2- PROBLEMATIQUE
L'étude des poussières atmosphériques
connue sous le nom de lithométéores, de brume sèche, de
brume de poussières auxquelles s'ajoutent des particules organiques
vivantes ou non, s'est imposée comme l'un des sujets majeurs
traités dans les sciences géographiques et environnementales. La
grande importance que revêtent la brume sèche ou mieux les
poussières en suspension sur le fonctionnement des climats et la
circulation aérienne, a conduit la météorologie à
s'intéresser à ce phénomène. La brume sèche
en tant qu'élément mineur du climat devient un champ
d'étude porteur en climatologie, au point d'être
considérée comme un indicateur climatique synthétique de
la désertification (Ozer 2002). Si sa prise en compte se traduit en
agronomie, en termes d'appauvrissement des sols, l'analyse spatiale des
lithométéores permet d'identifier un centre d'émission
ainsi que l'aire de diffusion et d'extension des particules terrigènes,
le coeur saharien étant reconnu aujourd'hui comme lieu d'origine ou de
genèse des particules terrigènes qui, une fois injectées
dans l'atmosphère, vont évoluer vers des basses latitudes
à la faveur de l'harmattan. Le vent est un agent du modelé
terrestre, à travers sa vitesse et sa turbidité. En d'autres
termes, l'érosion éolienne en régions saharienne et
sahélienne introduit dans l'atmosphère d'importantes
quantités d'aérosols. Ceux-ci sont des particules
lithosphériques arrachées du sol, généralement
constituées d'argiles fertiles, mises en suspension et qui forment la
brume sèche. L'étude de ce élément du climat
renvoie à deux familles de paramètres
météorologiques, à savoir la position du FIT et le
gradient horizontal de pression. En effet, l'équateur
météorologique se déplace suivant les saisons.
D'après L'Hote (in Atlas de la Province Extrême-Nord Cameroun 2000
:17), en janvier, l'équateur se situe en moyenne par 4° de latitude
nord. La région est alors sous la dépendance des alizés
continentaux d'est. Il s'agit de l'Harmattan, induit par le
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prolongement de l'Anticyclone des Açores : c'est la
saison sèche. Par contre en aout, toute la région est sous
l'influence des masses d'air provenant des Anticyclones de Ste
Hélène à l'origine de la mousson instable et humide,
d'où la saison des pluies.
L'étude des lithométéores que
représente la brume sèche permet également de
définir le régime de brume sèche, constitué de ses
variations saisonnières ainsi que de ses caractéristiques
physico-chimiques. Pendant la saison sèche qui va de novembre à
mai, l'atmosphère au-dessus de l'Extrême-Nord est essentiellement
marquée par la présence de la brume sèche. En effet Maroua
totalise 91 jours de brume sèche, Kaélé 83, Mokolo 80,
Kousséri 99 et Yagoua 45. Ce lithométéore qui
n'apparaît que par temps sec provient d'une projection dans
l'atmosphère, de fines particules minérales par le vent (Rognon,
Arrué et Coudé-Gaussen 1997 : 109-116) depuis le Sahara. Son
apparition périodique permet d'observer un cycle de la brume
sèche dont les conséquences sur la santé et certaines
activités humaines sont plus ou moins connues. Par exemple,
l'intensité de la brume sèche mesurée le plus souvent par
la réduction de la visibilité, rend difficile et interrompt
même parfois la navigation aérienne (Suchel 1986 : 228).
Sur le plan sanitaire, une forte inhalation des
poussières aériennes provoque une réaction allergique qui
se manifeste par des secrétions oculaires et rhino-pharyngées. On
parle dans ce cas de la conjonctivite et de la méningite, qui sont plus
fréquentes pendant cette période de l'année. Cela conduit
à penser, par exemple, que la survenue des épidémies de
méningite cérébro-spinale est liée aux variations
saisonnières de brume sèche. Justement au Cameroun, Beauvilain
(1989 :181) constate que « la méningite sévit
pratiquement chaque année en saison sèche avec plus ou moins de
gravité (...) Pourtant, année après année, c'est
vraisemblablement la maladie qui fait plus de victimes ». S'agissant
de la variable climatique, les populations savent que la méningite
apparait entre janvier et mai (Beauvilain 1989 : 187). Fortement
dépendant de la brume sèche véhiculée par
l'Harmattan, les épidémies de la méningite atteint la
même année de vaste portion du continent. Par conséquent,
faire allusion à l'harmattan, c'est renvoyer inévitablement au
vent et aux saisons. Cet auteur souligne également que la
méningite sévit avec un cycle assez régulier de
brèves périodes de deux ou trois années de virulence
maximale suivi de cinq à sept années de faible virulence en
raison de l'immunité acquise par les populations. L'atténuation
progressive de celle-ci et la naissance de nouveaux enfants non
immunisés,
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permet alors une nouvelle phase de l'épidémie.
