Conclusion
Mutuza apparaît donc comme un homme engagé dans
la vie intellectuelle, spirituelle, politique et économique de son pays.
Il juge que les problèmes philosophiques sont des problèmes de
base, qui permettent de comprendre comment se posent les autres
problèmes. Il fait figure d'épistémologue pour nombre de
ses lecteurs par sa méthode de la réévaluation des
concepts. C'est qu'il veut poser correctement les questions souvent
altérées par la maladresse qui déforme la position de tous
les problèmes humains, surtout ceux des rencontres interculturelles pour
l'identité et l'appartenance. Il est un esprit majeur qui refuse de se
contenter d'explications traditionnelles colonialement reçues ; il
se soumet à son propre jugement n'hésitant pas à se
contredire et ne veut pas céder à ses propres passions.
Dans cet itinéraire, nous avons considéré
les composantes de sa biographie non point chacune, mais toutes conjointement
dans les configurations qu'elles constituent par leur groupement. Il est
remarquable que notre auteur, qui n'est ni un philosophe ni apologète de
l'érudition réserve peu d'espace à ce genre de
débat dans son oeuvre philosophique. Quand la discussion avec les
adversaires de la philosophie africaine l'oblige à mettre l'accent sur
ce qui constitue la réalité essentielle de l'érudition, ce
n'est pas sur l'autorité des philosophes qu'il met l'accent, mais sur
les faits culturels. La philosophie n'est pas d'abord pour lui une doctrine.
Elle est un genre de vie (æùÞ)
dans l'histoire singulière, qui se manifeste par la force du
témoignage et par la transformation morale des hommes.
Nous voudrons insister au cours des pages suivantes, sur le
mécanisme, de la création, du maintien, et de la dissolution par
Mutuza de l'humanisme européen, notion à la fois permanente et
fluctuante, et sur les méthodes anthropologico-philosophiques. En
creusant le contexte historique de la vie de Mutuza, nous avons
rencontré un congolais dont la pensée entre dans une histoire
concrète. Cela nous a permis de comprendre que la pensée
philosophique nait des autres, parfois à la suite des autres,
après les autres, ou à côté des autres. La
pensée de Mutuza est de celles-là. L'auteur de De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine est
un philosophe qui cherche à identifier sa vie aux actions qu'il
mène. Il ya une triade cyclique dont le penser, le vivre et l'agir
constituent une dialectique Pensée-Vie-Action.
Son entrée en politique fit de lui un philosophe et homme politique.
L'essence génétique de sa pensée est issue de
l'expérience. De là, l'auteur de Mon expérience
d'homme politique congolais n'avait qu'un pas pour construire une
éthique et une politique de responsabilité dont l'essence est
l'intégration. Cela marque un moment décisif. Les questions
philosophiques et les préoccupations de l'auteur de Les fondements
culturels du fédéralisme sont ceux de son milieu
philosophique. Les thèmes principaux de ce milieu philosophique sont la
démocratie et la liberté, avec leurs rapports réciproques
et leurs variances. Avec la démocratie on est sur le thème de la
culture et dans le champ de la civilisation. Quant à la liberté,
c'est la question de l'humanité du Noir qui se pose. Mutuza
dégage l'essentiel de l'unicité du genre humain et la
pluralité des cultures pour banaliser le monisme culturel. Ces variances
engendrent le concept d'appartenance et ouvrent la voie vers leurs
antécédents.
L'auteur de La problématique du Mythe
Hima-Tutsi conçoit alors une philosophie de l'Etat. Cela ne lui
était possible que par la manière philosophique de cataloguer les
pouvoirs politiques. Il donne le pouvoir politique et les catégories
d'interprétation, commande les exigences politiques et ses
crédos ; puis il nous oriente, par son rationalisme, vers une
tâche philosophique préalable.
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