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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Chapitre 3 : L'antiproductivisme, un invariant politique des Verts français

Dans Les Partis Politiques en Occident123(*), Daniel Louis Seiler entreprend l'explication du phénomène partisan et la définition des partis politiques à travers une première partie intitulée « logique des projets ». L'analyse se place dans une logique de long terme, au sens des trois temps de Braudel, et nous amène à distinguer des « invariants culturels » qui fonde l'identité des partis. Notre hypothèse est ici que l'antiproductivisme constitue l'invariant culturel du parti écologiste. Il ne s'agit pas de dégager l'idéologie du parti écologiste, difficilement discernable car forcément fluctuante, mais une toile de fond permanente sur laquelle s'écrit le projet écologiste. Or toute la logique du projet des Verts depuis leur création en 1984 s'articule avec ce concept fondamental, iconoclaste dans le jeu partisan, d'antiproductivisme. Décroissance et écologie politique découleraient alors du même « logiciel » antiproductiviste.

Pour autant, les objecteurs de croissance adressent encore des critiques parfois virulentes au parti écologiste ou à certains de ses représentants. Ces attaques ne concernent que marginalement l'antiproductivisme des Verts qui est au coeur de leur corpus idéologique et à la source de leur constitution.

1. Les inimitiés de la décroissance contre les Verts

Dans une interview en 1994 au magazine Sciences Humaines, Serge Moscovici revenait sur son concept de minorité active à travers l'exemple des Verts : « La minorité qui bascule trop vite, c'est-à-dire qui adopte trop tôt les formes de relations et de comportements du groupe majoritaire, ne peut précisément pas devenir majorité parce qu'elle n'a plus son influence spécifique. [...] Le mouvement écologiste, dans lequel je suis engagé depuis sa création constitue un bon exemple de ce processus »124(*). L'intégration des Verts au jeu partisan supposerait la perte de leur caractère contestataire et empêcherait toute possibilité de voir advenir un jour le changement culturel et politique prôné. La thèse de Serge Moscovici est souvent reprise par les objecteurs de croissance pour s'opposer aux Verts. Néanmoins ces reproches se fondent plus sur le rejet du libéralisme, supposé accepté par les Verts, que sur leurs contradictions antiproductivistes. D'autant que certains courants et personnalités du parti écologiste participent au mouvement de la décroissance.

Les Verts « écotartufes » 

Acteurs reconnus du jeu partisan, les Verts font régulièrement l'objet de procès en compromission antiproductiviste de la part des objecteurs de croissance. Ils dénoncent une volonté ingénue de vouloir changer le système de l'intérieur quand la décroissance se revendique volontiers révolutionnaire. Cette critique s'illustre particulièrement dans le débat sur le Grenelle de l'Environnement.

Moins tenus par l'exigence de respectabilité qui incombe aux partis politiques, le mouvement de la décroissance n'hésite pas à vilipender avec force le parti écologiste lorsque ses prises de positions semblent en porte à faux avec les valeurs antiproductivistes qu'il défend. Dans ce rôle, c'est le journal La Décroissance qui monte le mieux la garde. A chaque parution, le mensuel attribue le sobriquet « d'écotartufe » à une personnalité politique ou publique défendant l'écologie mais sous l'angle de la croissance ou du capitalisme vert. Or dans le classement des « têtes de turc » de la décroissance, les représentants du parti écologiste figurent au premier rang. Noel Mamère, député Vert de Gironde, est attaqué pour reprendre et déformer les thèmes de la décroissance125(*). Dominique Voynet, candidate des Verts à l'élection présidentielle de 2007, est-elle vilipendée pour faire campagne sur le thème du développement durable126(*). Alain Lipietz est aussi régulièrement pris à partie pour ses positions nuancées sur le même sujet. Enfin Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe Ecologie- Les Verts, est une des dernières en date à être tancée « d'écotartufette » dans le numéro de septembre 2011127(*). Les raisons de ces récriminations sont multiples, des accords électoraux passés avec des partis productivistes comme le Parti Socialiste à la défense du TGV. Le ton offensif employé par une partie des objecteurs de croissance s'inscrit dans une stratégie de dénigrement du parti écologiste afin de mieux placer la décroissance comme seule alternative crédible à la société de croissance. Une option tactique que l'on retrouve dans la dénonciation du Grenelle de l'environnement.

De septembre à octobre 2007 se tient le Grenelle de l'environnement à Paris. Cette grand-messe voulue par le Président Nicolas Sarkozy réunit tous les acteurs de l'environnement afin de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique, conserver la biodiversité et réduire les pollutions. La concertation a aussi pour conséquence de dépolitiser la question écologique en actant des consensus. La Décroissance dénonce immédiatement un « Grenelle des dupes »128(*) car il aurait essentiellement pour but de « vampiriser l'écologie pour la vider de tout contenu politique »129(*). Dans ce contexte, la participation de certains Verts (à titre individuel) aux réunions suscite le courroux des objecteurs de croissance qui s'émeuvent de la « collaboration » de certains écologistes avec le gouvernement de droite et les multinationales. Vincent Cheynet les accuse même de porter un coup fatal à la démocratie en consacrant le poids des lobbies130(*). Ces griefs se retrouvent dans les Contre-Grenelle de l'environnement organisés par La Décroissance où plusieurs représentants du parti écologiste sont à nouveau dépeints comme des écotartuffes131(*).

Le rapprochement de l'animateur de télévision vedette Nicolas Hulot du parti écologiste dans le cadre des primaires de l'écologie politique en juin-juillet 2011 a lui aussi provoqué l'ire des objecteurs de croissance. Le créateur d'Ushuaia est en effet le bouc émissaire préféré de la décroissance, très souvent épinglé pour son ambiguïté sur le nucléaire ou pour avoir lancer l'idée d'une écologie sans politique concrétisée à travers son Pacte pour l'Environnement en 2007. Après l'avoir qualifié « d'écolo radioactif »132(*) et s'être demandé si sa présence dans la primaire écologiste signait « la mort de l'écologie politique »133(*), La Décroissance se réjouie de l'échec de Nicolas Hulot à la primaire écologiste par un article provocateur : « Anne Lauvergeon rate de peu la primaire d'Europe Ecologie - Les Verts »134(*).

Le mouvement de la décroissance critique donc essentiellement la stratégie des écologistes qui tendrait à s'éloigner des valeurs antiproductivistes. A ce reproche s'ajoute une critique antilibérale qui prend d'autant plus d'acuité depuis la fondation du mouvement Europe Ecologie.

* 123 SEILER, Daniel Louis, Les partis politiques en Occident, op.cit.

* 124 MOSCOVICI, Serge, « L'influence n'est pas la manipulation », entretien réalisé par Jacques Lecomte, Sciences Humaines, n°37, Mars 1994

* 125 CHEYNET, Vincent, « Maman, je t'aime », La Décroissance, n°26, avril 2005, p. 4

* 126 CHEYNET, Vincent, « Dominique Voynet », La Décroissance, n°35, décembre 2006, p. 4

* 127 CHEYNET, Vincent, « L'écotartufette : Cécile Duflot », La Décroissance, n°82, septembre 2011, p. 6

* 128 La Décroissance, « Le Grenelle des dupes », n°42, septembre 2007

* 129 DIVRY, Sophie, « La mascarade verte de Nicolas Sarkozy », La Décroissance, n°42, septembre 2007, p.2

* 130 CHEYNET, Vincent, « Ces écolos contre la démocratie », La Décroissance, n°45, décembre 2007/janvier 2008, p. 3-4

* 131 DIVRY, Sophie, « Les Tartuffes de l'écologie », Contre-Grenelle de l'environnement. Pour repolitiser l'écologie, Lyon, Parangon, 2007, p.19-26

* 132 La Décroissance, « Les écolos radioactifs », n°71, juillet-août 2010

* 133 FAIVRE, Catherine, CHINAL, Marc et SuperNo, « Débat : Nicolas Hulot signe t-il la mort de l'écologie politique ? », La Décroissance, n°80, juin 2011, p. 14-15

* 134 La Décroissance, « Où sont les femmes ? », n°80, juin 2011 (Anne Lauvergeon est alors présidente du groupe nucléaire AREVA).

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