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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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3. L'antiproductivisme dans l'ensemble programmatique écologiste

Le programme écologiste illustre l'ambivalence de la réception de la décroissance. La décroissance n'est pas affichée clairement si ce n'est sous l'angle de la décroissance de l'empreinte écologique. D'un autre coté l'antiproductivisme apparait toujours en filigrane dans l'ensemble programmatique vert. Au-delà de l'idéologie ou du discours, le programme revêt un intérêt particulier pour notre étude. En effet le programme n'est autre que la déclinaison d'une doctrine dans un contexte donné. C'est l'offre politique que présente le parti-entreprise aux électeurs sur le marché politique concurrentiel. Dès lors l'analyse de l'ensemble programmatique permet d'illustrer la stratégie du parti écologiste et la manière dont il se réapproprie concrètement la décroissance. L'objet n'est pas ici de mener une monographie détaillée de l'évolution des programmes écologistes. Par l'étude des récents documents programmatiques nous tacherons simplement de mettre en lumière certains éléments utiles pour comprendre l'intégration de la décroissance par les Verts.

Il est possible de discerner une première tendance consistant à rendre le projet écologiste « désirable » et généraliste. La décroissance est ainsi retranchée sous l'angle de l'empreinte écologique bien que l'antiproductivisme continue d'irriguer l'essentiel du programme.

Une tendance historique à généraliser le projet écologiste

Evidemment les écologistes d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir avec ceux du congrès fondateur de Clichy en 1984. L'écart idéologique et programmatique peut paraitre saisissant mais il est à mettre en perspective avec les évolutions sociales et politiques au niveau macro ainsi qu'aux changements dans la composition et la stratégie des Verts. Il faut donc garder à l'esprit qu'un programme s'inscrit dans un contexte et évolue en fonction de celui-ci. Cette précision faite, il est possible de repérer une tendance d'extension programmatique qui conduit les Verts à approfondir leurs analyses et à compléter leurs propositions. Cette évolution est à l'oeuvre quasiment depuis l'entrée des écologistes en politique. Elle est la conséquence logique de l'intégration au système partisan. La confrontation avec les autres acteurs du jeu politique les a poussés à développer des propositions sur des thèmes autres que les classiques de l'écologie politique. En effet la première campagne écologiste portée par René Dumont en 1974 est très centrée sur les questions de destruction des ressources naturelles, d'urbanisation et de surpopulation, bien qu'elle aborde également d'autres sujets (décentralisation, bureaucratisation, ...)279(*). Il est ensuite possible de distinguer grossièrement trois phases.

Une première phase (de 1975 à 1986) se traduit par la diversification des thèmes de campagne. L'écologie politique, pas encore partisane, étend ses propositions au domaine économique, social et institutionnel. Guillaume Sainteny relève que sur les douze « mesures d'urgence » lancées par Aujourd'hui l'écologie dans l'entre deux tours de l'élection présidentielle de 1981, aucune ne s'adressent vraiment aux thématiques environnementales280(*). Sous l'influence des Amis de la Terre, le mouvement écologiste attache une importance croissante aux aspects institutionnels (libertés collectives, cumul des mandats, décentralisation,...). La création des Verts marque un ancrage sur les questions économiques et sociales (partage du temps de travail, économie verte, défense des immigrés,...) qu'ils déclinent dans la campagne des européennes de 1984 et des régionales de 1986. L'environnement est renvoyé à l'arrière-plan au point que les écologistes n'apparaissent plus novateurs sur le sujet. En 1986 la principale proposition concernant l'environnement est la création d'un grand ministère de l'environnement, ce que réclament également d'autres courants politiques (Raymond Barre et Michel Rocard en tête)281(*). Les Verts axent leurs campagnes sur des revendications très proches du reste de la gauche (droits de l'homme, antiracisme, justice sociale,...) sans pour autant réussir à combler leur déficit de crédibilité sur ces questions. Pour cause, leurs mesures économiques et sociales paraissent s'ajouter au programme sans être vraiment réfléchies en profondeur.

