II.2. Modèle d'analyse
Le modèle d'analyse stratégique de Crozier et
Friedberg a permis l'analyse de l'action collective dans des domaines de
recherche très variés de l'analyse sociologique. Gouda (1986) a
transposé ce modèle en sport en analysant les
fédérations sportives car la fédération sportive
comporte des parties, toutes interdépendantes; elle possède une
véritable structuration. Ce modèle d'analyse peut aussi
être transposé aux clubs ou associations sportives. L'organisation
des clubs de basketball au Cameroun nous permet donc d'affirmer sans risque de
nous tromper que leur fonctionnement dépend de l'action collective de
ses différents acteurs.
Crosier (1994), au cours d'une interview explique ce qu'il
entend par « Analyse stratégique »: «Dans "analyse
stratégique", il y a deux termes. Il y a d'abord "analyse", qu'il
convient d'opposer à "théorie". Cette première opposition
signifie que nous mettons l'accent sur la description des situations que nous
analysons, c'est-à-dire que notre point de vue n'est pas prescriptif. Il
y a ensuite "stratégique", terme qui est à opposer à
planification, et qui permet de dépasser le "déterminisme". Cette
seconde opposition signifie que pour nous, les comportements sont
orientés, qu'ils sont intentionnels, l'intérêt consistant
en l'occurrence à savoir à quoi ils aboutissent ».
Cependant, l'analyse stratégique conçoit aussi
l'existence d'acteurs notamment les acteurs collectifs. L'existence de ces
acteurs nécessite d'avoir montré non seulement, les
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intérêts communs sur lesquels de tels acteurs
collectifs se sont construits et qui les maintiennent, mais aussi les
mécanismes empiriques d'intégration qui leur fournissent une
capacité d'action en tant que groupe et qui contribuent à leur
tour à la définition et au maintien des intérêts
communs (Friedberg, 1993). Ce n'est que sous cette condition que la notion
d'acteurs collectifs devient pertinente. Elle permet de considérer
momentanément un groupe comme ayant des intérêts communs et
une stratégie coordonnée et rationnelle. « Un acteur est
tout membre d'une organisation agissant avec tout ce qu'il a comme affection,
sentiment des autres membres de l'organisation. Un acteur est un membre qui
analyse, agit et calcule avec rationalité » (Crozier et
Friedberg, 1977).
Crozier et Friedberg (1977), insinuent aussi que toute
structure d'action collective se constitue comme un système de pouvoir.
Ils postulent que « un système est un ensemble dont toutes les
parties sont interdépendantes, qui possède donc un minimum de
structuration, ce qui le distingue du simple agrégat, et qui dispose en
même temps, de mécanismes qui maintiennent cette structuration et
qu'on appellera mécanisme de régulation [...Jet un système
d'action concret est un ensemble humain structuré qui coordonne les
actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement
stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité
de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de
régulation qui constituent d'autres jeux ». Par
conséquent, une complémentarité doit exister entre les
différentes composantes (acteurs du staff administratif) du club ou de
l'association sportive que nous considérons ici comme une organisation
ou un système.
En effet, le terme « organisation » a souvent
désigné à la fois un état et une dynamique
(Friedberg, 1993). L'état est la caractéristique des
organisations classiques assez fortement structurées, dont les
frontières sont plutôt stables. La notion d'organisation traduit
deux réalités :
- elle signifie d'une part la coordination d'actions, la mise
en place des structures, les relations formelles devant exister entre les
différents éléments constituant le groupe à
gérer. Il s'agit de l'action organisée du groupe ;
- elle désigne d'autre part la chose organisée.
Il ne s'agit plus ici de l'action mais du résultat de l'action ;
Ainsi, tout groupe structuré est une organisation. Ici,
le mot est appréhendé sous sa connotation de centre de prise de
décision, (Quenum, 2001).
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L'organisation se définie donc comme un instrument
social dont le but est de réaliser des résultats en fixant des
objectifs. Selon la classification de (Crozier et de Friedberg, 1977) dans
« l'acteur et le système » nous avons :
- La division des tâches c'est-à-dire la
répartition des tâches à accomplir ; - La distribution des
rôles (la fonction naît du rôle, du statut) ;
- Le système d'autorité (un concept fondamental
des sciences sociales qui s'attache plus précisément aux
phénomènes du pouvoir, et de prises de décision) ;
- Le système de communication (la circulation des
informations) ;
- Le système de contribution- rétribution ; car
lorsque l'acteur participe à la réalisation d'un objectif, il
s'attend à être gratifié par un système de
rétribution équitable ;
Toutefois, l'organisation est tributaire des changements
qu'elle subit ou qu'elle entretient avec l'environnement d'où elle puise
les ressources dont elle a besoin, et écoule ses produits.
L'environnement d'une organisation peut aller du plus stable au plus dynamique.
Un certain nombre de facteurs peuvent contribuer à rendre un
environnement dynamique, l'instabilité gouvernementale, les
événements économiques imprévisibles, la demande de
créativité ou de nouveauté. Dans un environnement
dynamique, le travail de l'organisation est incertain et imprévisible
(Mintzerb, 1984). Les clubs sont donc des organisations où les acteurs
détiennent des pouvoirs. Le pouvoir est «la capacité
d'un acteur à structurer des processus d'échange plus ou moins
durables en sa faveur, en exploitant les contraintes et opportunités de
la situation pour imposer les termes de l'échanges favorables à
ses intérêts. Le pouvoir est la manifestation naturelle et pour
tout dire normale de la coopération humaine qui suppose toujours une
dépendance mutuelle et déséquilibrée des
acteurs» (Friedberg 1993).
Selon l'analyse stratégique, Crozier et Friedberg
(1977) distinguent quatre grandes sources de pouvoir correspondant aux
différents types de source d'incertitude particulièrement
pertinentes. Mais il faut bien saisir qu' « une source d'incertitude
n'existe et ne prend sa signification dans les processus organisationnels
qu'à travers son investissement par les acteurs qui s'en saisissent pour
la poursuite de leurs stratégies. Or, l'existence « objective
» ne nous dit rien sur la volonté ou plus simplement sur la
capacité des acteurs de véritablement saisir et utiliser
l'opportunité qu'elle constitue ».
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La première source est liée à la
possession d'une compétence ou d'une spécialisation fonctionnelle
difficilement remplaçable : c'est l'expertise.
La deuxième source est liée aux incertitudes
venant des relations entre l'organisation et son (ses) environnement(s).
La troisième source est liée à la
façon dont l'organisation organise la communication et les flux
d'information entre ses unités et ses membres.
La quatrième source est liée à la
connaissance et à l'utilisation des règles organisationnelles.
Au regard de tout ce qui précède, pour examiner
le parrainage en sport et le financement des clubs de basketball au Cameroun,
le modèle d'analyse stratégique de Crozier et Friedberg (1992)
parait donc convenable.
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