On peut alors comprendre que cette pathologie est sous la dépendance
étroite du contexte sociétal.
Pour sa part, la méningite
cérébro-spinale ou à méningocoque est une maladie
épidémique d'origine bactérienne, dont l'agent responsable
est N. meningitidis, un germe à gram négatif, de
réservoir strictement humain, sévissant sous forme
endémo-épidémique dans la ceinture méningitique
décrite pour la première fois par Lapeyssonnie en 1962 (Aubry
2004 : 2) dans laquelle est incluse le Cameroun septentrional. La
méningite cérébro-spinale y sévit avec un centre
géographique qui est situé au Tchad, pays voisin de la
Région de l'Extrême-Nord Cameroun. Cette ceinture située
entre le 8e et le 16e degré de latitude Nord, de
l'Atlantique à la Corne de l'Afrique, regroupant au départ les
régions semi-désertiques de l'Afrique subsaharienne, est en
extension aujourd'hui, d'après l'OMS. La méningite apparait ainsi
clairement comme un risque épidémiologique de très grande
importance, en ce sens que, entre autres, 54% des malades présentent
après guérison des anomalies au rang desquelles on peut citer la
surdité, le retard mental et des séquelles neurologiques.
Voilà pourquoi le bureau régional OMS pour l'Afrique prône
le renforcement de systèmes nationaux de surveillance de la
méningite par l'adoption d'une approche intégrée
permettant de coordonner et d'intégrer toutes les activités et
programmes de prévention et de lutte contre la méningite. Dans la
réalité, l'apparition soudaine des cas de méningite se
transforme très vite en bouffée d'épidémie.
L'éclosion phénoménale des cas d'attaque alimente les
débats tant scientifiques que médiatiques. A ce propos, l'examen
des archives nous permet de constater en 1992 (Cameroun Tribune
n°5080 : 4) qu'en date du 25 février de la même
année 3000 cas ont été déclaré pour 249
décès. Les zones rurales et les montagnes ont alors
été les plus touchées. Mais au cours d'autres
années, la situation presque inverse a été
observée. On se demande alors pourquoi des variations aussi
tranchées entre les différents secteurs de santé. Pour
certains spécialistes de l'épidémiologie, la
sècheresse et la promiscuité favorisent la maladie, incriminant
ainsi deux familles de facteurs à savoir : le climat et le contexte
social auxquels on ajoute l'insuffisance de médicament et des mesures de
prévention. Par ailleurs, le quotidien national note que la campagne de
vaccination ratée de février 1991 pourrait aussi expliquer
l'ampleur de l'attaque (Cameroun Tribune n°5080 : 4).
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En observant l'évolution des maladies à
potentiel épidémique dans cette région sahélienne
(Marquis 2007), on constate qu'en dix ans, la méningite compte pour 21%
des cas de maladies épidémiques contre 63% pour la rougeole, 16%
pour le choléra et 0,25% pour la fièvre jaune. Elle se place
ainsi au second rang, en ce qui concerne les cas déclarés, mais
représente à elle seule 44% des causes de décès,
suivie du choléra avec 30%, 23% pour la rougeole et 3% pour la
fièvre jaune. C'est donc décidément une pathologie
meurtrière. Cependant, les véritables situations
d'épidémies sont peu fréquentes, du fait de l'action des
services de santé compétents. Toutefois, selon le rapport de la
mission d'appui a la lutte contre l'épidémie de méningite
dans la région de l'Extrême-Nord du 20 au 23 avril 2007 qui a eu
pour objectif d'évaluer la situation épidémiologique de la
méningite cérébro-spinale et apporter un appui technique
conséquent, les données envoyées au niveau central par le
Délégué régionale de la Santé Publique de
l'Extrême-Nord, font état de 117 cas et 08 décès dus
à la méningite cérébro-spinale depuis le
début de l'année 2007. 19 districts de santé sur 28 sont
concernés parmi lesquels Kar-Hay, Koza, Mogodé et Kolofata qui
à certains moments, ont atteint et même dépassé le
seuil d'alerte de 05 cas pour 100.000 habitants par semaine.
Par ailleurs, cette pathologie bénéficie d'un
contexte social essentiellement marqué par une prise en charge
insuffisante du point de vue médical doublée d'une connaissance
médiocre des causes de sa survenue. Par exemple, sur 500 individus
interrogés, 41% de l'effectif estiment que la méningite est
causée par la poussière. De plus, la proportion de ceux qui sont
encore attachés aux méthodes traditionnelles est également
importante. 38% des hommes et 37% des femmes estiment que le guérisseur,
le devin, entre autres sont compétents pour la lutte contre cette
maladie.
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