WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La question de la décroissance chez les verts français

( Télécharger le fichier original )
par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

L'hypothèse du clivage productivistes/ antiproductivistes

Depuis leur création les partis écologistes ont pour idée force l'antiproductivisme. Cet invariant politique est au coeur de leur identité et se retrouve tant dans le programme que dans le positionnement politique. La logique du projet écologiste devrait donc se retrouver sur le versant de clivage déterminant les partis Verts. Nous posons ici l'hypothèse d'un clivage productivistes/antiproductivistes. Celui-ci étant envisageable de deux manières.

La première approche consiste à ajouter un nouveau clivage aux quatre fondamentaux de Lipset et Rokkan. Vincent de Coorebyter estime que le clivage marché/nature est trop imparfait pour prendre correctement en compte les partis écologistes. Il cherche alors à distinguer les trois strates susceptibles de mettre à jour un nouveau clivage : un « déséquilibre originel », « l'auto-organisation des citoyens », « la création de partis politiques ». Bien que son étude porte sur les partis écologistes belges (Ecolo pour le côté francophone et Agalev/Groen ! pour le côté flamand), le schéma est sensiblement le même pour les Verts hexagonaux. Nous appliquons ici cette méthode des trois strates au cas français.

Le déséquilibre originel est commun à tous les partis Verts européens. Il se situe dans l'avènement de la société de consommation à partir des années 1950. L'augmentation tendancielle de la création de richesse pose pour la première fois la question de la compatibilité entre croissance économique et ressources naturelles finies. C'est dans ce contexte de faste économique que nait la contradiction sociale à l'origine des mouvements écologistes. Face au modèle productiviste et à ses conséquences irrémédiables sur l'environnement se lèvent une série d'acteurs pour s'y opposer. La deuxième phase d'auto-organisation se caractérise alors par la multiplication des associations environnementales. L'écologie associative culmine avec le combat antinucléaire qui agrège les composantes de la galaxie écologiste. Ces luttes menées par la société civile finissent ensuite par prendre place dans le jeu politique avec la création du parti des Verts en 1984.

Vincent de Coorebyter déduit de l'accumulation de ces trois strates un cinquième clivage distinct des quatre fondamentaux. Une ligne de fracture se dessinerait entre les entreprises d'un côté qui recherchent d'abord le profit et les consommateurs et riverains d'un autre côté qui tiennent avant tout à leur santé et à leur cadre de vie. Un rapide historique de l'écologie politique permet de distinguer les trois strates constitutives d'un clivage tant dans le cas belge que dans le cas français. De Coorebyter conclut donc à l'existence d'un cinquième clivage productivistes/antiproductivistes pour situer les partis Verts. Ce canevas d'analyse a l'avantage d'épouser les lignes du projet écologiste et d'en éclairer la singularité.

Toutefois cette hypothèse souffre des mêmes critiques adressées aux précédentes tentatives de définition d'un cinquième clivage. D'abord l'analyse s'attache aux clivages partisans belges. De Coorebyter fait le constat critiquable que le clivage urbain/rural n'existe pas en Belgique et en déduit un nouveau clivage. Il est donc difficile de généraliser un nouveau clivage sur la base des particularités d'un seul pays. D'autre part ce clivage ne revêt pas un caractère de long terme ni ne procède d'une révolution comme les clivages de Rokkan. Dans ces conditions le clivage mis en évidence par De Coorebyter n'est pas plus satisfaisant pour expliquer l'émergence des partis Verts que la dichotomie d'Inglehart.

Cependant l'intuition du politiste belge correspond bien à la logique du projet écologiste. Pour tenir compte de la logique historique des clivages partisans nous considérons le clivage productivistes/antiproductivistes comme une réactivation du clivage rural/urbain. Les partis Verts proviendraient d'un conflit social territorial issu de la révolution industrielle qui s'actualiserait dans les années soixante-dix en un clivage productivistes/antiproductivistes. Ces années constituent en effet un tournant. La contestation de l'économie de marché destructrice des équilibres naturels est catalysée par l'avènement de la société de croissance et son cortège de ravages sociaux et environnementaux. L'écologie politique constitue en quelque sorte le second souffle du versant rural. Cette analyse est proche du sous clivage écologistes/productivistes identifié par Daniel-Louis Seiler. Toutefois les Verts en tant que parti antiproductiviste sont dans une dialectique conflictuelle avec un nombre de partis bien plus important que les seuls partis de défense urbaine ou autres thuriféraires d'un libéralisme débridé. Le versant productiviste renvoie en effet à une majorité de formations soutenant que le « produire plus » est la planche de salut des sociétés modernes. Ce clivage a pour conséquence un relatif isolement que l'on retrouve dans la stratégie autonomiste « ni droite ni gauche » des écologistes.

La mutation du mode de production des sociétés occidentales après-guerre avec le passage au couple production-consommation de masse a réactivé le clivage rural/urbain en un clivage marché/nature selon D-L. Seiler. Nous avançons ici l'idée que ce clivage se manifeste sous la forme d'un clivage productivistes/antiproductivistes. L'émergence des écologistes montre en effet que la ligne de fracture se situe d'abord sur la finalité de l'organisation productive et non plus seulement sur les modalités. L'attachement au productivisme ou sa contestation transcende la question du rapport au marché qui reste déterminante mais secondaire. En tant qu'écologie radicale et contestation virulente du marché, la décroissance tend d'ailleurs à valider l'existence de ce clivage.

***

Classer les partis verts est un challenge que beaucoup de politistes essayèrent de relever. Trop iconoclastes pour s'intégrer au dualisme gauche-droite et postérieures aux clivages développés par Rokkan et Lipset, les formations écologistes ne se laissent situer dans l'espace politique qu'au prix d'une certaine reformulation théorique. Malgré leurs bonnes intuitions les définitions d'un cinquième clivage postmatérialistes/matérialistes ne résistent pas à l'examen du « temps long » dont nous avons vu qu'il était une condition inévitable pour saisir la nature profonde d'un parti. A l'aune de la logique du projet écologiste nous avons tenté d'établir que les Verts se structurent sur un clivage productivistes/antiproductivistes issu du clivage fondamental rural/urbain. Dans ce cadre la décroissance se veut l'expression extrémiste du versant antiproductiviste. Elle revient à la source de ce clivage pour en réactiver le potentiel identitaire.

Toutefois si les partis Verts, et les partis politiques en général, sont issus d'un clivage particulier cela ne les empêche pas de les transcender : « les clivages engendrent les partis politiques pour, ensuite et plus tard les traverser »197(*). Dans une certaine mesure la décroissance conduit à rapprocher les écologistes du versant travailleurs du clivage possédants/travailleurs comme l'atteste le partage de nombreux combats avec les partis de gauche. A partir des travaux de Jean et Monica Charlot198(*) nous pourrions d'ailleurs caractériser l'attitude du parti Vert français à l'égard des autres clivages avec des dominantes particulières. Ainsi Les Verts auraient une dominante forte sur le versant antiproductiviste du clivage productivistes/antiproductivistes et sur le versant travailleurs du clivage possédants/travailleurs en vertu des imbrications entre les projets qui sous-tendent ces deux versants. D'autre part, ils auraient une dominante moins prononcée sur les autres clivages (parti autonomiste et anticlérical).

Après avoir distingué les logiques structurales des partis écologistes, il importe de les envisager sous un angle « micro-politique » pour mieux mettre en exergue l'influence de la décroissance.

* 197 SEILER, Daniel-Louis, Les Partis Politiques, op.cit., p.91

* 198 CHARLOT Jean et Monica, op.cit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon