1.3 LES RESULTATS OBTENUS
1.3.1 La lecture de paysage
1.3.1.1 Le village de Koumbili : un mode de
construction qui tient compte de la production
agricole
Au centre du village, les habitats sont dispersés. Les
maisons construites en banco sont de forme circulaire ou rectangulaire. Quand
elles sont circulaires, les toits sont en chaume et quand elles sont
rectangulaires, les toits sont fait en tôle ou en banco avec une
architecture propre aux kasséna. Les greniers construits en bois et en
chaume, sont arrondis et de petite taille. Cela donne une idée de la
faiblesse des productions agricoles.
A l'ouest du village, les habitats sont regroupés et
les constructions ont la même forme puis les toits sont fait en chaume ou
en tôle. La taille des greniers est plus grande.
Le village de Koumbili a un relief assez accidenté
(figure 6) et cela influence les activités agricoles. En effet, on
observe à la fois des plateaux, des glacis (pentes) et des bas-fonds
entre-coupés par des ravines. Cependant dans certains hameaux de culture
le relief est relativement plat. Des friches a combretum de trois à
quatre ans sont nombreuses dans le centre du village. La présence de
cordon pierreux dans le quartier Kasséna (à l'est du village)
montre que dans un passé récent ces parcelles étaient
mises en valeur. Cela fait penser à la pratique de la jachère.
Les espaces nouvellement défrichés se rencontrent à un
rayon de 3,5 Km du centre du village. Les branches des arbres abattus y
sèchent en tas, autour des souches avant d'être
brûlées. La technique d'abattis-brulis est probablement
pratiquée dans cette partie du village. Cela ressemble à un
retour aux champs de brousses.
Hauteur
Distance
22
A.S : Sol argilo-sableux, A.G :
Sol gravillonnaire, L.A : Sol limono-argileux. Figure 6:
Transect montrant les différents types de sols
Dans le quartier Mossi et dans les hameaux de culture, plus
à l'ouest du village, sur des parcelles nues autour des cases trainaient
encore des résidus de récoltes entre les billions. Cela
témoignent de l'utilisation des champs de case dans cette partie du
finage villageois et de la pratique des semis en ligne. Il est fréquent
de rencontrer sur les parcelles des espèces arborées
protégées (karité, néré, raisinnier...) et
des petits ruminants en divagation. Les friches et les zones non cultivables
où affleurent la latérite (mais où des formations
herbacées persistent) servent aussi de lieu de pâture pour le
bétail. Des résidus de récolte empilés sur des
hangars servent à l'alimentation du bétail en saison
sèche.
Le coton est de loin la culture la plus fréquente,
suivi du maïs et du sorgho qui occupent des surfaces assez importantes.
Ces cultures sont réalisées au niveau des plateaux et les glacis.
Les sols hydromorphes qui se forment dans les bas-fonds, les voies
d'écoulement d'eau (kossoré en moré) ou encore les zones
d'inondations sont occupées par le maïs, le riz ou le
maraîchage. Autrefois moins convoités (parce qu'ils étaient
difficiles à travailler), ces sols sont aujourd'hui très
prisés pour leur capacité à retenir l'eau dans un contexte
de baisse continue de la pluviométrie.
1.3.1.2 La végétation
La végétation est de type savane arborée
mais on y trouve aussi des arbustes. Elle est encore éclaircie par de
nombreuses défriches récentes. On y rencontre des espèces
telles que le karité (Butyrospermum parkii)
épargné dans les parcelles cultivées pour ses
propriétés utilitaires, le néré (Parkia
biglobosa) qui est plus rencontré au centre du village, le
caïlcédrat (Khaya senegalensis) et diverses autres
espèces soudaniennes remarquables à mesure que l'on avance vers
le sud. Ceci est lié au fait que cette partie du finage villageois a
échappé pendant un moment aux activités agricoles,
à cause des relations conflictuelles entre la population et les
gestionnaires du RGN. De plus, les
23
graminées pérennes, (Andropogon
gayanus, Cymbopogon sp), deviennent abondantes et forment un
tapis généralement continu visible en saison pluvieuse.
1.3.1.3 Les formations pédologiques à
l'origine du mode de mise en valeur
Le sol est une couche superficielle, meuble,
d'épaisseur variable, résultant de l'altération des roches
superficielles (roche mère) par divers processus et de l'accumulation
des produit d'altération (HACHETTE, 2000). Sur le terroir de Koumbili on
rencontre plusieurs types de roches qui peuvent être d'origine volcanique
ou plutonique et qui ont subi l'action de l'altération pour donner
aujourd'hui des sols constitués d'horizons latéritiques, dans la
majeure partie du village. La figure 7 ci-cessous montre un profil de sol
réalisé dans une ravine, au centre du village.
On rencontre généralement les sols
sablo-argileux sur les plateaux. Sur les glacis les sols gravillonnaires
contiennent des proportions en argile plus ou moins importantes selon le
dégré d'érosion du sol, et les sols argilo-limoneux
constituent l'élément pédologique des bas-fonds. Le mode
de mise en valeur de ces sols dépend des moyens matériels de
l'agriculteur.
L'appellation des sols en langues locales est basée sur
la prédominance des éléments grossiers de ces sols. Ainsi,
les sols sablo-argileux, sont qualifiés de sableux, les sols
gravillonnaires-argileux de gravillonnaires et les sols argilo-limono
d'argileux.
|
|
Horizon perturbé : 23 cm (Sol gravillonnaire)
|
|
|
|
Cuirasse latéritique : 75 cm
|
|
|
|
|
Couche d'argile : 145 cm
|
|
|
24
Figure 7 : Profil de sol réalisé dans une ravine
lors de la lecture de paysage.
1.3.2 Histoire agraire du village de Koumbili 1.3.2.1
Une agriculture de subsistance
Avant le XVIème, l'espace géographique de
l'actuel Koumbili était occupé par trois petits villages
Kasséna : Kadawôro, Tonon et Tambi. Dans les villages de
Kadawôro et de Tonon, on cultivait le petit mil, le riz, le sorgho, le
maïs sur de petites surfaces très fertiles avec des friches de
longue durée (plus de 20 ans), après abattis-brûlis
(défriche brûlis). Dans le village de Tambi occupé par les
forgerons, on fabriquait le matériel agricole composé de dabas,
haches, machettes... et le matériel de chasse. L'agriculture de type
manuel se pratiquait dans une forêt dense dans laquelle résidait
une faune sauvage importante. Les champs se limitaient juste autour des cases
et la production était destinée uniquement à
l'autoconsommation. Les fruits de la cueillette et de la chasse
complétaient aussi l'alimentation.
1.3.2.2 La création du
village
Au cours du XVIème siècle, suite à un
conflit de chefferie à Loumbila (30 km de Ouagadougou sur le
tronçon Ouaga-Kaya), un prince Mossi et sa suite sont venus s'installer
à Boassan, à 6 km de
25
l'actuel Koumbili. Ils étaient en partance pour le
Ghana voisin où ils comptaient rejoindre des frères. Les trois
autres princes Mossi à l'origine du conflit sont partis s'installer l'un
vers Kongoussi, un autre vers Tiébélé, et le dernier est
resté à Loumbila. Selon la tradition mossé, après
un tel conflit, ceux qui n'ont pas pu accéder au trône doivent
quitter le village. Le prince guerrier aida alors les Boassan à
combattre leurs ennemis, les Koum. Ceux-ci le baptisèrent Assanga (de
« Saana, « étranger » en Mooré) et
l'invitèrent à s'installer à Boassan, mais il se rendit
compte que ses chevaux ne s'abreuvaient plus quand ils rentraient du
pâturage. Il les suivit et découvrit une marre cachée par
des nénuphars, dans la forêt, à 6 km à l'ouest de
Boassan. Il enlèva une motte de terre de la marre : selon la tradition,
ayant été découvert, le point d'eau aurait eu "honte" et
n'a plus "disparu". A l'invitation des Boassan, Assanga refusa et décida
de s'installer, près du point d'eau nouvellement découvert, car
son cheval est son compagnon de guerre et il doit donc le suivre. Le chef de
Boassan lui fournit donc de l'aide pour bâtir un hangar, il fait aussi
agrandir le point d'eau qui devient un marigot nommé Assangaboulou
(marigot d'Assanga en langue Kasséna) et demande à Assanga de
venir le voir plus tard. Il défriche la zone pour avoir une meilleure
visibilité, et construit sa demeure a côté de marigot
(emplacement de la maison du chef actuel). Il retourne voir le chef de Boassan
comme convenu, qui lui donne une des deux fétiches protecteurs de son
village : Kourala.
Sa notoriété de guerrier l'aillant
précédé, les trois villages des alentours se rallient
à lui. Il s'agit des Kassenas de Kadawôro et Tonon (cultivateurs :
petit mil et sorgho sur de petites surfaces très fertile, après
abatis-brûlis) et de Tambi (forgerons : fabrication de dabas, haches...),
qui deviennent guerriers. Il construit ensuite une grande butte pour voir venir
les ennemis. En temps de guerre, il s'y place et abat ses ennemis, qui roulent
morts au bas de la butte, soit en mooré « kouum-n'bilisden »
(les morts qui roulent), d'où le nom du village « Koumbili ».
Les habitants, qui de cultivateurs sont devenus guerriers, vivent
désormais des produits du pillage des villages alentours, vaincus
grâce au fétiche. Les boeufs issus du pillage lui sont
sacrifiés et les queues lui sont attachées. Les habitants des
villages conquis deviennent ses esclaves. Ils travaillent au champ et gardent
ses chevaux. Les gardiens des chevaux découvrent par ailleurs le
néré dans les pâtures éloignées vers Kouloga,
dont ils ont gouté et apprécié le fruit (ils faisaient une
pâte avec de l'eau). Seules les femmes du chef avaient le droit de
l'exploiter.
La langue locale est restée le Kassena car Assanga a
pris des épouses du village. Ces conquêtes lui ont permis
d'agrandir ses terres, et à sa mort il laisse un vaste territoire. Il
est enterré dans un tombeau sacré, « Yogo » (tombeau en
mossi), qui a ensuite donné son nom à la famille royale.
26
Plusieurs chefs lui succèdent, accompagnés dans
leur tâche par le Conseil des Anciens et les Amis du Chef
(désignés au moment de son intronisation, toujours dans la
même famille).
Vers la fin du XIXème siècle, Attiga Yerperga,
le 11ème chef de Koumbili, conquiert plusieurs villages dont les
populations travaillent pour lui et lui livrent une partie de leur
récolte et des animaux pour les sacrifices. A cette époque
(1860-1899), le village était attaqué par les Djerma,
esclavagistes venus du Niger. N'arrivant pas à les vaincre, le chef,
malade, fit alors appel à l'alliance avec Mogho Naba, roi des
Mossé basé à Ouagadougou, qui lui envoie des
émissaires, ce qui suffit à repousser les ennemis. C'est à
cette période que le blanc arrive à Ouagadougou (vers 1887).
Lorsque le blanc arrive à Koumbili, il vainc définitivement les
Djerma et prône la fin des guerres entre royaumes.
Un chef de terre est désigné parmi les
autochtones (le chef de village est d'origine Mossi et ne peut donc pas faire
les sacrifices d'attribution des terres). De nouvelles cultures sont alors
introduites : igname, patate et coton, qui était filé pour faire
des habits Puis abandon ?). Les nérés sont alors attribués
à une famille de chasseurs relativement pauvres, et les deux marigots
à une famille de Bouya qui gère les sacrifices (pêche), et
à la famille des Amis du Chef.
