2.4. DISCUSSION
2.4.4.1. Une pathologie sous la dépendance
étroite du rythme climatique
L'Extrême-Nord Cameroun est situé en zone
soudano-sahélienne donc en grande partie compris dans la ceinture de la
méningite qui se trouve schématiquement entre les 8ème et
16ème degrés de latitude Nord. La pluviométrie
est un élément essentiel de la délimitation de cette
ceinture qui se situe entre les isohyètes 300 mm au Nord et 1100 mm au
sud. Plusieurs études ont montré que la méningite touche
essentiellement la tranche d'âge de cinq (5) à quatorze (14) ans.
Chaque année, l'Extrême-Nord Cameroun connait
78
lors de la saison chaude et sèche (février,
mars, avril) une recrudescence des cas de méningite à
Neisseria méningitidis.
9 000 8 000 7 000 6
000 5 000 4 000 3 000 2 000
1 000 0
7 972
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Méningite Cas Méningite Décès
Moy. mobile sur 2 pér. (Méningite Cas)
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984
1 278
9551 011 389 702 881 1 152 797 911
426
642
594
341 279
1 989 1 990 1 991 1 992 1 993 1 994 1 995 1 996 1 997 1 998
1 999 2 000 2 001 2 002 2 003 2 004 2 005 2 006 2 007
Figure 20: Cas et décès de méningite
cérébro-spinale dans l'Extrême-Nord: 1989-2007
Les épidémies sont considérées
actuellement comme étant totalement imprévisibles. Depuis les
années 90, des épidémies touchent des zones et des pays en
dehors de la ceinture. Ceci pourrait être lié à des
changements dans les conditions climatiques, notamment avec l'extension des
zones arides ou de la mobilité accrue des populations, mais aussi
peut-être, à l'apparition d'une nouvelle souche de
méningocoque dans la population réceptive.
77
86
222 171
98 39 24 55 124 96
92
89
105 48 45 59 74
269
45 24
Dans une étude sur le rythme climatique et
l'évolution saisonnière des pathologies au Bénin, Vissin,
Houssou et Boko (2007 : 191-200), affirment que les paramètres
climatiques sont les plus déterminants de l'écologie. Leur
méthode se base sur l'analyse des données climatologiques et
épidémiologiques, ainsi que sur le calcul de l'indice du pouvoir
réfrigérant de l'air, mis au point par Siple et Passel en 1945.
Ils en concluent que l'ambiance climatique de la localité fragilise
l'organisme humain et le prédispose à certaines affections.
Ainsi, le paludisme et les maladies diarrhéiques sont fortement
corrélés aux précipitations et à l'humidité.
Le nombre de cas de maladies respiratoires pour leur part, n'augmente qu'au
coeur de la grande saison sèche, de novembre à janvier. Ce
faisant ils notent que le climat n'est qu'indirectement responsable de ces
affections. D'autres facteurs géographiques et sociologiques pourraient
être mis en cause. Il s'agirait entre autres, du manque d'hygiène,
de l'insalubrité, de la pollution atmosphérique...Dans
79
ce cas, la brume sèche pourrait logiquement faire
partie des sources de pollution atmosphérique.
Dans un article intitulé « Conflits autour de la
méningite en Afrique», Chippaux affirme que la méningite se
développe notamment au printemps en Afrique, en raison des conditions
climatiques marquées par l'harmattan, un vent sec et chargé de
poussières, fragilise les muqueuses de l'appareil respiratoire. Pour le
seul mois d'avril 2001, trente mille cas, faisant trois mille cinq cents morts,
ont déjà été, et neuf pays ont officiellement
déclaré l'épidémie. Il s'agit du Bénin, du
Burkina Faso, du Cameroun, de la Centrafrique, de l'Éthiopie, du Niger,
du Nigeria, du Sénégal et du Tchad.
Face à la méningite, qui tue chaque année
près de trente mille personnes dans la seule Afrique intertropicale,
l'Organisation mondiale de la santé maintient une stratégie
fondée sur l'urgence plutôt que sur la prévention.
2.4.4.1.1. Une apparition spatiale différentielle
des cas déclarés de méningite
L'ampleur de la méningite varie selon les
localités. Pour l'année 1998, les districts de santé de
Kolofata, de Mokolo, de Bourha, de Kousséri (13.8% de cas pour 13.5% de
décès) et de Kaélé, ont été les plus
durement touchés par les bouffées de méningite. Par contre
en 1999, le district de santé de Yagoua détient le plus grand
nombre de cas déclaré de méningite (50.6% du total) et de
décès (37% du total). En fait, le Mayo-Danay avec 77% de cas
déclarés pour 63% de décès, a souffert plus que les
autres départements. Près d'd'une décennie plus tard, les
cas de méningite ont été signalés dans 19 districts
de santé sur les 28 que compte la province de l'Extrême-Nord, les
premiers cas ayant été notifiés dès la
première semaine de l'année 2007. A partir d'un total de 165 cas
dont 15 décès (soit un taux de létalité de 9%)
initialement déclarés jusqu'au 15 avril 2007, la situation
provisoire constatée sur le terrain est de 201 cas dont 25
décès (soit un taux de létalité de 12,4%) jusqu'au
22 avril 2007.
Les données envoyées au niveau central par le
Délégué Provincial de la Santé Publique de
l'Extrême-Nord, font état de 117 cas et 08 décès dus
à la méningite cérébro-spinale depuis le
début de l'année 2007. Les districts de santé Kar-Hay,
Koza, Mogodé et Kolofata qui à certains moments, ont atteint ou
dépassé le seuil d'alerte de 05 cas pour
80
100.000 habitants par semaine ; par ailleurs, aucun d'entre
eux n'a atteint le seuil d'action de 15 cas pour 100.000 habitants par
semaine.
Les causes les plus probables de cette variation
spatio-temporelle des cas de méningite sont à rechercher dans les
facteurs sociodémographiques. Il s'agit entre autres, de la perte de
l'immunité que procure le vaccin contre cette pathologie et dont la
durée de vie est limitée à trois années.
2.4.4.1.2. Une pathologie des jeunes
Les cas de méningite ne sont pas uniformément
repartis selon l'espace et selon les tranches d'âge. La maladie semble
avoir une population cible. Ainsi, la tranche d'âge de 0 à 15 ans
est la plus touchée par les cas et décès. Cela est
dû au fait que les jeunes représentent la partie à la fois
la plus mobile et la moins respectueuse des règles
élémentaires d'hygiène au sein de la population. Pour ce
groupe, les milieux socio-éducatifs sont le cadre idéal de
transmission des agents pathogènes à travers les gouttelettes de
pflügge qui sont des sécrétions rhinopharyngées
émises par les individus porteurs de germes pathogènes, lors des
prises de paroles ou des éternuements. Même si des cas sont
répertoriés parmi les adultes, le fait que la jeunesse soit
particulièrement touchée représente à lui seul tout
un défi pour la société. En effet les chances d'insertion
socioprofessionnelle des jeunes sont compromises par les multiples
séquelles que laisse la méningite, même en cas de
guérison compète. Ainsi, les Atteintes sensorielles sont
fréquentes, qui sont soit auditives : surdité plus ou moins
complète, souvent bilatérale, d'installation rapide. La
surdité survient avant l'établissement définitif du
langage entraîne une mutité ; soit visuelles :
cécité soit corticale, soit par névrite optique. De
même, les atteintes centrales tels que l'hémiplégie
transitoire ou définitive, l'abcès du cerveau, la
paraplégie et les paralysies occulo-motrices et des membres, peuvent
survenir. Pour les patients d'âge inférieur à 2 ans, les
séquelles concernent surtout la surdité, la surdi-mutité,
la cécité, l'hydrocéphalie, l'encéphalopathie
post-méningitique encore appelée retard du développement
psychomoteur, l'épilepsie, les troubles de l'attention, la
mémoire et du comportement.
81
2.4.4.1.3. Des perspectives médico-sanitaires
prometteuses
Dans un communiqué de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS) en 2007 à Genève, le Dr. La Force, Directeur
du Projet Vaccins Méningite (MVP) « Lorsqu'il sera devenu un
élément de l'arsenal de santé publique, ce vaccin fera
vraiment la différence en Afrique », car il permettra
d'éliminer les épidémies à méningocoques
dont souffre le continent depuis plus de 100 ans. Le Projet Vaccins
Méningite, partenariat entre l'OMS et l'organisation à but non
lucratif PATH, basée à Seattle, collabore avec un fabricant de
vaccins, Sérum Institute of India Limited (SII.Ltd), pour produire le
nouveau vaccin contre Neisseria meningitidis (méningocoque) du
sérogroupe A.
Depuis le début des recherches, de nouvelles
données concernant les effets d'un vaccin contre la méningite
chez les enfants en Afrique de l'Ouest. Ce nouveau vaccin qui devrait
être vendu au départ au prix de 40 cents la dose, est
supposé protéger les enfants africains et leurs
communautés bien plus efficacement que tout autre vaccin actuellement
sur le marché dans la région. Les résultats
préliminaires de l'étude du MVP, un essai de vaccin de phase 2,
révèle que le vaccin pourrait au bout du compte réduire
considérablement l'incidence des épidémies dans la «
ceinture de la méningite » qui regroupe les 21 pays de l'Afrique
sub-saharienne affectés.
Conçu pour bloquer la transmission du dangereux
méningocoque du sérogroupe A, ce vaccin devrait permettre
d'atteindre une immunité collective, à travers la protection des
sujets non vaccinés. En effet, le nouvel essai de vaccin
conjugué, chez des enfants âgés de 12 à 23 mois au
Mali et en Gambie, démontre que le vaccin est sûr et qu'il produit
des taux d'anticorps presque 20 fois plus élevés que ceux obtenus
à l'aide du vaccin polyosidique (non-conjugué)
commercialisé. Cela signifie que la protection contre la
méningite à méningocoque du sérogroupe A devrait
durer plusieurs années. C'est ce permet au Dr. Margaret Chan, Directeur
général de l'OMS, d'affirmer que :
« Cette importante étude laisse
réellement espérer que la vaccination permettra d'épargner
les vies de milliers d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes et que
d'énormes souffrances, de nombreuses maladies ainsi que des
perturbations socio-économiques seront évitées
».
82
L'élimination de ces épidémies en
recourant largement au vaccin conjugué contre le méningocoque A
est désormais probable d'ici quelques années. Les sujets
âgés de 1 à 29 ans seront protégés par
l'administration d'une dose unique dans le cadre de campagnes de vaccination de
masse. Ces grandes campagnes devraient engendrer une immunité collective
et, au bout du compte, l'élimination de la maladie. A la suite des
résultats préliminaires de l'étude clinique de phase 2,
SIIL et le Projet Vaccins Méningite procèderont à une
étude de phase 2/3 au cours de laquelle le vaccin sera
expérimenté sur des sujets âgés de 2 à 29
ans. Cet effectif de population est appelé à être la plus
ciblée par les campagnes de vaccination de masse. Les essais auront lieu
au Mali, en Gambie et dans au moins un autre pays africain. Une étude
clinique supplémentaire est prévue pour cet été en
Inde, où le vaccin sera homologué. Il s'agit d'un vaccin
conjugué qui combine les sucres de la bactérie
méningococcique avec une protéine, ce qui a pour effet de
stimuler les cellules de l'immunité. Ces cellules produisent alors des
anticorps contre la méningite, protégeant l'individu de
l'infection.
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