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L'insécurité des travailleurs humanitaires dans les zones de conflits armés

( Télécharger le fichier original )
par Nabi Youla DOUMBIA
Institut des relation internationales et stratégiques - Master les métiers de l'humanitaire 2009
  

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3. Les O.N.G. et le personnel national : les deux grandes victimes de la violence

La violence contre les humanitaires ne s'abat pas aveuglement dans le milieu. Certaines organisations et certaines nationalités sont plus exposées que d'autres.

De 1990 à 2005, l'insécurité affecte les organisations humanitaires différemment. Ainsi deux périodes se distinguent : l'une où les agences onusiennes sont les plus atteintes et l'autre où les O.N.G. prennent le relais.

De 1990 à 1997: la majorité des victimes des violences est issue des agences humanitaires onusiennes. Mal préparées à intervenir sur des terrains où seul le C.I.C.R. était présent, ces agences dotées d'une liberté d'action plus grande, marchent sur les ruines du Mur de Berlin, pour apporter secours aux quatre, coins du globe. Cependant, elles étaient loin d'imaginer que leurs actions pouvaient susciter par endroits des vagues d'hostilité allant jusqu'au meurtre. Elles feront ainsi l'objet de nombreux actes de violences tant pour des raisons économiques que politiques.

Tableau 4 Morts par type d'organisation (source Mani Sheik)

Organisation

Nombre de morts

Agences onusiennes (U.N.)

177

Croix rouge et croissant rouge

52

O.N.G.

58

Figure 3 Morts par type d'organisation 1990-1997

De 1997 à 2005 : la tendance s'inverse et les O.N.G. dont la victimité n'était que marginale par rapport aux deux autres acteurs, occupent désormais le palmarès nécrologique. De plus en Plus nombreuses et enclines à agir « là où les autres ne vont pas », elles subissent la majorité absolue et relative des violences contre les humanitaires. 60% de l'ensemble des violences lui sont adressés contre 23% pour les U.N. et 16% pour le C.I.C.R. et les sociétés nationales de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.

Tableau 5 victimes d'incidents graves par organisation (source Abby Stoddard)

Organisation

Victimes d'incidents graves

U.N.

215

C.I.C.R. et Croix Rouge

146

O.N.G.

576

Figure 4 Victimes par type d'organisation (extrait de Abby Stoddard)

Tandis que certaines organisations voient diminuer leur insécurité ou le nombre de violences subies, d'autres, en revanche, constatent une augmentation.

Les violences de 2002 à 2005 baissent de 63% pour le C.I.C.R. et 10% pour les U.N. De l'autre coté, elle augmente de 161% pour les O.N.G. et 133% pour les Croix Rouges nationales.

L'augmentation des violences contre certains types d'organisation et son recul corrélatif chez d'autres est analysé comme résultant de l'efficacité des mesures sécuritaires adoptées. En effet, le système onusien ébranlé par un nombre vertigineux d'attentats contre son personnel au début des années 90 met en oeuvre une série de mesures sécuritaires drastiques (organise des études sur la question, adopte des systèmes de sécurité standard pour toutes ses agences, crée une direction en charge de cette question) qui va réduire sa vulnérabilité. De son côté le C.I.C.R. va quelque peu hiberner en développant parallèlement une politique sécuritaire efficace. Dans le même temps et à l'inverse, les programmes des O.N.G. sont mis en oeuvre en faisant peu ou pas cas des contraintes sécuritaires.

A l'intérieur des organisations, la violence établit une distinction entre personnel expatrié et personnel national. Les deux groupes étant différemment affectés par le phénomène.

Les expatriés sont le personnel recruté hors du lieu d'intervention, notamment dans le pays où se trouve le siège de l'O.N.G. Par cela, ils se distinguent du personnel national recruté in situ et essentiellement constitué de nationaux du lieu d'intervention. La conséquence qui s'en suit est un traitement salarial différent. Si cette discrimination est commune à l'ensemble des O.N.G., elle est tout au moins injustifiable du point de vue des risques encourus par les uns et les autres. Les nationaux, en effet constituent depuis 1990 l'essentiel des victimes humanitaires.

)

Tableau 6 Morts par type d'employé

Période

Nationaux

Expatriés

1990-1997

58

42

1997-2005

78

22

Figure 5 Morts par type d'employé(source Mani Sheik et Abby Stoddard)

Plusieurs facteurs expliquent cette situation qui aux yeux de nombreux observateurs n'est pas inédite. Il semble que, de plus en plus, les victimes nationales recouvrent la dignité totale d'humanitaire grâce à une plus grande médiatisation. Tout ce qui les affecte est rendu public au même titre que les expatriés.

La stratégie de gestion télécommandée ou à distance connue sous le nom de «remote control management» dans la terminologie anglo-saxonne a déplacé les risques des expatriés vers les nationaux. Basée sur le faux présupposé que les expatriés sont plus exposés que les nationaux, la gestion à distance consiste pour les ONG internationales à se retrancher dans une zone ou un État qui offre des conditions de sécurité optimales et à confier la mise en oeuvre des programmes au personnel national ou à une O.N.G. locale partenaire. En réduisant les risques, on fait baisser la mortalité. Incidemment, la sécurité des expatriés s'est vue renforcée et des projets qui butaient sur l'hypothèse fatale de l'insécurité ont pu être exécutés.

Cependant, les succès du remote control sont contrebalancés par l'augmentation du nombre de victimes nationales. L'insécurité loin de baisser à encore une fois changé de cible: des agences onusienne, vers les O.N.G.; elle s'attaque désormais au personnel national qui constitue à lui seul 79% des victimes toutes organisations confondues. En se mettant à l'abri et en confiant plus de responsabilités opérationnelles au personnel national, les O.N.G. se sont du même coup, déchargés du poids des risques sur ce dernier.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry