Initiatives d'assainissement local des déchets solides urbains et persistance de l'insalubrité dans le sixième arrondissement de Cotonou ( Bénin ): jeux d'acteurs et logique d'orientation stratégique de la mairie.( Télécharger le fichier original )par Emmanuel AMOUZOUN Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Maà®trise (Bac+4) sociologie-anthropologie 2009 |
2. CLARIFICATION CONCEPTUELLEAfin d'éviter tout malentendu, il est utile de commencer d'abord par définir sous ce chapitre les concepts majeurs de ce travail. Dans cette optique, il faut entendre par assainissement, des « pratiques (qui regroupent toutes les activités de purification, d'entretien, de nettoyage de l'environnement, du cadre de vie) destinées à combattre l'ensemble des facteurs qui, dans le milieu physique de l'individu, sont susceptibles d'influer défavorablement sur son bien être physique, mental et social » (ADAMA, 2000, p.6). Lorsque ces pratiques s'inscrivent à l'échelle du quartier ou de l'arrondissement et initiées par des acteurs du milieu on parle de assainissement local. Ce dernier recouvre plusieurs secteurs, en l'occurrence celui des déchets. Par exemple, dans le sixième arrondissement de Cotonou, on observe diverses pratiques telles que la pré-collecte, la collecte, et l'élimination des déchets, comme des tentatives des acteurs sociaux qui font la ville pour assainir localement les lieux de vie. C'est le sous système de pré-collecte des déchets qui nous intéresse dans le cadre de ce travail de recherche. La pré-collecte se définie comme l'opération qui consiste à ramasser et à évacuer ou à enlever les déchets, du point de production (ménages, lieux de travail, marchés) jusqu'à un point de regroupement4(*) en vue de leur collecte (BIYONG, 1998). Au niveau du sixième arrondissement, cette opération implique plusieurs acteurs, à savoir : la Mairie de Cotonou, les ONG, la population locale et la Société de Gestion des Marchés Autonomes (SOGEMA). Selon ZOA (1995), un déchet est « tout résidu de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble que son détenteur destine à l'abandon » ( BERTOLINI cité par ZOA, 1995). Cette définition renvoie aux notions de déshérence, de bien vacant et de droit de la propriété relevant de la juridiction, en plus, elle se rapproche de la définition économique de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) selon laquelle le déchet est « quelque chose que son propriétaire ne veut plus, en un certain lieu et à un certain moment, et qui n'a plus de valeur commerciale courante ou perçue »5(*), à l'instar des produits avariés, des médicaments périmés. Dans ce contexte, la gestion de cet « objet dont la valeur économique est nulle pour son détenteur, doit être contrôlée au profit de la protection de la santé publique et de l'environnement, indépendamment de l'avis du propriétaire » (CODESRIA 2005). Il ressort de ce qui précède que, le concept de déchet ou d'ordure varie suivant le niveau de vie et de développement de chaque individu. Le déchet, dans le cadre de cette étude, doit s'entendre comme tous débris, rebus et détritus inutilisables ou ayant perdu leur valeur d'usage et d'échange pour son détenteur et par conséquent destinés par ce dernier à la "poubelle" ou tout simplement à être jeter. Ce travail de recherche couvre les déchets solides qui comprennent les déchets domestiques provenant des ménages, les déchets issus des activités des petites industries (menuiserie, soudure, couture...), des marchés et des institutions. En ville, lorsque ces rejets, dus à l'activité des hommes, quittent les ménages, les lieux de travail, les services ou encore les marchés pour se retrouver aux abords des rues, des vons, dans les caniveaux, bref au niveau de l'espace collectif urbain, ils engendrent, pour ce qui intéresse l'assainissement local, les pollutions6(*) du sol, de l'air et de l'eau avec tous les risques que cela comporte sur le plan de l'hygiène, de la vie biologique et de la protection de l'environnement. Ils sont dans ce sens qualifiés de déchets solides urbains. Constatons que l'assainissement des déchets solides urbains revêt des aspects très complexes à la fois social, culturel, économique, technique, et normatif. Selon TINI (2003), trois attentes majeures peuvent être identifiées de la part des principaux acteurs. Si pour les populations (les ménages, les services, les commerces), le souci est de se débarrasser des ordures produites quel que soit le lieu de rejet, les acteurs municipaux se préoccupent surtout de la propreté des espaces publiques dans le souci de l'esthétique urbaine et de l'hygiène publique. Tandis que les ONG tentent de participer à l'enlèvement des ordures stockées dans les ménages, les bureaux, les lieux de commerces. Il faut s'interroger ici sur les « logiques » et les « stratégies »7(*) de ces différentes catégories d'acteurs impliqués dans la gestion des déchets dans le sixième arrondissement, autrement dit, leurs diverses façons de se comporter par rapport aux déchets, et les représentations8(*) (ou conceptions) qui sous-tendent leurs comportements. La gestion de la ville en général, et celle des déchets solides urbains en l'occurrence, est donc l'objet de multiples interactions sociales auxquelles donnent lieux les logiques d'acteurs aux intérêts divergents. Surtout, dans le sixième arrondissement, qui abrite le marché Dantokpa, où l'analyse de l'insalubrité doit intégrer la logique de gestion des ordures par la Mairie au rôle des acteurs au niveau de la Société de Gestion des Marchés Autonomes (SOGEMA) dont les pratiques aussi bien que les initiatives ne peuvent être négligées dans la perspective d'une gestion décentralisée et coordonnée des déchets solides urbains. Tout ceci fait du cadre urbain du sixième arrondissement de Cotonou, un espace de négociation et de jeux9(*) entre la population locale, les Acteurs Non Gouvernementaux, la SOGEMA et la Municipalité. En définitive, derrière les déchets qui encombrent le paysage de Cotonou en général et celui du 6ème arrondissement en particulier, l'on est renvoyé aux acteurs impliqués dans la gestion des ordures dans l'espace collectif urbain et aux différents rapports de force qui les opposent ou les complètent. L'illustration suivante (Figure 1) est à cet effet la récapitulation du « système-déchet » et des acteurs impliqués :
Source : ZOA, 1995, Les ordures à Yaoundé, p.71. Modifié par nous-mêmes. Figure 1 : Graphique illustrant le système des déchets de Cotonou * 4 Les points de regroupement assurent l'interface entre les activités de pré-collecte et les activités de collecte des déchets. * 5ZOA Anne-Sidonie, 1995, Les ordures à Yaoundé, p.19. * 6Dans le sens de l' « altération du milieu naturel par des éléments nuisibles à son utilisation ou aux êtres vivants » (COSTE et LOUDET, 1991, P.224). * 7 Le concept de logique ou de stratégie sera utilisé dans la perspective de de SARDAN qui emploie indistinctement les concepts de stratégie et de logique au sujet du fait que : « Autour d'un dispositif de développement quelconque se confrontent de multiples logiques et stratégies du côté des agents du dispositif comme du côté des populations dites « cibles »...Dans tous les cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources, opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses interactions avec son environnement, des comportements variés contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à des options individuelles mais aussi à des intérêts différents, à des normes d'évaluation différentes à des positions « objectives » différentes... Il va s'agir de repérer autour des interactions entre un projet et une population, un certain nombre de niveau de cohérences permettant de rendre compte de l'existence de types de comportements apparentés (et de différences entre ces types) que j'appelle ici « logiques » ou « stratégies ». ... On distinguera donc des « logiques stratégiques » : comportements des acteurs face au dispositif ; et des « logiques représentationnelles » : conceptions que les acteurs ont par rapport aux dispositifs » (de SARDAN, 1995, pp.125-126). * 8 Selon de SARDAN, c'est le sens commun, la perception normale (socialement construite) de la réalité quotidienne, du « ce qui va de soi » depuis les codes implicites et latents jusqu'aux normes plus conscientes. En particulier, ce sont les diverses conceptions des acteurs autour de la gestion des déchets solides urbains. * 9 Le concept de jeu est utilisé ici dans la perspective d'Olivier de SARDAN. Pour l'auteur le jeu est un espace où se confrontent et s'affrontent les acteurs sociaux. C'est un espace stratégique de prise de position. Chaque acteur joue avec des cartes différentes et des règles différentes. Jeu et enjeu impliquent des rapports de force, des conflits de coopération entre acteurs ou groupes sociaux impliqués dans la gestion des déchets solides urbains. |
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