CONCLUSION
L'érection de fait de zones d'interdiction humanitaire
dans certaines régions du Globe soulève le débat de
l'avenir du D.I.H. En effet, il est à craindre que la tendance nouvelle
qui consiste à tirer profit de l'enlèvement des humanitaires et
leurs relâchements contre forte rançon ou tout simplement leur
exécution sommaire, ait un effet domino à l'échelle
mondiale. Le néant humanitaire qui s'en suivrait est il acceptable?
Sinon, l'humanitaire est-il condamné ad vitam aeternam à offrir
son sang sur l'autel des droits de l'Homme?
Chaque millimètre de «NO-GO» zones traduit une
victoire de la barbarie sur la civilisation et consacre la négation de
l'humanisme. Pour autant la noblesse de l'entreprise humanitaire ne justifie
pas un entêtement irréfléchi dans l'action. A ce propos, la
stratégie du remote management quoique encourageante demeure
insuffisante. La chair à massacrer ne change pas de profession
(humanitaire) mais plutôt de couleur ou de culture (personnel national).
En se retranchant dans un pays calme et en confiant des responsabilités
plus grandes à des partenaires nationaux, mal préparés aux
enjeux sécuritaires, ces derniers deviennent une cible molle.
Le triangle sécuritaire soulève également
quelques difficultés concernant notamment la stratégie de
dissuasion qu'il comporte. Des actions de dissuasion à l'initiative
d'une organisation humanitaire ne feraient t'elles pas perdre à cette
dernière son âme en la transformant en un nouveau
belligérant ? En protégeant l'espace humanitaire par les
armes ne contribue-t-on pas à aggraver une violence dont on a vocation
à tempérer l'ardeur c'est-à-dire à humaniser ?
Pour de nombreuses personnes, en s'armant fusse-t-il pour une bonne cause,
l'humanitaire cesse de l'être.
Le cadre d'analyse fournit par la géopolitique semble plus
porteur de solutions. En mettant l'accent sur la dynamique des rapports de
force et la nature charnière de la période actuelle,
caractérisée par la remise en cause d'un ordre ancien bipolaire
et la gestation d'un monde multipolaire, il établit le lien de
causalité entre le bouillonnement de la scène internationale et
l'insécurité des humanitaires. La nature des relations
internationales: pacifique ou conflictuelle, unipolaire ou multipolaire,
unilatérale ou multilatérale détermine en dernier ressort
l'avenir de l'humanitaire. L'avènement d'un monde plus juste et
solidaire qui compense le fossé entre le Nord et le Sud pourrait limiter
les occasions de conflits qui comme l'affirme Pascal Boniface sont le luxe des
pays pauvres. Ainsi, les humanitaires seront moins exposés. Un monde
multipolaire à l'écoute des différentes
sensibilités et du réel rapport de puissance traduit par un
élargissement du Conseil de Sécurité de l'O.N.U. à
des pays africains et arabes pourrait atténuer la forte hostilité
contre les Nations Unies qui se répercute fatalement sur les
humanitaires.
A une échelle plus modeste, celle des O.N.G., un nettoyage
en profondeur s'impose pour ne serait ce qu'aboutir à un consensus sur
la définition même de l'humanitaire, et mieux définir ses
rapports à l'État et au politique. La protection la plus
efficace à l'épreuve des faits est l'impartialité des
O.N.G. Leur embarquement dans `'le camp du bien'' a considérablement
épuisé leur capital de confiance. L'humanitaire doit
défendre les faits et non des causes. C'est à ce prix qu'il
pourra exercer en toute sérénité. Les GONGO et autres
DONGO doivent être identifiés et isolés.
S'il est inconcevable de laisser prospérer des zones
interdites à l'action humanitaire, il est tout autant inadmissible
d'agir en faisant fi des dangers existants. Entre le néant humanitaire
et le tombeau d'humanitaires, il doit exister un juste milieu qui
idéalement se présente ainsi : un monde multipolaire, des
O.N.G. distantes des politiques et appliquant les procédures de
sécurité et une organisation internationale des O.N.G. agissant
à la manière des ordres professionnels qui gomme de ses
effectifs, les O.N.G. inféodées au politique ou tout simplement
indélicates.
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