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De la nécessité de l'amendement de l'article 1er du statut de Rome

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par Jespere IMEMBE KOYORONWA
Université libre de Kinshasa - Licence en droit 2009
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

Le traité de Rome portant statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998 dispose en son article premier: je cite "il est crée une Cour Pénale (la Cour) en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent statut. Elle est COMPLEMENTAIRE des juridictions pénales nationales. Sa compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent statut".

Cette affirmation, selon laquelle la Cour est COMPLEMENTAIRE des juridictions pénales nationales mérite d'être analysée en détail, afin d'asseoir ou non l'évidence de cette assertion au regard de la réalité judiciaire.

En effet, dans la pratique, bon nombre des juristes évoquent le caractère de la complémentarité de la C.P.I. en lieu et place de la subsidiarité, et vice versa, laissant penser que ces notions s'équivalent.

L'étude sous examen se propose de clarifier ces notions et pour ce faire, elle abordera tour à tour l'aspect de la complémentarité (I) ; et celui de la subsidiarité de la cour pénale internationale(II) ; et enfin dégagera la conclusion qui s'impose (III).

I. L'ANALYSE DE LA NOTION DE COMPLEMENTARITE

A. NOTIONS

La "Complémentarité" est un nom féminin. Son invention remonte au XXème Siècle. Elle dérive d'un autre concept "complémentaire" avec le substantivant -ITE. Il signifie le caractère de ce qui est complémentaire, c'est-à-dire la caractéristique qui lie deux biens économiques. C'est le fait de l'utilisation d'une unité de l'un entrainant ipso-facto l'utilisation d'une certaine quantité de l'autre1(*). On peut par exemple relever  la complémentarité entre un hôpital public et une clinique privée.

En physique, la complémentarité désigne la coexistence des interprétations corpusculaire et ondulatoire de la matière.

Par extension, elle s'emploie dans d'autres domaines où le même objet apparaît sous des aspects différents selon la méthode utilisée pour son étude2(*) ; l'adjectif   "complémentaire" par contre, vient du verbe transitif "compléter", il a  comme explication, ce qui vient s'ajouter à d'autres choses de même nature pour les compléter. Exemples : des informations complémentaires ; des choses, de personnes qui se complètent l'une l'autre ; ce sont des industries complémentaires.

Sur le plan économique, cet adjectif se dit des biens caractérisés par la complémentarité. En mathématique, il s'entend de deux objets mathématiques tels que l'un est complémentaire de l'autre.

Enfin sur le plan optique, il se conçoit comme une couleur qui, par mélange en proportion convenable avec une autre, donne un stimulus achromatique. (Ainsi le jaune, couleur primaire, et violet, couleur binaire, sont complémentaires).3(*)

"Compléter" enfin, est un verbe transitif qui signifie rendre complet, ajouter ce qu'il manque.

Il a comme synonymes, accompagner, achever, additionner, adjoindre, enrichir,  ajouter, améliorer, combler.

B. ANALYSE JURIDIQUE

La notion de la complémentarité est complexe, elle s'emploie tantôt dans le domaine de droit, tantôt dans d'autres disciplines, lorsqu'un même objet apparaît sous des aspects différents, comme nous l'avons relevé en sus, selon la méthode utilisée pour son étude4(*) ou sa réalisation.

En droit, la complémentarité se précise par le renvoie express et le renvoie indirect, et par la dépendance implicite.

Il y a complémentarité lorsque dans une loi, certains de ses dispositions renvoient pour le règlement d'une situation, expressément à une autre loi. Pris d'une manière générale, la loi de renvoie ainsi que celle à laquelle le renvoie est réalisé, forme bloc, c'est-à-dire, se complètent, et forment une totalité. Il en est de même des renvoies au niveau des juridictions quelques que soient par ailleurs leur nombre, et leur importance. Ces lois principales qui imposent le renvoie ne sont pas complètes et ne suffisent pas à elles-mêmes. Ainsi, la conjonction de la loi de renvoie et celle à laquelle on renvoie fondent la complémentarité juridique.

La complémentarité juridique procède le plus souvent par renvoie grâce à des techniques bien identifiées. Il s'agit de :

1° La technique de renvoie formel.

Cette technique veut qu'une loi commande expressément par une de ses dispositions le renvoie. Autrement dit que le renvoie doit être formellement exprimé dans le corpus de la loi principale.

A titre d'exemple, nous retiendrons que le code civil du Québec en ses articles 517et 2714 comportent en leur sein, des clauses de renvoie à des lois fédérales. Par contre, le code civil congolais, jugé complet, se suffirait à lui-même et n'exige pas d'être complété.

2° Technique du renvoie indirect.

Le renvoie indirect se réalise par interprétation, par la compréhension, par nécessité. Elle ne relève pas de l'expression expresse du législateur. On y recourt lorsqu'on recherche la clarté. La loi principale dans dispositions contenant moins de clarté, et la loi spéciale qui les éclairent étant de même nature forment un seul corpus juridique et deviennent par nécessité des lois complémentaires. Au canada, à titre principal, l'on se réfère à la Common Law, où le droit civil est rendu applicable, non par une disposition législative expresse, mais, par l'effet même d'une règle de Common Law.

