§1 : Le tribunal : Régulation
juridictionnelle.
Le droit d'action est expressément prévu. Le droit
au juge découle en effet de l'article 6§1 de la Convention
européenne des droits de l'Homme (« C.E.D.H. »), selon lequel
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par
la loi, qui décidera, soit des contestations sur ces droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle
». La garantie du droit à un recours juridictionnel est donc
rendue possible par le droit à être entendu par un tribunal
indépendant et impartial.
La mission du juge ne saurait s'assimiler à celle des
autorités régulatrices. Le juge n'assure pas la police des
marchés. Le juge a pour mission de mettre fin à un litige
concurrentiel et non pas celle d'organiser les règles du jeu. Ce
rôle est dévolu au Conseil de la concurrence.
Il n'est pas question de faire du magistrat un technicien de la
concurrence. Poursuivre une telle fin rendrait inutile le recours au juge :
celui-ci deviendrait un succédané d'autorité
régulatrice. De même, lorsqu'il est saisi sur recours contre les
décisions des autorités régulatrices, il doit être
capable de relever les erreurs manifestes ou les défaillances de
l'argumentation économique. Sa tâche est de vérifier que
les conditions indispensables à l'incrimination sont réunies
Le contrôle de légalité est interne
(contrôle des règles de fond) et externe (contrôle des
règles de compétence). C'est principalement le contrôle
interne qui nous intéresse. Lorsque nous invitons les juges à
être rigoureux dans la vérification que les éléments
de la qualification d'entente sont réunis, c'est à ce
contrôle que l'on fait allusion. Il semble pourtant que le contrôle
de légalité ait plus de force en droit des ententes. La
définition de l'entente est plus juridique, moins factuelle que ne l'est
celle de la position dominante. Dans cette dernière hypothèse, le
contrôle de légalité se limite souvent à un
contrôle de l'exactitude matérielle des faits.
On voit que le particularisme du droit de la concurrence dans la
définition de l'illicite est source de nombreuses perturbations. La
maîtrise de toutes les sources du droit de la concurrence et du
raisonnement inductif ainsi que la bonne intelligence par les juges des
mécanismes économiques, prendront du temps.
A- Juridictions pénales : En
application de l'article 67 de la loi 06-99 une procédure pour pratiques
anticoncurrentielles peut être engagée auprès d'une
juridiction pénale à l'encontre des personnes physiques, mais
sous certaines conditions. Des sanctions pénales ne peuvent en
être prononcées qu'à l'encontre de « toute
personne physique qui, frauduleusement, aura pris une part personnelle et
déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de
la pratique visée dans l'article 6 ». Le texte n'oblige pas
que ces participations « frauduleuses » et
« personnelles et déterminantes » soient effectives
à toutes les étapes du délit. Il suffirait qu'elles le
soient à celle de la conception, de l'organisation, ou de la mise en
oeuvre de la pratique prohibée, la rédaction de l'article 67
étant alternative.
L'action publique peut être mise en oeuvre par le premier
ministre, sur recommandation du conseil de la concurrence, qui adresse le
dossier au procureur du Roi « lorsque les faits lui paraissent de
nature à justifier l'application de l'article 67 ».
Par ailleurs, aucune disposition n'interdit au Parquet de
déclencher directement l'action publique ou à la victime de
pratiques anticoncurrentielles de se constituer de sa propre initiative partie
civile. L'action introduite sur le fondement de l'article 67 est
indépendante de celle engagée au titre de l'article 6.
B- Juridictions administratives : Le
tribunal administratif connait également des litiges concurrentiels,
mais bien avant la création des tribunaux administratifs, ces litiges
faisaient partie intégrante du contentieux administratif dont
connaissait le juge de première instance, il en est ainsi des
différents relatifs aux marchés publics, aux concessions et
relativement aux travaux publics qui illustrent cette régulation
confiée aux tribunaux administratifs.
Les attributions du tribunal administratif en rapport avec
l'activité économique comprennent les litiges relatifs aux
contrats administratifs, les actions en réparation des dommages
causés par les actes et les activités administratives, le
différent portant sur le recouvrement des créances publiques et
les recours en annulation pur excès de pouvoir contre les
décisions administratives.
C'est ce volet qui nous paraît proche du domaine de la
concurrence, il comporte l'ensemble des décisions prises par le Premier
ministre, en matière de pratiques anticoncurrentielles et de
concentration économique. Ces décisions sont susceptibles de
recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif
compétent.
C- Juridictions civiles : Les tribunaux
civils et les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître
des pratiques interdites par les articles 6 de la loi 06-99 et ordonner la
réparation des préjudices subis. Une action de
responsabilité civile fondée sur l'article 77 du DOC peut
toujours être intentée auprès de ces juridictions par celui
qui se prétend victime de pratiques anticoncurrentielles. Elle suppose
réunies les trois conditions de droit commun : l'existence d'une
faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et
le préjudice. Rappelons que les juridictions civiles sont seules
compétentes pour statuer sur le montant des dommages et
intérêts invoqué par les victimes de pratiques
anticoncurrentielles.
L'action en responsabilité civile peut être
accompagnée d'une action en nullité d'un engagement, en
application de l'article 9 de la loi 06-99, cette action ne pouvant être
introduite qu'auprès des juridictions civiles. L'article 6 de
l'ordonnance de la loi 06-99 ayant pour but de préserver le libre jeu de
la concurrence sur un marché et de sauvegarder l'intérêt
général, on peut estimer que la nullité prévue
à l'article 9 peut être invoqué par toute personne
intéressée et non par les seules victimes des pratiques
interdites.
Si pour établir la faute, les juridictions civiles
décident, en application de l'article 38 de la loi 06-99 de demander
l'avis du conseil de la concurrence sur l'application de l'article 6 de la
même loi aux faits dont elles ont été saisies, les parties
sont renvoyées pour une procédure contradictoire parallèle
devant le conseil, sauf si ce dernier dispose d'informations déjà
recueillies au cours d'une procédure antérieure. Le cours de la
prescription est suspendu par la consultation du Conseil (article 39). Dans
tous les cas, l'avis émus par le conseil dans l'affaire les concernant
leur est communiqué en même temps qu'à la juridiction.
La comparaison entre les démarches adoptées
respectivement par les juridictions civiles et par le Conseil de la concurrence
met en évidence les différences d'approche d'une même
convention entre les deux ordres d'instances
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