1.3.2.3 Développement de
l'agriculture
Sous la chefferie de Adounga (?- 1954), durant la
colonisation, la monnaie d'échange, qui était constituée
de cauris (coquillage) a été progressivement remplacée par
le franc, suite à l'introduction de l'impôt. Cela a conduit des
familles à la décapitalisation (vente d'animaux d'élevage)
pour pouvoir payer les impôts. Ceux qui n'arrivaient pas à
s'acquitter des frais d'impôt devraient exécuter des travaux
forcés pour la construction de la piste (Route Nationale 25 aujourd'hui)
ou travailler dans les champs installés par le colon. Une
épidémie de variole (la date exacte est restée
indéterminée) a fait disparaître une grande partie de la
population.
Sous la chefferie de Adounga, l'agriculture fut marquée
par l'introduction de nouvelles cultures : igname, patate. L'abattis
brûlis restait la seule technique culturale et l'unique mode de
reproduction de la fertilité du sol (les friches de longue
durée). Les parcelles cultivées étaient plus vastes, les
cultures plus diversifiées (Igname, patate, mil, riz...) et
l'agriculture était manuelle. Cette période serait
également marquée par une invasion acridienne qui aurait
causé la famine dans la région.
L'élevage des boeufs a commencé sous le
règne du chef Adounga (grand père du chef actuel). Les premiers
animaux auraient été achetés grâce à l'argent
issu de la migration. En effet, les paysans allaient travailler dans les
plantations de cacao ou de café dans les pays voisins (Côte
d'Ivoire et
Ghana) et capitalisaient en investissant dans
l'élevage. C'est ainsi que les premiers boeufs de parcours ont
été acquis. Cette activité a connu beaucoup de
difficultés au départ parce qu'elle se développait dans
une zone à glossine (mouche tsé-tsé). La trypanosomiase a
pendant longtemps décimé les troupeaux. La race locale est la
taurine, trypano-tolérante. Les ovins, les caprins et la volaille
étaient les animaux les plus rencontrées. La typologie en 1960
était :
- Manuel, friche longue, élevage (Figure 8).
Nord ouest Koumbili centre
Est
Hauteur
Distance
27
Figure 8 : Transect des zones d'activités agricoles en
1960.
1.3.2.4 De 1960 à 1980 : l'arrivée des
éleveurs transhumants
La défriche brûlis manuelle caractérisait
l'agriculture. Les friches étaient de longue durée et les
cultures vivrières occupaient toutes les superficies. Cette
époque était marquée par une grande sécheresse qu'a
connu tout le pays en 1973-1974 et qui a sévèrement touché
les populations entrainant des pertes énormes à l'échelle
de la biodiversité locale. Une des conséquences de cette
sécheresse était l'arrivée d'éleveurs transhumants
dans la zone. Ce fut les éleveurs peulh venus du nord du pays (aride et
plus sévèrement touché) à la recherche de
pâturage.
En 1979, le RGN qui a une superficie de plus de 93 000 ha
aujourd'hui a été créé. Il appartient aujourd'hui
encore au patrimoine foncier de dix villages dont Koumbili. Selon le chef du
village de Koumbili, le RGN est principalement sur ses terres. Le ranch de
Nazinga couvre 40% du terroir de Koumbili, soit 37 600 hectares. Il s'agit d'un
ranch de gibier destiné à la chasse sportive et au tourisme
(Vermeulen, 2007). Ainsi, le village fut privé d'une partie de sa
surface cultivable puisque tout activité agricole y était
proscrite. La typologie à cette date était constituée de
:
- Manuel, défriche brûlis, cultures
vivrières, élevage ; - Éleveurs transhumants (Figure
9).
Nord ouest Koumbili centre
Est
Hauteur
Distance
28
Figure 9 : Transect des zones d'activité agricole en
1980.
1.3.2.5 De 1980 à 1997 : Introduction de la
traction animale 1.3.2.5.1 L'interaction
agriculture-élevage
En 1989, un bas-fond aménagé par le projet
Aménagement du Terroir du Nahouri (ATN) visait à
développer le maraîchage. Cela a favorisé l'introduction de
plusieurs cultures : oignon, tomate, aubergine, pastèque, carotte, chou.
Après quelques années d'essais les populations
abandonnèrent à cause des problèmes de gestion ou de
l'insuffisance d'encadrement. Cette même année, la fumure
organique a été utilisée pour fertiliser les champs de
certains immigrés de l'ouest de village. Il s'agissait des
immigrés venus de régions où l'agriculture était
assez développée. En 1994, à la suite d'une politique de
vulgarisation initiée par le ministère en charge de
l'agriculture, la traction animale a été introduite. Cela a eut
pour conséquence la diminution des temps de travaux, l'augmentation des
superficies cultivées et la réduction du temps de
jachères. On note également l'apparition du semis en ligne qui
permettait d'augmenter les rendements. Cependant le passage à la
traction attelée n'était pas effectif pour tous car les paysans
qui ne possédaient pas de bovins de parcours continuaient la culture
manuelle.
En 1983, alors que l'élevage était en plein
développement, une épidémie a décimée tout
le cheptel bovin du village. Un peulh transhumant, revenu du Ghana voisin
aurait ramené cette maladie. En 1984, l'âne a été
introduit pour la traction (charrette), mais sera aussi utilisé plus
tard pour les travaux de préparation du sol et d'entretien des cultures.
Le mode de conduite consistait à faire pâturer
29
les animaux dans les friches pendant la saison hivernale et
à les nourrir de résidus de récoltes en période
sèche. L'élevage de porcs a débuté cette même
année et était localisé au centre du village (quartier
Kasséna, à l'est du finage villageois) où les agriculteurs
sont animistes.
L'installation progressive des immigrés et les
défriches qui s'en sont suivies, ont diminué petit à petit
les glossines, réduisant du coup les aires de pâture qui
profitaient aux animaux. Le tarissement du principal marigot
(assèchement en 2002) lié à la baisse de la
pluviométrie a fait que le village ne dispose pas de plan d'eau
permanent pour abreuver les troupeaux. Les sous produits agro-industriels
(SPAI) restent faiblement intégrés dans l'alimentation des
animaux.
1.3.2.5.2 Création de la zovic et le
début d'un conflit foncier
En 1986, arrivent les premiers immigrés du village. De
religion musulmane, ils venainent du plateau mossi et étaient à
la recherche de terres cultivables. Ils ont été installés
à Kabayaro à 12 km à l'ouest du centre du village
Kasséna. Ils défrichent de petites superficies qu'ils
agrandissent quelques années après. Dans le soucis de
protéger la flore et la faune du ranch contre le braconnage devenu plus
intense et de générer des revenus au profit des populations
locales, des Zones Villageoises de Chasse (ZVC) ont été
délimitées en périphérie du RGN (en zone non
classée) en 1989. Ainsi, une partie du finage du village, vaste de plus
de 4 630 ha avait désormais une vocation autre que l'agriculture
(officiellement). Cependant cette zone n'ayant aucun statut juridique reste la
propriété du chef de Koumbili. La deuxième vague de
migration se situait entre 1995 et 1997. Ces nouveaux immigrés sont
restés au centre du village et ont formé le quartier mossi mais
le chef leur attribue des parcelles dans la dite ZVC. L'appellation
évoluera plus tard pour devenir Zone Villageoise d'Intérêt
Cynégétique (ZOVIC) en 2002.
En 1987, le premier forage du village, don de la
république d'Arabie Saoudite au Burkina Faso a été
installé. Il est situé au centre du village. En 1993, le forage
situé derrière la cour du chef fut installé par l'ATN. Ces
ouvrages, en plus de fournir l'eau potable à la population,
intervenainent dans l'alimentation en eau des animaux, durant la période
difficile. La typologie des systèmes de production était
constituée de :
- Manuel, agriculture d'abattis-brulis sur friches longues,
cultures vivrières, petit élevage ;
- Traction asine, agriculture d'abattis-brulis sur friches de
moyenne durée, cultures vivrières, petit élevage ;
- Traction bovine, agriculture d'abattis-brulis sur friches de
moyenne durée, cultures vivrières, élevage -
Éleveurs transhumants.
30
1.3.2.6 De 1997 à 2003 : le
développement de l'agriculture et la réduction des surfaces
cultivables
1.3.2.6.1 Vers une agriculture
moderne
En 1997, Koumbili est déclaré zone
cotonnière couverte par la SOFITEX. Le coton conventionnel
(Gossypium hirsutum) entre désormais dans les rotations
culturales accompagné d'engrais chimiques et de pesticides. Les
populations adoptent cette culture parce qu'elle est rentable et donne aussi
une opportunité d'accès à l'engrais à faible
coût. En effet le prix de l'engrais dans ces conditions est
subventionné par l'État burkinabé. La motivation pour la
culture du coton a engendré une réduction considérable des
surfaces emblavées en céréales. Ainsi, la
disponibilité de l'engrais chimique à travers le coton
combinée à l'utilisation de la traction attelée a
contribué à la réduction des durées de friches qui
passent de 15 à 4 - 5 ans.
Le premier moulin du village a été
installé en 1998. La même année, certains producteurs ont
acquis des tracteurs pour le labour motorisé de parcelles
emblavées en coton. Les rendements en coton de l'époque
étaient forts et le prix était alléchant à telle
enseigne que tous les agriculteurs s'y sont mis au détriment des
céréales. Cela provoqua une crise céréalière
au niveau du village en 1999, obligeant la population à acheter des
céréales dans les villages voisins.
En 2001, pour la première fois, l'insecticide
destiné au coton est appliqué sur le niébé (la
population utilisait traditionnellement la cendre pour lutter contre les
insectes). En 2002, le principal marigot du village qui abrite les caïmans
sacrés s'est asséché pour la première fois, et le
PNGT 2 a organisé une session de formation sur la fabrication de compost
basée sur l'utilisation des résidus de récoltes.
L'élevage de porcs s'est accentué chez les femmes car elles y
trouvaient le moyen de valoriser la drêche issue de la fabrication du
dolo (la drêche constitue l'aliment principal des porcs). En 2003, la
typologie était :
- Manuel, agriculture d'abattis-brûlis sur friches longues,
culture vivrière, coton, petit élevage ;
- Traction asine, agriculture d'abattis-brûlis sur
friches de moyenne durée, culture vivrière, coton, petit
élevage;
- Traction bovine, agriculture d'abattis-brûlis sur
friches de moyenne durée, culture vivrière, coton, élevage
;
- Traction motorisée, agriculture
d'abattis-brûlis sur friches de moyenne durée, culture
vivrière, coton, élevage ;
- Éleveurs transhumants (Figure 10).
31
Nord ouest Kabayaro Sapiou Koumbili centre
Est
Hauteur
Distance
Figure 10 : Transect montrant la typologie des exploitations en
2003.
1.3.2.6.2 Une surface agricole utilisable en nette
diminution
En 2001, une vague d'immigrés est arrivée
à Koumbili, et a été installée à Lam,
Djédiga, et Kabayaro, dans l'espace de la ZVC. En 2002, sous l'influence
du PNGT 2, le chef du village a cédé une partie de ses terres
situées à l'est pour la création de la zone à
vocation pastorale de Guiaro. Cette zone avait une superficie de 95 000 ha
(selon l'arrêté de création) et appartenait au patrimoine
foncier de plusieurs villages. La contribution foncière de Koumbili
s'élèvait à hauteur de 10%, soit 9 500 ha qui ne font plus
partie des surfaces cultivables du village (officiellement). La création
de cette zone a occasionné une nouvelle réduction du finage
villageois. Dans le courant de l'année, il a été
installés des immigrés mossi à Koulam.