3° Technique de la dépendance implicite.

Dans cette technique, la loi ne fournit pas à elle seule, toutes les indications nécessaires à son application pour pouvoir la compléter. On recourt dans ce cas à des concepts et à des règles qui sont extérieures à la loi elle-même. La technique de dépendance implicite s'applique aussi bien aux règles de droit public que privé. Cette technique concourt par des dispositions expresses, à la détermination de ce qui constitue le droit supplétif. Ces dispositions sont presque toutes placées dans une relation de dépendance implicite par rapport à un autre droit, à une autre loi.

II. EXAMEN DES ELEMENTS DE LA NOTION DE SUBSIDIARITE

A. NOTION

Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d'elle-même. Le principe de la subsidiarité va de pair avec le principe de suppléance, qui veut que quand les problèmes excèdent les capacités d'une petite entité, l'échelon supérieur a alors le devoir de la soutenir, dans les limites du principe de subsidiarité.

C'est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé, ce qui peut l'être avec plus d'efficacité à une échelle plus faible, c'est-à-dire, la recherche du niveau pertinent d'action publique. La signification du mot latin d'origine (subsidiarii : troupe de réserve, subsidium : réserve /recours /appuis) reflète bien ce double mouvement, à la fois de non intervention (subsidiarité) et de capacité d'intervention (suppléance).5(*)

La subsidiarité peut être :

· Descendante : délégation ou attribution de pouvoir vers un échelon plus petit, on parle alors de dévolution ou décentralisation. Concrètement, lors d'une subsidiarité descente, c'est l'échelon supérieur qui décide de qui doit connaitre quelle question.

· Ascendante : attribution de pouvoirs vers une entité plus vaste, on parle alors de fédération ou, entre  pays de supranationalité. Concrètement, lors d'une subsidiarité ascendante, c'est l'échelon inferieur qui décide qui doit connaitre quelle question.

Trouvant son origine dans la doctrine sociale de l'église catholique, la notion de subsidiarité est devenue l'un des mots d'ordre de l'union européenne. Ce principe de subsidiarité est clairement inscrit tant dans le droit que dans le discours européen. La mise en application et le contrôle de la mise en oeuvre de ce principe de subsidiarité sont en revanche des questions légitimes, mais ouvertes à ce jour.6(*)

On peut d'ailleurs considérer le philosophe Johannes Althusius comme à l'origine du principe de subsidiarité7(*). Dons son ouvrage de 1603, politica Methodice digesta et exemplis sacris et profanis illustrata, Cui in fine adjuncta est oratio panecyrica, il souligne la nécessité d'autonomie des collectivités de base, vis-à-vis des pouvoirs centraux. De foi réformée et "maïeur" d'Emden, il puisa le principe dans les délibérations du synode réformé d'Emden(1571).8(*)

Certaines expériences de l'époque moderne comme par exemple les provinces de l'union dans le sud de la France du temps des guerres de religion peuvent être qualifiées de tentative d'application du principe de subsidiarité.

B. ANALYSE JURIDIQUE DE LA SUBSIDIARITE.

Le principe de subsidiarité a été repris du droit canonique. On trouve déjà cette notion dans la pensée de Thomas d'Aquin, mais il a été formulé pour la première fois par le pape Léon XIII, dans l'encyclique Rerum novarum, première formalisation de la doctrine sociale de l'église catholique. Celle-ci avait été rendue nécessaire par les abus de la révolution industrielle et ses conséquences sur la société civile.

Ce principe, dit aussi "principe d'aide", énonce que c'est une erreur morale et de charité que de laisser faire par un niveau social trop élevé ce qui peut être fait par le niveau social le plus bas, car on le priverait de tout ce qu'il peut faire. A ce titre, et en conséquence de cela, le travail de chacun à droit au même respect quelque soit son niveau social, car il est le seul à pouvoir faire.

Le principe de subsidiarité a aussi été défendu par des penseurs socialistes comme Proudhon, des militants du mouvement coopératifs et des auteurs libéraux comme John Locke et John Stuart Mill.9(*)

Dans l'Union européenne.

Le principe de subsidiarité a été introduit dans la législation communautaire par l'article 3B du traité de Maastricht, il a pour objectif que les décisions prises dans l'Union européenne les soient au niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens.

Le principe de subsidiarité au sens européen était ainsi défini aux paraphes 1 et 2 de l'article 5 du Traité instituant la communauté européenne : "la communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisant par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire".

C'est sous la pression de länder allemands que ce principe a été inscrit au traité dans le cadre des compétences concurrentes entre l'Union européenne et les Etats membres, l'Union européenne est compétente lorsqu'il est incontestable que l'action de la communauté apparaît comme plus efficace qu'une action menée par une instance plus locale.

Ce principe se trouve désormais au paragraphe 3 de l'article 5 du traité sur l'union européenne : "en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les états membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'union".

Il ressort de cette disposition que le principe de subsidiarité ne peut être évoqué que sous les conditions suivantes :

· Il ne doit pas s'agir d'un domaine relevant de la compétence exclusive de l'union ;

· les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints d'une manière satisfaisante par les Etats membres ; et

· L'action peut être mieux réalisée, en raison de ses dimensions ou de ses effets, par une intervention de l'union.

CONCLUSION

Que dire alors de la compétence complémentaire ou subsidiaire de la C.P.I. ?

A la lumière de l'analyse luminaire que nous venons de réaliser au sujet de ces deux notions, il me semble plus responsable de militer en faveur de l'usage du concept subsidiarité, ce, pour des raisons évidentes que sont :

1° La C.P.I. n'est pas une juridiction complémentaire des juridictions nationales en ce sens qu'elle ne complète pas les actions judiciaires nationales. Que les juridictions nationales se suffisent à elles-mêmes et que leur règles ne renvoient ni formellement, ni indirectement à des règles de la C.P.I. et qu'elles dépendent non plus implicitement des règles de cette dernière, mais au contraire, c'est la C.P.I. qui renvoie et dépend des règles des juridictions nationales précisément celles qui concerne le devoir de coopérer c'est-à-dire que les Etats partis au statut de la C.P.I. s'engagent à se conformer aux demandes de coopération et d'assistance dans les enquêtes formulées par la C.P.I. et surtout que l'efficacité de la Cour dépend de la collaboration que lui prêtent les Etats. Ainsi, ne disposant pas de sa propre force de police, la C.P.I. ne pourra conduire des enquêtes en toute célérité que si les Etats partis accèdent à ses demandes de coopération judiciaire. Sur ce, on pouvait peut être parlé de la complémentarité des juridictions nationales à la C.P.I. et non le contraire.

2° La C.P.I. serait plus, une juridiction subsidiaire, c'est-à-dire une instance d'aide, de suppléance des lacunes des juridictions nationales.

En effet, l'article 17 du statut de Rome précise les circonstances dans lesquelles la C.P.I. peut ouvrir une enquête et engager des poursuites contre les auteurs présumés des crimes internationaux quand :

· l'Etat compétent n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien des poursuites ; ou

· cet Etat, en décidant de ne pas poursuivre, a fait preuve de manque de volonté ou s'est trouvé dans une situation d'incapacité. Ce manque de volonté, que le statut définit dans le corps même de l'article 17 (2), s'apprécie par l'irrégularité des procédures suivies et cela dans l'intention de soustraire une personne accusée à la vigilance de la justice. En d'autre terme, la cour va examiner si les exigences d'un procès équitable et impartial ont été respectées.

A l'opposé, l'incapacité est reprise par l'article 17 alinéa 3 en ces termes "la cour considère si un Etat est incapable, en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure"

Ainsi, en principe tant qu'une affaire fait déjà l'objet objet d'une enquête ou de poursuite par l'Etat ayant compétence ou si l'affaire a fait l'objet d'une enquête par le même Etat compétent et que celui-ci a conclu à l'inopportunité de poursuite, il y aura irrecevabilité devant la cour.

De même, si l'auteur présumé des faits a été jugé ou relaxé du chef de ces faits, l'affaire sera irrecevable en vertu du principe non bis in idem.10(*)

Ces conditions de recevabilité d'une affaire devant la C.P.I. correspondent à celles exigées par la subsidiarité à savoir :

· Il ne doit pas s'agir d'un domaine relevant de la compétence exclusive de la C.P.I. ;

· Les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints, d'une manière satisfaisante par les Etats partis au statut de Rome ;

· L'action peut être mieux réalisée, en raison de ses dimensions ou de ses effets, par une intervention de la C.P.I.

D'où, la nécessité de l'amendement de l'article 1er du statut de Rome de la C.P.I. pour une terminologie plus adéquate.

* 1 www.larousse.Fr/dictionnaires/Francais/complémentarité/17673.

* 2 Fr. wiktionary.org/wiki/complémentarité.

* 3 www.larousse.op.cit, p.17673.

* 4 Fr.wiktionary.org, Op.cit.

* 5 Chantal MILLON-DELSOL, "De l'Etat subsidiaire ingérence de l'Etat : Le principe de subsidiarité aux fondements de l'histoire européenne", Paris, PUF, 1992.

* 6 Chantal MILLON-DELSOL, Op.cit.

* 7 Jean-Sylvester MONGRENIER et Johannes ALTHUSIUS, L'Europe subsidiaire, Institut-thomas-more.org, le 25 mai 2009.

* 8 Marc LOYCKY,  "Histoire philosophique du principe de subsidiarité" commission européenne, cellule de prospective, ML (92) 64/92, le 20 janvier 1992.

* 9 Jean-Claude BOUAL et Philippe BRACHET, "La subsidiarité, principe de la démocratie délibérative et la décentralisation", 2005.

* 10 IMEMBE KOYORONWA J'espère, "La réparation devant la C.P.I", Editions Universitaires Européennes, SARRE BRUCH, 2012, p.






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius