recomposées. Les
fratries s'agrandissent, et le nombre de responsables se multiplient : les
parents « géniteurs » auxquels viennent s'ajouter
les beaux-parents.
B) Le temps de la séparation en médiation
familiale
La séparation conjugale étant la
problématique majeure rencontrée en médiation familiale,
je vais détailler cette phase et tenter de mettre en avant la
complexité des étapes par lesquelles passe la majeure partie des
participants à la médiation familiale.
L'un des éléments illustrant cette
singularité est la notion de temps. On dit souvent en médiation
que « le temps de l'un n'est pas le temps de l'autre ». Je
vais développer cette notion de temps, en lien avec la
singularité de chaque membre de la famille à élaborer la
séparation.
La médiation familiale intervient le plus souvent dans
le cadre des séparations conjugales. Selon Bob Deits15(*), auteur de l'ouvrage
« Revivre après l'épreuve » (1999), la
détresse qui suit la rupture amoureuse ressemble étrangement
à celle ressentie lors du processus de deuil. L'acceptation de la
séparation est un cheminement long et difficile que chaque partenaire
devra parcourir. Bien entendu, plus la relation était significative,
plus grand sera le deuil. Plusieurs étapes ont été
identifiées dans le processus de séparation ou de divorce,
certains les traversent de façon linéaire, d'autres s'installent
dans une étape significative sans pouvoir la dépasser, voire
même régressent à une étape antérieure...
Ainsi le vécu des personnes en instance de séparation est
très variable. Afin de baliser cette évolution, je vais
décrire et analyser certaines des différentes étapes de la
séparation.
Alice et Pierre de Lara16(*), ont développé ces
étapes :
ñ La menace de séparation ou de divorce
L'instabilité et l'insécurité
s'installent. L'insatisfaction se manifeste, les frustrations
s'accumulent : affectives, sexuelles, matérielles...Souvent, l'un
des partenaires exprime sa désillusion à l'égard de
l'autre partenaire incapable d'être à la hauteur des attentes
narcissiques dont il l'a comblé. Il manifeste son mécontentement
et son besoin de changement. Cette phase n'est pas forcément l'indice
d'un échec programmé mais peut révéler un malaise
profond dans la relation de couple et il est souhaitable que cette
« crise » incite les deux partenaires à
réagir à cette situation indésirable avant qu'elle ne
devienne irrémédiable. A ce stade, la vie du couple est
émaillée de crises de plus en plus fréquentes, sur un fond
conflictuel permanent. Il est encore possible d'agir en prenant conscience de
la nécessité de modifier son comportement et de tenter de trouver
en soi les ressources pour impulser une nouvelle dynamique afin de «
sauver son couple ».
Le couple peut éventuellement solliciter l'intervention
d'un tiers expérimenté : thérapeute de couple, conseiller
conjugal et familial, psychothérapeute ou psychanalyste. Si besoin, une
aide thérapeutique ou psychanalytique individuelle peut s'avérer
nécessaire si l'un des deux membres du couple est fragilisé par
la situation.
Mais, il arrive souvent que le processus de séparation
soit trop avancé. L'un ou l'autre des deux partenaires finit par
visualiser sa vie à l'extérieur de la vie conjugale. La rupture
est non seulement admise, mais devient inéluctable et nécessaire.
Le sentiment amoureux disparaît, la vie de couple devient de plus en plus
insatisfaisante, voir génère des tensions qui pourront aller
jusqu'à la violence. La menace de rupture se concrétise.
ñ La séparation
Elle peut être brutale, violente mais aussi
discrète et progressive. En effet, chaque séparation est
unique.
Il arrive parfois, qu'après de longues années
d'union, le couple conjugal se détériore, confronté
à la routine du quotidien. Chacun est pris entre ses
responsabilités, son travail, l'éducation des enfants, il arrive
alors que le couple devienne secondaire. Dans la société dans
laquelle nous évoluons, le temps est précieux et le quotidien
pressant. Lorsque le couple conjugal devient un couple parental à
l'arrivée des enfants, les hommes deviennent des pères et les
femmes des mères, ils n'est pas rare que le couple endosse ces nouveaux
rôles au détriment de sa vie conjugale.
La séparation ici peut alors être progressive,
insidieuse... Le temps et les responsabilités séparent les
amants. D'ailleurs, après la séparation, avec du recul et du
temps, le couple dira que cela fait longtemps que l'affection a remplacé
l'amour, que l'écart s'est installé progressivement, que leur
vision de la vie a changé, que les points communs se sont
transformés en différence.
Mais malgré cette progression, la séparation
n'en sera pas moins difficile, elle sera vécue comme une
déchirure, un échec de vie, les regrets seront souvent
présents.
La séparation pourra aussi être plus violente
car la frontière entre l'amour et la haine est parfois si fine... En
effet, lorsque la rupture est consécutive à la trahison et au
mensonge, les effets sont différents. Lorsqu'une personne est
déçue, triste et trahie, souvent le sentiment de vengeance est
présent : « faire payer l'autre » devient une
priorité et peut prendre le pas sur tout le reste ; les enfants
peuvent alors être instrumentalisés dans ce nouveau
scénario. Commence alors un long combat contre celui ou celle que l'on a
aimé.
Parfois, l'un des conjoints refuse d'admettre la
réalité de la séparation que l'autre lui impose, pensant
cette situation temporaire et transitoire. Il garde l'espoir d'une
amélioration, mais souvent quand l'un des membres du couple pose la
décision de la séparation, il est déjà trop tard.
Cette personne aura certainement longuement réfléchi à
cette option, cette idée aura progressé et la séparation
deviendra alors inévitable.
Cette phase de déni peut être transitoire ou
perdurer. Il sera nécessaire, pour que les partenaires évoluent,
que chacun prenne conscience de l'état actuel du couple avec
honnêteté. Mais cela est parfois extrêmement difficile.
ñ Le déni
La réalité est difficile à admettre, et
les émotions submergent les comportements. Dans tout processus de deuil,
cette phase est normale, la souffrance est si grande qu'elle anesthésie
le réel, amène à un refus de la réalité,
repousse à plus tard.
ñ La colère et le ressentiment
A ce stade, la colère et le ressentiment sont souvent
présents, colère dirigée contre soi ou tournée vers
l'extérieur, dont le but est d'atteindre l'autre dans son
intégrité et ses valeurs profondes, souvent au travers d'actions
irrationnelles pouvant même être préjudiciables pour
soi-même. Ici, il ne faut pas penser la colère comme un sentiment
négatif. Au contraire, le fait de pouvoir être en colère
contre l'autre permet d'intégrer la séparation. Cette
colère constitue une reprise de la communication directe avec l'autre
partenaire, même si elle n'incarne pas le meilleur moyen de communiquer.
Puis, cette colère doit cesser, pour pouvoir ouvrir l'espace des
négociations.
ñ La dépression
La dépression peut apparaître lorsque la
réalité du divorce est devenue inéluctable, et que le
sentiment de perte vient remplacer la colère et la rage,
dépression réactionnelle au sentiment d'abandon, s'inscrivant
parfois dans un processus psychique préalable d'espoirs perdus ou de
rêves brisés signant la brisure finale de la relation
conjugale.
ñ L'isolement
A ce stade, l'isolement avec la famille ou l'extérieur
est fréquent chez celui ou celle qui subit la séparation et la
perte de l'autre. On coupe les liens avec l'autre conjoint et la belle-famille,
on désire même parfois ne plus voir ses enfants. On peut garder
des liens avec sa propre famille ou des amis proches. Mais certaines personnes
préfèrent volontairement rester seules.
ñ L'acceptation
Au début, l'acceptation est ambivalente. Peu à
peu, l'autre prend conscience que la décision de son ex-conjoint est
inéluctable et irréversible. Il s'agit d'adopter de nouveaux
comportements en présence des parents, de la famille, des enfants, des
amis. Il s'agit d'accepter une situation qui pouvait paraître
inacceptable. On compose avec la nouvelle situation.
Les conjoints ne vivent pas simultanément ces
différentes étapes. Il est important que ce décalage soit
reconnu pour mieux comprendre le vécu des personnes qui se
séparent. Le temps est donc un facteur essentiel.
Je veux montrer ici, que les personnes vivant une
séparation passent par différentes étapes
d'élaboration. Elles n'évoluent pas au même rythme. La
séparation est vécue de façon différente et
singulière par chacun, selon qu'il subit ou choisit la séparation
tout d'abord, mais aussi tout au long des étapes à franchir avant
de l'accepter. Le temps entre chaque étape est différente d'une
personne à l'autre.
Il n'est pas rare d'entendre les médiateurs familiaux
dire que l'un des médiés semble plus avancé dans son
cheminement que l'autre.
Je vais dès à présent développer
les différentes problématiques rencontrées dans ces
nouvelles familles.
d) Les problématiques rencontrées par les
familles en médiation familiale
J'aimerais maintenant faire un pas de côté pour
regarder de plus près les participants à la médiation. Ce
sont des hommes et des femmes d'âges très variables et d'horizons
différents, avec des valeurs et des croyances qui leur sont propres. Les
raisons de leur venue en médiation sont liées le plus souvent
à une séparation conjugale, mais elles peuvent être
autres.
ñ La séparation conjugale
Dans les familles où le couple parental se
sépare, les problématiques les plus courantes tournent autour de
l'organisation de la vie des enfants ; le mode d'hébergement
à réfléchir, le choix des écoles lorsque que l'un
des parents déménage, le rythme des rencontres avec la famille
élargie, l'organisation financière etc... Mais souvent, en amont
de cette réflexion sur la nouvelle organisation familiale, il est
nécessaire pour le couple parental de revenir sur les raisons de leur
séparation, c'est le temps du bilan. Ce bilan pourra permettre aux
parents de se rappeler les bons moments passer ensemble, la naissance des
enfants, les vacances... Ceci leur permettra peut être de prendre un peu
de recul, de se rendre compte qu'ils n'ont pas toujours été
opposé l'un à l'autre, qu'à un moment donné de leur
vie ils ont été heureux ensemble, qu'ils ont fait des choix
conjointement pour eux et leurs enfants. Cette phase peut favoriser la
communication et la reconnaissance de l'autre, alors que jusqu'ici seul le
conflit semblait les unir.
Parfois il est question d'adultère, le ressenti
vécu par l'un est alors très fort. Le sentiment de vengeance peut
être très accentué, tout comme le sentiment de trahison. La
première étape pour ces personnes consiste à pouvoir
déposer leur colère et leur ressenti, à se sentir entendu,
et à ce que leurs difficultés soient reconnues par le
professionnel mais surtout par l'autre. Le médiateur favorisera cela en
amenant les personnes à reconnaître dans l'autre, d'autres traits
de caractère, d'autres qualités plus positives qui permettront
alors à la personne trahie de pouvoir a nouveau percevoir l'autre dans
sa globalité et non plus essentiellement à travers sa
trahison.
Lorsque la séparation est plus ancienne et encore
conflictuelle, les liens entre les enfants et l'un de leurs parents peuvent
être altérés, voire absents ; il sera alors
nécessaire d'apaiser le conflit encore présent entre les parents,
afin de pouvoir reconstruire le lien parent-enfant.
De même dans cette situation, les personnes, avec
l'aide du médiateur, devront se parler des événements
douloureux qu'elles ont traversés, du ressenti qui les a
accompagnées tout au long de ces années, et parfois, lorsque la
souffrance est alors enfin reconnue, la colère peut se dissiper,
laissant place à de nouvelles perspectives.
ñ Placement de la personne âgée
Avec une population de plus en plus vieillissante, de
nouvelles problématiques émergent. Il n'est pas rare que les
enfants adultes aient à faire des choix pour leurs parents. Les avis des
participants sont différents : certains souhaitent une mise sous
tutelle, d'autres un placement en maison de retraite, ou alors un maintien
à domicile. Ce sont des choix difficiles qu'ils pourront discuter avec
l'aide d'un tiers professionnel.
Réunir l'ensemble d'une fratrie n'est pas simple.
L'éloignement géographique, des conjoints pas toujours
acceptés, des relations différentes avec les parents sont autant
d'éléments qui, au fur et à mesure des années, ont
pu éloigné, voire opposer certains d'entre eux. La
médiation familiale est un processus complexe au cours duquel les
participants sont amenés à partager les difficultés qu'ils
rencontrent, les événements passés et douloureux.
Lorsqu'il s'agit de réunir des frères et soeurs adultes, la
tâche peut en être complexifiée. En effet, ceux-ci ont un
passé commun très riche et très long parfois. Durant leur
enfance, ils ont certainement partagé beaucoup
d'événements, heureux et malheureux aussi, c'est alors le temps
des explications. Il sera parfois nécessaire de revenir sur les
blessures de l'enfance, les préférences de papa ou de maman
envers tel frère ou telle soeur, les mots prononcés qui ne seront
jamais oubliés, les alliances parfois, sont autant
d'éléments avec lesquels le médiateur va devoir
composer.
Il s'agira pour celui-ci de prendre chacun en compte, et
parfois de l'accompagner dans la résolution de conflits souvent
très lointains, mais qu'il sera nécessaire de traiter pour
aborder les problématiques actuelles. S'agissant du placement d'un
parent âgé, beaucoup d'affects sont en jeu, c'est tout d'abord
accepter la diminution physique et psychologique de celui ou celle qui
autrefois s'occupait d'eux avec courage, clairvoyance, assurance. Parent de qui
on veut prendre soin en réponse à tant d'amour et de soutien
pendant l'enfance et la vie de jeune adulte. Il sera aussi parfois, question
contrairement, de parents ayant pu être violents et pour qui aujourd'hui
il est plus compliqué d'aspirer à améliorer le quotidien,
vestige d'une amertume ou de blessures toujours présentes.
Chaque enfant a son propre vécu avec ses parents, et
leur souhaitent un avenir différent aujourd'hui, maintenant que le temps
est venu de décider pour eux. Il sera parfois difficile pour le
médiateur de les rassembler dans une volonté commune, du fait de
l'importance de la fratrie, parfois conséquente, mais aussi des
divergences de point de vue et de valeur.
Dans de telles problématiques familiales, il sera
aussi, souvent, question d'argent. L'argent est une manière de
« régler ses comptes », certains pensent que pour
tel ou tel préjudice tel dédommagement financier doit lui
être attribué. Il faudra aussi composer la médiation
familiale avec ce sujet souvent délicat.
ñ Les jeunes parents dans une séparation
De plus en plus de jeunes couples ont des enfants, et lorsque
la séparation vient désorganiser leur vie, ceux-ci sont parfois
démunis. La parentalité n'étant pas toujours
évidente pour tous, le fait de se retrouver seul à élever
son enfant peut être très compliqué. Il peut être
nécessaire de leur apporter un soutien à la parentalité,
et de les rassurer dans leurs choix de parents. Il est très important
que le parent ne se sente pas seul face à ses difficultés, qu'il
soit soutenu.
Être parent à l'adolescence ou dans sa vie de
jeune majeur n'est pas une chose aisée, même si cette situation
est choisie. Parfois il y a un réel désir pour le couple d'avoir
des enfants, mais ce n'est pas toujours le cas. Certains parleront de grossesse
non souhaitée, diront qu'ils ont du prendre une décision, celle
de « garder » ce bébé. Les situations sont
très variées mais celle que traversent ces jeunes parents est
loin d'être évidente. Pris entre leur désir de poursuivre
une vie d'adolescent auprès de leurs amis, et celle de s'épanouir
dans leur nouveau rôle de parent, ils sont tiraillés. Lorsque la
famille est là pour les accompagner dans cette tâche difficile,
ces jeunes parents peuvent trouver un relais, pour conjuguer ces deux vies,
mais en l'absence de celui-ci ou lorsque il est défaillant, le jeune
couple se retrouve bien seul face à ses difficultés.
Il est temps pour eux de faire des choix concernant l'avenir
de la famille. Il peut s'agir d'arrêter des études, de trouver un
travail pour subvenir aux nouveaux besoins, chercher un logement adapté.
Ce sont autant de problèmes auxquels ces jeunes parents peuvent
être confrontés. Ils comptent alors beaucoup sur le conjoint, le
bonheur de l'enfant à venir et l'épanouissement de leur famille.
Alors, lorsque le jeune couple se sépare, c'est souvent l'effondrement,
ils ne sont plus solidaires maintenant pour affronter toutes ces
difficultés qui paraissaient surmontables du temps du couple.
Le médiateur familial, dans une telle situation, va
rassurer ces parents, parfois encore des enfants, sur leurs compétences,
va les aider à être plus déterminés au regard des
décisions qu'ils ont prises. Le médiateur sera parfois la
première personne à les reconnaître réellement en
tant que parents, ceci les amènera probablement à se
responsabiliser, et par la suite, à prendre les décisions
nécessaire, pour leur enfant.
Le médiateur pourra les accompagner dans cette
nouvelle parentalité en leur indiquant des lieux où ils pourront
échanger sur leur difficultés avec d'autres jeunes parents par
exemple. L'un des rôles du médiateur est aussi ici de pouvoir les
informer sur les personnes susceptibles de pouvoir les soutenir, cela passera
peut être par un rétablissement du lien avec leur famille
d'origine.
ñ Les familles recomposées
Avec un nombre de divorce en constante augmentation, les
familles recomposées émergent. Les problématiques sont
alors différentes et souvent axées sur la place et le rôle
de chacun. Les beaux-parents ont une place souvent difficile, ils ne sont pas
les parents biologiques, mais ils en ont certaines fonctions, car ils partagent
un quotidien avec ces enfants. Il faudra réfléchir à la
place que chacun veut prendre auprès de ces enfants et aux
conséquences que cela entraîne.
ñ Le maintien du lien grand-parents/petits-enfants
La séparation conjugale amène des
problématiques au delà des enfants et du couple, car souvent les
grands-parents peuvent eux aussi avoir à en subir les
conséquences. Ils peuvent être amenés à voir moins,
parfois plus du tout leurs petits-enfants. Ici, les problématiques vont
s'axer autour de la reprise de communication entre parents, parfois
beaux-parents, et les grands parents, et plus tard, sur l'organisation de
droits de visite.
Dans toutes ces situations, si différentes
soient-elles, les difficultés se placent souvent autour de conflits
enkystés, de communication défaillante, d'absence de lien.
Même s'il est possible de dégager des problématiques
familiales type, aucune médiation ne se déroule de la même
façon, car derrière ces conflits se cachent des personnes
très différentes, vivant intensément et difficilement leur
situation. Il est du devoir du médiateur de considérer chaque
personne, de reconnaître ses difficultés, et de l'épauler
dans sa reconstruction identitaire. En effet, il est fréquent dans ces
situations conflictuelles et dans ces différentes configurations
familiales, que les personnes rencontrent des difficultés à
trouver leur place et leur rôle au sein de la famille, ainsi qu'à
être reconnues comme telles par les autres. Le médiateur devra
prendre en compte la singularité de chaque personne et ses
difficultés pour pouvoir à un moment donné faire
travailler ensemble les participants.
A travers la présentation de l'évolution des
familles et de leurs singularités, j'ai mis en avant la
complexité de reconnaître chaque participant comme une personne
unique et singulière, du fait de sa personnalité bien sûr,
mais aussi par rapport aux étapes qu'il a franchies, à la famille
dans laquelle il évolue, et aux problématiques personnelles et
collectives qu'il rencontre.
Je vous invite maintenant à découvrir la
médiation familiale et la singularité de cette profession.
Deuxième partie
Processus de médiation familiale et
singularité des médiateurs familiaux
Après vous avoir présenté les
généralités sur la médiation familiale et les
familles rencontrées, je vais, dans cette seconde partie, décrire
de façon plus détaillée la médiation familiale
à travers le processus. Dans cette partie, je mettrai en avant la trame
commune, le processus théorique, avec ses étapes. Puis dans un
second point, je vous parlerai de la singularité des médiateurs
familiaux, acteurs de ce processus, à travers les différents
modèles théoriques façonnant leur exercice.
I. Le processus de médiation familiale et ses
étapes
« Le mot « processus » vient du
latin pro (qui signifie « pour », « dans
le sens de ») et de cessus, cedere (aller, marcher)
ce qui signifie aller de l'avant, avancer. (...) Le processus a un
propriétaire qui est garant de la bonne fin et du bon fonctionnement de
celui-ci. »17(*)
Le processus est une succession d'étapes permettant le
passage d'un état à un autre. Dans le cadre de la
médiation familiale, il peut favoriser le passage du couple conjugal
à une équipe parentale. Il permet aussi de conduire à une
prise de décision commune et satisfaisante de la part des participants,
compte tenu de leur situation.
Dans cette partie, je décrirai dans un premier temps
« le développement du contexte préalable »
décrit par Annie PABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE dans leur ouvrage
« le guide de la médiation familiale étapes par
étapes ». Puis, dans un second point, je m'appuierai sur la
description du processus par Michèle SAVOUREY dans son livre
« Re-créer les liens familiaux ».
1. Le développement du contexte préalable
selon Annie PABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE
Annie PABU, assistante sociale, thérapeute familiale
et médiatrice familiale, et Pierrette BONNOURE-AUFIERE, avocate et
médiatrice familiale, dans leur ouvrage « Guide de la
médiation familiale étapes par étapes »18(*) détaillent la mise en
place du contexte préalable avant l'engagement dans le processus. Cette
étape permet une première rencontre entre le médiateur et
les participants, mais aussi entre les participants et la médiation
familiale. J'ai choisi cet ouvrage car la manière dont les auteurs
exposent cette étape correspond assez à mes observations
personnelles réalisées au cours de mon stage.
Dans cette phase, le but est d'établir un climat de
confiance entre les médiés et le médiateur. Elle se
décompose en plusieurs paliers :
? L'accueil téléphonique
Tout d'abord, l'accueil téléphonique est un
moment extrêmement important pour la personne qui appelle. En effet,
c'est pour elle l'occasion d'établir un premier contact avec le
médiateur et de se faire une première idée sur ce qu'est
la médiation familiale. Pour le médiateur, le but est de
répondre aux interrogations de l'appelant, d'évaluer la
pertinence d'une médiation familiale, et dans ce cas de fixer un
rendez-vous avec les participants. Pour cela, il répondra de
manière claire et précise aux questions posées, en
fonction de l'attitude de l'appelant. Dans le cas de personnes émotives,
le médiateur devra avoir un ton de voix rassurant et une attitude
empathique envers la personne, sans pour autant la laisser s'épandre
trop longuement sur son vécu et ses émotions.
Afin d'évaluer la pertinence de la médiation,
le médiateur posera un certain nombre de questions concernant la
situation actuelle du couple, son mode de communication etc...
Au vu du déroulement de l'entretien
téléphonique, le médiateur proposera à l'appelant
un premier entretien. Dans le cas le plus simple, les personnes
concernées sont informées de la démarche du premier, et
sont en accord avec celui-ci, et dans ce cas, le premier entretien se fera avec
l'ensemble des personnes. Dans le cas où les autres participants ne
seraient pas informés de la démarche ou réfractaires
à celle-ci, le médiateur et l'appelant vont
réfléchir ensemble à la manière d'informer les
autres et de les faire participer. Il existe plusieurs moyens de
« faire venir l'autre », le plus adapté à la
démarche de médiation, serait que l'information passe directement
entre les parents, mais cependant, ceci n'est pas toujours possible. Le
médiateur pourra dans ce cas et si cela s'avère
nécessaire, contacter l'autre parent par un courrier, sous forme
d'invitation par exemple. La démarche de médiation devant
être choisie et volontaire, le processus ne pourra se mettre en place
qu'en présence des personnes concernées.
A la fin de l'entretien téléphonique, si toutes
les conditions sont réunies, le médiateur fixera un premier
rendez-vous avec l'appelant.
Je vous montrerai par la suite que les pratiques sont
très différentes concernant cette première rencontre. Pour
certains médiateurs, l'entretien individuel est déjà
rémunéré, pour d'autres, il s'agit d'un entretien gratuit
d'information, collectif ou individuel, et pour d'autres encore, un entretien
commun. Cependant, je détaillerai ici en quoi consiste une
première rencontre de manière générale, sans tenir
compte de ces différentes pratiques.
? Accueil et établissement d'un
« bon » climat de travail
Lors de cette étape, l'environnement dans lequel les
participants vont être accueillis est très important, que se soit
la salle d'attente où ils vont patienter, ou la salle de
médiation elle-même : ils doivent s'y sentir à l'aise
et pris en compte. La disposition des salles doit refléter un climat de
confiance et de confidentialité.
Le médiateur qui les accueille posera quelques
questions anodines pour créer un premier contact simple et naturel.
? Présentation du but, du déroulement et de la
durée de la rencontre
Une fois les participants mis à l'aise, le
médiateur va pouvoir présenter la médiation familiale. Il
présentera le but, le déroulement, et la durée
approximative de l'entretien. Ces premières informations vont poser un
cadre sécurisant, démontrer la compétence professionnelle
du médiateur à organiser le processus. Les personnes pourront
alors réagir à ces données et poser des questions s'il y a
lieu.
Le but de cette rencontre est double : faire
connaissance avec les personnes et leur permettre de faire connaissance avec la
médiation familiale, afin de décider, à la fin de la
rencontre, si cette approche leur parait appropriée à la
situation.
Les règles de la médiation seront
exposées tout au long de la rencontre, en fonction du déroulement
de l'entretien.
Lors de cet entretien, le médiateur invitera les
participants à dresser trois portraits de leur situation : un
premier portrait dit « psychosocial » permettant de
connaître les membres de la famille, leurs milieux d'origine, leur
contexte de travail ainsi que les personnes-ressources dans leur vie.
Un portrait dit « matériel, financier et
patrimonial », pour connaître leurs revenus par un rapide
survol du patrimoine, ainsi que l'existence ou non d'un contrat de mariage ou
d'un PACS. Ce portrait, n'est pas étudié par tous les
médiateurs. En effet, s'il n'y a pas de conflit autour du patrimoine, il
n'y a pas forcément de raisons de l'étudier. De même en ce
qui concerne les finances, le médiateur pourra avoir un aperçu
des revenus de chacun en faisant remplir l'imprimé qui servira dans un
deuxième temps à préciser la participation
financière de chacun aux entretiens.
Suivra un portrait dit « juridique ». En
effet, si les participants viennent en médiation dans le cadre d'une
médiation dite « judiciaire », ce portrait permettra
au médiateur de faire le point sur les démarches judiciaires en
cours, et expliquera aux participants le principe de la médiation,
visant à suspendre toute procédure pendant le déroulement
de la médiation.
Dans le cadre d'une médiation dite
« conventionnelle », ce portrait permettra au
médiateur de savoir si les personnes ont rencontré un avocat, et
si la décision de se séparer est officialisée ; ce
qui permet au médiateur de mieux cerner où en sont les personnes
dans leur démarche.
? Résumé des points d'accords et des points
à discuter
Après avoir pris connaissance de la situation dans
laquelle les participants se trouvent, le médiateur peut alors
résumer sa compréhension des événements ainsi que
les points d'accord et les points pouvant faire l'objet de discussion en
médiation familiale.
En effet, lors de cette première rencontre, les
reproches sont souvent de mise, « tu n'as jamais fait
ceci », « tu étais tout le temps au
travail », « les enfants disent ceci » etc.. Le
premier travail du médiateur, ici, est d'entendre ces reproches, mais
aussi de rendre ces éléments plus constructifs, en demandant
à l'autre de s'expliquer, de donner sa propre version, d'exprimer les
sentiments qu'il éprouve à l'écoute des propos tenus.
Le médiateur va aussi aider les parents à
réfléchir sur les souhaits qu'ils ont en commun, comme la
sécurité de leurs enfants, l'écoute de leurs besoins etc..
L'objectif étant d'aider les parents à prendre conscience que
malgré un certain nombre de désaccords, ils peuvent partager le
même avis sur certaines situations. Les enfants, ici, seront le sujet de
discussion privilégié pour que les parents puissent se rassembler
sur des préoccupations communes.
? Présentation de la médiation familiale
Une fois que les personnes ont pu exprimer leur vécu
et leur ressenti, celles-ci sont plus enclines à entendre les postulats
de la médiation familiale, qui peuvent parfois paraître un peu
théoriques. Cette étape peut être accompagnée d'un
contrat de médiation, facilitant la lecture pour les participants, et
permettant au médiateur de s'exprimer sur les points essentiels de la
médiation familiale.
Le médiateur a maintenant une vision plus nette et
globale de la situation, lui permettant ainsi de proposer aux personnes le
déroulement de la médiation familiale dans leur cas
particuliers.
? Vérification avec les personnes de leur
volonté de s'engager dans le processus
Après avoir échangé sur les informations
essentielles concernant la médiation familiale, mais également
l'organisation familiale et la demande des personnes, le médiateur et
les participants vérifient ensemble que la médiation soit
adaptée à leur demande. Si c'est le cas, et qu'aucune
contre-indication n'apparaît, les personnes décident de leur
engagement dans le processus. Pour cela, les médiateurs familiaux
peuvent avoir des pratiques différentes. En effet, cet engagement peut
se faire de manière orale et collective au cours de cet entretien, ou
après un temps de réflexion entre les participants. Parfois
l'engagement peut être rédigé, sous forme de contrat
signé par chaque participant. Ce contrat résume clairement les
règles de la médiation et particulièrement l'engagement
financier de chacun.
? Signature du contrat de médiation familiale
Lorsque les personnes sont prêtes à prendre cet
engagement, parfois au cours même de cet entretien, mais donc
également parfois après un temps de réflexion, le
médiateur leur propose de signer le contrat, ou de manifester leur
accord de façon orale et collective. Le processus peut alors
démarrer.
Le contrat de médiation n'est pas utilisé par
l'ensemble des médiateurs. Celui-ci regroupe l'ensemble des
règles régissant la médiation familiale et auxquels les
participants doivent se soumettre dès lors qu'ils acceptent de s'engager
dans un processus. Ce document pourra être relu au cours de la
médiation, et sa signature officialise l'engagement des protagonistes.
Il marque le début du changement, et la volonté pour les
participants de s'engager l'un envers l'autre tout d'abord, mais
également vis à vis du médiateur.
? Préparation de la prochaine rencontre
Il est important pour l'élaboration psychique de
chacun que l'entretien suivant soit organisé. Pour que les participants
puissent s'y préparer, ils doivent connaître le sujet de la future
rencontre. Parfois le médiateur peut donner quelques travaux à
effectuer pour la rencontre suivante. Par exemple dans la cadre de
l'élaboration du planning des vacances d'été, ou en ce qui
concerne l'hébergement des enfants, chaque parent devra pour l'entretien
suivant réfléchir et apporter des propositions.
2. Le processus de médiation familiale selon
Michèle SAVOUREY
Je vous propose maintenant de voir plus en détail le
processus de médiation familiale selon Michèle SAVOUREY dans son
ouvrage « Re-créer les liens familiaux »19(*) qui décrit cinq
étapes, dont voici une synthèse :
A) Identification de la situation-problème ou
des points litigieux
Il s'agit ici, pour le médiateur, de recueillir les
informations nécessaires à l'identification du conflit. Le plus
souvent, le médiateur interroge chacun des parents successivement, en
leur demandant de s'exprimer sur les raisons de leur venue en médiation
familiale. Les questions peuvent aussi s'axer sur l'organisation actuelle de
la famille, sur les enfants. Cette étape permet un éclairage
nécessaire au médiateur sur la situation familiale.
Il arrive cependant que ce premier entretien ne se
déroule pas toujours aussi simplement. En effet, dans certains cas, cela
fait longtemps que les parents n'ont plus discuter des difficultés
qu'ils rencontrent, et cet entretien peut représenté pour eux une
première épreuve.
Voici un exemple pratique : la médiatrice
reçoit pour la première fois un couple de parent (que nous
appellerons Monsieur et Madame G). Lors de cette première rencontre,
Madame G ne cesse de pleurer, et ne répond à aucune question de
la médiatrice. Cette rencontre est visiblement très
éprouvante pour elle. La médiatrice prend donc un peu de temps
avec Madame et ainsi prend en considération ses difficultés et
tente de lui montrer l'importance de son rôle, en tant que participante,
dans cet entretien. C'est ainsi que Madame G parvient a expliquer combien elle
regrette de ne pouvoir régler ses conflit directement avec monsieur et
qu'intégrer un inconnu à leur conflit la met en grande
difficulté.
Lors de cet entretien, la médiatrice va être
très à l'écoute de Madame G de manière à ce
qu'elle ressente un soutien, mais le but véritable ici est de
rétablir la communication entre Monsieur et Madame, et c'est pourquoi la
médiatrice va aussi travailler avec Monsieur de sorte qu'il comprenne le
ressenti de Mme.
Je veux montrer ici que les entretiens se font en fonction de
ce qui est apporté par les participants. Malgré une trame
théorique, les entretiens ne suivent pas toujours le déroulement
linéaire prévu. Le médiateur doit composer avec les
participants, avec ce qu'ils sont, ce qu'ils ressentent et ce qu'ils vivent. Le
médiateur doit aussi prendre en compte l'état psychologique des
personnes, pour qu'elles puissent avancer à leur rythme, et que les
entretiens soient bénéfiques au dénouement du conflit.
C'est en général à la fin de cette
étape que le processus de médiation familiale est
présenté, afin que les participants fassent part de leur
engagement.
B) Exploration des intérêts et
décodage des besoins sous-jacents
Chacun des protagonistes va donner sa réalité
de l'histoire commune, de l'identification du conflit et argumenter. Le fait de
pouvoir exprimer son ressenti émotionnel en présence de
« l'autre », permet de commencer à individualiser
les positions, ainsi qu'une première modification du mode
d'écoute et de communication. Les personnes prennent conscience, petit
à petit, que chacune d'elle ressent les choses différemment, sans
qu'il existe de vérité absolue, qu'un même
événement peut être perçu de plusieurs
façons. Le médiateur va les aider à distinguer les faits
qui parfois sont sujets de discordes, et le ressenti qu'ils peuvent
éprouver face à ces mêmes faits. Ici, s'amorce alors le
travail d'individuation.
Le but de cette phase, est aussi d'entendre « les
attentes de chacun en terme de besoin spécifiques à
satisfaire ».Les besoins des enfants seront aussi à explorer,
au regard des parents et de ce qui leur semble nécessaire à
l'épanouissement de ceux-ci comme par exemple apaiser le conflit entre
les parents, avoir « le droit d'aimer ouvertement » chaque
parent... Chacun des participants va s'exprimer sur ses propres besoins et ses
attentes au cours de la médiation. Pour certains parents, il pourra
s'agir d'annoncer ensemble aux enfants la décision de se séparer,
pour d'autres encore d'avoir plus souvent l'hébergement de l'enfant en
semaine afin de partager son quotidien, ou pour d'autres encore d'être
assurés de leur place de papa ou de maman auprès de l'autre
parent et du nouveau conjoint... Il s'agit ici des besoins des parents mais
d'autres besoins sont à entendre et à prendre en compte, celui
des individus, qui ont le besoin de s'aménager du temps pour la vie
professionnelle, ou pour une nouvelle relation affective par exemple.
Axer la réflexion sur les besoins permet aux parents
de sortir des faits pouvant être contestables, pour se concentrer sur ce
qui est vraiment essentiel pour eux et leurs enfants.
A l'issue de cette étape, le médiateur propose
un « recadrage positif de la situation-problème »,
en nommant clairement les intérêts communs et les besoins
identifiés pour chacun des participants. Ce recadrage permet aux
participants de prendre conscience des points qui les rassemblent, mais aussi
parallèlement de reconnaître l'autre et ses besoins
spécifiques, ce qui est une première étape dans
l'individuation de chacun.
C) Recherche et liste des options
Il s'agit ici, de développer des options, des
stratégies. Durant cette phase, le médiateur active la
créativité des participants et les aide à entrevoir
différemment l'avenir en mutualisant les décisions. Les
participants vont réfléchir conjointement, aidés du
médiateur, sur ce qui est réellement envisageable et
réalisable en tenant compte des besoins repérés. Les
options ne sont pas discutées ou critiquées à ce moment
là, l'important étant d'en trouver un nombre suffisant afin
d'ouvrir l'éventail des possibilités.
D) Discussion et accords retenus
C'est une phase de recherche, d'innovation, qui va
nécessiter la participation de chacun dans l'élaboration
d'idées, de propositions. Cette étape accélère la
mise en mouvement amorcée dans les phases précédentes. Il
est fondamental que le médiateur fasse circuler la parole de l'un
à l'autre, laissant chacun s'exprimer, pour que personne ne se sente
écarté. Le médiateur peut, par ses interventions,
créer du mouvement dans la recherche d'idées nouvelles. Je vous
citerai un exemple :
La médiatrice reçoit un jeune couple
séparé, tous deux désirent l'hébergement principal
de l'enfant ou un hébergement alterné, une semaine chez l'un, une
semaine chez l'autre. Le problème se posant aux parents est que leur
enfant est âgé de moins d'un an, et ceux-ci redoutent un effet
néfaste pour lui d'être séparé de l'un de ses
parents pendant une semaine. L'avis de la médiatrice est
sollicité sur ce sujet, les parents souhaitent faire au mieux pour la
stabilité psychologique de leur enfant. La médiatrice leur
explique qu'elle ne donnera pas son avis car elle ne serait plus dans son
rôle, et que ces décisions leur reviennent. La médiatrice
les interrogent alors : « auprès de qui pourriez vous
avoir une réponse à votre question ? ». De cette
manière, la médiatrice restitue aux parents leur
compétences parentales en stimulant leur créativité, tout
en assurant elle-même sa position neutre et impartiale.
Lors d'une autre situation, la confiance entre le papa et la
maman est réellement altérée, le papa ne voit plus sa
fille, la mère le couvre de reproches, ceux-ci étant relatifs
à des questions de sécurité et d'hygiène ; en
effet, la maman a constaté à plusieurs reprises la
présence de rats dans la cour intérieure de la maison, ainsi
qu'un trou, dans cette même cour, pouvant s'avérer dangereux pour
l'enfant. La médiatrice s'adresse alors au papa :
« Comment pouvez vous sécuriser votre cour ? »
La médiatrice a une part active. Ici, elle s'efforce
de créer du mouvement en restant attentive à ne pas
suggérer de « solutions ».
Dans cette phase, les participants vont échanger sur
les options, en rejetant certaines, et en conservant celles qui semblent
convenir, celles pouvant être discutées.
Si aucune des options proposées n'est retenue, il sera
alors nécessaire de revenir aux étapes précédentes
afin de rechercher des besoins « cachés ou mal
identifiés », de manière à pouvoir
développer de nouvelles options.
Les options retenues seront ensuite reprises dans les accords
finaux s'il y en a.
E) Résumé d'entente
Il s'agit de l'une des dernières étapes du
processus : les décisions sont entérinées et
constituent un projet d'entente. Celui-ci reprend toutes les décisions
prises par les participants au cours de la médiation et qu'ils
souhaitent instaurer pour leur famille. Il peut s'agir d'entente sur la
communication, l'organisation familiale, financière... Cet accord peut
être rédigé par la famille ou le médiateur. Il est
important que les termes utilisés reflètent au mieux la situation
familiale et les décisions des personnes. Il appartient à
celles-ci, si elles le désirent, de faire homologuer cet accord
auprès d'un juge aux affaires familiales.
Selon le contexte et les situations, l'accord obtenu pourra
être uniquement verbal.
Il s'agit ici d'une trame théorique, servant de
référence et de balisage au médiateur. Cependant le
processus ne se développe pas toujours de façon aussi
linéaire et hiérarchisé, chaque famille étant
unique et chaque processus différent.
II. Modèles théoriques :
définitions, points communs.
Le développement théorique du processus
m'amène à mettre en avant la singularité de chaque
médiateur. Ceux-ci sont issus de formations très variées
et le diplôme d'état est une manière
d'homogénéiser les pratiques. Cependant, malgré un
processus de médiation familiale commun, il existe bon nombre de
modèles théoriques et donc de pratiques différentes. Les
modèles sont nombreux, voici certains d'entre eux :
ñ La Médiation Transformative par Joseph FOLGER
et Robert A. BARUCH BUSH (1994)
ñ Le Modèle du Cycle de la Médiation de
Thomas FUITAK
ñ La Négociation Raisonnée de FISHER et
URY
ñ Le Modèle Groupal Narratif de Liliana
PERRONE
Chaque médiateur, avec ses apports théoriques,
va s'identifier à un modèle qui l'aidera dans sa pratique comme
référence de son cheminement et du développement du
processus. Chaque modèle possède des spécificités,
des approches particulières du conflit et de la manière de
l'apaiser. Ce sont aussi des manières différentes
d'appréhender la question de la singularité de chacun. Voici
quelques éclairages sur ces différents modèles
théoriques :
1. La médiation transformative
La médiation transformative a été
développée par Mariane SOUQUET à partir des
théories de l'EMPOWERMENT de R.A. BARUCH BUSH et J.P. FOLGER, San
Francisco,1994. Elle repose sur deux concepts-clés : la
responsabilisation et la reconnaissance. Le médiateur encourage ici les
participants à la médiation à assumer leurs
responsabilités et à reconnaître leurs besoins et leurs
sentiments réciproques. Selon FOLGER et BUSH, les médiateurs
familiaux qui se concentrent sur les possibilités de transformation
qu'offre le processus de médiation aident leurs clients non seulement
à conclure des ententes équitables, mais aussi à mieux se
respecter personnellement et mutuellement. L'objectif étant de faire
apparaître les racines du conflit, le souci du médiateur n'est pas
tant d'aboutir à un accord que de transformer le plus
profondément possible la façon dont les personnes
perçoivent le conflit et dont elles se comporteront à l'avenir.
Un regard plus positif du conflit, transforme la vision des participants.
2. La négociation raisonnée
Pour le développement de ce concept, voici une
synthèse de ce qu'ont écrit Annie PABU et Pierrette
BONNOURE-AUFIERE dans « le guide de la médiation
familiale ».
La négociation raisonnée est
« l'épine dorsale » de la médiation
familiale. Ce concept trouve son encrage dans les idées de Mary PARKER
FOLLET, conseillère en management et pionnière de la
théorie des organisations du point de vue des relations humaines en
1924, puis est développé en 1982 par Roger FISHER et William
URY.
Le premier grand principe est de traiter différemment
les questions des personnes et leur différent. Il s'agit ici de
distinguer la problématique présentée en début de
médiation et qui fait conflit, des forces invisibles opérant
entre les participants : la perception, l'affectivité et la
communication. C'est pourquoi il est essentiel que le médiateur
distingue, dans ce que lui présentent les personnes, où se situe
l'enjeu réel.
Le second grand principe est de se concentrer sur les
intérêts en jeu et non sur les positions de chacun. Ici, l'une des
tâches la plus importante du médiateur est de parvenir à
comprendre les besoins qui animent le négociateur. Il peut ainsi
déceler les motivations profondes des personnes à travers
l'expression de leurs craintes et de leurs désirs. Il s'agit ici pour le
médiateur de mettre en lumière les intérêts communs
des personnes et pour cela il est nécessaire que celles-ci aient une
définition commune du problème avant d'entrer dans la phase des
négociations. Le médiateur doit fonder son action sur des bases
positives et non sur les positions exprimées au départ.
Le troisième principe est d'élaborer une gamme
d'options. La négociation raisonnée invite les participants
à élaborer une gamme d'options et d'accepter de cesser de
s'accrocher à une solution privilégiée. Il s'agit donc
pour les personnes de se détacher de leur position initiale.
Le quatrième principe consiste à, quand les
désaccords subsistent, exiger l'utilisation de critères
objectifs, comme les besoins de l'enfant par exemple. En effet, dans la
situation où les personnes restent sur leur position et n'aboutissent
pas à une entente, la négociation raisonnée suggère
de trouver une manière de faire ou un critère objectif sur
lesquels les participants pourraient s'entendre. Par exemple amener les
personnes à réaliser que si elles ne trouvent pas d'accord mutuel
en médiation, leur conflit sera jugé au tribunal et il faudra
alors qu'elles acceptent la décision du magistrat.
3. Le cycle de la médiation
Voici les trois principaux principes de ce
modèle :
ñ « Le moins est le plus » :
moins le médiateur s'appuie sur des moyens externes, plus il gagne en
authenticité et plus il est en interaction directe avec les parties.
ñ « le paradoxe du vide » :
moins le médiateur en sait, plus il est efficace. Ce vide sert les
intérêts de tous.
ñ « Si vous ne savez quelle direction vous
prenez, vous n'arrivez pas à destination » ce qui met en avant
la nécessité pour le médiateur d'organiser les entretiens,
de priorisé les thèmes à aborder.
Le modèle du cycle de la médiation est
composé de quatre phases principales et du point de catharsis20(*).
è Phase 1 : quelle est la réalité
que les parties choisissent d'apporter en médiation ?
è Phase 2:quels sont leurs principaux
intérêts, et quelles sont les idées que se font les parties
de la situation ?
è Le point de catharsis : l'identification des
émotions attachées aux intérêts en jeu.
è Phase 4 : quelles options faut-il prendre en
considération parmi les différentes solutions possibles ?
è Phase 5 : quel plan d'action mettre en place
pour créer une nouvelle réalité ?
4. Le modèle groupal narratif
Il est développé par Liliana PERRONE,
Psychologue clinicienne, Thérapeute individuel de couple et de famille,
Médiatrice familiale.
Ce modèle est dit « groupal » car
il tient compte du fait que l'émergence et le maintien d'un conflit au
sein du couple parental, est un résultat construit par deux personnes au
moins : pouvant être les membres du couple, mais aussi la famille,
les parents, les enfants, les professionnels, les amis. Il est dit
« narratif » parce qu'il fait référence
à la manière de penser ou de parler des membres de ce groupe au
sujet des événements qu'ils vivent. En effet, une femme
blessée et trahie par son mari, va expliquer sa situation, une
première fois à sa meilleure amie, par exemple : Là,
elle va chercher ses mots, réfléchir à ce qu'elle a
vécu, aux difficultés qu'elle rencontre, aux blessures qu'elle
porte. Puis quelques jours plus tard, elle va à nouveau exposer sa
situation à une autre personne ; son discours va alors être
un peu plus construit que la fois précédente et ainsi de suite,
à chaque fois qu'elle parlera de son mari, son argumentaire à son
égard, sera de plus en plus précis et de moins en moins
nuancé. Nous voyons bien ici, que la pensée de cette femme va se
structurer au regard de l'histoire qu'elle raconte à l'autre. C'est en
cela que ce modèle est groupal et narratif.
Ce modèle se base sur l'idée que ces narratives
sont en grande partie un produit groupal.
Ce modèle se base sur deux registres : le
« registre de changement dans la construction de la
réalité » et le « registre d'aide à la
négociation ». Dans le registre de changement de la
construction de la réalité, le premier point est
« l'exploration de la construction de la réalité de
chaque acteur et mise en avant des récits dominants ». C'est
à travers le discours des participants que le médiateur pourra
entendre ces « récits dominants » qui peuvent
être par exemple, l'égalité parfaite pour
l'hébergement alterné des enfants, la déception, le
sentiment d'être une mauvaise mère, la trahison...
Le second point est « l'exploration du
système de croyance », il s'agit de l'ensemble des valeurs qui
constitue la grille à travers laquelle chaque individu observe le monde
et tout ce qui s'y trouve, y compris lui-même. Le médiateur va
donc explorer ces croyances de sorte à ce qu'il soit assuré que
ses interventions soient compatibles avec les valeurs de chacun des
participants. En effet, les personnes peuvent intégrer une vision un peu
différente seulement si celle-ci respecte leurs système de
croyance.
Le troisième point est « la
réalisation des interventions visant l'émergence des
récits alternatifs ». Ici, le médiateur va mettre
l'accent sur ce qui n'est pas perçu par les personnes, ce qui est
exceptionnel, ce qui est différent du récit principal de
manière à leur permettre de s'interroger sur leur discours en vue
« d'amoindrir son extrême cohérence ». Il
s'agit de mettre un peu de doute, d'ouvrir quelques portes pour chacun puisse
à un moment donné, changer sa vision ; du problème,
des interlocuteurs, d'eux-mêmes et de leur relation.
Le quatrième point est « la
réalisation des interventions visant la construction d'un récit
commun en vue de la prise de décisions et la mise en place des
accords ». Le médiateur, tout au long du processus participe
à la mise en évidence des éléments narratifs qui
peuvent être communs aux récits des deux partenaires, et de cette
manière, il permet aux participants d'avoir une vision suffisamment
commune de la réalité pour pouvoir engager des
négociations.
Le second registre « aide à la
négociation » se compose de quatre étapes :
« exploration des besoins », « exploration des
possibilités », « prise de décisions et
construction de règles de fonctionnement »,
« rédaction de l'accord de médiation ». Ces
étapes sont relativement similaires au développement du processus
de Michèle SAVOUREY décrit plus haut, c'est pourquoi je ne les
développerai pas à nouveau.
5. Analyse et points commun
Je vous propose maintenant, d'analyser ces différents
modèles théoriques et leur mise en pratique, afin de mettre en
avant leurs points communs.
Certains de ces modèles ont été
pensé et développé à partir d'une pratique de la
médiation familiale et spécifiquement pour elle, comme le
Modèle Groupal Narratif. D'autres l'ont été à
partir d'une pratique de la médiation dans ses différents
contextes d'intervention comme le Modèle du Cycle de la
Médiation. D'autres sont plutôt une conceptualisation de la
pratique de la négociation comme la Négociation
Raisonnée.
Alors que chaque modèle s'appuie sur des
présupposés théoriques privilégiés par leur
auteur (point de vue particulier sur la séparation conjugale, sur le
conflit, sur la famille...) nous pouvons distinguer un cheminement commun. Il
est clair que chacun des modèles amène les participants à
modifier leurs positions de départ afin de permettre des
avancées.
? Le premier point commun est « la recherche d'une
vision commune de la situation »
En effet, les personnes arrivent souvent en médiation
avec la conviction qu'elles n'ont plus rien en commun, que les points de vue et
perceptions de la réalité sont totalement divergents.
Le médiateur se fixe comme premier objectif
l'exploration de la construction de la réalité de chaque acteur.
Puis il va ensuite essayer de définir un problème collectif
(définition commune du problème), il va en découler la
liste des points à aborder en médiation familiale. Les
interventions du médiateur visent à instaurer les conditions d'un
véritable dialogue entre les parties. Cette première étape
prépare donc la phase de négociation.
? Le second point est « l'exploration des besoins et
des intérêts en vue de la recherche de besoins et
d'intérêts communs »
Dans tous ces modèles théoriques, l'exploration
des besoins et la recherche d'intérêts communs est présent.
En effet, c'est une étape primordiale à la résolution du
conflit et la remise en lien des participants. En explorant les besoins de
chacun, cela permet aux participants d'individualiser leurs positions en se
centrant sur leur besoin individuel, cela permet au médiateur de mieux
cerner les enjeux du conflit, cela permet aussi aux participants de s'exprimer
et d'être entendu. Mais cette recherche vise avant tout à mettre
en avant les besoins communs des personnes dans un souci d'apaiser les tension
et de rétablir un lien entre eux. Le principe de l'intérêt
de l'enfant est bien sûr fondamental en médiation familiale et
pour tous les médiateurs. Les enfants étant la
préoccupation principale des parents dans une séparation
conjugale, la recherche de besoins nécessaire à leur
épanouissement permettra souvent aux parents de se retrouver, de se
rendre compte qu'ils ont les mêmes priorités pour leurs enfants et
donc de travailler à nouveau en collaboration.
? Le troisième point est « l'exploration des
possibilités ou options »
Cette recherche permet d'activé la
créativité des personnes, d'ouvrir le champ des
possibilités. Cette étape permet une réelle interactions
entre les participants. En amont, beaucoup de travail à
été fait, le conflit et les tension sont apaiser, la
communication rétablie. Ici, les personnes vont pouvoir à nouveau
échanger leur point de vue, discuter de façon constructive,
s'écouter.
? Le quatrième point est « la prise de
décision et la construction des règles de
fonctionnement »
Ici, les participants vont devoir se mettre d'accord.
Après avoir franchie un certain nombre d'étapes préalable,
ils sont enfin prêt à prendre des décision mutuellement
acceptables tenant compte des besoins de chacun.
Ces phases sont communes à tous les processus et
à tous les modèles théorique car elles sont
nécessaire au bon déroulement de la médiation
familiale.
La singularité des médiateurs est à
mettre en lien avec la manière de mener les entretiens mais aussi par
les « outils » utilisés, différents en
fonction du modèle théorique auquel ils se
réfèrent.
Troisième partie
Singularité de chaque processus
Dans la partie précédente, j'ai décrit
la trame commune du processus de médiation familiale, cependant, cette
trame n'empêche en rien la singularité de chaque processus, c'est
que je vous propose d'approfondir maintenant.
Dans cette dernière partie, je développerai, le
côté adaptable du processus au vu des besoins des personnes et des
différentes pratiques des médiateurs, ce qui m'amènera
à démontrer que, grâce à un processus adaptable, la
médiation familiale peut accueillir, accompagner un grand nombre de
situations et de familles, et s'y adapter.
I. La singularité de chaque processus et des
médiateurs
Il existe plusieurs moyens d'adapter le processus aux
familles, je vais maintenant explorer les diverses pratiques que j'ai pu
observer.
1. Les entretiens gratuits d'information
Un entretien d'information gratuit est une rencontre durant
laquelle le ou les participants vont pouvoir découvrir la
médiation familiale, ses buts et finalités, mais aussi les
éléments pratiques de la mise en place de la médiation.
Cet entretien gratuit permet aux parents de découvrir la
médiation familiale sans engagement.
Ces entretiens ne sont pas mis en place de façon
systématique par tous les médiateurs. C'est un choix qui peut
parfois dépendre de chaque professionnel, mais dans certains cas,
ceux-ci peuvent être imposés par les financeurs, c'est notamment
le cas dans le cadre de la prestation de service avec la Caisse Nationale
d'Allocations Familiales (CNAF). Dans ce cas précis, les services
partenaires de la CNAF seront dans l'obligation d'informer les familles lors
d'un entretien d'information qui doit être gratuit.
L'avantage de cet entretien gratuit, c'est l'accès
à la découverte de la médiation familiale de façon
non engageante et non payante. En effet, les personnes recevront des
informations sur la médiation familiale, mais elles pourront
également faire le point sur la situation faisant problème au
sein de leur famille. Ces personnes pourront alors obtenir un premier
éclairage du médiateur sur leur situation et elles pourront
être réorientées vers un autre professionnel plus
approprié à leur situation, si cela s'avérait
nécessaire. Ce premier entretien peut être un vrai point de
départ pour ces familles dans la résolution de leur conflit, et
le fait qu'il soit gratuit, rend la médiation familiale plus accessible,
à mon avis.
Cet entretien d'information se fera
préférablement avec l'ensemble des participants afin qu'ils
reçoivent la même information et puissent s'engager
simultanément dans le processus, un délai de réflexion
peut alors être nécessaire. Il peut aussi avoir lieu de
façon individuelle. En effet, lorsqu'une personne se trouve seule en
présence du médiateur, il est plus difficile de rester dans les
limites de l'information, car les individus souhaitent fréquemment
exposer leur situation et ce qu'ils traversent.
2. Les entretiens individuels
Chaque médiateur a une position assez claire sur cette
question semble-t-il. Soit il pratique des entretiens individuels, soit il n'en
pratique pas.
Le but des entretiens individuels est que chaque personne
puisse à un moment donné, partager son ressenti et son
vécu de la situation-problème sans le regard de l'autre, en toute
simplicité, sans jugement. Parfois, il s'avère nécessaire
que les participants puissent dire ce qu'ils ont sur le coeur dans un premier
temps, pour que, dans un second temps, ils puissent être vraiment
disponibles pour commencer à discuter avec l'autre.
Certains médiateurs pensent que les entretiens
individuels empêchent l'impartialité, que d'écouter chaque
personne individuellement peut apporter des a priori sur l'autre parent.
L'important ici ,est de voir que les pratiques sont
différentes d'un médiateur à l'autre, et qu'elles peuvent
correspondre ou non aux attentes des participants.
Lors d'une médiation observée lors d'un stage,
la médiatrice a reçu une maman en entretien individuel. Cette
maman était très perturbée par une altercation assez
violente avec l'homme dont elle se séparait. Elle s'est
présentée en pleurs et ne cessait d'accabler son ex-conjoint. Au
cours de cet entretien, la médiatrice a tenté de ramener Madame
aux faits, afin qu'elle puisse prendre un peu de recul sur la situation. Sans
jugement, la médiatrice a pu recevoir les plaintes de cette maman et
ainsi la décharger d'un lourd fardeau.
Sans cet entretien individuel, je me demande si cette maman
aurait pu parler aussi librement de son ressenti et de son vécu en
présence son ex-conjoint. Cette étape était-elle
nécessaire au bon déroulement de la médiation ? Dans
le cas cité, cette médiatrice considère que cet entretien
est important pour que chaque participant puisse librement parler de la
manière dont il vit la situation actuelle. Ce type d'entretien permet au
médiateur de prendre en compte la détresse de certains
participants, parfois seuls, et n'ayant aucune personne-ressource à qui
faire part de leurs difficultés. Ceci permet aussi de préparer
à la rencontre avec l'autre parent, et également d'accompagner la
personne dans une vision plus positive de celui-ci.
L'entretien individuel peut permettre de réorienter
les personnes vers d'autres professionnels plus adaptés à la
situation. En effet, il 'est pas toujours possible lors de l'entretien
d'information de clarifier suffisamment les différentes
problématiques. Afin d'expliciter cette idée, je vais exposer une
autre situation observée.
Entretien de Madame M: Madame M demande une médiation
familiale pour les raisons suivantes : sa maman de 90 ans (Mme V) est
actuellement placée en maison de retraite non loin du domicile de
Monsieur M, frère de Madame M. Selon celle-ci, son frère
bloquerait l'accès au compte bancaire de Madame V et de plus, la maison
où vivait Madame V aurait été vidée de son contenu
par son fils sans l'accord du reste de la fratrie. La demande de Madame M est
de revoir la décision envisagée sur la localisation de la maison
de retraite, et qu'à nouveau l'ensemble de la famille puisse avoir un
droit de regard sur les transactions financières opérées
par Monsieur M sur le compte de la maman.
La médiatrice explique succinctement les principes de
la médiation, et met particulièrement l'accent sur le fait que,
pour que la médiation puisse se mettre en place, il est
nécessaire que l'ensemble de la fratrie soit présente.
Madame M réagit vivement en disant que jamais son
frère ne participera à la médiation. De ce fait, la
médiatrice réfléchit aux possibilités d'aider
Madame M par un autre moyen que la médiation familiale. Elle lui propose
donc de prendre contact avec un juriste qui pourra la renseigner sur les
mesures de tutelle et curatelle, si Madame V n'est plus en mesure de
gérer ses finances, mais aussi avec l'association des paralysés
de France qui pourraient l'informer sur la protection du patrimoine de Madame V
en tant que personne dépendante. La médiatrice lui propose aussi
de prendre contact avec un notaire proche de la maison de retraite afin de
régler en toute légalité les questions patrimoniales.
Cet exemple montre que l'entretien individuel permet dans un
premier temps d'entendre les faits tels qu'ils sont vécus par la
personne, mais aussi de s'interroger sur la pertinence de la médiation
familiale selon la situation. Toutefois, si la médiation n'est pas la
solution la plus adaptée, il est du devoir du médiateur
d'accompagner les personnes vers d'autres professionnels plus appropriés
pour prendre en charge cette situation.
3. La gestion du temps dans les entretiens
D'une manière assez générale, les
rencontres ont lieu une fois toutes les deux semaines pour un entretien
d'environ une heure et demie. Cependant, ce sont des données restant
modulables par le médiateur au vu de la situation. Comme je l'ai
exposé dans la première partie, les configurations familiales
rencontrées peuvent être multiples. Dans une famille
monoparentale, où l'un des parents a obtenu l'hébergement
principal des enfants, il peut arriver que le domicile de l'autre parent soit
éloigné de celui-ci, dans ce cas le médiateur doit prendre
en compte cette situation géographique. Afin que la médiation
puisse se mettre en place, il est parfois nécessaire de faire varier la
fréquence des entretiens et leur durée. Par exemple, dans une
telle situation, le médiateur peut accepter de recevoir les parents sur
un temps supérieur à une heure et demie. La fréquence des
entretiens peut se trouver modifiée également en fonction des
possibilités des parents.
Dans le cas d'une succession, afin de réussir à
réunir l'ensemble de la fratrie, il est possible que le médiateur
ait à se déplacer, si cette solution permet de régler le
litige. La rencontre peut se faire sur une ou deux journées. Cependant,
plus les personnes à rassembler sont nombreuses, plus il est difficile
de convenir des dates, du lieu et de la durée des entretiens. Le
médiateur peut adapter le processus à ces situations complexes
afin de mener à bien la médiation.
Dans le cadre de médiation internationale, il arrive
que le médiateur soit sollicité par l'un des parents vivant en
France, pour régler un litige avec l'autre parent vivant à
l'étranger. Dans ce cas, il arrive que le médiateur se
déplace pour une durée plus au moins longue, afin de
réunir les deux parents dans un lieu plus proche pour les deux.
Dans le cadre d'entretiens avec différents
médiateurs, l'un d'entre eux m'a fait part d'une situation qui,
exposée ici, permettrait une meilleure compréhension du sujet.
Madame A est d'origine Allemande et Monsieur F est d'origine
française. De leur union est née une petite fille, Lina. Ils
résident tous les trois en Allemagne. Au moment de la séparation,
Monsieur F quitte l'Allemagne avec Lina, ce qui va être perçu par
la maman comme un rapt d'enfant. Celle-ci porte plainte, plainte qui remonte
jusqu'à Interpole. Monsieur F de son côté rencontre le juge
des enfants et le juge aux affaires familiales car il considère que sa
fille serait en danger avec sa maman. Cependant, le papa est d'accord sur le
fait que, pour le bon épanouissement de Lina, il est important qu'elle
entretienne une relation avec sa maman. Le juge aux affaires familiales enjoint
alors les parents à une mesure de médiation familiale. Un
médiateur est donc nommé pour la médiation. Madame A donne
son accord mais souhaite voir sa fille à cette occasion.
La première rencontre à lieu à
Strasbourg, à mi-parcours entre le domicile du papa en France et celui
de la maman en Allemagne.
Le médiateur débute la médiation par un
premier entretien où sont présents Lina et son papa. Puis a lieu
un deuxième entretien avec la maman et Lina. Lors de cet entretien, Mme
A refuse de s'exprimer en français et à l'issue de celui-ci
Monsieur F ne se dit pas prêt pour la médiation et repart avec
l'enfant.
Il s'en suit un référé au juge aux
affaires familiales et une mesure conservatoire visant au placement de Lina.
Le médiateur et les parents décident d'une
nouvelle rencontre deux semaines plus tard, rencontre à laquelle
n'assistera pas Lina (qui est alors placée).
La rencontre a lieu, et elle vise à rétablir un
lien entre les parents, mais la maman ne souhaite toujours pas parler
français, la rencontre est donc reportée. Une rencontre est alors
fixée la semaine suivante, en présence de la petite fille. Au
cours de cette journée, lors du temps de midi, les parents et le
médiateur se rendent à la brigade des mineurs pour rencontrer
Lina et partager un repas « en famille ». Durant
l'après midi, chaque parent va passer deux heures avec l'enfant en
présence du médiateur.
Le lendemain, le médiateur distingue
immédiatement un changement de position dans le discours des parents,
une reconnaissance mutuelle et même une certaine convivialité
entre eux. Après 45 minutes de médiation, les parents ont
trouvé des accords qui seront entérinés.
Je pense, ici, que sans une certaine mobilité et
adaptabilité du médiateur, le processus n'aurait pu se mettre en
place.
Dans tous les cas, la durée et la fréquence des
entretiens sont des éléments adaptables du processus, et il
relève de la fonction du médiateur d'y réfléchir
avec chaque famille, au vu de la situation-problème. Cette
adaptabilité permet à certaines familles de mettre en place un
processus de médiation familiale.
4. La place de la belle-famille en médiation
familiale
Dans certaines familles rencontrées en
médiation familiale, la séparation conjugale peut aussi
altérer la relation entre les petits-enfants et leurs grands-parents.
Dans de telles situations, il est toujours délicat de déterminer
quels sont les acteurs devant être présents pour la
médiation : les deux parents géniteurs et actuellement
séparés ? Les nouveaux conjoints dans les familles
recomposées ? Le couple de grands-parents ?
Pour expliciter ce type de situation, j'aimerais vous
présenter un cas observé en temps de stage :
Monsieur et Madame X du temps de leur union ont eu un enfant
Jean. Suite à leur séparation, Monsieur X s'est mis en union avec
Madame Y, de cette union sont nées Céline et Léa. Madame A
(maman de Monsieur X) ne voit plus Jean son petit fils du fait de la
séparation d'avec Madame X, séparation qu'elle n'a pas
acceptée (Madame A).
La relation entre Monsieur X et sa maman s'est beaucoup
détériorée ces dernières années, du fait que
celle-ci n'accepte pas la nouvelle compagne de Monsieur X ainsi que leurs
enfants. C'est pourquoi, Madame A souhaite entreprendre une médiation
familiale avec son fils, afin de pouvoir à nouveau
bénéficier de relations avec son premier petit fils Jean.
S'agissant de conflit autour des enfants, la
médiatrice a tout d'abord convié le nouveau couple (Monsieur X et
Madame Y), ainsi que la grand-mère Madame A, estimant qu'il était
important que la nouvelle compagne soit présente, étant
elle-même maman des deux nouveaux petits-enfants de Madame A. Pendant
deux entretiens, ces trois personnes se sont rencontrées et aucune
avancée ne s'est produite. La médiatrice a donc
décidé, en accord avec ces trois personnes de mettre en place un
entretien sans la nouvelle compagne de Monsieur. La mère et le fils ont
donc assisté tous les deux à l'entretien suivant. Cette rencontre
leur a permis de revenir sur l'enfance de Monsieur X, la maternité de
Madame A, ainsi que sur sa conjugalité et sa propre séparation de
Monsieur A, père de Monsieur X. Cet entretien fût très
douloureux pour ces deux participants, mais, a permis ultérieurement de
renouer des liens familiaux entre les différents membres de cette
famille.
La médiatrice a fait un premier essai avec les acteurs
qu'elle pensait essentiels dans ce conflit, puis constatant aucune
avancée dans ces entretiens, elle en a exclu temporairement la nouvelle
compagne. Cette modification a permis à Madame A de s'exprimer sur des
sujets plus personnels avec son fils, ce qui finalement a abouti à la
résolution de leur conflit.
Il est toujours délicat dans de telles compositions
familiales de déterminer pour la famille et le médiateur les
participants à la médiation, et le fait de pouvoir remanier ces
choix permet parfois la résolution des problématiques.
5. Le lieu d'accueil
Selon certains palais de justice et Juges aux Affaires
Familiales, les médiateurs sont amenés à tenir des
permanences gratuites d'information dans les tribunaux. Ces permanences
permettent aux familles de rencontrer, parfois même sans rendez-vous, des
médiateurs familiaux. Cela permet un meilleur accès à
l'information, les tribunaux étant le lieu privilégié
où se règlent les conflits familiaux. C'est le cas pour le
Tribunal de Grande Instance de Grenoble et le palais de justice de Lyon.
À Lyon comme à Grenoble, l'ensemble des associations de
médiation familiale se relaie afin d'assurer ces permanences. Lors de
ces entretiens d'information, le médiateur ne se présente pas en
tant que représentant de telle ou telle association, mais comme
médiateur familial d'une manière globale, afin de ne pas
favoriser son propre service.
Les médiateurs familiaux tentent aussi d'être
représentés dans les milieux ruraux. Ceci peut passer par des
permanences gratuites d'information dans les mairies par exemple, favorisant
ainsi l'accès à l'information à un public souvent
excentré des grandes villes, et lui permettant ainsi d'obtenir des
informations concrètes sur la démarche de médiation. J'ai
moi-même eu l'occasion d'assisté et d'animé une information
collective à la Caisse d'Allocation Familiale (CAF) de Chambéry
dans le cadre d'un stage. Lors de cette journée d'action, la
médiatrice et moi-même avons pu informer une quarantaine de
personne sur la médiation familiale. Parmi les personnes
rencontrées certaines venaient précisément pour
l'information gratuite à la médiation familiale, mais la
majorité d'entre elles était présente pour d'autres
raisons en lien avec la CAF. Les entretiens d'information peuvent
déboucher sur la mise en place d'un processus de médiation
familiale. Les médiateurs familiaux peuvent aussi être
présent au sein des points rencontre, c'est le cas de l'association
« La passerelle » à Grenoble, où les parents
sont présents pour rencontrer leurs enfants dans un espace
protégé, mais où ils peuvent également mettre en
place une médiation familiale.
Les lieux où s'exerce la médiation familiale
sont donc divers et variés, ils peuvent s'adapter à certains
besoins de la population, à certaines demandes des personnes, des
collectivités ou des autres professionnels des champs sociologique,
psychologique, judiciaire etc...
6. Adapter les courriers
Comme je l'ai dit précédemment, la
médiation familiale est une démarche choisie et volontaire, qui
ne peut se mettre en place qu'en présence de toutes les personnes
concernées par le conflit. Cependant, il arrive que le premier contact
avec le médiateur soit une démarche individuelle, sans que
l'autre parent en soit informé. Le médiateur va alors
réfléchir, avec le parent, à « Comment faire
venir l'autre parent en médiation ». La solution la plus en
phase avec la démarche de médiation familiale est de favoriser la
communication entre les parents. C'est pourquoi le médiateur peut
accompagner le parent dans sa volonté de faire connaître la
médiation familiale à l'autre conjoint. Pour cela le
médiateur s'informe sur leur manière actuelle de communiquer. Il
essaie d'ouvrir le champ des possibilités avec le parent, et de
réfléchir au meilleur moyen de « faire venir
l'autre », par téléphone, par une lettre, lors du
changement d'hébergement etc...
Parfois, la rupture de communication entre les parents ne
permet pas de contact direct entre eux, il est alors nécessaire que le
médiateur intervienne. En accord avec le parent, ils étudient la
meilleure manière pour le médiateur d'entrer en contact avec
l'autre. Souvent, cela se fait sous forme de courrier-type, qui informe de la
démarche du premier parent, et où le médiateur propose une
date de rendez-vous pour un entretien d'information gratuit à la
médiation familiale, par exemple.
L'enjeu ici, est de réunir les deux parents, pour cela
le médiateur s'adapte à chaque situation pour favoriser cette
rencontre Le fait, pour les familles, que le médiateur intervienne dans
l'invitation de l'autre parent permet parfois la mise en place du processus. La
manière de le faire est totalement adaptable à la situation
rencontrée.
Cependant, il existe par ailleurs d'autres courriers,
notamment dans le cadre de médiations familiales ordonnées. En
effet, dans ces médiations, le juge dans son jugement, après
avoir recueilli l'accord des personnes concernées, désigne un
médiateur ou un service de médiation. Le service de
médiation reçoit donc, par voie postale, le jugement rendu par le
juge aux affaires familiales. Le médiateur contacte alors les parents
par courrier et leur propose un premier rendez-vous pour un entretien gratuit
d'information. Le service de médiation familiale nommé par le
Juge aux Affaires Familiale, informera celui-ci de la bonne réception de
l'ordonnance ou du jugement. Le médiateur pourra s'il le désire
informer le magistrat de l'issue de la médiation sans pour autant
préciser le contenu de celle-ci, car strictement confidentiels, le
médiateur pourra parler d'accord oral, de rétablissement de la
communication.
Il n'est pas rare que les différents acteurs de la
médiation familiale (participants et leurs avocats, juge...)
requièrent à différents moments, des attestations, ou
compte rendu de la médiation. Malgré la confidentialité
sur le contenu, le médiateur pourra attesté de la venue de telle
personne aux entretiens, du nombre de rencontres qui ont eu lieu et
éventuellement d'un accord ou pas.
Il est important de préciser que les courriers et leur
contenu s'adaptent aux interlocuteurs, à la situation, mais aussi aux
médiateurs. En effet, chaque professionnel décide de sa
manière de communiquer, et les courriers ne sont pas toujours le mode de
communication privilégié.
7. L'accueil des enfants
L'accueil ou non des enfants en médiation familiale
est une question très controversée. Elle est parfois à
mettre en lien avec le modèle théorique auquel se
réfère le médiateur familial. En effet, certains
médiateurs vont, de façon systématique, recevoir les
enfants dans un but d'information et de recueil de données concernant
leur vécu actuel face à la situation, c'est le cas dans le
modèle groupal narratif.
Certains médiateurs refusent clairement les entretiens
avec les enfants, car selon eux, la démarche de médiation
familiale ne concerne que les parents majeurs, et impliquer les enfants ne
ferait que les placer dans une situation encore plus complexe. Cependant, les
enfants n'ont pas besoin d'être présent physiquement en
médiation pour que leurs besoins et leur place soient respectés.
En effet, certain médiateurs peuvent placer une photo de celui-ci dans
la salle de médiation afin qu'il soit symboliquement
représenté.
Il arrive que certains médiateurs acceptent de
recevoir les enfants en fin de médiation, lorsque les parents se sont
entendus sur accords et qu'ils souhaitent en faire part à leurs enfants.
Mais dans ce cas, les enfants ne sont pas entendus à titre
individuel.
D'autres médiateurs laissent le champ plus ouvert, et
s'adaptent à chaque situation familiale. Si le médiateur estime
cela nécessaire pour la compréhension du conflit, ou dans
l'exploration des solutions envisagées, il pourra recevoir les enfants
lors d'un entretien individuel. Souvent celui-ci se fera de façon
ludique, ceci permettant aux enfants se sentir à l'aise. Il est
important de les rassurer sur l'utilisation de leur parole.
L'important ici, c'est qu'il existe du sens à
« l'entretien enfant », que celui-ci ne se déroule
pas uniquement à la demande des parents, mais que le médiateur
considère également qu'il est important qu'ils soient entendus.
Il est nécessaire que l'organisation soit telle que parents et enfants
soient rassurés, que le médiateur sache exactement ce qu'il va
faire des paroles de l'enfant : seront-elles restituées aux
parents ? Est-il prévu un temps de parole ensuite avec les
parents ? etc...
Il semble aussi essentiel quand ces entretiens ont lieu, que
le conflit entre les parents soit suffisamment apaisé pour ne pas placer
les enfants dans une posture trop délicate, soumis à des
pressions parentales.
Michèle SAVOUREY, dit qu'« il y a trois
façons de mieux connaître les besoins spécifiques des
enfants pour les prendre en compte dans le processus de
médiation :
? Les parents (...)
? Le choix des experts dont les conclusions seront reprises en
médiation (...)
? l'écoute de l'enfant par le médiateur, lorsque
les parents le demandent ou donne leur accord, n'étant pas sûrs
d'être momentanément les plus capables d'entendre ses vrais
besoins, ou de pouvoir suffisamment les différencier de leurs propres
besoins »21(*)
Selon l'auteur, l'accueil des enfants est aléatoire en
fonction de la manière dont l'enfant est intégré dans le
conflit. Lorsque le conflit reste centré autour des parents, et que
ceux-ci sont dans la capacité de maintenir l'enfant hors de celui-ci, il
n'est pas forcément nécessaire de le recevoir pour l'entendre.
Cependant, lorsque le conflit implique significativement l'enfant, il peut
être intéressant pour les parents de prendre en compte le ressenti
et la « verbalisation » de l'enfant dans la
médiation par le biais d'un entretien entre le médiateur et
l'enfant.
Afin d'expliciter mes propos, voici une situation que j'ai
observé en stage :
Monsieur et Madame X ont deux enfants : John 10 ans et
Louis 6 ans. Monsieur et Madame X ont été mariés et sont
maintenant divorcés. Madame X forme une nouvelle union avec Monsieur
Y.
Actuellement la situation est très conflictuelle entre
Monsieur et Madame X : discordes au sujet des horaires, de
l'hygiène des enfants, les valeurs du papa et de la maman sont
divergentes, ce qui au quotidien pose beaucoup de problèmes
particulièrement à la maman. Dans cette situation, celle-ci est
très contrarié par les propos tenus par les enfants lorsqu'ils
rentrent à son domicile à la fin du week end passé chez le
papa. En effet, ceux-ci prennent du plaisir à dire à leur maman
toutes les limites et les interdits qu'ils ont franchis « chez
papa ». Les enfants ont un discours très différent sur
les événements selon qu'ils les racontent à l'un ou
l'autre des parents. Il est clair que les enfants, ici, jouent un rôle
primordial dans les tensions que présente l'équipe parentale. La
médiatrice suggère donc d'entendre les enfants.
Après un entretien d'information gratuit, un entretien
individuel avec chacun d'entre-eux, et deux entretiens communs ayant permis
déjà la remise en place d'une collaboration parentale, la
médiatrice, en accord avec les parents, souhaite rencontrer John et
Louis.
La médiatrice met en place trois
« entretiens enfants »seuls d'abord puis avec chaque parent
successivement. Dans un premier temps, le parent accompagnant laisse les
enfants avec la médiatrice, puis va patienter en salle d'attente.
Pendant ce temps, la médiatrice a élaborer des questions à
poser aux enfants. Puis dans un second temps, le parent-accompagnant rejoint
les enfants et la médiatrice. Au cours de ce deuxième temps, la
médiatrice va reposer les questions dont, en accord avec les enfants,
les réponses paraissent pertinentes à entendre pour les parents.
Il en sera de même pour l'autre parent.
Au cours de ces deux entretiens, les parents ont pu entendre
l'importance de la place de l'autre parent dans la vie des enfants, et entendre
la manière dont les enfants vivent la relation conflictuelle de leur
parents. Les enfants ont pu exprimer aussi leur joie de voir leur parents
réunis l'école à l'occasion de la fête de fin
d'année par exemple.
Les paroles de leurs enfants ont beaucoup fait
réfléchir les parents sur leur comportement respectif l'un vis
à vis de l'autre, ce qui a permis de régler certains petits
détails envenimant la relation parentale. Je pense qu'ici, les
« entretiens-enfants » ont été
bénéfiques pour toute la famille, et notamment pour la
reconnaissance mutuelle des parents. D'une part, la maman à pu
être rassuré sur le bien être des enfants lorsque ceux-ci
sont chez leur père, et d'autre part le père à pris
conscience qu'il amenait ses enfants à faire alliance avec lui contre la
mère et ses règles qu'il considérait comme
« trop stricte ».
8. Les accords
Il existe différents accords, les accords
« partiels » pouvant se mettre en place au cours de la
médiation, et permettant aux parents de tester une nouvelle organisation
par exemple. Ceux-ci peuvent aussi être rédigés en fin de
médiation, ils sont alors dits « partiels » car les
participants ne s'entendront pas sur tout, celui-ci reprendra les points sur
lesquels ils se seront mis d'accord ainsi que les points litigieux qui pourront
être « tranchés » par le magistrat.
Il existe aussi des accords « globaux »
pouvant finaliser l'ensemble de la médiation familiale et regroupant
l'ensemble des décisions prises par les parents aux cours des
entretiens.
On peut aussi parler d'accords « oraux »
se réalisant entre les parents au cours de la médiation, et
qu'ils ne souhaitent pas voir rédiger. Cela se produit lorsque certains
accords portent sur des éléments trop subjectifs, ou quand la
médiation n'a pas suffisamment modifié les perceptions
négatives entre les participants pour que cela soit notifié par
écrit.
La finalité de la médiation familiale est
différente d'un médiateur à l'autre. Pour certains, une
médiation réussie est une médiation aboutissant à
des accords écrits, pour d'autres, la restauration de la communication,
ou alors des accords oraux seront eux-même une victoire.
La rédaction d'accords écrits est une
manière d'officialiser les décisions, cependant il arrive que les
participants n'y parviennent pas.
Personnellement, je pense que des accords partiels obtenus au
cours de la médiation favorisent la confiance mutuelle, et rassurent les
parents quant à la possibilité de trouver des solutions.
Dans un but de clarté, je vous invite à suivre
une médiation observée :
Monsieur et Madame P ont été mariés
pendant 5 ans, de cette union est née une petite fille, Marion,
aujourd'hui âgée de 13 mois. Ce couple, aujourd'hui
séparé de fait, vit des moments très difficiles :
violences, insultes, menaçant la relation de Monsieur P avec sa
fille.
Lors de l'entretien individuel avec Monsieur P, la
médiatrice apprend que Madame P a eu une aventure extra-conjugale
pendant l'union, ce qui affecte encore beaucoup Monsieur P aujourd'hui. Le fait
primordial cependant, pour Monsieur P, est qu'il ne voit presque plus sa fille
depuis la séparation. Afin d'apaiser Monsieur, et pour le
bien-être de Marion, il est nécessaire que les parents trouvent un
accord visant à mettre en place un droit de visite pour le papa. Madame
P se réfugie derrière les comportements excessifs de
Monsieur : alcool, violence etc...Elle est inquiète à
l'idée de confier Marion à son papa.
La médiatrice va travailler dans un premier temps
à rétablir un climat de confiance entre les parents, à
travers la recherche de solutions pour la sécurité de Marion lors
de ces visites chez son papa, afin que rapidement Monsieur puisse voir sa fille
dont il souffre de l'absence.
Lors du premier entretien commun, la maman reconnaît
qu'il est important que Marion voit son papa, et donne donc son accord pour
mettre en place un premier droit de visite. Afin d'officialiser cette
rencontre, la médiatrice, en accord avec les parents rédige un
accord partiel stipulant les modalités du droit de visite de Monsieur M
avec sa fille : date, horaire et lieu d'échange.
Ce type d'accord22(*) a été rédigé à
plusieurs reprise au cours de la médiation, ce qui a permis au papa
d'entretenir des liens avec sa fille malgré le conflit parental encore
très présent. Malheureusement, la médiation n'a pu aboutir
à des accords globaux23(*), et les parents ont préféré s'en
remettre à la justice. Cependant, durant les deux mois de
médiation le lien parent-enfant a pu être maintenu.
J'ai tenté dans cette partie de mettre en avant le
caractère adaptable du processus, au regard des individualités
des participants et des médiateurs, mais aussi de l'ensemble de la
famille et des problématiques rencontrées.
Conclusion
J'ai voulu à travers ce travail, répondre
à un questionnement qui s'est imposé à moi au cours de mes
études et plus particulièrement sur mes lieux de stage.
Comment prendre en compte tant de diversités
familiales tout en s'appliquant à développer un processus
précis et cadré ?
Avant de conclure, je voudrais reprendre le cheminement de ma
réflexion.
J'ai considéré que chaque famille et que chacun
de ses membres étaient uniques, que chaque problématique et
conflit qu'ils rencontraient étaient eux aussi particuliers.
Après l'avoir décrit et étudié,
j'ai postulé que le cadre de la médiation familiale permettait de
mettre en place des règles structurantes, limitatives et symboliques,
permettant aux familles d'amorcer des changements dans leur mode de
communication et dans leurs représentations communes du conflit.
De cette constatation, une problématique s'est
imposée à moi : Comment la médiation familiale
peut-elle accueillir, accompagner et s'adapter à la singularité
de chaque famille ?
J'ai développé l'idée que c'est en
s'appuyant sur la fonction contenante du cadre que le médiateur va
développer ses qualités empathiques, qualités lui
permettant de prendre en compte chaque individu, d'être, en tant que
garant du cadre, le réceptacle des émotions. Une fois celles-ci
ainsi déposées, reconnues et restituées par le
médiateur de manière plus structurée et constructive, il
est alors plus aisé pour les parents d'amorcer certains changements dans
leur vision de l'autre et du conflit. Le cadre de la médiation
fonctionne alors comme une enveloppe à l'intérieur de laquelle se
reconstruit le lien parental et s'organisent les conséquences de la
séparation.
J'ai montré que le processus, malgré une trame
commune à toutes les situations, permet une certaine
adaptabilité. Il peut s'agir pour les médiateurs eux-même
d'appliquer un certain modèle théorique auquel ils ont
été formés, des choix de techniques, d'organisation, de
mise en pratique, toujours au service des personnes. Cela se traduit par
différents éléments qui peuvent se trouver
modifiés, ajoutés, adaptés, au regard de la famille qu'il
accompagne. C'est donc aussi grâce à cette adaptabilité des
médiateurs qu'un certain nombre de médiations familiales sont
possibles. L'adaptabilité du processus grâce au médiateur,
ainsi que sa créativité et à celle des parents, la
médiation familiale se veut structurante et rassurante par son cadre
fixe et ses règles, tout en étant ouverte à chaque
situation, à chaque personne, chaque conflit, par un processus qui se
veut adaptable et en phase avec la recherche de solutions mutuellement
acceptables.
Au terme de ma réflexion, au regard des
différentes situations présentées, de la
singularité de chaque famille et donc de chaque processus et de
l'analyse que j'en ai faite, je peux donc affirmer l'hypothèse selon
laquelle : c'est grâce à la garantie, par le
médiateur, d'un cadre fixe structurant les demandes et les
échanges, à l'animation d'un processus s'adaptant aux besoins
spécifiques de chacun, couplées à la volonté des
participants de trouver ensemble des solutions mutuellement acceptables que la
médiation familiale peut accueillir les demandes de chaque famille dans
sa singularité.
Avant de mettre un terme à l'écriture, je
voudrais ouvrir ma réflexion vers un champ que je n'ai pas
développé : celui des lieux dans lesquels la
médiation pourrait être exercée, les cadres physiques
particuliers dans lesquels la médiation familiale pourrait se mettre en
place et les limites de celle-ci.
Je pense plus particulièrement aux maisons
d'arrêt, dans lesquelles certains parents, privés de leur droit du
fait d'un délit et d'une mesure judiciaire, sont contraints à
être séparés de leurs familles. Comment réussir
à maintenir un lien satisfaisant pour permettre à ces familles de
perdurer et de s'organiser face à ce placement judiciaire ?
Comment permettre l'accès à la médiation
familiale dans ce cadre particulier, et comment répondre à ces
problématiques très singulières ? Cette ouverture
est-elle possible ou est-ce une limite à la médiation
familiale ?
J'aime à croire que la médiation familiale
pourrait, un jour, avoir sa place dans de telles situations.
* 1 Pacte Civil de Solidarité
* 2 Claire Denis « la
médiatrice et le conflit dans la famille » ed. ERES, janvier
2010
* 3 Claire Denis « la
médiatrice et le conflit dans la famille » p.88
* 4 Paul FUSTIER, 1983, L'enfance
inadaptée Repères pour des pratiques, Lyon, Presse
Universitaire de Lyon, PUL, p 12
* 5 Conseil National Consultatif de la
Médiation Familiale
* 6 Pacte Civil de Solidarité
* 7 Conseil National Consultatif de la
Médiation Familiale, op.cit.
* 8 Didier ANZIEU, 1985, Moi-peau,
Paris, Dunod
* 9 Alice et pierre DE LARA, 2003,
L'enfant, « objet transitionnel » de la
médiation familiale, in « entre nous » La
transmission psychique dans le couple et dans la famille Aspects
théoriques, DIALOGUE n°160, p,78
* 10 Michèle GUILLAUME-HOFNUNG,
2007, « La médiation », Vendôme,
Presse Universitaire de France, Que sais-je ?,p 72
* 11 Association Pour la Médiation
Familiale
* 12 Document présenté en
annexes
* 13 Nicolas JONAS, 2007, La
famille, Poitiers, Thèmes et débats, Bréal, p 10
* 14
http://fr.wiktionary.org/wiki/singularit%C3%A9
* 15 Bob DEITS, Revivre après
l'épreuve, Québécor, 1999
* 16 http://pdelara.free.fr/crises.html
* 17
Http://fr.wikipédia.org/wiki/Processus
* 18 Annie BABU et Pierrette
BONNOURE-AUFIERE, 2010, Guide de la médiation familiale étape
par étape, Mercues,ERES
* 19 Pages 172,173,174
* 20 Cf. annexe
* 21 « Re-créer les liens
familiaux » p.96
* 22 Cf annexe
* 23 Cf annexe
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