La deuxième phase commence en 1986 avec le changement de majorité au sein des Verts et l'arrivée d'Antoine Waechter. Elle conduit à une réorientation programmatique sur les questions d'environnement. La préservation de la planète passe au premier plan dès 1988. Les Verts établissent cinq « points prioritaires » dont trois sont directement liés à la protection de la nature282(*). De même en 1989 l'essentiel de la campagne des européennes est centrée sur l'environnement. La mise en avant de l'environnement se fait à travers deux nouveaux concepts qui viennent charpenter les programmes des Verts. D'abord le concept de « crise écologique » (qui recouvre une acception très large allant du trou dans la couche d'ozone à la désertification rurale) légitime les propositions écologistes. Ces dernières s'articulent autour d'une deuxième idée issue du rapport Bruntland283(*), le « développement soutenable ». L'écologie politique se concentre ainsi sur des propositions environnementales sans toutefois renier l'héritage des décennies précédentes. Les questions sociales (partage du travail, revenu social garanti,...) et démocratiques figurent encore dans le projet mêmes si elles ne sont plus prioritaires.

Enfin il est possible de reconnaitre une troisième phase de 1993 à aujourd'hui. L'arrivée de Dominique Voynet au secrétariat national des Verts marque la victoire des partisans d'une alliance avec la gauche face aux tenants du « ni droite ni gauche ». Le changement est d'autant plus radical qu'Antoine Waechter déserte le parti et laisse la direction voynetttiste sans opposition interne significative. Les propositions programmatiques s'orientent alors sur une ligne « Rouge-Verte » avec le retour des propositions sociales au premier plan. La campagne des européennes de 1999 amène d'ailleurs d'autres thématiques alors que les Verts participent à la « majorité plurielle ». Des questions de société comme le Pacs, la légalisation du cannabis ou économiques comme l'entrée dans l'euro sont mises en avant. Le mouvement d'extension programmatique continue en 2002 avec la candidature de Noël Mamère à l'élection présidentielle. Bien que l'expérience de la « majorité plurielle » n'ait pas vraiment été une réussite pour les Verts si l'on en juge au nombre de camouflets qu'a dû gérer la ministre Voynet, elle a néanmoins montré que les écologistes avaient vocation à exercer des responsabilités. La transformation des Verts en parti généraliste continue à travers le programme de 2007 et celui pour 2012. Des réflexions sur l'éducation, la crise des banlieues ou encore les services publics sont avancées. De même des propositions sont formulées en direction des entreprises ou de la refonte de la finance. L'avènement d'EELV marque aussi l'accroissement de l'offre programmatique écologiste personnifié par l'engagement de figures de la société civile. Par exemple Eva Joly ou Laurence Vichnievsky déclinent le thème de la République exemplaire tandis que des personnalités comme Augustin Legrand ou Emmanuelle Cosse (ancienne présidente d'Act Up-Paris, association de lutte contre le sida) appuient une conception forte de l'action sociale (logement, lutte contre les discriminations, ...).

Au-delà du mouvement de fond visant à installer le parti écologiste comme parti de gouvernement généraliste, certains évoquent une tendance à la modération du programme écologiste284(*). Il est vrai que le slogan « l'Utopie ou la Mort » de la campagne de René Dumont (cf. annexe 1) n'a en effet plus grand-chose à voir avec le projet « Vivre mieux vers la société écologiste » pour 2012. Pour autant il existe une certaine continuité dans l'ensemble programmatique Vert à travers l'antiproductivisme.

* 279 Voir DUMONT, René, La Campagne de René Dumont et du mouvement écologique, Paris, Pauvert, 1974

* 280 SAINTENY, Guillaume, Les Verts, op.cit., p. 64

* 281 Les Verts, « Vous êtes écologistes. Le saviez-vous ? », encart dans Ecologie, 369, janvier-février 1986, p. 9-12

* 282 La création d'un grand ministère de l'environnement, l'abandon des essais atomiques et l'arrêt de la construction de nouvelles centrales nucléaires dont celle de Creys-Malville

* 283 Commission mondiale de l'environnement et du développement, Notre Avenir à tous, Genève, CMED, 1987

* 284 Guillaume Sainteny explique que les phases où les Verts priorisent les questions environnementales s'accompagnent d'une certaine modération programmatique, Les Verts, op.cit., p. 63-64

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway