Conflit tribalo ethnique dans les pays des grands lacs et son impact sur le développement de la RDC. Cas de la province du Sud- Kivu( Télécharger le fichier original )par Shadrack BAGUMA KAJANGU Université de Lubumbashi - Licence 2011 |
§5. Vie politiqueTraditionnellement, la population rwandaise était structurée en une vingtaine de clans composés d'éleveurs, les tutsi, d'agriculteurs, les hutu, et d'artisans, les Twa Le clan était la référence identitaire de chaque Rwandais. Chaque clan avait un chef, le Mwami issu d'un lignage patriarcal, qui était Hutu ou Tutsi. Un des clans, dirigé par un lignage Tutsi, dominait le Rwanda et son Mwami était considéré comme le roi du Rwanda. Les populations parlaient la même langue. Kinyarwanda se mariaient entre elles, partageaient la même religion et pouvaient passer d'un groupe socioprofessionnel (Hutu ou Tutsi) à l'autre. On ne peut donc pas parler d'ethnies différentes au Rwanda selon la définition académique de l'ethnie. Ce système féodal était basé sur la possession de troupeaux ou de terres. Cette structure était concrétisée par un chef du bétail et un chef des terres. Elle comportait aussi un chef militaire À leur arrivée, les colonisateurs allemands, puis belges cherchèrent à comprendre cette société mobile et complexe qui ne correspondait pas aux critères européens. Ils classèrent les populations en fonction de leurs activités, de leur physique, etc. Ils furent très impressionnés par la monarchie rwandaise, et considérèrent cette catégorie, les Tutsi, comme une « race » supérieure, assimilant aussi tous les Tutsi à ceux de la cour royale45(*). Selon les colonisateurs, les Tutsi sont plus grands, plus clairs de peau, plus beaux, ce qui les rendrait plus aptes à diriger. Les colons vont donc s'appuyer sur les Tutsi pour mettre en place leur administration coloniale, ne respectant pas les Mwami des clans dirigés par des Hutu. Il se créa ainsi une différenciation raciale artificielle issue du regard du colonisateur. Cette distinction, au départ socioprofessionnelle et politique entre Hutu et Tutsi, devint raciale et politique dans l'organisation coloniale de la société. L'accès aux avantages, à l'enseignement, aux postes administratifs fut réservé prioritairement aux Tutsi. Peu à peu, les différenciations basées sur de prétendues analyses raciales rationnelles furent intégrées par les populations. Les termes de « Hutu » (roturier) et de « Tutsi » (noblesse) furent alors considérés comme référence identitaire essentielle par les Rwandais, et entraînèrent une différenciation antagonique de la société entre ces deux groupes. Le terme « ethnie » n'ayant pas d'équivalent dans la langue rwandaise, l'administration coloniale utilisa à sa place le terme « ubwoko », qui désigne le clan Selon l'histoire enseignée durant la colonisation, les Hutu majoritaires étaient des fermiers d'origine bantoue. Les Tutsi étaient un peuple pastoral qui serait arrivé dans la région au xv eme siècle représentants des premiers colons de la région et issus des pygmées. Ces théories sont désormais fortement remises en cause et l'on tend aujourd'hui à considérer que les colonisateurs belges des années 1920, négligeant les références claniques, ont interprété de façon ethnique la structure socioprofessionnelle de la population, sous l'influence aussi de l'organisation héritée des colonisateurs précédents, les Allemands, et ont ainsi appliqué une politique formellement appuyée par la société des nations qui avait confié à la Belgique la tutelle du Ruanda-Urundi. Ainsi s'installa une légende sans réel fondement née là où s'arrêtait la mémoire orale de la culture rwandaise et sans qu'aucune recherche archéologique ou linguistique soit venue l'étayer. Les Tutsi, érigés par le colonisateur encastre » dominante, furent de plus en plus dénoncés par la majorité hutu à partir des années cinquante. Dans un texte publié le24 mars 1957, le manifeste des bahutu, neuf intellectuels Hutu cristallisèrent cet antagonisme. Puis, en1959, la revendication d'indépendance des Tutsi incita les Belges à renverser leur alliance au profit des Hutu, ce qui entraîna la chute de la royauté tutsi et la prise du pouvoir par les Hutu au sein d'une république ethnique. Il s'ensuivit une vague d'émeutes et de pogroms qui entraîna en exil des milliers de Tutsi La première République se met alors en place et Grégoire kayibanda , un Hutu, accède à la présidence de la République en 1961. Le nouveau régime affronte des attaques des exilés tutsi, qui sont le prétexte de violentes répressions sur les Tutsi de l'intérieur, notamment en décembre 1963 où plusieurs milliers de Tutsi sont massacrés. Pour maintenir l'unité politique Grégoire kayibanda instrumentalise les massacres de masse dont furent victimes les Hutu du Burundi en 1972, il justifie la crainte d'une menace des Tutsi rwandais. Les Tutsi, élèves et professeurs, sont systématiquement expulsés de l'enseignement, quelques-uns massacrés dans les établissements scolaires. Ces événements provoquent une nouvelle vague d'exode des Tutsi. Exploitant ces événements, Juvénal Habyarimana renverse immédiatement Grégoire kayibanda en juillet 1973, puis fonde un parti en 1975lemouvement révolutionnaire pour le développement (MRND). La même année, le président français Giscard d'Estaing signe un Accord particulier d'Assistance Militaire avec le gouvernement rwandais. Entre 1987 et 1994, des livraisons régulières d'équipement militaire vers le Rwanda seront effectuées par la France. En, Habyarimana change la constitution et fait adopter un régime à parti unique, le MRND, dont tous les Rwandais sont membres d'office. Les exilés tutsi s'organisent en Ouganda et créent le front patriotique du Rwanda (FPR) en1987. Le 1 er octobre, venant de l'Ouganda, le FPR entre en force au nord du Rwanda. La France dès le 4 octobre 1990, le Zaïre et la Belgique interviennent brièvement pour aider à évacuer des occidentaux. Huit à dix mille Tutsi sont emprisonnés en octobre 1990. En désaccord avec cette politique, la Belgique rapatriera alors ses troupes du Rwanda. Le soutien militaire français sera maintenu sous la dénomination opération Noroit jusqu'à la mise en place des troupes de l'ONU (MINUAR commandée par le général dallaire) en décembre 1993. Le ministre de la coopération Robert Galley témoignera que l'armée française a bien été utilisée afin de stopper l'avancée du FPR. Le nombre officiel de militaires français participant à Noroît atteindra 688 personnes. Le 15 octobre 1990, l'ambassadeur de France au Rwanda, Georges Martres, adresse un télégramme au chef d'état-major particulier du président Mitterrand, dans lequel il mentionne le risque d'un génocide contre les Tutsi. Malgré cet avertissement, le gouvernement français va continuer d'aider le régime d'Habyarimana. Divers groupes tutsi sont exécutés par des « extrémistes » hutu. L'armée rwandaise massacre 1000 Bahimas (apparentés aux Tutsi) à Mutara, et environ un millier de Bagogwe (apparentés aux Tutsi) au nord-ouest du Rwanda, dont 348 Tutsi dans la région de Kibilira. Depuis ses bases arrière établies en Ouganda et avec l'appui en matériel détourné de l'armée ougandaise, le FPR établira progressivement une tête de pont au nord du Rwanda où des combats se poursuivront jusqu'en 1994. Ceux-ci sont la cause d'importants déplacements vers la capitale de la population hutu qui fuit les combats et des exactions attribuées au FPR dans la zone toujours plus vaste qu'il occupe dans le nord du pays., À la suite du discours de Degaule et de François Mitterrand, Juvénal Habyarimana fait changer la Constitution en 1991 pour revenir au multipartisme. Sous la pression de la communauté internationale, les accords successifs d'Arusha, négociés en Tanzanie avec le FPR et clôturés en août1993, prévoient, après un cessez-le-feu, l'organisation du retour des exilés tutsi et l'intégration politique et militaire des différentes composantes internes et externes de la nation rwandaise. La minuar, mission de paix de l'ONU, sera mise en place en décembre 1993 pour aider à la concrétisation de ces accords. Parallèlement l'entourage de Juvénal Habyarimana et de son épouse Agathe, qui contrôle aussi l'armée et l'économie du pays, créent en 1992 la coalition pour la Défense de la République (CDR), les milices Interahamwe et la radio des milles (RTLM) qui seront les principaux organes du génocide de 1994 et s'auto qualifieront de hutu power .Les médias gouvernementaux rwandais joueront un rôle significatif de propagande anti-Tutsi avant et durant le génocide. Ainsi, la RTLM appelle au meurtre des Tutsi dès 1992. L'ambassadeur belge Johan Swinnen a rapporté à Bruxelles que la RTLM diffuse ces appels à l'extermination des Tutsi. Le journal rwandais kangura , un autre organe des « médias de la haine », publie le 10 décembre 1990 les « Dix commandements du Hutu », texte raciste qui appelle à la haine anti-Tutsi. Au cours de la période 1990-1993, des assassinats politiquesles massacres de certaines populations tutsies par les forces gouvernementales seront considérés par une commission d'enquête internationale conduite en 1993 comme des prémices d'un génocide. Le soir du6 avril 1994, les présidents rwandais et burundais, le chef d'état-major rwandais et une dizaine d'autres personnalités, meurent, avec l'équipage de trois français, dans un attentat visant l'avion présidentiel rwandais. Dès le lendemain, le premier ministre, Madame, et d'autres Agathe Uwilingiyimana personnalités politiques hutu démocrates, dix militaires belges de la Mission des nations unies (minuar) sont assassinés par la garde présidentielle rwandaise. Simultanément débute le génocide des Tutsi dans plusieurs provinces du pays. La mort du président Habyarimana est donc considérée comme le fait initial du génocide Rwandais. Le gouvernement intermédiaire Rwandais constitué quelques jours plus tard, conduit le génocide à l'intérieur du pays et la guerre contre l'armée du Front Patriotique rwandais FPR en sigle constitué essentiellement par des exilés Tutsi. Des Rwandais sont aussi victimes de cette guerre civile entre les FPR gouvernementales et l'APR. Enfin, des Hutus, exécutés sans jugement comme génocidaires, et parfois leurs familles, sont victimes de représailles de soldats du FPR. Le gouvernement intérimaire est dirigé par l'ex-premier ministre JEAN KAMBANDA, qui plaida coupable devant le tribunal pénal pour le Rwanda et fut condamné en 1998 à la prison à vie pour crime de génocide, entente en vue de commettre le génocide et crime contre l'humanité. Le « cerveau » du génocide, selon le procureur du TPIR et de nombreux observateurs, serait le colonel Théoneste Bagosora , condamné à la prison à vie en 2008, membre de l'Akazu, « petit-maison » en Kinyarwanda gravitant autour de la famille Habyarimana, désignant ainsi le noyau dur qui, selon de nombreux témoins Rwandais, ont inspiré ce génocide. Au moins 800 000 Tutsi et Hutu démocrates ont été massacrés selon l'ONU, plus d'un million selon les autorités rwandaises et plus encore selon certains auteurs, qui font remarquer que la déclaration d'état-civil à la naissance n'était pas obligatoire au Rwanda. Ce génocide fut l'un des quatre génocides du XX e siècle reconnus par les institutions internationales. Polémique sur un « double génocide » Comme les autres génocides (shoah, génocide des arméniens, etc.), le génocide des Tutsi est l'objet d'un négationnisme. Celui-ci conteste d'une part l'existence même du génocide et d'autre part celle de complicités lors des événements. En outre, certains acteurs de ce négationnisme s'appuient sur la théorie du « double génocide », qui tend à mettre en balance les victimes Tutsi du génocide et les victimes Hutu de la guerre et des représailles de l'après génocide. L'ONU, l'OUA et les parlements rwandais, belge et français, sont sans équivoque dans leurs rapports sur les événements du Rwanda de 1994 : il y a eu au Rwanda un et un seul génocide, celui des Rwandais qui avaient une carte d'identité portant la mention « Tutsi ». Les décisions du Tribunal pénal international ont confirmé le génocide des Tutsi au plan juridique. Le 4 juillet, le FPR prend la capitale, Kigali. Le 19 juillet, un gouvernement est constitué sur la base désaccord d'Arusha. Une période de transition politique est décrétée. Pasteur BIZIMUNGU devient président de la République, mais l'homme fort du Rwanda est le général major PAUL KAGAME, vice-président et ministre de la défense, cofondateur du FPR, ancien exilé tutsi en Ouganda. Le tribunal pénal international pour le Rwanda est constitué par l'ONU fin 1994. En Belgique, les tribunaux, se fondant sur la loi dite "de compétence universelle", ont également ouvert des dossiers contre des génocidaires. Pasteur Bizimungu démissionne en 2000. Paul Kagamé est élu président de la République par l'Assemblée nationale. Le Rwanda doit faire face à un besoin de justice qui engorge les tribunaux et amène à la réhabilitation de la justice traditionnelleGacaca. En2002, l'ancien président de la République Pasteur Bizimungu, est arrêté et mis en prison, le mouvement Démocratique Républicain est dissous par les députés. Le Rwanda depuis les élections de 2003 a développé une politique extérieure audacieuse envoie des casques bleus rwandais au Darfour. Un Rwandais occupe des responsabilités au sein de l'Union africaine. En République démocratique du Congo, le problème des FDLR est pris au sérieux par la Communauté internationale. Le ministre de l'économie du Rwanda devient Président de la Banque africaine de Développement en 2005. Le Rwanda fait partie des pays qui bénéficient d'une importante remise de dette en juillet 2005 par le G8. Le Rwanda bénéficie incontestablement d'un courant favorable au sein de la diplomatie internationale qui est sans doute dû à la pugnacité diplomatique convaincante de ses dirigeants. Les Gachachu entrent dans leur phase opérationnelle en janvier 2005. Petit à petit, des Rwandais se rendent compte qu'ils doivent craindre cette justice populaire réorganisée et six mille d'entre eux s'enfuient au Burundi d'où ils sont renvoyés au Rwanda, en ayant vainement tenté d'apitoyer la communauté internationale et les ONG sur leur sort. Fin novembre 2006, le juge français anti-terroriste Jean-Louis Bruguière lance des mandats d'arrêt internationaux contre 9 proches du président Kagamé qu'il soupçonne d'être impliqué dans la destruction de l'avion présidentiel en 1994. Ce juge étant chargé du dossier concernant la mort de l'équipage français qui pilotait l'appareil. En riposte, le gouvernement rwandais rompt ses relations diplomatiques avec la France, expulse Dominique Decherf l'ambassadeur de France à Kigali, ainsi que l'ensemble du personnel diplomatique et 25 000 personnes manifestent contre le gouvernement français dans la capitale africaine. Le 6 avril 2007 l'ancien président de la République Pasteur Bizimungu est gracié par Paul Kagamé et sort de prison. Le 29 novembre 2009, suite à une rencontre à Kigali entre le secrétaire général de la présidence française, Claude Guéant, et le président de la République rwandaise, Paul Kagamé, les deux pays décident de renouer les relations diplomatiques rompues depuis trois ans. Cet évènement fait suite à une amélioration progressive de la situation, avec une accélération depuis la mi-novembre 2009, lorsque deux juges français s'étaient rendus au Rwanda pour enquêter sur le cas de personnes soupçonnées d'être responsables du génocide réfugiés en France (il s'agit notamment des cas de Wenceslas Munyeshyaka et de Laurent Bucyibaruta, mais aussi du cas de la veuve de l'ancien président, Agathe Habyarimana) Hasard ou non, ce renouement des relations entre la France et le Rwanda intervient quelques heures seulement après l'accession du Rwanda au sein ducommon wealth, alors que, depuis la tutelle belge, le Rwanda appartenait aux nations francophones * 45ALAIN VERHAAGEN, « Le génocide des tutsi au Rwanda : une câblante prévisibilité », in Rwanda 10 après du déni des droits à l'engagement citoyen , Bruxelles, édition communauté Wallonie, 2004, pp14-30. |
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