3. Étude de Cas - Premiers résultats
Nous allons présenter deux résultats obtenus
durant l'année de Master 1. Ils concernent dans un premier temps la
structure du quartier de La Source à la sortie de la guerre,
principalement à partir de l'étude et de l'analyse des
photographies aériennes de 1950. Dans un second temps, nous exposerons
quelques résultats intéressants issus des premières
enquêtes déjà réalisées et qui seront
poursuivies lors de l'année de Master 2.
3.1 Photographies de 1950, La Source: «un coin
où il faisait bon vivre »56
Le bâti et la voirie dans la continuité du
centre-ville
Dans le paragraphe §1.2 sur les trames urbaines, nous
avons vu que le quartier de La Source n'avait pas de structure nettement
marquée; c'est effectivement ce que montre l'analyse du bâti et de
la voirie en 1950.
En effet ce sont les rues (surtout celles du
Ruisseau-des-Noirs et de La Source) venant du centre-ville de Saint Denis qui
semblent structurer les habitations du quartier dont la limite sud est le
boulevard de La Source. Le peuplement du quartier est ainsi progressif.
-33-
56 ANDOCHE, C., La Source - Saint Denis 1772-2002,
2003.
-34-
Fig. 12: La voirie du quartier de La Source en 1950
Cette progressivité est du reste confirmée par
la baisse de densité du bâti à mesure que l'on
s'éloigne du centre de Saint-Denis, surtout au sud de la rue Bertin;
dans la zone marécageuse et cultivée au sud-est du quartier la
présence du bâti devient quasi-nulle.
La progressivité de la baisse du bâti vers le sud
du quartier s'accompagne également d'un changement de type puisque l'on
passe de maisons en dur à un habitat plus petit et
éphémère. Faute de logiciel de
télédétection tel qu'Ecognition qui est utilisé
à l'IRD, il ne nous a pas été possible d'effectuer un
calcul précis de la densité du bâti dans le quartier
à partir des images en notre possession. Nous pensons que cela nous
aurait fourni des résultats plus précis que ceux
présentés ici; néanmoins cette analyse fine pourrait
être réalisée lors du Master 2.
-35-
Fig. 13: Répartition du bâti du quartier de La
Source en 1950
Une population défavorisée
Dans son enquête documentaire en 1965 sur Saint-Denis,
la préfecture nous rappelle brièvement l'origine des populations
qui habitaient la banlieue de la ville: « Le quartier de La Providence,
d'origine plus récente, prend son essor à partir de 1860,
à la suite de l'aménagement des rues Doret, de la Providence et
de La Source. "Les échoppes, qui nuisaient à l'harmonie et une
distillerie connue sous le nom de 'Bis-coco' furent démolies", par un
maire dynamique, M. Gilbert des Molières, pour embellir le quartier
aristocratique.
[Et] il ne faut pas oublier toutefois qu'une partie des
extensions de la ville est due au "rush" d'anciens esclaves
libérés qui se refusèrent à travailler dans les
cannes et s'établirent aux portes de l'agglomération. C'est de
cette époque que datent les premiers bidonvilles de Saint-Denis. [...]
En 1914, le gouverneur Cor adresse au Directeur de la Santé une lettre
peu réconfortante sur l'avenir de Saint-Denis: "La
périphérie est en ruines, si bien que l'on peut présager
que, dans
-36-
quelques années, la superficie de la cité sera
réduite de moitié. Visiter le camp Ozoux [limite ouest de La
Source], parcourir le Camp Giron [à l'est de La Source] et les rues qui
y aboutissent, ajoute-t-il, c'est accomplir un véritable voyage de la
désolation". [...]
La ville s'est dépeuplée; les effectifs des
écoles primaires baissent de moitié. L'école de
garçons du Camp Ozoux est fermée en 1898. [...] La
périphérie se prolétarise. [...] Les habitants
aisés se plaignent "d'être exposés à des risques
d'incendie tels que les compagnies d'assurance refusent d'assurer leurs
maisons" (séance du Conseil Municipal du 2 septembre
1903).»57
La division spatiale telle que nous l'évoquions au
paragraphe §1.3 est déjà réalisée de
façon diffuse dans le quartier en 1950. Ainsi, l'habitat pauvre augmente
à mesure que l'on s'éloigne du centre de Saint-Denis.
Sur la photographie, on remarque la présence d'habitats
très petits et disposés de manière anarchique: ce sont les
signes de présence de bidonville.
Fig. 14: Bâti pauvre et épars du quartier de
La Source en 1950
57 Atelier d'Urbanisme de La Réunion, Saint-Denis:
Enquête documentaire, 1965.
Un quartier naturel et agricole
« Dans les années 1940, on peut qualifier le
secteur de La Source de « coin » où il faisait bon vivre.
Cette région du Piedmont foisonne de jardins et potagers fournissant aux
habitants des légumes frais. En aval du boulevard [de La Source], on
trouvait de véritables viviers, notamment à la rue Saint-Philippe
et près du futur bureau de la SIDR, où poissons de toutes
espèces se disputaient leur nourriture dans un même bassin. Le
ruissellement des eaux de part et d'autre de la rue Ruisseau-des-Noirs amenait
également son lot d'anguilles et de tilapias.»58
La culture maraîchère du lieu et les champs de
canne de M. Lenormand étaient encore dans la continuité du Jardin
de l'État, et de belles maisons voyaient le jour comme celle de la
famille Cazal, ou encore, un peu plus loin, celle située le long de la
rue de La Source hébergeant à présent une
société ambulancière.
La vocation agricole du quartier est confirmée par les
parcelles identifiées sur la mission photographique de 1950. On
s'aperçoit que la majorité des espaces cultivés se situent
alors dans le sud du quartier, avec des reliquats de culture
maraîchère à l'ouest du Jardin de l'État. On
distingue clairement quatre types d'espaces: les espaces boisés; les
espaces à vocation agricole composés de canne à sucre, ou
bien de cultures maraîchères typiques des petites parcelles; une
zone de verger; et des espaces que nous avons appelés mixtes et qui
s'apparentent à des terrains vagues ou des friches.
-37-
58 ANDOCHE, C., La Source - Saint Denis 1772-2002,
2003.
-38-
Fig. 15: Les espaces à vocation agricole ou
naturelle dans le quartier de La Source en 1950
Fig. 16: Source de la ravine de La Source
Cette vocation agricole et naturelle est grandement
liée à l'irrigation importante de cet espace par les canaux et
les ravines qui le traversent. En effet, les nombreuses sources qui jaillissent
au pied de la montagne, là où se fait la rupture de pente,
alimentent tout au long de l'année le quartier en eau. Les ravines
Montplaisir ou de La Source sont encore de nos jours alimentées par ces
sources. C'est pour cette raison qu'une grande partie du quartier est
demeurée longtemps inhabitée et propice à l'agriculture,
car située sur un véritable marécage.
-39-
Nous avons vu dans cette partie les caractéristiques du
quartier en 1950, et sa continuité avec le centre-ville en ce qui
concerne le bâti et la voirie. La particularité de ce quartier
« naturel » est l'étendue de ses zones agricoles,
favorisée par l'irrigation provenant des nombreuses sources et cours
d'eau. Aussi serait-il intéressant de confronter ces
caractéristiques au quartier tel qu'il était en 1978, puis
actuellement, afin de mesurer les mutations qui s'y sont opérées;
ce travail sera réalisé en année de Master 2.
|