En 2003, la création d'un marché à
Koumbili centre a contribué au développement économique du
village. Avant, les agriculteurs devaient se déplacer jusqu'à
Poré ou Guiaro, voire Pô, pour écouler leur production. La
réfection de la route nationale n°25 a aussi amélioré
les échanges entre villages par le désenclavement et la
fluidité du trajet.
1.3.2.7 De 2003 à 2009 : le
dévéloppement d'une agriculture en continue
1.3.2.7.1 L'utilisation des herbicides : la voie
royale pour une agriculture en continue?
La zone de Koumbili est passée sous la gestion de Faso
coton en 2004. Il n'y a pas eu de changement radical dans la politique
cotonnière mais on note un retard plus accru au niveau des paiements. En
effet, la SOFITEX qui était une société d'État
avait un mécanisme de paiement plus
32
efficace du fait du soutien de l'État. La baisse du
prix de coton, la hausse de celui des intrants et l'exigence de la culture en
travail ont entrainé un abandon progressif de la culture du coton.
L'année est marquée aussi par l'utilisation d'herbicides (venu du
Ghana voisin) par les immigrés pour lutter contre les adventices de
cultures de plus en plus fréquentes dans les champs. Il s'agit
principalement de l'atrazine qui est appliquée deux à trois
semaines avant le labour, ensuite intervient le labour avec enfouissement qui
est suivi des semis. L'avantage de l'herbicide est qu'il élimine le
nettoyage et réduit le temps de travail lié à la
préparation du sol, favorisant ainsi la culture en continue. On note
également l'abandon des champs de case par les populations autochtones
du centre après quelques années successives de culture. Les
friches lointaines (3,5 km de rayon) sont ainsi pratiquées mais en
maintenant les anciens champs de brousse.
En 2005, Faso coton a organisé un crédit
d'équipement agricole à Kabayaro, Djédiga et Lam. Les
bénéficiaires étaient les producteurs de coton qui
auraient enregistré une bonne récolte l'année
précédente. Le matériel était composé de
boeufs de trait, de multiculteurs, de charrue... L'année 2006 a
été marquée par l'introduction du coton biologique (coton
bio) par l'UNPCB, et du soja par un projet dénommé "projet soja"
financé par l'Union Européenne. Le coton biologique
nécessite des successions culturales sans intrants chimiques dans
lesquelles les rendements ne sont pas forcément bons, alors que le soja,
qui est une légumineuse, s'insert bien dans les rotations en ce sens
qu'il enrichit le sol en azote.
En 2009, le coton biologique est retiré de la zone au
profit du encore coton OGM. En effet, la zone de Koumbili faisant partie de la
région ayant été retenue comme site de production de la
semence de coton OGM, il était alors judicieux d'éviter tous
risques de contamination avec le coton biologique. Il est à noter que
certains agriculteurs appuyés par l'Union Provinciale des Producteurs de
Semence du Nahouri ont obtenu à crédit des tracteurs. Le
crédit sera remboursé grâce aux revenus de la production de
semence, et/ou de la culture du coton mais aussi et surtout en faisant de la
prestation de service.
A ce jour, la maitrise de la santé animale reste un
obstacle majeur au développement des productions animales. Les maladies
fréquemment rencontrées sont : la trypanosomiase, la
pasteurellose, le charbon symptomatique et la péripneumonie contagieuse
bovine. Certaines causes de ces maladies seraient les eaux sales de pluies. En
effet, les producteurs utilisent des produits (herbicides, insecticides) pour
lesquels, selon l'agent vétérinaire, la rémanence n'est
pas forcément contrôlée. Après une pluie, ces
produits intoxiquent les eaux (boulis, marigots et bas-fonds) qui constituent
les lieux d'abreuvements des animaux. A cela s'ajoute la maladie de Newcastle
qui décime les volailles. Les Sous Produits Agro-industriels (SPAT) sont
de plus en plus intégrés dans l'alimentation du bétail ces
dernières années.
33
Selon le type d'équipement, le mode de mise en valeur et
le type de cultures, on rencontre en 2009 les types d'exploitations suivant
:
- Manuel, friches courtes, abattis-brûlis, avec ou sans
culture commerciale,
- Traction animale (bovine et asine), friches courtes,
abattis-brûlis, avec ou sans culture commerciale,
- Traction animale, culture continue, culture commerciale,
- Traction motorisée, culture continue, culture
commerciale,
- Traction animale, parc et prairie (éleveur peulh)
(Figure 11).
Nord ouest Kabayaro Sapiou Koumbili centre
Est
Hauteur
Distance
Figure 11 : Les zones d'activité agricole en 2009.
1.3.2.7.2 La forte pression foncière et le
déclenchement de la culture continue
La période de 2003 à 2009 a connu de fortes
immigrations qui seraient les conséquences simultanées de la
translation des isohyètes (figure 2), (qui font que les terres plus au
nord du pays sont de moins en moins arrosées) et de la crise ivoirienne
qui a provoqué le retour au pays de nombreux Burkinabé. Certains
immigrés seront installés par le chef de Koumbili sur des friches
encore disponibles. D'autres, par contre, recevrons une partie des terres de
leurs proches anciennement installés. Ainsi, les terres cultivables se
raréfient et les friches disparaissent progressivement et avec elles la
technique de l'abattis-brûlis pour faire place à une agriculture
en continue. Cette situation est surtout remarquable chez les
immigrés.
En 2004, les premiers peulh se sédentarisent et sont
installés dans la zone pastorale. Les forages de Kabayaro et de Lam sont
installés. En 2008, suite à la pression foncière, les
familles autochtones du
34
village s'approprient les derniers lopins de terre. Deux
forages sont implantés au centre de Koumbili (un dans le quartier
kasséna et l'autre dans le quartier mossi) grâce à un
financement de l'UEMOA.
1.3.3 Un processus nouveau d'accès à la
terre 1.3.3.1 Mode traditionnel
Actuellement, il y a eu de grands changements et selon que
l'on soit autochtone ou étranger le processus d'accès à la
terre est différent. Les autochtones défrichaient la parcelle
qu'ils voulaient avant d'aller voir le chef de terre pour le sacrifice. Ils
donnaient aussi du tô et du dolo. Les étrangers, eux avaient
généralement leurs parcelles qui étaient
délimitée par le chef après le sacrifice. Ils donnaient
aussi du dolo, du tabac et parfois de l'argent (somme symbolique).
Le rituel consiste à sacrifier deux ou trois poulets
(quatre pour une femme sans mari). S'ils tombaient sur le dos, la terre vous
acceptait et on vous la prêtait. Sinon il fallait vous associer à
un proche qui avait déjà des terres. La superficie
attribuée dépendait de la taille de la famille, et ne pouvait
être agrandie plus tard, théoriquement.
En échange, toute personne bénéficiant
d'une terre devait ramener au chef du village, après chaque campagne
agricole, trois plats de céréales et la somme de 2 000 f CFA pour
ceux qui cultivaient du coton. Depuis 2008, les attributions de terres se font
selon le mode individuel.
1.3.3.2 Mode individuel
Le mode individuel d'accès à la terre donne le
droit d'exploitation à toute personne d'une famille autochtone ou non
suivant les termes d'un contrat local établi entre le
propriétaire de la terre et le demandeur généralement sous
forme de prêt selon lequel le propriétaire peut reprendre sa terre
à tout moment. Les terres ainsi attribuées peuvent être
retirées par un membre quelconque du lignage donateur. Les sacrifices
restent du ressort du lignage donateur. Contrairement à l'ancien mode de
gestion du foncier, la terre aujourd'hui peut être vendue et de ce fait
certaines restrictions sont levées.
|