La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
2. Vers une taxinomie universelle des partis politiques : La théorie des clivages de Rokkan et LipsetCe qui précède a tenté de démontrer que la classification des partis par le critère droite-gauche n'était pas toujours pertinente. La science politique a toutefois proposé d'autres outils pour interpréter le phénomène partisan. La théorie multidimensionnelle de Stein Rokkan et Seymour Martin Lipset167(*) en constitue certainement l'essai le plus brillant. Dans un ouvrage classique, ils classent les partis en fonction de clivages issus de conflits historiques traversant les sociétés d'Europe de l'Ouest. Nous reviendrons donc sur la notion de clivage avant de la préciser dans le modèle de Stein Rokkan La structuration des clivagesLa théorie élaborée par Rokkan et Lipset emprunte aux travaux de l'anthropologue Talcott Parsons et au courant fonctionaliste en général. La société est envisagée en tant que système social ; elle produit des antagonismes qui entrainent des luttes sociales. D'abord informelles, ces « contradictions » violentes s'institutionnalisent progressivement pour devenir « conflits ». Ces conflits sont régulés par le politique qui se fait, à travers l'histoire, l'agent de leur pacification. A la source du modèle de Rokkan se trouve donc l'idée d'une société naturellement structurée par des oppositions sociales, des conflits, que les organisations partisanes auraient vocation à exprimer. Les clivages mis en évidence par le politiste norvégien procèdent de la dialectique du conflit. Chaque contradiction sociale entraine l'apparition de deux forces qui s'opposent, deux partis qui se positionnent chacun sur un versant du clivage. Pierre Bréchon définit le clivage comme « un conflit bureaucratisé et routinisé où les demandes sociales trouvent des lieux pour se dire et se réguler »168(*). Dans cette optique le parti politique est interprété de manière sociologique. La base et le conflit social précèdent l'organisation du parti. Le politologue belge Vincent de Coorebyter reprend cette idée en précisant la notion de clivages169(*). Il distingue trois strates successives à l'origine de la formation de clivages. La première strate est un « déséquilibre profond » qui touche directement la vie sociale et engendre un rapport de force entre les partisans du statu quo et ceux qui veulent le changement. Dans un deuxième temps la société civile s'organise par elle-même. La faction désireuse du changement met en place des structures et actions collectives (associations, journaux, manifestations,...) et désigne nommément son opposant. Ce dernier s'organise lui aussi et entre dans la confrontation. Le conflit se cristallise finalement dans la création de partis politiques. L'organisation de la société civile sur chacun des versants de clivage conduit à une certaine polarisation du corps social. Ce mouvement est parachevé par les organisations politiques qui ont pour but de porter plus loin la volonté de changement du déséquilibre ou au contraire de le maintenir. La structuration de la société par les clivages pose ainsi les bases d'une classification des partis politiques sur une échelle aussi large que l'Europe de l'Ouest comme le propose le modèle de Rokkan. Les partis ne sont pas envisagés singulièrement dans leur espace donné mais comme membres d'une « famille » de partis. Une famille procède en effet d'une culture politique héritée d'un même versant du clivage. Pour comprendre comment discerner les différentes familles politiques il faut donc revenir aux contradictions sociales originelles dont les partis ne sont que le prolongement. * 167 ROKKAN Stein, LIPSET Seymour M., Party Systems And Voters Alignment. Cross National Perspectives, op.cit. * 168 BRECHON, Pierre, Les Partis Politiques, op.cit., p. 67 * 169 DE COOREBYTER, Vincent, « Clivages et partis en Belgique », Courrier hebdomadaire du CRISP 15/2008 (n° 2000), p. 7-95. |
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