L'influence de l'aspect culturel dans les stratégies de marketing sportif : un exemple avec deux clubs de hockey sur glace, les Canadiens de Montréal et les Phénix de Reims( Télécharger le fichier original )par Clément Bretéché Université Lille 2 - Master 1 Management et Gestion du Sport 2012 |
I. L'histoire du hockeyComme l'a mentionné Donald Guay, historien du sport, dans son ouvrage L'histoire du hockey au Québec : origine et développement d'un phénomène culturel9, de nombreux auteurs ont écrit sur les origines du hockey, cependant, aucune histoire ne fait l'unanimité. En effet, seules quatre hypothèses peuvent être réellement prises en compte, ainsi, on peut se demander si le hockey est né au pays des Hurons au début du XVIIème siècle, à Montréal en 1837, à Kingston en 1855 ou à Montréal dans les années 1870. De plus, il est établi que le hockey sur glace est inspiré des jeux traditionnels britanniques et irlandais comme le bandy10 et le field hockey11 qui se jouent avec une crosse et une balle, respectivement sur la glace et sur l'herbe. Donald Guay a d'ailleurs écrit : « Il y a de toute évidence continuité culturelle entre les jeux traditionnels britanniques et la naissance du hockey sur glace. Les Anglo-Canadiens (Anglais, Ecossais, Irlandais) appuient donc leur pratique du hockey sur glace sur des éléments de la culture première, au sens où l'entend le sociologue Fernand Dumont, c'est-à-dire faisant partie de leur vécu collectif traditionnel comme ethnie ». 1.1 Le hockey à MontréalAu milieu du XIXème siècle, la ville Montréalaise fut à l'initiative du développement de beaucoup de sports d'hiver comme le patinage artistique, le curling, la raquette et le hockey sur glace. En ce qui concerne le hockey sur glace, Montréal en est le véritable berceau comme l'a indiqué la Society for International Hockey Research12, Montréal est donc la ville à l'origine du hockey sur glace tel qu'on le connait aujourd'hui ; c'est d'ici que les premières règles officielles du hockey sont originaires, celles-ci furent publiées en 1877 dans le journal Montreal Gazette13. La plus grande ville québécoise fut aussi le lieu d'accueil de plusieurs évènements marquants du hockey sur glace. Ainsi, le premier match eut lieu le 3 mars 1875 à la patinoire Victoria où s'affrontèrent deux équipes de neuf joueurs composées de l'élite montréalaise qui a étudié ou qui aura étudié à l'université McGill. Les membres de cette université faisaient donc figure de représentation de la classe bourgeoise anglo-protestante puisque le jeu étant alors amateur, il fallait 9 Guay, Donald, L'histoire du hockey au Québec : origine et développement d'un phénomène culturel, Chicoutimi, Les Editions JCL INC, 1990, 293p. 10 Sport collectif qui se pratique sur des terrains de football gelés ; ancêtre du hockey sur glace. 11 Hockey sur gazon. 12 The origins of hockey, http://www.sihrhockey.org, Société internationale de recherche sur le hockey. 13 Hockey On Ice, The Gazette, 27 février 1877, p. 4. 8 aux joueurs beaucoup de temps et d'argents pour jouer au hockey, caractéristiques des étudiants montréalais des classes supérieures. Le premier club de hockey fut le McGill University Hockey Club et fut créé en 1879, celui-ci remporta d'ailleurs le premier championnat canadien connu sous de le nom de la Coupe de hockey du carnaval d'hiver de Montréal en 1883. La patinoire Victoria qui fut créée en 1962 est aussi connue pour avoir été le premier bâtiment public électrifié du Canada ainsi que pour avoir accueilli le premier match à avoir profité de la diffusion électronique d'un évènement de sports dans le monde. Depuis son origine, le hockey montréalais a connu de nombreux évènements marquants avec un bon nombre d'équipes différentes ; c'est ainsi que la ville de Montréal a remporté quarante-deux fois la Coupe Stanley qui est le trophée ultime du hockey sur glace nord-américain. Six équipes se sont partagées l'histoire du hockey montréalais depuis son origine :
Le hockey à Montréal est bien plus qu'un simple sport ; il suffit de voir l'engouement dans la métropole montréalaise chaque jour de match pour prendre conscience de l'importance de ce sport. D'ailleurs, un reportage intitulé Le Palet des Glaces de l'émission Intérieur Sport, diffusé le 26 janvier 2013 sur la chaîne de télévision française Canal + permet de comprendre ce que représentent les Canadiens de Montréal pour les populations québécoise et montréalaise. Voici un extrait de ce reportage entre un journaliste et M. Brian Gionta, joueur évoluant en Ligue Nationale de Hockey depuis 2001 et capitaine des Canadiens de Montréal depuis 2010, qui démontre la passion du hockey qu'éprouvent les québécois : Journaliste : « Etes-vous surpris de voir que vos fans ont fait la queue dès 7h00 du matin pour un simple match d'entrainement ? » Brian Gionta : « Pas du tout ! C'est formidable compte tenu du lock-out (grève qui a empêché le déroulement de 34 matches de saison régulière) mais la ville est ainsi depuis toujours. C'est tout le 9 temps plein, même aux entrainements ; c'est pour cela que c'est la meilleure ville de hockey dans toute la ligue ». Comme l'a souligné M. Gionta à travers son interview, les Canadiens de Montréal sont une des plus grandes franchises que le sport nord-américain ait connu. Depuis sa création en 1909, ce club a remporté vingt-quatre fois la Coupe Stanley (trophée remis au vainqueur de la Ligue Nationale de Hockey (LNH). Cependant, la renommée de ce club n'est pas seulement due à sa réussite sportive ; les raisons de sa création ainsi que ses évolutions en font une des entités les plus célèbres du Canada. François Black, historien du sport spécialisé dans l'histoire du Canadien de Montréal est l'auteur de Evolution de l'image projetée par le Club de Hockey Canadien depuis ses origines jusqu'au mythe de la tradition glorieuse14 et Habitants et glorieux15 ; ces ouvrages permettent de déclarer que le Canadien de Montréal a été créé par John Ambrose O'Brien, un riche propriétaire minier anglophone dont la volonté était que les canadiens français aient une équipe à leur image. Ainsi, le Canadien de Montréal a été créé durant le mois de décembre 1909 avant d'être racheté par le Club Athlétique Canadien dont la majorité des actionnaires et des propriétaires étaient francophones ; à partir de ce moment, le Canadien de Montréal faisait l'unanimité au sein des canadiens francophones. De plus, selon Donald Guay, le hockey sur glace représentait à Montréal jusque vers 1890 « l'expression d'une sociabilité exclusive à la classe bourgeoise anglo-protestante »16. Cependant, lorsque l'anglophone Rocket Power fut embauché par le club montréalais, cela créa un véritable scandale et les propriétaires étaient alors accusés de trahison. Ainsi, les propos de J. W. Clément publiés dans Le Devoir de 1911 et recueillis par François Black, mettent en évidence cette colère : « L'engagement de Rocket Power. Ce qu'on en pense. M. Lecours, de connivence avec M. Kennedy, résolut de briser avec toutes nos traditions sportives, de polluer le caractère distinctif du Canadien et de créer le précédent fâcheux et mal avisé d'infiltrer du sang anglo-saxon dans ce club que nous nous enorgueillissions d'appeler `Nôtre'. Je crois que cette malencontreuse innovation est plutôt imputable à M. George Kennedy. Son délit est presque impardonnable »17. 14 Black, François. Evolution de l'image projetée par le Club de Hockey Canadien depuis ses origines jusqu'au mythe de la tradition glorieuse. Mémoire de maitrise, Université de Montréal, 1992, 101p. 15 Black, François. Habitants et glorieux. Laval, Mille-Îles, 1997. 16 Guay, Donald, L'histoire du hockey au Québec : origine et développement d'un phénomène culturel, Chicoutimi, Les Editions JCL INC, 1990, 293p. 17 Black, François. Habitants et glorieux. Laval, Mille-Îles, 1997. 10 Suite à ce scandale, une loi limitant le nombre de joueurs anglophones à deux et réservant les premiers choix de joueurs francophones au Canadien de Montréal fut écrite. A travers le temps, l'importance et la notoriété du Canadien de Montréal ne cessa de croitre au point d'être aujourd'hui beaucoup plus qu'une simple équipe de hockey pour les montréalais comme l'ont par ailleurs déclaré certaines personnalités québécoises dont Guy Carbonneau (ancien capitaine et entraineur des Canadiens de Montréal), Vincent Lecavalier (joueur québécois évoluant pour l'équipe des Tampa Bay Lightning en LNH) et Patrick Lagacé (journaliste pour le journal québécois La Presse) qui ont respectivement déclaré : « Montréal est une ville où le hockey est une religion », « C'est sûr que le hockey est une religion au Québec » et « Le Canadien, au Québec, c'est sacré. Ici, on touche au sacré. On touche à la religion »18. De plus, de nombreux auteurs et professeurs ont étudié l'existence d'une éventuelle religion du Canadien de Montréal. Parmi ceux-ci, Olivier Bauer, professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions à l'Université de Montréal, a écrit de nombreux ouvrages tels que La religion du Canadien de Montréal19 et Une théologie du Canadien de Montréal20. Cette question d'une religion du Canadien de Montréal a vu le jour suite à de nombreuses interrogations de professeurs reconnus concernant la signification des qualificatifs attribués au Canadien de Montréal ; ainsi, la devise du club « Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous de le porter bien haut » évoque un certain aspect judéo-chrétien. De nombreux journalistes ont eux aussi bien souvent mis en relation le canadien et la religion, c'est ainsi que des journalistes tels que Mario Roy, Louis Cornellier et Patrick Lagacé ont respectivement publiés Dieu au stade21, Le Canadien nous rend-il dévots22 et Le CH est une religion, amen23. Cependant, il est possible de critiquer cette notion de relation du Canadien de Montréal comme l'a fait Daniel Baril en 2009 dans Et si c'était la religion qui empruntait le hockey24 en déclarant : « Ce n'est pas le sport qui puise dans la religion - malgré l'emprunt de termes imagés du genre `Sainte- 18 Patrick Lagacé. Le vrai, le faux le sacré, disponible sur http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/200902/21/01-829732-le-vrai-le-faux-et-le-sacre.php, quotidien québécois, consulté en avril 2013. 19 Bauer, Olivier & Barreau, Jean-Marc. La religion du Canadien de Montréal. Montréal, FIDES, 2009, 192p. 20 Bauer, Olivier. Une théologie du Canadien de Montréal. Montréal, FIDES, 2001, 214p. 21 Roy, Mario. « Dieu au stade », http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/mario-roy/200810/27/01-33232-dieu-au-stade.php, quotidien québécois, consulté en mars 2013. 22 Cornelier, Louis. « Le Canadien nous rend-il dévots», http://www.ledevoir.com/culture/livres/227823/le-canadien-nous-rend-il-devots, quotidien québécois, consulté en mars 2013. 23 Lagacé, Patrick. « Le CH est une religion, amen », http://blogues.lapresse.ca/lagace/2008/10/15/le-ch-est-une-religion-amen/, quotidien québécois, consulté en mars 2013. 24 Baril Daniel, « Et si c'était la religion qui empruntait au hockey ? », in Revue humaniste du Mouvement Laïque Québécois, n°14, 2009, pp. 37-41. Lien : http://www.mlq.qc.ca/2012/06/cite-laique-no-14/, consulté en mai 2013. 11 Flanelle', `Temple de la Renommée', `Jésus Price', mais la religion qui puise dans des comportements et des valeurs exprimées entre autres dans le sport ». |
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